I – Introduction

1Le 19 décembre 1977, l’équipage d’un DC 8 d’United Airlines, en approche sur Sait Lake City est confronté à une panne électrique du bus avion. L’avion est mis en circuit d’attente pendant que l’équipage essaie de résoudre la panne en liaison radio avec le centre de maintenance de la compagnie. Les 3 membres d’équipage sont absorbés dans cette tâche et ne s’aperçoivent pas que l’avion entre au-dessus de la zone montagneuse jouxtant l’aéroport. Malgré les derniers appels de l’approche de Sait Lake City, l’avion est trop bas et percute le relief.

2Le 16 août 1987 à Détroit, un MD 80 des Northwest Airlines s’écrase juste après le décollage. L’enquête montre que les volets et les becs étaient en position rentrés et les enregistrements « cabine » révèlent que l’équipage n’avait pas fait la « check-list taxyway ». Dans les 2 cas, les membres d’équipage étaient des personnels expérimentés.

3De tels accidents ne sont pas exceptionnels en aéronautique, et des situations similaires peuvent être tout aussi bien décrites dans les transports routiers, ferroviaires ou maritimes. Dans tous les cas, les commissions d’enquête essayent de comprendre pourquoi l’équipage n’a pas effectué une tâche qui semblait a posteriori évidente. On parle de focalisation, manque de vigilance, baisse de l’état d’éveil, défaut d’attention, inattention ou fatigue, pour ne citer que les principales hypothèses avancées. Ces termes sont souvent utilisés les uns à la place des autres et ne font référence à aucun cadre théorique précis. Pourtant de nombreux travaux en physiologie et psychologie ont posé les bases de deux notions fondamentales dans l’explication du comportement humain : la vigilance et l’attention. L’article aborde dans une première partie les modèles théoriques de ces notions, puis précise les erreurs liées à un manque d’attention en décrivant les mécanismes cognitifs sous-jacents, et conclut par une discussion sur les moyens de réduire ces erreurs ou du moins leurs conséquences.

II – Attention et vigilance

4La vigilance ou état de vigilance correspond à un état d’activation du système nerveux central qui s’échelonne sur un continuum allant du sommeil jusqu’aux états émotifs en passant par les états de veille diffuse et de veille active. De nombreux travaux depuis Macworth (1961) ont cherché à identifier les facteurs qui agissent sur les niveaux de vigilance. En aéronautique, on a ainsi pu mettre en évidence le rôle de la monotonie de la tâche, d’une baisse importante de la charge de travail, de la répétition, d’un environnement pauvre en stimulus, des perturbations des rythmes circadiens dues aux vols de longue durée et aux décalages horaires sur les altérations du niveau de veille.

5Les différents niveaux de vigilance se définissent à partir de paramètres physiologiques (activité corticale, musculaire...). Ainsi, un opérateur vigilant sera un opérateur en état de veille active et un opérateur hypovigilant sera un sujet qui présente des ondes de sommeil à l’électro-encéphalogramme. Cette définition élimine de l’hypovigilance tous les opérateurs actifs et en état de veille qui ne font pas attention à une information jugée comme importante. Il est donc nécessaire de définir un cadre théorique différent pour comprendre l’ensemble des comportements liés à un défaut d’attention.

6L’attention se définit comme une instance de contrôle et d’orientation de l’activité (Richard, 1980). C’est l’application volontaire de l’esprit à un objet précis. Le concept d’attention traduit l’idée :

• d’une élévation du niveau de l’activité perceptive, motrice et mentale ;
• de la prédominance d’une forme d’activité sur toutes les autres formes possibles au même moment.

7Les relations entre attention et vigilance sont intimes. En effet, l’état de veille active est nécessaire pour faire attention mais ce n’est pas une condition suffisante pour garantir que l’attention se portera sur le bon objet au bon moment.

