« Allons enfants de la patrie » : images des enfants dans la guerre franco-prussienne et la Commune
p. 23-42
Texte intégral
1De nombreuses images et caricatures gravées ou lithographiées ont été réalisées lors du premier siège de Paris par les Prussiens, puis sous la Commune de Paris, pendant l’automne et l’hiver de 1870-1871. D’abord publiées dans des revues satiriques, elles ont largement circulé, achetées à l’unité1, affichées sur les murs de Paris, dans les vitrines des magasins, puis (ré)éditées en séries et rassemblées dans des albums. Edmond Duranty déclare ainsi :
Le siège se déroule, la famine, le bombardement, l’hiver glacial sont venus [...] la caricature a cheminé avec la lutte [...]. Des séries de feuilles volantes, paraissant une ou deux fois par semaine et se réunissant à la fin en un album broché ou cartonné, avec un titre publié aussi en feuille séparée, se disputent les étalages2.
2La collection de la Cambridge University Library (UL) est un des ensembles réunis et compilés par Frederick Justen (1832-1906), l’assistant d’origine allemande des libraires londoniens Dulau & Co3. Il était le fournisseur de bibliothèques, musées et sociétés savantes britanniques en publications de langue étrangère (en particulier des revues scientifiques) et avait probablement un très bon réseau de contacts dans le commerce du livre sur le continent. Justen, qui prit la direction de la librairie Dulau à partir de 18754, était ainsi un fournisseur de la bibliothèque universitaire de Cambridge.
3Il rassembla de très grandes quantités d’estampes produites principalement à Paris en 1870-1871 et constitua à partir d’elles plusieurs collections d’albums reliés pour lesquels il créa une page de titre spéciale : Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871. On trouve désormais ces collections, qui reprennent des matériaux communs, mais dont l’étendue varie considérablement à la British Library (10 volumes)5, à l’Universitätsbibliothek Heidelberg (9 volumes)6, au Victoria and Albert Museum (9 volumes)7, à la Cambridge UL (6 volumes), à la Louisiana State University à Bâton Rouge (collection provenant de John Crichton-Stuart, 3e marquis de Bute, 6 volumes), à la Hennepin County Library, Minneapolis Central Library (4 volumes) et à l’Oxford Bodleian Library (1 volume)8.
4Le public britannique bibliophile semble avoir manifesté un intérêt précoce pour ces sources et matériaux imprimés illustrés relatifs à l’histoire mouvementée de la France de la fin du xviiie et du xixe siècle, comme le montre l’existence d’autres collections de ce type (voir celles du Fitzwilliam Museum de l’Université de Cambridge et de l’Université de Glasgow, assemblées par un autre libraire londonien, Francis Harvey9). L’année de sa mort, en 1906, Justen fit don à la Cambridge UL d’un ensemble de 6 volumes, ainsi que de numéros distincts de revues satiriques françaises et d’une collection de livres, brochures et journaux illustrés relatifs à la révolution espagnole de 1868-187210.
5Dans ces collections de « caricatures et de charges », toutes les estampes ne sont pas des caricatures : on y trouve une variété d’imprimés comprenant des jeux de société, des plans et des cartes, des calendriers, etc. Compte tenu de la complexité de la situation politique, ces feuilles imprimées illustrées sont intéressantes par la diversité des opinions politiques qu’elles expriment : elles ont souvent servi d’outils de propagande. Dans les plus anciennes, les caricatures antigermaniques et anti-impériales dominent. Par la suite, au printemps 1871, elles reflètent l’intensité des divisions entre républicains dans le contexte de la guerre civile et de la Commune de Paris.
6Les enfants pendant la période et les événements de 1870-1871 ont longtemps été négligés par la recherche, par contraste avec leur rôle dans d’autres épisodes historiques, comme la Révolution de 1789 ou la Première Guerre mondiale11. Les études portant sur les représentations visuelles des enfants se concentrent davantage sur les tableaux que sur le genre secondaire des imprimés et des caricatures, un médium qui n’a pas le prestige esthétique ni la reconnaissance d’une forme d’art établie comme la peinture12.
7Nous examinerons ici les représentations des enfants pendant la guerre franco-prussienne et la Commune de Paris à travers la collection d’estampes de la bibliothèque de l’Université de Cambridge. Ces images présentent les enfants comme des victimes de la guerre, mais aussi comme des témoins privilégiés des événements historiques qui se déroulent autour d’eux. Si les enfants sont souvent utilisés comme porteurs d’espoir, incarnant les visées progressistes de la Commune, ils sont aussi investis de l’idéologie de la revanche contre les Allemands.
