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Le Temple national

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Vincent Petit

De Vichy à la Ve République : la fin d’un cycle ?

Laurent Ducerf

Texte intégral

  • 1 Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, 1848-1977, Jean Foyer (préf.), Pontoise, (...)

1En 1988, Jean Pascal édite un ouvrage dont le projet évoque celui du présent ouvrage, où il fait une nomenclature des ecclésiastiques parlementaires de 1848 à 19771. Assistant de l’abbé Laudrin, député du Morbihan, auquel il succède en 1977, il entend ainsi clore un chapitre, celui de la présence cléricale sur les bancs de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Et c’est bien cette tonalité que reprend ce chapitre, tout en la modulant puisque depuis vingt ans, un frère du Sacré-Cœur a rejoint le Sénat (jusqu’à sa défaite en septembre 2020).

2Un double mouvement peut être identifié sur ce long demi-siècle. On assiste tout d’abord clairement au recul d’un certain type de prêtres députés, recul qui a pu sembler peu visible à cause de la vague de 1945 et de l’envahissant chanoine Kir, figure des assemblées de la IVe et de la Ve République. Il incarnait à la fois une certaine Église et une certaine France. La Deuxième Guerre mondiale introduit également des bouleversements profonds qui renouvellent le visage du clergé parlementaire. La manière même dont les catholiques sont considérés, leur place dans la nation du fait de leur participation à la Résistance, mais aussi ce qu’ils incarnent dans la France d’outre-mer introduisent de nouvelles figures au palais Bourbon et au palais du Luxembourg. Ce double mouvement de dépérissement et de renouveau – qui ne se prolonge guère au-delà des deux premières législatures de la Ve République – explique la variété des parcours des 13 figures qui nous occupent ici.

Le poids de la guerre 

  • 2 Ministère de l’Intérieur (Vichy), Informations générales, 28 janvier, 1941, p. 7-8.
  • 3 Journal officiel de l’État français (JOEF), 24 janvier 1941, p. 371 sq.

3La « Révolution nationale » identifie le parlementarisme parmi les causes du désastre militaire et moral qui a conduit la France vers le gouffre de la défaite. Le gouvernement de Vichy supprime donc les assemblées parlementaires mais, dans un esprit corporatiste et hiérarchique, il institue par la loi du 22 janvier 1941 un Conseil national2. C’est une institution provisoire, en attendant la Constitution définitive, et le texte de loi ne présente aucun exposé des motifs qui pourrait donner du lustre à cette institution dont les avis sont consultatifs (art. 7), les séances non publiques (art. 6) et à laquelle échappe la maîtrise de l’ordre du jour (art. 5). La loi énumère les premiers membres de ce Conseil national. Ils sont présentés par ordre alphabétique dans le JO3, mais la version qu’en donnent les Informations générales du ministère de l’Intérieur diffère : les membres du Conseil national sont classés selon l’esprit corporatiste du régime. L’énumération se clôt par les personnalités diverses. On y trouve alors le nom du pasteur Boegner, président de la fédération protestante de France, de Mgr Suhard, archevêque de Paris, et d’un prêtre de paroisse, l’abbé Sorel, curé de Lagrâce-Dieu (Haute-Garonne). Ils voisinent le pianiste Albert Cortot, l’industriel Marcel Boussac ou le pionnier du cinéma Louis Lumière.

  • 4 Cité par Jean-Louis Clément, Les Évêques au temps de Vichy, Paris, Beauchesne, 1999, p. 58.
  • 5 Paul Airiau, « Beaussart (Roger) », dans Dominique-Marie Dauzet & Frédéric Le Moigne (dir.), Dicti (...)
  • 6 Stéphanie Corcy, « Vichy et la laïcité », communication au colloque « Nouvelles approches de la la (...)

4La présence de Mgr Suhard dans la liste des premiers membres du Conseil national ne signifie rien d’autre qu’un hommage de Vichy à l’Église de France, dans un respect de sa hiérarchie. Le maréchal Pétain écrit ainsi au cardinal le 10 mars 1941 : « Votre désignation au Conseil national m’avait été dictée par le désir de voir l’Église de France représentée comme les autres forces françaises dans cette assemblée nouvelle4. » Certes, Mgr Suhard entretient de fortes affinités idéologiques avec plusieurs éléments de la « Révolution nationale », mais sa méfiance de la politique le conduit à décliner cet honneur dont il pressent les risques. Il hésite toutefois jusqu’en mars 1941. Il ne veut pas que son geste soit interprété comme un désaveu envers le maréchal Pétain et l’affaire dure. Finalement, le refus du cardinal Suhard se manifeste lors de l’annonce d’une nouvelle fournée de membres du Conseil national, le 2 novembre 1941. L’archevêque de Paris fait partie des 18 radiés. Il est alors remplacé par Mgr Beaussart, son coadjuteur. L’archevêque juge imprudent de siéger au Conseil national, mais tout aussi imprudent que l’Église de France n’y soit pas représentée. Il y envoie donc cette « pièce maîtresse du diocèse5 ». Président du Comité national de l’enseignement libre de l’Assemblée des cardinaux et des archevêques (ACA) à partir d’octobre 1941, Mgr Beaussart est en liaison régulière avec Jérôme Carcopino, ministre de l’Instruction publique6.

  • 7 Voir dans ce volume la mise au point d’André Encrevé.

5Tout comme le maréchal Pétain tenait à ce que l’archevêque de Paris siège au Conseil national, il fait nommer le pasteur Boegner, afin qu’une seconde famille spirituelle française soit représentée, ès qualités7.

  • 8 JOEF, 24 janvier 1941, p. 372.
  • 9 Ministère de l’Intérieur (Vichy), Informations générales, 28 janvier 1941, p. 9.
  • 10 Michèle Cointet, Le Conseil national de Vichy, Paris, Les Amateurs de Livres, 1989, p. 103.
  • 11 « Et quand on songe qu’aujourd’hui à Alger un Père dominicain peut s’associer à un Marty dont les (...)

6Deux autres clercs entrent au Conseil national, pour des raisons différentes. Le chanoine Polimann – comme il a été vu au chapitre précédent – est un ancien député. Il siège ici au titre des Républicains indépendants et d’action sociale. Le JO le signale comme député8 et les Informations nationales du ministère de l’Intérieur le classent parmi les députés9. L’ancien élu de Bar-le-Duc est bardé de qualités propres à le faire siéger dans cette institution : ardent défenseur de l’enseignement libre, titulaire de la croix de guerre et de la Légion d’honneur gagnées au front et membre du directoire de la Légion des combattants10. Il ne semble guère s’être investi dans ces nouvelles fonctions, mais il est vrai qu’il reste très actif en Lorraine, n’hésitant pas à flétrir la Résistance – y compris le père Carrière dénoncé dans son discours du 10 décembre 1943 à l’hôtel de ville de Nancy11 – et à appeler sans nuance à la victoire de l’Allemagne.

  • 12 Jean-Louis Clément, « Un conseiller national de Vichy, l’abbé Louis Sorel », Annales du Midi, nº 1 (...)
  • 13 Michèle Cointet, Le Conseil national de Vichy, op. cit., p. 134.
  • 14 Ibid., p. 135.

7L’abbé Sorel est quant à lui nommé du fait de son statut de prêtre. Curé à Lagrâce-Dieu en Haute-Garonne, il connaît un parcours politique mortifère sur fond de catholicisme intégraliste. Sillonniste à Toulouse, il s’affirme conservateur dans sa paroisse, puis ennemi de la démocratie durant la guerre d’Espagne. Il finit compagnon de route du parti franciste de Marcel Bucard. Selon son biographe, Jean-Louis Clément, il ne fut ni nationaliste ni proche de l’Action française12. Remarqué par son action sociale, notamment dans le domaine des assurances mutuelles – il préside la Fédération du Midi des caisses départementales de mutualité –, il prend très à cœur sa désignation au Conseil national. Il se rend fréquemment à Vichy et voit même apparaître une auréole autour de la tête du maréchal alors qu’il assiste à ses côtés à une séance de cinéma. Ses interventions au Conseil national visent à bannir tout retour à la démocratie, car toute élection « renferme une sorte de ver13 ». Ses excès font sourire les autres conseillers nationaux, d’autant qu’il ne craint pas la surenchère en ajoutant que « même les conclaves ne sont pas à l’abri des intrigues14 ». Brillant orateur, il multiplie les sermons sur Radio-Toulouse. Il se déchaîne contre les catholiques qui écoutent Radio-Londres. Le ministre de l’Intérieur de Vichy, Pierre Pucheu, voit un lui un brillant agent de propagande du ministère de l’Information, éloge qui lui vaut d’être exécuté par la Résistance toulousaine le 20 décembre 1943, en représailles à l’assassinat de Maurice Sarraut par la milice dix-huit jours plus tôt.

8Le poids de l’abbé Sorel ne saurait évidemment se comparer à celui de Mgr Beaussard et du pasteur Boegner. L’enjeu profond est celui de l’enseignement et de la jeunesse ; c’est pourquoi le cardinal Suhard ne souhaite pas totalement abandonner son siège au Conseil national. Pour autant, Mgr Beaussard n’est pas une pure créature du cardinal. Ce dernier entretient des relations difficiles avec Jérôme Carcopino alors que, curieusement, Mgr Beaussard fait partie de ceux qui défendent, face à un Jean Mistler, parangon de l’écrivain catholique, les qualités de l’école laïque. Il se livre ainsi à une apologie de la laïcité en faisant référence à son propre parcours :

  • 15 Cité par Michèle Cointet, ibid., p. 288.

Je m’étonne d’entendre dans certaines bouches des attaques contre l’école laïque. À ces attaques je ne peux m’associer. Je suis né dans une loge de concierge de la rue Cujas et j’ai appris à lire à l’école communale voisine. Le lendemain du jour où je fus reçu au certificat d’études, le bon instituteur qui dirigeait cette école vint trouver ma mère et lui dit : « Madame, votre fils doit continuer ses études au lycée. Son avenir est assuré. — Hélas, Monsieur, répondit ma mère, nous ne pouvons penser à cela. Avec quoi payerions-nous les études de mon fils ? » — Ne vous inquiétez pas, Madame, je me charge de lui faire attribuer une bourse et je m’en occuperai jusqu’au bout. » Et c’est ainsi, Messieurs, que grâce à la générosité d’un de ces maîtres tant critiqués tout à l’heure, je suis devenu ce que je suis15.

9Il est vrai que l’absence de publicité des débats permet ce genre d’épanchements, bien rares chez l’évêque auxiliaire.

  • 16 Denis Peschanski, « Le Régime de Vichy a existé, gouvernants et gouvernés dans la France de Vichy, (...)

10On le retrouve en revanche totalement en accord avec son archevêque pour s’opposer fermement à tout projet de jeunesse unique. Les oppositions se cristallisent en mars 194216. Pucheu – soutenu par Gaston Bergery, socialiste ayant glissé vers le collaborationnisme, et Abel Bonnard, successeur de Carcopino à l’Instruction publique –, doit faire face au Conseil national aux tenants d’une jeunesse pluraliste : Georges Pernot, figure éminente du catholicisme comtois, le pasteur Boegner et Mgr Beaussard. Ce dernier se fait l’interprète du mode d’ordre de l’ACA de la zone libre formulé en février 1941 : « Jeunesse unie au service du pays, oui. Jeunesse unique, non. »

11Michèle Cointet estime que l’Église, par le Conseil national notamment, a contribué à freiner la dérive fasciste du régime de Vichy. Cela n’a pas été porté au crédit de Mgr Beaussard, qui fut l’un des rares prélats à devoir subir les rigueurs de l’épuration. De manière générale, le cléricalisme de Vichy et le vichysme de certains clercs furent fatals à un certain type de prêtres députés. L’abbé Desgranges illustre bien cette coupure de la Libération. Il n’aura de cesse après avoir subi l’affront de son inéligibilité de dénoncer la promotion de la Résistance, forgeant pour sa démonstration le terme de « résistantialisme ».

12Mais la fin de l’État français et la mise en place d’une République provisoire furent loin de signifier l’extinction de la présence cléricale dans les assemblées. En cela, la diatribe du chanoine Polimann contre le père Carrière fournit un excellent révélateur du passage de relais.

  • 17 Gérard Bardy, Charles le catholique : De Gaulle et l’Église, Paris, Plon, 2011, p. 177-178.
  • 18 Revue de la France Libre, nº 126, juin 1960. Sur l’action du père Carrière dans la Deuxième Guerre (...)

13Une grande crainte traverse les catholiques résistants : que la Libération entraîne une poussée d’anticléricalisme comme contrecoup du loyalisme des évêques à Vichy. Or l’esprit unitaire et national qu’insuffle le général de Gaulle tout comme l’action reconnue et visible de la résistance spirituelle aboutissent au contraire à intégrer les catholiques dans la communauté nationale comme ce ne fut jamais le cas dans la période précédente. Dès qu’une assemblée reprend forme, elle doit comporter en son sein des figures qui, ès qualités, incarnent le clergé français. Mais là où le Conseil national choisissait d’abord de célébrer la hiérarchie catholique, l’assemblée gaulliste met en valeur l’engagement résistant et patriotique des clercs. Il est vrai que le général de Gaulle aurait aimé afficher à ses côtés un prélat de renom. Il a pensé à Mgr Chevrot, chanoine honoraire – approché par Pierre Brossolette –, puis à Mgr Saliège et finalement à Mgr Hincky, trois fois sans succès17. En réalité, le général de Gaulle peut compter sur le cardinal Tisserant qui a épousé sans réserve les idées gaullistes, mais qu’un ralliement explicite mettrait dans une situation délicate à Rome et surtout priverait le CFLN d’un appui de poids au Vatican. Le cardinal Tisserant souffle le nom du père Anselme Carrière. Il invite son ami Carrière à accepter de rejoindre le général de Gaulle : c’est sur les épaules de ce dominicain que repose l’honneur de représenter l’Église de France dans l’Assemblée consultative provisoire d’Alger, avant qu’il ne soit rejoint par le père Philippe à Paris. Le père Carrière est né le 8 mai 1883 dans la commune de Bois-Grenier, d’un père tailleur. Il porte le prénom d’Anselme qu’il change pour celui de Bertrand en entrant en religion. Dès 1901, il entre au noviciat des dominicains. Il est envoyé l’année suivante en Orient – pour des accusations de légèretés avec des dames, apparemment infondées – et reçoit l’ordination sacerdotale en septembre 1906 à Jérusalem où il enseigne. Docteur en théologie en 1908, il est mobilisé en 1914, combattant sur l’Yser, en Argonne, à Verdun, dans la Somme. Sergent mitrailleur, il finit lieutenant, marqué par son action sous les ordres du général Mangin pour organiser le retour des prisonniers en 1918. Il retourne à l’École biblique de Jérusalem dès 1919 puis rejoint en 1934 le couvent Notre-Dame-du-Rosaire au Caire en tant que supérieur. Vice-président des Anciens combattants d’Égypte, il rallie la France libre dès juillet 1940, appartient aussitôt au Comité national français d’Égypte18. C’est le Comité d’Alger qui sollicite en 1943 la Résistance française en Égypte pour qu’elle envoie un délégué. Le nom du père Carrière suscite alors l’unanimité. En janvier 1944, il revient à l’Assemblée sur son parcours en évoquant le cardinal Tisserant :

  • 19 Interview du père Carrière en 1945, reproduite dans L’Histoire du village de Bois-Grenier, souveni (...)

Aussi n’ai-je pas hésité à opter pour la France – je dirai la France tout court. Ce choix a d’ailleurs été ratifié par un grand cardinal français qui de Rome a pu donner par la voie diplomatique ces directives : puisque votre situation hors de France vous donne la possibilité d’être libre, usez de votre liberté19.

  • 20 Ibid.

14Il ne fait donc aucun doute que le père Carrière représente l’Église. Il profite d’une discussion sur la politique coloniale du CFLN pour livrer à ses collègues de l’Assemblée consultative une véritable profession de foi : « L’Église, que je sache, n’a jamais renoncé à enseigner la morale, à laquelle tous les hommes sont soumis. L’Église n’a jamais renoncé à son droit de dire ce qui est juste et ce qui est injuste, de définir les droits et les devoirs des hommes et des nations20. »

  • 21 Ibid.
  • 22 JO, séance du 13 janvier 1944, p. 15.

15Tout comme les autres membres de l’Assemblée ont été désignés pour représenter les différents visages de la Résistance, le père Carrière incarne la Résistance chrétienne : « Ce sont ces résistants-là que je suis heureux et fier de représenter à l’Assemblée21. » A contrario, le dominicain fustige « quelques membres du clergé [qui] par faiblesse défaitiste ont manqué de patriotisme22 ». Dans un entretien donné en 1945, il se montre encore plus virulent :

  • 23 Le Courrier de l’Ouest, 28 mai 1945.

Un fossé s’est creusé pendant l’occupation et continue à se creuser entre un certain haut clergé et le bas clergé. Le premier s’est parfois hélas compromis avec le gouvernement de Vichy, tandis que le second, dans son immense majorité a eu une attitude nationale inattaquable.
Or ce haut clergé est resté en place. Les mêmes hommes commandent aux destinées de l’Église, si bien que l’Église donne l’impression de rester immobile dans une nation en mouvement.
Il y a plus grave [...] l’Église s’est attachée à défendre les avantages qu’elle avait obtenus du régime de Vichy alors qu’il était nécessaire de les rejeter sans hésitation pour entreprendre l’examen d’une législation entièrement nouvelle23.

  • 24 Cité dans Catherine Masson, Le Cardinal Liénart, évêque de Lille, Paris, Éditions du Cerf, 2001, p (...)

16Le cardinal Liénart lui reproche cet ostracisme en septembre 1944 : il refuse de « ne compter en France qu’avec les prêtres de la Résistance et [de] tenir tout le reste pour suspect24 ».

17Lorsque le père Carrière est rejoint en 1945 à Paris par le père Philippe, le schéma est identique. Né Jean Rambaud à Grenoble en 1908, il fait ses études à l’Université Grégorienne de Rome. En 1931, il prononce ses vœux au noviciat des Carmes de Lille. Prêtre en 1934, le père Philippe de la Trinité exerce la fonction de supérieur provincial à partir de 194225. La maison d’Avon où il se trouve est un repère patriotique : le supérieur en est le père Louis de la Trinité (l’amiral Thierry d’Argenlieu) et l’engagement du père Jacques de Jésus, à la tête du petit collège d’Avon, le conduit à mourir en déportation26.

18Les deux religieux incarnent dans l’Assemblée consultative la réconciliation de l’ensemble des familles spirituelles de la France, d’où le fait qu’ils n’adoptent aucunement une attitude discrète par rapport à leur état ecclésiastique.

  • 27 La majorité dont dispose le père Carrière est toujours confortable : 61 voix (sur 61 exprimés) le (...)
  • 28 JO, séance du 19 janvier 1944, p. 3-4.
  • 29 Histoire du village de Bois-Grenier, op. cit., p. 105.

19Cette identification claire à l’Église résistante leur permet de jouer la partition de l’union patriotique de tous les Français. Le discours prend une tonalité politico-religieuse. L’unanimisme de la France résistante peut s’exprimer à plusieurs reprises. C’est ainsi que le père Carrière bénéficie de larges suffrages qui le hissent à quatre reprises à la vice-présidence de l’Assemblée consultative27. Le gaullisme est aussi largement revendiqué, la figure du général permettant à la diversité des sensibilités de la Résistance de trouver un point de convergence. C’est ainsi que le père Carrière propose que le drapeau français comprenne la croix de Lorraine, mais sa proposition audacieuse suscite plusieurs réserves et n’aboutit pas28. Il demande également que les représentants siégeant à Alger se disposent dans l’hémicycle par ordre alphabétique pour éviter l’esprit de parti. Il fait l’éloge à Paris (en 1945 probablement) de « l’admirable atmosphère d’unité dans laquelle se retrouvent rassemblés les hommes les plus divers29 ».

  • 30 JO, séance du 10 novembre 1943, p. 8.
  • 31 JO, séance du 28 mars 1945, p. 842.

20Le gaullisme n’est pas le seul garant de la réconciliation générale des (bons) Français. L’Assemblée permet également de mettre en scène la fracture surmontée entre communistes et catholiques. Le père Carrière soutient ainsi une épuration sévère – contre le démocrate-chrétien François de Menthon –, sur la même ligne que les communistes algérois : « Dût ma déclaration vous étonner, je m’associe pleinement aux déclarations de tous les orateurs que je viens d’entendre. » Et il n’hésite pas à répondre de manière cinglante à qui invoque la charité et le pardon : « L’heure de la charité est apparue lorsque le Christ est descendu sur la terre. Mais aujourd’hui a sonné l’heure de la justice30. » Cette séance se déroule au tout début de l’existence de l’Assemblée consultative. Quelques mois plus tard, un épisode apporte la confirmation de cette volonté mutuelle de mettre en scène l’accord qui règne entre communistes et catholiques. Le père Carrière tient à apporter une rectification à la manière dont l’intellectuel communiste Georges Cogniot aurait rapporté des propos du dominicain. Le fondateur de La Pensée lui en donne acte et célèbre « l’unité indéfectible qui nous unit, nous, résistants et laïques, et vous résistants catholiques31 ». Cette réponse permet au futur représentant français au congrès fondateur du Komintern de donner du « Mon Père » lorsqu’il s’adresse au dominicain.

