I – Un survol de l’industrie canadienne du camionnage

1En premier lieu, il faut préciser que l’industrie du camionnage est une industrie de service et qu’elle n’existe qu’à la demande de clients. Sa structure au Canada est, à mon avis, très peu différente des industries de camionnage des autres pays industrialisés. Cette industrie se divise en deux secteurs principaux : le secteur du camionnage pour compte propre et le secteur pour compte d’autrui. Ensemble ces deux secteurs représentent plus de $20 milliards d’investissements en biens et services par année. Selon nos calculs, chaque tracteur semi-remorque, et son conducteur, rapporte en taxes à l’État près de $40 000 par année.

2Dans le secteur pour compte d’autrui, nous remarquons une forte concentration des entreprises aux deux extrémités financières. En effet, selon Statistiques Canada, en 1989 seulement 1 % des entreprises contrôlaient plus de 35 % des revenus. Toujours en 1989, près de 60 % des entreprises de transport avaient des revenus entre $100 000 et $500 000.

3Le secteur pour compte propre est composé de compagnies manufacturières et de services qui opèrent leur propre flotte de camions. En général, ces camions font très peu de longs trajets et sont surtout des camions de type légers.

4Au niveau des conducteurs professionnels, l’on estime qu’il existe au Canada plus de 400 000 conducteurs qui ont les permis nécessaires pour conduire un poids lourd. Ces 400 000 conducteurs se retrouvent dans toutes les strates des secteurs d’activités économiques. La grande partie de ces conducteurs, soit 40 %, se retrouvent dans le secteur du transport routier. Comme caractéristiques principales, nous pourrions dire que le conducteur professionnel qui travaille le secteur du transport routier est un homme, de race blanche, père de famille, près de la quarantaine, qui a une éducation de niveau secondaire et qui gagne un peu plus que la moyenne des salariés des autres secteurs industriels. Au niveau du type de travail effectué par ces conducteurs, 85 % d’entre eux sont des employés alors que 15 % sont des voituriers-remorqueurs ou tractionnaires.

5Le Canada se différencie un peu de la majorité des autres pays industrialisés au niveau de l’équipement que ces conducteurs conduisent. Le camion articulé le plus répandu au Canada est le tracteur semi-remorque. De plus en plus, cette dernière est de 16,15 mètres et avec des tendances vers les 17,37 mètres. Le tracteur le plus populaire est le tracteur conventionnel de type nord-américain. Les poids alloués sur un tel véhicule atteignent, en moyenne, 46 500 kg en charge. En Ontario et au Québec ce poids en charge peut atteindre jusqu’à 52 000 kg. Le deuxième type de véhicule articulé le plus utilisé au Canada est le train-B. Cette dernière configuration est surtout utilisée pour le transport des matériaux lourds et en vrac. Le poids total permis avec ces unités peut atteindre 62 500 kg et sa longueur totale est en moyenne de 23 mètres avec une tendance nationale vers les 25 mètres. Nous avons bien sûr au Canada une multitude de camions non-articulés dont la moyenne est de 12,5 mètres de longueur et nous permettons à ces camions un poids maximum variant de 14 600 à 22 500 kg selon le nombre d’essieux.

6Nous opérons aussi au Canada des trains routiers. Ces véhicules sont spéciaux car ils n’opèrent que sur permis et les conducteurs doivent avoir suivi une formation particulière en entreprise. Il y a plus de 200 permis spéciaux émis à des compagnies de transport pour l’opération des trains routiers. Ces trains routiers sont de trois types et leurs dimensions varient de 29 à 35 mètres avec des poids maximum allant jusqu’à 62 500 kg.

II – Tendances macro-économiques

7En premier lieu, la déréglementation économique de l’industrie a complètement chambardé cette industrie et ses acteurs. Les grandes caractéristiques de cette déréglementation peuvent se résumer ainsi :

• les prix ont chutés entraînant de facto une compression des bénéfices ;
• des faillites de très grosses entreprises de transport ;
• la satisfaction du client est l’objectif visé de tous les plans logistiques des compagnies ;
• la logistique est maintenant plus importante que le mode de transport ;
• les réglementations gouvernementales font maintenant partie des coûts d’opérations ;
• l’industrie du camionnage est très segmentée ;
• les services offerts par les camionneurs se font sur une nouvelle « géographie d’échelle ».

