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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral 1. Statistique et comptabilité nationale2. Le décollage de l’INSEE3. Système ou nébuleuse ?4. Esquisse d’un « monopoleur public »5. La crise de la régulation Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    L’Observé statistique

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’INSEE : l’Institut comme Institution

    Jean-Louis Besson

    p. 111-129

    Texte intégral Bibliographie Ouvrages cités Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Considérons la France d’après-guerre et recherchons ce qui a permis le développement de la connaissance statistique à la fois en étendue (des ménages aux entreprises et à l’économie globale) et en profondeur (constructions de plus en plus synthétiques, amélioration des techniques et des méthodes). En raison des caractères propres à l’observation statistique (cf. mon article supra) ce développement est lié à celui d’un appareil ; celui-ci est lié au rôle et à la place de l’INSEE dans le cadre de la nouvelle rationalité (régulation) et des formes qu’elle revêt (plan).

    2L’analyse institutionnelle comporte un risque : en réponse aux prétentions à la neutralité et au « patriotisme » organisationnel de l’INSEE, il est tentant, parce que nécessaire, de montrer l’impureté de la connaissance statistique et de s’acharner à la stigmatiser. Le registre spécifique de l’analyse qui suit ne doit pas faire oublier qu’elle appartient à la problématique méta-statistique esquissée plus haut et ressort de la conception de la connaissance qui y est à l’œuvre.

    3Le thème de cet article est le suivant : la statistique, en tant que manière de produire de l’ordre, sert le mode de régulation « keynésien » (cf. infra pour une définition plus précise) qui assure sa fortune et celle de l’institution qui accède au leadership1

    4L’organe statistique ne faillit pas à sa mission de service public : d’instrument du dirigisme de pénurie, il devient celui de la régulation de la croissance. Cependant, cette mutation, loin d’être une adaptation mécanique, résulte d’une stratégie institutionnelle facilitée par des circonstances favorables. Le problème du monopoleur est que, s’il domine un marché, il en est également prisonnier : l’inertie produite par l’effet de taille rend difficiles les ajustements à la crise de la régulation.

    1. Statistique et comptabilité nationale

    5Si la Statistique Générale de France (SGF) d’avant-guerre avait le recensement pour moteur, ce moteur trop faible ne lui permit pas de décoller : la centralisation du dépouillement du recensement aux fins d’homogénéité et de contrôle (Mardi début du siècle2) ne doit pas cacher l’absence de véritable appareil statistique. Ce qui rend néanmoins l’observation possible, c’est le réseau centralisé de l’administration intérieure (préfets- sous-préfets-maires...) sur lequel se branche le statisticien.

    6Le « malthusianisme français », expression par laquelle on désigne pêle-mêle l’étroitesse des conceptions économiques des politiciens, administrateurs et chefs d’entreprises, le libéralisme mou, le respect des particularismes, expliquent la faiblesse de la régulation étatique et de l’observation statistique.

    7Le contrôle bureaucratique de temps de guerre hypertrophie l’appareil d’observation (SNS de Carmille : mobilisation, répartition de la main d’œuvre et des matières premières) ou plutôt d’enregistrement : son but est la connaissance exhaustive (et illusoire) des situations individuelles, et non l’information économique et sociale globale.

    8Aux lendemains de la guerre, la volonté de « modernisation », fortement soulignée par Fourquet (op. cit), exprime un projet collectif ou tout au moins global qui, considérant l’économie et la société françaises comme un tout, et ce tout comme l’objet d’une action de transformation, fait apparaître des besoins informationnels macro-économiques et macro-sociaux que renforcent les exigences du dialogue avec les anglo-américains. Pour que naissent ces besoins, la connaissance qui les satisfaira, les appareils qui produiront cette dernière, il fallait en effet un changement de vision, passer du micro ou du catégoriel au macro et envisager celui-ci comme objet de pratiques. Cette révolution du regard et de l’action rend nécessaire et possible la connaissance statistique ; nécessaire parce qu’elle permet de rationaliser la décision ; possible en globalisant les informations requises qui quittent le registre traditionnel de l’administration de l’individuel (fiscal ou militaire par exemple) pour celui de la gestion du collectif.

    9Dans un premier temps ces nouveaux besoins (de surcroît très vaguement formulés) ne profitent pas à l’INSEE. Au contraire, l’Institut traverse dans les années 50 une difficile crise de reconversion. Carmille, il est vrai, a créé un appareil de nature industrielle : fortement mécanisé et centralisé, il dispose d’une organisation régionale facilitant la collecte sans porter préjudice à sa standardisation3 et d’une école d’application destinée à former les chefs. Mais la grosse machine enregistreuse est démodée : les effectifs tombent de 6000 à 3000. Repeinte activement entre 1946 et 19514, la machine poursuit à bas régime sa routine de gestion de fichiers (répertoire des personnes physiques, fichier des établissements...) tandis que des organes sectoriels comme l’ISEA (Perroux 1945), l’INED (Sauvy 1945) sont étroitement mêlés, par la personnalité de leur responsable, aux nouvelles préoccupations que l’INSEE effleure seulement avec les études de conjoncture. Même dans le domaine traditionnel des ménages, l’INED, le CREDOC (1953) concurrencent l’INSEE dont la quête d’une nouvelle légitimité se place, sous l’égide de Closon, sur le plan de la technique des sondages (nouvelle en France) qu’il s’agit d’apprendre et d’appliquer (premières enquêtes emploi 1950).

    10Le Plan (Jean Monnet) est la matrice où est conçue la comptabilité nationale (CN), ce qui est logique puisque le Plan est le lieu du projet global. La lourdeur des opérations nécessaires à l’établissement de la C.N. et leur autonomie la conduisent au Ministère des Finances (BSEF rattaché à la Direction du Trésor, SEEF à partir de 1952). C’est là que, dans un milieu hostile ou au mieux peu réceptif se déroule son enfance difficile. Les éléments rassemblés par Fourquet montrent l’importance de la stratégie offensive suivie par le BSEF dont la vision globale cherche à s’imposer et à être reconnue. Les convictions des acteurs et la fortune du BSEF en tant qu’organisation demandent le développement et la diffusion de la CN comme représentation macro-économique. Si au départ existe un besoin diffus d’information globale, la création d’une demande institutionnelle et l’obtention des moyens nécessaires résultent d’un processus très volontariste qui consiste à modifier tout à la fois la vision de la réalité économique, la conception de la place et du rôle de l’Etat dans l’économie, du Ministère des Finances dans l’Etat et à transformer les rapports internes au sein des Finances.

    11Passer d’une pratique purement comptable des finances publiques à une gestion de l’économie globale ayant pour instrument le budget de l’Etat, voilà une double révolution idéologique et organisationnelle. L’émergence d’une nouvelle rationalité publique explique l’esprit de croisade qui anime les premiers comptables nationaux, les résistances auxquelles ils se heurtent et leurs succès dans la nouvelle génération de « technocrates » qui sortent de l’ENA dans les années 50.

    12A ce stade primitif, les informations de base sont mauvaises ou inexistantes, ce qui ne gêne pas outre mesure les comptables nationaux. Au rebours de l’idée courante selon laquelle une bonne CN demande de bonnes statistiques, la CN est volontiers indifférente à la qualité des données, la cohérence globale s’imposant aux données élémentaires au sein de la modélisation^5 !. Les inévitables ajustements procèdent de toutes façons à une véritable boucherie parmi les données.

