1922
p. 507-510
Texte intégral
1 Au début de 1922, Rouart est nommé affiner dans l’ordre de la Légion d’honneur. Dans une lettre du 2 janvier Paul Valéry lui envoie « tous mes compliments pour cette belle rosette que le 1"janvierfait éclore dans votre jardin » et lui rappelle sa « vieille, très vieille amitié » (HRHRC). Le 3 février, Gide reçoit à Paris « une excellente visite d’Eugène » (ALI, p. 243, lettre du 5 février) : il le félicite sans doute à son tour. Le lundi 13 février a lieu à Toulouse la remise officielle de la rosette à la Société d’Agriculture. La séance est présidée par Duchein, que Rouart connaît comme directeur de l’Ecole régionale d’agriculture d’Ondes depuis 1903, et qui vient d’être élu sénateur de la Haute-Garonne en janvier 1920 sans doute grâce à l’influence de Rouart, réélu conseiller général en décembre 1919. Alibert écrit à Gide à propos de la cérémonie : « Discours, compliments, déluges de fleurs, émotion, larmes, embrassades, rien ne manquait. C’était du reste très bien. Eugène s’est montré plus gentil d’ailleurs et plus affectueux que jamais. le le crois un peu secoué en ce moment ! » (AU, pp. 245-6, lettre des 15-16 février 1922.)
2 Rjouart revient à Paris, où le 20 février Maria Van Rysselberghe, de retour de Saint-Clair, le trouve à la Villa Montmorency (CPD I, pp. 107-8).
3 Le lendemain encore, toujours à la Villa, « on sonne. C’est encore Rouart. Tout de suite, il parle politique. Il veut se présenter à la Chambre ; le Sénat ne l’intéresse pas. [...] Gide semble assez angoissé de la tournure que prend la politique. “Nous courons à la Révolution”, dit Rouart. – ‘Non, au contraire, fait Gide, il n’y a pas assez mécontents en France pour cela. J’ai peur plutôt qu’on ne s’endorme dans le bien-être ; nous vivons de bluff’ » (CPD I, pp. 109-10, 22février 1922).
4 Entre temps, Ghéon a publié dans L’Action française du 16 mars 1922, p. 2, sous le titre « Snobisme et Messianisme », une « chronique littéraire » où l’ancien ami de Gide s’attaque à l’équipe de La NRF et plus particulièrement à Gide. « J’ai eu de mon côté », dira Alibert de ses retrouvailles avec Rouart fin mars, « l’occasion de lui dire combien j’avais été peiné et même irrité par le dernier article de Ghéon, dans L’Action française. Tu sais à quoi je fais allusion. Comment un homme peut-il se défigurer à ce point, et surtout défigurer la pensée des autres ! » (ALI, p. 250 lettre du 1" avril 1922.) On imagine facilement que Kouart ait écrit à Gide pour se solidariser avec lui : c’est peut-être de cette lettre que parle Maria Van Rysselberghe : «[Gide] a reçu une lettre d’Eugène Rouart où le mot meurthri écrit avec un h l’amuse vraiment beaucoup » (CPD I, p. 116, 7 avril 1922).
819. ANDRÉ GIDE À EUGÈNE ROUART
Samedi.
[Paris, 21 avril 1922 1.]
5Cher Eugène,
6Je me réjouis de te revoir2. Tu me trouveras à la Villa dimanche matin – mais pour plus de sûreté, tu peux téléphoner (Auteuil 04.55) dès ton arrivée.
7J’ai le téléph[one] depuis dix jours.
8Impatiemment, ton
9André Gide.
10A Toulouse, Rouart se plonge bientôt dans une nouvelle campagne électorale. « Voilà bien longtemps que je n’ai vu Eugène qu’en coup de vent », se plaint Alibert, le 10 juin. « Il a été réélu au Conseil général, mais après un sérieux ballottage » (AU, p. 253).
820. ANDRÉ GIDE À EUGÈNE ROUART
11Cuverville, 21 juin [1922 3].
12Cher Eugène,
13J’ai fait part à A.A.4 de ce qui le concerne, dans ta dernière lettre5. Il se montre extrêmement sensible à l’intérêt que tu lui portes et vivement intéressé par ta proposition. Bien entendu, il ne peut encore rien répondre, et attend d’en savoir un peu plus pour se prononcer. C’est à toi, qui tiens en main les ficelles, de ménager rencontres et rapprochements. – Tout ce que je puis dire, en l’occurrence, c’est que A.A. offre toutes les qualités qui peuvent faire un excellent mari, c’est-à-dire rendre sa future femme très heureuse.
14Au revoir, cher Eugène. Je me repose à Cuverville quelques jours, en attendant de descendre dans le midi (Hyères et Saint-Tropez6). J’espère bien ne pas traverser l’été sans te revoir.