8Les camionneurs faisant des profits sont pour la plupart en constante évolution et leurs caractéristiques sont à peu près les mêmes :

• « realsizing » ;
• très peu de « mid-management » ;
• nouveau contrat psychologique avec les employés ;
• pouvoir de décisions à des niveaux très opérationnels ;
• flexibilité ;
• connaître et contrôler ses coûts ;
• mesurer constamment la performance ;
• utilisation mesurée de la technologie ;
• ajouter de la valeur au produit ou au processus.

III – La sécurité

9Au Canada, l’année 1992 aura été marquée par une réduction des pertes de vie suite à des accidents de la route. En 1992, 3485 personnes ont perdu la vie suite à des accidents de la route. En 1973 ce total s’élevait à 6706 personnes et en 1982 à 4169 personnes. Du côté des blessés, en 1972 on comptait un total de 223 777 personnes blessées suite à des accidents de la route, alors qu’en 1982 on en comptait 225 717, et 248 990 en 1992.

10Ces chiffres sont assez remarquables compte tenu de la croissance du parc de véhicules depuis les vingt dernières années et surtout avec la croissance du nombre des titulaires de permis de conduire. En 1972, 10 830 000 Canadiens avaient un permis de conduire. En 1982 ce chiffre passait à 15 081 000 et en 1992 à 18 436 000 sur une population totale de 27 000 000.

11Nous n’avons pas cependant de chiffres précis sur les accidents impliquant les poids lourds. Nous savons donc très peu des accidents impliquant les poids lourds où l’attention et la vigilance auraient pu être des facteurs. Ce manque de statistiques est causé par un manque de définition appropriée et uniforme sur ce qu’est un camion. De plus, ces définitions à l’intérieur des unités de collection de données changent souvent. Il faut bien préciser qu’au Canada le domaine de la sécurité routière dans le domaine du camionnage est un domaine de juridiction partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral. Les policiers qui remplissent les rapports d’accidents sont en majeure partie sous juridiction provinciale. Les rapports d’accidents ont donc une connotation provinciale et non-uniforme.

12Donc, les seules statistiques fiables que nous avons au Canada proviennent d’études particulières et couvrant des régions précises. Selon ces études – et ces statistiques semblent donner une tendance constante –, nous dénotons les phénomènes suivants :

• le camionnage est impliqué dans 5 % de tous les accidents de la route ;
• le camionnage est cependant impliqué dans 20 % des accidents mortels ;
• le manque d’attention des conducteurs professionnels seraient la cause de 20 % des accident impliquant des poids lourds ;
• au Canada, les facteurs environnementaux tels que la chaussée glissante en raison de la neige, la cause de plus de 20 % des accidents impliquant des poids lourds. La vitesse des camions devient aussi un facteur dans ces cas ;
• selon une étude, les conducteurs de poids lourds seraient la partie fautive dans près de 50 % des accidents les impliquant.

13Même si ces statistiques peu enviables sont parfois démesurées par rapport au kilométrage effectué par les poids lourds lorsqu’on les compare aux autres véhicules, il est permis de dire que la tendance générale est que le grand public accepte de moins en moins les accidents avec les poids lourds pour les raisons suivantes :

• les chances de survie lorsque vous êtes impliqués dans un accident avec un poids lourd sont très faibles ;
• les problèmes de circulation causés par des accidents impliquant des poids lourds ont des proportions plus grandes qu’avec d’autres véhicules ;
• les camionneurs n’ont pas une bonne réputation au niveau sécurité ;
• la publicité entourant des accidents de poids lourds est négative et sensationnelle ;
• des camions articulés plus longs et plus lourds (qui font suite à des demandes des expéditeurs et ce, sans hausse tarifaire).

14Pour toutes ces raisons il nous faut continuer à travailler à l’amélioration du dossier sécurité.