21Le père Philippe lui aussi illustre cette ère nouvelle où communistes et catholiques marchent de conserve. Il monte le 21 février 1945 à la tribune pour faire une brillante et remarquée intervention où il défend trois résistants communistes ayant abattu des collaborateurs graciés par le chef de l’État. Il n’explicite pas pourquoi c’est lui qui les défend à la tribune de l’Assemblée : « On m’a demandé, en vue d’éclairer et d’apaiser les esprits, de m’exprimer sur ce point et j’ai accepté. » Pour autant, le provincial des Carmes insiste sur le fait que ce n’est pas le religieux qui parle ici : « Je ne demande pas la mise en liberté des officiers de Maubeuge au nom d’une charité purement gratuite. » Comme le père Carrière quelques mois plus tôt, il subordonne la charité à la justice, même s’il se permet de citer Thomas d’Aquin comme fondement de son raisonnement. La péroraison de son homélie parlementaire permet de renouveler l’accord qui scelle la France nouvelle :

  • 32 JO, séance du 21 février 1945, p. 154.

Malgré la crise du papier, certains articles de journaux qui paraissent aiment à ironiser sur l’union de la Résistance. Peut-être seront-ils tentés de se moquer d’un religieux plaidant en faveur d’un communiste, puisque Lambert était communiste. Mais cela nous ferait mal, et même très mal, eu égard aux morts de la Résistance qui ont mêlé leur sang dans la même cause, faut-il le redire, de d’Estienne d’Orves à Gabriel Péri. Dans la Résistance, il n’y a jamais eu pour moi ni communistes, ni socialistes, ni catholiques, il n’y avait que des Français au service de la France32.

22Le père Philippe revendique alors hautement son appartenance au Front national et ne craint pas de s’afficher avec les communistes. On retrouve la même tonalité dans un discours de septembre 1944, où, là encore, le poème d’Aragon, « La Rose et le Réséda », dédié à Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru, est convoqué pour célébrer l’unité de ceux qui croient et ceux qui ne croient pas :

  • 33 Discours du 29 septembre 1944 du père Philippe de la Trinité au premier meeting du Front national (...)

Je suis fier d’apporter au Front national le témoignage de la Résistance catholique française. Au nom de ceux qui ont mêlé leur sang pour la même cause, les Étienne d’Orves, les Gabriel Péri ; nous n’avons pas le droit de nous désunir, nous n’avons pas le droit de nous diviser. Que chacun suive la voix de sa conscience ! Or la voix de la conscience, c’est, pour nous, la voix de Dieu. Il y en a qui connaissent Dieu et qui le servent mal. Il y en a qui ne nomment pas Dieu mais qui au fond, estimons-nous, le servent en réalité parce qu’ils ont loyalement le culte de la justice, du devoir et de l’amour, reflet du nom divin33.

23Dix ans plus tard, sans renier la tonalité du discours, le père Philippe constate l’échec et même l’impossibilité de travailler avec les communistes :

  • 34 Père Philippe de la Trinité, « Préface », dans Joseph-Marie Simon, L’Impossible alliance : communi (...)

De mes contacts avec les communistes pendant la Résistance, j’ai gardé, en effet, moi aussi, la conviction que la bonne foi n’est pas toujours absente de leurs rangs – tant s’en faut – et que, ignorants de bien des vérités – aveuglés, faussés –, il en est qui dépensent de véritables trésors de dévouement, de sacrifice et d’héroïsme au service d’une cause que nous ne pouvons que répudier.
[...] Mais un accord durable est impossible et, par exemple, les événements l’ont montré en France après la Libération : la rupture devait se produire notamment sur la question de la laïcité de l’école et sur celle de la liberté de manœuvre dans la constitution des listes électorales. Je suis de ceux qui ont dû faire éclater tel mouvement de résistance, par la séparation d’avec les communistes, dès avant les élections de l’Assemblée constituante en 1945, alors que pourtant les communistes partageaient encore les responsabilités du pouvoir sous la présidence du général de Gaulle34.

  • 35 JO, séance 15 janvier 1944, p. 15. Sa première intervention en faveur des missions a lieu lors de (...)
  • 36 JO, séance du 15 juin 1945, p. 1129.

24En effet, ces deux religieux de l’Assemblée consultative n’oublient pas que s’ils représentent la France, ils n’en sont pas moins des défenseurs de l’Église. Le père Philippe de la Trinité n’hésite pas à faire remarquer qu’il siège en habit de religieux. Le père Carrière multiplie les interventions pour louer l’œuvre missionnaire française, notamment dans son plus long discours, le 15 janvier 194435. Il renouvelle cet appel à protéger les missions devant le général de Gaulle lors de la séance du 15 juin 1945 : « Car enfin par un paradoxe surprenant, ces hommes et ces femmes que leur vocation élève au-dessus de tous les intérêts temporels [...] se trouvent être de fait de magnifiques ambassadeurs de la France36. »

  • 37 JO, séance du 19 mai 1944, p. 376.
  • 38 JO, séance 28 mars 1945, p. 852.

25En entrant dans l’Assemblée, le père Carrière se met au service de la France bien entendu, mais reste tout autant au service des missions catholiques, particulièrement en Orient. De la même manière, le père Philippe de la Trinité n’oublie pas l’enseignement confessionnel. C’est la pomme de discorde qui marque une rupture avec le camp de gauche. Le père Carrière préside la séance le 19 mai 1944 lors d’un accrochage entre le démocrate-chrétien Poimbœuf et le radical Anxionnaz à propos des congrégations, et se trouve donc dans une situation où il ne peut apporter la réplique37. Le débat reprend moins d’une année plus tard. Cette fois-ci le père Philippe intervient, avant tout pour estimer que l’Assemblée consultative doit attendre d’être remplacée par une assemblée élue au suffrage universel pour statuer sur la question de l’école libre. Il donne des gages de bonne volonté pour éviter la rupture, citant Condorcet et Henri Wallon – le petit-fils ! –, mais insiste également sur l’existence de « deux courants philosophiques38 ».

  • 39 Daniel Virieux, « Le Front national et la recomposition des droites à la Libération », dans Gilles (...)

26Leur antagonisme conduit à la réduction du Front national a une formation communiste ne tolérant que les compagnons de route. C’est ainsi que le parcours politique du père Philippe de la Trinité tourna cours. Il souhaitait vivement animer un Front national pluraliste où il représenterait une sensibilité démocrate-chrétienne. Il doit prendre acte de l’échec. Les élections municipales d’avril-mai 1945 suscitent les premières tensions qui éclatent en septembre 1945, au moment de l’élection de l’Assemblée constituante. Le père Philippe ne se reconnaît plus dans l’évolution laïque et très à gauche du Front national – alors qu’il a participé à l’élaboration de ses statuts – et démissionne, mettant fin à sa carrière politique39.

  • 40 Lettre du révérend père Antonin Motte au père Gillet, 8 août 1945, archives du Saulchoir (Paris), (...)

27Du côté du père Carrière, le choix d’arrêter la politique a été plus difficile, et extérieur à sa volonté propre. Il prend goût à l’Assemblée et on le voit travailler sa future circonscription du Nord. Il se fait l’interprète de la classe ouvrière du Nord et entretient d’excellentes relations avec le maire socialiste d’Armentières. Les dominicains sont réservés sur sa candidature pour septembre 1945. Certes le nonce Roncalli y est favorable, tout comme le général de Gaulle, mais le père Carrière les gêne aux entournures : une telle fonction demande « beaucoup de sens politique et de compétence », or « le P. Carrière n’est pas un homme supérieur ; il a de petits côtés ; il lui est arrivé de prononcer des paroles malheureuses40 ». Le dominicain de la province de Paris qui écrit au père Gillet, le père Antonin Motte, conclut : « S’il n’est pas génial, il n’est pourtant pas inférieur au député moyen ; la sympathie et le respect l’entourent » et propose de l’autoriser à candidater en l’encadrant fortement.

  • 41 Lettre du cardinal Liénart au père Gillet, 22 août 1945, archives du Saulchoir, V529-600.

28C’est finalement le cardinal Liénart qui refuse son nihil obstat à une candidature du père Carrière pour les élections de septembre 1945. Il se dit « tout à fait défavorable » pour une question de principe : « Je dois ajouter qu’aucun parti en France ne peut se prétendre comme étant “le” parti catholique et que nous laissons aux électeurs et électrices catholiques leur liberté de choix entre plusieurs. La présence d’un religieux sur la liste d’un parti ne peut que créer une confusion fâcheuse à cet égard41. »

  • 42 Lettre du père Carrière au cardinal Liénart, 4 février 1949, archives du Saulchoir, V529-600.

29La messe est dite et le père Carrière en garde nostalgie et amertume. Après la naissance du RPF, il devient conseiller municipal dans sa commune natale de Bois-Grenier, entre 1947 et 1953. Souhaitant s’engager dans le Conseil national du RPF, il subit un nouveau coup d’arrêt de l’archevêque de Lille et doit se résoudre amèrement à une « “mise au tombeau” définitive en attendant avec impatience celle qui [...] [le] ramènera auprès de [ses] bons et saints parents dans le cimetière de Bois-Grenier42. »

30La disparition de l’Assemblée constituante des pères Philippe et Grenier marque la fin d’une période, celle où l’Église a été officiellement représentée à l’Assemblée dans sa composante résistante. D’autres clercs siègent au nom de la France d’outre-mer, mais ils nous semblent relever d’une logique bien différente. Après septembre 1945, les députés et sénateurs (ou conseillers de la République) appartenant à l’Église relèvent avant tout du MRP, même si un second profil, plus conservateur et traditionnel existe.

Le moment MRP : intégralisme sans cléricalisme

31Le MRP représente une donnée politique tout à fait inédite à la Libération, non pas tant par la nouveauté de la tendance qu’il incarne que par son succès considérable. En effet, le MRP naît des décombres du PDP, auquel il correspond largement mais non totalement, s’inscrivant dans la tradition démocrate-chrétienne aussi bien de Lamennais que du Sillon ou de l’abbé Lemire. Par rapport au PDP, il accentue une identité religieuse – même si rien ne transparaît dans la dénomination du mouvement – du fait d’un ancrage très fort de la majeure partie de la nouvelle génération de dirigeants dans l’Action catholique de l’entre-deux-guerres. Certes la génération des Georges Bidault et Pierre-Henri Teitgen, figures de la Résistance et de la démocratie chrétienne, a aussi fait ses armes dans les jeunesses démocrates populaires, mais elle a été plus marquée par l’ACJF, dont elle constitue « la génération civique ». Elle a fait sienne la doctrine sociale de l’Église, et notamment l’encyclique Quadragesimo Anno ; elle est très sensible aux questions sociales et ne craint pas d’avoir recours à un certain dirigisme économique. En cela, une certaine incompréhension s’installe entre les anciens du PDP et le MRP, ceux-ci trouvant ceux-là trop peu laïcs et trop peu libéraux. Mais ce ne sont pas tant ces nuances qui distinguent le PDP du MRP que l’énorme succès de ce dernier et son accession aux plus hautes responsabilités. Le 21 octobre 1945, le groupe MRP à l’Assemblée nationale compte 146 députés. On est bien loin de l’apothéose du PDP, en 1928, avec 19 députés ! Le chiffre atteint son apogée avec 168 députés lors de la seconde législative, puis passe à 151 députés en novembre 1946.

32Parmi ces députés, on trouve peu de clercs, en réalité seulement 7 (et 1 pasteur). D’un premier abord, ce chiffre faible, sans être négligeable, peut surprendre. Le MRP a en effet besoin de candidats pour assumer ce succès. Le scrutin de liste peut permettre à un curé de se présenter sans pour autant descendre dans l’arène électorale. Beaucoup ont acquis une onction patriotique durant la Résistance et ont participé à la gestion des affaires de la cité au sein des CLL voire des CDL. Enfin, il existe une profonde proximité idéologique entre le MRP et de nombreux prêtres, qu’a pu sceller durant les années 1930 l’Action catholique spécialisée. La présence de figures éminentes de la JOC comme Robert Buron ou Simone Rollin témoigne de cette porosité entre la sphère politique et la sphère de l’action catholique. Les évêques et la presse catholique locale peuvent apporter un soutien plus ou moins discret au MRP et favoriser l’élection de clercs, dans un climat d’union patriotique identique à celui qui a permis au père Carrière de devenir vice-président de l’Assemblée consultative. Ce soutien ne fut pas apporté pour un faisceau de raisons.

33Certes, certains prélats soutiennent le MRP, mais entre les démocrates-chrétiens et l’Église de France, un gros contentieux existe. Dès la guerre, les laïcs catholiques engagés dans la Résistance s’émancipent de la hiérarchie catholique qu’ils n’hésitent pas à critiquer pour son maréchalisme bruyant. François de Menthon fait ainsi parvenir une lettre au cardinal Gerlier pour le mettre en garde. Au moment où survient l’épuration, le MRP fait partie des maximalistes, Bidault n’hésitant pas à proclamer qu’il veut faire « sauter » 40 évêques et obtenir un renouvellement de l’épiscopat sur le modèle de Bonaparte en 1801. Cela peut dissuader des curés de se présenter sous l’étiquette de ce parti, qui est bien un parti de paroissiens, mais de paroissiens remuants.

  • 43 Tracts de propagande du MRP, 1944-1946, Bibliothèque nationale, recueil 4-Lb59-319.

34Surtout, le MRP ne veut pas, au-delà de quelques individualités, avoir des prêtres dans ses rangs. Comme il le proclame dans un tract de 1945, « le MRP est un parti laïc43 ». Il refuse d’apparaître comme un parti de défense religieuse. Les questions scolaires le mettent en porte-à-faux. Il redoute ce qui pourrait le couper des socialistes car il estime que l’axe MRP-SFIO constitue l’épine dorsale de la République menacée par les extrêmes ou par le retour d’une droite classique socialement rétrograde.

35C’est pourquoi les deux ecclésiastiques figures de proue du MRP, auxquels se joint un pasteur conseiller de la République, incarnèrent clairement la gauche chrétienne. Le MRP ne souhaitait pas afficher des soutanes dans l’Assemblée qui auraient été des parangons de la défense religieuse, d’où le recours à des figures engagées à gauche, à tel point que cela put créer des tensions au sein du Mouvement, au fur et à mesure de son évolution vers le centre droit, et même une crise brutale au moment où l’abbé Pierre décida de quitter de manière spectaculaire le MRP.

  • 44 « L’abbé Gau, juste parmi les nations », site de Yad vashem, dossier nº 3444, 20 août 2020, en lig (...)
  • 45 « L’abbé Gau avait prêché le devoir de désobéissance », La Dépêche, 28 août 2016.

36L’abbé Pierre et l’abbé Gau sont tous deux des prises de guerre. Le premier est député de la Meurthe-et-Moselle de 1945 à 1951 et le second député de l’Aude de 1945 à 1955. C’est dans leur engagement résistant qu’ils puisent la légitimité nécessaire. Jeune aumônier du lycée de Carcassonne, l’abbé Gau est contacté par une lycéenne juive qui sollicite son aide pour sauver ses coreligionnaires44. Il transforme le centre de Jeunesse ouvrière et chrétienne qu’il dirige à Carcassonne en centre d’accueil temporaire, fournissant des faux certificats de baptême ou des cartes alimentaires à des centaines de familles juives. La Gestapo y fait plusieurs descentes, ne trouvant jamais de faux documents, mais de plus en plus soupçonné d’aider les juifs, l’abbé doit fuir, continuant toutefois son action, caché dans le secteur d’Issel jusqu’à la Libération45. Il a été déclaré Juste parmi les nations le 29 novembre 1986.

  • 46 D’après la présentation faite par le Centre national des archives du monde du travail, où sont dép (...)

37L’engagement d’Henri Grouès est mieux connu. Vicaire à la cathédrale de Grenoble en 1942, il mène des actions de résistance en permettant le passage de juifs dans les Alpes et en créant un bulletin d’information à l’intention des réfractaires au STO. La même année, il permet l’évasion du frère du général de Gaulle, Jacques, ainsi que de son épouse. Il est à l’origine du maquis de Malleval, malheureusement massacré par les troupes allemandes en 1944. Recherché par la Gestapo, il s’enfuit à Paris, où le Conseil national de la Résistance lui demande de rejoindre les Pyrénées. Il est arrêté, mais réussit à s’évader et à s’envoler vers Alger. Il reste en Afrique du Nord jusqu’à la Libération en tant qu’aumônier de la Marine à Casablanca. C’est à cette époque qu’il adopte le pseudonyme de l’abbé Pierre46.

38L’engagement politique prolonge clairement celui de la Résistance et les deux se font au nom des valeurs évangéliques. Cela explique que ces deux prêtres députés ne dissimulent en rien leur état, faisant explicitement référence à leurs convictions dans l’Assemblée, mais se sentent parfaitement dégagés de tout cléricalisme. Ils restent dans la prolongation du pluralisme résistant qui doit permettre à toutes les familles spirituelles d’œuvrer pour la nation. Ils ne remettent pas en cause la laïcité dans la mesure où elle n’est pas un combat antireligieux. Ils appartiennent au MRP, formation démocrate-chrétienne et qui prend soin de ne pas se montrer comme telle. Paradoxalement, cette situation permet à l’abbé Pierre et à l’abbé Gau d’être totalement à l’aise dans leur double mission de prêtre et de député. Un facteur vient renforcer cette identité religieuse : les valeurs évangéliques sont dans le sens de l’histoire, c’est-à-dire celui d’une libération de l’homme et du triomphe du droit, ce qui les place à gauche parmi les députés MRP. C’est cette cohérence que l’on retrouve dans leurs interventions.

  • 47 JO, séance du 20 décembre 1945, p. 264.
  • 48 JO, séance du 8 août 1946, p. 3085.
  • 49 JO, 17 mars 1946, proposition de loi nº 612 sur les jardins ouvriers.
  • 50 JO, séance du 29 novembre 1947, p. 5271.

39Le 20 décembre 1945, pour sa première intervention, l’abbé Pierre – appelé alors « M. Pierre-Grouès » – propose une invalidation systématique pour tous les députés élus dans l’Assemblée constituante ayant porté auparavant la francisque47. Le 8 août 1946, à l’occasion de la discussion du projet de Haute Cour, il livre sa vision chrétienne de la Résistance : « Nous avons été nombreux à combattre [...] sans être animés par la haine, mais par l’amour le plus fort, celui de nos frères et de la patrie à libérer48. » L’abbé Gau préfère commencer sa carrière parlementaire par un projet de loi en faveur des jardins ouvriers, se mettant ainsi implicitement dans le sillage de l’abbé Lemire49. C’est lors des grandes grèves de 1947 qu’il en appelle à l’union de la Résistance50.

  • 51 JO, séance du 12 avril 1946, p. 1755.
  • 52 JO, séance du 30 juin 1947, p. 2572. Voilà ce qu’il déclare huit ans plus tard, alors que le débat (...)
  • 53 JO, séance du 3 novembre 1950, p. 7435.

40Tous les deux insistent sur leur engagement résistant pour justifier une politique d’amnistie. En 1946, il est encore trop tôt lorsque le député PRL Jules Houcke évoque ce sujet. L’abbé Pierre annonce le temps du pardon, mais la France est encore dans celui du châtiment : « S’il est vrai que la justice doit être humaine, il est nécessaire qu’elle soit quand même la justice [...]. La justice doit rester la justice. Le pardon doit intervenir, mais si l’on veut que la nation continue à vivre, il ne faut pas supprimer la distinction entre le crime et l’héroïsme51. » L’année suivante, le pays paraît plus mûr puisque l’abbé Gau propose une grâce amnistiante non automatique. Il prononce une phrase à laquelle il attache beaucoup d’importance, puisqu’il la reprend à l’identique quatre ans plus tard : « Je vois bien que vous hésitez à pardonner, que vous avez peur de vous tromper en pardonnant, mais dites-vous bien que ce n’est qu’en pardonnant qu’on ne se trompe jamais.52 » Il a probablement surestimé l’état de l’opinion, car même le MRP ne le suit pas dans le vote de cet amendement qu’il a déposé à titre personnel. Pierre Dominjon, député MRP de l’Ain et président de la commission de la justice, lui reproche de confondre pardon et amnistie. On sent à mots couverts le reproche d’une confusion des plans, mais l’abbé Gau l’assume totalement. Lors du débat de 1950 sur l’amnistie, il n’hésite pas à rappeler les valeurs chrétiennes du pardon : « Ce sera l’honneur de notre civilisation d’avoir accompli une belle œuvre d’apaisement conforme à notre civilisation. Cette civilisation, ne l’oublions pas, est pétrie par vingt siècles de christianisme et pour elle, la justice est inséparable du pardon53. »

  • 54 JO, 26 juin 1952, proposition de loi nº 3848 tendant à abolir la peine de mort.
  • 55 JO, séance du 12 juillet 1949, p. 4431.
  • 56 JO, 8 mars 1949, proposition de loi nº 7515 « tendant à prohiber tous les procédés techniques qui (...)
  • 57 JO, 21 décembre 1955.