Des victimes de la guerre alimentant l’hostilité contre les Allemands
8La représentation des enfants, innocentes victimes d’un ennemi impitoyable, constitue une arme redoutable dans la guerre de propagande antigermanique. L’artiste Cham, pseudonyme de Charles Amédée de Noé (1818-1879), célèbre caricaturiste et illustrateur de journaux et magazines satiriques, est avec Honoré Daumier l’auteur d’un « Album du siège » rassemblant des caricatures publiées dans Le Charivari pendant le siège de Paris par les Allemands. Une de ses gravures13 expose le bombardement auquel les Allemands, sous le commandement de Helmuth von Moltke, soumettent le jardin du Luxembourg à la fin du siège de Paris, entre décembre 1870 et janvier 1871 (illustration 1)14. Des soldats allemands tirent à bout portant sur les enfants et les nourrissons qui jouent dans le parc. Bien que l’image ne soit pas réaliste et vise principalement à attiser la haine et l’indignation contre l’ennemi, elle est bien fondée sur des faits historiques : le parc reçut 66 obus entre le 5 et le 19 janvier 1871. La gravure peut refléter l’indignation des Parisiens devant les victimes civiles des bombardements allemands de janvier 1871 qui, pour des raisons techniques, touchent principalement la rive gauche et incluent des hôpitaux comme la Salpêtrière15. Le Sénat, logé dans le palais du Luxembourg, abritait un hôpital provisoire, et quelques logements avaient également été construits dans le parc pour les populations déplacées de la région parisienne. La légende, « La valeur prussienne n’attendant pas le nombre des années », est ironique. Elle adapte la citation du Cid, héros tragique de Pierre Corneille : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées,/ La valeur n’attend point le nombre des années16. » Ici les Allemands manifestent leur lâcheté en s’attaquant aux plus jeunes et aux plus faibles de la population civile parisienne.
Illustration 1. Cham [Charles Amédée de Noé], « Jardin du Luxembourg », dans Album du siège : recueil de caricatures publiées pendant le siège dans Le Charivari, Paris, aux bureaux du Charivari, 1871.

9Une autre illustration de l’Album du Siège rappelle les dangers de la guerre, y compris pour les civils17. Elle présente un autre enfant victime des bombardements, allongé sur le sol tenant un soldat de plomb. Un officier allemand l’observe à travers ses lunettes et offre un commentaire cynique doublé d’un accent comique. La suggestion inquiétante d’une hostilité transmise aux générations futures, « Tant bis ! Il aurait brobablement ennuyé blu tard les enfants de Fritz », reflète la préoccupation contemporaine pour la démographie et son influence sur la géopolitique européenne, dans le contexte des guerres de la fin du xixe et du début du xxe siècle. En arrière-plan, un soldat allemand s’acharne sur une silhouette effondrée sur le sol. Cham n’hésite pas à recourir aux stéréotypes et à l’exagération caricaturale pour alimenter l’hostilité contre les Allemands.
10Si pour dépeindre les atrocités de la guerre Cham se fait plus suggestif que réaliste, une perspective beaucoup plus graphique est offerte à travers une estampe cauchemardesque, attribuée à Edmond Guillaume, « Le bain de sang18 ». Cette image montre l’empereur Guillaume Ier, couronné de lauriers, fumant une pipe tyrolienne, entrant dans une mare de sang. Des cadavres flottent à la surface de l’étang, tandis que d’autres, décapités ou mutilés, dont un petit enfant, sont suspendus à un arbre au-dessus de lui. Sur le bord, Otto von Bismarck attend obséquieusement que son souverain émerge, lui offrant en guise de serviette un drapeau français en lambeaux. En arrière-plan, un groupe de cavaliers encercle un village en flammes.
11L’utilisation de la couleur, appliquée à la main, avec des effets de variations, rend ce spectacle funeste encore plus horrible et révoltant. Dans l’imprimé de Cambridge, le vert donne à la forêt une ambiance fantasmagorique. Le rouge solide de l’image de Heidelberg et les ondulations de celle de Paris, auxquels s’ajoutent les représentations du sang qui coule des cadavres suspendus, renforcent l’horreur de la scène. À travers cette image, le spectateur est transporté dans un univers terrifiant où, tel un Dieu cruel exigeant des sacrifices humains, l’empereur allemand jouit avec perversion du sang de ses victimes innocentes, à commencer par les femmes et les enfants.
12Ces images, parfois choquantes, destinées à exalter le patriotisme de ceux auxquels elles sont destinées dans le contexte de la guerre contre les Allemands, expriment la violence nouvelle d’un conflit qui n’épargne pas les populations civiles et où les développements techniques donnent aux armes militaires une puissance meurtrière jusqu’alors inégalée.
Les enfants comme témoins inquisiteurs
13Dans les caricatures, les enfants figurent comme victimes muettes et passives des conflits, mais ils peuvent aussi porter un regard naïf sur les événements qui les entourent. Ils posent alors des questions potentiellement dérangeantes, sans les inhibitions ni la suspicion de parti pris politique qui s’appliquent aux adultes, bien qu’ils soient porteurs d’idéologies ou de discours critiques différents. Cela aide à créer un effet humoristique, même s’il s’agit d’humour noir.
14Toujours dans l’Album du Siège de Cham, un enfant interroge son père sur les explosions qui se produisent à l’horizon19. Ce dernier le rassure : ce n’est que le « dernier bouquet » du feu d’artifice du 15 août, même s’il s’efforce d’éloigner son fils du champ de bataille. Le 15 août, à l’origine une fête religieuse, celle de l’Assomption de la Vierge, fut choisi par le roi Louis XIII pour célébrer la naissance d’un héritier longtemps attendu, le futur Louis XIV. Il coïncide avec la date de l’anniversaire de Napoléon, qui en fit à la fois sa fête et la date de la fête nationale française (elle ne sera remplacée par le 14 juillet qu’en 1880). Après la défaite militaire contre les Allemands, les Français ne bénéficient en guise de célébration que du « spectacle » des bombardements contre Paris assiégé. Paradoxalement, les bombardements de janvier 1871 offrirent aussi une forme de divertissement à certains Parisiens.