    13Cependant la CN va impulser un développement de l’information : d’une part l’affinité naturelle de la comptabilité et de la statistique(6) fait du succès de celle-là un tremplin pour celle-ci bénéficiant de la mode quantificatrice ; d’autre part, la CN fournit un cadre conceptionnel d’ensemble dont les impératifs de cohérence révèlent les lacunes des sources et induisent un auto-développement de l’information7. De manière générale, les a-priori comptables et globaux de la CN génèrent, en se diffusant aux producteurs d’informations, de nouvelles occasions d’observation que les producteurs font reconnaître comme nouveaux besoins qu’ils s’empressent de satisfaire*8*. La délimitation et le quadrillage du champ rendent nécessaires des quadrillages de plus en plus en plus fins et, complémentairement, font apparaître un hors-champ comme une nouvelle frontière à conquérir.

    14Ainsi la CN tant par ses conceptions et leur reconnaissance que par la dynamique informationnelle qu’elle lance est pour la statistique un moteur autrement puissant que le vieux recensement.

    2. Le décollage de l’INSEE

    15Par décollage, j’entends l’élargissement du champ de compétence (qui passe bien sûr par des moyens budgétaires) qui, directement et indirectement, aboutira à la position hégémonique actuelle de l’Institut au sein de ce qu’on appelle, parce qu’il est polarisé par celui-ci, le « système statistique » français.

    16Ce décollage commence lorsque Gruson remplace Closon à la tête de l’INSEE : Gruson ne se contente pas de quitter un service, le SEEF, pour un autre au sein du ministère des Finances ; son transfert intègre l’INSEE à la CN, à moins que ce ne soit l’inverse. A partir de 1961, l’INSEE devient responsable des comptes nationaux et de la préparation des projections à moyen terme, prenant ainsi au SEEF la place centrale dans le complexe régulateur politique économique/planification. L’intégration de la CN et de la « documentation statistique », dans l’euphorie des illusions planificatrices de l’époque, répond à la forte complémentarité de la statistique et de la CN et à la nécessité, puisque la seconde devenait le débouché de la première, d’une forte coordination9. Cependant rien n’obligeait cette intégration à se faire au profit de l’INSEE. D’autres figures peuvent être imaginées, surtout lorsqu’on sait que le transfert de Gruson qui fut l’occasion d’une intégration organisationnelle eut, selon le témoignage de l’intéressé (Fourquet) un caractère fortuit, et qu’il intervint à un moment exceptionnellement favorable :

    « Au moment où Claude Gruson arrive à l’INSEE, la vogue du plan français est à son zénith. Le IVe plan, préparé vers 1960, a pour la première fois utilisé massivement les cadres de la CN pour asseoir ses projections » Desrosières, Mairesse, Volle INSEE 1977/51610.

    17Ainsi, la vague plan/CN atteint l’INSEE et la propulse en avant : Gruson n’arrive pas seul à l’INSEE, il est accompagné d’une bonne partie de l’équipe du SEEF. Les effectifs recommencent à progresser, du minimum de 2600 au 1er Janvier 1961 à 7200 au 1er Janvier 1976 tandis que les moyens budgétaires sont multipliés par un facteur 4 ou 5 en volume (Delain in INSEE 1987). Le SEEF trouve dans l’INSEE, moyennant quelques problèmes causés par l’application de la nouvelle ligne, l’instrument qui permettra de répondre aux besoins informationnels nés du triomphe de la CN. De son côté, l’INSEE qui s’était longtemps battu pour sa survie11 gagne une nouvelle légitimité et est, dès lors, en position de combattre pour la prépondérance au sein du « système statistique »12.

    18Voile (1982) retrace la véritable guerre administrative qui pendant les années 60 oppose INSEE et ministère de l’industrie (MI) à propos de l’établissement des statistiques industrielles. Les champs de connaissance sont aussi des territoires : l’INSEE, retranché dans le champ des Ménages, cherche à conquérir celui des Entreprises. Si pour les Ménages l’Institut bénéficiait d’une longue tradition issue des recensements et des premières enquêtes de niveau de vie, du vide administratif (il n’y a pas de « ministère des ménages ») et de l’atomicité d’un champ faiblement structuré13, les Entreprises étaient, elles, liées à des ministères de tutelle qui, dans le cadre du vieil interventionnisme catégoriel et avec un succès variable selon les rapports de force, en assuraient l’observation, tandis que la Direction des Impôts (DGI) aux Finances contrôlait l’autre source d’informations, les déclarations fiscales.

    19La spécificité du domaine industriel quant à ses structurations (syndicats professionnels, CNPF) et à ses langages techniques, lui confère une forte hétérogénéité. Il en va autrement des ménages. Le problème posé par l’application au domaine industriel des principes techniques et relationnels de l’observation centralisée des ménages touche à un point essentiel, la généralité de la conception « taylorienne » de l’observation en masse sur laquelle l’INSEE reconstruit sa légitimité et pour laquelle penche la CN en raison de son goût pour le systématique et le standardisé. L’observation « taylorienne » est-elle limitée aux ménages ou bien constitue-t-elle une démarche générale qui dès lors apparaît caractéristique de la connaissance statistique ? Les spécialistes du MI penchent, eux, pour des « petites séries », considérant que le domaine industriel demande une sectorisation de l’observation et des relations négociées avec les entreprises et leurs organisations14. Ainsi Prévôt écrit :

    « on peut parler d’une anti-formation des fonctionnaires de l’INSEE à l’égard de la statistique industrielle. Ils ont en effet reçu une formation qui les conduit à aborder tous les problèmes de la même manière que ceux de la statistique démographique ou d’autres portant sur de très grands nombres »
    cité par Voile op. cit. p. 10515.

    20Derrière la concurrence bureaucratique mais fortement conditionnée par elle, il y a donc lutte entre deux conceptions de la connaissance statistique, lutte dont l’issue façonne pour toute une période la pratique et l’appareil statistique français.

    21Sans entrer dans les détails de la guerre, et en en restant aux seules entreprises industrielles à l’exclusion de celles qui relèvent d’autres ministères (transports, services, BTP, armement, agriculture), il ressort de l’étude historique interne de Volle que le BCSI ne faisait pas le poids sur le nouveau marché développé par la CN : la lutte plus ou moins violente qui l’oppose aux organisations patronales qui ne veulent pas perdre le pouvoir de collecte qu’on leur a délégué par force en 1950 se redouble d’une lutte interne au MI ; le BCSI tente de conquérir la centralité à l’égard des directions techniques sectorisées et n’a pas la position hégémonique qui lui permettrait d’apparaître comme un embryon d’INSEE de l’industrie. Ces directions elles-mêmes se répartissent en fortes et faibles selon des clivages dont Crozier (1970) a montré qu’ils ne tiennent pas à l’importance des industries qui constituent leur domaine mais à des structurations transversales (phénomènes de caste)16 ; elles sont dans des rapports négociés d’échange d’informations et de légitimité avec « leurs » organisations professionnelles. Ce cadre stable est menacé par la prétention nécessaire du BCSI d’obtenir une légitimité impersonnelle sur la totalité du champ. Aussi le besoin de standardisation de la CN ne pouvait-il pas être satisfait par le BCSI et à son profit.

    22La brève présentation de ce MI que Crozier appelle une « non-organisation » suffit à expliquer la victoire des « gros bataillons » de l’INSEE : l’attaque frontale lancée sur l’industrie par le Recensement industriel de 1963 avait échoué*17) mais l’INSEE devait finalement emporter le morceau*18). Cette conquête donnait à l’INSEE la responsabilité directe de l’établissement des comptes des deux principaux agents de la CN, les Entreprises et les Ménages.

