1Des objets de recherche de Horst Bredekamp depuis la publication en 1975 de sa thèse de doctorat sur l’iconoclasme de l’Antiquité tardive jusqu’à la période hussite, seul ou accompagné, on pourrait commencer par dire qu’à jeter sur eux un premier regard de surface, ils sont pour le moins disparates, allant, comme il se doit pour un historien de l’art, de la Renaissance italienne (Sandro Botticelli. Le Printemps. Florence, jardin de Vénus ; Sankt Peter in Rom und das Prinzip der produktiven Zerstörung. Bau und Abbau von Bramante bis Bernini), mais aussi l’étude récente sur la « tentation ethnologique » de Warburg (Aby Warburg, der Indianer. Berliner Erkundungen einer liberalen Ethnologie) jusqu’à l’épistémologie des représentations scientifiques (Les Coraux de Darwin : premiers modèles de l’évolution et tradition de l’histoire naturelle ; Galilei der Künstler. Der Mond. Die Sonne. Die Hand ; Galileis denkende Hand. Form und Forschung um 1600), l’art des jardins (Vicino Orsini und der Heilige Wald von Bomarzo. Ein Fürst als Künstler und Anarchist ; Leibniz, Herrenhausen et Versailles : le jardin à la française, un parcours de la modernité), la nostalgie du Sud dans l’architecture berlinoise depuis 1700 (Berlin am Mittelmeer. Kleine Architekturgeschichte der Sehnsucht nach dem Süden)... et même le football (Le Football florentin : les jeux et le pouvoir à la Renaissance) – pour ne citer que quelques-uns de ses nombreux livres et sans compter tous les articles érudits publiés ici ou là pendant un demi-siècle par ce marathonien confirmé. Si de l’aveu du principal intéressé, le cinéma a joué un rôle important dans son éducation aux images grâce aux ciné-clubs de Kiel (Schleswig-Holstein) où l’emmenaient régulièrement ses parents, il n’intègre que du bout de la plume la série des sujets fort divers explorés par le savant adulte. L’une de ses apparitions les plus significatives – à propos de la construction a posteriori d’une mémoire de la Seconde Guerre mondiale – se rencontre dans l’article de 2004 « Actes d’images comme témoignage et comme jugement », où l’auteur ne dépasse pourtant guère les réflexions générales, sans grande originalité et fort peu étayées en comparaison des développements suivants sur la photographie1. Présenter l’œuvre de Bredekamp dans un dictionnaire d’iconologie filmique, c’est presque exclusivement écrire sur ses limites (factuelles) et sur ses promesses (intellectuelles).

2Au cours de l’automne 1968, le jeune Bredekamp, proche du groupe d’avant-garde SPUR et de l’Union socialiste allemande des étudiants, fait partie des membres de la nouvelle association universitaire marxiste Ulmer Verein, fondée en réaction à la 11^e Journée des historiens de l’art allemand, qui se tenait dans le Bade-Wurtemberg, pour porter les voix des plus précaires (étudiants, assistants, bénévoles) et s’opposer au conservatisme de l’académie. Dans toute l’Allemagne, l’histoire de l’art connaît alors un véritable tournant, notamment pendant les congrès de Cologne en 1970 puis de Constance en 1972, appelant à un renouveau en profondeur de la discipline. Ces événements marquent les débuts d’une nouvelle iconographie politique – dont Bredekamp fera son sujet de recherche doctorale sous la direction de Martin Warnke à Marbourg puis à Hambourg. Parler d’iconologie politique, c’est non seulement s’intéresser au rôle politique des images, mais également comprendre qu’il n’y a pas d’iconologie apolitique. En 2005, dans Le Déclin du néoplatonisme, Bredekamp montre d’une manière convaincante comment l’iconologie panofskienne, en réaction à l’herméneutique irrationaliste de l’image propre à la doctrine nationale-socialiste, a surdéterminé dans l’art de la Renaissance le rôle du néoplatonisme philosophique au détriment de l’hermétisme, de l’alchimie ou de l’occultisme.

3Dès la rédaction de sa thèse, Bredekamp remplace systématiquement le mot « art » par celui d’« images » et insiste déjà sur le rôle politique de celles-ci dans une première formulation de l’« acte d’image » qui traversera de part en part toute son œuvre, rythmée notamment par les publications de Repräsentation und Bildmagie der Renaissance als Formproblem, de Stratégies visuelles de Thomas Hobbes : le Léviathan, archétype de l’État moderne, illustrations des œuvres et portraits et de Théorie de l’acte d’image : conférences Adorno, Francfort 2007. L’image n’est pas que reproduction ou représentation : elle produit cela même qu’elle représente. Les images sont des sujets capables de déclarations – comme il est écrit sur le cadre du tableau L’Homme au turban rouge : « Jan van Eyck m’a fait le 24 octobre 1436 » –, mais aussi d’actions dans les espaces sociaux (de l’iconoclasme byzantin à la propagande numérique du terrorisme islamiste). Bredekamp appartient à une génération de chercheurs revenus à Warburg par-dessus ses premiers héritiers – il a d’ailleurs contribué à la réhabilitation de la Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg et participé à l’édition scientifique allemande de ses écrits complets –, théorisant et pratiquant une « science des savoirs » au carrefour de l’histoire de l’art, de l’archéologie, de l’anthropologie, de l’histoire sociale, de la philosophie des sciences, de l’histoire des techniques, mais aussi de la théorie des médias, de la biologie ou de la psychologie, et au prisme d’une iconologie plate traitant toutes les images comme des documents de la culture à titre égal.

