I – Définitions

1Les mesures qui sont réalisées par les « SÉCURITESTS ROUTIERS » sont destinées à tester les performances mentales des automobilistes dans les rapports qu’elles peuvent avoir avec la conduite automobile. On s’adressera donc à un état vigile dans lequel l’un de nous a distingué, depuis plusieurs années, une vigilance d’éveil et une vigilance de guet qui peut être assimilée à l’attention, mais à une attention qui se doit d’être performante.

2– Vigilance d’éveil : on peut la définir comme la réaction mesurable à une information pertinente dans un test où toutes les informations sont pertinentes.

3– Vigilance de guet : C’est la capacité de réagir à la seule information pertinente dans un test où toutes ne le sont pas.

II – Tests de vigilance d’éveil

1. Masquage visuel rétroactif (MVR)

4Il consiste en l’affichage consécutif de 44 majuscules aléatoires symétriques (A, H, M, 0,U, X) à reconnaître, séparées par un cache structuré par un « noir » de durée variable en fonction de la réussite. La durée des « noirs » fait l’objet d’une mesure automatisée qui détermine un T 50 une pente corrélée à la régularité.

2. Temps de réaction visuelle élémentaire (TRV)

5On affiche à l’ordinateur une image sans signification (XXX) à des intervalles aléatoires. Dès qu’il la voit, le sujet doit appuyer sur une touche (Koala-pad ou touche quelconque). 20 essais. Mesure de la moyenne, de l’écart-type. On note le moins bon temps.

3. Temps de réaction auditive élémentaire (TRA).

6Émission par l’ordinateur d’un son bref (Bip sonore) à des intervalles aléatoires. Dès qu’il l’entend, le sujet doit appuyer sur une touche (Koala ou touche quelconque). 20 essais. Mesure de la moyenne et de l’écart-type.

4. Temps de réaction avec décision (Test des carrés)

7Présentation à l’écran de deux carrés munis d’une tige disposée aléatoirement et qui restent affichés en permanence. Un autre carré muni d’une tige qui change à chaque essai est proposé 100 fois et le sujet doit appuyer sur la touche Oui si la tige concorde avec l’une des deux affichées, ou Non dans le cas contraire. On mesure les temps, les pourcentages d’erreurs et la notion de fatigue.

III – Tests de vigilance de guet

8Test des taches colorées et des bips sonores :

• En surcharge mentale (Type conduite en ville),
• En situation de stase (Type conduite en campagne).

9Des taches colorées (rouge, noir, jaune, vert et bleu) non pertinentes apparaissent successivement sur l’écran à vitesse programmable, et sont interrompues par 1,2 ou 3 bips, (information pertinente) eux-mêmes suivis par une tache colorée, elle-même pertinente.

10Suivant le nombre des taches et des bips, le test est dit en « surcharge mentale », conditions de la conduite en ville, ou en « situation de stase », type conduite en campagne ou sur autoroute vide où la vigilance peut se laisser surprendre.

IV – Questionnaires informatisés

1. Test de Bortner

11Quatorze questions permettent de situer le comportement par rapport aux 5 Patterns de Friedmann et Rosenmann allant de l’hyperactif (Pattern A1) au plus nonchalant (Pattern B4). Définition de trois sous-groupes concernant l’urgence du temps, l’engagement dans le travail et le désir de réussite sociale.

12Pour chaque question, le sujet doit se « situer » au moyen d’un curseur donnant une note de 1 à 20.

2. Échelle d’anxiété de Cattell

13Quarante questions permettent de déterminer diverses formes d’anxiété définies par Cattell. L’ordinateur fiabilise le test et réalise les calculs longs et fastidieux en donnant les résultats chiffrés immédiatement.

V – Questionnaire spécial pour l’étude DSCR

14C’est un test « crayon-papier » élaboré par les chargés de mission sécurité routière sur le principe des enquêtes « réagir » ; assez exhaustif, il comporte 36 questions offrant 198 possibilités de réponse relatives à :

• la personne testée,
• son mode de vie et de travail,
• sa médicalisation et sa consommation,
• sa voiture et ses choix,
• le kilométrage parcouru et ses modalités : étude approfondie du comportement routier ; détail des accident et des infractions sanctionnées au cours des trois dernières années

VI – Modalités de l’étude

1. Recrutement des candidats volontaires.
2. Passation des tests, réponse au questionnaire spécial (durée : environ 3/4 d’heure).
3. Constitution d’un dossier confidentiel numéroté.
4. Établissement de la base de données (125 items par sujet).
5. Étude statistique (logiciel Chadoc).
6. Détermination des variables indépendantes.
7. Analyse bivariée (Étude des x²)–
8. Analyse multivariée.

15Remarques :

16Les 125 variables établies dans un premier temps suivent le plus près possible l’étude : elles sont soit qualitatives soit quantitatives ; pour des raisons de traitement statistique, les variables quantitatives sont rendues qualitatives ; enfin, ce nombre va être modifié par des regroupements et des abandons de variables car certaines modalités sont peu représentées.