    23L’impérialisme de l’INSEE me semble relever de deux facteurs : l’institution et la technique. L’institution cherchait à croître et à trouver de nouveaux champs d’action. Elle disposait pour cela d’une technique d’observation de portée générale supportée par un personnel qualifié, technique dont la CN dans sa vision totalisante faisait accepter les postulats : les entreprises sont des éléments de l’économie globale ; ces éléments sont connaissables de l’extérieur et sont normalisables. Ainsi Volle conclut-il justement :

    « la statistique s’est jusqu’ici intéressée plutôt à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise (...) elle a observé ses in-puts et ses out-puts (...) L’entreprise est restée pour l’observateur et donc pour la politique une boite noire (op. cit. 246) (...) L’observation de l’industrie porte donc uniquement sur l’extérieur de son objet : cela rappelle d’une façon frappante la situation des sciences naturelles occupées à découper et à classer »
    247.

    3. Système ou nébuleuse ?

    24La stratégie de l’INSEE est moins épique que la volonté de puissance du BSEF ou du BCSI ; son exécution relève du rouleau compresseur et non de l’abordage : d’un côté, conduites par de grands capitaines (Gruson pour l’un ; Prévôt et Ader pour l’autre), de petites équipes d’outsiders à l’esprit pionnier tentent d’obtenir légitimité et centralité à l’intérieur de leur ministère ; de l’autre, nous avons une institution déjà lourde, une organisation avec ses services d’Etat-major et ses départements fonctionnels, une grande entreprise avec ses problèmes organisationnels19. Les effectifs se comptent en milliers, répartis entre le siège parisien et les provinces et ont, du fait de la taille et des structures de l’organisation, des possibilités de promotion interne qui ne sont peut-être pas étrangères à l’uniformisation. Des recherches de sociologie des organisations qui prendraient l’INSEE pour objet seraient les bienvenues pour connaître les conditions réelles et les déterminants de la connaissance statistique, ce produit qui résulte de l’activité de l’entreprise. Il paraît peu probable que l’INSEE ouvre ses portes et se mette à suivre la mode de l’histoire d’entreprise20.

    25Ce fort noyau est entouré d’une nébuleuse : d’une part, l’INSEE prête des statisticiens aux administrations qui en demandent pour créer ou développer leurs services statistiques ; d’autre part, l’INSEE forme des statisticiens pour pourvoir à ses besoins mais non exclusivement. L’Ecole d’Application de l’INSEE (ENSAE depuis la réforme de 1960) et le CESD (Centre européen de formation des statisticiens économistes des pays en voie de développement) qui lui est associé contribuent à créer un « corps » de statisticiens formés de la même manière, suivant dans l’exercice de leur discipline les mêmes règles, partageant le même « habitus professionnel » qu’ils ont acquis à l’école par leçon et par mimétisme et dont on peut supposer qu’ils constituent à travers les organes qui les emploient un ou des réseaux transversaux.

    « Intégrée à l’INSEE et sous la tutelle du ministère de l’économie, iEN SAE est, par son recrutement et la conception de son enseignement une grande école scientifique. Comme telle, elle dispense une formation générale tout en préparant directement à l’exercice d’une activité professionnelle à un haut niveau de qualification, après une sélection stricte des candidats »
    Brochure ENSAE 1986.

    26A partir de deux sources de recrutement principales (option économie et option mathématique), l’Ecole procède à un brassage progressif : le fort contenu mathématique de programmes d’enseignements qui disposent pour leurs exercices du matériel INSEE, l’importance du débouché et du modèle que constitue l’INSEE, font qu’on peut considérer l’Ecole comme le lieu de l’apprentissage de la « culture-INSEE »21.

    27Un rapide examen des responsables du « système statistique français » (INSEE 1984 par exemple) montre l’importance de l’essaimage : mis à part les Directions du Ministère des Finances, la totalité des services statistiques des ministères est dirigée par des administrateurs INSEE, nombreux aussi dans les sections de ces services. Pour les ministères ayant un appareil statistique territorial (régional ou départemental : affaires sociales, agriculture, éducation nationale, urbanisme logement), le recours à des « attachés » INSEE pour diriger les services locaux est la règle. Bien sûr, les proportions sont variables, certains ministères utilisant leurs propres cadres (inspecteurs des finances ou du trésor, ingénieurs d’agronomie, administrateurs civils, ingénieurs civils, ingénieur TPE) ou des agents contractuels22.

    28Ainsi, outre l’INSEE lui-même, une large partie de la statistique publique et probablement de la statistique privée, est-elle dans les mains expertes des statisticiens formés par l’INSEE au modèle de la statistique INSEE. Evidemment favorable au développement de la statistique, ce rayonnement de l’INSEE rend difficile d’imaginer un autre type de connaissance statistique que celui qui a pris naissance dans la tradition de l’institution et engendre l’identité : statistique = INSEE. Cette identité consacre le monopole de l’INSEE en l’inscrivant dans la définition même de son activité.

    4. Esquisse d’un « monopoleur public »

    29Il faudrait entreprendre une analyse économique de l’INSEE en tant qu’organe bureaucratique. La logique bureaucratique est marquée, non par la maximisation du bénéfice en raison de l’impossibilité organique de son appropriation, mais par la maximisation de l’activité23 : l’INSEE, bénéficiant pendant la période 1960/75 d’un marché porteur (comptabilité nationale et plus généralement mode de la quantification et illusions de la régulation), était bien placé pour prospérer. La concurrence bureaucratique prônée par certains ultra-libéraux pour limiter les vices de la production publique existe bel et bien, on l’a vu, et comme toute concurrence, elle conduit au monopole lorsque l’entreprise la mieux placée dépasse la taille critique. Dès lors, elle peut façonner le marché et rendre impossible l’apparition d’une quelconque concurrence. Le « progrès statistique » se révèle être la marche en avant du monopole.

    30La connaissance, et tout particulièrement en matière économique et sociale, appartient à l’action, ce qui lui confère une dimension, voire une nature, organisationnelle. S’agissant d’une production publique elle relève d’une analyse en termes administratifs. Volle rappelle cruement que « l’évolution de l’appareil (et de son activité) est modelée par les choix budgétaires » (Voile 1982 p. 104). Parler de choix budgétaires demande de prendre en compte les décisions et les arbitrages. Le travail statistique exige des investissements lourds pour financer des frais de recherche/développement considérables sur plusieurs années (cadre conceptuel, élaboration du dispositif d’observation) ; il demande des moyens en personnel permanent ou temporaire (enquêtes, dépouillement, codage) et en matériel (informatique) élevés et répétés puisque, sauf exception, on ne monte pas une observation ponctuelle mais un dispositif destiné à durer pour que les résultats prennent sens peu à peu. Il serait intéressant et nécessaire (et peut-être envisageable à moyen terme) de procéder à l’analyse des coûts de production de l’information et de tenter une évaluation de l’activité statistique24. Vanoli reconnaît

    que « non seulement nous apprécions difficilement les tendances de la demande mais de plus nous n’avons guère d’outils nous permettant d’analyser les avantages des opérations statistiques et donc de comparer les avantages aux coûts »
    INSEE 1987 p. 576.

