Introduction
p. 7-21
Texte intégral
1Dans son ouvrage précurseur paru il y a plus de soixante ans, Robert Escarpit, écrivain et universitaire, spécialiste de littérature anglaise, consacrait une quinzaine de pages aux circuits de distribution du livre. Il distinguait notamment le circuit lettré des autres « débits de livres », points de vente secondaires, parfois associés à la presse quotidienne et hebdomadaire, mais dont le rôle culturel demeurait significatif, en particulier pour l’accès « des masses » à la culture imprimée (Escarpit, 1958, 1978, p. 76-90). Depuis, l’intérêt porté à cette étape de la circulation du livre n’a pas donné lieu à de nombreuses investigations, du moins si l’on compare à celles menées sur la production et la consommation d’imprimés. L’enquête restituée dans le présent ouvrage contribue à rétablir ce déséquilibre en s’intéressant aux acteurs engagés dans la vente au détail du livre.
Analyse sociologique du commerce du livre
2Après l’article fondateur de Pierre Bourdieu de 1977, la sociologie de l’édition a été nourrie par un ensemble de travaux complétant les recherches historiques menées sur l’édition et les témoignages d’éditeurs (Bourdieu, 1977 ; 1999 ; Sapiro, 2009 ; 2014 ; Thompson, 2010 ; 2021 ; Noël, 2012 ; Serry, 2015)1. En ce qui concerne la construction de la valeur symbolique des œuvres et des écrivains, plusieurs investigations ont été menées sur la critique littéraire (Naudier, 2004 ; Lizé, Naudier & Sofio, 2014), le métier de bibliothécaire (Rabot, 2015) ou sur les salons du livre (Clerc, 2011) et les festivals littéraires (Sapiro et al., 2015), tandis que la circulation internationale du livre est aujourd’hui mieux connue grâce à l’examen du marché de la traduction (Sapiro, 2008 ; 2012) ou de structures à la fois culturelles et commerciales que sont les foires internationales (Serry & Vincent, 2013).
3Du côté de la consommation et de la réception culturelle (Lahire, 2009), les analyses ont quant à elles été plus nombreuses et plus régulières. Elles ont conduit à mettre en évidence des processus sociaux tels que la différenciation sociale des pratiques et des logiques d’appropriation des textes socialement diversifiées (Radway, 1984 ; 2000 ; Mauger, Poliak & Pudal, 1999, 2010 ; Lévy, 2015 ; Lombardo & Wolff, 2020 ; Horellou-Lafarge & Segré, 1996 ; 2003, 2007).
4Parallèlement à la lecture, les différentes formes de circulation du livre entre les mains des lecteurs ont été récemment scrutées en insistant sur la matérialité du livre et non sur son contenu. Mariannig Le Béchec, Dominique Boullier et Maxime Crépel ont voulu saisir les « vies du livre » et le sens que revêtaient les actions et les usages de leurs propriétaires. Le prêt, le don, l’abandon, la recommandation, aujourd’hui transformée par la transition numérique et l’apport des nouvelles technologies (Wiart, 2017 ; Guittet, 2018, p. 49-65), forment une « écologie du livre », c’est-à-dire un ensemble de pratiques qui sont autant de supports du lien social (Le Béchec, Boullier & Crépel, 2018).
5La commercialisation du livre, qui inclut sa promotion (Naudier, 2011 ; Beuscart & Mellet, 2012, p. 95-122), sa diffusion et sa vente au détail, a fait l’objet d’investigations plus limitées par les chercheurs en sciences sociales. En histoire, un ouvrage précurseur a été publié en 2001 et couvre la période 1789-1914 (Mollier, 1997). Mais c’est véritablement l’Histoire de la librairie française, parue en 2008, et réunissant chercheurs et professionnels du livre, qui vient combler un vide en s’intéressant aux différentes formes de commerce du livre pour les périodes du xixe et du xxe siècle (Sorel & Leblanc, 2008). Preuve du renouvellement de l’intérêt des historiens pour les librairies, l’une des codirectrices de ce volume encyclopédique a récemment rédigé une Petite histoire de la librairie française dans un format éditorial plus accessible (Sorel, 2021), tandis que l’historien Jean-Yves Mollier signe en 2021 une captivante Histoire des libraires et de la librairie depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours2. Par ailleurs, l’état des lieux socio-économique du commerce du livre en France a été réalisé à plusieurs reprises (Rouet, 1992, 2013 ; Chaumard, 1998 ; Chabault, 2014) et d’autres enquêtes françaises et américaines ont porté sur la modernisation des circuits de distribution (Minon, 1992 ; Miller, 2006, 2007 ; Chabault, 2013 a et b).
