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    Plan détaillé Texte intégral Définir une étude formelle du jeu vidéo Strates de passé accumulées dans la ruine Réinvention du passé dans le présent Contempler le passé pour envisager le futur Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Temporalités et imaginaires du jeu

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre II. De la figuration du passé à l’expérience réflexive du temps : enjeux esthétiques de la représentation des ruines dans Guild Wars 2

    Quentin Barrois

    p. 35-50

    Texte intégral Définir une étude formelle du jeu vidéo Strates de passé accumulées dans la ruine Réinvention du passé dans le présent Contempler le passé pour envisager le futur Conclusion Bibliographie Bibliographie Ouvrages Articles Communications Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Au fond du lac sur lequel est bâtie la cité pirate de l’Arche du lion, se trouvent les vestiges d’une plus ancienne ville du même nom. Se trouvaient, devrait-on dire, car une gigantesque tour de métal s’est écrasée sur le lieu, réduisant le site en miettes. Nous sommes dans Guild Wars 2, MMORPG développé par ArenaNet et sorti en 2012. Le monde a connu trois versions de l’Arche1, mais le lac contient toujours les restes — de plus en plus dégradés — de la ville du même nom, telle qu’elle existait dans le premier jeu du studio, sorti en 2005, Guild Wars : Prophecies (renommé ainsi après la sortie de ses extensions ; nous utiliserons le nom de Prophecies pour différencier plus facilement les deux opus). Aussi artificielles que puissent être ces traces du passé, le souvenir des versions disparues semble persister dans l’image des ruines sous-marines. Ce qui n’est pas sans poser un problème. « En effet, étant donné le caractère numérique du jeu vidéo, son absence de matérialité, on peut se demander si les jeux vidéo ont la possibilité de faire expérimenter la ruine2 » : s’il est possible d’utiliser l’image de la ruine, on doit se demander si elle est réellement capable de faire surgir un passé et lequel.

    2 Pour Laurent Di Filippo, les ruines appartiennent à un « premier mode de structuration du temps […] à travers l’arrière-plan fictionnel du jeu, présenté comme une période passée, placée dans une continuité temporelle3 ». Plus qu’un cadre temporel, il nous semble que cette temporalité historique-mythique participe pleinement à l’épaisseur du monde : c’est-à-dire que nous faisons l’hypothèse que les mondes fictifs, et en particulier ceux du jeu-vidéo, ne sont pas seulement des artefacts inventés, mais des espace-temps que l’on éprouve et habite. L’analyse de Guild Wars 2 sera, pour nous, l’occasion de mettre en lumière des stratégies esthétiques permettant de faire exister un passé et, ce faisant, de transformer la diégèse en monde. Celle des opus de la saga Guild Wars se déroule sur un même continent, la Tyrie, à deux cent cinquante ans d’écart. Après le premier se sont produits des cataclysmes changeant la face du monde et poussant les peuples à chercher dans leur passé les ressources susceptibles de surmonter les épreuves du présent. Ce simple rouage narratif provoque en fait une omniprésence des discours historiques dans le jeu, avec en particulier un nombre conséquent de ruines et de renvois à Prophecies. L’analyse des ruines de Guild Wars 2 nous permettra de poser le problème de l’expérience esthétique, qui implique, dans un jeu-vidéo comme ailleurs, un rapport particulier à la temporalité. Nous allons donc d’abord exposer les outils méthodologiques, issus de la recherche formelle en cinéma, avec lesquels nous analyserons ensuite ces expériences esthétiques : c’est bien en prenant en compte cet aspect de l’expérience et en l’analysant, que l’on comprendra comment l’image des ruines permet d’extraire les joueurs des attitudes et rythmes habituels du jeu ; cela permettra ensuite de développer trois modes d’articulation passé-présent-futur dans le monde fictif, de manière sensible plutôt que logique ou technique.

    Définir une étude formelle du jeu vidéo

    3Avant de plonger dans cet écrin historique-mythique incarné dans la ruine, il convient de préciser notre méthode. Plusieurs chercheurs ont montré la difficulté de trancher le statut artistique du jeu vidéo4, ce qui n’empêche pas de s’en saisir selon une approche esthétique et formelle. Issue des études cinématographique, notre posture s’attache à se rendre sensible à la façon dont les œuvres s’expriment à même leurs formes5. Il ne s’agit pas de critique, ni d’étude de la réception, mais d’une étude des mécanismes par lesquels un film se rend expressif. En d’autres termes, nous n’effectuons pas une réduction parfaite de l’objet-film à un secret, accessible par pure analyse des formes : nous étudions plutôt l’objet-film en tant qu’on y accède par une expérience6.

    4Adapter cette posture à l’analyse du jeu vidéo nécessite, par conséquent, de s’attacher avant tout aux images que produit le jeu et de prendre en compte le fait que l’on perçoit cet objet par le biais d’une expérience, l’activité de jeu. Aussi pertinente que soit la distinction entre game et play, elle peut aussi être un obstacle à la description de certains phénomènes. En effet, en analysant le système de règles d’une part et la façon de l’animer de l’autre, on peut perdre de vue le fait que le système envisage toujours un joueur et que l’attitude ludique dépend du cadre7. On tend également à écarter l’esthétique — le décor par exemple — qui, bien que codée par les mêmes règles de possible et d’impossible que le système ludique en lui-même8, n’est souvent considéré que comme arrière-plan. Or, découvrir un jeu, c’est à la fois découvrir le système de jeu et l’organisation du monde9 : l’appréciation d’un jeu vidéo se trouve souvent à la rencontre des deux, technique et esthétique10. Il s’agit donc, pour nous, de mobiliser au mieux les outils d’analyse de l’image animée afin de mettre en lumière la manière dont des éléments formels ne prennent sens qu’en reliant le jeu à la façon dont il est joué : dans le cas qui nous intéresse, la « “ruine”, réelle ou peinte, photographique ou décrite, ne serait après tout qu’un amas de pierres s’il n’y avait un sujet pour en faire le site d’une expérience, esthétique, morale, ou philosophique11 ».