    31On ne saurait mieux marquer la logique d’auto-développement en aveugle de la production statistique. C’est un cas banal en économie publique : l’absence de marché interdit de recourir aux signaux-prix. L’information statistique est un bien collectif au sens où sa consommation est indivisible25, même s’il peut y avoir et s’il y a des restrictions d’accès. La production répond, est présumée répondre, à un besoin collectif. L’offre et la demande se rencontrent, s’efileurent plutôt, uniquement à travers les procédures d’allocation budgétaire ; s’y confrontent confusément les propositions d’activité du service et l’utilité qu’elles présentent aux yeux du décideur budgétaire qui est lui-même supposé traduire les choix collectifs qui s’expriment et se déforment tout au long d’une chaîne d’influences arrimée aux choix électoraux du consommateur-citoyen.

    32Les choix budgétaires, biaisés par l’a-symétrie entre le « bureau » qui dispose d’un pouvoir d’expertise et des informations complètes et le décideur budgétaire, ont tendance à se faire en termes d’activité et non d’objectifs et à concerner des moyens davantage que des fins. Cette inertie bureaucratique s’aggrave dans le cas présent de la haute technicité de l’activité et de la longueur du cycle de production : les choix éventuels, fortement conditionnés par les rapports inter-administratifs, les jeux d’influence etc s’exercent sur les « mesures » nouvelles » tandis que les « services votés » (ie les opérations en cours) sont reconduits.

    33Il est intéressant de rappeler comment Malinvaud (1977) présente l’expression de la demande sociale :

    « afin d’assurer la pertinence des statistiques et d’adapter notre système aux préoccupations constamment renouvelées de nos concitoyens, nous disposons maintenant d’une instance, le Conseil National de la Statistique (CNS) ».

    34Depuis 1966, le CNS est une espèce de « conseil économique et social » de la statistique où des représentants qualifiés des corps constitués (administration, professeurs, syndicats professionnels) donnent des consultations argumentées. Sans méconnaître l’intérêt de cette académie pour les arbitrages internes, il paraît douteux qu’y puisse s’exprimer la « demande sociale ». Le CNS n’a pas de pouvoir budgétaire. Le poids de l’administration (et en son sein des Finances) est donc prépondérant, ce qui, si l’on ajoute la puissance de l’INSEE (pouvoir technique et pouvoir de négociation), distend les rapports entre l’offre et une demande déjà bien loin des « préoccupations de nos concitoyens ».

    35Ainsi la production statistique suit-elle une logique de l’offre26. Cet auto-développement a été rendu possible au cours de la période de haute croissance par une demande administrative qui conduit à ouvrir l’analyse sur les partenaires bureaucratiques. Je serais tenté à ce propos de parler de « complexe administrativo-informationnel » pour faire ressortir les liens réciproques qui unissent les technocrates de la régulation et de l’action publique aux producteurs d’informations qui jouent pour eux à l’intérieur du « système d’action » le rôle d’absorption d’incertitude27). Si l’INSEE a inévitablement une autonomie plus grande qu’il ne paraît (et il convenait de souligner ce point comme je viens de le faire), l’arrêt de sa croissance après 1975 rappelle l’importance des facteurs contextuels.

    5. La crise de la régulation

    36Le besoin informationnel s’enracinait dans le mode de régulation de type keynésien et particulièrement dans sa variante française de la planification. La reconstruction, puis la modernisation, puis la régulation (croissance équilibrée) expriment une nouvelle rationalité publique qui tend à passer de « l’administration des hommes » à « l’administration des choses ». Cette dépolitisation est un mouvement de fond, dissimulé à maintes reprises au cours de la période par les remue-ménages idéologiques. Elle n’apparaît pas, sauf à travers la dénonciation des « technocrates », puisqu’elle est couverte d’un drapeau politique « la grandeur du pays », « la place de la France dans le monde ». « France incorporated », pour reprendre l’image dont on a tant abusé à propos du Japon (Japan Inc.) reste longtemps une entreprise de type conflictuel, jusqu’au consensus gestionnaire de ces dernières années qu’Edgar Morin déplorait récemment dans « Le Monde » (22/09/88).

    37Certes, l’administration, y compris dans un Etat politique, suit des règles qui prescrivent une rationalité de fonctionnement marquée par un fort caractère interne. La « laïcisation » de l’action publique accepte et même réclame une rationalité d’adéquation qu’illustrent les tentatives et les illusions de la Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB ou PPBS) des années 60. Appliquer une logique de management, c’est traduire l’activité administrative en termes d’objectifs définis par rapport à un environnement, ce qui conduit à mesurer les résultats de l’action et à reconnaître ainsi à l’environnement une « capacité de sanction »28.

    38La conversion progressive de l’Etat au « management » de l’économie et de la société globales29 entraîne la croissance de la mesurabilité. J’entends par ce terme, non que les phénomènes deviennent plus mesurables mais qu’augmente le besoin de les mesurer puisqu’ils deviennent des objets d’action et que leur variation sanctionne l’action30.

    39La « laïcisation » de l’action publique engendre un espace de concertation entre les acteurs qu’elle pousse à se situer au niveau du système global, économique en premier, social en second. Cet espace, dans la France de la grande croissance, a été matérialisé par le Plan, « pacte de la nation avec elle-même » (Massé) et, plus précisément, par les commissions du plan où les corps constitués débattent sectoriellement dans un cadre global. L’aspect volontariste de la planification (illustré par la « fixation » du taux de croissance) a caché sa véritable fonction. Miller, déjà cité, dit de ces programmes apparemment volontaristes :

    « ces programmes (...) n’ont pas pour rôle d’être appliqués (mais) plutôt de créer un espace à l’intérieur duquel des objectifs et des intérêts en compétition peuvent être mis en présence et travaillés. Tout ce qu ’on leur demande (aux programmes), c’est d’accommoder la réalité de manière à ce qu’elle soit programmable »
    op. cit. p. 95.

    40Cette dernière phrase est remarquable : les programmes (au sens le plus général) servent à poser la réalité comme objet de régulation et donc à la rendre régulable de manière concertée par les acteurs qui ainsi partagent la conception et la responsabilité de la régulation et s’intégrent à sa logique. Ce changement des règles du jeu me paraît le principal résultat de la planification française.

    41Dans ces conditions, le « progrès de la connaissance statistique » est inévitable : la régulation a des besoins d’information illimités puisque sa démarche est totalisante31. Compte-tenu de l’interdépendance des phénomènes économiques et sociaux et de la complexité du système qu’ils constituent, l’action et la connaissance sont également infinies, sans même envisager les feed-backs qui brouillent le champ au fur et à mesure qu’on le travaille. Dans ce cadre, on pourrait peut-être accorder que l’information statistique est un « bien collectif », non comme produit final mais comme produit intermédiaire qui entre comme in-put pour satisfaire un « besoin tutélaire » qu’exprimerait la « demande » de régulation (ie de sécurité). De tels biens collectifs par délégation sont très suspects puisqu’on pourrait ainsi, par une casuistique appropriée, justifier n’importe quelle action publique.

    42S’il est abusif de parler d’une « demande » de régulation, il n’en reste pas moins que le « consensus keynésien d’après-guerre » étend le rôle de l’Etat de la simple protection des individus à la garantie de la croissance simultanée du progrès social et de l’efficacité économique. Ce rôle de l’Etat comme promoteur et garant du progrès « implique quelque forme de rapport de supervision ou de régulation entre l’Etat et les individus » (Miller p. 102) auquel la statistique contribue : en remplissant numériquement les cases des schémas conceptionnels d’une CN organiquement liée à la planification, la statistique valide ces schémas et conforte la vision d’ensemble qui les produit ; en mettant en forme la réalité par les nomenclatures dans lesquelles elle est conçue et observée, le choix des unités et des variables, la construction ou la validation d’indicateurs, la statistique complète le travail de modélisation de la CN.

