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Pour la dignité

 | 
Vincent Gay

Travailleurs immigrés et racisme au cœur de la crise

Chapitre 10

Fin de l’emploi non qualifié, fin des immigrés ?

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  • 1 « La direction de la société Citroën envisage le licenciement d’environ mille travailleurs immigré (...)
  • 2 Comité central d’entreprise (CCE) Citroën, 10 juin 1981. Archives municipales (AM) de Saint-Ouen, (...)
  • 3 CCE Citroën, 5 juin 1980. AM de Saint-Ouen, 25S31.

1L’emploi des travailleurs immigrés de l’industrie automobile est fortement menacé dans les années 1980. Cependant, l’incapacité des entreprises à leur garantir une stabilité de l’emploi est antérieure. Dès 1974, Chrysler et Citroën se séparent de travailleurs étrangers, dont de très nombreux manœuvres embauchés avec des contrats de six mois1. À l’usine d’Asnières, dont les effectifs sont déjà passés de 2 200 à 1 500 personnes entre 1973 et 1974, ou à Clichy, des travailleurs immigrés sont soit mutés, soit invités à prendre des congés sans solde. Ces restructurations silencieuses demeurent cependant ponctuelles. À partir de 1979, les problèmes d’emploi s’avèrent en revanche plus durables. Plusieurs plans de suppressions d’emplois se succèdent alors, qui se traduisent par des départs en préretraite dans le cadre de conventions avec le Fonds national pour l’emploi (FNE), des licenciements et des aides au retour pour les travailleurs immigrés, auxquels s’ajoute un chômage partiel croissant (trente et un jours en 1980 puis cinquante-neuf en 1981 à Talbot-Poissy). Mais la majorité des réductions d’effectifs s’effectue encore par des départs volontaires : ils représentent 70 % en moyenne dans les usines Citroën de banlieue parisienne entre 1978 et 19802, où la chute des effectifs concerne plus fortement le personnel étranger que les salariés français (7,2 % des étrangers contre 1,8 % des Français) et davantage les ouvriers non professionnels (- 5,9 %) que les professionnels (- 2,2 %) pour l’année 19793.

2L’instabilité de l’emploi des immigrés résulte certes des mutations industrielles et de la raréfaction de l’emploi ouvrier, mais elle est également inscrite dans la place qui leur est octroyée par les employeurs et dans la façon dont ceux-ci envisagent l’organisation du travail. Dès le début des années 1968, le problème des ouvriers spécialisés (OS), intrinsèquement lié à celui de l’immigration, préoccupe le patronat. Néanmoins, l’approche du travail non qualifié évolue au début des années 1980 et l’OS immigré qui était non qualifiable devient alors inemployable. Ces évolutions sont perceptibles à travers l’importance accordée aux politiques de formation, dès lors que celles-ci sont censées venir pallier les problèmes d’emploi. Enfin, si les mutations industrielles d’ampleur doivent transformer l’organisation du travail, elles remettent au goût du jour un débat plus ancien quant à une possible fin des OS.

Travail non qualifié et immigration : permanences et évolutions des orientations patronales

3Les mutations industrielles dans les années 1980 touchent particulièrement le travail peu ou pas qualifié et, par conséquent, la place des OS immigrés dans les usines, mais ces problèmes sont une préoccupation constante dès les années 1968.

Problème d’OS, problème d’immigrés

4Plusieurs rapports entre le début des années 1970 et le début des années 1980 signalent l’attention portée par le Conseil national du patronat français (CNPF) ou l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) au problème des OS. Ils peuvent être mis en regard des analyses patronales produites dans la même période sur l’immigration et sur la façon dont la situation industrielle nécessite pour les employeurs de se débarrasser d’une part importante des ouvriers immigrés.

  • 4 « Le problème des OS : rapport du groupe d’étude patronal », CNPF, novembre 1971. Archives interfé (...)
  • 5 Sur les femmes OS, et plus généralement les ouvrières, voir Gallot (2015). Et sur les rapports ent (...)

5Les conflits des années 1968 menés par les OS portent en eux une charge critique envers les formes d’organisation taylorienne du travail qui a des effets au sein du patronat et des personnels chargés de l’organisation du travail (Hatzfeld, 2002). En 1971, après plusieurs grèves chez Renault et chez Peugeot, le CNPF publie une contribution qui reconnaît l’existence d’un problème des OS, accentué dans les régions à forte industrialisation où la main-d’œuvre masculine est largement majoritaire4. Parmi les attentes des OS, le CNPF identifie les demandes de respect de la vie personnelle, le désir de considération et les espoirs de progression de carrière et de changements dans le quotidien. Les préconisations patronales visent à aménager et à transformer l’usine taylorienne tout en la préservant, éventuellement en prenant en compte certaines aspirations ouvrières exprimées lors de conflits contre le taylorisme (Chiapello & Boltanski, 1999) et irréductibles aux seules revendications salariales. Souvent mentionné, ce rapport du CNPF est abordé ici pour ce qu’il dit des souscatégories internes au groupe des OS, en premier lieu les immigrés. Pour le CNPF, deux catégories sont à distinguer parmi les OS : les femmes et les immigrés5. La présence massive de ces derniers dans les ateliers semble poser un problème, car elle a des effets d’entraînement sur la nature de la main-d’œuvre : « Dès que dans un département d’usine la main-d’œuvre étrangère dépasse 50 %, on ne rencontre plus de main-d’œuvre métropolitaine, et dès que la main-d’œuvre de couleur atteint ce même pourcentage, c’est la main-d’œuvre blanche qui disparaît. » Le groupe ouvrier est perçu ici à travers des caractéristiques nationales et raciales, dans un jeu d’opposition (étranger / métropolitain, de couleur / blanc) qui pose le problème de la composition de la main-d’œuvre et des équilibres nécessaires à la bonne marche des ateliers. Cette inquiétude nationale et raciale se traduit par le constat que si le recours à une main-d’œuvre étrangère est un palliatif indispensable, il porte en germe de gros problèmes. Alors que les OS masculins français ou immigrés européens peuvent voir leur sort s’améliorer, leur reconnaissance sociale s’accroître et leur travail s’enrichir, les immigrés extra-européens sont d’emblée exclus des éventuels progrès que pourraient connaître les autres OS. Ainsi, comparés aux ouvriers français mais aussi aux ouvrières, les OS immigrés apparaissent comme une main-d’œuvre de piètre qualité. Si dans les entreprises l’encadrement est souvent réticent à l’embauche de femmes, dont l’absentéisme est coûteux, « a-t-on pensé qu’un calcul économique plus poussé montrerait sans doute que l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère parfois très frustre [sic] est infiniment plus coûteux si l’on fait entrer en ligne de compte les difficultés d’adaptation, les retouches exigées par la qualité du travail, l’irrégularité du rendement ? » En outre, les immigrés sont décrits comme une main-d’œuvre uniquement préoccupée de ses gains, insensible aux questions de conditions et de temps de travail, donc possiblement rétive à d’éventuels changements : « Une réduction [du temps de travail] la concernant peut entraîner comme conséquence le départ dans une entreprise à horaire plus élevé. » Cependant, la main-d’œuvre étrangère n’est pas elle-même homogène, certaines nationalités adoptant les standards de vie et de travail des salariés français, ce qui a des incidences sur l’acceptation ou le refus de certains emplois et oblige les employeurs à diversifier leurs recrutements :

Il n’est pas déraisonnable de prévoir que dans quelques années il y ait des travaux pour lesquels on ne trouvera plus personne. Il est caractéristique de constater que même la main-d’œuvre étrangère n’accepte certains postes que d’une façon temporaire puisque pour beaucoup de travaux il a fallu recourir à des importations de main-d’œuvre de moins en moins évoluée.