4Le point commun à toutes ses enquêtes est le transport de l’histoire de l’art traditionnelle (des spécialistes) vers une discipline à orientation universelle – elle aide à penser notre monde actuel (destruction des Bouddhas de Bâmiyân, « cocon d’images2 » de la sphère médiatique contemporaine) – au sein de laquelle doivent pouvoir être mises en place de nouvelles méthodes, lesquelles ne se contentent pas de cumuler les connaissances déjà existantes, mais sont susceptibles d’élaborer leurs propres concepts et leur propre épistémologie3. Bredekamp a très vite désiré repartir de la promesse de l’histoire de l’art comme « espoir des sciences humaines dans l’aire germanophone4 », telle que Walter Benjamin l’avait diagnostiquée en 1933 dans les travaux d’Aloïs Riegl. Pour cela, il fallait rompre avec une vision téléologique et positiviste de la discipline pour s’attacher aux retours non seulement des images, mais également des usages visuels. À côté de la survivance warburgienne des « formules de pathos [Pathosformeln] », accompagnée de son lot de déplacements ou de travestissements, il convient d’étudier, pour un thème visuel ou un motif précis (par exemple les coraux entre Darwin et les cabinets de curiosités), la survivance des pratiques d’images, tout autant dans leur fabrication que dans leur maniement ou leur destination.

5Après avoir été nommé professeur à l’université de Hambourg en 1982, Bredekamp obtient en 1993 la chaire d’histoire de l’art du Moyen Âge et des Temps modernes à l’université Humboldt de Berlin. C’est à partir de cette date que ses textes majeurs verront le jour. On peut considérer l’apport potentiel de l’iconologie de Bredekamp pour la théorie du cinéma à partir de trois de ses inventions conceptuelles les plus emblématiques.

L’acte d’image

6« Les images ne sont pas des instances secondaires d’autres lieux, d’autres sphères ou de réalités données ; elles sont vraiment ce qu’elles montrent et ce qu’elles construisent5. » Telle est la formule qui pourrait résumer en quelques mots ce qu’il en est de l’« acte d’image [Bildakt] », formalisé sous sa forme la plus récente (Théorie de l’acte d’image en 2010) grâce à la collaboration avec le philosophe John Michael Krois et le linguiste Jürgen Trabant. Selon Bredekamp, qui n’est pas le premier à s’en préoccuper, les images ne sont pas purement et simplement passives dans l’acte de création : comme l’atteste leur omniprésence dans notre quotidien, spots publicitaires, reportages télévisés, création audiovisuelle, enseignes de toutes sortes, les images agissent. N’était-ce pas déjà la nature de la frayeur qu’elles inspiraient à Platon, lequel y condamnait une puissance d’illusion et de fausseté supérieure à celle de la vérité tout en faisant – précisément au nom même de leurs capacités de conviction – un emploi constant de leurs variantes rhétoriques dans son écriture (dialogue théâtral, mythes et allégories, métaphores colorées) ? En s’appuyant sur les travaux linguistiques de John L. Austin et John Searle, qui avaient parlé d’« acte de parole [speech act] » pour désigner la manière dont le langage ne se contente pas de décrire une réalité objective extérieure, mais est susceptible dans certains cas – comme les énoncés performatifs – de faire exister a parte post ce qu’il formule et d’intervenir sur son environnement (persuasion, incitation, serment), Bredekamp distingue, en mettant ses pas dans ceux de David Freedberg et de l’histoire fonctionnelle (Funktionsgeschichte), et avant eux de Lacan ou Heidegger, trois fonctions dans les actes d’image, depuis les silex néolithiques jusqu’aux performances scéniques de Michael Jackson ou la détérioration bactérienne chez le plasticien Edgar Lissel : « schématique6 » quand l’image se superpose au corps par imitation de gestes ou de tournures et « vivification de l’image » (automates, tableaux vivants), « substitutive » quand l’image est traitée comme un corps et vice-versa par « un « échange mutuel du corps et de l’image » (voile de Véronique, effigie royale sur les pièces de monnaie), « intrinsèque » quand l’image elle-même se comporte comme un corps par « la puissance de la forme agencée en tant que forme » (images médiévales des plaies du Christ). Une même image peut évidemment posséder plusieurs de ces fonctions.