15Au niveau de la formation il y a des efforts qui sont faits par plusieurs transporteurs. La situation est rendue très difficile en raison de la récession économique. De plus, plusieurs transporteurs ne sont pas convaincus que la formation résulte nécessairement en une sécurité routière accrue. En effet, certains avancent que le taux d’accident est moins élevé chez les conducteurs ayant moins d’expérience chez un transporteur. Le niveau d’attention serait plus élevé chez ces nouveaux employés, apprentis et expérimentés. Pour plusieurs transporteurs, l’expérience veut aussi dire formation car, pour plusieurs entreprises, la formation se donne en entreprise. Donc, plus un conducteur a des années d’expérience avec la même compagnie, plus ce conducteur recevra de la formation en entreprise. Il n’existe que très peu de travaux scientifiques sur cette question au niveau du camionnage ; nous ne pouvons éliminer cette perception. Ce doute qui existe est très négatif car plusieurs entreprises ne sont pas convaincues des bienfaits de la formation et, il en va de même de plusieurs gouvernements. Le résultat est une dégradation des aptitudes des conducteurs qui ne sont pas vérifiées (mesurées) par les instances qui donnent des permis. De plus les permis de conduire sont émis avec très peu de relation avec la formation qui pourrait se donner par les écoles de conduite. L’une des solutions à ce problème : un examen de conduite pour les apprentis qui ont besoin d’un minimum de dextérité avec le véhicule. Par exemple l’apprenti devrait pouvoir reculer le véhicule à un quai de livraison. Cette manœuvre devrait se faire avec le véhicule pour lequel l’apprenti sollicite un permis de conduire. En d’autres mots, il faut s’assurer de la qualité du résultat final.

16Pour ce qui est de la réglementation, je crois que la réglementation actuelle canadienne qui régit l’aspect de vigilance et d’attention correspond aux besoins à une exception près. Cette réglementation est assez récente au Canada. En effet depuis les années 60, les camionneurs inter-provinciaux opéraient avec plus ou moins la réglementation américaine régissant les heures de travail. Les camionneurs qui n’opéraient qu’à l’intérieur d’une province n’étaient soumis à aucune réglementation. Durant les années 80 la déréglementation a amené une conscientisation de la part des gouvernements aux risques qu’une déréglementation économique pouvait entraîner sur la sécurité routière. Devant cet inconnue les gouvernements provinciaux et fédéral se sont entendus pour développer un Code canadien de la sécurité routière pour les camionneurs.

17La résultante de ce Code au niveau des heures de service pour les conducteurs professionnels est la suivante :

• 13 heures de conduite après 8 heures de repos ;
• 15 heures de service ;
• 60 heures de service sur une période de 7 jours ;
• 70 heures de service sur une période de 8 jours ;
• 120 heures de service sur une période de 14 jours ;
• règles particulières pour les conducteurs opérant au nord du 60^e parallèle.

18La définition « d’heures de service » inclut à peu près toutes les activités qu’un conducteur peut effectuer durant son quart de travail. Il faut aussi signaler qu’en raison des distances entre nos centres urbains, les conducteurs utilisent beaucoup des tracteurs avec une couchette. L’utilisation de la couchette permet au conducteur de mieux espacer ses heures de repos.

19Chaque conducteur doit remplir une fiche journalière ou il peut utiliser un enregistreur automatique ou boîte noire. Seuls les conducteurs opérant à l’intérieur de zones de km de leur point d’attache sont exemptés de cette obligation.

20L’un des problèmes opérationnels créés par cette réglementation est lié aux distances sur des trajets intra-Canada est-ouest. Un trajet Vancouver-Toronto est environ d’une durée de 60 à 65 heures et peut s’effectuer en 4 jours. Nous aimerions donc que le conducteur puisse, après une période de repos de 36 heures, repartir vers son point d’origine. Présentement sous un cycle de 70 heures ce conducteur doit attendre 3 ou 4 jours additionnels loin de son domicile. Une recherche est présentement en cours afin de répondre à cette question.

21La réglementation canadienne tient compte des questions de sécurité et en même temps de la réalité géographique de notre vaste pays. Il faut aussi tenir compte qu’au Canada plus de 70 % des distances parcourues par des camions sont sur des distances de moins de 800 kms.

22Donc, même si des programmes de formation existent, même si les instances gouvernementales contrôlent l’émission des permis de conduire et que nous avons une réglementation établie sur la sécurité, notre image demande une nette amélioration. Nous voulons tous voir le nombre d’accidents impliquant des poids lourds éliminés, sinon réduits. Que doit-on faire ? J’aimerais proposer les éléments d’une recherche qui pourrait impliquer un partenariat entre les différents acteurs. Surtout, je crois que ces éléments pourraient mener à des actions concrètes pouvant être mesurées. Tous sont reliés à la question-thème « attention et vigilance ».

IV – Éléments de la recherche

23En premier lieu, il est impératif de mieux comprendre la segmentation de l’industrie du camionnage. La déréglementation a accentué cette segmentation. Dans le cas de la sécurité reliée à l’attention et à la vigilance, chaque segment de l’industrie a ses problèmes particuliers. Le segment des lots brisés est très différent du segment en vrac. Au Canada nous comptons les segments suivants : les lots brisés, les charges pleines, le segment du vrac, les déménageurs, les courriers et les segments spécialisés tels le transport d’animaux vivants.