6Dans le strict domaine de la sociologie, des travaux ont cherché à examiner la construction sociohistorique de l’identité professionnelle des libraires dès le xve siècle (Leblanc, 1998) et, plus récemment, à examiner différents aspects du rapport au travail chez ces professionnels du livre : les conditions d’ajustement au poste pour des vendeurs de la Fnac en fréquente situation de déclassement scolaire (Chabault, 2007 ; 2010), les décalages entre un « idéal de métier » et la réalité du poste chez les libraires spécialisées en littérature de jeunesse (Chabault, 2017), et la mise en scène de l’indépendance, ressource symbolique différenciante, dans l’activité quotidienne des libraires (Noël, 2018). Ajoutons enfin deux études conduites au sein d’un ensemble de points de vente, à la fois méconnus et dynamiques, constitué par les librairies islamiques. En 2006, l’enquête pionnière de Soraya El Alaoui a cherché à repérer, par une étude fine des structures de diffusion d’ouvrages, l’installation pérenne de populations immigrées à Paris. Plus récemment, la chercheuse Anne-Laure Zwilling s’est penchée sur l’offre de livres confessionnels de langue française et a indiqué les clivages existant entre les types d’ouvrages et les lieux de vente. Les ouvrages prosélytes sur le dogme et les pratiques sont davantage présents dans l’assortiment des librairies islamiques indépendantes que dans le réseau généraliste (2020, p. 45-64).
7Le commerce du livre d’occasion reste quant à lui totalement inconnu à l’exception des éléments tirés de la thèse non publiée de Jacques Crave, portant plus particulièrement sur les vendeurs des marchés de plein-vent toulousains (2008 a).
8Ce type de commerce s’inscrit toutefois dans la longue histoire de l’étude du rapport des individus au livre et du rôle de diverses structures contribuant à l’élargissement du public des lecteurs. Antérieurs aux bibliothèques publiques (1860) ou à l’essor du livre de poche (1953), les cabinets de lecture incarnent une première étape du mouvement de diffusion du livre dans la société. Apparues à la fin du xviiie siècle, ces « boutiques à lire », auxquelles l’historienne Françoise Parent-Lardeur a consacré une analyse minutieuse, connaissent leur apogée sous la Restauration (1981 ; 1982). À cette époque, le livre coûte cher et ces cabinets proposent aux lecteurs des journaux politiques et des ouvrages, nouveaux et anciens. L’accès à ces salons au confort modeste est peu onéreux et la durée de lecture illimitée.
9Au-delà des barrières symboliques, le prix reste un déterminant important de la diffusion du livre et de la lecture. Parent-Lardeur (1982) note que la nouvelle bourgeoisie est une clientèle fidèle des cabinets de lecture mais qu’on y trouve aussi une partie du peuple parisien en contact avec les milieux dominants (femmes de chambre, portiers, artisans, commis, demoiselles de boutique).
10Deux siècles plus tard, le marché de seconde main joue toujours un rôle dans la démocratisation de la lecture. Nous souhaitons en proposer une description en raison de la rareté des éléments analytiques disponibles, mais surtout à cause du caractère préjudiciable de l’absence de données. À l’image des cabinets de lecture, les structures et les transactions sur le marché de l’occasion jouent en effet un rôle considérable dans la circulation de la culture imprimée.
Sociologie d’un marché concret
11Notre projet, qui s’inspire des réflexions sociologiques contemporaines sur la consommation et les marchés3, consiste à étudier l’accès au livre et sa circulation en nous éloignant quelque peu des lecteurs et des déterminants sociaux de cette pratique culturelle pour nous tourner vers des « professionnels du marché », parmi lesquels les structures commerciales. Dans le prolongement de notre enquête menée sur les plateformes numériques de commercialisation de livres neufs et les pratiques d’achat des lecteurs-internautes (Chabault, 2013 b), cette recherche vise à examiner les dynamiques socio-économiques et technologiques qui traversent le marché du livre d’occasion. En empruntant la démarche et en mobilisant les enseignements de la sociologie des marchés, l’objectif principal est de s’intéresser à la façon dont la transition numérique a réorganisé la filière.
12S’il n’est évidemment pas nouveau, le marché du livre d’occasion subit, depuis vingt ans, une profonde reconstruction liée à l’essor des plateformes en ligne. Cette modification du champ des réseaux de commercialisation a étendu ce marché4 en levant un certain nombre de barrières. Les plateformes ont non seulement facilité les achats, mais elles ont aussi démocratisé les rôles marchands pour la revente de volumes, comme l’illustre le succès fulgurant de l’entreprise Leboncoin. D’autres facteurs peuvent expliquer la croissance de cette entreprise. D’une part, la crise financière et économique a pu déplacer certaines dépenses des Français vers des réseaux de distribution alternatifs (Decrop, 2017). D’autre part, des organisations du secteur de l’économie sociale, solidaire et environnementale ont contribué à encadrer les achats de livres, comme ceux de prêt-à-porter ou d’ameublement, par de nouvelles normes attentives au réemploi des biens durables.
13Face à ces transformations, il s’agit de comprendre les mécanismes de production de valeur chez les acteurs de l’offre, leurs évolutions, et de mettre en évidence les éventuels rapports de forces que le déplacement numérique du marché aurait occasionnés. Livrer une analyse sociologique d’un marché concret consiste à restituer les conditions sociales qui structurent le déroulement des échanges (Garcia, 1986 ; Granovetter & Swedberg, 1992 ; Steiner, 1999 ; Le Velly, 2008). Comment ce marché fonctionne-t-il ? Quels sont les acteurs qui le font exister ? À travers quels types de travail, quels réseaux, quelles règles et quels dispositifs ? Comment des modèles de vente ont-ils été déstabilisés5 ?