41C’est la même haute conception de la justice qui pousse l’abbé Gau – qui est un député très actif – dans un de ses combats les plus emblématiques, la lutte contre la peine de mort. C’est le sens de la proposition de loi qu’il dépose dès 195254, mais il affirme très tôt sa haine du châtiment suprême, chaque fois que l’occasion s’en présente lors des débats. Ainsi, il refuse la levée de l’immunité des députés malgaches parce qu’ils encourent la peine de mort55. Dans le même ordre d’idée, le député de l’Aude combat toutes les exactions qui pourraient accompagner les enquêtes de police. Dès 1947, il dépose un projet de loi à l’intitulé assez allusif pour prohiber « l’emploi à l’occasion de toute enquête de police et de toute information judiciaire – expertises incluses – des procédés de la technique moderne susceptibles de porter atteinte au respect de la personnalité humaine56 » (article 1). Il tient beaucoup à ce projet de loi puisqu’il le dépose à nouveau le 19 juin 1952 et le 18 février 1955. Il précise sa position : les interrogatoires de police ne doivent pas conduire à des aveux forcés57.

  • 58 JO, séance du 31 mars 1955, p. 2158.
  • 59 JO, séance du 13 octobre 1949, p. 5766.
  • 60 JO, séance du 26 février 1953, p. 1370.
  • 61 JO, séance du 12 octobre 1955, p. 5042.

42Logiquement, l’abbé Gau s’élève de manière très énergique contre la torture en Algérie lors des derniers temps de son mandat. Il soulève le scandale dans l’hémicycle en déclarant que chaque Algérien arrêté « est soumis à des tortures ignobles58 ». À ce moment, l’abbé Pierre n’est plus député, mais les deux hommes ont pu combattre ensemble pour un projet qui tient énormément à cœur à l’abbé Gau et dont on devine les soubassements chrétiens : la création d’un statut d’objecteur de conscience. L’abbé Pierre lance en octobre 1949 une demande d’interpellation sur le « scandale des incarcérations des jeunes gens qui se refusant pour de véritables raisons de conscience à accomplir un service armé, s’offrent cependant pour tout service civil, même le plus périlleux, que la patrie leur demanderait59 ». L’abbé Pierre ajoute qu’il s’agit d’une mesure d’urgence en attendant que la France, comme toute nation civilisée qui se respecte, se dote d’un statut d’objecteur de conscience. C’est exactement ce que propose l’abbé Gau en 1952, sans succès. Il s’insurge en février 1953 contre le sort misérable que la France réserve aux objecteurs de conscience60, et revient à la charge à propos de la mobilisation du contingent en Algérie, jugeant plus que nécessaire la création d’un tel statut. Il cite alors Pie XII, témoignant ainsi du sens religieux de cette mesure61.

  • 62 JO, séance du 23 juin 1949, p 3737.
  • 63 JO, séance du 1er décembre 1950, p. 8442.
  • 64 JO, 28 novembre 1950, proposition de résolution nº 2425.
  • 65 JO, 24 mai 1955, projet de résolution nº 10811.
  • 66 François Moreau de Balasy, « En souvenir d’Eugène Aroneanu : pionnier du droit pénal international (...)

43Les deux hommes se rejoignent également dans un combat pour la paix et le droit. L’abbé Pierre demande ainsi que 1/1000e des dépenses militaires soit alloué à des organisations fédérales mondiales en faveur du rapprochement des peuples, sans succès aucun62. Il fait de l’investiture du Président du Conseil Henri Queuille – qui se déroule en pleine guerre de Corée – un réquisitoire contre la politique belliciste de la France en Indochine et Corée « au moment où, sur la terre entière, l’anxiété s’empare du cœur des peuples avec une gravité jamais peut-être encore atteinte63 », réclamant notamment la reconnaissance de la République populaire de Chine. Les deux prêtres députés se rejoignent pour appeler à une plus grande autorité de l’ONU afin que le droit prime sur la guerre. L’abbé Pierre dépose ainsi un projet de résolution pour assurer « au sein de l’ONU la prédominance du pouvoir politique sur le pouvoir militaire64 ». L’abbé Gau va plus loin en demandant la création dans le cadre des Nations unies d’un tribunal permanent pour juger des crimes de guerre65. L’exposé des motifs du projet de loi est un hommage soutenu à Eugène Aroneanu, juriste d’origine roumaine, qui a connu les camps de concentration et a participé au tribunal international de Nuremberg, dont l’idée du droit repose sur des bases spiritualistes66.

  • 67 JO, séance du 23 juin 1949, p. 3738.
  • 68 JO, séance du 22 novembre 1950, p. 8056.

44Le même fond qui leur fait condamner la force et préférer le droit rapproche les deux hommes dans leur approche de la colonisation, avec des nuances mais un même esprit relevant du catholicisme de gauche. Le plus virulent est l’abbé Pierre qui s’insurge contre l’impasse dans laquelle la France s’enferre en Indochine. Dès le 23 juin 1949, il profite de la tribune du palais Bourbon pour dénoncer les « atrocités françaises67 » qui y sont commises. Un an plus tard, il constate que le manque d’engagés pour l’Indochine ne relève pas d’un problème de primes ou de patriotisme, mais de sens de ce conflit : « s’ils ne s’engagent pas, c’est qu’ils doutent que le combat soit tel [juste]68 ». Il est évident que l’abbé Pierre ne peut supporter un discours qui lierait défense de la colonisation française et défense de la chrétienté. S’il ne s’est pas exprimé directement là-dessus, il tient en 1950 des propos très clairs au sujet de la guerre de Corée :

  • 69 JO, séance du 1er décembre 1950, p. 8442. L’abbé Pierre fait allusion à la contre-offensive victor (...)

Comment pourrais-je personnellement ne pas ajouter que c’est avec une peine immense que les chrétiens ont pu voir dans la même circonstance souiller, en quelque sorte, quelque chose de sacré : les prières et l’invocation de l’Éternel, que l’on a voulu mêler aux cérémonies mêmes de la restauration d’un pouvoir tyrannique et odieux69.

45La France n’a évidemment rien de la dictature militaire sud-coréenne, mais il est clair que l’abbé Pierre réprouve toute guerre qui serait menée au nom de la défense de la chrétienté. La profession de foi qu’il présente pour les élections du 17 juin 1951 en tant que candidat indépendant, après avoir quitté le MRP, ne comporte pas le mot d’indépendance, mais demeure très avancée sur ce point, notamment en ce qui concerne l’Indochine :

  • 70 Tract reproduit dans Louis Le Roc’h Morgère (dir.), L’Abbé Pierre « frère des pauvres, provocateur (...)

Nous voulons dans l’Union française LA FIN DU RACISME et du colonialisme, l’extension d’une LÉGISLATION SOCIALE ADAPTÉE aux divers peuples, l’aide loyale de la France aux colonies et protectorats marchant vers leur AUTOGESTION, une sincère et immédiate recherche de toute possibilité de paix au VIÊT-NAM70.

  • 71 JO, séance du 13 décembre 1954, p. 6232.
  • 72 JO, séance du 10 décembre 1954, p. 6104.
  • 73 JO, séance du 3 février 1950, p. 1323.

46La durée supérieure de la députation de l’abbé Gau lui a permis de revenir plus souvent sur la question coloniale. Il apparaît comme un partisan d’une Union française qui marquerait la rupture avec la France coloniale. Le maître mot de ses interventions est la fraternité. Il la réclame pour les travailleurs algériens en France – qui doivent être selon lui appelés des Français –, abandonnés cyniquement aux marchands de sommeil. Il en appelle à un « cœur à cœur fraternel71 ». Il rend un hommage appuyé à Lyautey, plaide pour une « association égalitaire » dans une Union française fraternelle, pépinière de l’autonomie des peuples car « coloniser c’est éduquer ; éduquer c’est émanciper72 ». La fraternité qu’il demande a bien des soubassements chrétiens. Elle est celle des enfants de Dieu. Il s’ouvre à ce sujet à l’occasion d’un débat sur l’égalité de traitement entre les fonctionnaires métropolitains et ceux issus du reste de l’Union française. « On permettra au prêtre que je suis d’ajouter autre chose. Pour nous chrétiens, blancs ou noirs, les hommes sont tous enfants du même père73. »

47Mais c’est dans le domaine économique et social que les convictions chrétiennes des deux prêtres députés du MRP s’affirment le plus nettement. L’abbé Pierre adresse une mise en garde solennelle au futur secrétaire général du PCF, Jacques Duclos, qui met en doute la sensibilité sociale de l’Église lors d’un débat tendu en novembre 1947, dans une ambiance de guerre froide :

  • 74 JO, séance du 29 novembre 1947, p. 5403.

Je voudrais seulement demander à M. Duclos de ne pas oublier tout ce qui par l’Église au cours des siècles, dans le sacrifice d’une quantité innombrable de ses fils, a été accompli pour la défense de la dignité des opprimés de quelque pays que ce soit, qu’ils appartiennent aux couches sociales les plus opprimées et les plus misérables d’Europe, ou qu’il s’agisse de nos frères de couleurs, de ceux qui, à travers la Terre entière, se trouvaient dans des situations inférieures [...]. Il n’est pas possible de dire qu’historiquement l’Église n’a pas compris quel était le devoir de tout être qui a la conviction que l’homme est un être doué d’une dignité qui doit atteindre la totalité de son épanouissement74.

  • 75 Ibid., p. 5271.
  • 76 JO, séance du 31 juillet 1947, p. 3763.

48L’abbé Gau tient des propos similaires lors du même débat, citant Mgr Suhard : « Des chrétiens, dont je suis, ont voulu montrer que la foi ne doit pas se confondre avec la protection d’un régime social aux criantes injustices. Nous ne voulons pas soutenir le capitalisme, car ce capitalisme fauteur de guerres et de désordres sous sa forme hideuse que nous lui connaissons doit disparaître et disparaîtra75. » Quelques mois plus tôt, il lançait devant un Jacques Duclos mi-médusé mi-offusqué : « Nous voulons la disparition du prolétariat76. »

  • 77 JO, séance du 16 décembre 1948, p. 7642.
  • 78 JO, séance du 2 mars 1950, p. 1616 et 9 février 1954, p. 112. Il intervient dans le premier cas à (...)
  • 79 JO, séance du 31 mai 1949, p. 2490.
  • 80 JO, séance du 15 novembre 1949, p. 6611.
  • 81 JO, séance du 8 février 1949, p. 401. Il l’oppose aussitôt au stalinisme.
  • 82 L’arrestation de Marius Berliet pour fait de collaboration avec l’ennemi conduit le préfet à confi (...)

49L’abbé Gau revient très souvent sur une lecture thomiste de gauche des questions économiques et sociales, notamment par rapport au droit de propriété. Il en condamne explicitement la définition de droit romain au profit d’une vision thomiste : elle doit être soumise au bien commun dont l’État est le gardien. Il la définit ainsi : « le droit de tous à l’usage des biens de la terre, qui doivent être équitablement répartis77 ». Une expression revient à deux reprises dans sa bouche : la subordination du droit de propriété au droit à la vie, car la vie « est une chose sacrée78 ». Il refuse donc ce qui ne serait que « charité mal organisée » ou « paternalisme révolu » au profit d’une « fraternité mieux organisée79 » qui passe par l’abolition du capitalisme. Il réfute une réforme du capitalisme, dont l’emprise est trop profonde : « Ici même, nous croyons être libres. En réalité, inconsciemment, nous sommes les esclaves de ce grand capital80. » L’abbé Gau ne croit pas dans les nationalisations, qui ne font qu’instaurer un capitalisme d’État, même s’il reconnaît que « le marxisme est un humanisme81 ». Il préfère prôner, fidèle à Proudhon et annonciateur de la deuxième gauche, le contrôle ouvrier sur l’entreprise, voyant dans l’expérience Berliet82 une formule intéressante que le gouvernement aurait dû prolonger.

  • 83 Ibid., p. 402.
  • 84 JO, séance du 31 décembre 1948, p. 8248.
  • 85 JO, séance du 10 décembre 1954, p. 6062-6063.
  • 86 JO, séance du 23 avril 1951, p. 3777-3778.
  • 87 Ibid., p. 3811.
  • 88 JO, séance du 29 octobre 1953, p. 4639.
  • 89 JO, séance du 14 mai 1948, p. 2641. Le débat porte alors sur les écoles des houillères nationalisé (...)

50Les citations pourraient être multipliées et laisser penser que l’abbé Gau était prêt à devenir un compagnon de route. Il n’en est rien. Être anticommuniste ne doit pas empêcher d’être socialement avancé et vice versa : « En terminant, je veux m’adresser à mes frères catholiques sociaux et leur dire : ce n’est pas parce que les amis d’un parti de l’extrême gauche massacrent nos frères, derrière le rideau de fer, que nous devons cesser d’être nous-mêmes et nous tourner vers le capitalisme oppresseur83. » Il défend alors avec la plus grande véhémence – et il en est capable – un « témoin du Christ », le cardinal Mindszenty : « les tyrans s’acharnent toujours sur les chefs chrétiens84 ». De même, dès décembre 1954, l’abbé Gau s’élève contre les persécutions dont sont victimes les catholiques vietnamiens. Il admoneste une assemblée trop peu sensible à ce drame et craint que la France fasse figure de Ponce Pilate dans cette affaire85. De même, ses accointances avec la gauche ne l’empêchent pas de ferrailler contre les défenseurs trop scrupuleux de la laïcité. Il s’emporte quand des enfants d’une colonie de vacances ne peuvent pas se rendre à la messe du 15 août86 et demande des bourses pour les étudiants de l’enseignement libre supérieur87. Il condamne un Daladier qui s’adresse à lui en disant « Cessez de croasser », estimant que, dans sa circonscription, ce genre de saillie est « le monopole des rustres88 ». Enfin, il en vient même à soutenir dans un seul discours que la laïcité est chrétienne (Luc, XX, 25), mais qu’elle est finalement impossible pour les chrétiens : « Le pape demande qu’on soit chrétien en toutes choses. On n’est pas chrétien seulement à l’église : on l’est dans sa vie professionnelle, dans sa vie familiale surtout89. »

  • 90 Lettre de l’abbé Pierre à François de Menthon, 28 avril 1950, cité dans Abbé Pierre, Peuple inconn (...)
  • 91 Ibid., troisième de couverture. Il s’agit en réalité d’une véritable prière à Marc Sangnier.

51L’abbé Gau a bien été un chrétien intégraliste, certainement pas « suspect de cléricalisme » comme il le dit lui-même, mais porteur d’une espérance de tout refonder sur des valeurs évangéliques. Le MRP et la députation prolongent cet espoir né de la Résistance et de la Libération. L’abbé Pierre appartient aussi à ce courant. Intraitable, il quitte le MRP en 1950 pour protester contre la manière trop prudente avec laquelle sa formation condamne les violences durant une grève à Brest en février 1950. Il démissionne le 28 avril jugeant les compromissions impossibles. Il écrit au président du groupe parlementaire : « Jamais un message comme celui que nous avons reçu ne peut longtemps rester étouffé ou compromis90 ». Il laisse libre cours à son inspiration religieuse dans la brochure qu’il publie aussitôt pour expliquer son geste : il en appelle à « un véritable parti populaire de démocratie chrétienne » et à la « création d’une France et d’un monde où la preuve se fasse que l’Évangile n’est pas un slogan électoral [...] mais qu’il est [...] une lumière nécessaire et exigeante91 ». La candidature que présente l’abbé Pierre, indépendant de tout parti, se solde par un échec aux élections législatives de 1951. L’abbé Gau échoue, lui, en 1956 à cause de la poussée poujadiste. Il reste très actif dans son département, notamment à travers ses chroniques dans La Croix de l’Aude et dans L’Indépendant.

  • 92 Nous renvoyons bien sûr au texte d’André Encrevé dans le présent ouvrage pour les pasteurs La Grav (...)
  • 93 Notice sur La Gravière du site du Sénat, extraite du Dictionnaire des parlementaires français ; vo (...)
  • 94 Il fait partie des 50 conseillers de la République désignés à la proportionnelle par les groupes d (...)

52Un troisième homme de Dieu a été porté par le MRP au Parlement, mais il ne s’agit ni d’un prêtre ni d’un député puisque le pasteur Emmanuel La Gravière a siégé de 1946 à 1948 au Conseil de la République92. Il s’est illustré pendant la guerre aussi bien par le réconfort qu’il a apporté aux malades détenus au Val-de-Grâce que par ses « discours religieux et patriotiques exaltant l’esprit de résistance et l’amour de la liberté93 » ; il a aussi mené une action clandestine qui l’a conduit notamment à accueillir chez lui des réunions du MRL, ancêtre clandestin du MRP. Il a donc rejoint naturellement cette formation, quitte à passer pour la caution protestante (comme le furent pour le judaïsme Léo Hamon et l’agnosticisme Max André). Il est choisi au titre de l’article 20 de la loi du 27 octobre 194694. La faiblesse notabiliaire du MRP ne lui donne aucun espoir d’élection en 1948 et il quitte alors le Conseil de la République pour entrer dans l’Assemblée de l’Union française où il siège jusqu’en 1955, y jouant un rôle de premier plan.

  • 95 JO, séance du 5 août 1947, p. 1484.

53Ses interventions au Conseil de la République traduisent également une vision intégraliste, la prédication pouvant parfois transparaître derrière la parole politique. Bien qu’issu de l’école publique, il revendique au nom du MRP la liberté de l’enseignement : « Si cette liberté fondamentale n’existait pas en France, qu’en serait-il à l’heure présente de l’instruction de dizaines de milliers d’enfants qui ne trouvent pas asile dans l’école publique95 ? »

  • 96 JO, séance du 25 mai 1948, p. 1240.

54Il intervient au moment de la nationalisation des houillères pour réclamer que les mineurs gardent leurs écoles. Il évoque en particulier les mines de la Grand-Combe (Gard), où catholiques et protestants, socialistes et communistes locaux se montrent attachés au maintien de l’école privée de la compagnie minière96. Le bassin se trouve dans les Cévennes, que le pasteur fréquente régulièrement par hommage aux camisards.

  • 97 JO, séance du 5 août 1947, p. 1485. Circulaire du 18 juillet 1833. Rappelons que Guizot était un p (...)

55Il en profite pour rendre hommage à la lettre de Guizot aux instituteurs97, ce qui lui permet de glisser vers la morale : « Les idées morales dont nous étions si fiers [...] semblent elles-mêmes frappées au cœur. La fidélité aux contrats, l’idée d’une humanité où chaque homme doit sa valeur à sa force morale et non à sa race, toutes ces idées sont considérées [...] comme un ensemble d’hypocrisies ou de théories révolues. »

  • 98 JO, 26 février 1948, p. 478.

56La même préoccupation morale innerve son discours sur la jeunesse délinquante. Le débat a été initié par Georges Pernot et La Gravière reprend la balle au bond pour stigmatiser la presse qui dévoie la jeunesse : « laideur des images, grossièreté du texte, absence de tout idéal, suggestions de vols et de crimes, etc.98 » Seul le profit guide les éditeurs des journaux pour les garçons. « Jetez vous-mêmes un coup d’œil sur ces journaux ; il n’y est question que de vols, de meurtres, d’aventures non plus de Peaux-Rouges ou de bons sauvages, mais de gangsters, de policiers, d’étrangers et de monstres. La brute est divinisée et l’argent devient roi. »

  • 99 Ibid.

57La presse pour les « jeunes vendeuses et dactylos » ne bénéficie pas plus de son indulgence : elle cherche « à aborder les problèmes de la vie sentimentale de la manière la plus dissolvante, la plus démoralisante, et, ce qui est plus grave, de la manière la plus stupide », faisant « l’apologie de l’adultère, du suicide, du divorce » (le pasteur sénateur cite alors Confidence et Notre Cœur). Quant au cinéma, c’est une « école du crime par l’image ». Conscient de la véhémence de ses propos, le pasteur La Gravière les assume crânement : « Peu nous importe qu’on tourne en ridicule notre ardent désir, notre volonté de propreté et d’honnêteté99 ».

  • 100 JO, 23 septembre 1948.

58Il retrouve ce ton cinglant lors du débat sur la fiscalité des apéritifs à base d’alcool. Il est partisan de leur interdiction et veut même aller plus loin en cherchant à limiter le privilège des bouilleurs de cru ; il soulève les murmures d’indignation de ces collègues sénateurs en traitant l’alambic d’« empoisonneur de nos villages de France100 ».

  • 101 Laurent Ducerf, « L’utopie de l’Union française : le MRP face à l’insurrection malgache », Tsingy, (...)
  • 102 Rapport de l’Assemblée de l’Union française en annexe au PV de la séance du 17 novembre 1955.
  • 103 Emmanuel La Gravière, Métropoles et colonies, Paris, Berger-Levrault, 1955.

59En tant que membre de l’Assemblée de l’Union française, le pasteur La Gravière se fait doublement remarquer. D’une part, il se place en porte-à-faux avec sa formation en enquêtant à plusieurs reprises sur la répression de l’insurrection malgache et en pointant les responsabilités du ministre MRP Pierre de Chevigné101. La tension est telle qu’il se sent, à certains moments, menacé. Sa carrière politique au MRP est dès lors achevée. D’autre part, avec le conseiller Georges Le Brun-Kéris, il mène une enquête retentissante qui donne lieu à un rapport de ladite Assemblée sur les musulmans issus de l’AOF ou de l’AEF se rendant en pèlerinage à La Mecque et finissant esclaves dans la péninsule arabique102. Ce texte de 1955 serait la documentation principale de l’album de Hergé Coke en Stock, qui sort trois ans plus tard. Le lien entre le politique et le protestant transparaît profondément dans l’exposé qu’il donne à l’Oratoire du Louvre le 30 octobre 1955 sur Métropoles et colonies, dans le cadre des conférences protestantes du consistoire réformé de Paris103.

60Ayant quitté la vie politique en 1955, il prolonge son action publique d’homme de foi engagé dans les questions de son temps en appartenant à de nombreuses associations.