    5Pour appréhender le jeu vidéo en admettant la porosité entre game et play, il s’agit de partir d’une observation sensible de joueur et de s’en saisir avec distance. Ce n’est pas « l’appropriation ludique12 » d’un univers fictionnel par ses fans qui nous intéresse, mais la proposition faite par l’œuvre, dont nous voulons étudier les effets théoriques. Pour séparer proposition et appropriation, le travail de Rémi Cayatte est indispensable. Au-delà d’un récit-cadre prévoyant à l’avance tous les possibles d’une intrigue dont le joueur n’actualise qu’un parcours particulier13, on peut décrire une expérience-cadre, à savoir « l’ensemble des manières dont une expérience vidéoludique — que ce soit narrativement, visuellement ou sur le plan ludique — a pu être pensée et conçue en amont de son utilisation et actualisation14 ». Ce ne sont pas seulement une histoire et une manipulation qui permettent de construire un jeu, mais aussi les diverses façons par lesquelles le jeu les dévoile. Le récit vidéoludique est « fondamentalement inscrit dans un mouvement de va-et-vient entre utilisateurs et concepteurs, entre game et play15 ». Cette caractéristique est envisageable pour d’autres aspects du jeu vidéo, ce qu’assume Estelle Dalleu en affirmant que la spécificité du jeu vidéo se trouve dans l’alternance « entre un espace navigable et des nœuds de rétroaction16 » : en esthétique, tout se passe dans ce va-et-vient.

    6Ce qui nous mène enfin à la caractérisation de ce joueur théorique, de ce joueur modèle dessiné par la structure17. Pour Sébastien Genvo, la structure de jeu, en définissant le passage d’un pouvoir-faire à un devoir-faire, encourage l’attitude ludique du joueur qui transforme un vouloir-faire en savoir-faire18. Pour le dire autrement, après avoir analysé ce qu’il est possible de faire dans une structure et ce qu’elle attend de lui, le joueur peut définir ses envies d’utilisation, qu’il peut mettre à exécution par sa maîtrise des outils disponibles. Or, comme nous le verrons, l’expression esthétique du jeu tend à échapper à ce modèle, car elle n’implique aucun devoir-faire — elle n’est qu’une proposition — et ne réclame souvent qu’un minimum de savoir-faire de la part du joueur : seuls se répondent un pouvoir-faire et un vouloir-faire.

    7Dès lors, pour analyser un jeu de manière esthétique, il s’agit de s’assurer que ce que nous définissons comme une proposition du jeu — intégrée à l’expérience-cadre — est bel et bien possible à actualiser. La part du joueur se limite ici à l’idée d’un joueur-modèle qui perçoit l’invitation et qui l’accepte. Par conséquent, les analyses qui vont suivre seront toujours construites à partir d’une observation de joueur-chercheur, qui mènera à l’étude des éléments du jeu qui ont rendu possible cette expérience. Nous pouvons désormais nous aventurer dans les ruines de Guild Wars 2, en émettant l’hypothèse que, à l’instar des ruines réelles, elles tendent à mettre en place un dialogue passé-présent-futur dépassant le lieu précis de leur apparition.

    Strates de passé accumulées dans la ruine

    8Le problème de la création de ruines n’est pas nouveau, au mieux nouvellement posé par le jeu vidéo. Michel Makarius évoque la tendance, au xviiie siècle, de l’installation de ruines factices dans des jardins d’agrément : « Le propre d’une ruine n’est-il pas d’être le témoignage authentique d’un ici et maintenant révolu ? Comment une construction créée ex nihilo peut-elle prétendre dégager l’aura du passé19 ? ». À l’époque, un Thomas Whately a pu répondre que les effets de nostalgie provoqués par la ruine « n’appartiennent proprement qu’à des ruines réelles, mais des ruines artificielles peuvent aussi les produire jusqu’à un certain degré. Les impressions n’ont pas la même force, mais elles sont de même nature, et quoique la représentation ne rappelle point de fait à la mémoire, elle peut beaucoup exercer l’imagination20 ». Makarius remarque alors qu’en « dissociant imaginaire et référence historique, Whately confère aux ruines un statut d’objets conceptuels — de l’anecdote qui s’attaque à un vestige, il passe à la notion élargie des formes du temps21 ». On aurait pu trancher simplement le statut des ruines vidéoludiques en admettant qu’en tant que ruines fictives, elles pouvaient évoquer le passé diégétique22 ; mais en les considérant également comme objets conceptuels, on comprend qu’elles débordent de la simple efficacité représentative pour atteindre une puissance poétique.

    9Dans Guild Wars 2, la carte se découvre par zones et lorsqu’une zone est découverte, la carte indique notamment deux éléments : les panoramas, qui sont des objets interactifs, et les points d’intérêts, qui indiquent surtout un lieu-dit, un monument, donc quelque chose à voir. De plus, le joueur peut ouvrir la grande carte, ou observer la mini-carte qui en est la reproduction exacte sur l’écran de jeu principal. Lorsqu’une zone est découverte, l’affichage tête haute (ATH) dynamique indique les points proches de sa position — et également une zone non-découverte proche — incitant le joueur à s’y rendre. Découvrir un point permet de gagner de l’expérience et terminer l’exploration d’une région permet de remporter un trésor. Ces récompenses et le fonctionnement de l’ATH font partie de l’impératif d’action décrit par Sébastien Genvo : « il est nécessaire d’inciter le joueur à agir, sans quoi l’œuvre ne peut se développer. Il y a donc un impératif d’action et une logique d’incitation de l’utilisateur23 », ce qui semble a priori ardu à corréler avec l’expérience esthétique. Il faut noter pourtant que, bien que les thématiques de conquêtes soient hégémoniques dans le jeu vidéo, il existe d’autres logiques d’incitation24. Si l’exploration d’une région peut être utilitaire pour un joueur, il n’empêche que cette carte évoque une autre logique, celle du guide touristique, ce qui trouve des échos dans le cas particulier des ruines de l’ancienne Arche du Lion.