15La représentation d’un enfant au regard inquisiteur est souvent utilisée pour dénoncer certains aspects de la guerre et de ses conséquences sociales et politiques. Telle est l’attitude gênante d’un jeune Parisien envers une courtisane représentée au bras d’un officier allemand dans les rues de Saint-Denis20. En arrière-plan, des couples similaires se promènent ensemble ou sont assis à la terrasse d’un café. Dans ce cas, la femme répond à la question muette du garçon par un constat cynique et paradoxal : « C’est ton Prussien qui te fait vivre ! »
16L’utilisation du discours direct dans les sous-titres met aussi en évidence le point de vue de l’enfant qui n’hésite pas à poser des questions embarrassantes. Dans une caricature de Georges Pilotelle, alias Pilotell (1845-1918), « Le gros militaire », un jeune garçon tenant la main de son père l’interroge sur toutes les décorations portées par un officier croisé dans la rue21. Le père l’identifie ironiquement comme un « héros » – le général Joseph Vinoy –, qui commandait les troupes françaises lors de la défaite de la bataille de Loigny le 2 décembre 1870, a contribué à étouffer l’insurrection parisienne du 22 janvier 1871, et a « signé la capitulation de Paris et supprimé la liberté de la presse ».
17Les enfants ne sont donc pas uniquement des victimes : ils jouent aussi le rôle de témoins, parfois critiques, des réalités auxquelles ils sont confrontés, faisant à l’occasion ressortir la compromission et la faiblesse de ceux qui sont tenus pour responsables de la défaite face aux Allemands.
Illustration 2. Léonce Schérer, « Jamais Paris n’a été si tranquille que sous la Commune », dans Souvenirs de la Commune, Paris, Deforet et César / Lithographie Barousse, 1871.

Les enfants engagés dans la guerre et la Commune de Paris
18Les représentations des enfants lors des conflits de 1870-1871 ne sont pas toutes tragiques ou pathétiques. L’estampe de la série Souvenirs de la Commune du peintre, caricaturiste et lithographe Léonce Schérer (1827-1876), avec la légende paradoxale « Jamais Paris n’a été si tranquille que sous la Commune22 », dépeint le paysage sonore cacophonique de Paris, quand les journaux et les imprimés, bénéficiant d’un assouplissement de la censure, étaient vendus à grands cris par des garçons et des filles dans les rues (illustration 2). On y trouve des journaux radicaux, révolutionnaires ou communards comme Le Père Duchesne, Le Cri du peuple, Liberté, Le Réveil, Rappel, Le Mot d’ordre, etc.
19Le réalisme laisse place à une scène carnavalesque, marquée par le son du tambour et de la trompette joués par les gardes nationaux. L’artiste suggère l’excès par la contorsion des corps et la bouche grand ouverte des personnages représentés, ainsi que par la réaction de la bourgeoise vêtue de rouge qui se bouche les oreilles et de son compagnon tombé sur la chaussée. Leur posture comique est renforcée par les costumes grotesques portés par le couple figurant au balcon (ils crient soit pour protester contre le bruit et l’agitation de la rue, soit pour demander un titre spécifique) et par le choix d’une gamme de couleurs simples, mais contrastées. Avec la représentation de personnes qui courent à l’arrière-plan, tout contribue à l’atmosphère de tintamarre et de chaos généralisé. Les enfants sont ici présentés comme faisant pleinement partie de la vie de la cité, engagés, par leur travail et leurs activités (certains portent le bonnet phrygien), dans la promotion et la propagation du discours communard.
20La même série23 pose la question des enfants soldats et de leur enrôlement dans les forces de la Commune24 : devant un bureau de conscription militaire, sous l’affiche d’un décret intitulé « Levée en masse », un garde national présente ses nouvelles recrues à un officier portant un ridicule chapeau à plume et à la taille l’écharpe rouge des membres du Comité central de la Commune25 : « Citoyen Général, t’as demandé des hommes et du solide, en voilà... » L’adresse révolutionnaire « citoyen », le tutoiement et la familiarité des expressions et du registre témoignent du peu d’éducation de l’instructeur dont les nouveaux candidats sont des enfants et des nourrissons avec des armes en bois ! Le spectacle est comique, mais témoigne des difficultés liées à la constitution et au maintien des forces militaires de la Commune, formées principalement d’engagés volontaires : les gardes nationaux et les Parisiens qui prennent les armes pour défendre la Commune lors de l’attaque des Versaillais à la fin du mois de mai. De fait, l’engagement d’enfants (définis comme « individus de moins de 16 ans ») dans les bataillons de la Commune fut rare, souvent pratiqué dans un contexte familial, en lien avec l’appartenance politique et locale, parfois justifié par des besoins économiques. Le bataillon des pupilles de la Commune, qui défendit les barricades entourant le château d’eau, constitua une exception26.
21Dans ces Souvenirs de la Commune de Léonce Schérer, les enfants, pris à partie par les adultes et impliqués malgré eux dans un conflit qui leur échappe, font ressortir l’extrême animation populaire, sociale et médiatique qui accompagne la mise en place d’un nouveau gouvernement révolutionnaire ; mais aussi les difficultés administratives et militaires auxquelles est rapidement confrontée la Commune.
Les enfants et la Commune : au cœur des guerres de représentation
22Les représentations des enfants sous la Commune sont largement influencées par l’héritage de la Révolution française et son imagerie visuelle. Le tableau d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple (en relation avec la révolution de 1830) et la représentation de Gavroche27 sur les barricades dans Les Misérables (1862) de Victor Hugo ressortent de l’œuvre d’Henri Demare (1846-1888), un dessinateur et caricaturiste reconnu qui a contribué à de nombreux journaux satiriques.
