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Désir et pouvoir

 | 
Osiris Cecconi

Conclusion

Texte intégral

1En condensant les résultats de nos analyses, et en répondant aux questions que nous nous sommes posées dans l’Introduction, nous pourrions dire : le besoin est bien la source du désir, son moteur et sa vérité à la fois. Cette source peut être polluée et son cours dévié, en désirs "négatifs", pour des raisons plus sociales que psychologiques. Mais, dans des conditions sociales appropriées, cette source peut alimenter des pratiques et des expériences de désirs "positifs". Et ce qualificatif veut dire que, parce que, et pour autant que les besoins au départ sont vrais, ils suscitent et entretiennent le désir d’exercer et de développer des pouvoirs, à vocation culturelle. Il faut pour cela, nouvel ordre de conditions, que le Pouvoir traite le désir en allié, non en ennemi. Ce qui implique que ce Pouvoir, moyennant une structure sociale adéquate, émane effectivement des pouvoirs des pratiques sociales réelles, et non, via le Pouvoir, de la Propriété, qui divise ou réprime ces pratiques, et donc leurs désirs.

2A l’horizon de cette analyse, deux sortes d’intérêts, théorique et pratique. Théorique : le rapprochement des notions de besoin, désir, pouvoir, propriété a au premier abord de quoi surprendre. Il remet en cause une conception académique des instances (ou disciplines) de connaissance nettement séparées : la biologie, la psychologie, les sciences politiques, le droit, l’économie, la sociologie. Le progrès réel de l’analyse exige un regroupement des démarches (observation et enquêtes) qui soit dicté et réglé, non par des présupposés et des préjugés liés à des cloisonnements institutionnels mais par la spécificité de l’objet visé, et construit. Le difficile était d’éviter le risque de n’obtenir qu’une juxtaposition de prélèvements partiels, alors que l’objectif exigeait la synthèse progressive des déterminants de la réalité en question. Cette réalité, c’est tout simplement la pratique sociale, dans un mode de production. Et le matérialisme historique, sans cet essai de mise à l’épreuve méthodologique (multidimensionnelle) et cette confrontation à des expériences concrètes, reste une option doctrinale.

3Pratique : à la fois économique et culturel. Dans la vie quotidienne, d’abord. Comment ce rapport désir-pouvoir est vécu, et en particulier comment est (ou n’est pas) pris en compte le relais du désir en amont (le besoin), et celui du pouvoir, en aval (la propriété)... si tant est qu’on puisse localiser la propriété en aval, autrement que du point de vue de la représentation et du vécu, justement. Et comment ce rapport est "agi". Ensuite, quel avenir possible pour ce rapport, étant donné le statut actuel du travail, dont on a dit le rôle et l’importance, mais qui semble décliner, sous l’action de la formidable poussée de la productivité, matérielle et gestionnelle. Si l’on travaille pour moins travailler, si le savoir-faire devient savoir faire-faire, qu’advient-il des espoirs placés dans les vertus politiques du travail, générateur de prise de conscience de classe, dans les vertus culturelles du travail, base d’affirmation de pouvoirs et de culture ? Déplacées, ces vertus, dans la zone des "libres" activités de loisir ? Mais comment rendre possible une créativité sociale et culturelle des loisirs, tant que le temps dit libre n’est que du temps de non-travail, du temps libéré par la production afin qu’on ait le temps de consommer, et de consommer selon les normes intéressées du marketing capitaliste ? Comment parler de ce relais radieux du travail par le loisir, sans mystification, sans dérision ?

4L’intérêt d’une comparaison internationale (entre modes de production), enfin, n’est pas niable : les concepts testés dans le présent essai permettent à notre avis de repérer, en chaque mode de production les contraintes et les possibilités, les expériences et leur degré de réussite. Vaste programme.

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