    43La période actuelle connaît une crise du type précédent de régulation. Cette crise a déjà emporté le Plan, conduit à relativiser la CN, et provoqué une certaine stagnation de l’institution statistique.

    44On ne saura probablement jamais si la gestion globale a été une illusion de rationalité permise par la « haute croissance » ou si simplement des mutations structurelles l’ont peu à peu rendue inefficace ou contre-productive. Parmi ces dernières, il faut souligner l’importance de l’ouverture des économies nationales et leur interdépendance, accélérées pour la France par les perspectives européennes. La régulation, par nature, est nationale ; elle suppose la coïncidence de l’espace des fins et de l’espace des moyens.

    45Au reste, ne pourrait-on envisager que la régulation et ses instruments (auxquels appartient la statistique) aient été un avatar du rationalisme classique, une espèce de newtonisme économico-social, et que, avec ce rationalisme mais de manière diffuse et informulée l’illusion régulatrice se soit heurtée à la complexité systémique ?

    46Si le global dominait la période précédente au niveau de l’action comme des théories, la période actuelle est marquée du signe du particulier et du différentiel. La « flexibilité », maître-mot des discours et des pratiques de gestion, exprime l’extrême variabilité du réel et l’incertitude d’actions qu’on n’appréhende qu’au cas par cas. En apparence, on assiste à une déstabilisation des catégories traditionnelles et à une déstructuration du réel qui exerceraient leurs effets sur la représentation et sur l’action. En fait, la réalité a sans doute toujours été infiniment complexe et diversifiée : elle n’a été ordonnée et rendue « programmable » que grâce à la plausibilité que les logiques globales prêtaient aux catégories normatives. Cela n’implique nullement que ces catégories aient correspondu (au sens de Glasersfeld-cf supra) à la réalité : elles convenaient (idem) en tant que langage global qui donnait ses cadres à l’action régulatrice. C’est dans ces cadres qu’apparaissent et sont pensés les nouveaux problèmes qui, de ce fait, sont vraisemblablement mal posés. Au lieu d’incriminer des produits statistiques et d’essayer de pallier leurs neuves insuffisances, ne devrait-on pas se demander dans quelle mesure le type de connaissance apporté par la statistique convient encore aux besoins actuels ?

    Bibliographie

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    Desrosières, A. (2021). Un essai de mise en relation des histoires récentes de la statistique et de la sociologie. In Cambouis, la revue des sciences sociales aux mains sales (1–). Maison des Sciences de l’Homme Paris-Saclay. https://doi.org/10.52983/crev.vi0.1
    Desrosières, Alain. “Un Essai De Mise En Relation Des Histoires récentes De La Statistique Et De La Sociologie”. Cambouis, La Revue Des Sciences Sociales Aux Mains Sales. Maison des Sciences de l’Homme Paris-Saclay, January 5, 2021. https://doi.org/10.52983/crev.vi0.1.
    Desrosières, Alain. “Un Essai De Mise En Relation Des Histoires récentes De La Statistique Et De La Sociologie”. Cambouis, La Revue Des Sciences Sociales Aux Mains Sales, Maison des Sciences de l’Homme Paris-Saclay, 5 Jan. 2021. Crossref, https://doi.org/10.52983/crev.vi0.1.

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    Ouvrages cités32

    CROZIER (M) 1970 Où va l’administration française ?

    DELAIN (P) 1987 L’évolution des moyens de l’INSEE (in INSEE 1987)

    DESROSIERES (A), MAIRESSE (J), VOLEE (M) 1977 Les temps forts de la statistique française depuis un siècle (in INSEE 1977).

    10.52983/crev.vi0.1 :

    DESROSIERES (A) 1982 Un essai de mise en relation des histoires récentes de la statistique et de la sociologie (Journées INSEE/SFS 15.10.82)

    FAURE (S & JL) 1973 Comment s’élaborent les comptes de la nation (CNIPE)

    FOURQUET (F) 1980 Les comptes de la puissance – histoire de la CN et du plan (Encres)

    GREFFE (X) 1978 L’analyse économique de la bureaucratie (Economica)

    GREFFE (X), HANNEQUART (A) 1985 Economie des interventions sociales (Economica)

    INSEE 1984 Le système statistique français.

    INSEE 1977 Pour une histoire de la statistique (Colloque de Vaucresson). Tome 1. INSEE 1977. Economica 1987

    INSEE 1987 Pour une histoire de la statistique : Tome 2 Matériaux Economica

    MORIN (E) 1988 Politique et société : le grand dessein (Le Monde 22 & 23.09.88)

    NIOCHE JP, POINSARD R Ed. 1984 L’évaluation des politiques publiques (Economica).

    VACHER (J) Souvenirs de la période 1960/70 in INSEE 1977

    VANOLI (A) Souvenirs de la période 1970/80 in INSEE 1977

    VOLLE (M) 1982 Histoire de la statistique industrielle (Economica).

    Notes de bas de page

    1  La principale insuffisance des développements qui suivent tient à leur caractère local et aux particularités de la situation française. Mon hypothèse fait peut-être de nécessité vertu : les excès mêmes du cas français facilitent l’analyse. Je suis entièrement persuadé de la nécessité d’analyses structurelles comparatives dont cependant la difficulté est considérable : elles demandent une connaissance multi-dimensionnelle du fonctionnement de l’observation statistique dans différents pays et surtout une grille d’analyse sans laquelle on débouche sur des descriptifs non comparables ou, pis encore, sur de douteuses rationalisations a posteriori.

    2  Le dépouillement local et l’envoi à Paris des seules totalisations ne permet pas de vérifier que le traitement (« codage ») était fait de la même manière partout ni même de s’assurer de l’absence d’erreurs dans les opérations. La partie « questionnaire professionnel » du RP de 1896 fait pour la première fois l’objet d’une exploitation mécanographique centrale qui voit apparaître un premier embryon de travailleur collectif. Le RP dans son ensemble sera ainsi traité à partir de 1901.

    3  Au fait : une des sources de la distinction conventionnelle de l’observation et de l’analyse (collecte/traitement) n’est-elle pas à chercher dans la division du travail ? « Le » statisticien qui écrira sur la statistique est généralement un homme d’état-major qui s’occupe de la conceptualisation et du traitement, tandis que « on line » des obscurs standardisés collectent. L’organisation territoriale redouble cette division : les directions régionales sont les organes d’exécution des observations conçues et traitées à l’échelon central.

    4  1946 : création de l’INSEE qui remplace le SNS. 1951 loi sur « l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistique ». 1947 : décret sur l’organisation de l’INSEE.

    5  Boyer (INSEE 1987) : « loin de reposer sur une information parfaite (les modèles) suppléent et donnent un sens à des statistiques éparses et Fragmentaires ». Voir aussi les autres contributions dans cette partie « comptabilité nationale » du Tome 2 de « Pour une histoire de la statistique » et Faure 1973.

    6  March 1930 op cit : « la base de la statistique est la même que celle de la comptabilité, c’est le compte, càd la notation numérique de faits concrets mis en ordre » (p. 203 cf. aussi chapitre 6).

    7  « L’élaboration des comptes de la nation et des budgets économiques qui exige une bonne cohérence des sources statistiques allait être un véritable révélateur des lacunes de l’information statistique de base et rendre évidente la nécessité des progrès qui furent réalisés dans la période suivante » Lévy-Bruhl in INSEE 1987.
    Ainsi de la différence entre PIB-secteurs issue des déclarations fiscales (DGI) et PIB-branches issue des enquêtes industrielles. Volle narre que lors du lancement de l’enquête annuelle d’entreprises (EAE), opération laborieuse et coûteuse, la seule justification que les techniciens avaient pu trouver était « la cohérence des comptes » car le passage branches/secteurs exigé par la place centrale du TEI (branches/produits) dans une CN ayant choisi l’optique « institutionnelle » (secteurs) entraînait des difficultés sans nombre (Volle 1982).