17Les réponses à certaines questions concernant l’alcool ne sont pas franches : cette variable est retirée de l’étude.

18Pondération des accidents : une variable WAKI traduit le nombre d’accidents pondéré par le kilométrage annuel parcouru :

VII – Populations étudiées

191) L’étude d’ensemble D.S.C.R. doit comporter 240 cas, répartis en « tranches d’âge » (20-29 ans, 40-49 ans, 60-69 ans) et comprenant, dans chaque tranche d’âge, des sujets sans problème, des infractionnistes, des accidentés, des sujets hypermédicalisés et des éthyliques chroniques.

202) Les résultats de l’étude présentée ici portent sur un total de 150 sujets de l’étude en cours, tous volontaires, et répartis de la façon suivante :

VIII – Populations étudiées

21En dehors de cette étude, nous disposons actuellement de 1001 cas de Masquage visuel rétroactif et de 745 cas de Temps de réaction visuelle élémentaire dont le stockage est très important pour asseoir les résultats de notre étude de validation et ses possibilités d’avenir.

IX – Analyse statistique : méthode

1. Base de données : Définition des variables et de leurs modalités

22Nous ne pouvons pas énumérer ici la liste des 125 variables retenues pour chaque dossier : nous en donnerons seulement un aperçu : par exemple, la variable concernant la formation pour le permis de conduire sera pour le groupe TYPO et deviendra TYP1 si la formation a été faite en auto-école, TYP2 pour un centre de formation, TYP3 pour l’armée, TYP4 pour la conduite accompagnée, TYP5 pour une formation individuelle et TYP6 si plusieurs cas sont réunis.

2. Analyse monovariée

23Les réponses à certaines questions concernant l’alcool ne sont pas franches et cette variable ne sera pas retenue ; certaines modalités sont peu représentées et l’on opère donc des regroupements ; enfin, pour des raisons de traitement statistique, les variables quantitatives sont rendues qualitatives.

3. Étude bivariée

24Elle est réalisée dans un but d’analyse : conclure naturellement à l’absence d’indépendance entre deux variables et par là-même induire un lien entre elles – et dans un but de préparation de l’étude multivariée pour opérer une sélection en vue de cette étude après avoir opéré des regroupements.

4. L’étude multivariée

25Elle est réalisée par l’analyse factorielle des correspondances : elle permet de déterminer le « poids » respectif des variables étudiées par rapport aux variables à expliquer, dans notre cas essentiellement les infractions et les accidents ; ces derniers sont pris dans leur aspect global de nombre ou dans leur aspect pondéré par le nombre de kilomètres parcourus, donnant la notion de fréquence.

X – Analyse statistique : résultats

1. Étude de l’ensemble des groupes

A) Relations PV/âge/tests

26Pas de relation significative pour un seul P. V.

27Les tests sont souvent meilleurs !

28Nous n’avons pas eu accès aux pluri-infractionnistes.

B) Relations accidents/âge/tests :

a) Tests de vigilance d’éveil

29Deux variables augmentent de façon significative et continue avec l’âge : – le temps moyen de réaction auditive,

30– le masquage visuel rétroactif.

31Pour les 40-49 ans, population la plus représentée, 3 des variables augmentent avec le nombre d’accidents : base 100 pour 0 accident.

b) Tests de vigilance de guet

32– pourcentage d’erreurs et accidents : on note, à une exception près sur 12, une diminution du pourcentage d’erreurs entre la classe 0 accident et la classe 1 accident.

33– Si l’on compare 0-1 accident et 2-3-4 accidents, on note :

• à deux exceptions près (pour la classe 60-69 ans, représentée par deux individus), une augmentation du pourcentage moyen d’erreurs ;
• pour les 20-29 ans et 40-49 ans, à une exception près sur 8, une augmentation concordante du pourcentage d’erreurs et des accidents.

34– < 5 % d’erreurs et accidents : la part relative des conducteurs qui font < 5 % d’erreur (soit maximum 1 faute) :

• décroît avec l’âge ;
• pour une même tranche d’âge, décroît avec le nombre d’accidents.

2. Étude multivariée du groupe 40-49 ans (n = 93 personnes)

35Les groupes 20/29 ans et 60/69 ans ne sont pas numériquement suffisants pour se prêter à une analyse individuelle. On se bornera donc à étudier le groupe des 40/49 ans, qui comporte 93 personnes, sous deux aspects :

36Comparaison entre les sujets ayant 0 accident par rapport à Tous accidents

37Comparaison entre le groupe 0+1 Accident par rapport à 2 et plus

A) Détermination des seuils discriminants (méthode du X²)– analyse en 2 temps

38– 0 accident / tous accidents

a) Vigilance d’éveil

39TRA. : seuil : 124 ms χ² = 9,13

40TRV. : seuil : 265 ms χ² = 2,98

41MRV. : seuil retenu : 43 (χ² ns)

42Carrés : NS

b) Vigilance de guet

43NS

c) Autres variables

44– 0+ 1 accident / 2 et plus accidents

45a) Vigilance d’éveil

46TRA. : seuil : 117 ms χ^2 = 1>62

47TRV : seuil 1 265 ms χ^2 = 3,88

48MVR : seuil : 45 χ² 0,27 (ns)

49Carrés : NS.