  • 104 JO, séance du 1er décembre 1953, p. 5781.

61Le triple échec de l’abbé Pierre, de l’abbé Gau et du pasteur La Gravière, tous les trois à gauche dans le MRP, ainsi que l’effacement de cette formation, entraînent la disparition dans l’assemblée de la figure du prêtre venu de la Résistance et porteur d’avancées progressistes issues du catholicisme social. D’autres figures s’imposent, plus conservatrices, mais de ce fait finalement plus discrètes. Autant un prêtre député de l’après-guerre peut affirmer son christianisme s’il se place dans le camp du progrès, autant un prêtre député proche des positions traditionnelles de la droite préfère une certaine discrétion. À cela s’ajoutent les transformations religieuses de la France, avec une Église moins présente. C’est pourquoi les prêtres députés de la Ve République ressemblent peu à ceux de la Libération ou de la IVe République. Mais un prêtre député demeure inclassable, il s’agit du chanoine Kir, qui mérite une catégorie à part pour au moins quatre raisons : la longueur de son mandat (de 1945 à 1966), sa position pour le moins originale (« un indépendant chez les Indépendants104 »), le fait qu’il fut le dernier prêtre député en soutane et enfin sa fonction de doyen qui lui fit ouvrir en décembre 1958 la première législature de la Ve République (ainsi que la deuxième quatre ans plus tard), par un discours bien peu conventionnel.

L’inclassable cas Kir

  • 105 La meilleure biographie du chanoine est la suivante : Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention (...)
  • 106 Archives départementales de la Côte-d’Or, 2 MI EC 11 R 2.

62Né en 1876 à Alise-Sainte-Reine, Félix Kir105 a comme père un ancien cheminot – ce qui expliquera sa sensibilité au monde du travail et particulièrement à cette profession – installé comme perruquier106. Il a la vocation à 15 ans, après être entré au petit séminaire de Plombière-lès-Dijon. Il sort du séminaire de Dijon bachelier et prêtre. Il a ensuite prétendu avoir fait des études supérieures, ce qui est une affabulation. Consacré par un évêque mondain et républicain, il doit alors faire face à la Séparation. Durablement marqué par la session des Semaines sociales organisée à Dijon en 1906, il se fait un nom en écrivant régulièrement plus de 700 articles dans le Bien du Peuple, dont la devise est « Dieu-Patrie-Famille, la Croix et la charrue ont fait la France ». Il y développe des idées assez réactionnaires, mais son hostilité contre les Allemands le fait basculer dans le camp de la Résistance en 1940. Il joue à la Libération l’unanimisme résistant – mais cela correspond à son tempérament – et s’impose au CDL de la Côte-d’Or, puis à la mairie de Dijon et comme député, représentant son département sans discontinuer de 1945 à 1966.

63Le chanoine Kir est un député très actif lorsqu’il s’agit de discourir ou d’interrompre l’interlocuteur (près de 250 interventions) et, s’il cherche à appartenir au plus grand nombre possible de commissions, il se met bien plus en retrait lorsqu’il s’agit de participer concrètement à l’élaboration du texte législatif : il ne dépose en vingt-trois ans de députation que 13 textes, le plus souvent des rapports assez anodins. Pendant les deux premières législatures de la Ve République, il devient quasiment inexistant dans l’œuvre législative, ne déposant qu’un modeste rapport.

  • 107 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 270.

64Le chanoine Kir s’affirme avant tout comme un homme de parole, à l’aise dans l’hémicycle, où sa bonhomie et son absence de sectarisme lui valent la coupe de la courtoisie française des parlementaires107.

  • 108 JO, séance du 24 septembre 1946, p. 3993.
  • 109 JO, séance du 28 novembre 1946, p. 3265.
  • 110 JO, séance du 5 février 1948, p. 442.
  • 111 JO, séance du 31 mars 1949, p. 1905. Il revient à de multiples reprises sur le sujet tout au long (...)
  • 112 JO, séance du 29 novembre 1949, p. 6422.
  • 113 JO, séance du 9 février 1951, p. 988.
  • 114 JO, séance du 19 décembre 1951, p. 9365.
  • 115 JO, séance du 3 mai 1950, p. 3224.
  • 116 JO, séance du 12 novembre 1959, p. 2364.
  • 117 JO, séance du 20 septembre 1951, p. 7514, pour la première occurrence. La citation est loin d’être (...)

65Il se veut le « défenseur des petits108 » et revient tous les ans à l’assaut pour le relèvement des plus bas traitements de la fonction publique, « et c’est normal109 ». Il se sent sincèrement investi de la mission de représenter à l’Assemblée les plus modestes, jouant sur le décalage entre son positionnement et l’institution dans laquelle il se trouve, sans vouloir aucunement la révolution : « Il faut des élites me dira-t-on. Certes [...]. Est-ce une raison pour oublier les humbles et les petits110 ? » Toute délégation qui se rend dans le bureau du maire de Dijon est quasiment assurée de trouver une oreille compatissante et surtout un député qui prend très à cœur son rôle de représentant du peuple et porte lesdites revendications au palais Bourbon. Il s’alarme ainsi du fait que les chauffeurs de taxi ne soient pas prioritaires pour l’obtention du carburant111 ; que les jeunes pères de famille fonctionnaires n’aient pas de quoi entretenir leur foyer à cause de barèmes étriqués112 ; que les plâtriers, maçons, charrons et autres ouvriers de l’artisanat qui ont eu plusieurs patrons peineront à avoir une retraite complète113 ; que les agrégatifs risquent de buter sur un nombre de postes trop réduits114, etc. C’est donc une sensibilité aux attentes des humbles qui stimule le chanoine, beaucoup plus qu’une vision sociale avancée. Il stigmatise ainsi les syndicats « qui ont roulé les petits115 ». Dans une vision tout à fait pragmatique de la question sociale, il reprend plusieurs fois l’exemple de la femme de l’ingénieur et de la femme du cantonnier pour lesquelles les carottes coûtent le même prix sur le marché116. Il fait toutefois référence régulièrement à la doctrine sociale de l’Église en citant une phrase de Rerum Novarum : « Le salaire de l’ouvrier doit comporter non seulement ce qui est nécessaire pour élever convenablement sa famille mais aussi un peu de superflu117 ». Il aime beaucoup cette phrase puisqu’il la cite au moins quatre fois entre 1951 et 1955.

  • 118 JO, séance du 26 juin 1956, p. 373.
  • 119 Ibid. Nous ne suivons pas ici Louis Devance qui juge le chanoine très rétrograde vis-à-vis des fil (...)

66Son attention aux petits où transparaît bien le prêtre proche de ses ouailles lui permet de franchir des lignes. Foncièrement conservateur, il peut adopter des positions à front renversé par empathie pour les faibles, comme il le fait sur la reconnaissance des enfants adultérins. Il déclare s’appuyer sur son « expérience », suscitant des sourires, mais faisant référence à la confession et déclare que les enfants adultérins ne doivent plus être des « parias », porter « une faute dont ils ne sont pas les auteurs » afin de « permettre à ces enfants d’éprouver, eux aussi, des sentiments de légitime fierté118 ». Il s’attire ainsi la remarque de la députée socialiste Germaine Degrond : « C’est vous qui êtes chrétien119 ! » C’est avec la même liberté qu’il aborde les questions internationales, martelant un credo : l’indispensable paix.

  • 120 JO, séance du 10 avril 1952, p. 2095.
  • 121 JO, séance du 25 février 1954, p. 519.
  • 122 JO, séance du 4 octobre 1992, p. 3. Le logographe note : « exclamations sur quelques bancs ».
  • 123 JO, séance du 25 février 1954, p. 519.
  • 124 JO, séance du 2 décembre 1964, p. 5802.
  • 125 JO, séance du 4 octobre 1961, p. 2386.
  • 126 Ibid. Il dit avoir présenté cette idée dès 1946 : nous n’avons pas trouvé d’allusion dans le JO av (...)
  • 127 JO, séance du 6 novembre 1961, p. 3761.
  • 128 Terme qu’il emploie pour le discours inaugural de la première session parlementaire de la Ve Répub (...)
  • 129 JO, séance du 19 octobre 1965, p. 3960.
  • 130 JO, séance du 27 novembre 1953, p. 5637.
  • 131 JO, séance du 7 juin 1956, p. 2415.
  • 132 JO, séance du 19 octobre 1960, p. 2641.
  • 133 JO, séance du 7 juin 1956, p. 2415.
  • 134 JO, séance du 25 mai 1965, p. 1536.
  • 135 JO, séance du 15 juin 1961, p. 1099.

67À la fois marqué par la mentalité de l’ancien combattant, un optimisme foncier quant aux acteurs internationaux et la certitude que l’ère technique rend la guerre impossible, il lutte contre toute politique belliciste en affichant un splendide mépris pour les considérations liées à la guerre froide. À 13 reprises, le député de la Côte-d’Or s’affirme comme un homme de paix. Il n’attend pas le dégel pour exposer ses convictions, puisque dès 1952, il s’écrit « nous voulons la paix » en Indochine en pensant aux jeunes Français qui servent là-bas en n’attendant qu’une chose, « la cessation des hostilités120 ». Il suscite des exclamations en déclarant tout de go en février 1954 « qu’il faut faire cesser dès que possible la guerre d’Indochine121 ». La guerre représente un moment dépassé de l’histoire de l’humanité et aucune des grandes puissances n’y aspire. Il interpelle – et même, scandalise – en demandant la fin de la force de frappe alors qu’il ouvre la deuxième session de la Ve République en tant que doyen d’âge122. Dans la même séance, il réconforte ses confrères sur la Russie « qui, je vous assure, ne tient pas à la guerre en ce moment-ci123 ». Russophile, il organise le jumelage de Dijon avec Volgograd et ne tarit pas d’éloge sur l’aménagement de cette ville. Fréquemment reçu avec « un accueil triomphal124 », et même décoré au Kremlin, ce dont il se dit fier, il revient à chaque fois de Russie porteur d’un message de paix. « Du reste, si nous n’avions pas été aidés par les Russes, nous nous trouverions encore sous le joug allemand125. » Il juge ridicule une Europe qui se limite à 1/5e du continent et milite avec constance pour une vraie communauté allant « de l’Atlantique à l’Oural126 ». Sa conviction s’appuie avant tout sur les relations personnelles qu’il multiplie, lui qui est « citoyen d’honneur d’une quinzaine de nations » et dit ne pas s’en porter plus mal127 : rencontre avec des responsables lors de ses voyages, véritables « croisades128 » de la paix, essentiellement dans l’Europe communiste où il a été « reçu comme un chef d’État129 », visite des délégations passant par Dijon, congrès des villes jumelées, entretien avec les journalistes étrangers. Il voit des signes de paix partout, y compris en « regardant les yeux dans les yeux130 » une délégation de journalistes du Palatinat. Cette géopolitique instinctive lui vaut du député Leenhardt une pique : « Vous êtes bien insouciant, Monsieur le Chanoine131. » La réplique du chanoine ne se fait pas attendre, et exprime profondément sa nature : « non pas insouciant mais confiant ». Il s’appuie sur la conviction forte que la guerre n’est plus possible à l’ère atomique, réclamant du reste que la France montre l’exemple, ce « qui permettrait de mettre au rencart ces procédés inhumains132 ». La France n’a qu’une carte à jouer, celle de la paix. Le chanoine fait fréquemment référence à la terrible impréparation de l’armée française à la veille de la guerre franco-prussienne. Il ne l’a évidemment pas connue, mais la mémoire en a été vive en Côte-d’Or. La France risque une telle déconvenue dans une prochaine guerre. Il ne sert à rien de préparer une défense passive car « on ignore tout de l’attaque133 ». Les convictions pacifistes de Félix Kir mélangent donc une foi profonde (« Je crois dans la paix. Je suis sûr que la guerre n’existera plus134 ») et des considérations pratiques, voire terre à terre. Sa position sur la guerre d’Algérie se trouve vite acquise : « personne n’ose dire que la guerre d’Algérie coûte 5 milliards par jour135 ».

  • 136 JO, séance du 6 novembre 1963, p. 6595. Il dit la même chose pour l’Afrique noire avec cette fois- (...)
  • 137 JO, séance du 4 mars 1954, p. 643.
  • 138 Ibid.
  • 139 JO, séance du 5 janvier 1951, p. 194-196.
  • 140 JO, séance du 31 juillet 1947, p. 3775.
  • 141 JO, séance du 1er février 1949, p. 278. Rappelons que selon la norme européenne actuelle, la crème (...)

68En réalité, le chanoine adopte souvent des positions d’un profond provincialisme, exprimant fréquemment un franc cartiérisme. Il ne comprend pas que le gouvernement a pu être « très généreux pour Alger, Oran et Bône et d’autres villes dont j’ignore le nom », alors que Dijon n’a pas encore sa faculté de médecine136. Cela lui vaut en 1954 une réplique de Sédar Senghor qui s’étonne du fait que le chanoine soit sensible à la misère en métropole et beaucoup moins outre-mer. Le député du Sénégal ose même prendre à témoin le clerc : « Le Christ est mort pour nous tous, Monsieur le Chanoine137. » Il s’attire évidemment une réplique du chanoine qui montre à quel point il voit le monde avec une comptabilité très hexagonale : « Je le sais très bien, Monsieur Senghor, et la preuve c’est que nous envoyons dans les territoires d’outre-mer des missionnaires qui ne vous coûtent rien138. » Le chanoine reste avant tout un député de Côte-d’Or, et surtout de Dijon, trouvant notamment que les grandes villes dépensent beaucoup pour les villages environnants139. Il défend bec et ongle le terroir et particulièrement le bourgogne et ses vignerons qui font du vin « en artistes ». Lui-même apparaît comme un artiste de la prétérition lorsqu’il lance : « Sans vouloir faire preuve de chauvinisme, je puis dire que les vins de Bourgogne sont incomparables140. » Le chanoine Kir prend également la défense de la boisson éponyme avec des arguments dont il a le secret : « La crème de cassis n’a jamais été considérée comme une boisson alcoolisée. Tous les médecins sont d’accord sur ce point141. »

  • 142 JO, séance du 28 décembre 1946, p. 7856.
  • 143 JO, séance du 1er avril 1949, p. 2003 et p. 2007-2008, puis séance du 19 juillet 1950, p. 5591-559 (...)

69Il s’amuse et amuse l’Assemblée à décocher ses flèches contre les députés de Bordeaux à chaque fois qu’il le peut, invitant ainsi Jean-Raymond Guyon à faire ses valises pour venir séjourner à Dijon, et sans qu’il soit nécessaire qu’il apporte une bouteille en cadeau142. Il revient également régulièrement à la charge contre le Grand Théâtre de Bordeaux, évidemment bien plus mal géré que celui de Dijon, faisant également mine de croire que les deux villes ont une population équivalente143.

  • 144 JO, séance du 24 janvier 1957, p. 284.
  • 145 JO, séance du 9 décembre 1952, p. 6075.
  • 146 JO, séance du 30 juin 1948, p. 4183.
  • 147 JO, séance du 18 décembre 1952, p. 6574. Rappelons que l’Office national des forêts préconise un e (...)
  • 148 JO, séance du 3 décembre 1953, p. 5926. Tout ceci pour dire que le monde agricole n’a que faire de (...)

70Il serait fastidieux de relever toutes les allusions à Dijon du député-maire. Signalons que lors du débat sur le tunnel du Mont-Blanc, il pointe six itinéraires possibles qui passent tous très ostensiblement par Dijon, à tel point que les députés en rient : « Je ne peux tout de même pas supprimer les routes passant par Dijon ! » réplique le chanoine144. La description idyllique qu’il fait de la vie politique dijonnaise attire cette exclamation d’Édouard Corniglion-Molinier : « Transférons le Parlement à Dijon145 ! » Le pittoresque atteint son comble lorsque le député convoque tout un cortège de figures locales qu’il connaît toujours très bien. Ainsi un boulanger de l’Est lui a avoué que de la sciure était mêlée à la farine146. Il a aussi des fréquentations plus avouables : « Je connais un charcutier de Dijon qui profitant de ses jours de congé a planté à lui seul 700 000 arbres147 ». Le mieux est évidemment s’il peut citer un couple d’exception : « Nous en connaissons même un [agriculteur] qui a construit un avion pour son compte personnel et dont la femme sait réparer un tracteur148. »

  • 149 Il rappelle deux fois dans l’hémicycle qu’il a sauvé la synagogue de Dijon durant la Deuxième Guer (...)
  • 150 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 169.
  • 151 Guillaume Laporte, Le Chanoine Kir a-t-il existé ?, Dijon, Massebeuf, 1968, p. 102-103.

71Derrière le député-maire qui se met au service de sa population transparaît le prêtre dévoué à ses ouailles, et même la figure du defensor civitatis, fonction que le chanoine a voulu assumer durant la débâcle149 et qui le conduira tout au long de son mandat municipal à exercer toute sorte de fonctions, y compris assurer la circulation au moment où passe un convoi exceptionnel150. Il faut peut-être voir ici la volonté d’effacer l’évêque, avec lequel les relations sont mauvaises depuis que Mgr Sembel a soutenu le RPF Pierre Billotte contre Kir. Lors de la campagne de 1951 a lieu ce dialogue dont le chanoine a le secret. Au cours d’une réunion publique, un électeur – guidé par le général Billotte – demande au chanoine s’il a l’autorisation de l’évêque. La réponse est immédiate : « Et vous, vous me parlez avec l’autorisation de l’évêque ? D’ailleurs [cette question], on te l’a dit ou tu l’as entendu151 ? »

  • 152 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 155-156.
  • 153 JO, séance du 1er octobre 1946, p. 4336 puis séance du 8 avril 1949, p. 2237.

72En 1958, l’évêque de Dijon anéantit les espoirs du chanoine de devenir prélat de Sa Sainteté, ce dernier menaçant alors Mgr Sembel d’interdire les processions dans Dijon152. Un chanoine Kir se situe de toute façon bien au-dessus de son évêque. Il est le vrai pasteur des Dijonnais, du moins, c’est ce qu’il pense en son for intérieur. Ainsi, comme un bon pasteur, il se soucie de son troupeau en le nourrissant. Il conseille aux cheminots grévistes de décharger le bétail sur les trains de marchandises au profit des Dijonnais, et se vante en 1949 d’avoir pu faire baisser le prix de la viande en ravitaillant la capitale bourguignonne en poissons153.

73Il rêve probablement d’assumer une cléricature complète, intégrale, qui lierait le politique au religieux, qui ferait de lui à la fois le défenseur du pape et de Khrouchtchev, des écoles libres et de l’enseignement laïc à Dijon. Il ne craint pas de donner prise à la critique en multipliant les foucades qui le rendent inclassable, alors qu’il est lui-même persuadé d’assumer de manière cohérente le catholicisme intégral qui l’a animé dans l’entre-deux-guerres. De ce point de vue, il n’est pas si éloigné de l’abbé Gau ou de l’abbé Pierre qui avaient le même esprit de conquête évangélique, mais l’outillage intellectuel de ceux-ci, et surtout du député de l’Hérault, bénéficiait de la cohérence du catholicisme social et de la démocratie chrétienne, là où notre chanoine semble désespérément mouliner quelques formules apprises par cœur dans un grand fatras idéologique qui l’expose souvent à la risée de ses collègues. Ses sorties en matière religieuse prêtent en effet à sourire tellement elles paraissent faibles, et théologiquement, et politiquement.

  • 154 JO, séance du 29 août 1946, p. 3427.
  • 155 Ibid. De la « statistique papale » selon le député communiste Ramette.
  • 156 JO, séance du 3 septembre 1951, p. 6792.
  • 157 JO, séance du 6 septembre 1951, p. 6941.
  • 158 JO, séance du 3 septembre 1951, p. 685. L’affaire est d’autant plus savoureuse que le député en qu (...)
  • 159 Ibid., p. 6793.

74Ainsi, il défend l’enseignement libre en évoquant l’abbé Guillaume (de Dijon...) qui aurait instauré dès 1015 « 42 écoles publiques, gratuites, obligatoires154 ». Il s’enferre en dégainant des statistiques abracadabrantesques selon lesquelles sur 47 000 ingénieurs français, 24 000 ont fait leurs Pâques en l’an de grâce 1946155. Il entreprend en septembre 1951, au cœur de la querelle scolaire autour de la loi Barangé, d’illustrer la valeur de l’enseignement libre en rappelant que les frères des écoles chrétiennes ont raflé tous les prix à l’exposition universelle de 1900156. La profession de foi de Volta devient l’ultima ratio que science et religion sont compatibles157. Le chanoine en personne est de toute façon la preuve vivante que les deux enseignements peuvent coexister : il énumère chaque année les écoles publiques qu’il fait construire à Dijon, souligne qu’il préside les fêtes des écoles laïques et que le tronc du mariage de sa ville est destiné à l’enseignement public. Si un député a le front de lui dire que tout ne se passe pas comme à Dijon, il s’entend renvoyer dans « sa région d’anarchos158 ». Plus amène, il écarte l’argument de ceux qui évoquent la situation dans l’Ouest d’une manière assez imparable : « Je sais bien que les voyages forment la jeunesse, mais je ne vais pas parcourir toute la France maintenant159. »

75En 1959, il utilise un argument qu’il juge irrécusable – et qu’il a déjà fourbi onze ans plus tôt – pour montrer la nécessité de la défense de l’enseignement libre, alors que la loi Debré entre en discussion :

  • 160 JO, séance du 23 décembre 1959, p. 3636. « Non, n’en faites rien ! » supplie alors l’extrême gauch (...)