    10Lorsqu’il arrive au fond du lac, le joueur s’approche et active le point d’interaction indiqué par une icône. Ce faisant, il déclenche une courte cinématique entamée par un changement musical et un fondu au blanc : la caméra virtuelle s’écarte en pano-travelling et à reculons du personnage-joueur (PJ), passe devant une fontaine, effectue un demi-tour devant un étrange rocher géométrique, puis se retrouve face à un escalier ; la caméra avance alors jusqu’à deux statues de lion encadrant un autre escalier montant dans un édifice effondré, se fixe, et la cinématique se termine par un nouveau fondu au blanc plus lent au terme duquel la caméra virtuelle s’ancre de nouveau au PJ. D’une part, l’activation de ce panorama déclenche une séquence détachée du cours du jeu, cinématique dont les images désignent un espace en un mouvement esthétisé, puis se fixent en un angle de vue composé en tableau. Notons que le PJ est invulnérable pendant la séquence, ce qui implique que le joueur peut s’adonner librement et sans crainte à la contemplation. À l’inverse, il ne peut activer un panorama que s’il ne se trouve pas en situation de combat. Le visionnage du panorama est donc détaché des logiques impératives du jeu et sa présentation particulière, dans une certaine lenteur et en musique, favorisent l’émergence de la contemplation. D’autre part, si l’on s’attache au contenu du panorama en lui-même, on remarque qu’il réunit trois éléments importants. La fontaine, qui consiste en un pilier central et est entourée de marches, les deux statues de lion en partie effondrées encadrant un escalier, et le rocher. Les deux premiers éléments appartiennent à l’ancienne Arche, tandis que le rocher appartient à la tour qui s’est effondrée sur la ville. Le panorama renvoie donc à la fois à l’ancienne Arche et à l’événement ayant mené à la destruction de la ville pirate. Pour ce qui est de l’Arche, remarquons qu’elle est présentée sur le mode de la synecdoque, pour le dire avec les termes de Laury-Nuria André25. En effet dans Prophecies, la même fontaine est au centre d’une place d’où l’on peut admirer le donjon de la cité, tandis que les lions encadrent les escaliers plus larges de la caserne de la Garde, qui consiste en un bâtiment massif s’étendant jusqu’aux portes de la ville. En arrière-plan, de vertigineuses structures de pierres couvertes d’habitations s’élèvent vers le ciel. La transformation de cet ensemble en ruines dans Guild Wars 2 s’est faite par la reconfiguration de la topologie du lieu et par la réduction de la cité à des éléments reconnaissables : sa fontaine et ses statues animales. La synecdoque est un choix « guidé par une logique d’efficacité sémantique26 », une tendance partagée par beaucoup de jeux vidéo représentant l’Antiquité et par les catalogues de tourisme à en croire l’autrice. Cela tend à confirmer que l’évocation de ces ruines fait partie de l’expérience-cadre. Il ne s’agit pas d’un simple élément de décor, mais d’un élément réclamant une attention particulière de la part du joueur et l’invitant à se remémorer les lieux de Prophecies. Insistons sur ce point : si la connaissance du premier opus n’est pas nécessaire pour pouvoir jouer au second étant donné que le passé a pour rôle de construire une diégèse cohérente pour tout joueur, l’expérience-cadre de Guild Wars 2 a pour joueur modèle un joueur de Prophecies. Mais le panorama actuel de l’ancienne Arche a justement l’avantage de rassembler le passé lointain de Prophecies avec le passé plus proche des joueurs : par conséquent pour ce seul lieu, trois strates temporelles se superposent et n’expriment pas la même chose à un joueur ayant découvert la saga en 2010, 2015 ou 2020.

    11On pourrait être tenté de lire dans le rapport touristique à l’espace une même logique de conquête et d’efficacité des lieux, dans la mesure où ce mot définit à la fois l’activité de voyage et l’industrie qui la permet. C’est pourtant ce rapport qui permet de concilier l’impératif d’action avec l’attitude de contemplation qui peut s’activer au contact des ruines. C’est ce que nous allons éclaircir avec une autre analyse : la zone des Ruines de Rin, au sein de la région de la Citadelle Noire, une des capitales de Tyrie. Il s’agit en fait d’un site de fouilles mettant au jour cette ruine, composée principalement de trois étages d’arches. Synecdochique également, elle représente Rin telle qu’elle apparaît dans Prophecies, dans lequel la cité est déjà ruinée, mais possède des vestiges plus vastes. Dans Guild Wars 2, le lieu se caractérise tout d’abord par la présence de scientifiques et de passerelles métalliques permettant de parcourir le lieu. Pour atteindre le panorama, le joueur doit grimper sur les ruines du bâtiment. On remarque que des plates-formes de bois et des poutres sont disposées autour de la structure ancienne, signes de l’action des archéologues pour l’étudier. Cette présentation est corroborée par le fait que dans la structure originale, les arches se situaient au premier étage : le site a donc été enfoui et est en cours d’excavation, ce dont résultent les tunnels creusés sous les passerelles. Ici, le temps n’est donc plus un donné : il doit être exhumé à l’initiative de savants afin de perdurer dans le présent. Grimpant au sommet de la structure, le PJ est cette fois-ci intégré au panorama : la composition finale de la séquence effectue ainsi un cadrage de carte postale en même temps qu’une photo-souvenir, « alliant le “ça a été” de la photographie et du lieu à un “il y était”27 ». Dès lors, la ruine ne permet pas seulement de faire surgir un temps passé, mais aussi de faire comprendre que l’Histoire concerne le joueur. Plus encore, « la ruine impose son propre univers avec ses couleurs, son ambiance, ses fantômes, et finit par se détacher de son passé comme une feuille de calendrier28 », ce qui signifie qu’elle peut s’autonomiser de l’utile fonction de figurer le passé afin de devenir une expérience indépendante : il ne s’agit plus de s’informer à son contact pour mieux s’approprier (dominer) le monde, mais d’éprouver le monde dont elle participe. Cette intégration du joueur dans l’Histoire invite naturellement à étudier le mouvement inverse : celui de la ruine dans le présent.

    Réinvention du passé dans le présent

    12Avec l’analyse précédente, il devient patent que la ruine constitue « un point de rencontre entre le passé et le présent […] : elle fait venir le passé dans le présent et ainsi elle se mêle à notre présent29 ». Cette remarque fait écho à la précédente considération de Makarius : la ruine n’est pas seulement trace dans le présent d’un quelque chose passé et disparu, mais est un objet du présent en soi. Nous allons donc nous attacher maintenant aux procédés de recomposition du passé dans le présent du jeu. Attardons-nous pour cela à Rin. Nous avons dit que le panorama cadrait la ruine, mais du sommet de cette structure, le PJ est libre de se retourner et de contempler la Citadelle Noire qui a remplacé Rin. Cette cité se caractérise notamment par un cœur sphérique central, relié aux quartiers environnants et au sol par des grands tubes de verre et de métal, dont la forme n’est pas sans évoquer une trompe. En fait, ces tubes — qui tiennent la fonction d’ascenseur — rappellent un autre lieu-dit de Prophecies : la Colline de la Corne30, qui faisait face à Rin. D’une part, les ruines de Rin de Guild Wars 2 reproduisent, sous la forme d’un reste, le panorama de la cité vue depuis la Colline dans Prophecies ; d’autre part, la capitale qui a remplacé Rin dans le second opus évoque par ressemblance la Colline du premier opus. Cette impression de corrélation est renforcée par le fait qu’à l’intérieur de la Citadelle Noire est exhibé un artefact, l’embout de la Corne, qui a permis aux humains d’emporter une bataille cruciale dans Prophecies31. Pour Gilles Tiberghien, tout monument est caractérisé par sa « valeur de remémoration32 », mais il différencie les monuments intentionnels — des stèles commémoratives antiques aux monuments aux morts — et les « monuments “non intentionnels” […], des œuvres qui, de par leur seule existence, témoignent d’un passé révolu et sont estimées pour leur valeur historique33 », et que l’on va maintenir en l’état plutôt que rebâtir pour cette raison34. Ainsi, la Corne, qui a été déplacée de son lieu utilitaire d’origine, a été érigée en véritable morceau de l’histoire de la capitale. Exposée comme un trophée de guerre marquant la création de la cité, elle devient un monument qui imbrique l’histoire des deux villes antagonistes. Les monuments intentionnels et non intentionnels se répondent pour permettre aux Charrs de raconter, au présent, le récit de leur victoire. Les ruines de Rin peuvent ainsi évoquer des fouilles comme celles du Forum de Rome, accessibles au public depuis la ville qui lui a succédé et incluses dans un récit d’Histoire — c’est-à-dire un roman national — dont les enjeux idéologiques sont bel et bien au présent.