    8  Cette illusion panoptique se retrouve dans la première vague de systèmes informatiques d’entreprise. L’idée que tout savoir c’est tout contrôler, que l’information est bonne en soi etc est d’autant plus forte en France que le retard initial par rapport aux anglo-américains notamment était grand.

    9  « La CN consiste à bâtir une synthèse systématique de l’ensemble de la documentation chiffrée d’un pays... la CN apparaît comme la technique., qui coordonne la documentation statistique et la présente sous une forme appropriée aux besoins de la politique économique... Au stade d’évolution où sont parvenues la CN et la documentation statistique, il apparaît de plus en plus que l’une et l’autre doivent progresser l’une par l’autre » J. Vacher 1958, cité par l’auteur in INSEE 1977 p. 566.
    « le style ‘Gruson’.. rapproche statistique et utilisation des statistiques, pour les besoins notamment de la régulation économique et de la planification » Desrosières, Mairesse, Volle INSEE 1977 p. 517.

    10  Le texte continue ainsi :
    « les problèmes de la croissance équilibrée sont partout posés, et l’information chiffrée nécessaire pour remplir les tableaux des comptables nationaux paraît désormais très importante ».

    11  Closon (directeur de l’INSEE jusqu’en 1961) : « la tâche n’était pas terminée en 1961, mais cependant suffisamment engagée pour que la voie fût non seulement indiquée mais ouverte. La période du risque vital était franchie » (c’est moi qui souligne) Closon 1971 cité par Desrosières etc.

    12  La vieille tradition sociale (ménages) se modernise en s’intégrant à la CN.

    13  Faiblement structuré dans l’ensemble : dans certains domaines comme celui du niveau de vie lié aux négociations salariales, les syndicats de travailleurs sont une structure forte ; dans certains secteurs de la nomenclature PCS se trouvent des « appellations contrôlées » (selon le mot de Desrosières 1979) gardées par des associations professionnelles. Mais hors de la sphère du travail et mis à part quelques groupements plus ou moins représentatifs de consommateurs, les ménages sont atomisés ie nombreux et non structurés.

    14  « BCSI et patronat résistent chacun à sa façon et pour des raisons qui lui sont propres à la pression exercée par l’INSEE et qui se concrétise en 1964 par le projet des enquêtes de secteurs » Volle op cit 102. Un tel projet, apparemment anodin, vise à remplacer les enquêtes de branches réalisées depuis 1950 par les organisations professionnelles et supervisées par le MI par des enquêtes de meilleure qualité effectuées, sans recourir aux organisations professionnelles, sinon directement par l’INSEE du moins sous sa direction.

    15  Prévôt dirigeait le Bureau Central de Statistiques industrielles (BCSI, aujourd’hui SESSI) qui, au sein du MI, coordonnait les bureaux statistiques des différentes directions techniques.

    16  Les directions fortes sont le fief des Ingénieurs des Mines en relation avec leurs « camarades » des entreprises : « les directions fortes se trouvaient ainsi au centre de réseaux d’informations et de relations qui leur permettait de contrôler au moins partiellement leur environnement pertinent et avaient fourni les fondements d’un processus cumulatif de renforcement de leur rôle » (Crozier op. cit.).

    17  Le fameux échec de cette opération de grande envergure n’est cependant pas total. S’il suscite les ricannements des statisticiens industriels confortés dans leur refus du « taylorisme » de l’information en masse, il permet aux techniciens de l’INSEE de se familiariser avec les problèmes industriels. Cet échec justifie aussi le passage à des enquêtes et le transfert à l’INSEE de leur responsabilité.

    18  A l’heure actuelle, la division du travail annexe à l’INSEE l’activité statistique des ministères techniques chargés de l’exécution des enquêtes dans leur domaine particulier. Ces enquêtes sont ensuite centralisées dans la statistique d’entreprise INSEE qui permet notamment de construire le compte d’agent.
    Quant à l’activité statistique propre du Ml, elle consite à gérer en propre la base de donnée ENEIDE sur les entreprises.

    19  L’INSEE est une des Directions du Ministère des Finances, une province d’un empire, en relations incertaines avec les autres et largement autonome à l’égard de l’empire.
    Depuis la réorganisation des structures de 1972, on trouve sur le schéma hiérarchique direction-département-service-division-unité : des services de direction (comprenant les activités de coordination) ; deux grandes directions verticales, statistique générale (Population ménages -entreprises- répertoires) et synthèses économiques ; deux organes horizontaux en rapport avec tous les autres et avec les unités régionales, la Direction de la Production et le Département de la diffusion.
    Cette organisation formelle ne peut que cacher des structurations et comportements informels sur lesquels on est réduit aux conjectures faute de l’information interne collationnée par un Fourquet ou un Volle ou obtenue par les enquêtes de Crozier. Les éléments contenus dans INSEE 1977 (Desrosières, Mairesse, Voile et « souvenirs » de Lévy-Bruhl, Vacher et Vanoli) et dans INSEE 1987 (dernière partie « Techniques, structures, moyens ») ont un caractère fortement institutionnel. De manière générale, l’INSEE, comme toute administration, est opaque aux regards extérieurs et peut-être plus que les autres car l’image de l’institution conditionne la qualité dont le produit est crédité.

    20  A « Pour une histoire de la statistique », il manque l’extériorité. C’est une histoire écrite par les statisticiens, à la lin de la période de croissance de l’institution et marquée pour l’essentiel par le triomphalisme de cette période.

    21  L’Ecole comprend deux divisions : la première forme l’état-major statisticien, les « cadres de gestion statistique et les attachés » ayant pour vocation de « diriger l’exécution de travaux statistiques, de participer à la conception de grandes enquêtes et de collaborer à la préparation de programmes économiques » (Décret de 1971) ; la seconde forme le haut état-major, les « statisticiens économistes et administrateurs (de l’INSEE) ». Dans cette dernière catégorie (87 candidats au concours de 1985, 20 admis vs respectivement 447 et 98 pour les « statisticiens économistes »– je n’ai pas les effectifs pour « cadres et attachés ») le décret de 1971 prévoit que le recrutement des élèves – administrateurs se fera « pour 3/5 des emplois à pourvoir parmi les élèves sortant de l’école polytechnique (10 en 85)... et dans la limite de 3 places parmi les élèves en dernière année de l’ENS (2 en 85) », les 2/5 restant étant pourvus par concours externe (51 candidats, 5 admis) et interne (23 et 3).

    22  Au ministère de l’agriculture par exemple, on trouve 6 administrateurs de l’INSEE sur 8 responsables des services statistiques centraux ; il n’y a que 7 INSEE/20 à la tête des directions régionales tenues par des ingénieurs agronomes et autres ingénieurs en agriculture assistés d’adjoints et chefs de bureau dont 26/48 sont des attachés INSEE. Enfin, à l’échelon départemental, 85/99 services sont dirigés par des « attachés ».

    23  Je reprends ici un des thèmes de l’analyse économique de la bureaucratie (Voyez par exemple Greffe 1978). Les vices principaux de la production publique sont sur-quantité et sur-qualité pour justifier un volume maximal d’activité. La sur-satisfaction des besoins conduit à une allocation globale des ressources sous-optimale.

