I – Les objectifs du projet

1Depuis plusieurs années, les organismes responsables de la gestion des risques professionnels dans les pays fortement industrialisés signalent une augmentation des accidents qui mettent en cause le facteur humain.

2Ces observations portent sur des secteurs aussi divers que le bâtiment, les travaux publics, l’industrie, l’agriculture, les centrales de production d’électricité, et le transport, qu’il soit routier, aérien ou maritime.

3Tout le monde s’accorde à reconnaître que si la baisse des performances et l’inattention, dues le plus souvent à la fatigue et à la baisse de vigilance, ne sont pas les seules sources d’accidents, elles sont souvent méconnues et donc pas toujours identifiées a posteriori.

4Dans le domaine de la conduite automobile, l’hypovigilance est vraisemblablement à l’origine de nombreux accidents de la route et tout particulièrement dans certaines situations de conduite : trajet prolongé, conduite monotone, conduite de nuit, etc.

5Selon une enquête réalisée par l’Association pour la sécurité sur les autoroutes au cours des années 1982-1984 et portant sur un nombre global de 300 tués, la perte de vigilance est la première cause d’accidents mortels et représente 25 % des cas. Aux États-Unis, l’American Automobile Association Foundation for Traffic Safety estime que la fatigue est très probablement la cause initiale de 41 % des accidents de poids lourds.

6De plus, l’augmentation du nombre d’automobiles mises en circulation, l’amélioration de l’infrastructure routière et surtout le développement du confort et de la facilité de conduire constituent autant de facteurs qui poussent de plus en plus de gens à se déplacer et à entreprendre des trajets de longue durée. Or la multiplication des trajets de longue durée est à l’origine du nombre croissant des accidents directement imputables à la fatigue et à la perte de vigilance au volant.

II – Situation du projet par rapport aux études menées jusqu’ici

7Un bon nombre d’études ont été conduites au cours des dernières années pour essayer de mieux comprendre comment se produisent les épisodes d’hypovigilance et surtout s’il est possible de déceler l’imminence de leur survenue. La quasi-totalité de ces études ont été réalisées en situation de conduite réelle, en combinant le plus souvent l’embarquement d’instruments de mesure à bord du véhicule et la surveillance du comportement du conducteur par un observateur averti. Bien entendu une telle approche expérimentale est coûteuse et elle connaît des limitations évidentes et catégoriques : on ne peut courir le risque de laisser s’endormir réellement le conducteur, bien que le processus d’endormissement soit l’objet premier de l’étude !

8Les études de laboratoire doivent être considérées comme étant complémentaires des précédentes, mais de plus elles sont primordiales pour les raisons suivantes :

• seule la conduite simulée permet de provoquer des épisodes d’hypovigilance, voire des endormissements, sans qu’il y ait un risque quelconque pour le conducteur ;
• seule une étude analytique de laboratoire, dans des conditions parfaitement contrôlées et modulables, permettra d’accroître notre connaissance des problèmes essentiels que sont :
• l’influence bénéfique ou négative des facteurs physiques ambiants (bruits, vibrations, température, hygrométrie, ventilation, qualité de l’air, luminosité, etc.) ;
• les effets propres à certaines substances (alcool, tabac, café, médicaments divers, etc.) et leurs interactions possibles ;
• l’influence de certains facteurs situationnels (conduite de jour ou de nuit, privation de sommeil, fatigue physique ou intellectuelle, type de trajet, cause du déplacement, etc.).
• enfin, seule une étude s’appuyant sur un faisceau de mesures – tant biologiques que comportementales (multisenseurs) – permettra de définir quelles sont les informations qu’il faudra privilégier dans la recherche des corrélations qui sont susceptibles d’exister entre l’établissement de l’hypovigilance, ou la survenue de l’inattention et les modifications du comportement du conducteur.

9Bien entendu une validation des résultats acquis au laboratoire devra être réalisée in situ, étape complémentaire et obligatoire qui permettra de finaliser les connaissances acquises.

III – La réalisation du projet

10Le projet PAVCAS est développé par deux laboratoires qui possèdent depuis de nombreuses années des compétences dans les domaines abordés et des moyens techniques appropriés.