Premier élément de la recherche

24Refaire le cadre statistique national, régional et international. Cette action aura des conséquences certaines pour l’ensemble du monde de la recherche car il se peut que nous perdions le cadre de référence historique. Par contre, les risques de ne pas changer le cadre statistique sont plus grands que de ne rien faire. Il faut, à mon avis, suivre l’évolution du secteur que l’on veut observer ; sinon les modèles de prévisions et d’analyses sont faussés. Les meilleurs exemples de modèles faussés sont ceux qui utilisent les prix de transport publiés par les transporteurs routiers pour fins de prévisions. Très souvent ces prix ne sont que des cadres de référence pour des clients occasionnels. Les meilleurs clients n’utilisent jamais ces taux.

25Dans ce nouveau cadre statistique il faudra alors inclure des questions reliées spécifiquement à l’aspect sécurité.

Deuxième élément de la recherche

26Lorsque la segmentation statistique sera établie, nous pourrons alors comparer des segments entre eux. En d’autres termes, nous pourrons alors « mesurer » ; ou faire ce qui est communément appelé « benchmarking ». Présentement l’industrie du camionnage et les chercheurs comparent des pommes avec des oranges. L’aspect sécurité entre segments de l’industrie du camionnage a une connotation très différente. Le barème recherché pour chaque segment sera très différent ; ou du moins l’outil de mesure sera différent. Même la mesure d’accidents et d’incidents par million de kilomètres sera alors revalorisée. Ces nouvelles mesures pourraient alors prendre en considération la recherche pour les questions d’attention et de vigilance.

Troisième élément de la recherche

27Avec des mesures opérationnelles qui correspondent à la réalité industrielle, une recherche continue sur l’aspect fatigue sera alors possible. Que ce soit au niveau circadien, psychologique (suicide) ou simplement des tâches, il nous sera alors possible d’isoler les phénomènes. Ce caractère d’isolement des phénomènes, que l’on retrouve dans plusieurs études scientifiques, est parfois absent dans la recherche sur le camionnage. On se contente souvent d’anecdotes et de deuxième choix. A titre d’exemple, il est peu probable qu’une étude sur la question de l’impact d’un accroissement des heures de conduite de 10 à 13 heures apportera beaucoup à la recherche si cette étude n’utilise pas des tractionnaires comme base de référence.

Quatrième élément de la recherche

28Il faut accentuer nos recherches sur l’utilisation de la technologie moderne pour la formation et l’évaluation des conducteurs apprentis et professionnels. Dans une étude récemment publié par « The Upper Great Plains Transportation Institute » de l’Université de l’État du Dakota du Nord, lorsqu’ils étaient interrogés sur la question de la formation, les conducteurs employés par des compagnies et les tractionnaires classaient la formation de situations ou scénarios comme respectivement la première et la troisième priorité sur 24 programmes possibles. Pour les cadres des compagnies de ces conducteurs cet item revenait aussi comme troisième priorité. Il est certain que la méthode traditionnelle de faire l’essai d’un camion chargé avec des briques ou toute autre marchandise sur une route déserte peut satisfaire certains. Je crois cependant que nous approchons une ère où la technologie actuelle sera d’une puissance et à un coût abordable permettant alors de développer des outils de formation utilisant la simulation. Et a ce propos je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’attendre la réalité virtuelle.

29Ces outils permettront la répétition de situations sans engendrer de risques et aussi permettront la mesure des performances. De plus, ces outils élimineront la circulation inutile de véhicules routiers ; une situation favorable à l’environnement.

30Notre Institut travaille présentement avec d’autres organisations représentant la profession, dont le groupe français AFT/IFTIM et ce, à travers l’Union Internationale des Transports Routiers (IRU), sur le développement de normes techniques et d’un cahier des charges pour un outil de formation et d’évaluation utilisant la technologie de la simulation. Nous espérons pouvoir lancer les appels d’offre lors du troisième Forum international sur l’utilisation de la simulation pour la formation et l’évaluation des conducteurs professionnels qui se tiendra à Monchy St-Éloi, France du 5 au 7 mai, 1994. Le groupe de l’AFT/IFTIM sera d’ailleurs l’organisateur de ce troisième forum.

31Vous pouvez facilement vous imaginer les possibilités que ces outils pourront amener au niveau de la recherche sur l’attention et de la vigilance.

