Chapitre 5
Une indéniable ascension sociale
p. 107-126
Texte intégral
1Assimilé dans les années 1830 à ceux qu’on a baptisés, faute de mieux, des « infranotables », notre héros n’en resta pas là. Sans doute, l’octroi d’une autorisation légale d’exercer ne fut pas étranger au décollage de la carrière de Françon, mais ce dernier la construisait patiemment depuis longtemps. En effet, s’il était un médecin contestable, il ne manquait pas de qualités propres à asseoir sa réussite sociale. Véritable petit entrepreneur de santé, il accumula une fortune suffisante pour devenir propriétaire foncier et pénétrer la notabilité villageoise, même si ce fut à un rang modeste, comme en témoignent les destins sociaux très contrastés de ses enfants et petits-enfants.
Un commerçant avisé
2Si ses connaissances médicales furent d’emblée sévèrement mises en cause, ses capacités à gérer sa carrière professionnelle, sans doute nées de son expérience dans le commerce de l’épicerie et de la dentisterie, sont indéniables.
3Grâce aux poursuites engagées contre lui en 1832, on peut saisir, bien que sans certitude absolue, les relations financières entre un médecin sans titre et sa clientèle. En effet, et heureusement pour nous, les témoins, même les plus favorables à l’accusé, n’ont pas toujours compris la portée de leurs dépositions. Devant les gendarmes, Françon lui-même avoua d’emblée le 17 juin 1832 qu’exerçant « la profession de chirurgien-dentiste, il traitait toutes sortes de maladies moyennant le paiement de ses peines et des traitements1 qu’il distribuait » ce qui valait aveu d’exercice illégal. À peine ajoutait-il pour atténuer sa faute « qu’il n’allait chercher personne mais que l’on venait chez lui ». Les huit autres témoins interrogés le même jour affirmèrent l’avoir bien payé ou lui devoir de l’argent pour des visites et des traitements2. Quelques jours plus tard, devant le tribunal, le ton était beaucoup moins affirmatif, pour des raisons tactiques évidentes. Conscient de son imprudence antérieure, Françon disait ne pas exercer la médecine et se contenter de donner des conseils à ceux qui venaient lui parler. À l’entendre, il rendait seulement service et sans intérêt à l’humanité. Néanmoins, il ajoutait : « Je ne reçois [de l’argent] que de ceux qui veulent donner quelque chose. Je n’ai jamais rien exigé. » Les témoins lui emboîtèrent le pas et devinrent vagues (voir l’annexe 6). Les propos de la veuve Jourdan traduisent la complexité d’une pratique rurale dont rendent bien compte les mots choisis. Selon elle, « Françon donne quelques renseignements pour faire des médecines [des remèdes]. J’ai été malade, il m’a donné des soins, il ne m’a rien demandé. Je ne sais pas s’il demandera quelque chose. C’est gratuitement jusqu’à présent3 ». D’autres témoins ne savaient pas s’il recevait de l’argent, prétendant « qu’on ne s’informe pas de cela ». Poussés dans leurs retranchements, tous finirent par admettre qu’il était connu comme médecin et plusieurs avouèrent l’avoir payé soit en argent soit en marchandise, mais ils tentèrent de minimiser la portée de leurs propos. Pressé de questions, François Soly, mousselinier à Saint-Clément, traité pendant huit jours par Françon, était bien embarrassé. Il déclara : « Il ne m’a rien demandé. Je ne sais pas ce qu’il me prendra. » À la question de savoir s’il se faisait habituellement payer, il répondit : « Il prend bien quelque chose. Il y a quatre ans qu’en semblable occasion, il ne m’a pris que quarante sols (2 francs). Il me disait de lui donner ce que je voulais. » Même son plus fidèle soutien, le maire de Valsonne, Paul Dubost, dut bien avouer l’évidence : « Je pense que s’il ne recevait pas quelque chose il ne courrait pas la campagne4. » Deux ans plus tard, il affirmera néanmoins qu’il soignait les pauvres à bon marché5. Les deux arguments ne s’excluaient pas forcément, mais la pratique des paiements modulés ou en nature menée par Françon ne tranchait pas vraiment avec celle des autres médecins, légaux ou pas. Néanmoins, les dépositions suggèrent que Françon, muni de son expérience de dentiste et d’épicier ambulant, obéissait sans doute aux règles complexes du commerce de l’Ancien Régime qui prévalaient encore dans les campagnes lyonnaises du début du xixe siècle. La première était de ne jamais se faire payer comptant, la seconde d’établir son prix après négociation, la troisième de ne jamais apurer les comptes de ses clients. Loin de constituer un ensemble de manœuvres commerciales pour duper les clients et s’attacher leur clientèle, le respect de ces règles était un moyen d’établir la confiance mutuelle. Ce qui faisait la force de Françon face à ses concurrents était sa plus grande capacité à se fondre dans une société où « le rapport marchand s’inscrit dans une sociabilité de la confiance6 ». Comme celui de tout fournisseur de biens ou de services, l’essentiel du crédit dont Françon jouissait auprès de ses malades ne doit pas être mesuré à la qualité technique de ses soins (surtout si on les juge selon nos normes), mais à la réputation qui était la sienne. Françon était non seulement un conseiller municipal sans doute conservateur puis un propriétaire foncier, mais il pouvait exhiber des qualités morales propres à lui assurer la confiance de la clientèle rurale des monts de Tarare7. Comme eux, il était aussi un bon catholique, comme l’indique son testament. Père de famille nombreuse qui ne « trompait pas la nature », il devint après 1838 un veuf exemplaire qui ne se remaria pas (malgré sa fortune) et qui éleva seul ses enfants. Ces derniers éléments durent plus compter dans son succès que ses compétences techniques et ses positions de pouvoir.
