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Quand le jeu vidéo était un jeu parmi d’autres : le cas du magazine Jeux et Stratégie (1980–1990)
p. 141-156
Texte intégral
1Si l’on date habituellement le début de la presse vidéoludique en France au début des années 1980, cette décennie marque plus généralement un tournant dans la culture ludique contemporaine. Elle voit en effet l’apparition du jeu vidéo, du jeu de rôles et des jeux « Grandeur Nature » (G.N.), le renouveau des jeux de société, des wargames et des jeux de figurines, mais aussi le développement des clubs, des ludothèques et des boutiques spécialisées. De nombreuses et nouvelles pratiques ludiques deviennent au cours de cette période des objets de presse. Créé en 1980 et initialement orienté sur les wargames, le magazine Casus Belli se consacre aux jeux de rôles et aux « jeux de simulation ». Dans le domaine du jeu vidéo, Tilt apparait en 1982 comme le premier magazine dédié aux « jeux électroniques ».
2Par son caractère généraliste, le magazine Jeu et Stratégie (J&S) occupe une place singulière dans cette période charnière de la culture ludique contemporaine en France. Issus pour partie du magazine Science et Vie, des journalistes proposent une revue en janvier 1980 sur « les jeux de réflexions et de stratégie », dans la tradition des jeux mathématiques et des problèmes échiquéens diffusés dans la presse1. Centré sur les jeux de réflexion, mais accordant dans ses pages une place croissante aux pratiques ludiques émergentes, il est un témoin majeur du bouillonnement créatif et ludique des années 1980 et un acteur de cette transformation à travers sa participation aux premiers salons dédiés au jeux ou encore par la création d’un prix, « le pion d’or », récompensant un jeu de stratégie. Avec un succès moindre, il développera dans le domaine du jeu vidéo « la disquette d’or ».
3Scientifique par son origine et la trajectoire de ses journalistes, J&S apparait comme un laboratoire de création ludique et de réflexion théorique : des jeux sont proposés en encarts, des analyses mathématiques sur le jeu sont publiées et de futurs game designers sont alors pigistes. Incubateur, dirait-on aujourd’hui, avant-gardiste à certains égards, J&S annonce le monde du jeu qui vient et accompagne l’importance que prend progressivement le jeu vidéo dans les pratiques ludiques des Français en lui accordant une place croissante dans ses pages.
4Sur la base d’une analyse de corpus (68 numéros publiés entre 1980 et 1990) et à partir d’entretiens menés avec des acteurs du journal2, l’article se propose d’étudier la place et l’évolution du jeu vidéo dans ce magazine ludique généraliste. Il s’agit d’en comprendre les représentations, les modes d’analyses et, plus généralement, d’étudier au travers du prisme du magazine les filiations du jeu vidéo avec les formes ludiques qui émergent dans la même période. Loin d’être un objet à part, il s’inscrit dans un écosystème professionnel, culturel et intellectuel et dans un « nouveau régime du jeu » portés par la décennie des années 1980 et que retrace précisément J&S.
1. Un journal sur les jeux et la « stratégie »
5L’histoire de J&S est étroitement liée à celle de Science et Vie, magazine de vulgarisation scientifique créé en 1913, et à son propriétaire le groupe de presse Excelsior Publication. Depuis les années 1960, Science et Vie diffuse dans ses pages des casse-têtes et des jeux mathématiques, notamment dans la rubrique « Jeux & paradoxes », tenue par Pierre Berloquin. En 1978, un numéro hors-série (no 124) est dédié aux « jeux de réflexion ». Encadré par Alain Ledoux et Pierre Berloquin, journaliste et pigiste à Science et Vie, il est consacré aux jeux traditionnels (dames, échecs), aux wargames, aux jeux de lettres et présente quelques jeux de société plus récents comme Le Lièvre et la Tortue. Un article est également dédié aux premiers « jeux électroniques ».
Hors-série n° 124 de Science et Vie.

J&S, n° 1, janvier 1980.

6À la suite du « succès » du hors-série, la décision est prise de créer un magazine consacré aux jeux de réflexion en se saisissant d’un créneau à prendre : « À part les mots croisés, les rubriques d’Échecs et de Bridge, c’étaient les seuls articles qui paraissaient sur les jeux » précise ainsi l’un des fondateurs. Lui et d’autres pressentent un mouvement de fond dans le monde du jeu, inspiré par ce qui passe en Allemagne et dans les pays anglo-saxons, notamment avec le journal américain Games créé en 1977 et dédié aux « casse-têtes ». Autour d’Alain Ledoux, rédacteur en chef du magazine jusqu’au premier arrêt de la revue, se regroupent des journalistes et des pigistes d’Excelsior Publications, mais aussi des collaborateurs extérieurs. Le premier numéro parait en janvier 1980. Sur la couverture, le logo « Science et Vie » est affiché ainsi que l’incise « supplément à Science et Vie ».
7L’existence d’un tel magazine tient bien sûr au projet de ses fondateurs, mais aussi au positionnement d’Excelsior Publications. La société a en effet pris des parts en 1979 dans le développement de « Jeux Descartes SARL ». Boutique spécialisée (import et distribution de jeux) créée en 1977 par Peter Watts, « pigiste » à Science et Vie, la société devient un réseau de magasins puis un éditeur de jeux de société. Ce positionnement dans le secteur ludique se confirme en 1982 avec le rachat par Excelsior du magazine Casus Belli, consacré aux jeux de simulation3.
8Ces interactions et ces relations ne sont pas anecdotiques. Autour de J&S et du groupe Excelsior se constitue un microcosme professionnel du jeu (de rôles notamment), relativement restreint mais où les interconnexions sont nombreuses. François Marcelin Froideval, par exemple, figure importante de la culture ludique en France4, participe dès le n° 1 à J&S. De la même façon, Didier Guiserix, acteur majeur du développement du jeu de rôle5 dans l’Hexagone, rejoint le magazine dès le n° 3. Autour de J&S se crée ainsi progressivement un écosystème de ce que nous appelons « le nouveau régime du jeu » et nombreux sont les collaborateurs qui occuperont un rôle important dans le secteur ludique français. Nous y reviendrons.
2. Ligne et évolution éditoriale
9L’édito du premier numéro affirme le caractère généraliste du magazine : « Si vous êtes curieux de découvrir de nouveaux jeux, si vous rêvez de mieux maitriser ceux que vous pratiquez déjà, […] Jeux et Stratégie vous est très personnellement destiné. » Centré sur les jeux de réflexion, il s’ouvre très tôt à des formes diverses. Dans le n° 2 publié en avril 1980, dont la couverture est consacrée à « la science-fiction et ses jeux » se côtoient ainsi des jeux de logiques à résoudre, un article sur la belote, un entretien avec le directeur de RTL sur les jeux radio, une analyse formelle des « jeux de connexions », une présentation historique du jeu des dominos et de ses nombreuses variantes, un texte sur le jeu royal d’Ur, des problèmes de bridge, d’échecs et de go… On y trouve également un article sur les « jeux vidéo nouvelle génération », ainsi qu’un programme de jeu pour deux joueurs sur calculatrice HP67, La Chasse au savon, proche du principe de la bataille navale.
J&S, n° 2, avril 1980.

« Jeux vidéo : nouvelle génération » (J&S, n° 2, p. 11).