8Les premières études sur l’attention ont porté sur l’activité perceptive mais rapidement les notions avancées ont été généralisées à l’ensemble des activités cognitives. La notion d’attention est associée à celle de limitation des ressources cognitives (Kanheman, 1973). Sous les termes de ressources cognitives, on parle de l’énergie mentale qui permet de réaliser les opérations de traitement de l’information (mémorisation, prise d’information, raisonnements, exécution des actions...). Les ressources cognitives sont contenues dans un réservoir de taille limitée. Lors de la réalisation d’une tâche, les ressources sont réparties dans les différentes étapes du traitement de l’information en fonction des besoins de la tâche. Pour pallier les limitations de la quantité des ressources, l’attention régule en partie la quantité d’énergie disponible mais surtout, elle répartit l’énergie entre les différentes étapes de traitement. Ainsi, si les exigences de la prise d’information sont importantes, les ressources disponibles pour les étapes ultérieures seront moindres et pourront entraîner des traitements non optimaux. Cette gestion fait que l’opérateur ne peut traiter toute l’information et il doit effectuer des choix entre différentes exigences concurrentes. L’attention est la résultante de ces choix, c’est l’objet d’intérêt sur lequel l’opérateur a mis les ressources disponibles à un instant donné pour accomplir le but qu’il s’est fixé.

9Il est nécessaire d’ajouter à ce modèle une notion supplémentaire pour rendre compte des différences observées entre novices et experts dans la gestion de l’information. C’est celle développée par Schiffrin et Schneider (1977) sur la dualité traitement automatisé / traitement non automatisé. Les experts savent traiter un nombre d’informations beaucoup plus important que des novices. Toutes les activités ne sont pas consommatrices de la même quantité d’énergie mentale. Les activités fortement automatisées (nombreuses chez les experts) coûtent peu d’énergie alors que les activités non automatisées sont beaucoup plus consommatrices. Dans un cas, l’attention nécessaire est minimale alors qu’elle est maximale dans l’autre.

10Un autre élément dans le contrôle de l’attention est l’organisation structurale des connaissances manipulées. Les connaissances sont organisées sous forme de schémas (Rumelhart, 1975). Un schéma est un ensemble de données décrivant des situations stéréotypées auxquelles sont associées des connaissances sur les buts à atteindre, les procédures à mettre en œuvre pour atteindre les buts et les incidents qui peuvent survenir durant leur exécution. Le schéma est un bloc de connaissance indépendant, autonome, dirigé vers un but et dont l’exécution est fortement automatisée. Un exemple de schéma dans le pilotage d’avion est « l’approche ». L’intérêt du schéma réside dans la capacité d’anticipation qu’il procure lorsqu’il est activé et dans les attentes qu’il va générer sur la survenue des événements ultérieurs. Ces caractéristiques confèrent à l’opérateur un plus incontestable dans la gestion de son activité et dans la répartition des ressources attentionnelles.

11La distinction introduite entre vigilance et attention montre la différence que l’on peut faire entre des erreurs consécutives à des pertes de vigilance (baisse physiologique de l’état de veille) et des erreurs d’attention traduisant une orientation des mécanismes de traitement de l’information inadaptées aux réalités de la situation. Il est ainsi possible de décrire des mécanismes spécifiques de la production d’erreurs d’attention.

III – Les erreurs d’attention

12Les erreurs d’attention sont la conséquence d’un mauvais contrôle ou d’une orientation de l’activité inadéquate avec la situation. En ce sens, on peut aussi bien parler d’erreurs d’attention que d’erreurs d’inattention. Les mécanismes cognitifs qui expliquent la production de ces erreurs sont multiples et traduisent les faiblesses des mécanismes de raisonnement de l’être humain. Schématiquement, ces mécanismes peuvent être regroupés en deux catégories : les erreurs d’exécution et les erreurs liées à des problèmes de représentation.

1. Les erreurs d’exécution

13Comme leur nom l’indique, ces erreurs concernent le versant moteur de l’activité et non pas les étapes de jugement et de décision. Le pilote à une intention adaptée à la situation mais les actions qu’il effectue pour réaliser cette intention sont incorrectes. Ces erreurs surviennent dans des tâches routinières et très automatisées où l’activité de l’opérateur est basée sur des routines qu’il effectue de façon automatique (Norman, 1981 ; Reason, 1990). Les routines sont des schémas d’actions où les actions se déroulent automatiquement les unes à la suite des autres (de tels schémas peuvent être décrits dans les phases de décollage, d’atterrissage ou de maniement des systèmes). L’intérêt des routines repose sur leur faible coût attentionnel. L’opérateur ne contrôle plus l’exécution de toutes les actions comme pour une action non familière mais effectue des contrôles de temps en temps. Il peut ainsi dégager des ressources pour réaliser une autre tâche. Le pilote peut alors faire face à des situations complexes car il contourne les limitations de ses ressources attentionnelles.