    13Ce type de présentation du passé, que l’on pourrait qualifier de muséal, est loin d’être la seule possibilité d’actualisation au présent. Un autre site de fouilles permet au PJ de s’impliquer dans la recomposition du passé35. La Citadelle de Granit est un lieu existant dans Prophecies sous la forme d’une place-forte occupée par les Nains et dans Guild Wars 2 sous la forme de vestiges, les Nains s’étant éteints. La forme de la structure est assez bien conservée : les piques caractéristiques des murailles naines, la porte au toit arrondi et le pont central sont reconnaissables, cependant les habitations ont disparu, remplacées par de nouveaux murs et équipements militaires. Outre l’absence des habitants et la présence de stèles funéraires, la ruine est signifiée par les stalactites givrés qui se sont emparés du pont et de la porte. Les chercheurs présents étudient la culture et la magie naine et invitent le PJ à les y aider. La quête consiste à analyser les tombes. Activer une stèle affiche un message énigmatique associant un nom propre et trois noms communs, le joueur devant choisir entre ces trois noms. Une mauvaise réponse déclenche un effet négatif, une bonne provoque une bénédiction. Compléter la quête apporte une récompense, ce qui peut être réalisé même après une succession d’échecs. Cet élément est important car, bien entendu, le nom propre correspond à un personnage non-joueur ayant vécu dans le premier opus et dont il faut retrouver la fonction. Or, certains sont assez aisés à associer à leur fonction pour un ancien joueur, car ils correspondent à des mercenaires combattant aux côtés du joueur : leur présence était récurrente, prolongée et participative ; tandis que d’autres sont plus surprenants, renvoyant à des collectionneurs, aisément oubliables du fait de leur localisation unique et de leur présence éphémère et passive. Ainsi, même un ancien joueur de Prophecies risque d’échouer, ce qui a pour effet de lui rappeler que le passé est autant peuplé des personnages qu’il a retenus que de ceux qu’il a oubliés. Par ailleurs, les effets de cette activité sur le PJ, couplés aux commentaires des érudits36, sont exactement la figuration ludique du discours omniprésent dans l’œuvre : bien déchiffrer le passé est nécessaire pour en tirer les meilleurs enseignements et affronter le présent. Les points de défi de héros vont dans le même sens : il s’agit de points d’interaction qui affichent un texte informatif expliquant en quoi l’endroit où le joueur se trouve détient une importance historique. Choisissant de « communier avec ce lieu de pouvoir », il s’immobilise pendant cinq secondes et obtient un point de compétence lui permettant de s’améliorer. Là aussi, la logique incitative est accompagnée d’un sens illustré par la proposition d’un texte et d’une pause méditative : en étudiant le passé, les personnages s’améliorent.

    Contempler le passé pour envisager le futur

    14Les exemples précédents permettent de concevoir que dans le jeu vidéo aussi, « l’objet de délectation archéologique qu’est la ruine devient l’emblème ou l’allégorie […], de la conscience moderne face au temps et à l’histoire37 ». Nous allons voir que cette conscience de l’histoire est une considération du passé pour envisager le futur.

    15Pour commencer, il est pertinent de remarquer qu’en se développant dans la même diégèse recomposée, Prophecies et Guild Wars 2 sont deux actualisations particulières d’un monde fictif. Or « l’ordre n’est jamais seulement le résultat d’une situation. Il se fonde sur des expressions précédentes, qui fournissent des ressources qui seront transformées selon les lois d’impertinence et les lois de transformation, de manière à rencontrer une nouvelle pertinence38 ». Aussi peut-on se demander ce que les ruines peuvent nous apprendre de ces lois d’impertinence et de transformation appliquées au deuxième opus en particulier. Un rapide tour d’horizon de l’architecture de Prophecies permet de remarquer que les bâtiments sont souvent des structures massives de pierre et de bois39, aux façades tombant à pic au pied d’un joueur qui est incapable de les escalader, l’opus ne possédant pas de mécanique de saut. Par conséquent, l’absence de saut et la raideur des reliefs sont cohérents l’un avec l’autre. Dans Guild Wars 2 en revanche, il est possible de sauter et cela est également pertinent avec la nouvelle configuration des lieux parsemés de ruines. Face à l’acquisition du saut, un mur abrupt n’est plus pertinent : il faut donc l’abattre pour permettre au joueur de gravir ses décombres. Le saut n’est pas utile en permanence : il ne sert pas en combat par exemple. Pourtant, certains lieux, que l’on appelle puzzles de sauts, le mettent à l’honneur : il s’agit de structures difficiles à arpenter et dont l’ascension nécessite une certaine maîtrise des possibilités et des limites de la mécanique. Nombre de ces puzzles sont en fait des ruines : un morceau du Grand Rempart Nord, le refuge abandonné du roi des Nains, la tour d’un vizir, d’anciens avant-postes, etc. On l’aura compris, le patrimoine se découvre dans une activité distincte — mais pas séparée — du cours normal du jeu ; mais en quoi cela implique-t-il le futur ? D’abord, en accusant la différence entre l’ancien et le nouveau, en soulignant les nouvelles règles de pertinence. Si les murs ont pu tomber d’un opus à l’autre pour permettre de les escalader, alors il est possible que tout se reconfigure encore. Il est fort à propos de constater que les extensions du jeu ont déjà permis d’expérimenter cela. Avec l’invention du deltaplane dans Heart of Thorns en 2015, puis des montures dans Path of Fire en 2017, les joueurs ont pu constater que certaines structures du jeu original n’étaient plus pertinentes au regard de leurs nouvelles capacités — elles n’étaient plus des obstacles, tandis que la topographie et les puzzles de sauts des extensions se complexifiaient. Ajoutons que cette conscience de la pertinence des lois ne se joue pas seulement sur les structures. Dans de nombreuses ruines d’Ascalon, le joueur rencontre et affronte les fantômes des humains, ceux-là même que le joueur devait incarner dans Prophecies. En elle-même, la visite des ruines permet de révéler toute l’envergure de l’œuvre du temps sur le monde fictionnel et, par conséquent, de rendre sensible au fait que la configuration du présent est, elle-même, éphémère et vouée à disparaître.