7Malgré une fâcheuse ambiguïté dans la thèse – toutes les images sont-elles capables d’actes (ainsi que le laisse entendre le néologisme comme « acte de l’image ») ou bien certaines seulement (comme a contrario tend à conclure l’analogie avec les actes de parole) ? – ; malgré quelques flottements notionnels (dans les expressions « speech act » et « Bildakt », parole et image ne sont pas équivalentes : le langage n’est pas un objet matériel) qui n’empêchent pas tout à fait le propos d’éviter le piège des qualités occultes et montrent que Bredekamp n’est pas le plus à l’aise – n’en déplaise à son titre – sur le terrain théorique ; malgré aussi un curieux repli des exemples dans la seule sphère de l’histoire de l’art au sens le plus conventionnel du terme (les images scientifiques ne sont pas abordées) et à une histoire de l’art occidental où dominent les images anthropomorphes ; et surtout même si le cinéma est très peu présent dans Théorie de l’acte d’image (quelques lignes sur Métropolis [1927] ou deux pages très rapides sur les reconstitutions de la Passion du Christ chez Pasolini ou Godard ; rien sur le médium pour lui-même), l’acte d’image peut rencontrer le programme d’une iconologie filmique sur plusieurs points. Le cinéma figuratif n’a pas été en reste pour représenter tout au long de son histoire – de Blow-Up (1967) à Ring (1998), de Vidéodrome (1983) à Redacted (2007) – le pouvoir des images de toutes sortes. Mise en abyme qui lui sied à la perfection tant, dans son dispositif photographique, il a engendré une image « vivante7 » imprégnée de l’âme (de l’animation : dans les films les images ne se contentent pas de bouger) des personnes ou des objets dont elle préserve les apparences. En retour peut-il avoir des incidences inédites dans le réel, ainsi qu’en témoignent les multiples propagandes qu’il a accompagnées (le cinéma est un art des masses), voire ponctuellement aller jusqu’à tuer (il arrive de mourir de peur devant un film) ou sauver la vie d’un homme (comme pour le tout jeune William Friedkin avec son premier film, The People vs. Paul Crump [1962]).

8D’une manière générale, l’iconologie filmique considère toutes les images comme des « sites théoriques8 » dont l’un des moyens de majoration des puissances actives est la distinction entre l’image (fabriquée une fois pour toutes) et « l’iconicisation9 » (l’ensemble de relations iconicisantes que l’image entretient avec d’autres images ou toute autre chose que des images et qui l’inscrivent dans un devenir-image toujours en cours). Cela a notamment deux conséquences : contrairement à l’image, l’iconicisation est en droit interminable – elle n’est jamais actée ; l’iconicisation d’une image antérieure peut emprunter à celle d’une image postérieure, les deux iconicisations étant contemporaines une fois la seconde image produite – toutes les iconicisations sont actuelles (l’anachronisme ne concerne que les images).

L’image technique

9Depuis les années 2000 – et notamment la création avec le mathématicien Jochen Brüning du Hermann von Helmholtz-Zentrum für Kulturtechnik (2000) –, Bredekamp s’intéresse tout particulièrement à l’imagerie scientifique, technique et médicale à laquelle il confronte l’histoire de l’art. Cet intérêt n’est pas absolument nouveau et on peut le faire remonter à La Nostalgie de l’antique : statues, machines et cabinets de curiosités qui avait inauguré en 1992 une collection d’ouvrages et d’expositions10 consacrés à l’histoire des savoirs envisagée à travers les relations entre les êtres naturels et leurs différents régimes de représentation. Le projet de recherche, « L’image technique », pour lequel Bredekamp a obtenu en 2006 le prix de la société Max-Planck pour le développement des sciences, a débouché sur la parution deux ans plus tard de l’ouvrage collectif, dirigé avec Vera Dünkel et Birgit Schneider, Das Technische Bild. Kompendium zu einer Stilgeschichte wissenschaftlicher Bilder. Toutes les disciplines scientifiques produisent des images – dessins à main levée, photographies, diagrammes, images informatiques – comme des composantes indispensables de leur méthodologie pragmatique ou spéculative, non seulement dans la phase préparatoire à la réflexion, dans l’exercice des sciences expérimentales ou pour illustrer après coup des théories, mais également comme argumentation visuelle. La science ne pense pas qu’avec des images : elle pense en images. Ces images constituent par ailleurs un immense réservoir de formes pour d’autres pratiques iconiques.