Autrement dit, malgré un intérêt uniquement pécuniaire, une partie des immigrés n’est pas prête à accepter n’importe quelle tâche, obligeant les employeurs à aller chercher de plus en plus loin leur main-d’œuvre. La corrélation entre le travail dégradant et l’évolution des ouvriers prêts à l’accepter réaffirme l’approche racialisante du rapport du CNPF vis-à-vis des ouvriers immigrés, distingués selon leur degré d’évolution.

6En définitive, ces considérants posent la question de l’adaptabilité au changement des OS immigrés, de leurs capacités à sortir de leur condition d’OS. Or, sur ce point, le rapport du CNPF est explicite :

S’il s’agit de main-d’œuvre étrangère comprenant mal le français, la spécialisation devra rester la règle. Et l’on voit ici que la solution de facilité consistant à recruter de la main-d’œuvre étrangère parce que la main-d’œuvre française répugne à exécuter certaines tâches particulièrement monotones conduit à un véritable cercle vicieux dans la mesure où il sera impossible de promouvoir l’élargissement et – encore bien plus l’enrichissement – de ces tâches, une main-d’œuvre trop frustre [sic] ne pouvant s’y adapter.

Non seulement les OS immigrés sont incapables d’évoluer, mais encore leur présence massive représente un frein aux changements dans l’organisation du travail.

Le patronat et l’immigration

  • 6 CNPF, « Les travailleurs étrangers en France », Notes et arguments, nº 40, décembre 1973.

7Dans la seconde moitié du xxe siècle, le patronat ne développe que tardivement une doctrine sur l’immigration. Considérant dans un premier temps qu’il s’agit d’un problème marginal (1945-1955), puis cherchant à s’accorder le plus de facilités dans ses recrutements, le patronat commence à envisager l’immigration comme un problème au cours des années 1970. Au début de la décennie, le CNPF défend la nécessité d’une meilleure maîtrise de l’immigration et souhaite que l’on donne à l’Office national de l’immigration (ONI) les moyens de jouer pleinement son rôle de contrôle des migrations, mais toujours dans une perspective de recrutements massifs puisqu’il s’agit d’accroître le nombre de missions de recrutements à l’étranger. En décembre 1973, les assises du CNPF, dont le thème « Portes ouvertes sur le monde » accorde une large part à l’immigration, reflètent une inquiétude devant la fragilité des économies occidentales trop dépendantes d’une main-d’œuvre étrangère encore indispensable et placées ainsi en position de faiblesse par rapport aux pays en voie de développement. Le coût de l’immigration doit s’apprécier dans les domaines économique (salaires) et social (santé, mesures en faveur des familles, scolarisation des enfants, action sociale en général), le coût social pesant sur la collectivité pouvant annuler les avantages économiques du recours à l’immigration ; sans compter « qu’un des plus grands problèmes posés par l’immigration étrangère en France réside dans le fait que, les courants anciens étant taris, les immigrations de plus en plus “lointaines” se développent, “lointaines” par la géographie, mais aussi par la langue, la culture, le mode de vie, etc.6 ». La même distinction que dans le rapport du CNPF de 1971 apparaît ici entre les différentes migrations, fondée sur des critères culturels et raciaux.

  • 7 Ibid.
  • 8 Jean-Pierre Dumont, « Le CNPF et l’immigration », Accueillir, nº 18, janvier-mars 1975.
  • 9 « Les hommes d’ailleurs », CNPF-Patronat : la revue des entreprises, nº 354, novembre-décembre 197 (...)

8Est alors envisagée une forte diminution des flux migratoires et l’hypothèse d’« une politique d’exportation de l’emploi en investissant à l’étranger, à la fois pour permettre à la main-d’œuvre des pays en voie de développement de travailler sur place, et assurer notre croissance dans les années à venir7 ». Concernant la vie des entreprises, on retrouve des constats semblables à ceux du rapport sur les OS de 1971 : si des efforts ont été entrepris pour revaloriser le travail manuel dans le cadre de la politique du gouvernement durant la seconde moitié des années 1970 (Laurens & Mischi, 2011) et pour atténuer le caractère parcellaire des tâches, les Français continuent à refuser certains emplois : « La désaffection à l’égard des emplois industriels s’est ainsi trouvée renforcée par le fait qu’au-delà d’une certaine proportion, les Français, même désireux de travailler dans ces emplois, répugnent à devenir une minorité au sein de l’atelier et de l’usine8. » S’il n’existe pas de doctrine homogène du patronat au sujet de l’immigration, les contributions du début des années 1970 montrent des employeurs qui se préparent à plus ou moins court terme à se passer d’une main-d’œuvre immigrée massive, à envisager des formations en vue du retour des immigrés déjà en France et à investir à l’étranger : « Exporter des usines au lieu d’importer de la main-d’œuvre, c’est la voie de l’avenir9. » L’immigration commence à être décrite comme un problème économique des nations industrialisées, trop dépendantes d’une main-d’œuvre étrangère encore indispensable, et comme un problème posé à la collectivité et aux citoyens. Pour le CNPF, il ne s’agit plus alors de recruter en grand nombre, mais seulement de façon ciblée, en favorisant des séjours provisoires en France. Le patronat se prononce contre l’intégration des travailleurs immigrés dans la société française (Henneresse, 1979).

Un nouveau malaise des OS ?

  • 10 Rapport du groupe d’étude patronal sur le déroulement de carrière des OS, novembre 1983. Archives (...)

9Dix ans après le rapport sur le problème des OS, la succession des conflits dans l’industrie automobile entraîne une réflexion sur le déroulement des carrières de ces derniers. En effet, malgré la nouvelle grille de classifications dans la métallurgie adoptée en 1975 (Pezet, 2000) qui a contribué à « réguler le problème et à refouler les revendications syndicales les plus outrancières [...], le malaise n’a pas disparu, comme en témoignent les conflits violents (Citroën, Renault...)10 ». En 1983, à la demande de l’UIMM, un groupe de travail patronal est donc constitué pour déterminer les causes de ce malaise. Les problèmes se posent surtout dans l’industrie automobile de la région parisienne, qui connaît une forte présence d’ouvriers maghrébins.

Pour cette main-d’œuvre, celle au moins qui ne cherche pas à faire carrière en France, il ne semble pas que la préoccupation principale soit la garantie d’une progression de carrière dans le temps (malgré ce qu’en disent les syndicats), mais plutôt une amélioration instantanée des rémunérations, au besoin par changement de coefficient sans qu’il soit pour autant justifié par les exigences du poste occupé.

