Chapitre VII. Amour tordu de la patrie

1 Édition de référence : Jean Genet, Pompes funèbres, Paris, Gallimard, coll. « L’Imaginaire », 1978. En 1953, Genet donna une version officielle et expurgée du texte chez le même éditeur, qui ne rétablit le texte de l’édition originale que dans celle que nous retenons ici.

2 Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à l’article sur Genet publié en 1952 par Bataille dans Critique, réponse au Saint Genet, comédien et martyr de Sartre (Georges Bataille, « Genet », dans La Littérature et le Mal, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1967 [1957]). Pour une analyse des enjeux de cette concurrence, appréhendés du point de vue de Bataille, voir : François Bizet, Une communication sans échange. Georges Bataille critique de Jean Genet, Genève, Droz, coll. « Histoires des idées et critique littéraire », 2007. Sur Georges Bataille, voir aussi le chapitre 5 du présent volume.

3 J. Genet, L’Enfant criminel, dans L’Enfant criminel et ’Adame Miroir, Paris, Paul Morihien, 1949, p. 23.

4 J. Genet, Journal du voleur, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2005 [1949], p. 138-139.

5 Thèse développée dans la somme fameuse Saint Genet, comédien et martyr, publiée chez Gallimard en 1952 et qui a longtemps dominé la réception de Genet. Après avoir été découvert et « couvé » par Cocteau et son entourage, dont les penchants vichyssois et maurrassiens sont bien connus (François Sentein, Roland Laudenbach, futur fondateur des éditions de la Table ronde, Robert Denoël, qui apporta son aide logistique à la publication clandestine des premiers textes de l’auteur sous l’Occupation), Genet a été coopté par le groupe existentialiste, ce qui a assuré son « passage à gauche » à la Libération.

6 Voir Jacques Derrida, Glas, Paris, Galilée, 1974. Dans la réception de Genet, la lecture derridienne s’est substituée à celle de Sartre et apparaît paradoxalement au moment où l’auteur, après un long silence, revient sur les devants de la scène en prenant des positions politiques d’une extrême radicalité : défense des immigrés et contestation du système carcéral en France, mais surtout soutien affiché aux Black Panthers américains et aux feddayins palestiniens, doublé d’un antisémitisme d’une violence inouïe.

7 Patrice Bougon et Jean-Michel Rabaté, « Genet et la politique : entretien », dans Études françaises, vol. 31, n° 3, 1995, p. 103-110.

8 Nathalie Fredette, « Jean Genet : les pouvoirs de l’imposture », dans Études françaises, vol. 31, n° 3, 1995, p. 89-sq.

9 J. Genet, Journal du voleur, éd. citée, p. 198.

10 Voir à ce sujet : Anne Simonin, « Trahir », dans Vincent Duclert et Christophe Prochasson, dir., Dictionnaire critique de la République, Paris, Flammarion, 2002, p. 1120-1125.

11 Lire à ce sujet l’ouvrage de : Ivan Jablonka, Les Vérités inavouables de Jean Genet, Paris, Seuil, coll. « XX^e siècle », 2004.

12 J. Genet, L’Enfant criminel, éd. citée, p. 27-28.

13 L’expression, qui est à entendre dans toutes ses acceptions, est due à Hadrien Laroche, Le Dernier Genet. Histoire des hommes infâmes, Paris, Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1997.

14 Sur l’antisémitisme de Genet, l’ouvrage qui a (re)lancé le débat est dû à Éric Marty, Jean Genet, post-scriptum, Paris, Verdier, 2006 (ce livre faisant lui-même suite à un chapitre d’ouvrage publié par le même auteur en 2003).

15 Mention figurant sur la page de couverture de l’édition originale. Cette première édition clandestine fut en fait prise en charge par Gallimard.

16 Edmund White, Jean Genet, Paris, Gallimard, coll. « Nrf Biographies », 1993.

17 Philippe Sollers, « Préface » à J. Genet, Journal du voleur, Querelle de Brest, Pompes funèbres, Paris, Gallimard, coll. « Biblos », 1993, p. XXIV.

18 Ajoutons pour être complet qu’au terme de cette scène, Riton tue son amant, le tankiste Erik, alors même qu’il éprouve pour lui l’amour le plus tendre et que ce geste ne le sauvera pas de la vindicte populaire : façon pour le jeune milicien de préférer sa patrie à son amour ?

19 On ajoutera que Genet n’ignore évidemment pas toute la polysémie que recèle le violon, à la fois synonyme argotique de la prison, mais aussi indexable sur la thématique du viol qu’on vient précisément d’évoquer.

20 Jean-Paul Sartre, « La nationalisation de la littérature » (1945), repris dans Situations, II, Paris, Gallimard, 1948.