23Le titre « Une page d’histoire » reflète la conscience, de la part des acteurs de la Commune, de la portée historique et idéologique du combat auquel ils se livrent28. Dans cette représentation allégorique29, la position de l’artiste est ambiguë30. L’image a-t-elle pour objet d’exalter le patriotisme du spectateur et de faire appel à ses émotions en faveur de la Commune ? La légende donne une vision assez pessimiste de l’issue du conflit : « Ça fait le compte de Paris », suggère que la Commune est sur le point d’être écrasée, tandis que ressortent l’isolement et la faiblesse du couple défensif formé par la République (au corps imposant, mais dénudé, sous son drapé classique), et l’enfant qui l’accompagne.
24Tous deux sont dignes, mais aussi pathétiques, désarmés et exposés devant la barricade, uniquement munis de l’immense drapeau rouge31. Ils regardent avec inquiétude hors du cadre, où l’on imagine l’avancée des troupes de Versailles. Sous la Commune, « l’essentiel de l’activité combattante des enfants, comme celle des femmes, [est] liée à la défense des barricades32 » lors de l’entrée dans Paris des troupes versaillaises le 22 mai 1871. La masse puissante du peuple de la peinture de Delacroix s’est évanouie et sa marche exaltée et glorieuse semble ici remplacée par une ultime tentative de résistance vouée à un échec sanglant. Il est peut-être temps de « tourner la page » et d’abandonner les rêves communards d’une République rouge, démocratique et sociale. L’écrasement de la Commune coïncidera avec la victoire du drapeau tricolore. Le cours de l’histoire semble favoriser la compromission et la médiocrité puisque Adolphe Thiers, chef du gouvernement républicain conservateur établi à Versailles, ici ironiquement qualifié de « petit père », est incarné par un crapaud. Il bondit au premier plan comme un personnage comique et ridicule, mais aussi ignoble, repoussant et potentiellement venimeux.
25Républicaine et radicale, la Commune de Paris s’est opposée à l’Église catholique, considérée comme une institution conservatrice associée à la monarchie et au Second Empire, à travers des réquisitions, des arrestations et la promotion d’une école laïque, gratuite et obligatoire, dans le contexte d’un retour à la séparation de l’Église et de l’État, rétablie le 2 avril 1871 (après avoir été instaurée sous la Révolution française, puis révoquée par le Concordat de 1801). Des églises (comme le Panthéon ou Saint-Pierre de Montmartre) furent fermées, pillées, reconverties (notamment pour accueillir des réunions politiques), des biens ecclésiastiques et monastiques réquisitionnés. Des prêtres furent aussi arrêtés, notamment Georges Darboy, archevêque de Paris, retenu comme otage et finalement exécuté pendant la semaine sanglante.
26Du point de vue catholique, le travail révolutionnaire de la Commune et son programme, souvent antiecclésiastique, pouvaient être une source d’effroi et de condamnation. L’image dramatique « L’œuvre de Satan II » d’Émile Gogny utilise une allégorie, montrant la ville de Paris, Lutèce, échevelée, tenant une épée brisée, désespérée par le spectacle des violences et des destructions qui frappent la ville et l’Église33. Une grande pierre tombale portant les dates de la Commune (mars, avril et mai 1871) et la devise « Oublie, Travaille » condamne et commémore par des inscriptions latines la guerre civile qui frappe Paris (Contra fratrem frater ; Adversus patriam civis ; Contra hospitalem Lutetiam orbis34).
27Le squelette de la Mort plane au-dessus de Paris en flammes, ravagée par les pétroleurs et pétroleuses incendiaires. Des prêtres sont assassinés dans la rue, des religieuses chargées d’un orphelinat violemment expulsées. Un jeune homme est montré en train de profaner des objets religieux et liturgiques. Un autre écrit sur un mur : « Défense de prier. »
28Lutèce déplore le fourvoiement des Parisiens à travers cet énoncé paradoxal : « Après les Prussiens... mes fils avec l’Étranger [le Diable]. » Ces paroles semblent amalgamer l’image de Lutèce et celle de l’Église-mère35, utilisant le modèle de la relation maternelle (on note la jeunesse des communards représentés en action) pour dénoncer les exactions commises par les révolutionnaires.
29Pour les partisans de la Commune, l’attaque contre l’Église se conçoit comme celle du « travail et du progrès » contre « l’ignorance et la superstition », dans un discours et une imagerie qui rappellent ceux des Lumières. Ainsi, dans une estampe d’Alexandre Dupendant, un ouvrier musclé tenant une massue protège son fils en habit d’écolier, portant une pile de livres à l’école républicaine laïque36, et l’éloigne des ecclésiastiques dégénérés qui s’accrochent à leur précieuse accumulation d’icônes, d’objets liturgiques et de reliques37.
30Enfin, les collections de caricatures de 1870-1871 comprennent des images obscènes ou anticléricales fustigeant la conduite sexuelle des personnalités politiques de l’époque, mais aussi la morale de l’Église et le comportement de ses membres. Certaines de ces caricatures ont été réunies en albums distincts et ont été historiquement conservées séparément dans les collections des bibliothèques (c’est le cas à la British Library et à la bibliothèque universitaire d’Heidelberg). La représentation des enfants peut être un outil puissant dans le discours anticlérical, comme dans le dessin de Paul Klenck (né en 1844) pour la série « La calotte » qui évoque les abus sexuels commis par l’Église catholique. Le pape Pie IX est représenté assis sur un fauteuil moelleux, entouré d’enfants de chœur38. La légende contient une citation du Christ : « Laissez venir à moi les petits enfants » (Matthieu 19:14), mais l’image est chargée de sous-entendus obscènes.