4Françon sut aussi intégrer des comportements de type commercial moderne. Il fut un praticien mobile cherchant à fuir la concurrence et à s’installer dans des localités toujours plus peuplées. Si sa décision de s’installer à Saint-Clément résulta de son mariage, elle correspondait aussi à un calcul professionnel partiellement rationnel. En effet, lorsqu’il y arriva, le canton de Tarare était un quasi-désert médical comme il en existait tant en France à l’époque. Y résidaient seulement deux praticiens de plein exercice, dont l’un, Barthélemy Girerd, reçu sous l’Ancien Régime, avait obtenu son doctorat en médecine à Montpellier en 1770 et devait avoir dans les 80 ans en 1828. Les deux chirurgiens « experts » (c’est-à-dire dont l’exercice se limitait à la dentisterie, à l’oculisterie et aux bandages) devaient être aussi très âgés puisqu’ils avaient été admis respectivement en 1760 et en 1776. À ces trois survivants de l’Ancien Régime s’étaient adjoints tout récemment Louis Courraut, docteur de la faculté de Paris en 1815, une sage-femme et un pharmacien reçus par le jury médical du Rhône respectivement en 1813 et en 18188. Néanmoins, tous ces praticiens étaient établis au chef-lieu de canton. Situées à 6 et 11 kilomètres de Tarare, les communes de Valsonne et Saint-Clément en étaient séparées par un col situé à 600 mètres d’altitude et desservi par un mauvais chemin soumis aux intempéries. Peu actifs, ces praticiens ne devaient guère se déplacer sur le territoire de Françon. Celui-ci était néanmoins étroit. Au nord-ouest, il butait contre le col du Pilon (700 mètres) au-delà duquel les villages étaient rares, pauvres, éloignés et peu peuplés. En aval, la concurrence n’était qualitativement pas très redoutable car, sur les trois officiers de santé résidant au Bois-d’Oingt, éloigné de Saint-Clément par 13 kilomètres de mauvais chemins9, deux n’exerçaient qu’en vertu des certificats que le maire et deux notables leur avaient délivrés en 1804 en vertu de l’article 23 de la loi du 19 ventôse an XI. Celui-ci stipulait :
Les médecins ou chirurgiens établis depuis la suppression des universités, facultés, collèges et communautés sans avoir pu les faire recevoir et qui exercent depuis trois ans se muniront d’un certificat délivré par les sous-préfets de leurs arrondissements sur l’attestation du maire et de deux notables des communes où ils résident au choix de sous-préfets ; ce certificat qui constatera qu’ils pratiquent leur art depuis la date indiquée, leur tiendra lieu de diplôme.
Si l’on peut donc douter de leur qualité, rien n’indique qu’ils n’aient pas eu de clientèle et leur présence devait limiter sa sphère d’influence. Si la résidence de Françon le protégeait des concurrences et des dénonciations, elle limitait le territoire de sa pratique aux deux bourgs de la vallée du Soanan.