Les immigrés, et les femmes, posant à ses yeux des problèmes spécifiques, l’UIMM se penche principalement sur les solutions pour répondre au souci légitime des OS masculins français ou étrangers en voie d’intégration, de progression de carrière. Si celle-ci semble faible en effet, voire si elle nourrit un sentiment de diminution du niveau de vie, contrairement au début des années 1970, la situation du marché du travail n’incite pas à prendre part à des conflits sociaux, tandis que « seules [...] certaines catégories d’immigrés, sciemment manipulés, n’hésitent pas devant des aventures qui ressemblent davantage à des guerres tribales qu’à des conflits du travail ». Bien qu’une personnalisation de la rémunération et qu’une progression dans l’échelle de classification puissent améliorer le déroulement de carrière des OS, le problème à plus long terme, compte tenu des évolutions technologiques, est pour l’UIMM de voir éclater le groupe des OS entre des emplois plus qualifiés, « qui ne pourront être occupés que par les OS qui seront capables d’assimiler la formation », et « des emplois situés en bas de l’échelle, sans intérêt, pour lesquels il sera difficile de trouver des candidats, sauf s’ils sont surpayés ». Un gros effort de formation est donc préconisé « pour les OS, français ou immigrés, capables d’assimiler la formation nécessaire ». Demeure le problème de ceux qui n’auront pas la possibilité d’acquérir cette formation, notamment une fraction importante d’immigrés non alphabétisés. « Il convient que sans attendre des contacts soient pris d’État à État pour résoudre à froid ce problème, notamment en prévoyant des mesures pour faciliter le retour dans leurs pays d’origine des immigrés venus travailler en France sans avoir l’intention de s’y installer définitivement. » Si la formation des OS immigrés n’est pas totalement écartée, c’est avant tout le retour au pays qui est envisagé, alors que l’adaptation des immigrés aux transformations du travail semble hors de portée.

10Entre 1971 et 1983, une certaine constance se révèle dans les écrits du patronat autour de cette non-adaptabilité des OS immigrés et donc de l’inéluctabilité à plus ou moins court terme de leur disparition. À côté d’autres acteurs, comme les hauts fonctionnaires (Laurens, 2009) ou les médias (Bonnafous, 1991), le patronat contribue ainsi à construire un problème de l’immigration et à formuler des réponses qui font écho aux propositions gouvernementales. Le retour des immigrés dans leurs pays d’origine et la formation des OS immigrés comme réponse à la crise de l’emploi sont les voies qui sont alors mises en débat, elles constituent un arrière-fond des conflits dans l’industrie automobile et des licenciements d’OS à partir de la fin de 1983.

La formation plutôt que l’emploi ?

11Les démarches de reclassement des licenciés de Talbot, la création par le gouvernement du Centre de formation technologique des travailleurs de l’automobile (CFTTA) et les initiatives syndicales mettent en lumière les enjeux de la formation au milieu des années 1980, mais plus encore les limites d’une approche qui met l’accent uniquement sur cette dimension, sans envisager les transformations en cours dans les entreprises, la baisse de l’emploi ni les conséquences des années passées dans les usines par les travailleurs.

Inégalités dans la formation

  • 11 Déclaration CFDT concernant le plan de formation 1983, CCE Citroën, 15 décembre 1982. AM de Saint- (...)
  • 12 Formation Automobiles Citroën, rapport spécial sur la formation 1978-1982. AM de Saint-Ouen, 25S47
  • 13 Automobiles Citroën, plan de formation 1980. AM de Saint-Ouen, 25S47.

12Chez Citroën, les modalités de formation des salariés souffrent depuis de longues années de profonds déséquilibres. La situation ne connaît pas de grands changements après 1982. Les stages en 1983 concernent ainsi pour 40 % des ingénieurs et cadres, pour 38 % des employés, techniciens et agents de maîtrise (ETAM) et pour 18 % des agents d’atelier ou professionnels11. Le fonctionnement même de la formation, l’information dispensée à son propos, les modes d’accès posent problème. En effet, la possibilité de participer aux stages dépend avant tout de l’accord des supérieurs. Or il est fréquent que des ouvriers se voient refuser au dernier moment la possibilité de suivre un stage en raison des impératifs de production. Le bilan de la formation chez Citroën en 1982 montre un faible investissement en direction des immigrés puisque sur l’ensemble des usines de la région parisienne, seules 300 personnes ont bénéficié de la formation destinée aux immigrés en dehors des heures de travail12. De même, la répartition des stages par catégorie professionnelle montre une priorité accordée aux catégories non ouvrières : par exemple pour 1980, 580 000 heures (1 160 stagiaires) pour les ingénieurs et cadres, 222 000 heures (3 910 stagiaires) pour les ETAM, 58 000 heures (6 043 stagiaires) pour les agents d’atelier et agents professionnels13. Chez Talbot, les stages d’alphabétisation sont également suivis par très peu d’ouvriers immigrés (voir le tableau 5).

Tableau 5. Évolution des heures d’alphabétisation et du nombre d’ouvriers étrangers assistant aux formations à l’usine Talbot de Poissy, 1978-1982

Année Nombre
d’ouvriers étrangers
Nombre
de stagiaires
Nombre
d’heures de formation
1978 10 500 88 10 020
1979 9 600 61 6 706
1980 9 100 213 13 565
1981 7 400 6 474
1982 56 3 289

Source : François Juhel, « La formation aux usines Talbot-Poissy », Agence française pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), mai 1983. Archives CGT de PSA-Poissy.

  • 14 François Juhel, « La formation aux usines Talbot-Poissy », AFPA, mai 1983. Archives CGT de PSA-Poi (...)

13Un rapport sur la formation au sein de Talbot éclaire les pratiques concrètes qui provoquent de telles situations. Le filtre de la maîtrise, ainsi que les effets de méconnaissance et d’autocensure font que « ce sont les Européens ou / et ceux qui ont le niveau le plus élevé qui participent au plus grand nombre de stages », que beaucoup de membres du personnel « n’ont [...] participé à aucune action de formation », que lorsqu’un ouvrier a pu suivre une formation longue, « c’est en général un Européen » et que les stages suivis par des non-Européens sont rarement conduits jusqu’à leur terme14. La formation est une réponse immédiate à un besoin immédiat de la maîtrise, le travail d’alphabétisation n’est pas planifié, il se fait au coup par coup.

  • 15 « L’analphabétisme dans l’entreprise », Association pour l’alphabétisation, l’enseignement du fran (...)
  • 16 Ibid.
  • 17 Visite à l’usine Peugeot-Talbot de Poissy, rapport d’Olivier Bertrand, Centre d’études et de reche (...)

14La méconnaissance des processus de formation et le contrôle exercé par les agents de maîtrise ne font qu’entretenir la concentration des stages sur les mêmes salariés. L’accumulation d’une politique de formation rarement destinée aux ouvriers immigrés et la situation critique du début des années 1980 conduisent à une évaluation par les salariés des avantages et des risques à solliciter une formation (« Comment le contremaître va-t-il accepter des absences sur le temps de travail ? [...] Le patron va-t-il payer des heures qui ne seront pas travaillées à l’atelier ?15 ») et à une crainte de perte de repères stables. La formation n’est donc pas nécessairement considérée de façon positive par les ouvriers qui, avant tout, « ressentent de façon viscérale le climat d’insécurité qui provient de la diminution d’activité de l’usine16 ». Après les licenciements collectifs, le problème de la formation des OS immigrés demeure donc. Si le volume de la formation générale peut augmenter au milieu des années 1980, il profite rarement à ces derniers. En 1985, malgré une modernisation accélérée de certains ateliers et des modifications de la structure professionnelle, la « formation des OS est passée plus que jamais au second plan, l’écart avec les nouvelles classifications étant considéré comme infranchissable17 ».

Une autre formation est-elle possible ?

  • 18 « La formation professionnelle de l’immigration : enjeu du combat de classe », brochure CGT, janvi (...)
  • 19 Ibid.