11Le LAAS possède une grande expérience dans l’étude des systèmes automatiques et en particulier dans le domaine de la fusion multisensorielle.

12L’équipement expérimental développé sous sa responsabilité comprend l’étude et la réalisation d’une plate-forme mobile à 5 degrés de liberté, associée à une unité de visualisation, interactive temps réel, le tout couplé à un système décisionnel multicapteurs. Cet équipement doit aboutir à la réalisation d’un prototype de « boîte noire » destinée à avertir le pilote qui est en situation de conduite « anormale » et provoquer, le cas échéant, l’arrêt automatique du véhicule.

13Le LPPE dispose d’une grande expertise en physiologie humaine et tout particulièrement dans les domaines des états neurophysiologiques, de la thermophysiologie et du comportement. Il possède par ailleurs des installations expérimentales uniques et spécialement adaptées à l’expérimentation sur l’homme. La composante INRS (Institut national de recherche et de sécurité) du LPPE assure le prolongement de sa recherche fondamentale vers des recommandations applicables au monde du travail. L’implantation du dispositif envisagé se fera donc avec des moyens préexistants très performants du LPPE. Le coût du projet se trouve, de ce fait, bien inférieur à celui d’un projet où toute l’infrastructure serait à réaliser de surcroît.

14Le poste d’analyse de la vigilance sera donc implanté dans l’une des trois chambres climatiques à hautes performances que possède le LPPE. La situation de la conduite automobile sera recréée par un dispositif mobile comportant un habitacle de véhicule.

15La présentation visuelle d’un parcours à accomplir sera liée au comportement du conducteur tant sur le plan des performances de la conduite que sur le plan des postures adoptées et mouvements effectués. L’enregistrement et l’analyse des grandeurs physiologiques permettant de suivre les variations du niveau de vigilance du conducteur seront réalisés de façon simultanée.

16La manipulation et le contrôle des grandeurs physiques de l’environnement immédiat du conducteur (bruit, vibrations, température, ventilation, luminosité) seront effectués avec une très grande précision, ce qui permettra de mieux appréhender leurs influences propres et combinées.

17Enfin, les divers protocoles envisagés permettront de prendre en compte les facteurs individuels tels que l’âge, la motivation, ou l’expérience de la conduite ainsi que divers facteurs situationnels tels que le moment de la journée ou de la nuit, la fatigue, la privation de sommeil ou encore la prise de certains médicaments.

18Ce poste expérimental permettra donc d’apprécier les capacités réactionnelles et le comportement d’un conducteur placé dans différentes situations de conduite et soumis notamment à des contraintes environnementales diverses. L’une des applications essentielles de ce dispositif sera la mise au point d’une « boîte noire » avertissant le conducteur que sa conduite a changé de façon significative et peut constituer une source potentielle de danger.

19Il ne doit cependant pas être perdu de vue que si le programme de recherche envisage dans un premier temps le cas de la conduite automobile, celui-ci sera ensuite élargi à d’autres situations de travail où se posent également des problèmes liés aux fluctuations de la vigilance, à savoir : les activités de surveillance et de conduite de processus industriels, de centrales nucléaires, de trafics aérien, ferroviaire ou maritime, etc. Le poste expérimental devra donc être suffisamment versatile pour se prêter à des configurations différentes.

20Pour réaliser ce projet le CNRS a obtenu le soutien de divers organismes dont notamment l’Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes (ASFA), la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) associée à l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) et la Fondation de la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France (MAIF), le Ministère de la Recherche et de la Technologie et la région Midi-Pyrénées.

21D’autres participants, qu’ils aient pour origine l’industrie, le tertiaire ou qu’ils émanent de collectivités territoriales à vocation de technopole, devraient, cela est souhaitable, s’associer à la réalisation de ce projet ambitieux qui n’a actuellement pas d’équivalent en Europe dans la prise en compte des facteurs physiques de l’environnement du conducteur.

22Une collaboration très large, tant au niveau national qu’au niveau international, devrait être mise en place afin d’élargir les moyens et les compétences du projet. Enfin et surtout, le soutien de tous ceux qui privilégient la recherche de solutions afin d’améliorer la sécurité, tant au volant d’un véhicule que devant un dispositif de surveillance, est primordial car il constitue la motivation première et le moteur du projet.