10Le journal affirme ainsi très tôt sa ligne éditoriale : une focalisation sur les jeux de logique et une ouverture sur les jeux contemporains. Il trouve également son rythme de publication. Annoncé comme trimestriel dans le premier numéro, il devient bimestriel dès le suivant et le restera jusqu’en février 1988 peu de temps avant sa disparition. Rapidement, le magazine s’autonomise : l’incise « supplément de Science et Vie » disparait de la couverture dès le n° 2 et le logo « Science et Vie » s’efface l’année suivante.
11Sur les 68 numéros publiés, quatre rubriques ne changeront pas et forment la colonne vertébrale du journal. La rubrique « Jeux et joueurs », généraliste et dense, est constituée de courts articles rarement signés. Elle aborde l’actualité du monde du jeu dans sa diversité : nouveauté dans le domaine des jeux (de société, vidéo, de rôles, télévisés, traditionnels), tournois, conventions, salons ou exposition. La rubrique « Les grands classiques » aborde le domaine des échecs, du tarot, du Scrabble, du bridge, des dames, du go (et d’Othello à partir du n° 31). Signés par des joueurs aguerris, dont certains sont ou deviendront des maitres internationaux, les articles analysent des parties jouées et étudient différentes stratégies et ouvertures. Dans la rubrique « Jeux et casse-tête » sont proposés des jeux de logiques, des problèmes mathématiques, des labyrinthes et des jeux de lettres à résoudre dont les solutions sont données au numéro suivant. Enfin, considéré comme la « marque » du magazine, un jeu en encart est systématiquement fourni. Le plus souvent, il s’agit d’un wargame signé par un collaborateur de J&S ou par une personne extérieure au journal : la carte est à déployer, les pions sont à découper, les règles sont présentées au sein du magazine.
12Autour de cet axe éditorial, J&S aborde des domaines relativement hétérogènes, en lien avec les formes de jeu qui émergent dans les années 1980. Sans changer de nature, plusieurs évolutions sont perceptibles pendant les dix années de sa parution et certaines pratiques ludiques seront plus ou moins privilégiées selon les périodes que l’on peut répartir en trois temps :
- Du n° 1 (janvier 1980) au n° 28 (septembre 84) : « stratégie et réflexion ». Les jeux de réflexions, les jeux traditionnels, les jeux mathématiques et les wargames prédominent avec différentes rubriques dédiées : « la page du matheux », « questions de logiques », « cryptographie », « cartomanie ». Le jeu vidéo est présent dès le n° 1 avec une rubrique récurrente, « logiciel », qui propose de programmer un jeu informatique sur calculatrice. Sa présence est renforcée à partir du n° 9 avec la rubrique « ludotique », consacrée à l’analyse d’un titre ou d’un genre vidéoludique sur ordinateur. Gravitent autour de ces domaines divers genres ludiques comme les jeux de rôle, les jeux télévisés, les jeux d’argent, etc.
- Du n° 29 (octobre 1984) au n° 54 (décembre 1988) : « période micro ». Le cœur du magazine reste centré sur les jeux de réflexion mais un virage notable vers l’informatique est opéré. La rubrique « ludotique » fait place à un cahier de 40 pages dédiées au jeu vidéo et aux ordinateurs : « J&S Micro ». Un important changement de maquette au n° 31 se traduit notamment par l’apparition d’une mascotte, la pieuvre Jessie, qui tiendra un édito à partir du n° 38. Le magazine développe alors des services de télématique ludique (3615 JESSIE et 3615 JEST) dont il rapporte l’activité dans ces pages. Parmi les nouvelles rubriques, « histoire des jeux » analyse des pratiques ludiques de l’antiquité à nos jours.
- Du n° 55 (février 1989) au n° 68 (février 1990) : « jeux de simulation ». Le magazine devient mensuel. Si les jeux de réflexions et les jeux vidéo demeurent importants, une attention plus particulière est accordée au jeu de rôle et aux G.N. avec deux nouvelles rubriques dédiées.
13Malgré un lectorat important et fidèle (entre 40000 et 100000 ventes selon les périodes), le magazine s’arrête une première fois en août 1989. Le directeur de la publication rédige un communiqué dans le n° 60 pour indiquer la fin de J&S et regretter « le manque de ressources publicitaires » permettant d’assurer la pérennité du magazine. Le titre est relancé quelques mois plus tard hors du groupe de presse Excelsior, sans grand changement éditorial, par un collectif de journalistes de J&S organisé en SARL créée et gérée par deux collaborateurs. La numérotation est réinitialisée et Alain Ledoux, rédacteur et fondateur historique du magazine, n’y participe plus. Huit numéros plus tard, en août 1990, le magazine s’arrête définitivement sans explication cette fois6.
3. Une culture scientifique et technique du jeu
14En dépit de sa focalisation sur les jeux de réflexion, J&S se définit comme un magazine de découverte. Présente très tôt dans le magazine, la rubrique « Découvrez » initie ainsi ses lecteurs à un type de jeu singulier et peu connu, le Jeu de l’étoile par exemple (no 5) ou encore le Fanorona (no 11) en faisant appel à un spécialiste du domaine. Cette approche généraliste a pour conséquence la multiplication du nombre de collaborateurs. On recense plus de 170 auteurs (ayant écrit au moins une fois). Si l’on regarde plus en détail les signatures et leurs occurrences, près de cinquante d’entre eux ont régulièrement participé au magazine, au moins à dix reprises. Au cours des trois périodes évoquées, J&S est en moyenne assuré par une vingtaine de journalistes : une dizaine d’entre eux sont présents du début à la fin tandis que d’autres seront plus ou moins présents en fonction de l’évolution éditoriale.
15L’équipe de J&S est très masculine. Sur l’ensemble des contributions, on ne recense que 17 femmes pour plus de 150 hommes. En regardant plus en détail les collaborations régulières (au moins dix articles publiés), la proportion est sensiblement la même. Dans l’équipe historique, peu de femmes également. Adossé originellement à Science et Vie, le capital culturel et scolaire des journalistes du magazine est sans surprise lié aux filières scientifiques. Sans avoir pu recenser les trajectoires des 170 collaborateurs, l’équipe historique comprend dans ses rangs un ingénieur des mines, un docteur en psychologie sociale, une agrégée en mathématiques, un ingénieur en chimie. Si certains ont parmi eux une pratique éprouvée du jeu dans la presse, le cruciverbisme notamment, et si d’autres ont réalisé des « piges » pour la télévision (les jeux télévisés d’Armand Jammot), beaucoup y font leurs premières armes de « journaliste jeu ».
Édito et photo de l’équipe (J&S, n° 31, février 1985).

16Issu du monde du journalisme scientifique, le cercle à l’origine de J&S comporte des joueurs de jeux de réflexion de bon niveau. Plusieurs collaborateurs ont en effet publié (ou publieront) des ouvrages et des traités sur le sujet, notamment le rédacteur en chef Alain Ledoux dans le domaine des échecs. Ils font cependant rapidement appel à des chroniqueurs spécialisés jeunes, 30 ans en moyenne, mais experts : deux maitres internationaux, l’un aux échecs (Nicolas Giffard7), l’autre aux dames (Luc Guinard8), des champions mondiaux de Scrabble (Benjamin Hannuna9), de bridge (Michel Lebel10), de go (Pierre Aroutcheff11) ou encore d’Othello (François Pingaud12). À ces experts des jeux de réflexion, se joignent d’autres collaborateurs, jeunes également, et spécialisés sur les formes nouvelles (ou renouvelées) de pratiques ludiques qui émergent dans les années 1980 : les wargames, les jeux de rôle, les G.N… et le jeu vidéo.
Silhouettes (J&S, n° 31, p. 114).