L’école laïque peut répondre à toutes les questions selon Binot. Je lui ai répondu « Mon pauvre Binot, vous ne pouvez même pas expliquer pourquoi nous sommes en 1948. » La laïcité ne peut pas répondre à de telles questions. Or, il y en a des centaines d’autres, il y en a des milliers que je pourrais énumérer160.

  • 161 Ibid.

76Les religieuses aux États-Unis sont convoquées comme parangons de tolérance puisque le chanoine Kir les a vues à Dallas « faisant la classe à des petits noirs et leur enseignant le fétichisme161 ».

77C’est dans l’affaire Finaly – des enfants juifs baptisés par la famille les ayant recueillis – que le malheureux chanoine se met le plus en difficulté, dans un argumentaire sans queue ni tête, presque pathétique, mais où surnagent personnalisme et libéralisme catholique :

  • 162 JO, séance du 24 mars 1953, p. 2235-2236.

Soyons sérieux, mes chers collègues, imagine-t-on vraiment que l’Église catholique va chercher à racoler un ou deux gosses sous je ne sais quelle latitude ! [...]
Vous conviendrez, mesdames, messieurs, que si j’ai voulu sauver la synagogue de Dijon, c’est pour que les israélites puissent continuer à venir y prier. [...]
Nous respectons la personnalité humaine et la liberté de chacun.
On demande au Saint-Siège d’intervenir. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’apercevoir le Pape, mais je vous assure que, ne serait-ce qu’au simple point de vue humain, c’est un grand monsieur. Je l’ai entendu dans une seule soirée faire sept discours dans sept langues différentes. Il y a bien des avocats, monsieur de Moro-Giafferri, qui ne pourraient en faire autant162.

  • 163 JO, séance du 26 janvier 1950. Mais le chanoine a le sens de la répartie : « Je n’y vois pas d’inc (...)
  • 164 Respectivement séances du 20 mai 1948, p. 2795, du 8 novembre 1949, p. 6007 et du 28 novembre 1956 (...)

78C’est un point ici pénible. Le chanoine Kir, dernier prêtre en soutane de l’Assemblée nationale, a souvent mis les rieurs de son côté, mais il a aussi été l’objet de moquerie. Marius Patinaud ne cache pas qu’il est la risée de l’Assemblée : « Monsieur le chanoine Kir, le jour où nous aurons envie de passer une bonne soirée en riant, nous vous inviterons163. » Il sert à amuser les députés : le stalinien Georges Cogniot refuse toute interruption, sauf de la part du chanoine. Quand il ne fait pas rire, il consterne ou énerve. Il multiplie les bévues qui font douter de ses compétences : il confond local professionnel et local commercial ; pose une question sans objet car il n’écoute pas l’orateur ; sort des chiffres totalement périmés sur les salaires des fonctionnaires164. Plusieurs fois il est rappelé à l’ordre par le président, qui lui intime de se taire ou menace, ce qui vexe le chanoine au plus haut point, de ne pas consigner son intervention au compte rendu des débats.

  • 165 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 249.
  • 166 JO, séance du 6 décembre 1962, p. 2.

79En effet, le chanoine adore la tribune, et c’est dire s’il savoure le double honneur qui lui est fait d’ouvrir la première séance de la Ve République puis celle de la deuxième session. Le discours du doyen d’âge à chaque nouvelle année parlementaire est supprimé spécifiquement pour lui éviter de prendre la parole en 1959165. Il outrepasse ce que doit dire un doyen d’âge pour faire un grand discours programmatique qui change peu entre 1958 et 1962, mais dans lequel il réussit à concilier ses idées, sa personnalité et la nécessaire hauteur de vue d’un tel discours. Ce sont bien ces deux harangues qu’il faut conserver si l’on veut entretenir favorablement la mémoire du chanoine. Il ne met pas sous le boisseau ses convictions, notamment la paix, et dit clairement quelques idées simples qui témoignent, enfin, d’une pensée plus cohérente que ses prises de paroles désordonnées au fil d’un quart de siècle de vie parlementaire. Il rappelle que la démocratie est politique mais qu’elle doit aussi devenir « essentiellement économique et hardiment sociale » car « la justice sociale est le meilleur support d’une démocratie libre166 ». En 1958, il insiste sur la situation algérienne et l’espoir « d’une solution libérale et désormais pacifique ». Il loue la réunion dans l’hémicycle de députés de différentes origines ainsi que la fin du colonialisme. S’il reste dans le schéma assimilationniste, ses paroles n’en sont pas moins dignes et empreintes d’un sincère sentiment de fraternité.

80Mais le chanoine Kir réussit le tour de force d’appeler la bénédiction de Dieu sur le nouveau régime, avec ce mélange de bonhomie et de tolérance qui rendent évidentes et acceptables de telles prémices. On notera l’humour avec lequel il introduit le registre religieux qui lui permet de glisser vers une plus grande solennité :

  • 167 JO, séance du 9 décembre 1958, p. 3.

Souvent, en des heures d’insomnie, il m’arrive d’entrevoir une civilisation idéale qui, sans avoir besoin de formules officielles moroses, appliquerait le message divin : « Tu ne voleras pas, tu ne tueras pas, tu rendras service à ton prochain même s’il ne t’est pas sympathique. »
Ainsi, vous ne serez pas étonnés qu’en raison de l’habit que je porte, dans ce pays libre où constitutionnellement toutes les croyances sont respectées, face aujourd’hui à des collègues catholiques, protestants, israélites et musulmans, face aux représentants de toutes les expressions de la spiritualité, et je ne veux en oublier aucune, le vieux prêtre et le républicain tolérant que je suis, invoque l’aide de Dieu en cette première séance de notre Assemblée nationale. (Vifs applaudissements.)167

  • 168 JO, séance du 6 décembre 1962, p. 3.

81L’invocation à l’aide de Dieu est renouvelée en 1962 « pour que se réalise, dans la fraternité des hommes, la paix universelle168 ».

82Le chanoine réussit alors à faire l’unanimité en se posant en vieux prêtre républicain, dont la soutane affirme sans ambiguïté l’identité, mais dont la présence dans l’hémicycle confère un caractère d’union sacrée dans une République tolérante. Un seul député se risque à interrompre le chanoine Kir durant son allocution de décembre 1962, sur un ton mi-amusé mi-excédé devant le pacifisme intégral du maire de Dijon. Il s’agit d’Hervé Laudrin, qui représente le Morbihan. La ruse de la raison réside dans le fait que lui aussi appartient à l’état ecclésiastique, prêtre du diocèse de Vannes. C’est le dernier prêtre député de l’Assemblée nationale et il ne goûte pas du tout le folklore Kir, marquant ici une rupture générationnelle.

Distinction des plans et conservatisme gaulliste : les abbés Viallet et Laudrin

  • 169 L’abbé Laudrin donna le 8 avril 1976 une conférence au très droitier Club de l’Horloge, fondé deux (...)

83La dernière génération des prêtres compte deux représentants, l’abbé Viallet, député de la Lozère, et l’abbé Laudrin, député du Morbihan. Ils siègent respectivement de 1956 à 1962 et de 1958 à 1977. Ils présentent comme point commun d’être profondément intégrés à leur circonscription (comme le furent les abbés Kir et Gau), mais d’être beaucoup plus orthodoxes politiquement, fidèles à la formation à laquelle ils appartiennent, bien loin du gyrovague Kir. Ils incarnent une figure du prêtre beaucoup plus conservatrice que les démocrates-chrétiens progressistes que furent les abbés Gau et Pierre169. Ils marquent ainsi une rupture avec l’intégralisme catholique, se montrant beaucoup plus réservés en matière religieuse que les trois précédents et cherchant à mettre en avant leur ancrage local, partisan et politique beaucoup plus que leur identité de prêtre.

  • 170 Félix Viallet & Charles Alméras, Peyrebeille : la légende et l’histoire de l’Auberge sanglante, La (...)

84L’abbé Viallet a été profondément lié à Langogne. Il y naît en 1912, dans un milieu très modeste puisque son père est journalier. La mort de celui-ci sur le front, à la Côte du Poivre en juillet 1917, conduit la République à prendre le futur abbé Viallet sous sa protection. C’est un brillant étudiant, au séminaire de Mende puis à l’Institut catholique de Toulouse. Devenu prêtre, mais aussi professeur agrégé de lettres classiques, il revient à Langogne. Directeur des études au collège de Langogne, il s’engage dans l’armée en 1939 et entre en politique en 1945 en tant que conseiller municipal. Dès 1947, il assume les fonctions de premier adjoint puis devient maire de Langogne de 1959 à 1976. Son enracinement local se double d’un siège de conseiller général conquis en 1947 et conservé jusqu’en 1967. Il est vice-président du conseil général de 1953 à 1957. Son enracinement comprend également un volet érudit : pilier des sociétés savantes lozériennes, il publie plusieurs ouvrages ou opuscules ayant trait à sa région, et particulièrement à Langogne, dont un sur la fameuse « Auberge rouge170 ».

  • 171 François Ars, « L’abbé Hervé Laudrin (1902-1977), parcours d’un prêtre en politique », Les Cahiers (...)

85En toute justice, la ville de Langogne a honoré son ancien premier magistrat d’une rue. Locminé a préféré donner le nom de l’abbé Laudrin au gymnase municipal. Elle fut la ville natale d’Hervé Laudrin, mais aussi la municipalité dont il fut maire. Né en 1902 d’un père boulanger, il fait ses études au séminaire Saint-Anne d’Auray et est ordonné en 1929. Prêtre à Saint-Louis, il se fait remarquer en fondant le Centre d’éducation physique (CEP) de Lorient qui forme plus de 2 000 jeunes ; il y promeut le club de football ce qui permet au CEP de Lorient de recevoir le titre de meilleur club de France de la part de L’Équipe en 1948171. L’abbé Laudrin se fait remarquer par une attitude héroïque lors de la Seconde Guerre mondiale : comme l’abbé Viallet, il s’engage en 1939 comme capitaine-aumônier. Revenu à Lorient, il ne cache pas son hostilité à l’occupant dans ses sermons, tout en participant au réseau Castille, affilié à celui du colonel Rémy. Trop compromis, il rejoint Alger par l’Espagne et retrouve sa fonction d’aumônier au sein des FFL. Envoyé en mission en Syrie et en Palestine, il participe à la campagne d’Italie – ce qui lui permet d’être reçu en audience brièvement par Pie XII –, au débarquement en Provence et s’avance avec la 9e division d’infanterie coloniale jusqu’en Allemagne. C’est ainsi qu’il est décoré personnellement de la Légion d’honneur par le général de Gaulle à Stuttgart le 19 mai 1945.

86Le retour à la routine du sacerdoce est difficile. Il est mis sur la voie de l’engagement politique par l’abbé Desgranges qu’il connaît bien car ce dernier fut député de Vannes de 1928 à 1940. Il ne le suit toutefois pas dans la dénonciation du « résistantialisme » qui marque les années d’après-guerre du chanoine. Il met toute son énergie dans le sport jusqu’à ce qu’il sente en 1958 que le général de Gaulle, auquel il reste passionnément fidèle, a besoin de lui. Vice-président du Comité morbihannais pour le retour aux affaires du général de Gaulle, il adhère à l’UNR, dont il devient un pilier, et est élu député en octobre 1958. Il conserve son siège jusqu’à sa mort brutale, entre les deux tours des municipales de 1977.

  • 172 JO, séance du 22 janvier 1957, p. 190.
  • 173 JO, séance du 2 juillet 1959, p. 1275.
  • 174 JO, séance du 29 avril 1967, p. 727-730, mais aussi du 10 octobre 1967, p. 3455.
  • 175 JO, séance du 23 mai 1967, p. 1249.

87L’engagement politique de l’abbé Viallet se fait également sous le signe d’un gaullisme impénitent. Il est plus précoce puisque c’est la naissance du RPF qui enflamme le Langonais. Adhérent dès 1947, il appartient au Conseil national du RPF de 1949 à 1951, puis rejoint l’UNR en ayant fait le détour par les Républicains sociaux de Chaban. Homme de droite, il entretient d’excellentes relations avec le CNI qui lui permet d’accéder à la députation en 1956. L’abbé Viallet défend en 1957 « une Europe confédérale unie », « formée d’États indépendants organisés172 » et qui doit s’étendre au-delà du « rideau de fer ». C’est l’abbé Viallet qui s’exprime au nom de l’UNR pour expliquer pourquoi le groupe votera les crédits d’éducation173. L’abbé Laudrin se fait quant à lui le défenseur passionné de la politique agricole de l’UNR, notamment en 1967, fustigeant (une fois parmi d’autres) François Mitterrand174. Il félicite également Maurice Herzog pour la politique de la jeunesse menée par le gouvernement175. L’abbé Laudrin se fait, du reste, une double spécialité des questions agricoles et des questions sportives, sur lesquelles il intervient de nombreuses fois.

  • 176 JO, séance du 28 janvier 1958, p. 320. L’amendement avait pour objectif d’exclure de l’éligibilité (...)
  • 177 JO, séance du 24 juin 1960, p. 1516-1519.
  • 178 JO, séance du 9 novembre 1961, p. 4175.

88Les deux hommes partagent également un engagement favorable à l’Algérie française jusqu’au retournement gaulliste. L’abbé Viallet voit même un de ses amendements sur l’Algérie repris par Jean-Louis Tixier-Vignancour176, figure de l’extrême droite, après qu’il a choisi de le retirer. De son côté, l’abbé Laudrin dénonce à plusieurs reprises les organisations de jeunesse qui font le choix d’afficher des convictions anticoloniales177. Le capitaine-aumônier refuse également que l’on s’abrite derrière une pseudo-question de conscience pour refuser de servir son pays178.

  • 179 JO, séance du 8 juin 1960, p. 1198.
  • 180 Recueil des textes authentiques des programmes et engagements électoraux des députés proclamés élu (...)
  • 181 JO, séance du 23 juillet 1968, p. 2488.
  • 182 JO, séance du 3 décembre 1975, p. 9266.

89Enfin, ces deux hommes, enracinés dans un terroir, en défendent les intérêts. L’abbé Viallet dépose ainsi un amendement en faveur du maintien des activités agricoles dans les parcs nationaux, que balaye le gouvernement qui ne veut pas figer les populations dans des « activités dépassées179 ». Les choses sont encore plus marquées pour l’abbé Laudrin qui proclame dans sa profession de foi de 1967 qu’« il faut y être né [en Bretagne] pour la comprendre et la défendre180 ». Si l’abbé Laudrin a regretté en 1941 le démembrement de la Bretagne du fait de l’exclusion de la Loire-Atlantique – ce qui met la Saint-Pierre, club nantais, en dehors du football breton –, il n’en demeure pas moins un ennemi irréductible des autonomistes bretons. Il refuse l’amnistie pour les autonomistes de 1940 réfugiés en Irlande181. Le patriotisme vigoureux de l’abbé Laudrin, qu’il articule avec une défense sans faille de la Bretagne, excite le FLB qui commet, le 8 juillet 1975, un attentat à Locminé tourné contre le presbytère et l’église. L’abbé Laudrin en profite pour vilipender les socialistes bretons – il vise particulièrement Le Pensec – qui flirtent avec le séparatiste gallois David (ou Dafydd) Wigley, protecteur des indépendantistes bretons en exil182. Cela donnera plusieurs échanges tendus. Curieusement, il ne s’en prend pas aux prêtres qui ont rejoint le FLB, comme le recteur Le Breton (1913-2000). Il est vrai que l’abbé Laudrin intervient en Breton fidèle à la France et non en tant que prêtre.

  • 183 Rapport nº 3488 présenté par l’abbé Viallet le 7 décembre 1957.
  • 184 Fonds d’orientation et de régularisation des marchés agricoles, dont l’abbé Laudrin est un spécial (...)
  • 185 Barodet, 1956.
  • 186 Barodet, 1958.
  • 187 Rapport nº 5965 du 26 novembre 1957.
  • 188 Rapport nº 6790 du 4 mars 1958. Le ministère des PTT se contenta de réimprimer le timbre à l’effig (...)

90Les deux hommes partagent également la même vision de la députation. Sans nier leur état ecclésiastique, ils font le choix de séparer clairement le clerc et le député. Ils représentent la nation, d’où le choix de s’afficher dans une maîtrise technique de dossiers totalement séculiers comme l’organisation de jeux de l’Union française183 ou le FORMA184. Nous sommes loin des figures d’un abbé Pierre ou d’un abbé Gau qui voulaient omnia instaurare in Christo. Au contraire, les deux députés se refusent d’être cantonnés à une identité cléricale. Les professions de foi de l’abbé Viallet sont signées « Abbé Viallet, Félix. Professeur. Vice-président du Conseil général, adjoint au maire de Langogne185 » puis « Abbé Félix Viallet. Député sortant. Vice-président du Conseil général186 ». À deux reprises seulement, il aborde un domaine religieux à l’Assemblée, pour demander la célébration du centenaire de la naissance du père Charles de Foucauld, avant tout pour exalter la civilisation française dans son œuvre outre-mer187, et pour proposer l’édition d’un timbre commémorant le centenaire des apparitions de Lourdes, essentiellement pour satisfaire la masse des pèlerins188.

  • 189 JO, séance du 5 juin 1962, p. 1466.
  • 190 JO, séance du 2 novembre 1966, p. 4125. Arthur Cornette est député socialiste du Nord.
  • 191 JO, séance du 19 juin 1975.

91L’abbé Laudrin déteste qu’on lui rappelle sa cléricature, même s’il ne met pas sa foi sous le boisseau. Il souligne ainsi les efforts de l’Église de Marseille pour accueillir les rapatriés d’Algérie189. Il défend l’enseignement catholique. Comme le fait remarquer le député Arthur Cornette, c’est bien le seul débat où l’abbé Laudrin et le chanoine Kir interviennent de conserve « alors qu’ils n’ont pourtant pas l’habitude d’être d’accord entre eux190 ». Lorsque l’abbé Laudrin estime que le député communiste Jack Ralite caricature l’enseignement catholique, il réplique vertement : « Je serais donc, moi qui n’ai fréquenté que l’enseignement privé, dépourvu d’esprit critique, de savoir, de méthode de pensée et de travail, qualités que vous, vous possédez et dont vous venez de donner une preuve éclatante191. »

  • 192 JO, séance du 9 novembre 1961, p. 4175-4176.

92De manière générale, l’abbé Laudrin déteste lorsque des députés de gauche tentent de convoquer la religion catholique pour prouver leur point de vue. Il accuse de « sentimentalisme192 » Claudius-Petit qui soutient les prêtres de sa circonscription opposés à la guerre d’Algérie. Il s’insurge que François Billoux cite Pacem in Terris pour refuser le traité de l’Élysée. Il reprend Georges Marchais, qui tente de séduire les catholiques, en rappelant la situation des évêques en Roumanie.

  • 193 JO, séance du 9 octobre 1973, p. 4176.

Si demain vous étiez au pouvoir, les écoles libres seraient fermées. Vous l’avez écrit.
Vous interdiriez aux prêtres toutes fonctions de responsabilité de même que vous ne permettriez pas à un abbé comme moi d’être député, à moins qu’il ne fasse allégeance à votre parti.
Croyez-moi, votre miséricorde, nous n’en avons pas besoin. Et attention à la crosse des évêques193 !

  • 194 Ses interventions ont été publiées dans cet article : Sabine Rousseau, « L’affaire de La Religieus (...)
  • 195 JO, séance du 29 avril 1966, p. 1034-1039.

93C’est au moment du débat sur l’interdiction du film de Jacques Rivette, La Religieuse, que l’abbé Laudrin se montre le plus virulent et le plus ouvertement prêtre de combat194. Il n’est pas inscrit pour prendre la parole, mais intervient 19 fois pour interrompre les orateurs, voire vitupérer, à tel point que le président doit le rappeler à l’ordre. L’abbé ne supporte pas que ses contradicteurs s’abritent derrière des figures catholiques comme le père Motte, le père Lepoutre, l’abbé Oraison ou François Mauriac pour demander la levée de l’interdiction195.

  • 196 Cité par François Ars, « L’abbé Hervé Laudrin... », art. cité, p. 318.
  • 197 JO, séance du 21 juin 1971, p. 3177.

94Mais une telle sortie ne doit pas conduire à penser que le député Laudrin agit au nom de l’Église. Au contraire, ce genre de supposition l’exaspère. Lorsque le président du conseil général du Morbihan lui donne trop de « Monsieur l’abbé », ce dernier répond par « Monsieur le Vicomte196 ». S’il défend l’enseignement libre, c’est « en son nom personnel » et il n’a reçu « sur ce point aucune directive197 ». Le débat sur l’interruption volontaire de grossesse permet une véritable profession de foi politico-religieuse de l’abbé :

Je ne suis investi d’aucune mission spéciale par quiconque [...]. S’il existait vraiment un parti catholique, j’imagine que j’en aurais été averti. J’ai même l’impression que depuis plusieurs années déjà, je suis le seul ecclésiastique de notre Assemblée et même si vous me permettez l’expression, le seul vicaire de cette curieuse paroisse !
Parti politique, parti catholique, les deux expressions se contredisent et la réalité est tout autre. Il ne viendrait jamais à l’idée de quiconque sous peine d’échec, de regrouper les croyants qui s’opposent à un texte ? [...] Nous n’avons même pas osé constituer en France – et c’est heureux à mon avis – comme dans les autres pays occidentaux une démocratie appelée « chrétienne ». Il faut, avec certains théologiens, condamner ce mariage de mots.