15Dans ce contexte, les organisations syndicales posent de façon récurrente le problème de l’insuffisance de cette formation. Si en réponse aux restructurations du secteur automobile la Confédération générale du travail (CGT) fait des propositions d’ordre économique et industriel, elle accorde également une attention grandissante aux questions de formation des travailleurs non qualifiés au fur et à mesure que ceux-ci sont menacés de perdre leur emploi. Le syndicat souhaite aller à l’encontre de l’idée selon laquelle l’industrie de l’avenir n’aura plus besoin que de travailleurs extrêmement qualifiés, qui exclut a priori les OS immigrés. Il y oppose l’idée que « chaque OS, même si on a tout fait pour qu’il n’en soit pas conscient, a un acquis technologique potentiel très important que de nouvelles pratiques pourront mettre en relief et utiliser18 ». Le futur travailleur, pour la CGT, ne se caractérise donc pas d’abord par son haut niveau technologique, mais par « la conscience qu’il a que la production est son affaire, qu’il a son mot à dire, qu’il doit développer sa capacité de décider collectivement, de dire ce qu’il sait, d’apprendre et d’interroger sur ce qu’il ne sait pas19 ».

  • 20 « Mémoire sur la formation professionnelle et l’immigration », courrier confédéral CGT, avril 1982 (...)
  • 21 Entretien avec Jean Laulhère, juin 2013.
  • 22 Jean Laulhère, « Mutations technologiques : soyons concrets », secrétariat national CGT immigratio (...)
  • 23 Ibid.
  • 24 Jean Laulhère, « Apprendre ensemble », Les Actes de lecture (revue de l’AFL), nº 11, octobre 1985.
  • 25 « Faire grandir l’entraide, l’estime et le respect réciproque », Apprendre ensemble, nº 1, s.d. AD (...)
  • 26 Entretien avec Jean Foucambert, juin 2013.

16Particulièrement saillantes lors des conflits qui se déroulent au sein des usines de Citroën et de Talbot, ces questions touchent aux objectifs de la CGT de réduction des inégalités dans le domaine de la formation, de garantie du droit individuel à la formation et à la qualification, qui « s’inscrivent directement dans le processus de “la disparition de la condition d’OS”20 », but affiché du syndicat. Si la CGT produit de nombreux discours et de nombreuses analyses à ce sujet, peu d’initiatives voient le jour. Néanmoins, après les grèves chez Talbot, une innovation syndicale s’amorce modestement. Le syndicat CGT de l’entreprise entame une collaboration avec l’un des responsables du secrétariat national immigration de la CGT, Jean Laulhère21. Le but du projet mené avec la CGT Talbot est de lancer une formation de masse à travers un journal intitulé Apprendre ensemble et en nouant des collaborations avec des acteurs extérieurs à l’entreprise et au syndicalisme, notamment des membres de l’Association française pour la lecture (AFL). Cette initiative vise essentiellement la maîtrise de la lecture pensée en lien avec le monde du travail et le quotidien des ouvriers, de manière à réhabiliter la légitimité de la formation. En effet, on a vu que la formation pouvait être perçue comme un risque par les ouvriers immigrés. « Le mot formation est aujourd’hui, dans la tête de la plupart des travailleurs, synonyme de chômage déguisé : des expressions comme “tu vas te retrouver en formation” ou “vous auriez besoin d’une formation” sont clairement entendues dans ce sens22. » Mais les moyens classiques de formation sont inefficaces. À cette crainte s’ajoute une autodévalorisation individuelle et collective, aussi bien pour les licenciés que pour ceux qui restent dans l’entreprise. Il s’agit alors de proposer une démarche qui permette à « l’ensemble des travailleurs [de] prendre en main du même coup le développement de la qualité de la production et la formation collective de tous23 ». La formation proposée par le syndicat cherche donc à déconstruire le statut symbolique d’OS dans ses dimensions les plus dévalorisantes et à valoriser les savoir-faire mis en œuvre dans le travail afin de modifier le regard sur soi-même et sur ses collègues. À travers la promotion de l’acquisition de la lecture, il ne s’agit pas tant de viser un haut niveau de qualification que de reprendre la main sur ce dont on a été privé jusque-là. Le support de ces aspirations prend donc la forme d’Apprendre ensemble, réalisé pour « provoquer un processus de formation de masse qui s’adresse à tous, sans éliminer les immigrés. Afin d’impliquer aussi ceux qui pensaient que ce problème n’était pas le leur24 ». Les pratiques concrètes entourant ce journal demeurent cependant plus floues, les syndicalistes en ayant peu de souvenirs précis. La démarche affichée est de panser les plaies après le conflit en réunissant les salariés autour d’un projet commun : « Les événements récents ont donné de Talbot l’image d’une usine où les conflits et les injures fleurissent plus facilement que l’entraide et l’efficacité. Nous devons apporter la preuve que ce qu’il y a dans les consciences et les aspirations de chacun peut permettre un mouvement qui pourra être pris en exemple25. » À côté du journal, la CGT propose des stages de « lecturisation » (terme hérité de l’AFL) organisés grâce à des congés individuels de formation. Les archives contiennent peu de numéros d’Apprendre ensemble, il semble que l’expérience ait été de courte durée, entre un an et demi et deux ans. Cette expérience fugace porte l’ambition d’autonomiser l’apprentissage vis-à-vis du patronat ou des organismes de formation et vise autant l’apprentissage de la lecture que la transformation du statut de celui qui apprend26. Mais ses limites font qu’elle est loin de répondre aux besoins des OS de Talbot.

Licenciés mais mieux formés ?

17Si, dans les entreprises, les procédés de formation des OS immigrés ne semblent guère connaître d’évolutions profondes au cours des années 1980, le problème se pose différemment pour ceux qui sont licenciés. La principale proposition du gouvernement est de fournir à ces derniers une formation leur permettant de retrouver un emploi.

  • 27 « La formation chez Talbot », Syndicalisme, 8 novembre 1984.
  • 28 Comme l’acquisition de savoirs de base – tels que se repérer dans l’espace ou dans les transports  (...)
  • 29 Premier bilan de la formation des ex-salariés Talbot, notes manuscrites, fédération de la métallur (...)

18Dans le cas de Talbot, l’ambition affichée du gouvernement est en effet qu’aucun licencié ne devienne chômeur. Il crée donc une mission publique de reclassement, regroupant l’Agence française pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC), la direction départementale du travail et l’ONI, chargée de prospecter pour trouver rapidement des emplois aux licenciés et surtout de coordonner leur formation. Celle-ci doit avoir lieu en trois temps : un accueil conduit par les psychologues de l’AFPA et de l’ANPE vise à rassurer les salariés sur leur avenir, à leur expliquer leur nouveau statut, à identifier leurs attentes, etc. ; une seconde phase distingue ceux qui sont jugés aptes à entrer dans un stage de formation qualifiante, soit un peu moins de 300 personnes, et ceux qui ont besoin d’une préformation concernant l’alphabétisation ou l’initiation à des métiers non industriels, soit environ 1 300 personnes ; puis une évaluation détermine si les participants à cette préformation peuvent intégrer une formation qualifiante ou doivent poursuivre une remise à niveau27. Les bilans de cette opération, dont chacun s’accorde à reconnaître quelques effets bénéfiques28, sont souvent ambivalents : ils reconnaissent à la fois l’ampleur des efforts, la mobilisation de différents acteurs, les innovations mises en œuvre, mais également la limite des résultats29.

  • 30 P. Caspar et L. Crayssac, « Rapport d’une mission d’étude sur “l’action Talbot” », mars 1985. Arch (...)