31La mise en scène d’enfants au sein de ces images montre l’enjeu que représente la jeunesse (et son éducation) dans la défense ou la promotion de valeurs et de positions idéologiques et politiques radicalement opposées. L’idéalisme républicain et communard se prolonge souvent par une forme d’anticléricalisme auquel répond la dénonciation du règne de l’anarchie et de la terreur associé à la Commune d’un point de vue plus religieux et conservateur.
Un enfant d’exception : le Prince Louis-Napoléon Bonaparte
32Enfin, on ne peut manquer de parler d’un « enfant » exceptionnel, le prince Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte, qui, bien qu’ayant 14 ans au moment du conflit, est souvent infantilisé au sein des images satiriques. Les caricatures se moquent de son implication (très légère) dans la guerre franco-prussienne et le présentent comme le risible héritier de l’empereur défait Napoléon III. La presse et le public se sont particulièrement gaussés des communications de l’empereur, qui a insisté pour emmener le « jeune » prince sur le champ de bataille et a fièrement raconté comment son fils a gardé son calme et a ramassé une balle en souvenir de la bataille de Sarrebruck (2 août 1870). Tout comme son père, Louis-Napoléon a reçu des surnoms dépréciatifs, comme le diminutif et enfantin « Loulou » et ici « Titi-Louis », qui contraste avec son titre de « prince impérial ».
33Dans une caricature, appartenant à la série « Affiliation de Badinguet39 » qui tourne en dérision la famille et l’entourage de l’empereur, le peintre et dessinateur Louis-Valentin-Émile de La Tremblais40 (signant ici De La Tramblais) infantilise le prince par l’anamorphose (qui donne des proportions plus larges à sa tête) et ses accessoires, des jouets, à commencer par son cheval de bois41. Louis-Napoléon semble porter un costume de parade, orné de fil d’or, plutôt qu’un véritable uniforme militaire, et un bonnet de fou plutôt qu’un képi militaire. La fameuse balle qu’il tient à la main fait écho au ballon troué représentant « l’Empire » français en train de se dégonfler. Aucun soldat réel, que ce soit de l’armée française ou allemande, n’est représenté, bien qu’un épouvantail en uniforme apparaisse à l’arrière-plan. L’image présente la participation du prince dans le conflit comme une mise en scène ludique et dérisoire, plutôt que comme une véritable expérience du champ de bataille.
34Une autre caricature du jeune prince nous donne une idée des représentations satiriques inspirées par la famille impériale. « Une fuite en Égypte en passant par la Prusse » du peintre et lithographe A. Baudet-Bauderval (pseudonyme de Jean-Pierre Baudet, 1818-1875)42 réinterprète de manière parodique le voyage de la Sainte Famille (illustration 3)43. Le sinistre trio progresse dans son exil sur un terrain rocailleux : Napoléon III ouvre la voie, affublé du nez démesuré que lui donnent les caricaturistes. L’impératrice Eugénie, en dentelle noire, peut-être en deuil, s’accroche à son ombrelle, portant un fin collier et une couronne de fleurs incongrue. L’Enfant Jésus est remplacé par Louis-Napoléon, qui attire beaucoup moins d’empathie du fait de son âge. Son costume en fait la réplique miniature de son père. Il chevauche un petit cheval, voire un âne de parade aux oreilles immenses, tenant l’aigle impérial comme un animal de compagnie sous son bras. L’exaltation de l’humilité et de la persévérance de la Sainte Famille cède ici la place à la dérision de la chute et de l’exil des Bonaparte, retenus captifs de septembre 1870 à mars 1871 au palais de Wilhelmshöhe, près de Cassel en Allemagne.
Illustration 3. A. Baudet-Bauderval [Jean-Pierre Baudet], « Une fuite en Égypte en passant par la Prusse », Paris, Grognet / Madre, 1870.

35Les images du jeune Louis-Napoléon évoquent une enfance bien différente de celle des victimes de la guerre. Porteur des espoirs des bonapartistes en tant qu’héritier de Napoléon III, il fut attaqué et ridiculisé en tant que tel. Après leur captivité, les Bonaparte s’exilèrent en Angleterre, mais les espoirs de leurs partisans furent anéantis lorsque le prince mourut en 1879 dans une bataille contre les Zoulous, après avoir rejoint les troupes britanniques en Afrique du Sud.
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36On associe généralement les représentations des événements de 1870-1871 aux tableaux militaires ou à charge politique, réalisés avec un certain recul par rapport aux événements, qui firent l’objet d’une importante dissémination par le biais d’images et de gravures populaires. Ces œuvres gagnent à être considérées en contraste et en contrepoint par rapport aux images satiriques et aux caricatures qui ont souvent été conçues sur le vif, réalisées en hâte et en masse dans Paris assiégé pendant la guerre franco-prussienne et la Commune. Ces caricatures et imprimés, dont la fonction satirique l’emporte sur la dimension esthétique, constituent une source particulièrement riche, par leur important quadrillage chronologique, du fait de leur publication régulière au sein de la presse satirique, ainsi que par la diversité des points de vue et des opinions qu’elles représentent. Elles mettent en scène une multitude d’acteurs et de situations.