17Lorsque l’on regarde l’ensemble des collaborateurs qui ont participé à J&S, on constate le caractère « avant-gardiste » du magazine comme ont pu l’être d’autres périodiques dans des domaines culturels différents si l’on pense aux Cahiers du Cinéma ou à Fluide Glacial pour la bande dessinée (Piette, 2015). Beaucoup de futurs professionnels et certains « grands noms » du monde du jeu apparaissent en effet dans la revue : des champions internationaux, nous l’avons vu, mais aussi des auteurs de jeu de rôle qui travailleront pour certains dans le secteur du jeu vidéo (François Nedelec13, Fabrice Cayla14, Pierre Rosenthal15), ainsi que des créateurs et des éditeurs de jeu de société (Bruno Faidutti16, Duccio Vitale17, Sylvie Barc18, Jean Michel Maman19). L’inventeur du Mastermind, Mordechai Meirovitz, contribuera également à quelques numéros.
18Par le caractère généraliste de sa ligne éditoriale et par la diversité de ses collaborateurs, J&S se construit ainsi très tôt comme un carrefour culturel qui s’attache à faire le lien entre plusieurs traditions ludiques et plusieurs mondes du jeu. Celui, ancien et établi, des jeux de réflexions traditionnels et des jeux mathématiques d’un côté et, de l’autre, celui, émergeant, des nouveaux jeux de simulation : jeu de rôles, G.N… et jeu vidéo.
4. Des loisirs émergeants
19Pour tout chercheur en sociologie du loisir, J&S se révèle une source précieuse d’informations tant le travail de veille que mène le magazine est considérable. Avec les nouveautés éditées y sont rapportées les créations de clubs et de boutiques, les concours, les tournois, les expositions, les prix nationaux ou internationaux dans différents domaines de la culture ludique. Dans le secteur du jeu de société, on peut ainsi y observer le développement des premiers grands salons en France (Festival des jeux de Cannes, FLIP20) et à l’international : par exemple, chaque édition du Games Day de Londres21 est rapportée. En décembre 1982, le magazine remarque à cette occasion le développement « spectaculaire du jeu de rôle » (no 18). À travers ces comptes-rendus, on y observe ainsi la pénétration et les effets de mode de certains dispositifs ludiques dans le monde (occidental) du jeu : le « renouveau » des wargames (no 2) et des jeux de figurines (no 12), « l’invention » du jeu de rôle (no 4), « l’apparition » des livres dont les vous êtes le héros (no 39) ou encore la « débauche » des jeux électroniques et des « jeux vidéo » (no 20) lors du 22e salon international du jouet à Villepinte en 1983.
20Si les articles sur les salons nous renseignent sur l’offre croissante de nouveaux jeux dans les années 1980, le magazine témoigne également de la structuration des loisirs ludiques en France. À travers les nombreux articles sur les tournois de wargames, de jeux de rôles, ou de jeux de de société (échecs, dames…, mais aussi Monopoly et Diplomacy), on observe la mise en place d’un important tissu associatif que relaie J&S dans les rubriques « jeux et joueurs », « avis » (no 25) puis « le Club des clubs » (no 55). Une nette accélération des clubs est perceptible à partir du milieu des années 1980, ainsi que le rôle précurseur de certaines associations dans la diffusion de formes ludiques nouvelles, à l’image de l’association Nantaise « Jeux et sortilèges », organisatrice des premiers G.N. en France (no 42).
21Dans le domaine du jeu vidéo, la dynamique est similaire. Les initiatives des clubs informatiques sont régulièrement rapportées ainsi que les concours de créations, les tournois et les premiers affrontements d’I.A. dans le monde des échecs électroniques (no 40) ou du go (no 31). Comme pour le jeu de rôle, on comprend à travers J&S le rôle essentiel de ces associations dans la diffusion des premiers jeux sur micro-ordinateurs, tout particulièrement les clubs « Microtel » dont les activités sont rapportées à plusieurs reprises (no 1, 5, 7 et 1122).
22Si ces associations ont pour but d’initier le plus grand nombre de personnes à l’informatique, elles deviennent rapidement un lieu de diffusion du jeu vidéo : des créneaux sont réservés exclusivement pour essayer des titres mais aussi pour s’en procurer dans un marché encore très limité. Des programmeurs amateurs, futurs professionnels pour certains comme Bertrand Brocard23, y font leurs premières armes (no 32) et y diffusent leurs créations. Adossés parfois à des magasins ou à des fabricants, fonctionnant parfois comme des centrales d’achat, ces associations se révèlent importantes dans la promotion du jeu vidéo, constate J&S, qui propose, dans les numéros 1 et 16, des guides pour créer ou adhérer à ces réseaux de passionnés : « Joueurs, unissez-vous ! »
23Si le rôle des clubs informatiques dans l’histoire française du jeu vidéo est bien connu (Sidre, 2015 ; Blanchet, 2020), on comprend à travers le magazine qu’ils s’inscrivent dans un développement plus large, voire tous azimuts, des associations ludiques : jeux de rôles, jeux de société, wargames, jeux traditionnels…, mais aussi des MJC24. Dans ces réseaux divers et variés, les jeux vidéo y sont pratiqués, discutés et diffusés avec d’autres pratiques ludiques. À travers J&S et son caractère généraliste, le jeu vidéo apparait ainsi comme une innovation parmi d’autres, dans une période de transformation plus globale de la culture ludique en France qui voit à partir des années 1980 se construire un nouvel écosystème du jeu.
J&S, n° 11, octobre 1981.

« Le Microtel Club » (J&S, n° 11, p. 26).

5. Ecosystème et mondes professionnels
24Les années 1980 marquent en effet un moment de transition dans la culture ludique contemporaine que permet de retracer assez précisément J&S. Elle se traduit, comme nous l’avons vu, par une diversification et une multiplication de l’offre de jeux, par l’augmentation du nombre de clubs mais aussi par l’émergence de nouveaux professionnels. À la lecture du magazine, le dynamisme et la créativité du secteur se situent au début de la décennie dans les pays anglo-saxons pour le jeu de rôle et le jeu vidéo et en Allemagne pour le jeu de société dont J&S loue régulièrement la grande diversité des titres édités.
25Dans l’article « La France hors-jeux ? » du n° 32 (avril 1985), le journal déplore, à l’occasion du Salon international du jouet et du jeu de Paris, le faible dynamisme du secteur français qui présente peu de nouveautés et peu de stands. On peut lire chez le journaliste un certain agacement de voir le jeu si peu considéré et renvoyé au domaine de l’enfance : « Quant aux “Mondes engloutis” [seule nouveauté française], la présence de Chantal Goya sur le stand au moment de notre visite le rendait inaccessible. Seuls étaient admis les journalistes désirant photographier ou interviewer cette haute personnalité du jeu français. » Et le journaliste de conclure : « Les Français seraient-ils particulièrement réfractaires aux “bons” jeux qui font les délices de leurs voisins ? Ou bien serait-ce le fait d’une profession qui a, dans sa majorité, du mal à imaginer qu’un jeu de société puisse prendre une autre forme que celle du jeu de l’Oie ou des petits chevaux ? »
26Si les comptes rendus des salons professionnels et de la production hexagonale sont souvent critiques dans les premiers temps (no 12, 32, 33), J&S se félicite progressivement, à partir du milieu des années 1980, de l’émergence d’un secteur français du jeu de société, à l’occasion par exemple de la création de festivals et de salons25 dédiés au jeux « adultes » et « modernes » (no 38, 42, 47, 49) ou lorsque de jeunes éditeurs français comme Jeux Actuels ou Ludodélire développent des titres « innovants » à l’image de Baston, Full Métal Planet ou Tempête sur l’échiquier (no 50, 58).
27Aux industries françaises du jeu vidéo J&S porte une attention tout aussi grande. L’apparition de nouveaux éditeurs est systématiquement rapportée : Legend Software à Rennes ou Delphine Software à Paris (no 55)26. On se félicite de la « percée française » à l’occasion du succès international du Capitaine Blood, « vendu aux États-Unis » et « n° 1 des ventes en GB » (no 50, 52). Encourageant les « soft made in France » (no 26), les innovations liées aux prémices du minitel sont attentivement observées. Dans le numéro d’octobre 1981 (no 11), J&S rapporte en détail le projet expérimental Genesis, dirigé par la direction générale des Télécommunications permettant à « 2500 usagers privilégiés de Vélizy » de jouer en ligne via le réseau informatique français Télétel. Si J&S encourage le secteur, il regrette cependant, comme pour le jeu de société, un positionnement « très français » de certains éditeurs et fabricants de jeux vidéo, Thomson et Nathan principalement, sur le domaine de l’enfance et l’éducation : « Il est à craindre que la pédagogie ne l’emporte sur le jeu de simulation […] typiquement français » (no 23).
28Cet intérêt pour la structuration d’un secteur professionnel se lit aussi dans la place accordée aux auteurs et aux éditeurs, français et étrangers, régulièrement interviewés : Gary Gigax, peu de temps avant la traduction française de Donjons et Dragons (no 19), Alex Randolf, auteur prolixe et consacré de jeu de société (no 28), Rob Angel le créateur du Pictionary (no 57), Jacques Lebbe (no 36), auteur français du jeu vidéo Daedalus, ou encore Stéphane Picq (no 60) compositeur de musiques de jeux vidéo (Kult, Dune…).
29L’attention pour le monde professionnel du jeu et son organisation se traduit enfin par des comptes-rendus réguliers sur les tentatives de développement en France d’un « régime de l’auctorialité » (Neeman 2012) : la création du « Cercle des créateurs de jeux indépendants » (no 5) pour le jeu de société, la protection juridique des créateurs de jeu vidéo à travers le développement de la SCAM27 (no 30), les premiers conflits liés au régime de cotisation et aux droits d’auteurs de jeux informatiques (no 35)28, ou encore les premiers procès concernant la copie illégale (no 47, 52). Cette organisation du secteur, encore balbutiante, est attentivement scrutée par J&S qui n’hésite pas à plusieurs reprises à consacrer des articles sur les différentes étapes pour « créer » (no 30), « protéger » (no 4) et « (faire) éditer » (no 34) un jeu de société ou un jeu vidéo.
6. J&S et sciences du jeu
30À travers la revue se dessine ainsi en France dans les années 1980 les contours d’un écosystème du jeu, professionnel et culturel mais aussi intellectuel. Des auteurs de jeux sont régulièrement interviewés, des maitres internationaux comme Kasparov ou Spassky également, mais aussi des écrivains comme Georges Pérec (no 1) ou des cinéastes comme Robert Altman (no 2). On prête une attention croissante au métier naissant de « ludothécaire » (no 3) et à celui de « ludologue » (no 19)29. Dans l’article « Le jeu à l’université » (no 29), un encart est dédié à une formation universitaire, le DESS « Sciences du jeu » à l’université Paris Nord, dirigé par Jacques Henriot : « une approche pluridisciplinaire et scientifique du jeu et des jouets »30.
J&S, n° 33, juin 1985.