14Nous analyserons ainsi les consommations, le fonctionnement des acteurs de l’offre, les systèmes d’approvisionnement, les règles en matière de formation des prix et les moyens développés (savoir-faire, techniques, raisonnement), ainsi que les relations sociales coordonnant les échanges.
L’occasion : sociologie d’une intermédiation marchande
15Les différentes disciplines des sciences sociales se sont penchées sur les marchés de seconde main (Fontaine, 2008). Parmi les réflexions menées, la question de la transparence des transactions et de l’information des acheteurs a suscité l’intérêt des économistes et des sociologues. L’article fondateur de l’économiste américain George Akerlof à propos du marché des voitures d’occasion soulignait l’asymétrie d’information qui existe entre le revendeur et l’acheteur au sujet de la qualité du bien échangé (1970). Plus récemment, les sociologues Pascal Chantelat et Bénédicte Vignal (2002) ont examiné un dispositif qui vise à répondre à cette question relative à l’opacité et au déséquilibre informationnel entre les acteurs. Le Trocathlon, système de dépôt-vente de produits de sport élaboré par l’enseigne Décathlon, assure cette fonction à travers la mise en place de dispositifs cognitifs et formels qui produisent de la confiance et rendent possibles les transactions. Dans ce cas, c’est le distributeur spécialisé qui prend en charge ce travail marchand en organisant le dépôt-vente et en rédigeant des fiches techniques décrivant les produits revendus.
16En développement depuis les années 2000, les acquisitions de biens durables par un circuit d’occasion sont longtemps restées limitées, à l’exception des secteurs de l’immobilier et de l’automobile (Bauhain-Roux & Guiot, 2001, p. 25 ; Farchy & Jutant, 2015 a). L’essor d’Internet et des plateformes, mais également les contraintes budgétaires, apparues dès la crise financière et économique de 2008, ainsi que la montée des préoccupations environnementales se traduisant par une volonté de réemploi des biens ont élargi le marché de l’occasion en le valorisant (Gregson & Crewe, 2003). Les transactions sont plus nombreuses et concernent un nombre de secteurs plus important (puériculture, prêt-à-porter, outillage, jouets) que les domaines historiques (livre, automobile).
17Dominique Bauhain-Roux et Denis Guiot distinguent schématiquement deux sous-marchés. Un premier marché des antiquités regroupe des œuvres d’art et des objets de collection dont la valeur vénale est élevée en raison de leur ancienneté et / ou de leur rareté. Ce marché est généralement équipé de l’expertise de professionnels. Un second marché rassemble « des produits d’usage de faible ou moyenne valeur que l’on peut retrouver dans les petites annonces, les puces, les brocantes, les magasins de dépôt-vente ou d’achat comptant d’objets d’occasion » (Bauhain-Roux & Guiot, 2001, p. 26). En ce qui concerne la circulation des marchandises, les auteurs distinguent un circuit direct d’un circuit indirect. Le premier désigne une transaction entre deux consommateurs. Le second inclut la présence d’un intermédiaire occupant une fonction qui peut être simplement relationnelle (Leboncoin), une fonction organisationnelle (vide-grenier associatif, foire) ou une fonction polyvalente et qualifiée (antiquaires, bouquinistes). Les intermédiaires du circuit indirect structurent la rencontre entre les objets de seconde main et de nouveaux propriétaires, lesquels invoquent plusieurs types de raisons les poussant à consommer sur ce marché.
18L’enquête menée par Dominique Roux et Denis Guiot (2008) classe les motivations en cinq catégories : économique (recherche du juste prix, chasse aux bonnes affaires, budget contraint) ; récréationnelle (originalité du produit, nostalgie envers des produits du passé, goût pour des lieux d’achat comme les vide-greniers) ; sentiment de puissance (maîtrise de la transaction par le marchandage et volonté de contourner le système d’approvisionnement classique) ; éthique et écologique (lutter contre le gaspillage et en faveur du réemploi) ; anti-ostentation (se distinguer en exprimant son indifférence aux codes sociaux propagés par la mode et le système marchand de masse). Les consommations sur le marché de seconde main ne sont donc pas motivées uniquement par la raison économique.
19Difficilement quantifiable en raison des nombreuses transactions réalisées dans un cadre informel, le marché de seconde main s’élèverait à 7 milliards d’euros pour l’année 2018. Hors automobile et immobilier, le livre occuperait la troisième place des produits les plus échangés. Il représenterait 12 % des transactions en valeur derrière l’ameublement (29 %), le prêt-à-porter (14 %) et devant les smartphones (10 %) (Xerfi, 2019, p. 15).
Qu’est-ce qu’un livre d’occasion ?