  • 198 JO, séance du 27 novembre 1974, p. 7128-7129.
  • 199 Ibid., p. 7129.

95Il destine explicitement cette tirade au garde des Sceaux, Jean Lecanuet198. Il enfonce le clou en insistant sur le fait que ses positions concernant l’interruption volontaire de grossesse découlent de sa philosophie politique, même s’il se fend d’une allusion à la transcendance et au sixième Commandement : « La société ne possède aucun droit de mort sur les personnes qui la forment, sauf en cas de légitime défense. Par conséquent, en aucune manière et sous aucun prétexte elle ne saurait déléguer un droit qu’elle ne possède pas. » Et il ajoute : « Je ne m’appuie pas sur le fait que les évêques ou le Pape ont parlé clairement199. »

96Cette volonté d’indépendance par rapport au magistère pose la question des relations entre l’évêque et le député. L’abbé Viallet dut s’incliner devant le refus ferme de son évêque, Mgr Boudon, de lui permettre de se représenter en 1962. Jean Foyer a laissé un récit de l’affaire dans sa préface à l’ouvrage de Jean Pascal :

  • 200 Jean Foyer, « Préface », dans Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, op. cit., (...)

En 1962, son évêque l’empêcha de se représenter. Assistant M. Couve de Murville à l’ouverture du Concile, j’avais été chargé par le Premier ministre de demander à Mgr Boudon de bien vouloir lever son interdiction. Je le fis au cours d’une réception à la villa Bonaparte. Je me heurtais à un refus insurmontable. [...] L’abbé Viallet n’est pas un prêtre à désobéir à son évêque. Il s’inclina200.

  • 201 Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, op. cit., p. 362.
  • 202 Barodet, 1956.

97Pourquoi Mgr Boudon a-t-il alors permis à l’abbé Viallet de se représenter en 1958 ? Peut-être se sentait-il moins assuré car venant d’accéder à l’épiscopat – en avril 1957 –, mais plus probablement201, l’abbé Viallet a profité du maelstrom de l’année 1958 pour s’affranchir de l’autorisation de l’ordinaire, se contentant de l’absence d’explicite interdiction. Au contraire, Mgr Pirolley, prédécesseur de Mgr Boudon et marqué dans sa jeunesse par l’Action française, encourage l’abbé Viallet à se présenter en 1956 pour accomplir une mission : évincer Gilbert de Chambrun. Ce député issu d’une grande famille appartient au progressisme chrétien et sème la confusion. La profession de foi de l’abbé Viallet ne cache rien de son hostilité contre le noble rouge : « Sous le masque du progressisme chrétien, il camouflait un communisme actif, profondément anticatholique202. »

  • 203 Dominique-Marie Dauzet & Frédéric Le Moigne (dir.), Dictionnaire des évêques de France au xxe sièc (...)
  • 204 Barodet, 1958.
  • 205 Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, op. cit., p. 375.
  • 206 François Ars, « L’abbé Hervé Laudrin... », art. cité, p. 316.

98Quant à l’abbé Laudrin, il se présente en 1958 avec l’appui de l’évêque. Mgr Eugène Le Bellec n’a pas apprécié le MRP et s’est retrouvé proche du RPF du fait des questions scolaires si vives dans l’Ouest203. Il admire le courage du résistant et, après avoir hésité, donne à l’abbé Laudrin l’autorisation canonique que celui-ci revendique dans la profession de foi de 1958 : « Autorisé par mon évêque, comme l’exige le droit canonique [...]204 ». Aucune des quatre autres professions de foi ne fait référence à cette autorisation, car il estime qu’elle est tacitement reconduite205, ou du moins le laisse croire. Les relations avec le successeur de Mgr Le Bellec se révèlent plus tièdes, et même conflictuelles. Lorsque des confrères du clergé vannetais lui demandent s’il a l’autorisation de Mgr Boussard pour se représenter, il frappe sa poche en indiquant qu’elle est là. Mais il omet de dire qu’elle formule un refus qu’il prend sur lui d’outrepasser206 !

  • 207 Jean-Pierre Delannoy, Les Religions au Parlement français, Paris, Éditions du Cerf, 2005, p. 65.

99La mort de l’abbé Laudrin frappe les esprits : il disparaît entre les deux tours des municipales, terrassé dit-on de ne pas avoir été réélu dès le premier tour maire de Locminé. C’est ainsi que son suppléant, Jean Pascal, onze ans après la mort de son mentor, dresse le constat de la disparition de la figure du prêtre député à travers le volume plusieurs fois évoqué ici. Cependant, en 2005, Jean-Pierre Delannoy note que le Sénat compte en ses rangs un frère du Sacré-Cœur, Robert Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna de 1998 à 2020207. Ce fut une spécificité des territoires d’outre-mer que de souvent choisir des hommes de Dieu pour se faire représenter au Parlement de la métropole.

La filière de l’outre-mer

1001945 représente une rupture dans l’histoire des colonies françaises. Elles disparaissent en tant que telles pour être remplacées par l’outre-mer. Les nouvelles relations doivent se dérouler dans le cadre de l’Union française. Les sujets sont remplacés par des citoyens. De ce fait, un nouveau mécanisme électoral se met en place dès les Assemblées consultatives de 1945 et 1946 pour permettre aux populations d’outre-mer d’être associées à l’œuvre de reconstruction nationale.

101La faiblesse des cadres indigènes, le rôle charnière des missionnaires, la rénovation incarnée par le MRP expliquent le large succès des clercs dans ces premières élections des années 1945-1946. On dénombre 4 prêtres ou pasteurs élus, tous affiliés au MRP : le père Aupiais en 1945 pour le Dahomey, aussitôt remplacé par le père Bertho du fait de son décès en 1945, l’abbé Boganda envoyé par l’Oubangui-Chari, lui qui fut le premier prêtre indigène de cette région et enfin le pasteur Vernier des Territoires français du Pacifique.

  • 208 Jean-Michel Vasquez, « Le R.P. Francis Aupiais, missionnaire, ethnographe et député », Histoire, m (...)
  • 209 « Profession de foi du père Aupiais pour les élections législatives d’octobre 1945 (archives SMA R (...)

102Le père Aupiais (1877-1945) occupe une place à part : il fut d’une part le premier prêtre missionnaire élu pour représenter l’Afrique et d’autre part, sa disparition rapide laisse en suspens son action politique. Son élection a fait l’objet d’une étude très complète de Jean-Michel Vasquez à laquelle nous renvoyons208. Il y apparaît bien comme le produit de la missiologie de Libermann : se mettre au service des Africains. Il se sent porté par les « évolués » qui ont rejoint le premier collège. Membre de la Société des missions africaines, le père Aupiais est envoyé en 1902 au Dahomey, où il prend fait et cause pour les Africains. Missionnaire en marge des idées dominantes, il reconnaît les croyances africaines comme de vraies religions. Dénonçant de manière permanente le travail forcé, il importune les autres missionnaires qui s’en accommodent pour bénéficier de la bienveillance de l’administration coloniale. Revenu en France, il s’affirme comme le meilleur connaisseur du monde dahoméen. Il est éloigné de Paris par le président Doumergue en 1931 à cause de l’exposition coloniale, du fait de la tonalité très critique de ses conférences, qui sont même interdites. Envoyé dans les Landes, à Tarnos, il vit cette relégation comme un exil. Réélu provincial de Lyon, il retrouve une visibilité sociale et scientifique en devenant membre en 1937 de l’Académie des sciences coloniales. Sa candidature inhabituelle à l’Assemblée s’explique en 1945 par le caractère très novateur du scrutin. Le missionnaire se trouve à l’interface de la métropole et des indigènes, dans une position clé. Séduit par Vichy puis par l’esprit d’assimilation de la conférence de Brazzaville, le père Aupiais présente un profil politique peu marqué qui en fait une figure consensuelle bien pratique. Il affirme sans ambages que c’est bien parce qu’un missionnaire « serait à sa place à l’Assemblée constituante » qu’il se présente devant les suffrages des Dahoméens, étant donné que « les missionnaires ont des méthodes de travail qui les mettent au premier rang des colonisateurs ». Il assure disposer du soutien de sa congrégation et de ses « supérieurs ecclésiastiques, le Nonce compris ». C’est donc par esprit d’obéissance qu’il accepte de devenir député, « un grand bonheur en même temps que la récompense d’une vie missionnaire209 ».

  • 210 Laurick Zerbini, « Écriture photographique de Jacques Bertho. Un conservatoire des architectures d (...)
  • 211 Nécrologie du père Bertho sur le site de la Society of African Mission (SMA), en ligne : https://d (...)
  • 212 JO, séance du 15 mars 1946, p. 829.
  • 213 « Profession de foi du père Aupiais pour les élections législatives d’octobre 1945 (archives SMA R (...)

103La même logique préside au remplacement du père Aupiais par le père Bertho (1902-1990) : lui aussi appartient à la Société des missions africaines, lui aussi représente le Dahomey au nom du MRP et lui aussi partage la vision émancipatrice de l’idéal colonial refondé dans l’esprit de la Libération. Le père de Jacques Bertho, sacristain et chantre, a légué à son fils une foi profonde. Ordonné prêtre en 1928, il arrive au Dahomey en 1929, rédige un catéchisme en gengbé puis un missel en éwé. Il laisse un corpus de 3 000 photographies conservées à Lyon par la Société des missions africaines210. Il est désigné par les évêques de l’AOF comme représentant fédéral des écoles catholiques auprès du gouverneur général. Il est donc sollicité par les Dahoméens pour succéder au père Aupiais, ce qu’il accepte après l’accord de Mgr Parisot, vicaire apostolique du Dahomey, et de Mgr Strebler, vicaire apostolique du Togo211. Son élection n’est validée que le 20 mars 1946 et le député Bertho appartient aussitôt à la Commission des territoires d’outre-mer. Dès le 15 mars, il avait pu s’exprimer dans l’hémicycle pour signaler que sa candidature avait été largement soutenue par des instituteurs indigènes laïcs212. Il établit le 19 septembre 1946 un rapport en faveur d’une caisse de retraite au Togo. Il se situe politiquement dans le sillage du père Aupiais : ce dernier entendait privilégier l’économique qui « conditionne et régit presque directement le social, le familial213 ». Il a l’occasion de dévoiler son credo colonial dans une déclaration solennelle qu’il fait le 26 mars 1946, et qui est restée dans la mémoire comme les « 15 vœux du père Bertho » :

  • 214 JO, séance du 26 mars 1946, p. 1057.

1° Nous demandons que la justice et la liberté soient assurées à tous sans considération de couleur, de race, de parti ou de croyance.
2° Que le cultivateur indigène, principal créateur de la richesse du pays, soit encouragé, qu’il puisse dans la liberté, faire croître dans son champ les cultures vivrières et industrielles de son choix, qu’un prix rémunérateur soit attribué à ses produits pour lui permettre de vivre convenablement et de subvenir aux besoins de sa famille214.

  • 215 « Profession de foi du père Aupiais pour les élections législatives d’octobre 1945 (archives SMA R (...)
  • 216 JO, séance du 26 mars 1946, p. 1057.
  • 217 Nécrologie du père Bertho, art. cité.

104Ce deuxième vœu comporte en creux la dénonciation du système colonial : travail forcé, cultures imposées au nom des intérêts du négoce métropolitain, prix fixé par les acheteurs européens. Le premier exprime l’espoir de remettre la colonisation sur de bons rails, ceux d’une fraternité entre les Français et les Africains. Le père Aupiais appelait de ses vœux qu’il y ait « entre les Blancs et les Noirs des hommes qui se trouvent à égale distance les uns des autres215 ». Suivent sept autres vœux qui traduisent la nécessité d’une refondation des relations économiques. La colonisation doit être facteur de progrès matériel : le dixième vœu porte sur le développement de la santé et le quinzième sur la mise en place d’un véritable urbanisme dans les quartiers indigènes. Député à l’écoute de ses électeurs « évolués », le père Bertho propose comme douzième vœu d’affecter les sages-femmes et les institutrices célibataires dans leur région d’origine pour qu’elles puissent s’y marier alors que le treizième demande de ne pas séparer les ménages de fonctionnaires. Le père Bertho n’oublie pas qu’il est missionnaire : le onzième vœu encourage la monogamie « garantie d’une meilleure natalité, de la sauvegarde des bébés et de la bonne éducation des enfants216 » et le quatorzième porte sur la liberté de l’enseignement. Ces vœux traduisent bien la vision du rôle clé des Africaines éduquées dans la transmission de la foi, d’où l’intérêt pour des couples stables et monogames de fonctionnaires indigènes. L’esprit émancipateur se retrouve en octobre 1946 alors que Jacques Bertho, réélu, se dit favorable au collège électoral unique et qu’il apporte son entier soutien au projet de loi Lamine-Gueye pour établir l’égalité complète entre indigènes et Français. Au fil de ses deux courts mandats, le père Bertho apparaît comme une émanation du monde de la mission plus que du MRP. Lorsqu’il défend la liberté de l’enseignement, il prend garde de dire que ce n’est que pour le monde de l’outre-mer. Il aurait aimé se représenter en 1946, mais d’autres missionnaires délégués à l’assemblée provinciale l’en empêchent. Il obtempère mais retrouve la vie politique en entrant dans le grand Conseil de l’AOF en 1952217.

105Les pères Aupiais et Bertho se retrouvent une nouvelle fois associés dans l’hommage que leur rend en 2016 Le Matinal, quotidien béninois, ce qui montre à quel point ils ont marqué l’histoire de leur pays :

  • 218 Jean-Claude Kouagou, « Interview du Premier ministre dans L’Express : Lionel Zinsou s’est crucifié (...)

Ce pays, le Dahomey, aujourd’hui Bénin, a sollicité et a élu avec enthousiasme Francis Aupiais et Jacques Bertho comme ses premiers députés à l’Assemblée nationale française en 1946 [sic]. Ils étaient des « Blancs » d’origine. Mais ils parlaient les langues dahoméennes, étaient contre les humiliations de leurs compatriotes dahoméens, encourageaient les espérances. [...] Ils aimaient les Dahoméens et les Dahoméens les aimaient218.

  • 219 Pierre Kalck consacre un chapitre au député dans sa biographie : Pierre Kalck, Barthélemy Boganda  (...)

106Barthélemy Boganda (1910-1959) se place dans le prolongement de ce mouvement : prêtre africain, il a été poussé en 1946 à la députation par l’Église missionnaire et rejoint le MRP, qu’il quitte en 1950 au moment même où il abandonne l’état ecclésiastique pour se marier219.

  • 220 Lettre de Mgr Grandin à Mgr Biéchy, 19 octobre 1946, cité par Jean-Dominique Pénel, Barthélemy Bog (...)
  • 221 Ibid. Le Dr Aujoulat est député MRP du Togo, spécialiste des questions coloniales.

107L’abbé Boganda est dans un premier temps promu par le vicaire apostolique de l’Oubangui-Chari, Mgr Marcel Grandin, afin d’une part de permettre aux Africains de l’AEF d’être représentés et, d’autre part, de contrer le PCF et la SFIO. Et c’est le vicaire apostolique qui « casque ce qu’il faut » pour que la campagne réussisse220. C’est un succès. « Bien encadré par le Dr Aujoulat221 », l’abbé Boganda rejoint le MRP. Mais celui qui fut le premier bachelier et le premier prêtre indigène de l’Oubangui-Chari n’a rien d’une marionnette. Il a été marqué dans la chair par le colonialisme : son père est mort lors des opérations de « pacification », sa mère a été battue à mort pour ne pas avoir apporté assez de caoutchouc à la compagnie concessionnaire, alors que son oncle qui l’a élevé trouva la mort à Verdun comme tirailleur. L’abbé Boganda porte donc en lui la haine du colonialisme. On ne s’étonnera pas que sa première intervention condamne vertement le colonialisme, avec des accents de prédicateur, alors qu’il se définit avec provocation devant les députés comme un « primitif » :

  • 222 JO, séance du 4 août 1947, p. 3895.

Mesdames, Messieurs, ma qualité d’Africain et d’Aéfien m’a fait choisir par le Mouvement républicain populaire pour faire le procès, et j’espère aussi l’oraison funèbre d’un vieux monsieur qui se meurt d’épuisement depuis plusieurs années déjà. Je désirerais pour ma part que sa mort fût subite et foudroyante.
M. Senghor. — Quelle charité chrétienne !
M. Boganda. — Mais, hélas : le colonialisme se cramponne encore à la vie222.

  • 223 Rapport nº 2135 cité par Jean-Dominique Pénel, Barthélemy Boganda, op. cit., p. 162-167.
  • 224 Congrès national du MRP, 14 mars 1947, dans ibid., p. 124.
  • 225 Lettre de Barthélemy Boganda à Mgr Cucherousset, 1er décembre 1949, dans ibid., p. 241.
  • 226 JO, séance du 24 avril 1951, p. 3863.
  • 227 Didier Bigo, Pouvoir et obéissance en Centrafrique, Paris, Karthala, 1988, p. 40.

108L’évolution de l’abbé Boganda le conduit rapidement à douter de la volonté du MRP de donner à l’Union française toute la fraternité et l’égalité nécessaires. Il dresse un réquisitoire sur la culture du coton devant la commission des territoires d’outre-mer en décembre 1947223, que le Dr Aujoulat édulcore, au grand regret de Boganda. Au printemps précédent, il a présenté, lors du congrès national du MRP, l’ampleur de la tâche pour « donner au peuple d’outre-mer la véritable civilisation et [lui] montrer le véritable visage de la France224 ». L’arrivée du MRP rue Oudinot en octobre 1947 laisse au député de l’Oubangui-Chari de grands espoirs, très vite déçus. Un autre événement marque l’abbé Boganda, la mort accidentelle de son mentor, Mgr Grandin. En se radicalisant, l’abbé s’éloigne du MRP, mais aussi du monde missionnaire oubanguien, à la fois pour des raisons pratiques – des difficultés financières autour d’une coopérative fondée par Boganda – et pour des raisons politiques – ne pas apparaître comme le député du clergé blanc. Il remet également en cause la nécessité du célibat ecclésiastique : dès 1948, son rival, le député René Malbrant, fait courir le bruit que l’abbé a été suspendu par son évêque car il vit avec sa secrétaire. Cela n’empêche pas Boganda de continuer à mener son action politique ; il essaie, en vain, de mettre en garde contre le manque de justice sociale en AEF, mais à deux reprises (le 10 juillet 1949 puis le 13 juin 1950), ses demandes d’interpellation échouent. Entre-temps, il a été effectivement suspendu. La décision a été prise par Mgr Cucherousset le 25 novembre 1949. L’abbé ne conteste pas les faits : il épouse l’année suivante Michelle Jourdain, enceinte. Il conteste le célibat ecclésiastique dans le clergé indigène et dénonce « l’esprit dominateur et esclavagiste de votre congrégation », accusant personnellement Mgr Cucherousset de racisme225. Le 4 juin 1950, soit neuf jours avant son mariage, il quitte le MRP. Barthélemy Boganda se consacre alors à l’émancipation de son peuple, qui prendra la forme de la République centrafricaine, aspirant à créer une vaste fédération latine – il pense aux colonies portugaises – d’Afrique équatoriale que met en échec un autre abbé en rupture avec l’Église, Fulbert Youlou. Barthélemy Boganda conserve le siège de député jusqu’en 1958, mais n’intervient plus après une ultime tentative en avril 1951 pour que chaque Africain payant l’impôt de capitation soit électeur. Son amendement, qui signifierait le suffrage universel en AEF, est repoussé sans discussion226. La période qui s’ouvre alors ne concerne plus cette étude puisque Barthélemy Boganda a abandonné l’état ecclésiastique. Pour autant, il garde une attitude religieuse. Ses éditoriaux enflammés dans Pour sauver un peuple ont des allures de prêche. Il s’y réfère aussi bien à Galilée, l’abbé Grégoire, Las Casas qu’à l’abbé Lemire. Il joue sur le charisme que lui a conféré l’ordination, ne dédaignant pas d’apparaître aussi comme l’héritier spirituel – voire la réincarnation – de Karnou, le héros de la lutte du Kongowara, et parfois même comme un Christ noir227. Mais on quitte ici le palais Bourbon pour entrer de plain-pied dans l’histoire de la Centrafrique. Le charisme des clercs députés se joue sur un plan plus modeste.

  • 228 John Garrett, To Live Among the Stars. Christian Origins in Oceania, Genève, Institute of Pacific (...)

109La situation concernant le quatrième député de l’outre-mer et homme de Dieu diffère notablement. Pasteur et fils de pasteur, Charles Vernier (1883-1966) est né à Papeete. Son frère a soigné Paul Gauguin. Spécialiste du tahitien, il appartient à la Société des études océaniennes à partir de 1917 puis préside le Conseil supérieur de l’Église évangélique de Tahiti. En 1940, à l’instigation du pasteur Édouard Ahnne, que soutient Vernier, les Établissements français d’Océanie rallient la France libre. En congé en métropole, le pasteur Vernier apparaît comme l’homme de la situation pour représenter ce territoire en 1945 alors que le pasteur Ahnne, compagnon de la Libération, s’est éteint en avril 1945. Facilement élu, il ne rejoint pas le MRP mais l’UDSR de Pleven ; il n’appartient pas à la Commission des territoires d’outre-mer mais à celle de l’éducation. Il n’intervient qu’une seule fois pour exprimer la gratitude des EFO vis-à-vis de la métropole qui leur a permis d’atteindre un exceptionnel « degré de bien-être social et économique ». Il ne se représente pas – c’est le fils d’Édouard Ahnne qui lui succède –, mais après la mort de ce dernier, en 1949, il cherche vainement à reconquérir son siège. Il se heurte à l’autonomiste Pouvana’a a Oopa Tetuaapua qui, bien que simple fidèle, n’hésite pas à défier Vernier sur le terrain religieux228.