19Dans un bilan du plan de formation, la population concernée est décrite comme ayant été jusque-là presque totalement prise en charge par l’entreprise, avec très peu de contacts avec le monde extérieur30. L’essentiel des vies de ces salariés est lié à l’usine et les formateurs ont très peu d’informations quant aux éventuelles formations et acquisitions de savoirs antérieures. La situation de l’emploi en Île-de-France et l’image fortement médiatisée durant le conflit de 1983-1984 d’ouvriers illettrés, non qualifiés, syndiqués et possiblement violents rendent peu probable la perspective de trouver un nouvel emploi rapidement. Mais surtout, l’insistance sur le « projet professionnel » des licenciés illustre un décalage entre des attentes institutionnelles liées aux dispositions des agents du service public de l’emploi et les effets des parcours professionnels des stagiaires. Pour ceux-ci en effet « il n’est pas sûr que la notion de projet personnel mobilisateur ait toujours un sens ». Plus généralement, c’est le rapport entre formation et emploi, entre stages et reclassement qui doit être interrogé et qui renvoie à la finalité de ces formations : atteindre une formation qualifiante ou retrouver un emploi rapidement ? La seconde option nécessite en réalité bien souvent un travail préalable permettant à l’ouvrier licencié « d’accepter, psychologiquement, un travail moins rémunéré et ressenti comme offrant un statut social moins élevé » – alors que son statut est déjà très dévalorisé –, de saisir les pratiques et les codes nécessaires lors d’entretiens d’embauche, etc., bref d’adopter, au-delà même de ses qualifications, une attitude de salarié employable. Le risque pour les licenciés est de devoir enchaîner les stages, d’autant plus que leur longue durée et « l’éventuel “paternage” ou “maternage” [...] en font un endroit protégé que l’on a du mal à quitter », sans résoudre le problème de l’emploi. Enfin, de telles opérations de reclassement et de réinsertion professionnelle prennent peu en compte le fait que « l’employabilité se structure selon une temporalité longue, en amont et en aval du changement d’emploi au cours duquel elle est posée de façon explicite » (Outin, 1990, p. 489), et que l’insertion professionnelle dépend donc fortement du déroulement de la carrière antérieure, l’histoire professionnelle de chacun déterminant les possibilités de reclassement.

  • 31 Bilan général orientations Talbot, 26 avril 1985. Archives interfédérales CFDT, 1B413.

20Un an après le début de l’opération, 203 licenciés de Talbot avaient retrouvé un emploi, mais 144 seulement l’occupaient encore fin 1985, soit moins de 9 % des 1 761 demandeurs de formation initiaux31. Autrement dit, si cette période de formation a des effets bénéfiques, ils sont relativement éloignés d’une perspective d’emploi pour les ouvriers immigrés :

  • 32 P. Caspar et L. Crayssac, « Rapport d’une mission d’étude sur “l’action Talbot” », document cité.

Ils se sont redonné une santé ; ils ont appris à prendre le métro et à se débrouiller dans une ville ; ils ont côtoyé différents métiers, différents lieux de travail et ont pu faire la part des choses entre leurs projets et leurs rêves, leurs goûts et leurs regrets, ils ont rencontré des personnalités qu’ils n’avaient jamais vues auparavant et ont fait l’expérience d’autres modes de rapports humains que les rapports hiérarchiques ou les rapports du type de ceux de leurs villages d’origine ; ils ont manipulé des ordinateurs [...] ce ne sont plus des OS de l’automobile32.

  • 33 Jean-Pierre Noual, « La formation des licenciés de Talbot », Travail, nº 7, 1985, p. 24-25.

Mais l’approche de la fin des formations demeure un moment critique, du fait de la fin de l’indemnité de formation et surtout parce que la situation de l’emploi n’offre pas de débouchés aux anciens OS de Talbot. Si la mission de reclassement a su innover en matière de relations sociales et humaines, « en ce qui concerne l’emploi, en revanche, et cela malgré des moyens exceptionnels, l’échec [...] aura été total », aboutissant à ce que les ouvriers licenciés et demandeurs d’emploi deviennent « malgré eux des demandeurs de formation33 ». Les modestes effets bénéfiques de la formation ne compensent pas la perte de l’emploi et mettent plutôt en lumière le fait que les salariés « ne sont pas tous armés de façon identique face aux risques liés à la perte d’emploi, pour des raisons personnelles, professionnelles et géographiques », notamment si leurs compétences ont été « antérieurement reconnues et valorisées ou non » (Aubert & Beaujolin-Bellet, 2004, p. 101).

  • 34 CFTTA, mission et organisation, 21 juin 1984. Archives interfédérales CFDT, 1B413.
  • 35 « Citroën : à mi-parcours du chômage », L’Humanité, 12 février 1985 ; « Modernisation dans l’autom (...)
  • 36 « Citroën : au bout de la formation, le retour au pays », Libération, 3 juin 1985.
  • 37 Conseil d’administration du CFTTA, 21 juin 1985. Archives interfédérales CFDT, 1B413.
  • 38 Commission spéciale du CCE d’Automobiles Citroën, 17 juillet 1985. AM de Saint-Ouen, 25S10.
  • 39 Note de J.F Colin à l’attention de M. le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation profe (...)

21En juin 1984, anticipant les licenciements de Citroën et plus largement les mutations de l’industrie automobile, le gouvernement crée le CFTTA pour « mettre en œuvre une stratégie de qualification de tous les salariés du secteur34 » et impulser une politique de formation permettant de répondre aux évolutions technologiques. Ses tâches concrètes consistent à mener des entretiens individuels avec les licenciés, sélectionner les organismes de formation, coordonner l’action du service public d’emploi et de l’entreprise et mettre en œuvre différents types de stages. Rapidement, les limites des dispositifs de formation délivrée aux anciens salariés de Citroën apparaissent. Sur les 1 456 licenciés ayant accepté de suivre une formation, 14 seulement sont aptes à suivre une formation qualifiante délivrée par l’AFPA, et même après cinq mois de remédiation préprofessionnalisante, ils ne sont que 65 à pouvoir suivre cette formation. Les propos des formateurs rapportés par la presse témoignent d’un certain désarroi quant aux effets de l’absence de formation pendant de longues années, de l’insuffisance des moyens mis en œuvre et de la modestie des résultats obtenus35. L’un d’entre eux explique : « On s’est retrouvés en face de gens complètement privés d’autonomie. Habitués à être entièrement pris en charge par Citroën. Ne sachant pour la plupart ni lire ni écrire. La seule chose qu’ils percevaient, c’est que l’usine ne voulait plus d’eux et qu’ils allaient se retrouver dans un monde inconnu36. » Se cumulent des difficultés liées à la gestion des stagiaires, dont les problèmes de communication et les réticences sont mal pris en compte, à la multiplication d’entretiens individuels au détriment de la formation elle-même, aux absences, etc., créant incertitudes et perturbations. Ces critiques ciblent en bonne partie la responsabilité des entreprises et des carrières passées des OS, contribuant elles aussi à un certain fatalisme quant à l’inéluctabilité de la sortie de l’emploi des OS immigrés. Mais elles indiquent également des problèmes tenant à la façon même dont sont envisagés les rapports entre la formation et la recherche d’emploi. De ce point de vue, dix mois après les licenciements, les résultats sont d’une « extrême faiblesse » selon un responsable de Citroën37 : sur 12 598 courriers de recherche d’emploi envoyés par le bureau de l’emploi de l’entreprise, 57 réponses positives correspondant au personnel en formation ont été reçues ; et en juillet 1985, seulement 32 licenciés ont été embauchés par une autre entreprise38. Comme dans le cas de Talbot, cette politique avantage surtout les entreprises qui, en externalisant la formation, se délestent de toute responsabilité envers les licenciés sans chercher à valoriser leurs compétences. De fait, la formation prime le reclassement. De ce point de vue, « l’opération Talbot qui a vu la mobilisation de l’ensemble du service public de l’emploi pour la prise en charge des 1 905 licenciés de Poissy montre les dangers d’un traitement administratif des sureffectifs (écrasante prééminence des formations sur les reclassements, caractère ambitieux et trop “scolaire” des formations mises en œuvre)39 ».