Cinquième élément de la recherche

32Certains accidents et incidents routiers impliquant des poids lourds sont aussi reliés au fret transporté. Ce même fret amène chez certains une forme de stress non mesuré à ce jour. Très peu de conducteurs connaissent bien le véhicule qu’ils conduisent. Ils le connaissent suite à des expériences négatives ou à des situations causant presque des accidents. Ces réactions sont donc le résultat du hasard plus que de la connaissance. Avec le roulement continu des conducteurs professionnels compte tenu du « realsizing » des compagnies il faudra penser à mieux former les conducteurs qui conduiront des véhicules sans beaucoup d’expérience passée. Sans exagérer l’ampleur d’un tel problème, il faut plutôt cibler les segments de l’industrie qui subiront de tels phénomènes.

33Le même commentaire pourrait être fait à l’endroit du frêt transporté. Il est bien sûr impossible pour les conducteurs de connaître toutes les marchandises transportées. La réglementation sur le transport des marchandises dangereuses ou ADR, a beaucoup amélioré la situation.

Sixième élément de la recherche

34Dans un cadre global, il faudra de plus en plus intégrer les systèmes SIVR (IVHS) à nos programmes de recherche sur l’attention et la vigilance. Déjà l’utilisation de ces technologies a porté ses fruits. Le système de suivi par satellite et le système de détection d’objets sont deux systèmes utilisés par l’industrie du camionnage. Encore une fois ce ne sont pas tous les segments de l’industrie qui auront besoin de ces technologies, mais certains les trouveront rentables après essais.

Septième élément de la recherche

35La relation entre formation et sécurité dans le domaine du camionnage n’a pas encore été démontrée. Nous avons des études sur les relations existant entre les accidents impliquant les poids lourds et les années d’expérience des conducteurs impliqués dans ces accidents, ainsi que l’âge de ces conducteurs. Par contre très peu de recherches ont mesuré le niveau de formation de ces conducteurs. Il faut, à mon avis, initier au niveau international un projet de recherche visant à faire la preuve que cette relation est positive, neutre ou négative. Les travaux actuels du groupe d’experts de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Groupe RS3, sur les « Qualifications et formation des conducteurs de poids lourds » offre un peu d’espoir pour qu’une recommandation semblable soit faite. Une telle recherche se doit d’être intercontinentale. Aussi longtemps que cette recherche ne se fera pas nous ne pourrons éliminer ce climat de doute qui persiste tant chez plusieurs transporteurs que chez certains gouvernements. Comme toute formation représente un investissement, avec cette étude les bénéfices pourraient alors être démontrés.

Huitième élément de la recherche

36Le dernier élément, mais non le moindre, celui de la motivation des employés. Cette question de motivation sera plus importante lorsque la restructuration industrielle que nous vivons actuellement sera bien établie. Le nouveau contrat psychologique avec les employés sera important. Plus les gens se sentiront dévalorisés dans l’importance de leur travail plus la motivation sera à la baisse et, j’ose même avancer : les problèmes d’attention et de vigilance seront accrus. Une étude au Canada dans le transport maritime a démontré que l’aspect fatigue était parfois relié à la perception de la tâche effectuée par les employés. Plus les tâches demandaient de concentration et de valeur ajoutée, moins les problèmes de fatigue semblaient présents.

37Lors d’une enquête auprès de nos membres, plusieurs transporteurs nous ont mentionné ce phénomène de motivation comme étant une des préoccupations importantes. Certaines compagnies par exemple, engagent des psychologues et des animateurs à temps partiel pour aider les compagnies à trouver les points de motivation chez les employés. Les systèmes de qualité totale donnent une partie de la réponse en favorisant la prise de décision à des niveaux très opérationnels. Il y a donc là une possibilité intéressante de recherche en entreprise.

V – Conclusion

38En conclusion, j’aimerais simplement rappeler que l’industrie du camionnage a changé radicalement depuis quelques années et, il en sera ainsi pour plusieurs années à venir. Nous remarquons que ces changements ont produit une segmentation marquée de l’industrie avec des besoins d’unités de mesure pour mieux contrôler son avenir. Et comme on le dit si bien maintenant, ce qui ne se mesure pas ne se contrôle pas. Et pour l’industrie du camionnage le succès passe par un contrôle des coûts et une tarification à valeur ajoutée.

39La recherche sur les questions d’attention et de vigilance doivent tenir compte de cette nouvelle réalité. Comme nous le disons souvent chez nous : « Il ne faut pas faire partie du problème mais plutôt de la solution. »