110Le double retrait du pasteur Vernier et du père Bertho, ainsi que la réduction à l’état laïc de Boganda mettent fin à la représentation des hommes de Dieu de l’outre-mer. Mais elle revient au Sénat en 1998 en la personne de Robert Laufoaulu. Il ne s’agit plus d’un missionnaire puisque Robert Laufoaulu, né en 1947 à Wallis, est enraciné dans le territoire wallisien. Il jouit de la considération que reçoivent les Aliki, ces nobles qui peuvent destituer le roi. Son entrée au Sénat lui permet d’évoquer ses premiers souvenirs, où patriotisme et religion se mêlent :

  • 229 JO, séance du 1er décembre 1998, p. 5483.

La mémoire suscite souvent des associations difficiles à expliquer. En pénétrant ici pour la première fois, ce sont des souvenirs irrésistibles d’enfance qui m’ont envahi : la grande case aménagée en salle de classe de quarante à cinquante élèves, un mobilier plus que rudimentaire, une frêle religieuse bretonne nous initiant à la langue française, les récitations, les poésies et, surtout, un chant, le seul dont je me souvienne, et qui, il y a une vingtaine d’années, comme l’effet d’un conditionnement pavlovien, m’était aussi subitement monté à la bouche en découvrant la campagne française. Oui, un chant : « Gloire à la France229 ! »

  • 230 Robert Laufoaulu, « Contribution à la médecine traditionnelle de Uvéa », maîtrise d’ethnologie, Bo (...)
  • 231 La Croix, 12 septembre 1998, et Raymond Mayer, « Le classement des archives administratives de Wal (...)
  • 232 Jean-Pierre Delannoy, Les Religions au Parlement français, op. cit., p. 150-152.
  • 233 « Sénatoriales : en outre-mer, la gauche et la droite à jeu égal », Libération, 29 septembre 2014, (...)

111Il entre au séminaire de Païta en Nouvelle-Calédonie avant d’intégrer la congrégation des Frères du Sacré-Cœur, très présente dans le monde mélanésien. Après avoir été affecté au Canada, au Vanuatu et en Nouvelle-Calédonie, il retrouve son île natale. Entre-temps, il soutient en 1985 un mémoire de maîtrise sur la médecine traditionnelle à Uvéa (le nom local de Wallis)230. Son élection comme sénateur en 1998 surprend tout le monde231. Il n’est pas candidat, mais le premier tour fait apparaître des blocages et le choix de la classe politique locale se porte sur lui car, homme de droite modéré (successivement apparenté UMP puis LR), il peut faire le lien avec la gauche – les identités politiques sont beaucoup plus fluides qu’en métropole – tout en ne mécontentant pas les indépendantistes. Surtout, sa fonction de directeur de l’enseignement catholique en fait un partenaire essentiel de la métropole puisqu’il n’existe pas d’enseignement primaire laïc à Wallis-et-Futuna : c’est l’enseignement catholique qui assure l’ensemble du primaire au titre d’une délégation de mission de service public232. Élu par 14 voix sur 21, le frère Robert se révèle être un sénateur actif dans la défense de ses concitoyens et pleinement apprécié. Il n’a aucune difficulté à être réélu en 2008 et 2014 avec successivement 13 voix sur 21 puis 15 voix sur 22. Il bénéficie lors de la dernière élection du soutien de 4 élus de gauche de l’Assemblée territoriale et même du député socialiste, alors que frère Robert affronte un autre socialiste233.

112Sénateur, Robert Lafoaulu prend garde à ne pas trahir son état ecclésiastique. Sa fiche sur le site du Sénat indique comme profession « enseignant » et il ne se départit pas d’un classique costume-cravate. Sa loyauté à la République ne souffre aucune réserve :

  • 234 JO, séance du 6 décembre 2006, p. 9669.

La présence de la France dans la région est une chance, car elle peut lui apporter son soutien et ses conseils. Les valeurs de la République et de la démocratie, que défend notre pays, doivent être portées haut et fort pour aider, guider les îles du Pacifique, et rappeler que les retours nostalgiques à nos passés idéalisés sont source de déception et trop souvent de malheur, surtout pour les plus modestes. Les traditions et les coutumes doivent, bien entendu, être respectées, mais à condition de ne pas être une entrave au développement. La France doit montrer l’exemple dans ce domaine234.

  • 235 Proposition de loi établissant une objection de conscience pour les officiers d’État civil opposés (...)

113Ses interventions gardent soit un tour très technique, soit un aspect local de défense des intérêts wallisiens et futuniens. Certes, il souscrit à la proposition de loi qui doit permettre aux maires de ne pas célébrer le mariage homosexuel, mais sa signature se noie dans celles des sénateurs UMP et il ne prend pas la parole sur le sujet235. Il défend vigoureusement l’enseignement catholique de l’archipel, mais cela n’a évidemment pas d’aspect clérical puisqu’il s’agit là d’une délégation de service public. Il s’inquiète de la loi sur les signes ostensibles à l’école et demande que la loi soit appliquée à Wallis-et-Futuna avec la même souplesse qu’à Mayotte pour éviter de créer un problème qui n’existe pas, ce à quoi souscrit le ministre Luc Ferry :

  • 236 JO, séance du 3 mars 2004, p. 2041-2042.

Or, comme vous le savez, l’enseignement primaire est, chez nous, délégué par contrat à la mission catholique, l’enseignement secondaire étant, quant à lui, assuré directement par l’État.
La population wallisienne et futunienne vit sa foi catholique de manière intense et profonde, sans que cela n’ait jamais posé la moindre difficulté.
Je comprends bien l’essence du projet de loi et la philosophie qui le guide, mais il ne faudrait pas créer des problèmes là où il n’y en a pas. La façon dont le mot « ostensible » sera interprété par le vice-rectorat de Wallis-et-Futuna sera donc déterminante. Certains élèves, par exemple, se rendent à l’école avec un chapelet autour du cou. Une interdiction de ce signe ne serait pas comprise par la population et pourrait avoir des conséquences fâcheuses236.

114La logique sous-jacente est bien celle du maintien de la paix publique et non une défense identitaire du catholicisme. C’est finalement bien malgré lui que le sénateur Laufoaulu a repris l’identité de frère Robert, au détour d’un débat sur la fiscalité :

  • 237 JO, séance du 22 mai 2003, p. 3589.

M. Robert Laufoaulu. — Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Il semble en effet préférable de substituer la notion de dissimulation à celle, trop extensive, d’omission.
M. le Président. — Quel est l’avis de la commission ?
M. Roland du Luart, rapporteur. — Je voudrais remercier frère Robert (Sourires) d’avoir déposé cet amendement, car il permet de préciser un point particulièrement sensible s’agissant de l’amende fiscale. Il est utile que le mécanisme de sanction soit encadré. Nous sommes donc favorables à l’amendement.
M. le Président. — Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. — Je remercie moi aussi frère Robert de cet amendement, auquel nous sommes très favorables ! (Nouveaux sourires.)
M. Georges Othily. — C’est l’absolution237 !

115Si un demi-siècle sépare le pasteur Vernier, les pères Aupiais et Bertho du frère Laufoaulu, des traits demeurent : l’ancrage local, la capacité à porter la parole des populations d’outre-mer, la connaissance ethnographique du terrain et finalement cette légitimité qui ressort, même en 2003, d’être un clerc au Parlement.

  • 238 Jean Foyer, « Préface », op. cit., p. 5.

116En 1988, Jean Pascal pensait écrire une histoire achevée en signant son histoire des députés clercs. Jean Foyer renchérit dans la préface : « [l’abbé Laudrin] n’a pas eu de successeur dans le clergé français et sans doute n’en aura-t-il aucun238. » Il avait largement raison, et l’hirondelle Laufoaulu ne fera pas le printemps. Sa désignation ressort d’un autre monde, des logiques d’un Territoire d’outre-mer, où l’enseignement public est assuré par l’Église catholique et où trois souverains règnent, en ce qui concerne Wallis-et-Futuna. Pour autant, le frère Robert a assuré pendant vingt-deux ans son rôle de sénateur sans aucune difficulté liée à son statut religieux, ce qui prouve que la Ve République peut encore accueillir en ses assemblées des ecclésiastiques. Ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, mais l’évolution sociologique du christianisme.

  • 239 Expression de Yves-Marie Hilaire dans Histoire de la France religieuse, Toulouse, Privat, 1978, vo (...)
  • 240 Même si l’idée d’un projet de résolution commune aux trois prêtres pour condamner l’arme atomique (...)

117La grande époque des ecclésiastiques parlementaires au xxe siècle fut la IVe République, et particulièrement la Libération : 8 prêtres ou pasteurs devinrent sénateurs ou députés entre 1945 et 1946. Ce chiffre exceptionnel révèle la puissance des « Trente glorieuses du catholicisme français239 », la poussée d’un projet catholique qui cherche à conquérir la société pour sortir du syndrome de la citadelle assiégée. Au moment où les prêtres investissent les usines, où les étudiants catholiques s’affirment dans le monde de l’éducation, où les intellectuels catholiques investissent le débat public, il n’est pas illogique de retrouver un abbé Gau ou un abbé Pierre dans les travées de l’Assemblée nationale. L’esprit de la Libération est marqué par un projet intégraliste de réaliser à tous les niveaux les valeurs de l’Évangile pour une société plus juste et fraternelle. Le même élan se retrouve outre-mer, alors que les missionnaires les plus avancés sont en phase avec l’esprit de Brazzaville et souhaitent mettre fin au colonialisme pour réaliser une vraie communauté humaine. On comprend dès lors que ces clercs, qui se retrouvent dans le MRP, appartiennent à la gauche de cette formation et furent nombreux à la quitter ou à y être en difficulté : l’abbé Pierre, l’abbé Boganda, dans une moindre mesure le pasteur La Gravière, et même l’abbé Gau, souvent isolé au sein de sa formation. Même le chanoine Kir ressort en partie de cet esprit lorsqu’il place la paix par-dessus tout, le pacifisme réunissant le chanoine et les deux abbés MRP240.

118Ce moment-là se dissout avec l’évolution plus droitière du MRP et le choc des premières guerres coloniales (Indochine et Madagascar). Ces deux phénomènes conduisent souvent à un engagement clérical à gauche plus marqué, de type progressiste, qui n’aboutit pas à des mandats parlementaires. La condamnation pontificale des prêtres ouvriers en 1954 ne concerne pas directement nos députés, mais porte en elle une méfiance de l’engagement du prêtre dans des institutions séculières.

119La génération qui suit est plus modeste en nombre et ressort davantage d’un conservatisme catholique, avec des prêtres plus soucieux d’apparaître comme intégrés à leur parti que directement porteurs des valeurs évangéliques, même s’ils savent défendre leur foi lorsqu’une menace se fait sentir – La Religieuse de Rivette.

120D’autres raisons expliquent ce repli assez rapide et cette quasi-extinction : la raréfaction des vocations religieuses. Les évêques ressentent le manque de prêtres qui se profile à partir des années 1960 et ne peuvent se permettre de les voir s’engager dans une activité politique de plein temps. Le bouleversement du réseau paroissial affaiblit également le lien entre le prêtre et ses ouailles, et rend moins ferme l’ancrage dans un terroir. Le catholicisme breton qu’a incarné l’abbé Laudrin paraît beaucoup moins pertinent au fur et à mesure que nous quittons le xxe siècle.

  • 241 « Canon 285, § 3. Il est interdit aux clercs de remplir les charges publiques qui comportent une p (...)
  • 242 Jean-Claude Leclerc, « Le Vatican et le prêtre-député – L’abbé Raymond Gravel a-t-il fait le meill (...)

121En cela, le nouveau code de droit canonique de 1983 ne vient pas éteindre un mouvement puisqu’aucun prêtre n’est député au moment de sa promulgation, mais il rend encore plus difficile un bien hypothétique retour de flamme241. En 2006, un abbé québécois « bloquiste » (indépendantiste), l’abbé Gravel, est élu au parlement d’Ottawa, mais il doit démissionner deux ans plus tard, sur injonction du Saint-Siège242.

122Pour autant, les prêtres ne sont pas absents de la vie parlementaire : il existe une aumônerie dynamique. Si la bénédiction en session plénière d’un chanoine Kir semble d’un autre temps, les parlementaires ne manquent pas d’assistance spirituelle. En 1954, Jules Catoire et Noël Barrot fondent le groupe de spiritualité des parlementaires français, autour du père Faynel243. En 1992 naît le SPEP, qui « constitue une présence de l’Église pour les responsables politiques qui le souhaitent244 ». Mais, bien que curé de Sainte-Clotilde, à quelques enjambées du palais Bourbon, le père Stalla-Bourdillon, responsable du SPEP, « ne met jamais un pied à l’Assemblée nationale245 ». La vie religieuse parlementaire insufflée par le SPEP prend la forme de rencontres régulières, d’une importante messe lors de la rentrée parlementaire, de pèlerinages et, bien sûr, d’entretiens individuels. Le temps du chanoine Kir est bien révolu ; mais ce n’est pas la fin de la présence du spirituel dans les parlements temporels : un autre mode de présence est possible.

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Notes

1 Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, 1848-1977, Jean Foyer (préf.), Pontoise, Edijac, 1988.

2 Ministère de l’Intérieur (Vichy), Informations générales, 28 janvier, 1941, p. 7-8.

3 Journal officiel de l’État français (JOEF), 24 janvier 1941, p. 371 sq.

4 Cité par Jean-Louis Clément, Les Évêques au temps de Vichy, Paris, Beauchesne, 1999, p. 58.

5 Paul Airiau, « Beaussart (Roger) », dans Dominique-Marie Dauzet & Frédéric Le Moigne (dir.), Dictionnaire des évêques de France au xxe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2010, p. 61.

6 Stéphanie Corcy, « Vichy et la laïcité », communication au colloque « Nouvelles approches de la laïcité au xxe siècle », 2005. Cette communication ne se trouve pas dans les actes publiés.

7 Voir dans ce volume la mise au point d’André Encrevé.

8 JOEF, 24 janvier 1941, p. 372.

9 Ministère de l’Intérieur (Vichy), Informations générales, 28 janvier 1941, p. 9.

10 Michèle Cointet, Le Conseil national de Vichy, Paris, Les Amateurs de Livres, 1989, p. 103.

11 « Et quand on songe qu’aujourd’hui à Alger un Père dominicain peut s’associer à un Marty dont les mains sont encore rouges du sang des Dominicains abattus en Espagne » (L’Écho de Nancy, 11-12 décembre 1943).

12 Jean-Louis Clément, « Un conseiller national de Vichy, l’abbé Louis Sorel », Annales du Midi, nº 101, 1989, p. 262-273.

13 Michèle Cointet, Le Conseil national de Vichy, op. cit., p. 134.

14 Ibid., p. 135.

15 Cité par Michèle Cointet, ibid., p. 288.

16 Denis Peschanski, « Le Régime de Vichy a existé, gouvernants et gouvernés dans la France de Vichy, juillet 1940-avril 1942 », dans Denis Peschanski (dir.), Vichy 1940-1944 : archives de guerre d’Angelo Tasca, Paris / Milan, Éditions du CNRS / Feltrinelli, 1986, p. 25-26.

17 Gérard Bardy, Charles le catholique : De Gaulle et l’Église, Paris, Plon, 2011, p. 177-178.

18 Revue de la France Libre, nº 126, juin 1960. Sur l’action du père Carrière dans la Deuxième Guerre mondiale, voir Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient : les dominicains du Caire (années 1910-années 1960), Paris, Éditions du Cerf, 2005, p. 393 sq.

19 Interview du père Carrière en 1945, reproduite dans L’Histoire du village de Bois-Grenier, souvenirs des anciens, Bois-Grenier, Club de l’amitié, s. d., p. 104. Documentation aimablement communiquée par M. Éloire.

20 Ibid.

21 Ibid.

22 JO, séance du 13 janvier 1944, p. 15.

23 Le Courrier de l’Ouest, 28 mai 1945.

24 Cité dans Catherine Masson, Le Cardinal Liénart, évêque de Lille, Paris, Éditions du Cerf, 2001, p. 321.

25 D’après le site de la province des Carmes de Paris, en ligne : https://www.carmel.asso.fr/Quelques-figures-marquantes-de-la-Province.html#sommaire_8 (avril 2021), et Émile Poulat, Modernistica, Paris, Nouvelles éditions latines, 1982, p. 184.

26 Le père Philippe en a raconté la vie dans Le Père Jacques, martyr de la Charité, Paris, Desclée de Brouwer, 1947.

27 La majorité dont dispose le père Carrière est toujours confortable : 61 voix (sur 61 exprimés) le 9 novembre 1943 ; 56 voix (sur 60) le 2 mai 1944 ; 144 (sur 214) le 8 novembre 1944 et 171 (sur 186) le 5 juin 1945.

28 JO, séance du 19 janvier 1944, p. 3-4.

29 Histoire du village de Bois-Grenier, op. cit., p. 105.

30 JO, séance du 10 novembre 1943, p. 8.

31 JO, séance du 28 mars 1945, p. 842.

32 JO, séance du 21 février 1945, p. 154.

33 Discours du 29 septembre 1944 du père Philippe de la Trinité au premier meeting du Front national de la Mutualité (Paris), cité dans Paris aux liens : témoignages de prêtres, Paris, Éditions du Seuil, 1944.

34 Père Philippe de la Trinité, « Préface », dans Joseph-Marie Simon, L’Impossible alliance : communisme et progressisme en face de la foi chrétienne, Paris, Fayard, 1954, p. 9-10.

35 JO, séance 15 janvier 1944, p. 15. Sa première intervention en faveur des missions a lieu lors de la séance du 25 novembre 1943.

36 JO, séance du 15 juin 1945, p. 1129.

37 JO, séance du 19 mai 1944, p. 376.

38 JO, séance 28 mars 1945, p. 852.

39 Daniel Virieux, « Le Front national et la recomposition des droites à la Libération », dans Gilles Richard & Jacqueline Sainclivier (dir.), La Recomposition des droites en France à la Libération, 1944-1948, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 95-97.

40 Lettre du révérend père Antonin Motte au père Gillet, 8 août 1945, archives du Saulchoir (Paris), V529-600.

41 Lettre du cardinal Liénart au père Gillet, 22 août 1945, archives du Saulchoir, V529-600.

42 Lettre du père Carrière au cardinal Liénart, 4 février 1949, archives du Saulchoir, V529-600.

43 Tracts de propagande du MRP, 1944-1946, Bibliothèque nationale, recueil 4-Lb59-319.

44 « L’abbé Gau, juste parmi les nations », site de Yad vashem, dossier nº 3444, 20 août 2020, en ligne : https://yadvashem-france.org/la-vie-du-comite/actualites/actualites-des-regions/labbe-gau-juste-parmi-les-nations/ (avril 2021).

45 « L’abbé Gau avait prêché le devoir de désobéissance », La Dépêche, 28 août 2016.

46 D’après la présentation faite par le Centre national des archives du monde du travail, où sont déposés les papiers de l’abbé Pierre.

47 JO, séance du 20 décembre 1945, p. 264.

48 JO, séance du 8 août 1946, p. 3085.

49 JO, 17 mars 1946, proposition de loi nº 612 sur les jardins ouvriers.

50 JO, séance du 29 novembre 1947, p. 5271.

51 JO, séance du 12 avril 1946, p. 1755.

52 JO, séance du 30 juin 1947, p. 2572. Voilà ce qu’il déclare huit ans plus tard, alors que le débat porte sur l’amnistie dans l’Union française : « À ceux qui ont peur de se tromper, je dis qu’on ne se trompe jamais en pardonnant. » (Séance du 26 juillet 1955, p. 4267)

53 JO, séance du 3 novembre 1950, p. 7435.

54 JO, 26 juin 1952, proposition de loi nº 3848 tendant à abolir la peine de mort.

55 JO, séance du 12 juillet 1949, p. 4431.

56 JO, 8 mars 1949, proposition de loi nº 7515 « tendant à prohiber tous les procédés techniques qui portent atteinte à l’intégrité humaine ».

57 JO, 21 décembre 1955.

58 JO, séance du 31 mars 1955, p. 2158.

59 JO, séance du 13 octobre 1949, p. 5766.

60 JO, séance du 26 février 1953, p. 1370.

61 JO, séance du 12 octobre 1955, p. 5042.

62 JO, séance du 23 juin 1949, p 3737.

63 JO, séance du 1er décembre 1950, p. 8442.

64 JO, 28 novembre 1950, proposition de résolution nº 2425.

65 JO, 24 mai 1955, projet de résolution nº 10811.

66 François Moreau de Balasy, « En souvenir d’Eugène Aroneanu : pionnier du droit pénal international », La Revue administrative, nº 266, mars-avril 1992, p. 143-147.

