Introduction

1A la question : la France est-elle un grand pays Industriel dans la seconde partie du XIXe siècle ? On peut répondre à la suite de J. Bouvier, oui et non1. Il y a bien une grande industrie concentrée, compétitive, cartellisée avant la première guerre mondiale, "mais plus bas dans l’échelle sociale, plus profond dans les structures de la communauté française, plus loin hors des villes et des périmètres immédiats des grandes usines, c’est un autre monde, une autre époque, encore très avant dans le temps". La France, une nation artisanale, boutiquière et rentière ? Un processus d’industrialisation inachevé ? Il y a bien domination du capitalisme dans l’ordre économique, et suprématie des bourgeoisies dans le domaine politique. Cette domination économique ne peut signifier complétude ; l’originalité de la domination capitaliste en France tient justement à ce point : le capitalisme n’a pas besoin d’être partout pour être dominant.

2Un second élément indique encore que la société française s’écarte des autres nations capitalistes développées : le malthusianisme démographique. Le déclin du taux de natalité et du taux de mortalité produit le vieillissement de la population. Une faible croissance démographique témoigne du contrôle des naissances, la population passe de 36 à 41 millions de 1850 à 1900 (l’Allemagne, dans la même période voit sa population passer de 35 à 56 millions). Tendance ancienne puisque décelable dès le début du siècle, on l’a noté2. Toutefois la population active augmente substantiellement, de 14,2 millions en 1856, elle atteint 20,7 millions en 1906. Globalement, la France est à la fois faiblement et fortement urbanisée. La proportion de la population urbaine (par population urbaine, il faut entendre celle des villes de plus de 2 000 habitants) évolue de 25,5 % en 1851 à 44,2 % en 1911. A la veille de la première guerre mondiale, la population reste à dominante rurale avec une forte concentration de population dans la région parisienne (Paris possède 2,9 millions d’habitants, le département de la Seine 4,15). Si la population agricole a bien quitté la terre, il n’y a pas véritablement de "désert français" à l’exception des régions de montagnes (Alpes, Pyrénées, Massif Central). L’exode rural recouvre deux glissements : celui de la population agricole excédentaire vers les villes, mais également celui des populations rurales non agricoles vers les grands centres urbains3.

3Voilà rapidement expliqué le ressort économique de la période, la domination de la logique capitaliste, et, décrit, le contexte démographique, la tendance malthusienne. Nous suivrons un cheminement assez semblable à celui de la première partie puisque seront successivement étudiés : la "nouvelle donne" scientifique et technique, les structures du capitalisme français et l’accumulation du capital, l’évolution du travail et le nouveau visage de l’agriculture. Un dernier chapitre situera la place de l’économie française dans l’économie mondiale.