« Faut-il jouer au Loto Sportif ? (J&S, n° 33, p. 27).

31À certains égards, le projet du magazine fait écho au projet scientifique initié par Henriot dans les années 1980 pour le développement des « sciences du jeu » en France entendue comme une approche transversale de la « chose ludique » (1989 : 158). Concomitant31 à la « pensée de Villetaneuse » (Brougère 2015), J&S développe en effet des réflexions sur les objets sur les métiers, les joueurs et le game design. Le plus souvent, il présente des analyses formelles et mathématiques des jeux de réflexions mais pas seulement. Dans le n° 10, un dossier retrace l’histoire des jeux de casino et les étudie au prisme de la théorie des probabilités. Dans le n° 33, l’article « Faut-il jouer au Loto sportif ? » étudie « l’espérance de gains » de ce nouveau jeu de paris. À partir du n° 39 une rubrique éponyme est consacrée à la « théorie des jeux ».
32Également lecteur des travaux en sciences humaines et sociales, J&S baptise le jeu en encart du n° 40 « Mimicry » en référence aux catégories de Roger Caillois. À partir du n° 38, il propose une « rubrique histoire des jeux », rédigée par un spécialiste du domaine, Thierry Depaulis32, qui fait état des connaissances historiques sur les objets et les pratiques ludiques de l’antiquité à nos jours. Dans le domaine de la sociologie, le magazine rapporte à plusieurs reprises des données issues des rares enquêtes sur les pratiques ludiques en France. Le n° 47 consacre ainsi un article à une enquête réalisée en 1986 par le ministère de l’Industrie sur « les usages de l’informatique ». Dans le n° 50, il s’intéresse aux données issues de l’enquête « Emploi du temps des Français » de l’INSEE et rapporte les résultats d’« une enquête nationale sur les habitudes de jeu des Français » que le magazine a commandé à l’institut de sondage BVA.
7. Un « nouveau régime du jeu »
33Avec l’apparition de cet écosystème professionnel et intellectuel auquel participe J&S, les années 1980 sont aussi marquées par l’émergence d’un « nouveau régime du jeu » que permet de mieux comprendre la lecture du magazine. Ce nouveau régime se caractérise par une fictionnalisation accrue des supports — le recours de plus en plus fréquent à la science-fiction et à la fantasy (Dauphragne, 2008) jusque dans des domaines traditionnels (échecs ou wargames) — mais aussi par un simulationnisme de plus en plus aigu : il s’agit de reproduire un univers ou une situation par des variables toujours plus nombreuses.
34À cette fictionnalisation du jeu et au caractère très simulationniste des productions de l’époque, s’ajoute une logique de transmédiation, entendue ici au sens large de circulations de contenus ludiques (Brougère, 2008). Elle devient au cours de la décennie plus fréquente et, ce, dans différents domaines du jeu. Dans l’article « Made in Hollywood » (no 19), Maryse Raffin étudie ainsi différentes adaptations du film de Steven Spielberg E.T. en un jeu vidéo sur la console Atari et en jeu de société édité par Parker Brother. Dans les mêmes pages sont analysés pêle-mêle le portage de L’Empire contre-attaque sur la même console, la transformation du film New York 1997 de John Carpenter en un jeu de rôle, Escape from New York (T.S.R.), ou encore l’adaptation de Blade Runner de Ridley Scott en un jeu de plateau éponyme. Le ton du magazine est relativement critique. « Ce pauvre E.T., remarque la journaliste, n’est pas la seule victime de l’industrie du jeu. » Si cette adaptation sur la console Atari est devenue emblématique de la première crise du secteur (Blanchet, 2010), il trouve cependant grâce aux yeux de la journaliste qui y voit un « jeu assez plaisant ; bien que le graphisme soit sommaire ».
35Ces logiques de fictionnalisation, de simulation et de transmédiation traversent tous les dispositifs de jeu dans une sorte de bouillonnement de nouveautés portées par la période : jeux de rôles, jeux de figurines, livres dont vous êtes le héros, G.N., Killers, Murder Party, Paint Ball, jeux par correspondances… L’étude de J&S permet à cet égard de mieux comprendre certaines des ruptures générationnelles observées dans les enquêtes sur les pratiques ludiques en France : les cohortes ayant grandi dans les années 1980 ont souvent une culture ludique plus diverse que les précédentes en termes de genres et de nombres de jeux « connus pour avoir été pratiqués » (Berry, Coavoux, 2021).
J&S, n° 19, février 1983.

« Made in Hollywood » (J&S, n° 19, p. 41).