    24  Qui supposerait de démêler l’écheveau des fins et des moyens, des valeurs et des objectifs (cf. Besson et al 1987 chapitre I).

    25  L’indivisibilité exprime le fait que la consommation d’un individu ne peut diminuer celle d’un autre : il n’y a pas répartition entre consommateurs mais consommation intégrale du service par chacun.

    26 En ce sens, le problème de mutation posé précédemment pourrait être reformulé : la « révolution méthodologique » serait l’ouverture d’un nouveau débouché pour pallier la stagnation des anciens. Une telle offre n’est pas purement interne puisqu’elle rencontre les problèmes posés à l’action publique par la perte de sens de certaines catégorisations.

    27  Je rappelle que cette expression de March & Simon désigne la simplification de la réalité dont a besoin une organisation. Du fait qu’il synthétise et qu’il produit les résultats (sans avoir besoin d’en donner les preuves, de par son pouvoir d’expertise et de par la division du travail), l’organe en question jouit d’une grande « liberté discrétionnaire ».

    28  « La mesure des résultats de l’action (...) détermine en grande partie la capacité de sanction de l’environnement à l’égard de l’organisation » Crozier 1977 p. 190.

    29  Qui n’exclut pas que se poursuive le vieil interventionnisme catégoriel.

    30  Cette présentation est idylliquement simplifiée : le problème est en effet celui des effets externes et des actions de second ordre qu’ils engendrent. L’action ne se limite pas en général à jouer sur une variable mais, modifiant l’environnement, produit des effets non désirés sur la variable. Ainsi par exemple des créations d’emploi visant à diminuer le chômage peuvent l’augmenter en attirant sur le marché du travail des personnes qui n’y étaient pas ou s’en étaient retirées.

    31  Ainsi en France, on est passé de la croissance à la répartition ; puis, avec un moindre succès, de la répartition au bien-être.

    32  On se reportera aussi à la bibliographie du premier article.

    Auteur

    • Jean-Louis Besson
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    1  La principale insuffisance des développements qui suivent tient à leur caractère local et aux particularités de la situation française. Mon hypothèse fait peut-être de nécessité vertu : les excès mêmes du cas français facilitent l’analyse. Je suis entièrement persuadé de la nécessité d’analyses structurelles comparatives dont cependant la difficulté est considérable : elles demandent une connaissance multi-dimensionnelle du fonctionnement de l’observation statistique dans différents pays et surtout une grille d’analyse sans laquelle on débouche sur des descriptifs non comparables ou, pis encore, sur de douteuses rationalisations a posteriori.

    2  Le dépouillement local et l’envoi à Paris des seules totalisations ne permet pas de vérifier que le traitement (« codage ») était fait de la même manière partout ni même de s’assurer de l’absence d’erreurs dans les opérations. La partie « questionnaire professionnel » du RP de 1896 fait pour la première fois l’objet d’une exploitation mécanographique centrale qui voit apparaître un premier embryon de travailleur collectif. Le RP dans son ensemble sera ainsi traité à partir de 1901.

    3  Au fait : une des sources de la distinction conventionnelle de l’observation et de l’analyse (collecte/traitement) n’est-elle pas à chercher dans la division du travail ? « Le » statisticien qui écrira sur la statistique est généralement un homme d’état-major qui s’occupe de la conceptualisation et du traitement, tandis que « on line » des obscurs standardisés collectent. L’organisation territoriale redouble cette division : les directions régionales sont les organes d’exécution des observations conçues et traitées à l’échelon central.

    4  1946 : création de l’INSEE qui remplace le SNS. 1951 loi sur « l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistique ». 1947 : décret sur l’organisation de l’INSEE.

    5  Boyer (INSEE 1987) : « loin de reposer sur une information parfaite (les modèles) suppléent et donnent un sens à des statistiques éparses et Fragmentaires ». Voir aussi les autres contributions dans cette partie « comptabilité nationale » du Tome 2 de « Pour une histoire de la statistique » et Faure 1973.

    6  March 1930 op cit : « la base de la statistique est la même que celle de la comptabilité, c’est le compte, càd la notation numérique de faits concrets mis en ordre » (p. 203 cf. aussi chapitre 6).

    7  « L’élaboration des comptes de la nation et des budgets économiques qui exige une bonne cohérence des sources statistiques allait être un véritable révélateur des lacunes de l’information statistique de base et rendre évidente la nécessité des progrès qui furent réalisés dans la période suivante » Lévy-Bruhl in INSEE 1987.
    Ainsi de la différence entre PIB-secteurs issue des déclarations fiscales (DGI) et PIB-branches issue des enquêtes industrielles. Volle narre que lors du lancement de l’enquête annuelle d’entreprises (EAE), opération laborieuse et coûteuse, la seule justification que les techniciens avaient pu trouver était « la cohérence des comptes » car le passage branches/secteurs exigé par la place centrale du TEI (branches/produits) dans une CN ayant choisi l’optique « institutionnelle » (secteurs) entraînait des difficultés sans nombre (Volle 1982).

    8  Cette illusion panoptique se retrouve dans la première vague de systèmes informatiques d’entreprise. L’idée que tout savoir c’est tout contrôler, que l’information est bonne en soi etc est d’autant plus forte en France que le retard initial par rapport aux anglo-américains notamment était grand.

    9  « La CN consiste à bâtir une synthèse systématique de l’ensemble de la documentation chiffrée d’un pays... la CN apparaît comme la technique., qui coordonne la documentation statistique et la présente sous une forme appropriée aux besoins de la politique économique... Au stade d’évolution où sont parvenues la CN et la documentation statistique, il apparaît de plus en plus que l’une et l’autre doivent progresser l’une par l’autre » J. Vacher 1958, cité par l’auteur in INSEE 1977 p. 566.
    « le style ‘Gruson’.. rapproche statistique et utilisation des statistiques, pour les besoins notamment de la régulation économique et de la planification » Desrosières, Mairesse, Volle INSEE 1977 p. 517.

    10  Le texte continue ainsi :
    « les problèmes de la croissance équilibrée sont partout posés, et l’information chiffrée nécessaire pour remplir les tableaux des comptables nationaux paraît désormais très importante ».

    11  Closon (directeur de l’INSEE jusqu’en 1961) : « la tâche n’était pas terminée en 1961, mais cependant suffisamment engagée pour que la voie fût non seulement indiquée mais ouverte. La période du risque vital était franchie » (c’est moi qui souligne) Closon 1971 cité par Desrosières etc.

    12  La vieille tradition sociale (ménages) se modernise en s’intégrant à la CN.

    13  Faiblement structuré dans l’ensemble : dans certains domaines comme celui du niveau de vie lié aux négociations salariales, les syndicats de travailleurs sont une structure forte ; dans certains secteurs de la nomenclature PCS se trouvent des « appellations contrôlées » (selon le mot de Desrosières 1979) gardées par des associations professionnelles. Mais hors de la sphère du travail et mis à part quelques groupements plus ou moins représentatifs de consommateurs, les ménages sont atomisés ie nombreux et non structurés.

    14  « BCSI et patronat résistent chacun à sa façon et pour des raisons qui lui sont propres à la pression exercée par l’INSEE et qui se concrétise en 1964 par le projet des enquêtes de secteurs » Volle op cit 102. Un tel projet, apparemment anodin, vise à remplacer les enquêtes de branches réalisées depuis 1950 par les organisations professionnelles et supervisées par le MI par des enquêtes de meilleure qualité effectuées, sans recourir aux organisations professionnelles, sinon directement par l’INSEE du moins sous sa direction.

