1934
p. 572-573
Texte intégral
861. ANDRÉ GIDE À EUGÈNE ROUART
11bis Rue Vaneau, VIIe
2Uttré 57-19
3Lundi [25 juin 1934 1].
4Cher Eugène,
5Je suis rentré avant-hier d’un grand tour en auto ; admirable traversée de régions que je ne connaissais pas encore. Arrêt à Saint-Agrève d’abord, puis à la Galaube, pour raisons de travail. De Carcassonne j’ai téléphoné à Bagnols, pour apprendre, à mon grand regret, que tu étais à Paris. Je n’ai pu te prévenir d’avance de mon passage là-bas, fort incertain et peu indépendant2. J’étais avec Marc et Yves Allégret, en prospection pour la préparation d’un film dont certaines scènes doivent avoir le canal du Midi pour décor3. Si peut-être je retournais là-bas au moment où ils tourneront ce film, j’espère être plus heureux.
6Je n’ai pu voir Alibert que très insuffisamment, et quelques instants seulement seul à seul ; heureux de sentir que près de trois ans d’absence n’avaient en rien affaibli notre amitié.
7Très affecté par la mort du pauvre Rosenberg, dont tu te souviens sans doute4. Une lettre d’un de ses collègues à l’Académie des Sciences de Leningrad me laisse entrevoir combien sa haute valeur était appréciée en U.R.S.S.5.
8Il va me falloir me résigner à une cure pour mon foie... à Vittel ?... c’est bien embêtant. N’était cela j’irais à merveille.
9Au revoir.
10Ton vieux
11André Gide.
12Je regagne Cuverville ce soir même sans avoir pu trouver le temps, ici, de revoir personne6.
862. ANDRÉ GIDE À EUGÈNE ROUART
Cuverville,
6 oct[obre 19]347.
13Cher Eugène,
14Madeleine et moi sommes très sensibles à l’affection que témoigne ton excellente lettre8. Oui, comme bien tu penses, la mort de Paul A. Laurens m’affecte profondément ; je suis très touché par le bon souvenir que toi-même tu as gardé de cet être exquis9.
15Je rentre à Paris dans quelques jours – heureux si je pouvais te revoir.
16Ton
17A. G.
Notes de bas de page
1 HRHRC. Papier à en-tète.
2 Le 23 juin 1934 Alibert avait prévenu Gide : « J’ai peur d’avoir gaffé vis-à-vis d’Eugène. J’ai peut-être commis une maladresse en lui disant, dans la dernière lettre que j’ai eu l’occasion de lui écrire, que tu étais passé à Carcassonne. Il est furieux contre toi. Je t’avertis afin que tu puisses arranger cela, qui n’a guère d’importance, quand tu le reverras. » Gide lui répond, ce même 25 juin 1934 : « Tu fais bien de m’avertir : j’écris aussitôt à Eugène, lui disant mes regrets. J’avais à deux reprises téléphoné de Carcassonne à Bagnols : “M. le Sénateur est à Paris”. » (ALI, pp. 397-8.)
3 II s’agissait en fait d’un voyage dans le Centre (Clermont-Ferrand, Saint-Étienne), à la recherche de décors pour Sans famille, le film que tournait Marc. Ce fut pour permettre à Gide de revoir Alibert qu’on poussa jusqu’à Carcassonne. Gide rentra de ce tour en auto le 20 juin 1934. À Roger Martin du Gard il écrivit ce même 25 juin : « Nous sommes de retour depuis 3 jours » (RMG I, p. 620).
4 C’est par un télégramme du 7 juin que Gide apprit la mort de Fédor Rosenberg.
5 La lettre de Basil M. Alexeiev est datée du 8 juin (BLJD). En 1935 Gide devait faire paraître, dans le Bulletin de l’Académie des Sciences de l’URSS, un hommage daté du 18 juin 1934. Le texte est reproduit dans le BAAG n° 137, janvier 2003, pp. 131-3.
6 Dans sa lettre à Alibert Gide laissa entendre qu’il comptait retourner à Carcassonne après une semaine à Cuverville ; à Roger Martin du Gard il précisa : « Il est possible que je rejoigne là-bas (à Carcassonne) la troupe des cinéastes – après une semaine à Cuverville – remettant ma cure à un peu plus tard. Cette détente de quinze jours m’a fait si grand bien que je doute même si cette cure est encore bien utile. C’est ce que le toubib va me dire cet après-midi. » (RMG I, p. 621.) Rentré de Cuverville à Paris le 3 juillet, Gide y retrouva Théa Sternheim, qui le convainquit de l’utilité d’une cure à Karlsbad, où il s’installa vers le 12 juillet et où il resta jusqu’au 4 août.
7 HRHRC.
8 Cette lettre n’a pas été retrouvée.
9 Paul Laurens est mort à Toulon le 26 septembre 1934, d’une crise d’urémie.
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