8. Acteur des « nouveaux loisirs »
36Loin de se réduire à un rôle de témoin, J&S collabore activement à ce nouveau régime du jeu, à travers son lien avec le réseau des « Relais Descartes » en France, mais aussi par une participation active au développement du secteur sous différentes modalités. D’abord le magazine encourage le développement de tournois dans le monde du jeu : il organise par exemple avec la FFJSST33 les deux premiers championnats de France de wargames. Parallèlement, le magazine soutient la création en s’associant, dès 1980, au « concours des créateurs de jeux de Boulogne-Billancourt ». Dans ce cadre, J&S délivre le « Pion d’or » qui récompense « un jeu de stratégie inédit ». Si les inventions sélectionnées restent souvent à l’état de prototype, ce prix prend progressivement une valeur symbolique au sein du secteur. Certains jeux récompensés se voient édités et certains de leurs auteurs consacrés34. En 1983, J&S créé un second prix pour encourager les créations vidéoludiques : la « Disquette d’or ». Ce nouveau concours rencontre cependant un succès bien moindre et sera vite abandonné.
37La contribution de J&S à ce nouveau régime du jeu se traduit enfin par les créations ludiques que le magazine héberge dans ses pages. En plus des wargames « en encarts », des jeux sont régulièrement fournis clefs en main : « Rally/Jeu de rôle » (no 15), Killer (no 21), Murder Party (no 52)… Son premier numéro « Hors-Série », publié en 1984, est un jeu de rôle « prêt à jouer », créé par deux collaborateurs et suivi deux ans plus tard d’une deuxième édition. L’étude des auteurs de ces créations confirme le rôle avant-gardiste du magazine dans lequel des professionnels du secteur y font leurs premiers pas : Serge Laget35, Marco Donadoni36, Dominique Tellier37… Outre la visibilité qu’il donne aux nouvelles formes de jeu, J&S contribue à en produire et à les diffuser.
J&S, hors-série n° 1, 1984.

J&S, hors-série n° 2, 1986.

Publicité pour 3615 JESSIE, J&S, n° 38, avril 1986.

Publicité pour 3615 JEST, J&S, n° 48, décembre 1986.

38Dans le domaine du jeu vidéo, la contribution du magazine est comparable. Si le succès de la « Disquette d’or » reste très limité, la place accordée au jeu vidéo augmente progressivement et il devient un projet de création parallèle. À partir de 1986, J&S se lance dans le développement de services télématiques sur minitel — 3615 JESSIE puis 3615 JEST — dont les activités sont l’objets de rubriques dédiées dans le magazine. Dans un premier temps, on y trouve les fonctionnalités habituelles de la télématique de l’époque : boite aux lettres, forums… Dans un second temps, des jeux en lignes sont proposés. On peut affronter des collaborateurs aux échecs, notamment Nicolas Giffard (no 41), ou organiser des parties de Diplomacy (no 40) par correspondance.
39Dans un dernier temps enfin, le magazine développe des offres plus ambitieuses : des jeux d’aventure, comme Le trésor des Atlantes (no 41) ou Opération Packar (no 45), mais aussi, dans la lignée des M.U.D., des jeux multi-joueurs. Carcrash propose ainsi un jeu « à la “Mad Max” où les combats et les alliances sont nécessaires » (no 44). À la tête d’un véhicule « customisable », il s’agit, avec ou contre d’autres joueurs connectés, de « survivre et de collecter le plus d’argent possible ». Malgré les difficultés rapportées dans les pages du journal, le piratage du serveur par exemple (no 48), CarCrash et d’autres titres viendront régulièrement alimenter les pages de J&S.
40Par cette offre de télématique, J&S confirme l’importance du jeu vidéo au sein du magazine. Mais, celui-ci est en réalité présent dès les premiers numéros. L’étude de J&S révèle en effet une apparition progressive du jeu vidéo en plusieurs temps et son traitement éditorial d’évoluer : centré à ses débuts sur les jeux sur ordinateurs, analysant en détail des expériences vidéoludiques d’un ou deux titres, il glisse progressivement vers le modèle de la presse spécialisée en cherchant à rendre compte de la diversité des productions par des systèmes de notations.
9. Le traitement du jeu vidéo dans J&S (no 1 à 8)
41Si l’on s’intéresse au traitement du jeu vidéo dans J&S, on peut distinguer une première période que l’on peut qualifier de pointilliste : elle évoque le jeu vidéo mais sans rubrique dédiée, sans système d’évaluation, et en lien avec d’autres formes ludiques, les jeux de réflexion le plus souvent. En janvier 1980, l’article « Jeu, informatique et société » revient ainsi sur un salon au palais des Congrès de la Porte Maillot pendant lequel des programmes (échecs et Scrabble) sont en démonstration : « Les spécialistes ont suivi, ravis, plusieurs démonstrations où ils ont pu voir, notamment, l’ordinateur battre aussi bien des amateurs avertis comme Joe Dassin et notre rédacteur en chef, que des maitres, comme notre collaborateur Nicolas Giffard » (no 1).
42Cet intérêt pour les « progrès des jeux électroniques » (no 2) dans le domaine des jeux de réflexions traverse toute l’histoire du magazine. Des articles y sont consacrés et des champions d’échecs sont régulièrement interviewés sur la possibilité qu’un jour un ordinateur puisse l’emporter : « Ridicule ! Une machine restera toujours une machine, c’est-à-dire un outil de travail et de préparation pour le joueur ! Jamais je ne me ferai battre par une machine ! Jamais on ne pourra inventer un programme qui dépasse l’intelligence humaine » (Kasparov, J&S, n° 55).
43L’intérêt pour le jeu sur micro est plus net encore à l’occasion du n° 5 qui fait sa couverture sur « l’ordinateur et les jeux ». Dans ces pages, le magazine demeure toujours plus intéressé par le portage des jeux de réflexions : il analyse en détail les performances des jeux de backgammon et d’échecs. L’article sur « les partenaires de demain » étudie un programme de dames. À ses coté cependant, un encart est consacré au jeu vidéo Star Trek sur Commodore PET.
44Dans ce même numéro, un sondage est rapporté. À la question « pouvez-vous donner des exemples de jeux électroniques ? », 48 % des personnes interrogées citent à égalité le flipper et les jeux vidéo. Viennent ensuite les échecs (17 %), la bataille navale » (12 %), Simon (9 %), Mastermind (7 %), le bridge (5 %), les dames (3 %) et Electronic Detective (1 %). On comprend à la lecture de cet article que les frontières qui séparent les « jeux électroniques », les « jeux vidéo » et les « jeux informatiques » sont encore floues au début des années 1980. Pour y remédier, le magazine développe sa propre terminologie en développant la rubrique « ludotique ».
J&S, n° 5, octobre 1980.

« Star Trek » (J&S, n° 5, p. 43).