22Ce relatif échec est lié d’abord aux difficultés à retrouver un emploi en France à cette époque. Il est symptomatique de la façon dont est pensée l’employabilité dans les années 1980 et des contradictions entre l’exigence de « mobiliser les chômeurs sur des objectifs d’amélioration et de dynamisation personnelles », la « création de programmes “sur mesure” visant à les réinsérer » et « un marché où l’emploi est aussi sévèrement rationné » (Gazier, 1990, p. 578), limitant fortement toute possibilité de « se mobiliser ». Se confirme le diagnostic d’Abdelmalek Sayad lorsqu’il écrit :

La formation professionnelle dans le cas des travailleurs immigrés a la particularité de faire coïncider deux types d’impossibilités : une impossibilité d’ordre objectif, inscrite dans les structures mêmes de l’immigration et du marché de l’emploi, dans la mesure où il est demandé à l’immigration de répondre, en gros, à une demande en main-d’œuvre non qualifiée que le marché local ne peut satisfaire ou n’a pas intérêt à satisfaire ; une impossibilité d’ordre subjectif inscrite, celle-là, dans les structures du système de dispositions propres aux agents concernés, étant liées à la précarité intrinsèque de la condition d’immigré. (1999, p. 244)

Ces deux aspects « vont à l’encontre des conditions requises pour que se forme l’attitude prospective et planificatrice qu’exige tout projet de formation » (ibid.).

Les transformations du travail et de l’emploi : la fin des OS ?

23Le début des années 1980 se présente donc comme un moment de possibles bifurcations dans l’organisation du travail industriel, produit par la montée en puissance de nouveaux modèles productifs, au sein desquels le travailleur non qualifié tel qu’il avait été massivement utilisé pendant les « Trente Glorieuses » n’a plus sa place. Les impasses de la formation des OS immigrés posent alors la question du maintien de leur présence dans les usines, à un moment où l’on pronostique la fin des OS. Pour autant, ce n’est pas la première fois qu’un tel pronostic est établi. Mais les enjeux de la fin des OS au début des années 1980 ne sont pas de même nature que dix ans auparavant.

Déterminisme techno-industriel et exclusion sociale

  • 40 « Rapport sur l’industrie automobile » (rapport Dalle), 20 septembre 1984. AN, 19870121/76. Ce rap (...)
  • 41 Une telle modernisation se concrétise par le plan Mercure chez Citroën et par le plan ISOAR chez P (...)

24Les OS font l’objet au début des années 1970 d’une certaine attention éditoriale (Mothé, 1972 ; Pineau, 1973), conséquence des grèves dans lesquelles ils sont fortement impliqués, mais également parce que leur position dans les usines remet en question à la fois le travail à la chaîne et la modernisation de l’industrie, à tel point que certains auteurs s’interrogent sur la fin des OS (Dumont, 1973). Ces questionnements réapparaissent dans la presse au début des années 1980. Si elle n’est pas le seul secteur concerné, l’industrie automobile focalise l’attention quant à l’avenir des OS, en particulier immigrés. Parmi les analyses produites sur les mutations de cette industrie, le rapport Dalle a une certaine influence, en particulier au sein du gouvernement, qui en est le commanditaire40. Pour celui qui est alors président-directeur général (PDG) de L’Oréal, l’automobile connaît une grave crise ; les tensions sociales se répercutent sur les situations commerciales des entreprises, affectant leur image de marque, fermant « un deuxième cercle vicieux. [...] Talbot, qui se trouve actuellement pratiquement exclu du marché français, l’a été en grande partie en raison des troubles qui se sont manifestés à Poissy ». Pour François Dalle, les effectifs de l’industrie automobile doivent être réduits de 200 000 personnes en cinq ans, ce qui nécessite un large éventail de solutions sociales (préretraites, aides à la réinsertion, congés de conversion, etc.) et économiques. Il s’agit d’« éliminer les scories du taylorisme », en passant à un autre modèle productif dont l’industrie japonaise représente la référence. Le taylorisme est en effet mis en accusation, notamment pour le retard qu’il a induit dans les stratégies des firmes, qui « faisaient encore venir des travailleurs marocains en 1980 alors que l’avenir était manifestement au “taylorisme à l’envers”, c’est-à-dire à la démassification de la production, à la multiplication de petits groupes de travail polyvalents associant les fonctions de créativité à celles d’exécution ». Bref, l’avenir est à un nouveau modèle productif nécessitant des travailleurs moins nombreux mais plus qualifiés41. L’avenir des OS est donc condamné par la nécessité de ces évolutions :

Il ne faudrait pas croire que l’industrie automobile n’embauche pas : simplement elle n’a plus besoin d’OS ; elle a de plus en plus besoin de BTS ; ses sureffectifs sont constitués par des OS. Toute la question est de savoir combien de ces OS peuvent devenir, et dans un laps de temps très court, des BTS. Je crois malheureusement qu’il y aura beaucoup de laissés-pour-compte, et pas seulement parmi les travailleurs immigrés. C’est toute une nouvelle génération qui se trouve frappée par le choc culturel de la nouvelle révolution industrielle.

  • 42 Sur le traitement de cette question par la presse, voir El Bahri (1984).

À l’État donc d’amortir le choc. Un tel rapport fait cependant fi des politiques d’emploi récentes des groupes industriels, de leur vision à court terme et de l’absence de gestion prévisionnelle des évolutions de l’emploi dans ces entreprises. Centré sur les déterminants technologiques et les évolutions des qualifications, il constitue un instrument supplémentaire de légitimation des réductions massives d’effectifs dans l’industrie automobile. Il contribue ainsi au fatalisme quant à l’avenir des OS immigrés, qui circule aussi bien dans les sphères patronales que gouvernementales, chez les experts comme dans de nombreux médias42.

Une francisation de l’emploi ?

25Un certain déterminisme technique et industriel semble donc sceller le sort des travailleurs non qualifiés et en particulier des OS immigrés au début des années 1980. S’il s’agit avant tout pour les entreprises de diminuer massivement le nombre d’emplois, des tentatives de substituer une main-d’œuvre à une autre peuvent également exister.

26Les périodes de crise accentuent les phénomènes de concurrence entre travailleurs, ainsi que la pression des pouvoirs publics en faveur du retour des immigrés dans leurs pays d’origine et remettent au goût du jour la question de la substituabilité entre travailleurs immigrés et nationaux. La « variable nationale est une variable implicite de la gestion de main-d’œuvre dans les entreprises, ce qu’occulte le discours dominant qui porte l’attention sur les mutations techniques, les qualifications ou l’élévation des exigences d’emplois et non sur les rapports sociaux » (Gallissot, Boumaza & Clément, 1994, p. 131). Un chargé de mission du CEREQ ayant participé à l’enquête sur les OS de Poissy relève à ce propos :

  • 43 « Travailleurs immigrés et entreprises », note d’Olivier Bertrand, chargé de mission au CEREQ, s.d (...)