10Le cinéma, avant d’être un art, agence autrement un projet figuratif scientifique, notamment zoologique (darwinien) : il est du côté – photographique ou d’animation – de la migration des formes et de la morphogenèse de l’évolution. Il fait images de l’instabilité des espèces – en rendant l’homme enfin visible au centre de l’image : « idée résurgente qui a nourri toutes les poétiques : les hommes sont un milieu et un balancier entre les espèces, son passé, son œuvre ou la mémoire dont les rêves font la ritournelle ; rêve impérieux qui rabat les espèces les unes sur les autres, ou les fait s’emboîter11 ». Il ne restitue pas les corps comme des anatomies séparées et closes sur elles-mêmes, mais comme les dérivations différentielles et ininterrompues d’un même « protoplasme originel qui n’avait pas encore de forme “stabilisée”, mais était apte à en prendre une, n’importe laquelle, et, d’échelon en échelon, à évoluer jusqu’à se fixer dans n’importe quelles – dans toutes les – formes d’existence animale12 ».

11La méthodologie iconologique interdisciplinaire de Bredekamp nous invite à replacer le cinéma dans la culture scientifique et technique dont il est issu, dans laquelle il baigne aussi, mais encore dont il peut influencer les représentations visuelles (comme dans le cas de la Terre vue de l’espace), en repensant les frontières entre art et science à travers une « définition “iconophilique” de la science13 » (tout l’inverse d’une « “idolâtrie” de la science »), si l’on entend par science « une activité visuelle de médiation14 » (ce qu’elle n’a d’ailleurs pas toujours été). Depuis Ricciotto Canudo, pour qui « le cinématographe s’est imposé en se répandant singulièrement, comme un théâtre nouveau, une sorte de théâtre scientifique, fait de calcul précis, d’expression mécanique15 », ou Jean Epstein, pour qui, agencement visuel technique par excellence, il a pris la relève du microscope et de la lunette astronomique « en multipli[ant] le pouvoir de pénétration de la vue [...] et la réflexion sur les nouvelles apparences du monde16 » (notamment par son travail plastique sur le temps et sa proximité avec la théorie de la relativité), les relations étroites entre cinéma et sciences n’ont cessé de hanter la théorie du cinéma. L’iconologie filmique doit à son tour se saisir de l’imagerie et de l’imaginaire scientifiques pour penser les images du cinéma.

La main pensante

12Dans le cadre de ses recherches sur l’imagerie scientifique, Bredekamp a été amené à forger le concept de « main pensante [denkende Hand]17 ». Le dessin – pour Darwin, Galilée, Ernst Mach ou les époux Crick – est une image stylisée qui agit comme une modalité de la pensée (non verbale) à part entière. L’origine en remonte à Galilée : plus que dans l’impression mécanique des gravures,

dans les touches tamponnées et les étagements de l’ombre reproduits avec une grande sensibilité sur la surface de la lune tournée vers le soleil, le travail de la pensée est, pour ainsi dire, encore perceptible [...]. On peut affirmer que ce sont ces dessins qui provoquèrent la ruine de l’image platonicienne du Cosmos et de ses étoiles parfaitement sphériques18.

Quelques siècles plus tard, les esquisses coralliennes de Darwin « pour la première fois [...] formulent la conception d’un arbre de la nature et de la vie, non pas comme un plan immuable, mais comme un processus évolutif se déployant dans le temps19 », « un processus non téléologique et fondamentalement contingent » (malgré le malentendu du retour à la structure arborescente dans le diagramme de l’évolution vulgarisé par Haeckel). Le schématisme graphique, chez des dessinateurs émérites ou médiocres, va non seulement du concret à l’abstrait en aidant le scientifique à passer de l’observation à la théorisation, mais aussi de la théorie du savant à la communauté élargie du public en facilitant la transmission des nouvelles connaissances. Ainsi la double hélice de l’acide désoxyribonucléique, imaginée par Odile Crick, puise-t-elle son origine dans toute l’iconographie de la ligne serpentine depuis la Renaissance et y gagne l’expérience acquise de siècles d’assimilation de la figure ondulée aux qualités intellectuelles de l’agilité, de la souplesse ou de la subtilité, facilitant son appropriation par les lecteurs de l’article novateur de la livraison du 25 avril 1953 de la revue Nature20.

13La représentation filmique n’a cessé de mettre en abyme des mains organisatrices de sa pensée figurative ou de ses relais dans l’image. Chez Robert Wiene, Alfred Hitchcock, Robert Bresson ou Tim Burton, les mains réfléchissent à l’image l’activité filmique qui les détermine et qu’elles dessinent. Le cinéma, reliant entre eux l’œil, la main, l’iconologie et l’histoire des sciences et des techniques, est à l’origine d’une mutation des pratiques de regard mettant en avant les « destins oculaires de la main21 » et n’organisant rien de moins que le projet anthropologique d’une autre représentation de l’humanité par la remise en cause de la soumission de la main à l’œil.