10. La « Ludotique » : une phénoménologie du jeu vidéo (no 9–28)
45Constatant que « l’univers des jeux est en train d’acquérir une nouvelle dimension avec la micro-informatique » (no 9), le magazine crée une rubrique dédiée au jeu sur ordinateur, sous le titre de « ludotique », un terme vraisemblablement créé par Pierre Berloquin, déjà inventeur de ceux de « ludographe » et de « ludème ». Il en rédige les premiers articles qui, consacrés à un ou deux jeux, rapportent son expérience de joueur sur Apple II en mêlant présentation des mécaniques, sentiment personnel et réflexion plus large sur ce que l’informatique apporte au jeu. Sur un mode proche de l’auto-ethnographie de David Sudnow (1984), le journaliste décrit ainsi ses pérégrinations dans le jeu Mystery House tout en questionnant les modalités de sa propre expérience : « On progresse entre meurtrier et des cadavres à travers des pièces qui se dessinent au fur et à mesure. […] Il faut faire la lumière. Comment ? Je n’ai pas encore trouvé. […] Là un véritable monde est ouvert, où le joueur peut évoluer pendant des heures ou des jours, en oubliant la réalité. […] La première vocation de l’ordinateur, c’est de devenir “maitre du Donjon”. »
46À partir du n° 13, la rubrique ludotique est assurée par Michel Brassinne, figure importante de J&S38. Le caractère auto-ethnographique de l’écriture et la description phénoménologique du jeu vidéo (Walther 2003) sont plus assumés encore : cette rubrique, précise-t-il, traite « des applications ludiques de la micro-informatique » à l’attention des « lecteurs qui ne disposent d’aucun matériel ». Il s’agit donc de décrire à la fois le contenu et l’expérience mais aussi la façon dont elle est produite par le dispositif. Cette logique et ce style éditorial resteront inchangés jusqu’au n° 29 : un article de deux pages sur une ou deux expériences détaillées, sans système de notations. Sont ainsi analysés : President Elect39, Wizardy40, Dark Crystal41 The Prisoner42… ou encore Masquerade43.
47L’étude des jeux traités sur cette période révèle une prédilection pour les jeux sur micro, particulièrement l’Apple II qualifié de « roi de l’ordinateur de jeu » (no 23). Les consoles et les « jeux d’adresse », peu appréciés de « l’amateur de jeu de réflexion » (no 23), sont mis au ban. Aux consoles on reproche la piètre qualité des IA dans le domaine des jeux de réflexion. Aux jeux comme La Maison hantée (no 17), on regrette d’avoir « davantage besoin d’adresse que de réflexion ! ». Dans un article intitulé « La guerre des jeux vidéo » qui compare consoles et ordinateurs, le journaliste offre la victoire à ces derniers pour leur performance mais aussi en raison de la faible qualité des jeux proposés sur console : « Jusqu’à présent, nous étions restés fort discrets sur les jeux vidéo : nous ne sommes pas des “fanas” de jeux style ping pong sur écran de télévision. Simplement parce qu’il s’agit là de jeux où la réflexion laisse le champ libre aux seuls réflexes du joueur » (no 17). S’inscrivant dans la culture du « hacking » des années 1980 (Kline, 2003), on loue la grande créativité des ordinateurs qui offrent la possibilité de programmer ses propres jeux « au gré de l’imagination ludique des utilisateurs » (no 11).
48Ces oppositions « adresse/réflexion », « console/ordinateur », « fermeture/ouverture » structurent J&S. Comparables aujourd’hui à celles entre « gratuit » et « payant », entre « monde “ouvert” » et jeu « linéaire », entre « jeux indés » et « triple A », ces dichotomies renvoient à la différenciation sociale des publics de jeux vidéo qu’observe Pierre Bruno au début des années 1990 entre les pratiques « savantes » et les pratiques « de pauvres » (1993). Le jeu vidéo, plus encore dans cette décennie, est pris dans des rapports sociaux qui différencient les usages et les goûts en termes d’âge mais aussi de classes : les ordinateurs, encore très chers, restent le privilège des classes moyennes et supérieures, plus à même de défendre la valeur culturelle de leur pratique. Les jeux d’arcade, accessibles dans les cafés, sont une première, et parfois unique, entrée pour les milieux populaires. La sociologie des journalistes de J&S et celle de son lectorat, que l’on comprend à travers « le courrier » des lecteurs et dans un sondage rapporté par le n° 52, est bien spécifique : des jeunes adultes masculins, étudiants diplômés dans les filières scientifiques et techniques, pratiquant majoritairement les échecs et les casse-têtes. La ligne éditoriale concernant le jeu vidéo privilégie ainsi sans surprise certaines formes de « régime d’expérience » (Triclot, 2011) sur d’autres.
11. « Jeux et Stratégie Micro » (no 29–54)
49À partir du n° 29, la rubrique « Ludotique » fait place à un cahier de 40 pages, « Jeux & Stratégie Micro », qui comporte désormais plusieurs sous-rubriques. Il mobilise plus de journalistes et le nombre de jeux abordés augmente. Tout en conservant la logique précédente (un jeu étudié en détail), des « tests » courts agrémentent les pages du magazine : une quinzaine en moyenne, mais la progression est constante. Dans ces pages, l’intérêt est plus marqué encore pour le hardware des ordinateurs. Comme le précise J&S, il ne s’agit plus seulement de présenter des jeux, mais de guider son lectorat dans l’achat : « Jouer avec un micro : oui mais lequel ? Amateurs passionnés, nous recherchons avant tout le matériel qui, le plus aisément possible, nous permette de nous livrer à notre activité favorite : le jeu » (no 29).
50Dans les premiers temps du cahier, la ligne éditoriale est conservée. Les jeux sur ordinateurs restent privilégiés. L’offre sur Apple II n’est plus dominante et suit, à partir de 1985, celle développée sur ordinateurs Amstrad, Atari et Amiga puis sur les « compatibles PC ». Si la gamme de jeux abordés est plus large, les adaptations de jeux traditionnels (échecs, go, bridge, tarot ou dames) restent systématiquement analysées, de façon fine et détaillé, par les champions internationaux qui collaborent au journal. Préférant toujours la micro-informatique aux consoles, les jeux d’adresse sont malmenés. À propos de Sword of Kadash, le journaliste précise ainsi : « Un jeu par trop arcade pour que la réflexion se substitue aux réflexes » (no 35). Concernant Krakout (un casse brique) : « Il n’en reste pas moins un jeu d’adresse, un pur jeu d’adresse » (no 45). Si certains « shoot them up » comme Leviathan sont salués pour leur graphisme, « il est inutile de parler de stratégie et de tactique, vous l’aurez compris » (no 45). Dans le « J&S Micro » du n° 45, on déplore le développement croissant des « jeux d’arcade », qualifié de « nivellement par le bas ».
51Si le cahier « Micro » conserve ainsi une ligne éditoriale critique à l’égard des jeux « d’adresse », elle commence cependant à s’ébranler et à rejoindre les standards de la presse spécialisée vidéoludique. Ce début d’alignement se traduit d’abord, à partir du n° 30, par l’apparition d’une grille d’évaluation jusque-là absente. Cinq critères, sur une échelle de 5, jugent de l’« accessibilité », du « graphisme », de la « durée » et de « l’originalité ». Un dernier, intitulé « nous aimons », renvoie à une appréciation générale et synthétique. Ensuite, de façon concomitante au développement de services télématiques en 1986, les consoles entrent progressivement dans les pages du magazine. Si elles restent rares et peu appréciées, elles apparaissent à partir du n° 48 au rang des machines testées. Ce changement progressif de ligne éditoriale se lit enfin dans l’intérêt pour le jouet électronique, jusque-là peu considéré : il devient l’objet de quelques articles à l’image des « vaisseaux infra-rouges et interactifs de Captain Power (Mattel) » (no 52).
J&S « Micro », n° 29, p. 23.

J&S « Micro », n° 29, p. 39.

J&S, n° 51, juin 1988.

J&S « Micro », n° 51, p. 79.

12. Revirement éditorial et fin du magazine (no 55–68)
52À partir du n° 55, la ligne éditoriale concernant le jeu vidéo est abandonnée et son traitement de s’aligner plus encore sur celui de la presse spécialisée. À l’occasion d’un changement de formule — le magazine devient mensuel — la maquette du cahier « Micro » est modifiée : plus de pages sont consacrées au jeu vidéo et le nombre de tests augmente ce qui suppose des textes plus courts encore dans une nouvelle rubrique « Microflash ». L’équipe des rédacteurs du cahier change également : aux auteurs historiques à l’origine de J&S succèdent de nouveaux et jeunes collaborateurs. Autre changement majeur, les jeux à programmer disparaissent pour faire place à une rubrique « Micromanie » qui fournit des aides, des cartes et des solutions. L’ouverture aux jeux d’arcade est enfin clairement assumée : « Vous rencontrerez plus souvent qu’au passé ce genre de denrée dans nos sélections. Osez dire que vous ne cédez jamais au plaisir passager d’un casse-briques. »
53L’alignement du cahier sur la presse spécialisée se manifeste enfin par une refonte du système d’évaluation. Conservant deux des items précédents, les notions d’« accessibilité » et de « durée » disparaissent pour celles de « sons » et d’« animation ». Se rapprochant du modèle scolaire, le système d’évaluations est revu au profit d’une échelle sur dix. Enfin, le recours aux couleurs vives, qui tranchent avec les éditions précédentes, et la présence d’un cœur en lieu et place du texte « nous aimons » témoignent du caractère plus important accordée à la notation : il ne s’agit plus d’analyser de façon réflexive une expérience ludique mais de permettre au lecteur de repérer, parmi un foisonnement de titres, « les meilleurs ».
Grille d’évaluation des jeux vidéo à partir du n° 55.