On peut penser en effet que la concurrence avec les Français va s’accroître, mais surtout sur les emplois non qualifiés. Il faut s’attendre aussi à ce que les employeurs privilégient systématiquement la main-d’œuvre française, notamment parce qu’ils considèrent les immigrés comme moins capables que les Français de s’adapter à des emplois plus « intellectuels »43.

Constatant la modernisation rapide de Talbot-Poissy, le secrétaire de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) de l’usine explique que deux ans après les licenciements de 1984, la direction veut à nouveau procéder à une suppression de 600 postes de travailleurs immigrés, une suppression masquée par les aides à la réinsertion. Parallèlement, les ouvriers professionnels (OP) sont affectés sur les chaînes au motif d’améliorer la qualité, ce qui ne peut qu’accentuer la remise en cause professionnelle des ouvriers immigrés et favoriser leur départ.

  • 44 Jean-Pierre Noual, « La modernisation sur le site de Poissy », Travail, nº 11, avril 1986, p. 44.

Le choix que fait la direction est d’exclure les travailleurs immigrés et de les remplacer par des travailleurs français [...] La direction estime que les travailleurs immigrés sont incapables de participer activement à l’évolution indispensable de l’organisation du travail. En fait incapables de « transformer » la chaîne44...

  • 45 Comité d’entreprise de Citroën-Aulnay, 28 mars 1990. Archives ULCGTAsB.
  • 46 Cité dans « “Sureffectif qualitatif” chez Citroën », Le Monde, 2 août 1990.
  • 47 Courrier du Syndicat des travailleurs de la métallurgie CFDT de Seine-Saint-Denis au directeur dép (...)

En 1990, Citroën lance un plan social pour réduire le « sureffectif qualitatif45 » afin de remplacer 900 salariés non qualifiés, essentiellement immigrés, par des jeunes Français capables de s’adapter aux évolutions technologiques. Y compris en période de reprise de l’embauche, la réorganisation de la production passe donc également par une sortie de l’emploi des ouvriers immigrés jugés par Citroën « inaptes à tenir un poste plus complexe46 ». La logique de substituabilité à la fois technique et nationale est d’ailleurs pointée du doigt par la CFDT, qui dénonce la direction de Citroën qui « est en train tout simplement de chercher à exploiter [...] le préjugé malheureusement trop répandu dans l’opinion publique que le personnel immigré sera toujours en quelque sorte moins adaptable et “qualifiable” que celui de souche française47 ».

27La nécessité patronale d’accélérer la modernisation de la production, l’accès de jeunes salariés aux nouveaux métiers de l’industrie et l’impératif de gains de productivité croissants impliquent donc au début des années 1980 une réduction importante des effectifs et un remplacement de certains salariés par d’autres. Ce remplacement s’effectue selon trois variables qui se croisent : les non-qualifiés par les plus qualifiés, les plus anciens par les jeunes, les immigrés par les Français. Cette tentative de substitution n’est pas inédite. La conjonction de l’arrêt de l’immigration de travail en 1974 et de la revalorisation du travail manuel auprès des Français à partir de 1976 vise à inciter « les travailleurs français à regagner des postes ouvriers » (Laurens, 2009, p. 253) jusque-là occupés par des ouvriers immigrés. Cependant, rencontrant un succès limité, une telle politique, quand elle existe, n’est pas pensée ni mise en œuvre de la même façon selon les secteurs industriels et les entreprises. Une étude d’Odile Merckling montre que la substitution est secondaire dans les politiques d’emploi de la première moitié des années 1980 pour une majorité d’entreprises, mais que certaines d’entre elles ont des stratégies de substitution, en particulier dans les établissements de grande taille comme ceux de l’industrie automobile (1987). Les mutations industrielles touchent donc à la fois à l’élévation d’une exigence d’employabilité des salariés et à la « transformation des rapports sociaux et des modes de contrôle de la force de travail » (Merckling, 1986, p. 64). La hausse de la scolarisation des jeunes Français permet de « légitimer des reclassements sélectifs et de nouvelles différenciations internes à la catégorie d’OS [...] La modernisation fournit ainsi de nouvelles occasions de stratification des ouvriers, de redoublement des clivages hiérarchiques par des clivages ethniques » (p. 70-72) et de relégitimation des hiérarchies.

28Restructurations industrielles, destructions d’emplois, transformations du travail peuvent donc s’articuler avec des projets de substitution de main-d’œuvre. Bien qu’étant plus ou moins couronnés de succès, de tels projets constituent pour les entreprises une réponse à « l’évolution des comportements sociaux des travailleurs immigrés, les employeurs [réagissant] en cherchant à laminer les noyaux appartenant aux segments les plus structurés du marché du travail » (Merckling, 1987, p. 91).

29Comme à la fin du xixe siècle ou dans les années 1930, les travailleurs immigrés sont particulièrement touchés par la crise des années 1970-1980 (Noiriel, 1988, 2006). En 1982, le chômage touche 14 % de la population active étrangère contre 8,4 % pour les Français ; les chômeurs étrangers sont pour moitié maghrébins et leur place dans la classe ouvrière diminue. Particulièrement dans l’industrie automobile, les réductions d’effectifs touchent d’abord les ouvriers immigrés : parmi les 26 000 emplois détruits entre 1975 et 1982, 70 % sont occupés par des étrangers (Tripier, 1990).

30Le début des années 1980 concentre des mutations de divers ordres dans l’industrie automobile, qui affectent particulièrement les OS immigrés et que n’atténuent pas les dispositifs de formation mis alors en place. Les OS immigrés développent plutôt un discours critique sur la formation, perçue comme un leurre qui ne saurait masquer ni les effets de leurs carrières ni l’importance de la question de l’emploi dans ces années-là. Or si les processus de formation permettent aux entreprises d’externaliser la gestion des inemployables, ils ne sont jamais vraiment pensés par rapport à l’emploi.

La formation est apparemment pratiquée comme l’alphabétisation dans le passé, c’est-à-dire comme une fin en soi [...] Pas plus qu’il n’y a eu, dans le passé, d’alphabétisation débouchant sur une formation professionnelle, il n’existe aujourd’hui de formation qualifiante permettant l’accès à un emploi (Zehraoui, 1990, p. 85-86).

Les problèmes de la formation permettent de revisiter les politiques des entreprises depuis les années 1960 et la façon dont les impératifs de production et la vision à court terme ont empêché les ouvriers immigrés de se former et ont ainsi redoublé les processus de déqualification. Pourtant, les ouvriers non qualifiés représentent encore le quart des effectifs de la filière automobile au début des années 2000, proportion supérieure à ce qu’elle était dix ans auparavant (Gorgeu & Mathieu, 2008). Certes ces ouvriers assument des tâches qu’effectuaient auparavant les professionnels qualifiés, mais ce maintien d’une forte proportion de non-qualifiés interroge certaines projections quant à l’avenir de la production automobile au milieu des années 1980.