    16André Habib le remarquait, le charme mélancolique des ruines « ne vient pas uniquement du spectacle de ce qui n’est plus, il provient du fait que ces ruines nous amènent à imaginer ce qui ne sera plus40 ». Pour aller plus loin et préciser cela, il faut insister sur l’importance du regard qui forme notre perception de l’espace. « Nous sommes, à notre insu, une intense forgerie artistique et nous serions stupéfaits si l’on nous révélait tout ce qui, en nous, provient de l’art41. » Si nous faisons appel à Alain Roger, c’est que pour appréhender la profondeur des ruines vidéoludiques, il faut montrer qu’elles sont capables de former un paysage plutôt qu’un décor. Ce qui n’est pas évident, comme l’a bien remarqué Martin Lefebvre dans le cas du cinéma : le paysage est quasiment un anti-décor, en ce qu’il est, dans les arts visuels, un espace libéré de tout événement42 alors que l’événement est omniprésent au cinéma. Pourtant, l’auteur affirme qu’il y a deux possibilités de voir des paysages au cinéma : lorsque le réalisateur utilise une mise en scène particulière mettant en avant un espace composé ; et lorsque, même en l’absence de ces stratégies, le spectateur en faire surgir un librement43. Cela est dû aux deux modes de l’attitude spectatorielle : le mode narratif et le mode spectaculaire. Les deux s’alternent — ils ne peuvent se produire simultanément — et permettent d’appréhender le film différemment : par le regard ou par la contemplation44. Ainsi pour Lefebvre, bien que le temps mort, la suspension de la narration ou les plans d’ensemble puissent favoriser l’apparition du paysage, la condition la plus importante « est ailleurs : dans le regard du spectateur45 ». Ce regard, à en croire Alain Roger, n’a pas à être particulièrement formé : « même quand nous le croyons pauvre, [il] est riche, et comme saturé d’une profusion de modèles, latents, invétérés, et donc insoupçonnés […] qui œuvrent en silence pour, à chaque instant, modeler notre expérience, perceptive ou non46 ».

    17Ces considérations sur le cinéma nous permettent de penser le paysage dans le jeu vidéo. Guild Wars 2 intègre à la fois des techniques de suspension propices à la contemplation — le panorama et le puzzle de sauts en sont —, mais qui peuvent être redoublées du regard du joueur : ce dernier contrôle en partie la caméra virtuelle et peut tout à fait effectuer une pause dans ses déplacements, cadrer le paysage de son choix et le contempler. Il nous semblait important d’insister sur la possibilité contemplative, car elle permet la réflexivité : « Le contemplateur des ruines se situe entre un temps passé et un temps à venir… entre deux ruines pour ainsi dire, témoin privilégié d’un monde où tout a péri et où tout périra : la ruine est l’image du passage47 ». Selon Michel Makarius, cette image, qui a pu être culturellement perçue comme une angoisse, est depuis la fin du xviiie siècle et l’influence du Romantisme, davantage ressentie comme le rappel rassurant du cycle naturel, qui suscite l’adhésion au monde plutôt que la tristesse48.

    Conclusion

    18Le premier mouvement de cet article a été de proposer le paradoxe des ruines vidéoludiques de la même manière que Karim Charredib : « À l’opposé des ruines du réel, qui se dégradent dans une temporalité qui se compte en millénaires, les ruines du virtuel sont confrontées aux spécificités de la temporalité numérique et peuvent disparaître instantanément, du jour au lendemain49. » D’une part, elles sont éternelles, car elles ne peuvent pas se dégrader plus qu’elles ne le sont, de l’autre, elles sont aussi labiles que fragiles, car les bâtiments peuvent être détruits ou rebâtis à volonté par les développeurs, tandis qu’un bug ou une faillite peut réduire à néant le monde entier. Il y a bien une opposition de nature entre les ruines réelles et les ruines numériques, mais en les considérant comme des objets conceptuels, l’image de ces dernières reste « le temps à l’œuvre50 », en ce qu’elle invite toujours à se plonger dans les méandres du temps, historique, personnel et existentiel. Ce qui mène au deuxième élan de cet article. On pourrait, bien sûr, penser que les ruines vidéoludiques jouent un rôle utilitaire et, de surcroit dans un MMORPG comme Guild Wars 2, qu’elles endossent une stratégie de fidélisation des joueurs. Les étudier comme telles est envisageable : c’est une piste fertile et passionnante — qui était d’ailleurs l’aiguillon premier de ce travail — explorée par de nombreux chercheurs qui effectuent déjà un travail précieux selon ce type d’approches (et bien d’autres : économiques, sociologiques, techniques ou poïétiques). Mais on peut aussi admettre que les ruines donnent la possibilité aux joueurs — fussent-ils une minorité — d’élaborer un autre rapport au monde diégétique, intime et émotionnel, qui échappe à la logique efficiente de la création vidéoludique. À ce titre, les ruines de Guild Wars 2 sont un motif51 tenant d’une « plasticité centrifuge, qui éloigne le joueur du centre immersif52 » et rapproche des autres arts. Dès lors, de telles images révèlent un nouveau potentiel lorsqu’elles sont envisagées avec une approche formelle, qui donne accès à l’étude d’une toute nouvelle temporalité dans le jeu.

    Bibliographie

    Bibliographie

    Ouvrages

    André Emmanuelle, Esthétique du motif : cinéma musique peinture, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, « Esthétiques hors cadre », 2007.

    André Laury-Nuria, Game of Rome : L’Antiquité vidéoludique, Roubaix, Passage(s), « Essais », 2016.

    Egaña Miguel, Scheffer Olivier (dir.), Esthétique des ruines : poïétique de la destruction, Presses Universitaires de Rennes, « Arts contemporains », 2015.

    Habib André, L’Attrait de la ruine, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma/Motifs », 2011.

    Lefebvre Martin (dir.), Landscape and Film, New York, Routledge, 2006.

    Makarius Michel, Ruines, Paris, Flammarion, 2004, p. 129 – 130.

    Roger Alain, Court traité du paysage, Paris, Gallimard/NRF, « Bibliothèque des sciences humaines », 1997.

    Triclot Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, Zones, 2011.

    Articles

    Bonhomme Stello, Talon-Hugon Carole, « Esthétique des jeux vidéo », Nouvelle revue d’esthétique, no11, Esthétique des jeux vidéo, 2013, p. 5 – 10.

    Cayatte Rémi, « Temps de la chose-raconté et temps du récit vidéoludique : comment le jeu vidéo raconte ? », Sciences du jeu, n° 9, 2018, https://journals.openedition.org/sdj/936 (consulté le 20 décembre 2021).