54Ces changements éditoriaux s’inscrivent dans une large réorientation du magazine vers les jeux de simulation. S’ajoutent en effet deux nouvelles rubriques récurrentes : « jeux de rôles » et « grandeur nature ». Ces modifications témoignent de la recherche d’un positionnement nouveau au tournant des années 1990 et de la difficulté à maintenir une approche généraliste. À la lecture de l’édito du n° 59, rien ne laisse présager de la fin du magazine annoncée le numéro suivant.
13. Du délicat positionnement de J&S dans le champ de la presse ludique
55Malgré une relance, quelques mois après son premier arrêt, J&S cesse définitivement sa publication l’année suivante. On peut, en première analyse, suivre les raisons invoquées par le directeur de publication : la publicité hébergée est insuffisante pour un journal dont le coût de production se révèle élevé au regard du nombre de pages, de la densité des articles et de son caractère généraliste qui suppose un nombre important de collaborateurs. Cette difficulté se traduit objectivement par un réajustement fréquent du prix et la recherche d’un modèle économique soutenable dont l’équipe de rédaction fait régulièrement part à ses lecteurs (no 10, 22, 38, 54, 55). Confirmé par les acteurs interrogés, ce « manque d’annonceurs » est à mettre en relation avec la « faiblesse » du secteur professionnel au début des années 1980, mais aussi avec une certaine « frilosité » des éditeurs français orientés sur « l’enfance » pour le jeu de société et sur « l’éducation » pour le jeu vidéo. L’étude de la publicité diffusée dans les pages du magazine confirme cette difficulté : si l’on constate une forte présence du secteur du jeu, principalement anglo-saxon dans les premiers temps, les annonceurs se révèlent par la suite hétérogènes (échiquiers électroniques, jeux vidéo, jeux de société, ordinateurs calculatrices, montres électroniques, manuel de programmation, guides scolaires, cigarettes, cigares, tabac pour pipes, bandes dessinées…).
Courrier du directeur de la publication, J&S, n° 60, juillet 1989.

56Cette diversité témoigne à la fois du délicat positionnement du magazine et de la tension qui traverse sa ligne éditoriale et son équipe de rédacteurs : tandis que certains d’entre eux, comme François Pingaud, déclarent « leur horreur » des jeux vidéo et des jeux de rôles qu’ils considèrent comme « abêtissants » (no 35), d’autres en font une promotion importante, en écrivent, en produisent et en éditent. Le lectorat semble tout aussi divisé. Dans le n° 42 sont rapportés les résultats d’un sondage auprès des lecteurs sur l’évolution de J&S : la première moitié d’entre eux estiment qu’il y a trop de « jeux micro », la seconde moitié en veut davantage.
57Si le bouillonnement créatif et ludique du début des années 1980 rend possible la cohabitation d’univers ludiques et fait l’originalité du journal, le milieu de la décennie observe une spécialisation et une autonomisation des genres. Dans le domaine du jeu de rôle, la presse connait son « âge d’or » en termes de ventes entre 1985 et 1990 à l’image de Casus Belli et le nombre de titres se multiplient : Dragon Radieux (1985), Chroniques d’outre monde (1986), Graal Magazine (1987). Du côté du jeu vidéo, on ne compte pas moins d’une douzaine de créations de magazine sur la même période, dont certains se sur-spécialisent sur des machines à l’image d’Amstrad Magazine en 1985 ou de ST Magazine la même année. Concurrencé de toutes parts par plus spécialiste que lui, il devient difficile pour J&S de maintenir une ligne éditoriale généraliste. Dans le même temps, le décollage des pratiques vidéoludiques et la multiplication des titres à partir des années 1990 vont rendre plus ardu encore le maintien d’une presse sur le jeu vidéo « non entièrement vidéoludique ». Ce nouveau loisir commence en effet à dominer l’ensemble des autres pratiques pour devenir au tournant des années 2000 le principal loisir ludique « de masse » (Coavoux, 2019).
J&S, n° 10.

J&S, n° 24.

J&S, n° 29.

J&S, n° 31.

J&S, n° 37.

J&S, n° 38.

J&S, n° 44.

J&S, n° 48.