50b) Vigilance de guet

51– test surcharge mentale :

52% erreurs sur bips : seuil <5 χ² – 8,83

53% erreurs couleurs : NS

54– test situation de stase :

55% erreurs sur bips : seuil <5,1 χ² = 5,71

56% erreurs couleurs : NS

c) Autres variables :

57On ne retrouve que le refus de priorité et le choix de la vitesse du véhicule (ceux qui choisissent un véhicule rapide ayant moins d’accident). Les variables significatives dans la première comparaison s’équilibrent dans les groupes de la deuxième.

B) Analyse factorielle des correspondances

58Dans tous les cas, les variables sont retenues après analyse du χ² et de leur contribution aux axes 1 et 2 du plan factoriel définie par la valeur des cos2. Ci-joint un exemple pour la segmentation W1 = 0 accident et W2 = 1 accident et plus et pour la segmentation W1 =0+1 accident et W2 = 2 accidents et plus.

Stockage des composantes principales et des Cos2 des variables actives dans le tableau des données (les Cos2 sont exprimés en %) 0 + 1 ACCIDENT / 2 ET PLUS ACCIDENTS

0 ACCIDENT/TOUS ACCIDENTS

XI – Commentaires

591) Recrutement des candidats : l’absence actuelle d’un agrément (ministériel ou préfectoral) ne nous a pas permis d’accéder aux conducteurs multi-infractionnistes, multi-accidentés ou éthyliques. Cet agrément sera nécessaire pour mener à bien la fin de l’étude.

602) Les mono-infractionnistes n’ont pas de profil particulier : à confronter aux résultats de l’importante étude de Manchester (1991).

613) Pour la vigilance d’éveil :

• qu’il s’agisse de mono ou de pluri-accidentés, le seuil discriminant du temps de réaction visuelle élémentaire s’établit à 265 ms : à rapprocher de la moyenne de classe d’âge des 14-16 ans (permis cyclo), de celle des 16-18 ans et de celle de toutes les classes d’âge après 50 ans !
• le temps de temps de réaction auditive élémentaire est le plus discriminant avec un seuil de 124 ms pour tous accidents et 117 pour les pluri-accidentés
• le masquage visuel rétroactif retenu (43 ms) est également à rapprocher des valeurs des jeunes de 16-17 ans et des sujets âgés.

624) Pour la vigilance de guet :

63Le seuil discriminant des bips sonores pour les pluri-accidentés par rapport aux autres catégories est voisin de 0 : l’automobiliste n’a pas droit à l’erreur.

64Avec 40 % d’accidents de la route dus à des troubles de l’éveil et les connaissances récentes sur le saos et les sas (syndrômes d’apnée du sommeil), ces mesures prennent un grand intérêt.

655) Pour les « sécuritests routiers » et les autres tests utilisés dans le cadre de l’étude, il semble que le risque d’avoir un accident soit majoré si, en plus du dépassement des seuils, il existe une anxiété pathologique, un engagement dans le travail de niveau pattern Al, un dépassement des vitesses autorisées et le non-respect de la priorité en agglomération.

XII – Conclusions

66Deuxième volet de l’étude DSCR de validation des « sécuritests routiers », le présent travail confirme :

1. l’existence d’une relation entre l’accidentologie et les tests de vigilance d’éveil et de vigilance de guet et celle de seuils a prendre en considération ;
2. la nécessité d’étudier des populations plus caractéristiques (pluri-infractionnistes, accidentés, éthyliques) mais également des sujets porteurs d’une pathologie de l’éveil ou de la vigilance ;
3. le caractère non prédictif, non sélectif et non répressif des tests : ils ont pour seul but de faire prendre conscience à chacun de ses capacités car tout le monde a le droit de conduire, sauf en cas de retrait de permis ou de perte des 12 points ; ils pourraient contribuer efficacement à la formation et à la prévention ;
4. l’intérêt de l’évaluation qu’ils représentent, du plus jeune âge (permis cyclo) à l’âge de la retraite : ils peuvent contribuer à :
   
   • sauver des vies humaines par des actions préventives ou de formation (conduite accompagnée, pluri-infractionnistes...) ;
     
   • améliorer l’indemnisation des accidentés,
     
   • intervenir dans le cadre de la loi du 10 juillet 1989 (perte des 12 points) si cette méthode reçoit un agrément.