20Le marché du livre d’occasion renvoie au rachat et à la revente d’ouvrages après une première acquisition par un lecteur. Un livre d’occasion doit avoir fait l’objet d’une vente préalable6. Les ouvrages alimentant ce marché ne doivent donc pas être confondus avec ceux des solderies provenant de lots de volumes invendus d’éditeurs (Renard, 1983). Cette offre se distingue également de la bibliophilie, secteur composé de livres de collection, anciens et modernes. La valeur marchande d’un livre de collection se fonde sur sa rareté et / ou sa date de parution, son contenu et sa matérialité (reliure, papier). Un livre dit « ancien » a été imprimé entre 1501 et 1801, un livre moderne au xixe siècle, tandis qu’un livre d’occasion se définit comme un ouvrage paru aux xxe et xxie siècles. Recherché pour le texte qu’il contient, le livre d’occasion7 ne fait pas l’objet d’une convoitise exceptionnelle et sa valeur marchande est dégressive (Crave, 2008 b et c, p. 296 et 654).
21Si un même détaillant peut parfois commercialiser livres de collection et livres d’occasion, les volumes sont entreposés dans des bacs distincts, les seconds étant souvent situés à l’extérieur du magasin pour capter l’attention du passant, mais aussi pour signifier leur faible valeur. Par ailleurs, les réseaux d’approvisionnement, la formation du prix (enchère / fixe), l’existence ou non de dispositifs d’information et de fidélisation comme le catalogue, le public (bibliophiles / grand public) sont des caractéristiques structurant deux univers distincts.
22Sur le plan juridique, le marché du livre d’occasion n’est pas réglementé par la loi Lang relative au prix unique du livre8. Les revendeurs fixent des prix de vente en dehors de tout cadre réglementaire. Ils doivent toutefois respecter deux obligations. Il leur faut tenir un « livre de brocante » répertoriant leurs achats et l’identité de leurs fournisseurs pour éviter toute accusation de recel. En ce qui concerne la TVA, celle-ci est prélevée sur la marge réalisée par les professionnels (5,5 % pour la France métropolitaine).
23Enfin, le marché du livre d’occasion a une origine scolaire. La dynastie des Gibert en est une bonne illustration. Leur activité épouse, dès 1886, le cycle du manuel : il est acheté pour la rentrée puis revendu à la fin de l’année par les familles d’écoliers, avant que le célèbre libraire du Quartier latin ne le commercialise de nouveau pour les écoliers de la classe d’âge suivante.
La cannibalisation du marché de livres neufs ?
24Les premières mesures effectuées par le ministère de la Culture et de la Communication (2017) révèlent le dynamisme du marché du livre d’occasion. Plus d’un quart des acheteurs de livres neufs acquièrent aussi des volumes d’occasion et près de deux livres achetés sur dix le sont sur ce marché. Ces proportions progressent depuis 2012 en raison des opportunités offertes par Internet pour avoir accès à l’offre d’occasion et à des possibilités de revente.
25Face à ce constat, plusieurs questionnements sont apparus, parmi lesquels celui de la cannibalisation du marché du neuf par l’occasion. Le livre d’occasion est-il un substitut du livre neuf ? Un seul travail économétrique, réalisé par des chercheurs américains, permet de livrer quelques réponses à cette interrogation. Selon eux, les ouvrages d’occasion ne sont qu’un substitut très imparfait à l’offre de nouveautés puisqu’en comparant les ventes de livres neufs sur la plateforme Amazon et celles d’occasion sur la place de marché (marketplace) de l’opérateur, seuls 16 % de l’assortiment cannibaliseraient celui de livres neufs. Les auteurs de l’étude réalisée en 2006 évoquent ainsi un simple parasitage et non un phagocytage complet (Ghose, Smith & Telang, 2006).
26L’une des stratégies adoptées par les éditeurs pour tenter de lutter contre ce parasitage est de publier régulièrement de nouvelles versions mises à jour, refondues et parfois augmentées du titre en question. Cette pratique est particulièrement visible dans le secteur universitaire. Une autre réponse à cette approche, qui conçoit le marché de l’occasion comme un substitut au neuf, est de souligner que les achats de livres neufs peuvent être motivés par la possibilité de revendre les ouvrages après leur utilisation. Le cas emblématique est celui du secteur scolaire. Le manuel est, sauf en cas de changement de programme, un bien durable. Les éditeurs et les détaillants doivent, pour faire croître leurs ventes, informer les clients qu’ils peuvent revendre les ouvrages sur le marché d’occasion. L’achat de neuf serait d’autant plus pratiqué que les clients reçoivent l’information quant à la possibilité de revente (Schulman & Coughlan, 2007). Cette incitation a été celle portée par d’anciennes campagnes publicitaires des librairies Gibert Jeune, spécialisées, durant de longues décennies, dans le secteur scolaire : « Venez acheter vos livres neufs chez Gibert, vous pourrez les revendre ».
27L’achat d’occasion peut aussi être motivé par l’indisponibilité de la référence à l’état neuf. Il peut également constituer un service de test pour les auteurs ou types de livres méconnus par le lecteur qui se traduira ensuite par l’achat de livres neufs, si le test s’avère positif (Farchy & Jutant, 2015 a, p. 59-60). Engagé depuis peu sur le marché de seconde main, un libraire de nouveautés situé en Caroline du Nord et interrogé par le Washington Post considère ainsi que l’occasion nourrit le neuf. L’accès démocratisé au livre que permettent les prix bas n’est pas incompatible avec son activité principale liée à son assortiment de volumes neufs (Rosenwald, 2015).