*

31Si ce qui touche alors les OS de Citroën et de Talbot peut s’observer sous des formes plus ou moins accentuées pour une grande partie des travailleurs immigrés, qu’en est-il du reste du groupe ouvrier ? Pour Larbi Talha :

L’immigration agit [...] comme une loupe à l’égard de la stratification du marché du travail puisque, catégorie la plus fragilisée parmi les catégories de réserve, et, de ce fait, la plus exposée aux effets de la crise, sa condition de précarisation exacerbée va souligner le sens général des mutations des formes d’emploi et des structures du marché du travail. (1989, p. 181)

Effectivement, les travailleurs peu ou pas qualifiés, immigrés ou non immigrés, subissent de façon aiguë les transformations que connaissent les usines où les clivages générationnels s’ajoutent aux clivages professionnels, où le vieillissement symbolique s’ajoute à l’usure au travail. Ce sont également eux qui connaissent les formes précaires et instables de l’emploi. Cependant, il ne faut pas négliger les effets de l’émigration-immigration sur les parcours de ces ouvriers. Leurs difficultés à trouver des formations qualifiantes et des emplois demeurent plus importantes que pour les Français, leur condition sociale et leurs réseaux de sociabilité hors travail n’offrant pas non plus nécessairement les mêmes opportunités. Enfin, le rapport maintenu avec le pays d’origine peut offrir une possibilité de retour en cas de licenciement, donnant d’autant plus d’importance aux politiques d’aide au retour ou à la réinsertion.

Notas

1 « La direction de la société Citroën envisage le licenciement d’environ mille travailleurs immigrés », note des Renseignements généraux, 16 février 1974. Archives préfecture de police de Paris (PPP), GAC35.

2 Comité central d’entreprise (CCE) Citroën, 10 juin 1981. Archives municipales (AM) de Saint-Ouen, 25S31.

3 CCE Citroën, 5 juin 1980. AM de Saint-Ouen, 25S31.

4 « Le problème des OS : rapport du groupe d’étude patronal », CNPF, novembre 1971. Archives interfédérales CFDT, 1B271. Sauf mention contraire, les citations qui suivent sont extraites de ce rapport.

5 Sur les femmes OS, et plus généralement les ouvrières, voir Gallot (2015). Et sur les rapports entre OS femmes et immigrés, voir Gallot & Gay (2016).

6 CNPF, « Les travailleurs étrangers en France », Notes et arguments, nº 40, décembre 1973.

7 Ibid.

8 Jean-Pierre Dumont, « Le CNPF et l’immigration », Accueillir, nº 18, janvier-mars 1975.

9 « Les hommes d’ailleurs », CNPF-Patronat : la revue des entreprises, nº 354, novembre-décembre 1974, p. 68-69.

10 Rapport du groupe d’étude patronal sur le déroulement de carrière des OS, novembre 1983. Archives interfédérales CFDT, 1B413. Sauf mention contraire, les citations qui suivent sont extraites de ce rapport.

11 Déclaration CFDT concernant le plan de formation 1983, CCE Citroën, 15 décembre 1982. AM de Saint-Ouen, 25S32.

12 Formation Automobiles Citroën, rapport spécial sur la formation 1978-1982. AM de Saint-Ouen, 25S47.

13 Automobiles Citroën, plan de formation 1980. AM de Saint-Ouen, 25S47.

14 François Juhel, « La formation aux usines Talbot-Poissy », AFPA, mai 1983. Archives CGT de PSA-Poissy.

15 « L’analphabétisme dans l’entreprise », Association pour l’alphabétisation, l’enseignement du français et la formation des travailleurs immigrés (AEFTI), s.d. (1982 ou 1983). Archives de l’union locale CGT d’Aulnay-sous-Bois (ULCGTAsB).

16 Ibid.

17 Visite à l’usine Peugeot-Talbot de Poissy, rapport d’Olivier Bertrand, Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ), 25 novembre 1985. Archives Talbot-Poissy.

18 « La formation professionnelle de l’immigration : enjeu du combat de classe », brochure CGT, janvier 1983. Archives ULCGTAsB.

19 Ibid.

20 « Mémoire sur la formation professionnelle et l’immigration », courrier confédéral CGT, avril 1982. Archives ULCGTAsB.

21 Entretien avec Jean Laulhère, juin 2013.

22 Jean Laulhère, « Mutations technologiques : soyons concrets », secrétariat national CGT immigration, 19 janvier 1984. Archives CGT de PSA-Poissy.

23 Ibid.

24 Jean Laulhère, « Apprendre ensemble », Les Actes de lecture (revue de l’AFL), nº 11, octobre 1985.

25 « Faire grandir l’entraide, l’estime et le respect réciproque », Apprendre ensemble, nº 1, s.d. AD93, 49J575.

26 Entretien avec Jean Foucambert, juin 2013.

27 « La formation chez Talbot », Syndicalisme, 8 novembre 1984.

28 Comme l’acquisition de savoirs de base – tels que se repérer dans l’espace ou dans les transports – et une capacité d’autonomie plus grande.

29 Premier bilan de la formation des ex-salariés Talbot, notes manuscrites, fédération de la métallurgie CFDT, s.d (fin 1984). Archives interfédérales CFDT, 1B440.

30 P. Caspar et L. Crayssac, « Rapport d’une mission d’étude sur “l’action Talbot” », mars 1985. Archives Talbot-Poissy. Sauf mention contraire, les citations qui suivent sont extraites de ce rapport.

31 Bilan général orientations Talbot, 26 avril 1985. Archives interfédérales CFDT, 1B413.

32 P. Caspar et L. Crayssac, « Rapport d’une mission d’étude sur “l’action Talbot” », document cité.

33 Jean-Pierre Noual, « La formation des licenciés de Talbot », Travail, nº 7, 1985, p. 24-25.

34 CFTTA, mission et organisation, 21 juin 1984. Archives interfédérales CFDT, 1B413.

35 « Citroën : à mi-parcours du chômage », L’Humanité, 12 février 1985 ; « Modernisation dans l’automobile : l’enlisement d’un projet mirifique », Le Matin, 4 février 1985.

36 « Citroën : au bout de la formation, le retour au pays », Libération, 3 juin 1985.

37 Conseil d’administration du CFTTA, 21 juin 1985. Archives interfédérales CFDT, 1B413.

38 Commission spéciale du CCE d’Automobiles Citroën, 17 juillet 1985. AM de Saint-Ouen, 25S10.

39 Note de J.F Colin à l’attention de M. le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle sur la conversion des salariés en sureffectif de Citroën, 23 juillet 1984. Archives nationales (AN), 19870121/78.

40 « Rapport sur l’industrie automobile » (rapport Dalle), 20 septembre 1984. AN, 19870121/76. Ce rapport est rédigé dans le cadre de la commission nationale de l’industrie, transversale aux ministères du Plan et de l’Aménagement du territoire, du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur et du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Sauf indication contraire, les citations qui suivent sont extraites de ce rapport.

41 Une telle modernisation se concrétise par le plan Mercure chez Citroën et par le plan ISOAR chez Peugeot.

42 Sur le traitement de cette question par la presse, voir El Bahri (1984).

43 « Travailleurs immigrés et entreprises », note d’Olivier Bertrand, chargé de mission au CEREQ, s.d. (1983). Archives Talbot-Poissy.

44 Jean-Pierre Noual, « La modernisation sur le site de Poissy », Travail, nº 11, avril 1986, p. 44.

45 Comité d’entreprise de Citroën-Aulnay, 28 mars 1990. Archives ULCGTAsB.

46 Cité dans « “Sureffectif qualitatif” chez Citroën », Le Monde, 2 août 1990.

47 Courrier du Syndicat des travailleurs de la métallurgie CFDT de Seine-Saint-Denis au directeur départemental du travail et de l’emploi, 18 avril 1990. AM de Saint-Ouen, 25S12.

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