Note sur la présente édition
p. XXXVII-XXXIX
Texte intégral
1Dès avant la mort de Gide, Alibert conçut le projet de publier lui-même, en partie au moins, les lettres que, pendant plus de quarante-trois années, il avait reçues de son ami et qu’il avait toutes conservées, à une exception près (celle du 2 juin 1948, qu’il avait offerte à un ami, M. Jacques Marlet, lequel nous l’a spontanément et fort obligeamment communiquée) et compte tenu, naturellement, du nombre non négligeable de lettres égarées (notamment à l’époque du séjour d’Alibert dans l’armée d’Orient en 1915-18). Quand il eut vu successivement paraître l’Hommage à André Gide de La N.R.F. ressuscitée (novembre 1951) – auquel il souffrit fort de n’avoir pas été invité à collaborer –, puis Et nunc manet in te et Ainsi soit-il, et les nombreux livres de témoignages et de souvenirs sur Gide publiés en 1951-52, il fut assez confirmé dans son dessein pour en faire part à son vieil ami (et ancien dédicataire de son En marge d’André Gide) Jean Schlumberger ; sans l’en détourner, celui-ci lui conseilla toutefois d’en différer la réalisation : l’édition d’autres correspondances gidiennes, lui dit-il, était en préparation et avait en quelque sorte un droit de priorité (ainsi l’ensemble Gide-Valéry, auquel travaillait alors M. Robert Mallet) ; d’autre part, le caractère souvent intime et confidentiel des lettres Gide-Alibert n’était pas sans alarmer l’extrême prudence naturelle de Jean Schlumberger...
2Pourtant, lorsque mourut le poète carcassonnais, le 23 juin 1953, quelques travaux préparatoires avaient été entrepris. S’en était chargé un amateur nîmois, Maurice Roullet, qu’un ami commun, M. Roland Saucier (alors directeur de la Librairie Gallimard du boulevard Raspail), avait introduit en octobre 1950 auprès d’Alibert qu’il savait très malade et dans une gêne cruelle. Durant deux mois, en 1951 ou 52, Maurice Roullet séjourna à Carcassonne et se rendit chaque jour chez Alibert pour s’entretenir avec lui, ranger sa bibliothèque et mettre de l’ordre dans ses papiers, en dépit des réticences de quelques-uns de ses fidèles amis qui redoutaient de le voir circonvenu ; il semble que Maurice Roullet ait alors acheté au vieux poète1 dans le besoin les lettres de Gide (« Je déplore que la correspondance avec Alibert soit tombée en des mains si suspectes », écrivit alors Jean Schlumberger à un ami...), qu’il revendit peu après à la Librairie Gallimard, pour le compte du collectionneur suisse qui les détient encore aujourd’hui, M. Marcel Bergeon (Le Locle).2 Entré en correspondance avec les héritiers d’André Gide – alors M. et Mme Jean Lambert –, Maurice Roullet dut accéder au désir de ceux-ci en leur vendant une photocopie (en principe complète, mais de qualité médiocre, et parfois illisible, parfois lacunaire) des lettres, photocopie dont M. Jean Lambert fit don, le 29 juin 1956, au Fonds Gide de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet à Paris, où elle rejoignit ainsi l’ensemble des lettres autographes d’Alibert à Gide, que celui-ci avait naturellement conservées.3 Cinq lettres seulement sont venues s’ajouter pour nous à celles de la Bibliothèque Doucet : deux de Gide (celles du 23 octobre 1930 et du 2 juin 1948, que nous devons à la bienveillance de MM. Roland Saucier et Jacques Marlet) et trois d’Alibert (celles du 23 février 1914, du 12 mars 1914 et du 31 mars 1927, que nous avons retrouvées dans les archives de Mme Catherine Gide). L’ensemble de cette correspondance est ainsi constitué de 427 lettres, dont 209 d’André Gide et 218 de François-Paul Alibert.
3Nous avons eu en mains un dossier de notes prises par Maurice Roullet (décédé quelques années plus tard), où certaines indications nous ont été utiles, qu’il avait recueillies au cours de ses entretiens avec le poète. Les nombreux documents inédits que nous avons reproduits ou utilisés sont de provenances diverses qui ont été dûment précisées.
4Cette édition n’eût naturellement pas été possible sans la bienveillante autorisation de Mme Catherine Gide et du légataire universel de François-Paul Alibert, son ami de longue date M. Pierre-Maurice Guilhot, qui tous deux nous encouragèrent chaleureusement à mener à bien ce travail. M. Guilhot, décédé à Carcassonne en 1980, à l’âge de soixante-et-onze ans, n’en verra hélas pas la réalisation : à sa veuve et à sa fille Mlle Nicole Guilhot, également fidèles à la mémoire du poète et de son vieil ami, nous présentons cette édition en hommage respectueusement reconnaissant. Mais nous tenons aussi à leur associer dans notre gratitude le souvenir de Jean Schlumberger, qui se plut à favoriser le commencement de notre travail.
5A M. Marcel Bergeon, qui voulut bien mettre à notre disposition sa collection des lettres autographes de Gide à Alibert, à M. Jacques Marlet, à nos amis Auguste Anglès, François Chapon, Georges Couton, Jean Lambert, Kevin O’Neill, Nicole Prévôt et Roland Saucier, qui nous ont aidé à des titres divers mais avec une égale obligeance, il nous est enfin agréable d’exprimer nos remerciements.
6CL. m.
Notes de bas de page
1 Qui paraît l’avoir bientôt regretté, au témoignage de l’un de ses amis des dernières années, M. Michel Maurette, qui devait l’assister à son lit de mort : Alibert, « un jour, pressé par le besoin, ne s’est-il pas laissé dessaisir des lettres de Gide, toute une correspondance accumulée en quarante ans ! Et depuis le remords le hante ». (Michel Maurette, « Le poète François-Paul Alibert », La Revue des Deux Mondes, 15 sept. 1960, p. 336).
2 Lequel s’est spontanément fait connaître à nous, ayant appris par un article de la Gazette de Lausanne que nous préparions la présente édition.
3 Bibl. Doucet, γ 910.1 à γ 910.223.
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