    15  Prévôt dirigeait le Bureau Central de Statistiques industrielles (BCSI, aujourd’hui SESSI) qui, au sein du MI, coordonnait les bureaux statistiques des différentes directions techniques.

    16  Les directions fortes sont le fief des Ingénieurs des Mines en relation avec leurs « camarades » des entreprises : « les directions fortes se trouvaient ainsi au centre de réseaux d’informations et de relations qui leur permettait de contrôler au moins partiellement leur environnement pertinent et avaient fourni les fondements d’un processus cumulatif de renforcement de leur rôle » (Crozier op. cit.).

    17  Le fameux échec de cette opération de grande envergure n’est cependant pas total. S’il suscite les ricannements des statisticiens industriels confortés dans leur refus du « taylorisme » de l’information en masse, il permet aux techniciens de l’INSEE de se familiariser avec les problèmes industriels. Cet échec justifie aussi le passage à des enquêtes et le transfert à l’INSEE de leur responsabilité.

    18  A l’heure actuelle, la division du travail annexe à l’INSEE l’activité statistique des ministères techniques chargés de l’exécution des enquêtes dans leur domaine particulier. Ces enquêtes sont ensuite centralisées dans la statistique d’entreprise INSEE qui permet notamment de construire le compte d’agent.
    Quant à l’activité statistique propre du Ml, elle consite à gérer en propre la base de donnée ENEIDE sur les entreprises.

    19  L’INSEE est une des Directions du Ministère des Finances, une province d’un empire, en relations incertaines avec les autres et largement autonome à l’égard de l’empire.
    Depuis la réorganisation des structures de 1972, on trouve sur le schéma hiérarchique direction-département-service-division-unité : des services de direction (comprenant les activités de coordination) ; deux grandes directions verticales, statistique générale (Population ménages -entreprises- répertoires) et synthèses économiques ; deux organes horizontaux en rapport avec tous les autres et avec les unités régionales, la Direction de la Production et le Département de la diffusion.
    Cette organisation formelle ne peut que cacher des structurations et comportements informels sur lesquels on est réduit aux conjectures faute de l’information interne collationnée par un Fourquet ou un Volle ou obtenue par les enquêtes de Crozier. Les éléments contenus dans INSEE 1977 (Desrosières, Mairesse, Voile et « souvenirs » de Lévy-Bruhl, Vacher et Vanoli) et dans INSEE 1987 (dernière partie « Techniques, structures, moyens ») ont un caractère fortement institutionnel. De manière générale, l’INSEE, comme toute administration, est opaque aux regards extérieurs et peut-être plus que les autres car l’image de l’institution conditionne la qualité dont le produit est crédité.

    20  A « Pour une histoire de la statistique », il manque l’extériorité. C’est une histoire écrite par les statisticiens, à la lin de la période de croissance de l’institution et marquée pour l’essentiel par le triomphalisme de cette période.

    21  L’Ecole comprend deux divisions : la première forme l’état-major statisticien, les « cadres de gestion statistique et les attachés » ayant pour vocation de « diriger l’exécution de travaux statistiques, de participer à la conception de grandes enquêtes et de collaborer à la préparation de programmes économiques » (Décret de 1971) ; la seconde forme le haut état-major, les « statisticiens économistes et administrateurs (de l’INSEE) ». Dans cette dernière catégorie (87 candidats au concours de 1985, 20 admis vs respectivement 447 et 98 pour les « statisticiens économistes »– je n’ai pas les effectifs pour « cadres et attachés ») le décret de 1971 prévoit que le recrutement des élèves – administrateurs se fera « pour 3/5 des emplois à pourvoir parmi les élèves sortant de l’école polytechnique (10 en 85)... et dans la limite de 3 places parmi les élèves en dernière année de l’ENS (2 en 85) », les 2/5 restant étant pourvus par concours externe (51 candidats, 5 admis) et interne (23 et 3).

    22  Au ministère de l’agriculture par exemple, on trouve 6 administrateurs de l’INSEE sur 8 responsables des services statistiques centraux ; il n’y a que 7 INSEE/20 à la tête des directions régionales tenues par des ingénieurs agronomes et autres ingénieurs en agriculture assistés d’adjoints et chefs de bureau dont 26/48 sont des attachés INSEE. Enfin, à l’échelon départemental, 85/99 services sont dirigés par des « attachés ».

    23  Je reprends ici un des thèmes de l’analyse économique de la bureaucratie (Voyez par exemple Greffe 1978). Les vices principaux de la production publique sont sur-quantité et sur-qualité pour justifier un volume maximal d’activité. La sur-satisfaction des besoins conduit à une allocation globale des ressources sous-optimale.

    24  Qui supposerait de démêler l’écheveau des fins et des moyens, des valeurs et des objectifs (cf. Besson et al 1987 chapitre I).

    25  L’indivisibilité exprime le fait que la consommation d’un individu ne peut diminuer celle d’un autre : il n’y a pas répartition entre consommateurs mais consommation intégrale du service par chacun.

    26 En ce sens, le problème de mutation posé précédemment pourrait être reformulé : la « révolution méthodologique » serait l’ouverture d’un nouveau débouché pour pallier la stagnation des anciens. Une telle offre n’est pas purement interne puisqu’elle rencontre les problèmes posés à l’action publique par la perte de sens de certaines catégorisations.

    27  Je rappelle que cette expression de March & Simon désigne la simplification de la réalité dont a besoin une organisation. Du fait qu’il synthétise et qu’il produit les résultats (sans avoir besoin d’en donner les preuves, de par son pouvoir d’expertise et de par la division du travail), l’organe en question jouit d’une grande « liberté discrétionnaire ».

    28  « La mesure des résultats de l’action (...) détermine en grande partie la capacité de sanction de l’environnement à l’égard de l’organisation » Crozier 1977 p. 190.

    29  Qui n’exclut pas que se poursuive le vieil interventionnisme catégoriel.

    30  Cette présentation est idylliquement simplifiée : le problème est en effet celui des effets externes et des actions de second ordre qu’ils engendrent. L’action ne se limite pas en général à jouer sur une variable mais, modifiant l’environnement, produit des effets non désirés sur la variable. Ainsi par exemple des créations d’emploi visant à diminuer le chômage peuvent l’augmenter en attirant sur le marché du travail des personnes qui n’y étaient pas ou s’en étaient retirées.

    31  Ainsi en France, on est passé de la croissance à la répartition ; puis, avec un moindre succès, de la répartition au bien-être.

    32  On se reportera aussi à la bibliographie du premier article.

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    Besson, Jean-Louis. « L’INSEE : l’Institut comme Institution ». In L’Observé statistique, édité par Lahsen Abdelmalki et Jean-Louis Besson. Lyon: Presses universitaires de Lyon, 1989. https://doi.org/10.4000/books.pul.37267.
    Besson, Jean-Louis. « L’INSEE : l’Institut comme Institution ». L’Observé statistique, édité par Lahsen Abdelmalki et Jean-Louis Besson, Presses universitaires de Lyon, 1989, https://doi.org/10.4000/books.pul.37267.

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    Abdelmalki, Lahsen, et Jean-Louis Besson, éd. L’Observé statistique. Lyon: Presses universitaires de Lyon, 1989. https://doi.org/10.4000/books.pul.37167.
    Abdelmalki, Lahsen, et Jean-Louis Besson, éditeurs. L’Observé statistique. Presses universitaires de Lyon, 1989, https://doi.org/10.4000/books.pul.37167.
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