37Les conflits de 1870-1871 se sont déroulés sur le territoire français et, notamment par le siège des villes et de Paris en particulier, ont impliqué dans une large mesure les populations civiles et urbaines, notamment les enfants, pour qui le souvenir des événements deviendra un leitmotiv littéraire. La représentation des enfants dans la guerre franco-prussienne et la Commune de Paris telle qu’elle ressort de l’analyse des collections de caricatures cristallise les affrontements idéologiques et les débats sociaux et politiques qui ont surgi à cette occasion. Elle contribue à attiser l’hostilité contre les Allemands, mais fait aussi ressortir les divisions qui ont marqué l’expérience de la Commune et la violence de sa répression.
38Sous la IIIe République, le programme de scolarisation nationale fut profondément lié à l’enjeu de formation d’une jeunesse républicaine. La guerre franco-prussienne et la défaite de 1870 ne tenaient certes qu’une place mineure dans les manuels d’histoire de la IIIe République44, peut-être parce que leur mémoire (et a fortiori celle de la Commune) pouvait être source de gêne et de divisions. Néanmoins, le souvenir de 1870-1871 fut forgé et renforcé dans la mémoire individuelle et collective par une relecture historique prenant particulièrement pour cibles les enfants, investis de l’espoir, mais aussi du traumatisme des adultes. À la sortie de la guerre, ils figurent comme protagonistes dans une littérature destinée à la jeunesse qui se veut édifiante et éducative, mais est marquée par de forts partis pris idéologiques45. La promotion du patriotisme y prend souvent la forme de différents degrés d’antigermanisme et de revanchisme, malgré la large représentation de positions plus modérées.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Avec l’avènement de la IIIe République, on assiste à la multiplication des feuilles volantes imprimées, offertes à bas prix. Faustin Betbeder, dit Faustin, se vante ainsi d’avoir vendu 50 000 copies d’une caricature de Napoléon III en l’espace de seulement deux jours. Les journaux satiriques touchaient des lectorats aux attentes différentes qui garantissaient des tirages confortables – de 25 000 à 40 000 exemplaires – et des revenus financiers non négligeables ; voir Michel Troche, « Caricaturistes maudits », dans Maurice Gachelin, Vladimir Thonet & Jean Rollin, La Commune de Paris, 1871-1971 : exposition du centenaire, Saint-Denis, musée d’Art et d’Histoire, 1971, p. 58 ; voir aussi E. Money, « La caricature sous la Commune », Revue de France, année 2, no 4, avril-juin 1872, p. 33-54.
2 Edmond Duranty, « La caricature et l’imagerie en Europe pendant la guerre de 1870-1871 [2], France », Gazette des beaux-arts : la doyenne des revues d’art, no 4, 1872, p. 334.
3 Sur cette maison fondée en 1792 par l’abbé Arnauld Dulau, neveu de l’archevêque d’Arles, réfugié à Londres lors de la Révolution, voir Andrew Block, A Short History of the Principal London Antiquarian Booksellers and Book-Auctioneers, Londres, Denis Archer, 1933, p. 13-15.
4 Voir l’obituaire « Frederick Justen (with Portrait) », The Journal of Botany, British and Foreign, vol. 45, no 530, février 1907, p. 62.
5 Voir Morna Daniels, « Caricatures from the Franco-Prussian War of 1870 and the Paris Commune », The Electronic British Library Journal, 2005, p. 1-19, en ligne : https://bl.iro.bl.uk/concern/articles/90df9e7d-9310-441a-a003-6c42c14b6858?locale=en (novembre 2023).
6 Voir Bettina Müller, « The Collection of French Caricatures in Heidelberg: The English Connection », French Studies Library Group Annual Review, no 8, 2011-2012, p. 39-42, en ligne : http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/artdok/2241/ (novembre 2023).
7 Voir le catalogue d’exposition de Susan Lambert, The Franco-Prussian War and the Commune in Caricature, 1870-71, Londres, Victoria and Albert Museum, 1971.
8 Voir Irène Fabry-Tehranchi, « Des jeux dans les collections de caricatures de la guerre franco-prussienne et de la Commune, 1870-71 », dans Olivier Belin, Florence Ferran & Bertrand Tillier (dir.), Les Éphémères et l’image : histoire et patrimonialisation, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2023, p. 21-36.
9 Ibid., p. 23-25.
10 Voir Irène Fabry-Tehranchi, « Frederick Justen and L’Éclipse: The Early 20th c. Donation of 1870-71 Franco-Prussian Caricatures and Satirical Magazines to Cambridge UL », Languages across Borders: Language Collections at the University of Cambridge, en ligne : https://europeancollections.wordpress.com/2020/11/03/frederick-justen-and-leclipse-the-early-20th-c-donation-of-1870-71-franco-prussian-caricatures-and-satirical-magazines-to-cambridge-ul/ (novembre 2023).
11 Stéphane Audoin-Rouzeau, La Guerre des enfants, 1914-1918 : essai d’histoire culturelle, Paris, Armand Colin, 1993. Pour l’auteur, la guerre de 1914-1918 se distingue des précédentes par un effet de « déshumanisation quasi totale » : la guerre « atteint un degré de brutalité sans précédent », p. 10-11.
12 Voir par exemple Jean-François Lecaillon, Les Peintres français et la guerre de 1870 : 1870-1914, Paris / Metz, Bernard Giovanangeli éditeur / Éditions des Paraiges, 2016.