    Dalleu Estelle, « Le jeu vidéo… un art de l’impur », RADAR, no2, Quand l’art compose avec ses hiérarchies, 2017, https://revue-radar.fr/livraison/2/article/14/le-jeu-video-un-art-de-limpur (consulté le 20 décembre 2021).

    Di Filippo Laurent « Articuler les temporalités dans les jeux en ligne massivement multi-joueurs », dans Bonaccorsi Julia, Collet Laurent, Raichvarg Daniel (dir.), Les temps des arts et des cultures, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 81 – 94.

    — , « MMORPG as Locally Realized Worlds of Action », dans Boni Marta, World Building. Transmedia, Fans, Industries, Amsterdam University Press, 2017, p. 231 – 250.

    Genvo Sébastien, « Jeux vidéo », Communications, vol. 88, n° 1, 2011, p. 93 – 101.

    Koster Raphaël, « Le jeu vidéo comme manière d’être au monde, Nouvelle revue d’esthétique, n° 11, Esthétique des jeux vidéo, 2013, p. 99 – 106.

    Leconte Gauvain, « Théorie de la définition et jeux vidéo : règles et lois dans l’expérience vidéoludique », Sciences du jeu, no11, Que dit la philosophie des jeux vidéo ?, 2019, § 63, https://journals.openedition.org/sdj/1662 (consulté le 20 décembre 2021).

    Merleau-Ponty Maurice, « Le cinéma et la nouvelle psychologie », dans Sens et non-sens, Paris, Nagel, 1948.

    Morisset Thomas, « Entre la lutherie et les jeux vidéo : penser un jugement de goût technique », Sciences du jeu, n° 11, avril 2019, http://journals.openedition.org/sdj/1801 (consulté le 20 décembre 2021).

    Peyron David, « L’appropriation ludique des mondes fictionnels chez les fans d’imaginaire fantastique », ¿Interrogations ?, n° 23, Des jeux et des mondes, décembre 2016, https://www.revue-interrogations.org/L-appropriation-ludique-des-mondes (consulté le 20 décembre 2021).

    Communications

    Dalleu Estelle, « Iconologie du méta-jeu vidéo », communication lors du colloque Entre le jeu et le joueur : écarts et médiations, Liège Game Lab, université de Liège, 25 octobre 2018, https://www.youtube.com/watch?v=VlZf6iJgvoU(consulté le 20 décembre 2021).

    Genvo Sébastien, « Caractériser l’expérience du jeu à son ère numérique : pour une étude du “play design” », communication lors du colloque Le jeu vidéo : expériences et pratiques sociales multidimensionnelles, ACFAS, Québec, 2008,http://www.expressivegame.com/wp-content/uploads/2019/01/play_design-genvo-s.pdf (consulté le 21 décembre 2021).

    Notes de bas de page

    1 Apparues dans le jeu respectivement en 2012, 2014 et 2015.

    2 Charredib Karim, « Après le “game over”. De “Tetris” à “GTA” : la possibilité des ruines vidéoludiques », dans Miguel Egaña et Olivier Scheffer (dir.), Esthétique des ruines : poïétique de la destruction, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Arts contemporains », 2015, p. 81.

    3 Di Filippo Laurent, « Articuler les temporalités dans les jeux en ligne massivement multi-joueurs », dans Julia Bonaccorsi, Laurent Collet, Daniem Raichvarg (dir.), Les Temps des arts et des cultures, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 83 – 84.

    4 Voir Dalleu Estelle, « Le jeu vidéo… un art de l’impur », RADAR, n° 2, Quand l’art compose avec ses hiérarchies, 2017. Voir aussi Bonhomme Stello, Talon-Hugon Carole, « Esthétique des jeux vidéo », Nouvelle revue d’esthétique, n° 11, Esthétique des jeux vidéo, 2013, p. 5 – 10.

    5 Le travail de Jacques Aumont est, à ce titre, exemplaire et a inspiré toute une branche des études cinématographiques. Voir Aumont Jacques, À quoi pensent les films, Paris, Séguier, 1996.

    6 En cela, la phénoménologie a influencé cette démarche. Voir Merleau-Pontymaurice, « Le cinéma et la nouvelle psychologie », dans Sens et no n-sens, Paris, Nagel, 1948.

    7 Voir Koster Raphaël, « Le jeu vidéo comme manière d’être au monde », Nouvelle revue d’esthétique, n° 11, Esthétique des jeux vidéo, 2013, p. 12 – 14. Voir aussi TRICLOT Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, Zones, 2011.

    8 Voir Leconte Gauvain, « Théorie de la définition et jeux vidéo : règles et lois dans l’expérience vidéoludique », Sciences du jeu, n° 11, Que dit la philosophie des jeux vidéo ?, 2019, § 63.

    9 Ibid., § 80.

    10 Morisset Thomas, « Entre la lutherie et les jeux vidéo : penser un jugement de goût technique », Sciences du jeu, n° 11, Que dit la philosophie des jeux vidéo ?, 2019, § 9 et § 42.

    11 HABIB André, L’Attrait de la ruine, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma/Motifs », 2011, p. 12.

    12 Peyron David, « L’appropriation ludique des mondes fictionnels chez les fans d’imaginaire fantastique », ¿ Interrogations ?, n° 23, Des jeux et des mondes, 2016.

    13 Cayatte Rémi, « Temps de la chose-racontée et temps du récit vidéoludique : comment le jeu vidéo raconte ? », Sciences du jeu, n° 9, Du ludique au narratif. Enjeux narratologiques des jeux vidéo, 2018, § 10.

    14 Ibid., § 16.

    15 Ibid., § 39.

    16 Dalleu Estelle, « Le jeu vidéo… un art de l’impur », art. cité.

    17 Genvo Sébastien, « Caractériser l’expérience du jeu à son ère numérique : pour une étude du “play design” », communication lors du colloque « Le jeu vidéo : expériences et pratiques sociales multidimensionnelles », ACFAS, Québec, 2008.

    18 Ibid.

    19 Makarius Michel, Ruines, Paris, Flammarion, 2004, p. 129 – 130.

    20 Whately Thomas, cité dans Ibid., p. 130.

    21 Makarius Michel, Ruines, op. cit., p. 130.

    22 Rémi Cayatte insiste sur le fait que seule la matérialisation du jeu se fait au présent : sa confection au passé permet de mobiliser plusieurs couches temporelles. Voir Cayatte Rémi, « Temps de la chose-raconté et temps du récit vidéoludique… », art. cité, § 6 – 8 et § 25.

    23 Genvo Sébastien, « Jeux vidéo », Communications, vol. 88, n° 1, 2011, p. 93 – 101.

    24 Ibid.

    25 André Laury-Nuria, Game of Rome : L’Antiquité vidéoludique, Roubaix, Passage(s), « Essais », 2016, p. 72.

    26 Ibid.

    27 Habib André, L’Attrait de la ruine, op. cit., p. 19.

    28 Makarius Michel, Ruines, op. cit., p. 147.

    29 Schefer Olivier, Egaña Miguel, « Introduction. L’art et le temps des ruines », dans Miguel Egaña, Olivier Schefer (dir.), Esthétique des ruines, op. cit., p. 10.