14Le mécanisme de base dans la survenue d’une erreur de routine est la capture attentionnelle, c’est-à-dire que les contrôles des actions ne sont plus correctement exécutés en raison de la survenue d’événements perturbateurs. La conséquence de cette capture est une non-exécution ou une exécution incorrecte du contrôle qui permet de s’assurer du bon déroulement des actions. Reason (1990) qualifie ces erreurs de ratés et en distingue deux grandes catégories : les ratés d’inattention et les ratés de surattention.

15– Les ratés d’inattention traduisent un oubli de contrôle pendant l’exécution du schéma d’actions. Cet oubli peut résulter de la survenue d’une préoccupation interne (doute sur la conduite de la mission, préoccupation professionnelle ou familiale) au niveau d’une étape où doit s’effectuer un choix d’actions. A ce moment, le choix porte sur l’action la plus routinière ou la mieux connue au détriment de celle qui était planifiée. Un exemple classique de ce type de raté est le sujet qui part de chez lui pour aller à une réunion et qui se retrouve sur le chemin de son bureau. L’oubli peut être aussi consécutif à la survenue d’événements extérieurs (message radio du contrôle, interruption par un personnel cabine) qui coupe le déroulement de la séquence d’actions. Comme le contrôle attentionnel est faible, la séquence d’actions sera reprise mais en sautant une ou deux étapes qui ne seront pas exécutées. Un dernier exemple de raté d’inattention est celui de la survenue d’interférences entre l’intention et l’action qui provoquent une interruption de l’initialisation de l’action et son abandon.

16– Les ratés de surattention, à l’inverse, traduisent un contrôle attentionnel inopportun lors de l’exécution d’actions routinières. La séquence d’actions est alors reprise plus en aval que ce qu’elle n’est et provoque des omissions, ou elle est reprise plus en amont et provoque des répétitions.

17Ces erreurs, propres à l’exécution d’actions routinières et automatisées, sont fréquentes dans la vie quotidienne mais aussi dans les situations de travail comme le pilotage. Dans la majorité des cas, elles sont détectées immédiatement par les opérateurs et récupérées donc, sans conséquence. Leur danger réside dans le fait qu’elles aient un effet irréversible ou qu’elles modifient l’état de l’aéronef sans que le pilote ne s’en aperçoive, ce qui va induire une mauvaise représentation pour tous les raisonnements ultérieurs. Les tentatives de quantification de ses erreurs dans l’activité normale sont difficiles à réaliser car elles dépendent du niveau d’expertise des opérateurs. Cependant, on estime qu’elles peuvent aller jusqu’à une dizaine par heure. Leur implication dans la sécurité est bien entendu beaucoup moins importante puisqu’une étude réalisée sur les accidents et événements aériens graves survenus dans l’Armée de l’Air française de 1980 à 1991 (Grau et al, 1992) montrent que les erreurs d’exécution sont évoquées dans 9 % des événements où le facteur humain est incriminé. Ces chiffres montrent qu’il n’y a pas une relation point à point entre erreur et sécurité et qu’il faut analyser l’erreur dans le cadre global de l’activité de l’opérateur.

2. Les erreurs consécutives aux problèmes de représentation

18Un mécanisme différent des erreurs d’exécution peut expliquer la survenue d’erreurs d’attention. Il repose sur les caractéristiques du fonctionnement mental en situation complexe et sur l’utilisation des schémas de connaissance. Les schémas de connaissance permettent d’accroître la vitesse de raisonnement et la prise de décision dans des situations incertaines. Grâce aux schémas, l’opérateur peut catégoriser une situation à partir d’un nombre limité d’indices en spéculant sur la fréquence d’occurrence des ces indices, ou en les comparant à des patterns stockés en mémoire. Les indices manquants sont alors déduits par complémentarité. De même, le schéma activé facilite l’accès en mémoire aux connaissances nécessaires à l’action. Tous ces mécanismes vont dans le sens d’une optimisation de l’activité pour répondre aux situations complexes. Cependant, si un tel fonctionnement permet de faire face aux situations complexes, il présente l’inconvénient de limiter les prises d’information et les capacités d’analyse.