15Ton
16André Gide.
821. ANDRÉ GIDE À EUGÈNE ROUART
Bastide Franco
Brignoles
18 juillet [19227],
17Mon cher Eugène,
18Je t’envoyais une lettre au Mas, avant-hier8 – mais une carte d’André A[llégret] à Élisabeth – que je lis en arrivant ici hier soir9 – me laisse croire que tu es encore à Bagnols. J’attends ici un mot de toi qui me dise où je pourrais te retrouver – dans une douzaine de jours10. André se montre ravi du temps qu’il passe avec toi11 – et cela ne m’étonne pas. À bientôt j’espère.
19Ton vieux ami
20André Gide.
21Le 20 août 1922, Alibert ajoute en post-scriptum à une lettre qu’il vient d’écrire à Gide : « Reçu il y a environ huit jours une stupéfiante dépêche d’Eugène, du Barcarès : “Quand venez-vous au Mas ?” Un point, c’est tout. J’ai répondu par courrier, mais à Bagnols. Depuis, bien entendu, aucune autre nouvelle. Ça devient de plus en plus ahurissant » (AU, p. 258). Début novembre, Gide, de retour à Cuverville depuis la mi-septembre, après une décade à Pontigny suivie d’un séjour à Colpach et un saut de trois jours à Bruxelles, annonce : « Rien d’Eugène » (ALI, p. 262, lettre du 5 novembre 1922). Puis soudain, le 15 novembre : « Eugène est à Paris, m’a écrit, nous allons sans doute nous voir demain » (ALI, p. 266).
22Par décret en date du 24 novembre 1922 Rouart a été élu membre de la section permanente du Conseil supérieur de l’Agriculture.
Notes de bas de page
1 HRHRC. Nous datons cette lettre d’après l’allusion au téléphone ; la Petite Dame rapporte le 8 avril 1922 que « le téléphone est placé depuis ce matin » et que Gide n’aime pas ce numéro 04.55 qui lui a été attribué (CPD I, p. 117). Gide écrit à Proust, le 13 avril 1922 : « Je n’ai pas quitté encore la Villa Montmorency (18 bis Av. des Sycomores) – et depuis deux jours j’y ai le téléphone (Auteuil 04.55). » (Proust, Correspondance, éd. Philip Kolb, Paris : Plon, t. XXI, p. 129).
2 Nous n’avons pas retrouvé la lettre de Rouart à laquelle Gide répond : il s’agit vraisemblablement de celle que Gide reçoit le 7 avril, selon la Petite Dame (CPD I, p. 116, 7 avril 1922 : voir supra).
3 HRHRC. L’année est conjecturale.
4 Ces initiales désignent peut-être André Allégret, frère de Marc. Les fils Allégret cherchent des prétextes pour quitter la maison familiale et vivre indépendamment. On sait qu’en août 1922 Mme Allégret mère évoquera la possibilité d’un mariage pour Jean-Paul Allégret, son fils aîné, qu’elle compte présenter à « quelqu’un » au mois de septembre... En décembre 1921 André songeait à se marier, et Gide note qu’il eut avec lui « une conversation assez longue au sujet de ses fiançailles ; il me paraît qu’il fait un pas de clerc et j’ai tâché de lui ouvrir les yeux. Rien de plus dangereux que le rôle que j’ai joué là... et sans aucun résultat d’ailleurs » (J I, p. 1149, 16 décembre 1921). Le jeune homme se mariera le 5 septembre 1933.
5 Non retrouvée.
6 Gide quitte Paris le 26 juin 1922 pour Porquerolles, où il retrouve Roger Martin du Gard.
7 HRHRC.
8 Cette lettre n’a pas été retrouvée.
9 Le 10 juillet 1922 Gide quitte Porquerolles pour Hyères-Plage, où il rejoint Elisabeth van Rysselberghe, avec qui il passera une quinzaine de jours à la Bastide Franco. Elle lui annoncera, le 22 août, qu’elle attend de lui un enfant qui a été conçu au cours de ce séjour.
10 II verra Alibert à Avignon, le 2 août 1922, en route pour Carry-le-Rouet, Bouches-du Rhône. Nous n’avons pas de renseignements sur une éventuelle rencontre avec Rouart.
11 Dès sa démobilisation André Allégret s’était inscrit en 1920 à l’Ecole d’Agriculture de Grignon. En janvier 1921, cherchant une carrière, il examinait la possibilité de poursuivre sa formation agricole. Il avait même été tenté de partir rejoindre Dominique Drouin en Abyssinie. Tout porte à croire que Rouart l’invita à faire un stage au Mas de l’Ille – où il put s’entretenir avec lui sur sa carrière comme sur cette possibilité de mariage qui semble s’esquisser dans la lettre précédente (voir infra, lettre de Gide que nous datons du 24 octobre 1923).
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