28En d’autres termes, le marché de l’occasion ne doit pas être seulement considéré comme un espace marchand de substitution par rapport aux livres neufs, mais comme un complément permettant l’extension des consommations culturelles et l’accès à une offre épuisée.
Les plateformes de revente face à la loi Lang
29Parallèlement à la question de la cannibalisation, un autre enjeu soulevé par la plateformisation du marché a trait à la façon dont les opérateurs numériques communiquent sur l’offre. La cohabitation, pour une même référence parfois récemment publiée, entre des exemplaires neufs et des exemplaires d’occasion, ainsi que l’usage de la description « état neuf » pour des volumes de seconde main, seraient susceptibles d’avoir créé une confusion pour l’internaute. Cette communication jugée imprécise pourrait être interprétée comme un contournement de la loi Lang sur le prix unique du livre neuf, en faisant passer des livres d’occasion, revendus à prix réduit, pour des livres neufs.
30Cette observation est celle du Syndicat de la librairie française, du Syndicat national de l’édition et du Syndicat des distributeurs de loisirs culturels qui ont saisi en 2015 le médiateur du livre. Cette autorité, créée en 2014 par la loi relative à la consommation, est chargée de la conciliation des litiges portant sur l’application de la loi sur le prix du livre neuf imprimé (1981) et numérique (2011). La saisine des trois syndicats professionnels a conduit à l’organisation d’une consultation des principaux opérateurs proposant livres neufs et livres d’occasion afin de dégager un ensemble de « bonnes pratiques » de commercialisation (Médiateur du livre, 2016, p. 14 ; 2021, p. 5-7). Ces recommandations ont été réunies dans une Charte relative au prix du livre, signée le 27 juin 2017 par les membres du groupe de travail9 en présence de l’éditrice Françoise Nyssen, alors ministre de la Culture et de la Communication. Parmi les engagements visant à mieux informer les internautes lors de l’exposition du neuf et de l’occasion, l’un vise à exclure le terme « neuf » pour qualifier un livre d’occasion (la précision « comme neuf » reste autorisée). Entrée en vigueur le 27 décembre 2017, les engagements présents dans la Charte n’ont pas totalement conduit à une meilleure distinction entre les types d’offres tout au long du processus d’achat en ligne, d’une part, et sur l’interface des applications mobiles des plateformes, d’autre part. Après y avoir été invités par le médiateur, les signataires de la Charte, à l’exception d’Amazon, ont donné leur accord pour que les engagements soient appliqués sur toutes les versions des sites (ordinateur, tablette, smartphone) et à toutes les étapes de la consultation de ces sites (y compris sur la page des « résultats »).
31Faute d’accord de tous les signataires, le médiateur du livre a rédigé une proposition de modification de la loi Lang relative à la distinction des types d’offres et à la communication du prix. Intégrer ces éléments à la loi doit ainsi convertir les engagements de la Charte en obligations.
32Le travail législatif débute au mois de juin 2021 par le vote au Sénat de la proposition de loi portée par la sénatrice Laure Darcos, intitulée « Conforter l’économie du livre et renforcer l’équité entre ses acteurs », et qui, dans son article premier, contraint les détaillants (boutiques, sites marchands accessibles sur tous les supports) vendant simultanément livres neufs et livres d’occasion à clairement distinguer les deux types d’offres, les prix et à « ne pas laisser penser au public qu’un livre neuf peut être vendu à un prix différent de celui qui a été fixé par l’éditeur ou l’importateur10 ». Cette proposition de loi a été examinée et votée à l’Assemblée nationale le 6 octobre 2021 puis adoptée à l’unanimité par le Sénat deux mois plus tard.
Extension du marché de l’occasion : la rémunération des auteurs et des éditeurs
33Le troisième et dernier questionnement soulevé par la croissance du marché de l’occasion est relatif à la rémunération des auteurs et des éditeurs. Sur le plan juridique, rappellent Joëlle Farchy et Camille Jutant, « ce marché est organisé sur une base claire, celle de l’épuisement des droits. Dès lors que la première vente d’un exemplaire d’une œuvre est autorisée par le titulaire de droits, ce dernier ne peut plus ensuite s’opposer aux ventes successives de ce même exemplaire » (2015 b, p. 209). Autrement dit, les reventes successives ne donnent pas lieu à une rémunération des auteurs et des éditeurs. En raison de la croissance du marché de l’occasion et de son dynamisme, ces derniers sont conduits à manifester leur inquiétude aux États-Unis (Tedeschi, 2004) comme en France. Pour Antoine Gallimard, président-directeur général du groupe Madrigall, le développement des places de marché, c’est-à-dire des sites de vente en ligne regroupant des vendeurs tiers, attire tous les livres d’occasion et brouille la perception du prix chez le consommateur. « Ce trou noir échappe totalement à la rémunération des auteurs et des éditeurs », déclare-t-il au quotidien Le Monde en 2019.