13 Cham [Charles Amédée de Noé], « Jardin du Luxembourg », dans Les Folies de la Commune, Paris, au bureau du journal L’Éclipse [1871]. Cambridge UL, KF.3.10, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 2, p. 125, en ligne : https://cudl.lib.cam.ac.uk/view/PR-KF-00003-00010/125 (novembre 2023).
14 Voir Alistair Horne, The Fall of Paris: The Siege and the Commune, 1870-71 [1965], Londres, Papermac, 1990, p. 209-224.
15 Ibid., p. 209-215.
16 Pierre Corneille, Le Cid, 1636, acte II, scène 2.
17 Cham [Charles Amédée de Noé], « Tant bis ! Il aurait brobablement ennuyé blu tard les enfants de Fritz », dans Les Folies de la Commune, op. cit. Cambridge UL, KF.3.10, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 2, p. 156, en ligne : https://cudl.lib.cam.ac.uk/view/PR-KF-00003-00010/156 (novembre 2023).
18 Edmond Guillaume, « Le bain de sang », Paris / Lille, Madre / Cheval [1870]. Cambridge UL, KF.3.12, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 4, p. 195, en ligne : https://cudl.lib.cam.ac.uk/view/PR-KF-00003-00012/195 (novembre 2023). Guillaume est l’auteur d’une frappante série de portraits de large format, « Les génies de la mort », montrant les dirigeants européens comme des crânes menaçants semant la mort et la destruction. Voir par exemple l’exposition virtuelle de Cambridge UL, en ligne : https://exhibitions.lib.cam.ac.uk/caricatures/artifacts/edmond-guillaume-bismarck-les-genies-de-la-mort-no-4/ (novembre 2023).
19 Cham [Charles Amédée de Noé], « Le bombardement », dans Les Folies de la Commune, op. cit. Cambridge UL, KF.3.12, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 2, p. 124, en ligne : https://cudl.lib.cam.ac.uk/view/PR-KF-00003-00010/124 (novembre 2023).
20 Anonyme, « À Snt Denis : les drôlesses », Paris, Madre / Lithographie Barousse, 1870. Cambridge UL, KF.3.10, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 2, p. 77, en ligne : https://cudl.lib.cam.ac.uk/view/PR-KF-00003-00010/77 (novembre 2023). Sur la représentation des femmes dans les imprimés produits dans Paris assiégé, voir notamment Hollis Clayson, Paris in Despair: Art and Everyday Life under Siege (1870-71), Chicago, University of Chicago Press, 2002, p. 114-162.
21 Pilotell [Georges Raoul Eugène Pilotelle], « Le gros militaire », Paris, Deforet et César / Talons, 1871. Universitätsbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 4, p. 177, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd4/0183 (novembre 2023).
22 Léonce Schérer, « Jamais Paris n’a été si tranquille que sous la Commune », dans Souvenirs de la Commune, Paris, Deforet et César / Lithographie Barousse, 1871. Universitätsbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 6, p. 99, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd6/0105 (novembre 2023).
23 Léonce Schérer, « Levée en masse », dans Souvenirs de la Commune, op. cit. Universitätsbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 6, p. 103, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd6/0109 (novembre 2023).
24 Sur l’engagement des enfants dans l’insurrection de la Commune et dans les troupes versaillaises et sur la difficulté à quantifier cette participation, question idéologiquement chargée, voir Thomas André, « Les enfants perdus de la Commune », Cultures & Conflits, no 18, 1995, en ligne : http://journals.openedition.org/conflits/449 (novembre 2023).
25 Voir Arthur Arnould, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris [1878], Lyon, Jacques-Marie Laffont, 1981, p. 131.
26 Thomas André, « Les enfants perdus de la Commune », art. cité, p. 35-48 ; et Quentin Deluermoz, « Les gamins de Paris, combattants de la Commune (1871) », dans Manon Pignot (dir.), L’Enfant-soldat, xixe-xxie siècle : une approche critique, Paris, Armand Colin, 2012, p. 54-59.
27 Voir Frédéric Chauvaud, « Gavroche et ses pairs : aspects de la violence politique du groupe enfantin en France au xixe siècle », Cultures & Conflits, no 18, 1995, en ligne : http://journals.openedition.org/conflits/463 (novembre 2023) ; et Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans images ? Politique et représentations dans la France républicaine (1871-1914), Seyssel, Champ Vallon, 2004, p. 322-323.
28 Henri Demare, « Une page d’histoire », Paris, Madre éditeur / Grognet imprimeur [1871]. Cambridge UL, KF.3.12, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 4, p. 60, en ligne : https://cudl.lib.cam.ac.uk/view/PR-KF-00003-00012/60 (novembre 2023).
29 Voir l’étude de Maurice Agulhon, Marianne au combat : l’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979 ; et Bertrand Tillier, « Le corps de Marianne », dans La Républicature : la caricature politique en France, 1870-1914, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 38-45.
30 Il est intéressant de mettre en perspective cette image avec la série Communardiana, publiée après la chute de la Commune, en 1871, où, sous le pseudonyme de Nix, Demare se moque des communards.
