1925
p. 531-533
Texte intégral
835. EUGÈNE ROUART À ANDRÉ GIDE
1Bagnols-de-Grenade
217 avril 19251.
3Cher ami,
4On peut se demander si c’est par manque de célébrité ou encore par amitié qu’on ne fait pas partie de la jolie charrette dont tout le monde parle ; c’est très Ménalque, cette vente, mais aussi très pratique et c’est une réponse élégante et insolente à certains qui m’amuse2.
5J’aurai aimé te revoir et dans le calme des champs : quand m’accorderas-tu audience ? Il me semble que nous avons beaucoup d’idées à échanger par un temps qui va si vite.
6As-tu retrouvé toute ta santé depuis ton opération3 ? Pour moi j’ai péniblement remonté la pente. Il aurait fallu distraire ma pensée – et j’étais plus férocement que jamais attaché à la glèbe ce [qui] ne m’aidait pas, et ma blessure4 se rouvrait parfois très cruellement : j’ai pu cependant recommencer à travailler avec un peu plus de méthode.
7Stany est près de nous ces jours-ci ; et c’est un bonheur5. J’aimerai que tu puisses causer avec lui, c’est un homme, très sage et décidé. Il est prêt à parcourir le monde : Algérie après les vacances (Maison Carrée), Californie et Pérou année suivante. Mr Leguia l’attend là-bas, et nous veut du bien – je ne sais si tu connais la personnalité puissante et étrange de ce Chef d’Etat6 : il m’avait demandé, je n’ai pu me rendre près de lui, mais j’essaye de lui faire prendre Ruijters et Stany.
8J’attends un mot de ta vieille amitié délesté de termes trop beaux et suis ton vieil et dévoué
9Eugène Rouart.
836. ANDRÉ GIDE À EUGÈNE ROUART
Cuverville.
6 juillet [1957].
10Cher Eugène,
11Je vis dans un hourvari sans nom depuis 15 jours. À grand’peine j’ai pu préserver une demi-semaine pour Cuverville, où je suis arrivé hier – où je ne puis hélas m’attarder que jusqu’à jeudi. Ensuite ce seront les paquets à faire, les cantines à fermer, etc.
12Si tu es à Paris (comme me le dit ta lettre8) le 10 ou le 11, donne un coup de téléph. (Auteuil 04 55) vendredi ou samedi matin – de bonne heure.
13Je voudrais t’embrasser avant de partir9.
14Ton
15A. G.
Notes de bas de page
1 BLJD. Papier à en-tête.
2 Avant son départ pour l’Afrique, Gide mit en vente une partie de sa bibliothèque. En réponse à certains qui s’indignèrent de cet acte par lequel il se dépossédait de tant d’éditions originales, parfois dédicacées affectueusement par des auteurs autrefois des amis, il avait écrit à Souday le 13 avril une lettre où il expliquait au critique qu’il ne mettait en vente aucun manuscrit ou livre dédicacé provenant d’un confrère qui lui inspirait de l’affection ou de l’estime. La lettre venait de paraître dans Lr Temps du 17 avril. (Voir également Paul Souday, André Gide, Paris : Simon Kra, 1927, pp. 60- 2.) R. de Bury rapporta bientôt dans le Mercure de France du 15 juin 1925, p. 794, que Régnier, brouillé depuis longtemps avec Gide, lui aurait envoyé le 27 avril 1925 le volume Proses datées avec cette dédicace : « À M. André Gide, pour sa prochaine vente ». Gide fit paraître dans Les ’Nouvelles littéraires du 25 avril une mise au point sur la vente qui eut lieu à l’hôtel Drouot les 27 et 28.
3 Le 27 décembre 1924, Gide avait été opéré de l’appendicite et était resté en clinique jusqu’au 10 janvier. À Alibert, qui avait appris la nouvelle par l’intermédiaire d’un tiers, Gide avait écrit le 7 ou 8 janvier : « Par discrétion je ne t’avais pas averti (non plus qu’Eugène, qui peut-être n’en sait encore rien à l’heure qu’il est), mais j’avais laissé un petit mot pour toi sur ma table, avant de gagner “celle” d’opération – pour qu’il te soit remis “en cas d’accident” » (ALI, pp. 291-2).
4 Rouart aurait-t-il subi lui aussi une opération ? Nous ne saurons l’affirmer.
5 Stanislas Rouart, premier fils d’Eugène, promotion 1922 à Grignon, obtiendra bientôt son diplôme d’ingénieur agronome.
6 Élu président de 1908 à 1912, Auguste Bernardine Leguia (1863-1930) reprend le pouvoir par un coup d’État en 1919 et impose un régime dictatorial et populiste qui sera renversé à son tour en 1930 par de Sanchez Cerro.
7 HRHRC.
8 Lettre non retrouvée.
9 Gide et Marc Allégret quittèrent Paris pour le Congo le 14 juillet 1925 et leur voyage dura près d’un an : ils furent de retour le 31 mai 1926.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
André Gide & Jean Amrouche
Correspondance 1928-1950
André Gide et Jean Amrouche Guy Dugas et Pierre Masson (éd.)
2010
André Gide & Léon Blum
Correspondance 1890-1950. Nouvelle édition augmentée
André Gide et Léon Blum Pierre Lachasse (éd.)
2011
André Gide & Paul-Albert Laurens
Correspondance 1891-1934
André Gide et Paul-Albert Laurens Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann (éd.)
2015
André Gide & Henri de Régnier
Correspondance 1891-1911
André Gide et Henri de Régnier David J. Niederauer et Heather Franklyn (éd.)
1997
André Gide & la réécriture
Colloque de Cerisy
Pierre Masson, Clara Debard et Jean-Michel Wittmann (dir.)
2013
André Gide & Jean Amrouche
Correspondance 1928-1950
André Gide et Jean Amrouche Guy Dugas et Pierre Masson (éd.)
2010
André Gide & Léon Blum
Correspondance 1890-1950. Nouvelle édition augmentée
André Gide et Léon Blum Pierre Lachasse (éd.)
2011
André Gide & Paul-Albert Laurens
Correspondance 1891-1934
André Gide et Paul-Albert Laurens Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann (éd.)
2015
André Gide & Henri de Régnier
Correspondance 1891-1911
André Gide et Henri de Régnier David J. Niederauer et Heather Franklyn (éd.)
1997
André Gide & la réécriture
Colloque de Cerisy
Pierre Masson, Clara Debard et Jean-Michel Wittmann (dir.)
2013