34Au-delà de ces prises de parole d’éditeurs ou d’acteurs représentant les intérêts des auteurs comme la Société des gens de lettres, qui réfléchissent à des dispositifs permettant que le marché profite à tous les acteurs de la chaîne du livre, une question a été posée en 2013 à la ministre de la Culture Aurélie Filippetti par le député Hervé Gaymard. Auteur d’un rapport remarqué sur l’économie du livre (2009), cet élu de Savoie expose le fait que, pour les livres et les jeux vidéo, les auteurs et éditeurs sont fortement pénalisés par la croissance du marché de seconde main. Les premiers sont privés d’une part non négligeable de leurs droits quand les seconds voient diminuer leurs ventes moyennes. Ce qui s’apparente à une menace sur la création devrait, selon lui, être contré par l’instauration d’une contribution sur les ventes et les achats d’occasion de jeux vidéo et de livres. Ce fonds permettrait « de donner aux éditeurs les moyens de pérenniser l’emploi en France et, ainsi renforcés, de participer à la compétition internationale et au rayonnement de la culture française à l’étranger11 ». Publiée le 12 novembre 2013, la réponse d’Aurélie Filippetti s’articule autour de trois points : la nécessité d’évaluer le poids du marché du livre d’occasion, la création, imminente en 2013, du médiateur du livre qui sera l’acteur adapté aux débats et litiges relatifs à l’économie du livre et la réflexion juridique sur la licéité du marché secondaire des biens culturels numériques12.
35Depuis cet échange, le marché du livre d’occasion a fait l’objet de mesures statistiques à l’initiative du Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture et de la Communication (2017). En parallèle, une action collective se structure pour qu’un fonds alimenté par les transactions de livres d’occasion voit le jour dans le but d’apporter de nouveaux types de revenus aux auteurs. Aucun dispositif n’a encore été mis en place. Au mois de janvier 2020, le rapport sur la situation socio-économique des artistes-auteurs, rédigé par Bruno Racine, juge incertaine l’idée d’un droit de suite sur le livre d’occasion en raison de l’existence de la règle de l’épuisement des droits de distribution prévue par le code de la propriété intellectuelle. Ce droit de suite serait techniquement incertain et peu à même de générer une ressource significative (ministère de la Culture et de la Communication, 2020, p. 68-69).
36Ces trois enjeux soulevés par la vitalité du marché du livre d’occasion – substitution, communication sur les plateformes, droits – nécessitent un meilleur examen du marché, du fonctionnement des acteurs engagés et des recompositions socio-économiques à l’œuvre.
Analyse sociologique d’un espace marchand
37La sociologie des marchés s’intéresse à ce qui rend opératoire la relation marchande : les intermédiaires marchands, leur travail, les dispositifs sociotechniques mis en place, ainsi que les interactions coordonnant les échanges. Derrière le caractère abstrait de la notion de marché et derrière les dispositifs – notion centrale de la sociologie des marchés héritée de la théorie de l’acteur-réseau –, il est impératif d’étudier les groupes sociaux engagés dans les échanges économiques ainsi que les nouvelles règles du jeu propres à ce marché. En d’autres termes, l’objectif, en s’intéressant à de nouveaux intermédiaires comme les plateformes, n’est pas tant de se limiter à l’étude de leur fonctionnement que d’identifier les conduites d’achat qu’elles structurent et les nouveaux rapports de forces qui se jouent grâce à elles sur certains aspects de l’activité, comme celui de la formation des prix (Ducourant & Éloire, 2014, p. 188).
Une enquête de longue durée auprès des détaillants
38Afin de mener à bien l’étude de cet espace marchand, et de nous pencher plus particulièrement sur le fonctionnement des détaillants – leurs ressources, leur registre cognitif –, nous avons privilégié l’enquête de longue durée comme mode d’investigation. Cette étude porte autant sur les zones structurées de ce marché que sur les espaces plus informels. Différents types de détaillants ont été interrogés : des libraires (des indépendants travaillant sur un marché parisien, des bouquinistes, des vendeurs et des cadres de Gibert Jeune, Gibert Joseph et Boulinier, des professionnels du livre de collection), des employés et des bénévoles d’associations caritatives (Emmaüs) et à but environnemental (La Ressourcerie), le fondateur d’une entreprise écoresponsable (Recyclivre), des membres d’une association étudiante de médecine organisant des bourses aux livres, des cadres de plateformes numériques et des particuliers. Nous avons réalisé près de 40 entretiens enregistrés, d’une durée d’une à trois heures, avec 34 personnes actives sur le marché de l’occasion13. Une cinquantaine de discussions informelles non enregistrées avec d’autres acteurs complètent ce matériau empirique. L’enquête s’est déroulée à Paris et à Lyon.