31 En 1870-1871, le drapeau tricolore, qui représentait un idéal d’union de la noblesse, du prolétariat et de la bourgeoisie, coexiste avec le drapeau rouge promu lors de la révolution de 1848, mais l’emporte lors de la proclamation de la IIIe République le 4 septembre 1870. Ce drapeau tricolore est discrédité, après l’échec militaire de la France, par la capitulation face à l’Allemagne, tandis que « le 18 mars, jour du triomphe des fédérés, marque la victoire de l’étendard des travailleurs », même si les deux drapeaux continuent à coexister. Voir Maurice Dommanget, Histoire du drapeau rouge : des origines à la guerre de 1939 [1996], Paris, Le Mot et le reste, 2006, p. 141-183 ; et Pascal Dupuy & Rolf Reichardt, La Caricature sous le signe des révolutions : mutations et permanence (xviiie-xixe siècles), Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2021, p. 236-241.
32 Quentin Deluermoz, « Les gamins de Paris », art. cité, p. 58.
33 Émile Gogny, « L’œuvre de Satan II », Paris, Saillant éditeur / Imprimerie Lemercier, 1871. Universitätbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 5, p. 97, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd5/0105 (novembre 2023).
34 « Le frère face au frère, le citoyen contre la patrie, le monde face à l’hospitalière Paris » (traduction de l’éditeur).
35 Cette représentation se distingue d’autres représentations allégoriques de Paris, ville impériale et dégénérée, figurée comme une courtisane, ou ville héroïque et patriotique, résistant à l’ennemi prussien, souvent armée et masculinisée. Voir Hollis Clayson, Paris in Despair, op. cit., p. 114-136.
36 Sur la promotion par la Commune d’une école publique laïque, gratuite et obligatoire, dans la foulée de mesures instaurées dans certains arrondissements parisiens dès l’automne 1870, voir Jean-François Dupeyron, À l’école de la Commune de Paris, Dijon, Raisons et Passions, 2020, p. 97-201.
37 Alexandre Dupendant, « Travail & progrès ; Ignorance & superstition », Paris, Latour / Imprimerie Talons, 1871. Musée Carnavalet, G.20814, en ligne : www.parismuseescollections.paris.fr/es/node/143352 (novembre 2023).
38 Paul Klenck, « Notre St. Père le Pape », Paris, Madre / Duclaux éditeur [1871]. Universitätsbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 1, p. 141, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd1/0145 (novembre 2023).
39 Louis-Valentin-Émile de La Tramblais, « Affiliation de Badinguet : Titi-Louis (Prince Impérial) », Paris, Grognet, 1870. Universitätsbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 1, p. 17, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd1/0021 (novembre 2023).
40 Sur sa production caricaturale, voir Jean Berleux [Maurice Quentin-Bauchart], La Caricature politique en France pendant la guerre, le siège de Paris et la Commune (1870-1871), Paris, Labitte, 1890, p. 84-86 et p. 166-167.
41 Sur le jouet et sa contribution à la sociologie et à la culture enfantines, voir Sandrine Vincent, Le Jouet et ses usages sociaux, Paris, La Dispute, 2001 ; et Gilles Brougère, Jouets et compagnie, Paris, Stock, 2003.
42 Sur cet artiste, voir Olivier Ihl, « Une insurrection graphique : la caricature socialiste des premières élections de 1848 », dans Cédric Passard & Denis Ramond (dir.), De quoi se moque-t-on ? Satire et liberté d’expression, Paris, CNRS Éditions, 2021, p. 156 ; et Aurélie Zygel-Basso, « Les frontispices tardifs de Baudet-Bauderval : un monument illustré », dans Kim Gladu et al., (dir.), Imager la romancie : dessins de Clément-Pierre Marillier pour Le Cabinet des fées et Les Voyages imaginaires (1785-1789), Paris, Hermann, 2013, p. 43-60.
43 A. Baudet-Bauderval, [Jean-Pierre Baudet], « Une fuite en Égypte en passant par la Prusse », Paris, Grognet / Madre, 1870. Universitätsbibliothek Heidelberg, Collection de caricatures et de charges pour servir à l’histoire de la guerre et de la révolution de 1870-1871, vol. 2, p. 12, en ligne : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricatures1870_1871bd2/0016 (novembre 2023).
44 Jean-François Chanet, « Le mythe de la revanche revisité », dans Robert Belot (dir.), 1870, de la guerre à la paix : Strasbourg, Belfort, Paris, Hermann, 2013, p. 257-258. Certes, un tableau comme La Tache noire d’Albert Bettannier (1887) montre comment dans un contexte scolaire la commémoration de la perte de l’Alsace-Lorraine pouvait être associée à l’idée de revanche, mais il n’est pas nécessairement représentatif. Jean-François Lecaillon, Les Peintres français et la guerre de 1870, op. cit., p. 189-196.
45 François Robichon, « La guerre de 1870 expliquée aux enfants (1871-1914) », dans Mathilde Benoistel, Sylvie Le Ray-Burimi & Christophe Pommier (dir.), France-Allemagne(s) 1870-1871 : la guerre, la Commune, les mémoires, Paris, Gallimard / musée de l’Armée, 2017, p. 111-113.
Auteur
Irène Fabry-Tehranchi est agrégée de lettres modernes et docteure de l’Université Sorbonne Nouvelle. Après avoir enseigné la langue et la littérature françaises en France et au Royaume-Uni, elle est aujourd’hui conservatrice des collections françaises de la Cambridge University Library. Spécialiste de l’iconographie du Moyen Âge, à laquelle elle a consacré plusieurs publications, ses recherches portent actuellement sur la valorisation des collections de caricatures de la guerre franco-prussienne conservées à Cambridge. Cocommissaire d’une exposition en 2022 présentant ces fonds, elle publie régulièrement des articles sur le blog « Languages across Borders: Language Collections at the University of Cambridge ».
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014