19L’homme ne peut prendre en compte toute l’information qui l’environne. Il doit effectuer des choix. Or ces choix ne sont pas faits au hasard mais résultent d’attente, c’est-à-dire d’une certaine représentation qu’à l’opérateur de la situation. En d’autres termes, ces choix sont guidés par la structure de connaissances en cours, c’est à dire le schéma activé. La perception devient alors un mécanisme actif de prise d’information visant à valider ou infirmer les attentes générées par la représentation. Ce mécanisme accélère les processus de raisonnement et évitent un traitement exhaustif de toutes les informations, mais il restreint le champ perceptif, voire l’occulte. Une information importante peut ainsi passer inaperçue soit parce que le sujet n’utilise pas le schéma adéquat pour aller la chercher, soit parce qu’elle est dans son champ perceptif mais n’a aucune signification car pas attendue. On explique ainsi que certaines alarmes sonores en aviation de combat ne sont pas entendues par les pilotes alors que l’alarme est correctement branchée.

20La limitation des capacités d’analyse repose sur la limitation de la rationalité qu’impose le fonctionnement par schémas. Une fois le schéma initialisé, l’opérateur a du mal à prendre du recul, à se remettre en cause face à un événement nouveau. La force avec laquelle il sélectionne un schéma est proportionnelle à la difficulté à en changer. Le confort que procure le schéma est si grand en termes de confiance, de sécurité et de coût cognitif que le pilote fera tout pour rendre compatible l’événement nouveau avec son schéma même si cette assimilation est inadéquate. S’il est évident pour un observateur extérieur que le raisonnement est inapproprié, il est par contre pour l’opérateur tout à fait logique. L’opérateur se retrouve dans une logique qui exclut toutes les autres hypothèses. Il y persévérance malgré l’échec ou malgré la dégradation de la situation dans la voie dans laquelle l’opérateur s’est engagé sans aucune possibilité de réévalution. Ce mécanisme est d’autant plus marqué qu’il se déroule dans un environnement dégradé, source de stress qui lui-même est responsable de mécanismes similaires. Des exemples de telles situations sont fréquents, les plus classiques sont ceux de diagnostic de panne où le premier diagnostic évoqué constitue un véritable « tunnel » pour le raisonnement ultérieur. La remise en cause du diagnostic nécessite une véritable démarche intellectuelle qui n’est pas spontanée.

21Ces erreurs d’attention ont pour cadre une mauvaise représentation de la situation par le pilote, elles ne constituent qu’un épiphénomène du processus de raisonnement qui est en cours. Les comportements mis en œuvre par le pilote sont logiques pour la situation perçue, qui malheureusement, elle, est inexacte. Cette cohérence dans l’activité du pilote, bien qu’inadaptée à la réalité, confère aux erreurs produites une grande difficulté à les identifier et une source importante de danger. Le pilote avant de poser le diagnostic d’erreur devra d’abord poser celui d’incompréhension de la situation par rapport à sa représentation. Cette étape peut être longue voire inexistante et explique que certains accidents se produisent sans réaction de l’équipage. L’incompréhension posée, il reste alors à l’expliquer. La tentation première est de l’attribuer à une cause extérieure non anticipée (météo, panne...) et non de remettre en cause ses propres raisonnements. Ce n’est que dans une seconde étape que sera envisagée l’erreur à proprement parler. La difficulté réside alors dans l’identification de l’erreur et il est fréquent de voir des équipages qui perdurent dans une situation qu’ils ne comprennent pas. On le voit, tous ces mécanismes peuvent être très longs et ne sont pas toujours compatibles avec les marges temporelles disponibles.

IV – Erreurs d’attention et activités de pilotage

22L’analyse des erreurs d’attention montre qu’elles sont dépendantes des mécanismes cognitifs qui garantissent souplesse et performance au raisonnement humain. Reason (1990) va plus loin en décrivant les erreurs d’attention et le raisonnement comme les deux faces d’une même pièce de monnaie puisque les mécanismes sont similaires. Ceci est d’autant plus vrai que ces erreurs surviennent aussi bien chez des jeunes pilotes que chez des pilotes expérimentés mais pour des domaines différents de connaissances. L’apparition de ces erreurs est liée à l’acquisition d’automatismes ; or, à chaque niveau d’expertise correspond un niveau d’automatisme qui peut être source d’erreur. Un autre argument en faveur de cette proximité entre erreur et raisonnement est fourni par la persistance des erreurs d’attention en aéronautique alors que les pilotes sont de mieux en mieux formés, sensibilisés aux facteurs humains et que les systèmes qu’on leur propose sont censés réduire les erreurs. En fait, les mécanismes des erreurs sont identiques mais leur champ d’application se déplace.