67 JO, séance du 23 juin 1949, p. 3738.

68 JO, séance du 22 novembre 1950, p. 8056.

69 JO, séance du 1er décembre 1950, p. 8442. L’abbé Pierre fait allusion à la contre-offensive victorieuse d’octobre 1950 qui permet de rétablir la République de Corée (du Sud) et ignore que cinq jours plus tôt, des centaines de milliers de soi-disant volontaires chinois ont lancé une nouvelle offensive durant laquelle Séoul est reprise. La dictature de Syngman Rhee s’accompagne d’une forte christianisation de l’État : serment prêté par le président sur la Bible, Noël férié, puissante aumônerie protestante dans l’armée... (Bertrand Chung, « Politique et religion en Corée du Sud », Revue d’études comparatives Est-Ouest, nº 1, 2001, p. 92.)

70 Tract reproduit dans Louis Le Roc’h Morgère (dir.), L’Abbé Pierre « frère des pauvres, provocateur de paix », Roubaix, Archives nationales du monde du travail, 2012, p. 65.

71 JO, séance du 13 décembre 1954, p. 6232.

72 JO, séance du 10 décembre 1954, p. 6104.

73 JO, séance du 3 février 1950, p. 1323.

74 JO, séance du 29 novembre 1947, p. 5403.

75 Ibid., p. 5271.

76 JO, séance du 31 juillet 1947, p. 3763.

77 JO, séance du 16 décembre 1948, p. 7642.

78 JO, séance du 2 mars 1950, p. 1616 et 9 février 1954, p. 112. Il intervient dans le premier cas à propos d’expulsions à Angers et dans le second cas sur le scandale des logements vides dans Paris. Il se trouve évidemment en parfait accord alors avec l’abbé Pierre.

79 JO, séance du 31 mai 1949, p. 2490.

80 JO, séance du 15 novembre 1949, p. 6611.

81 JO, séance du 8 février 1949, p. 401. Il l’oppose aussitôt au stalinisme.

82 L’arrestation de Marius Berliet pour fait de collaboration avec l’ennemi conduit le préfet à confier l’entreprise à un Comité de gestion ouvrière. Berliet fut ainsi une « usine sans patron » de 1945 à 1949, date à laquelle la famille Berliet retrouva son entreprise.

83 Ibid., p. 402.

84 JO, séance du 31 décembre 1948, p. 8248.

85 JO, séance du 10 décembre 1954, p. 6062-6063.

86 JO, séance du 23 avril 1951, p. 3777-3778.

87 Ibid., p. 3811.

88 JO, séance du 29 octobre 1953, p. 4639.

89 JO, séance du 14 mai 1948, p. 2641. Le débat porte alors sur les écoles des houillères nationalisées.

90 Lettre de l’abbé Pierre à François de Menthon, 28 avril 1950, cité dans Abbé Pierre, Peuple inconnu. La démocratie chrétienne sera-t-elle le parti du peuple ? Pourquoi je quitte le MRP, s. l., édition à compte d’auteur, 1950, p. 16.

91 Ibid., troisième de couverture. Il s’agit en réalité d’une véritable prière à Marc Sangnier.

92 Nous renvoyons bien sûr au texte d’André Encrevé dans le présent ouvrage pour les pasteurs La Gravière et Vernier.

93 Notice sur La Gravière du site du Sénat, extraite du Dictionnaire des parlementaires français ; voir en ligne : https://www.senat.fr/senateur-4eme-republique/la_graviere_emmanuel0539r4.html (avril 2021).

94 Il fait partie des 50 conseillers de la République désignés à la proportionnelle par les groupes de l’Assemblée nationale.

95 JO, séance du 5 août 1947, p. 1484.

96 JO, séance du 25 mai 1948, p. 1240.

97 JO, séance du 5 août 1947, p. 1485. Circulaire du 18 juillet 1833. Rappelons que Guizot était un protestant, d’une illustre famille réformée.

98 JO, 26 février 1948, p. 478.

99 Ibid.

100 JO, 23 septembre 1948.

101 Laurent Ducerf, « L’utopie de l’Union française : le MRP face à l’insurrection malgache », Tsingy, nº 3, 2006, p. 44-45.

102 Rapport de l’Assemblée de l’Union française en annexe au PV de la séance du 17 novembre 1955.

103 Emmanuel La Gravière, Métropoles et colonies, Paris, Berger-Levrault, 1955.

104 JO, séance du 1er décembre 1953, p. 5781.

105 La meilleure biographie du chanoine est la suivante : Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, « Sociétés », 2007.

106 Archives départementales de la Côte-d’Or, 2 MI EC 11 R 2.

107 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 270.

108 JO, séance du 24 septembre 1946, p. 3993.

109 JO, séance du 28 novembre 1946, p. 3265.

110 JO, séance du 5 février 1948, p. 442.

111 JO, séance du 31 mars 1949, p. 1905. Il revient à de multiples reprises sur le sujet tout au long de l’année 1949.

112 JO, séance du 29 novembre 1949, p. 6422.

113 JO, séance du 9 février 1951, p. 988.

114 JO, séance du 19 décembre 1951, p. 9365.

115 JO, séance du 3 mai 1950, p. 3224.

116 JO, séance du 12 novembre 1959, p. 2364.

117 JO, séance du 20 septembre 1951, p. 7514, pour la première occurrence. La citation est loin d’être exacte : « L’ouvrier qui percevra un salaire assez fort pour parer aisément à ses besoins et à ceux de sa famille s’appliquera, s’il est sage, à être économe. Suivant le conseil que semble lui donner la nature elle-même, il visera par de prudentes épargnes à se ménager un petit superflu qui lui permette de parvenir un jour à l’acquisition d’un modeste patrimoine. »

118 JO, séance du 26 juin 1956, p. 373.

119 Ibid. Nous ne suivons pas ici Louis Devance qui juge le chanoine très rétrograde vis-à-vis des filles-mères (Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 275).

120 JO, séance du 10 avril 1952, p. 2095.

121 JO, séance du 25 février 1954, p. 519.

122 JO, séance du 4 octobre 1992, p. 3. Le logographe note : « exclamations sur quelques bancs ».

123 JO, séance du 25 février 1954, p. 519.

124 JO, séance du 2 décembre 1964, p. 5802.

125 JO, séance du 4 octobre 1961, p. 2386.

126 Ibid. Il dit avoir présenté cette idée dès 1946 : nous n’avons pas trouvé d’allusion dans le JO avant février 1954.

127 JO, séance du 6 novembre 1961, p. 3761.

128 Terme qu’il emploie pour le discours inaugural de la première session parlementaire de la Ve République, mais aussi pour l’ouverture de la deuxième session en 1962 (JO, séance du 10 décembre 1958, p. 3 et du 4 octobre 1962, p. 3).

129 JO, séance du 19 octobre 1965, p. 3960.

130 JO, séance du 27 novembre 1953, p. 5637.

131 JO, séance du 7 juin 1956, p. 2415.

132 JO, séance du 19 octobre 1960, p. 2641.

133 JO, séance du 7 juin 1956, p. 2415.

134 JO, séance du 25 mai 1965, p. 1536.

135 JO, séance du 15 juin 1961, p. 1099.

136 JO, séance du 6 novembre 1963, p. 6595. Il dit la même chose pour l’Afrique noire avec cette fois-ci la faculté de droit en ligne de mire (6 et 18 juillet 1960, p. 1737 et 1950).

137 JO, séance du 4 mars 1954, p. 643.

138 Ibid.

139 JO, séance du 5 janvier 1951, p. 194-196.

140 JO, séance du 31 juillet 1947, p. 3775.

141 JO, séance du 1er février 1949, p. 278. Rappelons que selon la norme européenne actuelle, la crème de cassis doit titrer au moins à 15° d’alcool.

142 JO, séance du 28 décembre 1946, p. 7856.

143 JO, séance du 1er avril 1949, p. 2003 et p. 2007-2008, puis séance du 19 juillet 1950, p. 5591-5592.

144 JO, séance du 24 janvier 1957, p. 284.

145 JO, séance du 9 décembre 1952, p. 6075.

146 JO, séance du 30 juin 1948, p. 4183.

147 JO, séance du 18 décembre 1952, p. 6574. Rappelons que l’Office national des forêts préconise un espacement de 1,5 mètre des plants et de 6 mètres entre les rangées soit 1 794 tiges à l’hectare. Le charcutier dijonnais selon ces préconisations aurait ainsi couvert de forêt 390 hectares, ce qui est loin d’être négligeable.

148 JO, séance du 3 décembre 1953, p. 5926. Tout ceci pour dire que le monde agricole n’a que faire des experts venus de la ville.

149 Il rappelle deux fois dans l’hémicycle qu’il a sauvé la synagogue de Dijon durant la Deuxième Guerre mondiale (JO, séance du 29 août 1946, p. 3420).

150 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 169.

151 Guillaume Laporte, Le Chanoine Kir a-t-il existé ?, Dijon, Massebeuf, 1968, p. 102-103.

152 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 155-156.

153 JO, séance du 1er octobre 1946, p. 4336 puis séance du 8 avril 1949, p. 2237.

154 JO, séance du 29 août 1946, p. 3427.

155 Ibid. De la « statistique papale » selon le député communiste Ramette.

156 JO, séance du 3 septembre 1951, p. 6792.

157 JO, séance du 6 septembre 1951, p. 6941.

158 JO, séance du 3 septembre 1951, p. 685. L’affaire est d’autant plus savoureuse que le député en question est Maurice Deixonne, de qui le chanoine Kir avait déjà exigé le silence « parce que vous êtes bien trop jeune ».

159 Ibid., p. 6793.

160 JO, séance du 23 décembre 1959, p. 3636. « Non, n’en faites rien ! » supplie alors l’extrême gauche goguenarde. Jean Binot, instituteur, socialiste et député de Seine-Inférieure est la tête de Turc laïque du chanoine.

161 Ibid.

162 JO, séance du 24 mars 1953, p. 2235-2236.

163 JO, séance du 26 janvier 1950. Mais le chanoine a le sens de la répartie : « Je n’y vois pas d’inconvénient, je ne suis dépaysé nulle part. »

164 Respectivement séances du 20 mai 1948, p. 2795, du 8 novembre 1949, p. 6007 et du 28 novembre 1956, p. 5196.

165 Louis Devance, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 249.

166 JO, séance du 6 décembre 1962, p. 2.

167 JO, séance du 9 décembre 1958, p. 3.

168 JO, séance du 6 décembre 1962, p. 3.

169 L’abbé Laudrin donna le 8 avril 1976 une conférence au très droitier Club de l’Horloge, fondé deux ans plus tôt par Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou.

170 Félix Viallet & Charles Alméras, Peyrebeille : la légende et l’histoire de l’Auberge sanglante, Langogne, J. Barbaray, 1945 (nombreuses rééditions). Les autres ouvrages signés par l’abbé Viallet : L’Église romane de Langogne, Mende, Société des Lettres, sciences et arts de la Lozère, 1979 ; Langogne, Mende, Société des Lettres, sciences et arts de la Lozère, 1982 ; Un bout de chemin avec le père Félix, dessins de Marie-Noëlle Mourgues, La Loge, Arnaud éditions, 1989. Ce dernier ouvrage célèbre l’architecture traditionnelle et le pays cévenol, aussi bien en français qu’en occitan.

171 François Ars, « L’abbé Hervé Laudrin (1902-1977), parcours d’un prêtre en politique », Les Cahiers du littoral, nº 15, « Foi et action publique », Bruno Béthouart & Yves-Marie Hilaire (dir.), 2016, p. 314. Je renvoie à cette communication pour le détail des éléments biographiques.

172 JO, séance du 22 janvier 1957, p. 190.

173 JO, séance du 2 juillet 1959, p. 1275.

174 JO, séance du 29 avril 1967, p. 727-730, mais aussi du 10 octobre 1967, p. 3455.

175 JO, séance du 23 mai 1967, p. 1249.

176 JO, séance du 28 janvier 1958, p. 320. L’amendement avait pour objectif d’exclure de l’éligibilité et du droit de vote pour les prochaines élections en Algérie « toutes les personnes qui adhéreraient encore à des mouvements révolutionnaires un mois après la date de la promulgation de la loi ».

177 JO, séance du 24 juin 1960, p. 1516-1519.

178 JO, séance du 9 novembre 1961, p. 4175.

179 JO, séance du 8 juin 1960, p. 1198.

180 Recueil des textes authentiques des programmes et engagements électoraux des députés proclamés élus à la suite des élections générales des 5 et 12 mars 1967, Paris, imprimerie de l’Assemblée nationale, 1968, p. 777 (abrégé en « Barodet », du nom du député qui eut l’initiative de ces recueils de programmes électoraux, conservés aux archives de l’Assemblée nationale).

181 JO, séance du 23 juillet 1968, p. 2488.

182 JO, séance du 3 décembre 1975, p. 9266.

183 Rapport nº 3488 présenté par l’abbé Viallet le 7 décembre 1957.

184 Fonds d’orientation et de régularisation des marchés agricoles, dont l’abbé Laudrin est un spécialiste.

185 Barodet, 1956.

186 Barodet, 1958.

187 Rapport nº 5965 du 26 novembre 1957.

188 Rapport nº 6790 du 4 mars 1958. Le ministère des PTT se contenta de réimprimer le timbre à l’effigie du sanctuaire marial datant de 1954.

189 JO, séance du 5 juin 1962, p. 1466.

190 JO, séance du 2 novembre 1966, p. 4125. Arthur Cornette est député socialiste du Nord.

191 JO, séance du 19 juin 1975.

192 JO, séance du 9 novembre 1961, p. 4175-4176.

193 JO, séance du 9 octobre 1973, p. 4176.

194 Ses interventions ont été publiées dans cet article : Sabine Rousseau, « L’affaire de La Religieuse de Rivette (1965-1967) », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, numéro spécial, 2012, en ligne : https://doi.org/10.4000/cerri.1101 (avril 2021).

195 JO, séance du 29 avril 1966, p. 1034-1039.

196 Cité par François Ars, « L’abbé Hervé Laudrin... », art. cité, p. 318.

197 JO, séance du 21 juin 1971, p. 3177.

198 JO, séance du 27 novembre 1974, p. 7128-7129.

199 Ibid., p. 7129.

200 Jean Foyer, « Préface », dans Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, op. cit., p. 8.

201 Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, op. cit., p. 362.

202 Barodet, 1956.

203 Dominique-Marie Dauzet & Frédéric Le Moigne (dir.), Dictionnaire des évêques de France au xxe siècle, op. cit., p. 393.

204 Barodet, 1958.

205 Jean Pascal, Les Ecclésiastiques parlementaires français, op. cit., p. 375.

206 François Ars, « L’abbé Hervé Laudrin... », art. cité, p. 316.

207 Jean-Pierre Delannoy, Les Religions au Parlement français, Paris, Éditions du Cerf, 2005, p. 65.

208 Jean-Michel Vasquez, « Le R.P. Francis Aupiais, missionnaire, ethnographe et député », Histoire, monde et cultures religieuses, vol. 42, nº 2, 2017, p. 47-67, en ligne : https://doi.org/10.3917/hmc.042.0047 (avril 2021). Pour un aperçu plus complet du missionnaire : Martine Balard, « Les combats du père Aupiais (1877-1945), missionnaire et ethnographe du Dahomey pour la reconnaissance africaine », Histoire et missions chrétiennes, vol. 2, nº 2, 2007, p. 74-93. L’auteure a soutenu une thèse sur le père Aupiais.

209 « Profession de foi du père Aupiais pour les élections législatives d’octobre 1945 (archives SMA Rome) », dans Jean-Michel Vasquez, « Le R.P. Francis Aupiais, missionnaire, ethnographe et député », art. cité.

210 Laurick Zerbini, « Écriture photographique de Jacques Bertho. Un conservatoire des architectures de l’Ouest africain », Histoire, monde et cultures religieuses, nº 33, 2015/1, p. 21.

211 Nécrologie du père Bertho sur le site de la Society of African Mission (SMA), en ligne : https://defunts.smainternational.info/fr/necrologe/830-le-pere-jacques-bertho (avril 2021).

212 JO, séance du 15 mars 1946, p. 829.

213 « Profession de foi du père Aupiais pour les élections législatives d’octobre 1945 (archives SMA Rome) », op. cit.

214 JO, séance du 26 mars 1946, p. 1057.

215 « Profession de foi du père Aupiais pour les élections législatives d’octobre 1945 (archives SMA Rome) », op. cit.

216 JO, séance du 26 mars 1946, p. 1057.

217 Nécrologie du père Bertho, art. cité.

218 Jean-Claude Kouagou, « Interview du Premier ministre dans L’Express : Lionel Zinsou s’est crucifié », Actu Bénin, 11 mars 2016, en ligne : https://lavraieinfo.com/societe/interview-du-premier-ministre-dans-nbsplexpressnbspnbsp-lionel-zinsou-sest-crucifi/ (avril 2021).

219 Pierre Kalck consacre un chapitre au député dans sa biographie : Pierre Kalck, Barthélemy Boganda : 1910-1959 : élu de Dieu et des Centrafricains, Saint-Maur-des-Fossés, Éditions Sépia, 1995, p. 64-94. Un très riche dossier documentaire précédé d’une substantielle biographie a été établi par Jean-Dominique Pénel, Barthélemy Boganda. 1946-1951 : écrits et discours : la lutte décisive, Paris, L’Harmattan, 1995.

220 Lettre de Mgr Grandin à Mgr Biéchy, 19 octobre 1946, cité par Jean-Dominique Pénel, Barthélemy Boganda, op. cit., p. 105.

221 Ibid. Le Dr Aujoulat est député MRP du Togo, spécialiste des questions coloniales.

222 JO, séance du 4 août 1947, p. 3895.

223 Rapport nº 2135 cité par Jean-Dominique Pénel, Barthélemy Boganda, op. cit., p. 162-167.

224 Congrès national du MRP, 14 mars 1947, dans ibid., p. 124.

225 Lettre de Barthélemy Boganda à Mgr Cucherousset, 1er décembre 1949, dans ibid., p. 241.

226 JO, séance du 24 avril 1951, p. 3863.

227 Didier Bigo, Pouvoir et obéissance en Centrafrique, Paris, Karthala, 1988, p. 40.

228 John Garrett, To Live Among the Stars. Christian Origins in Oceania, Genève, Institute of Pacific Studies, 1982, p. 285.

229 JO, séance du 1er décembre 1998, p. 5483.

230 Robert Laufoaulu, « Contribution à la médecine traditionnelle de Uvéa », maîtrise d’ethnologie, Bordeaux, Université de Bordeaux II, 1985.

231 La Croix, 12 septembre 1998, et Raymond Mayer, « Le classement des archives administratives de Wallis-et-Futuna (1951-2000) de Gildas Pressensé », Le Journal de la Société des océanistes, nº 129, 2009, p. 305-322.

232 Jean-Pierre Delannoy, Les Religions au Parlement français, op. cit., p. 150-152.

233 « Sénatoriales : en outre-mer, la gauche et la droite à jeu égal », Libération, 29 septembre 2014, en ligne : http://www.liberation.fr/france/2014/09/29/senatoriales-en-outre-mer-la-gauche-et-la-droite-a-jeu-egal_1110853 (avril 2021).

234 JO, séance du 6 décembre 2006, p. 9669.

235 Proposition de loi établissant une objection de conscience pour les officiers d’État civil opposés à la célébration d’un mariage nº 41, 7 octobre 2013.

236 JO, séance du 3 mars 2004, p. 2041-2042.

237 JO, séance du 22 mai 2003, p. 3589.

238 Jean Foyer, « Préface », op. cit., p. 5.

239 Expression de Yves-Marie Hilaire dans Histoire de la France religieuse, Toulouse, Privat, 1978, vol. 3.

240 Même si l’idée d’un projet de résolution commune aux trois prêtres pour condamner l’arme atomique est une légende. Ils ont simplement soutenu un texte allant dans ce sens de Charles d’Aragon et Paul Boulet (Rapport nº 10249, 12 juin 1950).

241 « Canon 285, § 3. Il est interdit aux clercs de remplir les charges publiques qui comportent une participation à l’exercice du pouvoir civil ». Sur ce canon, voir Frère Joseph-Thomas Pini, « La participation des clercs aux charges publiques et à la vie politique : entre protection et restriction », Academia.edu, en ligne : https://www.academia.edu/11440241/Probl%C3%A8mes_canoniques_de_la_participation_des_clercs_%C3%A0_la_vie_publique (avril 2021).

242 Jean-Claude Leclerc, « Le Vatican et le prêtre-député – L’abbé Raymond Gravel a-t-il fait le meilleur choix ? », Le Devoir (Montréal), 8 septembre 2008. Sur l’abbé Gravel (mort en 2014) : Claude Gravel, Raymond Gravel : entre le doute et l’espoir, Montréal, Libre expression, 2015.

243 Bruno Béthouart, Jules Catoire : 1899-1988, Arras, Artois Presses Université, 1996, p. 318. Bruno Béthouart consacre douze pages fort utiles à ce groupe.

244 Page d’accueil du site du SPEP, en ligne : https://www.sainte-clotilde.com/index.php/2013-06-18-21-06-36.html (avril 2021).

245 « L’aumônier de l’Assemblée, un curé très politique », Le Figaro, 5 août 2015.

Auteur

Laurent Ducerf, agrégé d’histoire, est l’auteur d’une thèse sur François de Menthon (Éditions du Cerf, 2006) et a codirigé le volume Franche-Comté du Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine (Beauchesne, 2016). Il enseigne en classe de première et de lettres supérieures au lycée Pasteur de Besançon.

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