    30 Une trompette géante est adossée à cette colline au sommet de laquelle l’embout magique doit être placé.

    31 Cette bataille permet de remporter une victoire temporaire contre les Charrs, le peuple ennemi des Humains d’Ascalon. Dans Guild Wars 2, les Charrs ont gagné la guerre et sont désormais réconciliés avec les Humains.

    32 Tiberghien Gilles A., « Des ruines, pour quoi faire ? », dans Egaña Miguel, Schefer Olivier (dir.), Esthétique des ruines, op. cit., p. 34.

    33 Ibid., p. 35.

    34 Ibid., p. 31 – 32.

    35 Gilles A. Tiberghien indique que jouer dans les ruines, les explorer, c’est leur mise au présent. Voir Ibid.

    36 À la question « Et ces reliques des Nains, qu’ont-elles de si important ? », le personnage commanditaire de la quête répond : « Ceux qui oublient le passé sont condamnés. Pour les vivants, la clé de la survie se trouve dans les connaissances que les morts nous ont laissés. »

    37 Schefer Olivier, Egaña Miguel, « Introduction. L’art et le temps des ruines », dans Miguel Egaña, Olivier Schefer (dir.), Esthétique des ruines, op. cit., p. 8.

    38 Traduction personnelle de « the order is never solely the result of the situation. It is based on previous expressions that provide resources that will be transformed, following rules of irrelevance and transformation rules, in order to match a new relevance ». Di Filippo Laurent, « MMORPG as Locally Realized Worlds of Action », dans Boni Marta, World Building. Transmedia, Fans, Industries, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2018, p. 245.

    39 Voir wiki.guildwars.com, articles « Fort Ranik (pre-Searing) », « Great Northern Wall », « Deldrimor Bowl », « Kessex Peak » ou « Abandoned village ».

    40 Habib André, L’Attrait de la ruine, op. cit., p. 14.

    41 Roger Alain, Court traité du paysage, Paris, Gallimard/NRF, « Bibliothèque des sciences humaines », 1997, p. 16.

    42 Lefebvre Martin, « Between Setting and Landscape in the Cinema », dans Lefebvre Martin (dir.), Landscape and Film, New York, Routledge, 2006, p. 22.

    43 Ibid., p. 30 – 31.

    44 Ibid., p. 29.

    45 Traduction personnelle de « is elsewhere, in the spectator’s gaze ». Ibid., p. 51. L’auteur souligne.

    46 Roger Alain, Court traité du paysage, op. cit., p. 15 – 16.

    47 Habib André, L’Attrait de la ruine, op. cit., p. 14.

    48 Makarius Michel, Ruines, op. cit., p. 133 – 134

    49 Charredib Karim, « Après le “game over”. De “Tetris” à “GTA” : la possibilité des ruines vidéoludiques », art. cité, p. 94.

    50 Scheffer Olivier, Egaña Miguel, « Introduction. L’art et le temps des ruines », art. cité, p. 10.

    51 La notion de motif est précieuse en ce qu’elle permet naturellement des transferts artistiques. Voir ANDRÉ Emmanuelle, Esthétique du motif : cinéma musique peinture, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, « Esthétiques hors cadre », 2007.

    52 Dalleu Estelle, « Iconologie du méta-jeu vidéo », communication lors du colloque « Entre le jeu et le joueur : écarts et médiations », Liège Game Lab, université de Liège, 25 octobre 2018.

    Auteur

    Quentin Barrois

    ACCRA
    (Approches Contemporaines de la Création et de la Réflexion Artistiques)
    Université de Strasbourg

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    Table des matières

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    1 Apparues dans le jeu respectivement en 2012, 2014 et 2015.

    2 Charredib Karim, « Après le “game over”. De “Tetris” à “GTA” : la possibilité des ruines vidéoludiques », dans Miguel Egaña et Olivier Scheffer (dir.), Esthétique des ruines : poïétique de la destruction, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Arts contemporains », 2015, p. 81.

    3 Di Filippo Laurent, « Articuler les temporalités dans les jeux en ligne massivement multi-joueurs », dans Julia Bonaccorsi, Laurent Collet, Daniem Raichvarg (dir.), Les Temps des arts et des cultures, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 83 – 84.

    4 Voir Dalleu Estelle, « Le jeu vidéo… un art de l’impur », RADAR, n° 2, Quand l’art compose avec ses hiérarchies, 2017. Voir aussi Bonhomme Stello, Talon-Hugon Carole, « Esthétique des jeux vidéo », Nouvelle revue d’esthétique, n° 11, Esthétique des jeux vidéo, 2013, p. 5 – 10.

    5 Le travail de Jacques Aumont est, à ce titre, exemplaire et a inspiré toute une branche des études cinématographiques. Voir Aumont Jacques, À quoi pensent les films, Paris, Séguier, 1996.

    6 En cela, la phénoménologie a influencé cette démarche. Voir Merleau-Pontymaurice, « Le cinéma et la nouvelle psychologie », dans Sens et no n-sens, Paris, Nagel, 1948.

    7 Voir Koster Raphaël, « Le jeu vidéo comme manière d’être au monde », Nouvelle revue d’esthétique, n° 11, Esthétique des jeux vidéo, 2013, p. 12 – 14. Voir aussi TRICLOT Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, Zones, 2011.

    8 Voir Leconte Gauvain, « Théorie de la définition et jeux vidéo : règles et lois dans l’expérience vidéoludique », Sciences du jeu, n° 11, Que dit la philosophie des jeux vidéo ?, 2019, § 63.

    9 Ibid., § 80.

    10 Morisset Thomas, « Entre la lutherie et les jeux vidéo : penser un jugement de goût technique », Sciences du jeu, n° 11, Que dit la philosophie des jeux vidéo ?, 2019, § 9 et § 42.

    11 HABIB André, L’Attrait de la ruine, Crisnée, Yellow Now, « Côté cinéma/Motifs », 2011, p. 12.

    12 Peyron David, « L’appropriation ludique des mondes fictionnels chez les fans d’imaginaire fantastique », ¿ Interrogations ?, n° 23, Des jeux et des mondes, 2016.

    13 Cayatte Rémi, « Temps de la chose-racontée et temps du récit vidéoludique : comment le jeu vidéo raconte ? », Sciences du jeu, n° 9, Du ludique au narratif. Enjeux narratologiques des jeux vidéo, 2018, § 10.