23De Keyser (1990) a mis en évidence l’importance des erreurs dans l’apprentissage et la régulation de l’activité. La prise de conscience de l’erreur par le pilote lui permet d’en identifier les causes et l’amène à prendre en compte ces éléments pour réguler son activité afin d’éviter qu’elles ne se reproduisent. La prise en compte de l’erreur peut ainsi être interprétée comme un comportement adaptatif. Cet apprentissage par l’action a pour corollaire de favoriser le stockage en mémoire et le recouvrement de ces situations, ce qui permet de les identifier plus rapidement lorsqu’elles se reproduisent. Le rôle positif de l’erreur est peu reconnu et conduit en cas de déni important de la part du pilote à une moins bonne capacité à apprendre et à évoluer en fonction de ses défauts.

24En considérant l’erreur d’attention comme partie intégrante de l’activité et des mécanismes d’apprentissage, il est important de se poser la question de sa relation avec la sécurité. Toutes les erreurs ne sont pas source d’accidents. Nombreuses sont celles qui n’ont pas de conséquences, nombreuses sont celles qui sont récupérées précocement, un nombre plus limité est récupéré tardivement et peut mener à des situations incidentelles alors que rares sont celles qui aboutissent à un accident. Le danger résulte, dans la survenue d’une erreur, des faibles marges temporelles dont dispose l’équipage. Les actions de prévention pour améliorer la sécurité passent par plusieurs voies.

25La première concerne la réduction de la production du nombre d’erreurs. Il est en effet vain de vouloir éradiquer toutes les erreurs car on peut dire suite à l’étude des mécanismes de production que « l’erreur est humaine ». Il est donc nécessaire de bien connaître ces mécanismes afin de prendre des dispositions pour limiter la survenue d’erreur. Des dispositions peuvent être prises au niveau de la conception des systèmes afin de les rendre résistants aux erreurs les plus fréquentes. Le maître-mot est alors celui d’ergonomie de l’interface ; mais l’ergonomie de l’interface ne résout pas tous les problèmes et il peut être utile de se poser des questions sur la relation entre le niveau utile de performance des systèmes et la qualité du couplage homme-machine. Il est alors préférable de parler d’ergonomie de conception. D’autres dispositions peuvent être entreprises au niveau de la formation des personnels afin de minimiser la production des erreurs d’attention à travers une meilleure connaissance des mécanismes et des limites du fonctionnement cognitif.

26Le deuxième voie vise à développer les capacités des opérateurs à détecter et à identifier les erreurs. La difficulté de cette approche réside dans le peu de travaux qui existent dans ce domaine et dans l’absence de modèles robustes. Cette solution paraît cependant très prometteuse puisqu’elle permet de conserver un certain nombre d’erreurs qui garantissent un apprentissage par l’action tout en développant des comportements pour que leurs effets soient sans conséquence sur la sécurité. L’acquisition de tels comportements doit s’envisager tant au niveau individuel que collectif à travers des formations centrées sur la pratique avec des mises en situation (type CRM, Cockpit Resource Management, ou LOFT, Line Oriented Flight Training, pour l’aéronautique).

V – Conclusion

27Les erreurs d’attention font appel à des mécanismes différents de ceux des altérations du niveau d’éveil. Cependant il existe une dépendance très forte entre attention et vigilance puisqu’un niveau de veille active est une condition nécessaire mais pas suffisante pour garantir une attention satisfaisante. Dans un but sécuritaire, l’étude des mécanismes d’hypovigilance est indispensable, puisqu’ils sont potentiellement générateurs de situations incidentelles, mais ils ne doivent pas faire oublier qu’ils n’expliquent pas à eux seuls les comportements inadaptés que l’on observe dans les situations de travail. Les travaux de l’ergonomie cognitive apportent des modèles explicatifs de la production des erreurs d’attention et permettent d’engager des actions préventives. Il est important enfin de souligner le rôle des erreurs dans l’apprentissage et la régulation de l’activité, et la nécessité d’envisager des actions de prévention à travers la récupération des erreurs.