39Un libraire du Calvados, spécialisé à la fois dans le livre de collection et d’occasion, a constitué un informateur privilégié pour cette enquête. De longues discussions ont été menées avec lui pendant quatre ans. Son rôle se distingue de celui d’un enquêté avec qui nous aurions réalisé un entretien. Il a d’abord été une pièce maîtresse de l’enquête pour nous guider sur le marché et décrypter certains éléments d’information, puis il est devenu une personne intéressée par les entretiens que nous menions. Nos « retours de terrain » suscitaient chez lui une écoute attentive. Basé en Normandie, celui que nous avons nommé Olivier Dangin se rend régulièrement à Paris pour s’approvisionner. Il connaît aussi les pratiques d’achat de sa clientèle parisienne, sa librairie étant située dans une commune balnéaire regroupant de nombreuses résidences secondaires appartenant à des Parisiens. Olivier Dangin est enfin devenu une personne sur laquelle nous testions la robustesse de nos premiers résultats d’analyse. Notre dialogue ne s’est pas interrompu depuis la fin de l’enquête.
Des lieux d’observation stratégiques
40Cette enquête repose également sur des observations répétées menées dans plusieurs endroits stratégiques du marché, à Paris : le service d’achat de l’occasion chez Gibert Jeune, la salle des ventes de Drouot-Nord située dans le quartier de la Goutte d’Or, le marché du livre ancien jouxtant le parc Georges-Brassens dans le 15e arrondissement. À ces observations s’ajoute enfin la fréquentation de dizaines de librairies d’occasion en France et à l’étranger en tant que client ou simple flâneur, qui nous a fourni l’occasion de mener des observations « diffuses » conduisant à recueillir des données sur la description de lieux et de comportements saisis de manière globale (Chapoulie, 2000, p. 6-7).
Un espace marchand familier
41Le déroulement de l’enquête n’a pas présenté de difficulté particulière. La confiance, indispensable à toute relation d’enquête, a pu être instaurée lors des premiers instants partagés avec les personnes enquêtées, grâce à la familiarité que nous entretenons avec le milieu du livre. Nos connaissances du secteur et notre intérêt particulier pour les aspects économiques de la filière ont pu, nous semble-t-il, rassurer nos interlocuteurs et créer une complicité intellectuelle entre des professionnels du livre et un sociologue enquêtant sur leur activité.
42Par ailleurs, à l’instar du sociologue Vincent Dubois, pour qui la recherche conduite sur l’orientation vers les métiers de l’administration culturelle est le produit de la conversion d’un intérêt pédagogique en intérêt scientifique (2013, p. 192), notre investissement pédagogique dans les formations universitaires dédiées aux professions du livre a été un réel atout pour l’enquête. La direction d’une licence professionnelle « édition et commerce du livre » depuis dix ans, en partenariat avec le Syndicat national de l’édition, nos enseignements dispensés auprès de futurs éditeurs, libraires et bibliothécaires, mais aussi nos relations avec de nombreux intervenants professionnels extérieurs (éditeurs, directeurs commerciaux) et l’encadrement de mémoires universitaires constituent autant d’expériences pratiques qui nourrissent inévitablement une réflexion sociologique sur l’économie du livre. Cette étude aurait été différente si nous avions occupé une position d’enquêteur totalement extérieur au milieu. Il est enfin nécessaire de préciser que nos travaux antérieurs sur le commerce du livre nous ont conduit à être invité à plusieurs reprises dans des événements organisés par l’interprofession (salons, congrès, journées professionnelles, participation à des jurys pour des prix décernés à des libraires, etc.) au cours desquels nous avons pu aisément nouer des contacts utiles à l’investigation et collecter des informations relatives à nos intérêts scientifiques.
L’ethnographie d’un espace marchand
43Les modalités de recueil du matériau empirique suivent les principes d’une enquête ethnographique. Trois arguments peuvent être avancés. Premièrement, la volonté d’examiner à la fois les espaces formels et informels des transactions a nécessité l’implication du chercheur durant une longue période parmi différents acteurs14. En d’autres termes, nous nous sommes mêlé au marché, à ses acteurs, à ses dynamiques par l’enquête et la documentation. Deuxièmement, sans se connaître tous directement, les enquêtés sont en relation les uns avec les autres. Certains entretiennent des rapports professionnels, parfois amicaux, mais surtout, tous sont aujourd’hui placés dans une relation de concurrence en raison du référencement de leur assortiment sur les plateformes. L’enquête a donc conduit à explorer un milieu d’interdépendance, voire d’interconnaissance (Beaud & Weber, 1997, 1998, p. 15 et 40), même si les individus ne se connaissent que de nom. Enfin, le troisième critère de l’enquête ethnographique est le temps. La longue durée sur laquelle s’est déroulée la collecte du matériau a rendu possible non seulement « la diversification des situations observées, des contacts et des sources d’information » (Schwartz, 1993, 2011, p. 340), mais elle a permis aussi, par un effet de saturation, de valider de premiers résultats lors d’entretiens ou d’observations réalisés ultérieurement, plusieurs mois ou plusieurs années après les premières investigations.