    14 Ibid., § 16.

    15 Ibid., § 39.

    16 Dalleu Estelle, « Le jeu vidéo… un art de l’impur », art. cité.

    17 Genvo Sébastien, « Caractériser l’expérience du jeu à son ère numérique : pour une étude du “play design” », communication lors du colloque « Le jeu vidéo : expériences et pratiques sociales multidimensionnelles », ACFAS, Québec, 2008.

    18 Ibid.

    19 Makarius Michel, Ruines, Paris, Flammarion, 2004, p. 129 – 130.

    20 Whately Thomas, cité dans Ibid., p. 130.

    21 Makarius Michel, Ruines, op. cit., p. 130.

    22 Rémi Cayatte insiste sur le fait que seule la matérialisation du jeu se fait au présent : sa confection au passé permet de mobiliser plusieurs couches temporelles. Voir Cayatte Rémi, « Temps de la chose-raconté et temps du récit vidéoludique… », art. cité, § 6 – 8 et § 25.

    23 Genvo Sébastien, « Jeux vidéo », Communications, vol. 88, n° 1, 2011, p. 93 – 101.

    24 Ibid.

    25 André Laury-Nuria, Game of Rome : L’Antiquité vidéoludique, Roubaix, Passage(s), « Essais », 2016, p. 72.

    26 Ibid.

    27 Habib André, L’Attrait de la ruine, op. cit., p. 19.

    28 Makarius Michel, Ruines, op. cit., p. 147.

    29 Schefer Olivier, Egaña Miguel, « Introduction. L’art et le temps des ruines », dans Miguel Egaña, Olivier Schefer (dir.), Esthétique des ruines, op. cit., p. 10.

    30 Une trompette géante est adossée à cette colline au sommet de laquelle l’embout magique doit être placé.

    31 Cette bataille permet de remporter une victoire temporaire contre les Charrs, le peuple ennemi des Humains d’Ascalon. Dans Guild Wars 2, les Charrs ont gagné la guerre et sont désormais réconciliés avec les Humains.

    32 Tiberghien Gilles A., « Des ruines, pour quoi faire ? », dans Egaña Miguel, Schefer Olivier (dir.), Esthétique des ruines, op. cit., p. 34.

    33 Ibid., p. 35.

    34 Ibid., p. 31 – 32.

    35 Gilles A. Tiberghien indique que jouer dans les ruines, les explorer, c’est leur mise au présent. Voir Ibid.

    36 À la question « Et ces reliques des Nains, qu’ont-elles de si important ? », le personnage commanditaire de la quête répond : « Ceux qui oublient le passé sont condamnés. Pour les vivants, la clé de la survie se trouve dans les connaissances que les morts nous ont laissés. »

    37 Schefer Olivier, Egaña Miguel, « Introduction. L’art et le temps des ruines », dans Miguel Egaña, Olivier Schefer (dir.), Esthétique des ruines, op. cit., p. 8.

    38 Traduction personnelle de « the order is never solely the result of the situation. It is based on previous expressions that provide resources that will be transformed, following rules of irrelevance and transformation rules, in order to match a new relevance ». Di Filippo Laurent, « MMORPG as Locally Realized Worlds of Action », dans Boni Marta, World Building. Transmedia, Fans, Industries, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2018, p. 245.

    39 Voir wiki.guildwars.com, articles « Fort Ranik (pre-Searing) », « Great Northern Wall », « Deldrimor Bowl », « Kessex Peak » ou « Abandoned village ».

    40 Habib André, L’Attrait de la ruine, op. cit., p. 14.

    41 Roger Alain, Court traité du paysage, Paris, Gallimard/NRF, « Bibliothèque des sciences humaines », 1997, p. 16.

    42 Lefebvre Martin, « Between Setting and Landscape in the Cinema », dans Lefebvre Martin (dir.), Landscape and Film, New York, Routledge, 2006, p. 22.

    43 Ibid., p. 30 – 31.

    44 Ibid., p. 29.

    45 Traduction personnelle de « is elsewhere, in the spectator’s gaze ». Ibid., p. 51. L’auteur souligne.

    46 Roger Alain, Court traité du paysage, op. cit., p. 15 – 16.

    47 Habib André, L’Attrait de la ruine, op. cit., p. 14.

    48 Makarius Michel, Ruines, op. cit., p. 133 – 134

    49 Charredib Karim, « Après le “game over”. De “Tetris” à “GTA” : la possibilité des ruines vidéoludiques », art. cité, p. 94.

    50 Scheffer Olivier, Egaña Miguel, « Introduction. L’art et le temps des ruines », art. cité, p. 10.

    51 La notion de motif est précieuse en ce qu’elle permet naturellement des transferts artistiques. Voir ANDRÉ Emmanuelle, Esthétique du motif : cinéma musique peinture, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, « Esthétiques hors cadre », 2007.

    52 Dalleu Estelle, « Iconologie du méta-jeu vidéo », communication lors du colloque « Entre le jeu et le joueur : écarts et médiations », Liège Game Lab, université de Liège, 25 octobre 2018.

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    Barrois, Q. (2023). Chapitre II. De la figuration du passé à l’expérience réflexive du temps : enjeux esthétiques de la représentation des ruines dans Guild Wars 2. In R. Cayatte, A. Tuaillon Demésy, & L. Di Filippo (éds.), Temporalités et imaginaires du jeu (1‑). Presses universitaires de Liège. https://doi.org/10.4000/books.pulg.25994
    Barrois, Quentin. « Chapitre II. De la figuration du passé à l’expérience réflexive du temps : enjeux esthétiques de la représentation des ruines dans Guild Wars 2 ». In Temporalités et imaginaires du jeu, édité par Rémi Cayatte, Audrey Tuaillon Demésy, et Laurent Di Filippo. Liège: Presses universitaires de Liège, 2023. https://doi.org/10.4000/books.pulg.25994.
    Barrois, Quentin. « Chapitre II. De la figuration du passé à l’expérience réflexive du temps : enjeux esthétiques de la représentation des ruines dans Guild Wars 2 ». Temporalités et imaginaires du jeu, édité par Rémi Cayatte et al., Presses universitaires de Liège, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pulg.25994.

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    Cayatte, R., Tuaillon Demésy, A., & Di Filippo, L. (éds.). (2023). Temporalités et imaginaires du jeu (1‑). Presses universitaires de Liège. https://doi.org/10.4000/books.pulg.25939
    Cayatte, Rémi, Audrey Tuaillon Demésy, et Laurent Di Filippo, éd. Temporalités et imaginaires du jeu. Liège: Presses universitaires de Liège, 2023. https://doi.org/10.4000/books.pulg.25939.
    Cayatte, Rémi, et al., éditeurs. Temporalités et imaginaires du jeu. Presses universitaires de Liège, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pulg.25939.
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