Conclusion
58Au terme de cette exploration de J&S, on peut retenir l’importance des années 1980 dans l’histoire des loisirs ludiques en France et le rôle que le magazine y a occupé avec d’autres. Par son caractère généraliste, il a en effet introduit, diffusé, encouragé un ensemble de pratiques dont certaines se sont progressivement imposées comme des activités importantes en termes de publics ou de visibilité sociale : le jeu vidéo bien sûr, le jeu de société « moderne », le jeu de rôle, le G.N… Encourageant le développement des clubs, soutenant la création française et développant ses propres jeux, J&S a contribué au développement d’un écosystème du jeu et à son nouveau régime. La relecture de J&S, plus de trente ans après sa disparition, nous renseigne ainsi sur l’importance des années 1980 dans la construction de ce nouveau régime mais aussi sur les difficultés en France à développer un secteur. Les professionnels apparaissent en effet dans les premiers temps comme très attachés à une vision éducative du jeu, à l’opposé d’une logique anglo-saxonne d’entertainment plus ouverte sur le plaisir et le divertissement.
59Par son caractère scientifique, J&S participe aussi du développement d’une réflexion originale sur le jeu. À l’instar des sciences du jeu qui émergent au même moment, J&S analyse les nouvelles pratiques ludiques à côté, et parfois au regard, de traditions plus anciennes. Par les rubriques « histoire des jeux », « théorie des jeux » et par la ligne éditoriale suivie, le magazine analyse formellement ces nouveaux objets et les inscrit dans une histoire longue. Le développement du jeu vidéo, consubstantiel à celui de l’informatique, apparait comme ainsi pris dans une tradition plus ancienne et dans un va-et-vient permanent avec les autres formes ludiques contemporaines qu’il côtoie. Il emprunte des thèmes et des formalismes au monde du jeu de société tout en produisant de nouveaux standards qui s’imposent ailleurs. On mesure ainsi, à la lecture du magazine, les nombreux legs dont le jeu vidéo a bénéficié avant de devenir, la décennie suivante, la face visible et dominante de la culture ludique contemporaine. Pratique ludique massive qui bénéficie aujourd’hui d’une visibilité sociale importante, elle a largement dépassé le monde feutré et socialement situé des « amateurs de réflexion » qui restent, tout au long de sa parution, le cœur de J&S.
Notes de bas de page
1 La presse consacrée aux échecs est ancienne. On peut citer à titre d’exemple le mensuel Palamède dans les années 1830 ou La Stratégie en 1867.
2 Quatre anciens collaborateurs ont été interviewés. Ce travail a été mené dans le cadre du projet LUDOPRESSE, soutenu et financé par le Labex ICCA.
3 Une partie de la rédaction travaillait déjà dans les locaux du groupe Excelsior.
4 Auteur de jeux (wargames et jeux vidéo), scénariste de bandes dessinées (Les Chroniques de la lune noire), il travaille notamment à T.S.R. aux États-Unis auprès de Gary Gigax, l’auteur de Donjons et Dragons. Il travaillera également dans le secteur du jeu vidéo pour Cryo et Infogrames notamment.
5 Co-créateur du jeu de rôle Mega, rédacteur du magazine Casus Belli (1983–1999).
6 Le titre réapparait en 2002, non pas sous la forme d’une relance mais d’un hommage rendu par le magazine Tangente Jeux consacré aux jeux de logiques. À l’occasion d’une fusion avec le magazine Vox Ludi, il change de nom pour Tangente Jeux et stratégie et signifie ainsi le changement de formule. Après 26 numéros, la publication s’arrête en 2007. On lit dans les pages de cette dernière mouture les signatures de quelques anciens collaborateurs de J&S.
7 Né en 1950, il est à 22 ans maitre auxiliaire et enseigne les mathématiques. Il abandonne une licence maths/physique pour les échecs et remporte le championnat de France à 28 ans. En 1980, il devient maitre international. Auteur de plusieurs ouvrages sur les échecs, il collabore à d’autres journaux spécialisés. Il est consultant sur le film de Richard Dembo La Diagonale du Fou. Plusieurs articles de J&S sont consacrés à sa trajectoire, ses performances et son activité (no 17, 26, 35, 56).
8 Né en 1956, il remporte son premier championnat de France de dames en 1981. Deux ans plus tard il devient maitre international. Détenteur d’un baccalauréat, il exerce le métier de gardien dans une agence d’assurance (no 12, 26, 33, 35).
9 Né en 1953, il est diplômé d’HEC. Il remporte le championnat de France de Scrabble en 1979 et maintient son classement pendant sept ans. Il remporte également à deux reprises les championnats mondiaux de Scrabble. Il est finaliste du « Masters des Chiffres et des lettres » en 1987. Auteur de plusieurs ouvrages sur le jeu (Backgammon, Tarot, Loto) et joueur de poker, il tient des rubriques sur le jeu dans d’autres revues (no 24, 29, 30, 35).
10 Né en 1944, il intègre les classes préparatoires aux grandes écoles en mathématiques. Il est 14 fois champion de France, champion d’Europe en 1974, 1976 et 1983, champion olympique en 1980 et champion du monde en 1982. Auteur d’un ouvrage de référence sur le bridge, traduit dans plusieurs langues et vendus à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires (no 35). Il tient une émission sur 88.5FM au milieu des années 1980.
11 Né en 1943, il est rédacteur en chef de la rubrique « Go » de Science et Vie entre 1975 et 1986. Auteur de plusieurs ouvrages sur le go, il est classé 3e au championnat du monde amateur à Osaka au Japon (no 21).
12 Polytechnicien, ingénieur du génie rural et haut fonctionnaire, il devient champion de France d’Othello en 1981 et finit 4e au championnat mondial la même année. Auteur d’ouvrages sur les jeux (Awélé, Dames Chinoises) (no 35).
13 Né en 1954 (mort en 2009), il fréquente l’École Normale Supérieure (Ulm). Auteur du jeu de rôle Empire galactique, il travaille pour l’éditeur de jeu vidéo Cocktel Vision, puis Infogrames (no 10, 13, 20).
14 Né en 1953 (mort en 2005), il est l’auteur du premier jeu de rôles français : L’ultime épreuve. Il est également directeur de la collections « Histoires à jouer » chez Presse Pocket.
15 Né en 1961, il suit une formation à l’école nationale d’ingénieurs de Caen en 1981. Critique au journal Métal Hurlant, il travaille pour le magazine Casus Belli à partir de 1984 comme rédacteur adjoint. Il est l’auteur du jeu de rôles Simulacres. Il travaille à la traduction française du jeu Magic (Wizards of the Coast). Il travaille ensuite pour Ubisoft et Blizzard Entertainment en Europe (no 38).
16 Né en 1961, docteur en histoire, agrégé de sciences sociales, il est l’auteur de nombreux jeux dont certains ont été récompensés, traduits et vendus à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde, Citadelles par exemple.
17 Né en Italie dans les années 1950, il est l’auteur de plus d’une vingtaine de jeux, créés seuls ou avec d’autres (François Nédelec notamment), et dont certains connaitront un succès critique comme le jeu Condottière auquel il collabore avec Dominique Erhard. Diplômé d’un DEA en histoire, il est aussi l’auteur d’un ouvrage sur Les jeux de simulations (1984, MA Éditions, Paris).
18 Née en 1957, elle collabore à d’autres magazines de jeu. Elle est l’autrice de plus qu’une quarantaine de jeux, seules ou en collaboration, dont certains sont des succès critiques et publics, tels que Elixir, Tic-Tac-Boum ou encore Shabadabada. Elle fonde également une société d’édition de jeux, La Haute Roche, en 2002.
19 Spécialiste des énigmes et des jeux de cartes, auteur de jeux, il fonde la maison d’édition Spiel ou Face en 2006. Il collaborera en tant que journaliste ou rédacteur à des revues spécialisées jeu vidéo : Tilt, Amstrad Magazine, Console +…
20 Festival international ludique de Parthenay
21 L’une des premières grandes conventions dédiées au jeu de société « moderne » créée en 1975.
22 Le premier club y est présenté comme ayant été créé en 1978 « par des ingénieurs et des techniciens du Centre national d’études et de télécommunication d’Issy-les-Moulineaux, passionnés par l’informatique », avec l’appui de l’administration des PTT. En 1980 il rassemble près de 2600 membres au travers de 61 antennes régionales. Il devient en 1982 une « fédération qui regroupe plus de 180 clubs et associations répartis sur tout le territoire » et regroupe « plus dix mille adhérents ».
23 Auteur et co-fondateur de la société d’édition de jeu vidéo Cobra Soft.
24 Maisons de la jeunesse et de la culture.
25 Tels que le FLIP, le Festival international des jeux de Cannes ou le Salon des jeux de réflexion, tous trois créés en 1986.
26 La liquidation judiciaire de France Image Logiciels est également rapportée dans ce numéro.
27 Société civile des auteurs multimédia.
28 Un article est consacré à Daniel Duthil, « fondateur de l’Agence pour la protection des programmes », qui dénonce « un scandale : l’AGESSA reçoit les cotisations des auteurs de logiciels, mais refuse de les rembourser en cas de frais ! ».
29 Avant de devenir un terme académique, le terme de « ludologie » est d’abord employé dans le champ de l’éducation populaire et par certains milieux professionnels. Il renvoie à des activités de conseil, de réflexions et de conception d’une activité ludique.
30 Dans le n° 58, la formation est de nouveau présentée à travers l’interview de « Nicolas Rondelet, 23 ans, étudiant à l’université de Villetaneuse ».
31 Un des collaborateurs de J&S, Olivier Thill, champion de France d’Othello, est passé par la formation qu’il évoque dans le n° 24.
32 Historien indépendant, président de l’International Playing-Card Society, membre du conseil d’administration de la fondation du musée suisse du Jeu, il est l’auteur d’articles et d’ouvrages de référence dans le domaine des jeux et des cartes à jouer. Il est aussi l’auteur de plusieurs catalogues d’exposition à la Bibliothèque nationale de France et au musée de la Carte à jouer.
33 Fédération française des jeux de simulation stratégique et tactique.
34 Plusieurs jeux récompensés sont édités : Fief (Pion d’or 1981), Le Gang des Tractions Avant (Pion d’or 1985), Armada (Pion d’or 1986)…
35 Né en 1959, il est l’auteur de plus d’une douzaine de jeux de société, seul ou en collaboration. Après être passé par l’école normale et l’IUFM, il exerce la profession de conseiller pédagogique.
36 Né en Italie en 1951, il est l’auteur de plus de plus d’une centaine de jeux, des wargames, parmi lesquels Zargo’s Lord.
37 Auteur de jeux chez Nathan, certains primés, il écrit également des romans jeunesse et des livres dont vous êtes le héros.
38 Présent dès les premiers numéros, il est l’un des collaborateurs les plus prolixes. Il est également en charge du développement du service minitel.
39 Édité par Strategic Simulations.
40 Édité par Sir-Tech Software.
41 Édité par Sierra On-Line.
42 Édité par Edu-Ware.
43 Édité par Phoenix Software.
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