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44Cette contribution à la sociologie des marchés et à la sociologie de la consommation culturelle comporte trois grandes parties. La première propose une analyse des acteurs traditionnels du marché. Trois circuits sont étudiés de manière approfondie : les librairies d’occasion indépendantes orientées vers un lectorat initié, les bouquinistes des quais de Seine, les librairies généralistes destinées au grand public. Une deuxième partie s’intéresse aux nouveaux entrants sur le marché du livre d’occasion. La plateforme en ligne, les particuliers, les associations étudiantes, mais aussi les structures de l’économie sociale, solidaire et environnementale exercent aujourd’hui un rôle de premier plan par leur activité ou la modernisation de leur investissement. Une troisième partie traite enfin de la redéfinition des règles du jeu propres au marché du livre d’occasion à travers l’examen de deux étapes essentielles du travail marchand : la constitution de l’assortiment et la formation des prix.
45Précédés d’un préambule exposant des données statistiques sur le marché et les consommations, ces trois parties et ces dix chapitres visent à présenter une réflexion plus générale relative aux évolutions touchant, d’une part, les conditions de circulation des biens culturels et, d’autre part, les normes encadrant le rapport marchand à la culture.
Notes de bas de page
1 Pour les travaux historiques, nous renvoyons à la bibliographie régulièrement actualisée de Jean-Yves Mollier, « La bibliographie sur l’histoire de l’édition, du livre et de la lecture en France » (2019).
2 Ces deux ouvrages ont paru au moment même où les librairies rejoignaient la liste des « commerces essentiels » établie dans le cadre des confinements liés à la crise sanitaire du Covid-19, en 2020. Leur ouverture est alors autorisée au même titre que les pharmacies ou les détaillants alimentaires. On notera également la parution récente d’une histoire de la librairie lausannoise Payot basée sur les archives de l’entreprise (Corajoud, 2021).
3 Pour Franck Cochoy, « [il est nécessaire de cesser] de croire que l’étude de la consommation passe nécessairement par l’étude des consommateurs. Tout acte de consommation engage trois instances : un consommateur certes, mais aussi des marchands et le produit consommé. De ce point de vue, il est pour le moins surprenant que l’on ait pris l’habitude de se focaliser sur un seul élément de cette triade, le consommateur, et partant d’oublier les deux autres » (Sarfati, 2018, n.p.). Voir également : Cochoy & Dubuisson-Quellier, 2000, p. 359-368 ; Cochoy & Mallard, 2018, p. 384-403.
4 Nous renvoyons au préambule statistique qui suit cette introduction.
5 L’enquête de Marie-France Garcia-Parpet (2009) sur le « modèle français » des grands crus (façons de produire, hiérarchies, etc.) et sa déstabilisation par les « vins du nouveau monde » a été particulièrement instructive pour notre investigation.
6 Transmis et non vendus aux journalistes, les exemplaires de service de presse ne sont donc pas à proprement parler des livres d’occasion. Ils alimentent toutefois l’assortiment de certaines librairies en lui apportant une certaine « fraîcheur » (Pierrat, 2017). Aucune réglementation n’empêche les exemplaires transmis par l’éditeur aux journalistes d’être vendus à un acteur de l’occasion. En ce qui concerne les exemplaires fournis gracieusement à l’auteur par l’éditeur, le contrat d’édition stipule qu’ils ne peuvent donner lieu à des opérations commerciales. L’auteur remercie Anne Lepage, juriste spécialisée dans le droit de l’édition et du numérique, pour ces éclaircissements.
7 Le « courant » ou encore la « bouquinerie » selon le vocabulaire des professionnels.
8 Dans le cadre de la loi Lang (1981), le prix de vente est fixé par l’éditeur.
9 Le groupe de travail a rassemblé les syndicats professionnels et les représentants de Chapitre.com, Gibert Joseph, Les libraires.fr et PriceMinister. La Fnac et Amazon ont également contribué à cette réflexion.
10 Proposition de loi portée par Laure Darcos, sénatrice, nº 252, voir en ligne : http://www.senat.fr/leg/ppl20-252.html (janvier 2022).
11 « Question du député Hervé Gaymard à la ministre de la Culture et de la Communication au sujet du marché des biens culturels d’occasion », Journal officiel, 30 avril 2013.
12 « Réponse de la ministre de la Culture et de la Communication », Journal officiel, 12 novembre 2013. Six ans après, la Cour de justice de l’Union européenne rend un jugement sur la revente de livres numériques. La règle de l’épuisement des droits après une première vente ne s’applique pas aux biens intangibles et la revente après un téléchargement est soumise à l’accord des ayants droit.
13 Nous avons anonymisé les personnes interrogées, puis, pour le cas de certains détaillants indépendants, renommés dans le milieu du livre, nous avons modifié quelques éléments les concernant ou nous sommes resté volontairement imprécis sur certains points afin d’éviter qu’ils puissent être facilement identifiés par leurs confrères. En ce qui concerne le nom des enseignes, la description du marché et des acteurs de l’offre, qui constitue l’un des objectifs intellectuels de cette enquête, rend l’anonymisation inenvisageable. Pour plus de détails sur les personnes interrogées, nous renvoyons à l’annexe méthodologique présente en fin de volume.
14 L’ethnographie désigne « tout type d’enquête qui repose sur une insertion personnelle et de longue durée du sociologue dans le groupe qui l’étudie » (Schwartz, 1993, 2011, p. 338).
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