5Bien qu’il bénéficiât peut-être d’une sorte de monopole de fait au début de son exercice, cette situation ne dura pas, avec l’installation à Tarare de nouveaux médecins plus dynamiques que les précédents. Né en 1792 à Panissières dans la Loire (20 kilomètres de Tarare), Étienne Duthel fut reçu à Montpellier en 182410, et Jean-Louis Poulat le fut à Strasbourg en 1827 à 41 ans11. Tous deux venaient régulièrement à Saint-Clément, ainsi qu’un docteur Pistre qui n’a laissé aucune trace dans les archives12. Françon quitta donc Saint-Clément pour la commune voisine, Valsonne, où il résidait déjà en janvier 183413. De moitié plus peuplée que Saint-Clément (1 500 habitants contre 1 000), Valsonne était encore plus industrielle. Les mousseliniers (178) et plus généralement les travailleurs du textile (248) y étaient au moins deux fois plus nombreux que les agriculteurs (113). L’équipement artisanal et commercial était à la fois plus élaboré et plus dense qu’à Saint-Clément. Maçons, charpentiers, menuisiers (18) dépassaient largement les artisans classiques – charrons, maréchaux-ferrants, meuniers, cordonniers – (13 au total). Les services étaient aussi plus développés que dans le village voisin, en particulier avec une présence importante du personnel religieux (9). Le curé disposait d’1 vicaire et de 2 bedeaux, et 5 religieuses (dont 3 faisaient l’école et 2 le service des malades) habitaient la bourgade. En revanche, malgré une maison et une petite terre mise à la disposition d’un éventuel instituteur résidant, et faute de pouvoir lui assurer un traitement, la commune devait se contenter « des instituteurs voyageurs [qui] viennent environ cinq ou six mois de l’année14 ». Une accoucheuse représentait la seule « offre médicale » avant l’arrivée de Françon. Si la présence du facteur n’était guère un signe de distinction, celle du notaire Chol classait le bourg au rang d’un chef-lieu de canton. En revanche, et malgré les incertitudes du recensement15, la population paraissait plus pauvre que celle de Saint-Clément. Les cultivateurs n’étaient pas qualifiés de propriétaires, les domestiques et les journaliers y étaient nombreux (92), les commerces se limitaient à la boulangerie, au cabaret et à la boucherie – même si on comptait 3 marchands et 3 marchandes aux fonctions imprécises – et l’élite sociale était étroite (6 propriétaires, 1 rentier, 7 fabricants et 2 notaires, dont 1 honoraire). Si Françon eut de bonnes années à Valsonne, l’installation dans le village du docteur Poulat fut sans doute la raison essentielle de son départ pour Saint-Forgeux entre 1836 et 184116.
6Mais d’autres raisons peuvent être évoquées. La mort de sa femme en 1838 – qui semble avoir distendu ses liens avec sa nombreuse belle-famille17 – et le départ de son protecteur – le maire Dubost en 1837 – ont pu contribuer à ce déménagement. Néanmoins, le choix de Saint-Forgeux avait aussi des raisons professionnelles. Proche de son précédent lieu d’exercice, la commune était mieux située, à proximité de l’axe Lyon-Roanne, plus peuplée (2 015 habitants en 184118) que Valsonne et Saint-Clément. Pourtant, la commune connut dans les cinq années suivantes une impressionnante baisse de population (1 416 en 1846) et redevint un gros village agricole. En 1846, les cultivateurs (247) l’emportaient largement19 sur les ouvriers du textile (91, dont 65 ouvriers et ouvrières en mousseline) et le nombre des domestiques et journaliers (95) écrasait celui des propriétaires-cultivateurs et des rentiers (23)20. L’offre artisanale, commerçante et de service était faible (17) malgré la présence de 4 religieuses et de 2 sages-femmes. En outre, la concurrence était rude. En 1847, on comptait 5 docteurs, 5 pharmaciens et au moins 7 sages-femmes diplômées dans le canton de Tarare. Par ailleurs, les médecins de Tarare étaient bien enracinés dans la région puisque Claude-Benoit Chanel et Ange Clément Duperay, nés à L’Arbresle (à 18 kilomètres de Tarare), étaient venus rejoindre Duthel au chef-lieu de canton21. Bien plus, l’un de ces médecins, le docteur François Joseph Fontenelle (reçu à Paris le 9 juillet 1839), s’installa à Pontcharra, bourg immédiatement voisin de Saint-Forgeux. Françon dut donc parfois aller chercher les clients plus loin, comme ce « fils Guerpillon, tanneur à Longessaigne [à 17 kilomètres de Saint-Forgeux] et affecté d’une luxation du coude avec flexion de l’avant-bras [qui] est resté près de trois semaines à Saint-Forgeux pour se faire traiter par Françon22 ». Malgré ces facteurs a priori défavorables, Saint-Forgeux représenta l’apogée de la carrière médicale de Françon. La vigueur même de l’attaque des docteurs voisins en 1844 est le premier indice de l’importante activité professionnelle de Françon. Même si on ne peut pas les croire sur parole, ses concurrents médecins faisaient état d’honoraires extravagants. Selon eux, il aurait réclamé 775 francs aux héritiers du curé Berger « qui a succombé aux progrès de l’âge » pour l’avoir traité soixante jours mais sans déplacement, Françon n’étant « distant du presbytère que de quelques mètres23 ». Pour exagérée ou ponctuelle que puisse être cette accusation, il est indéniable que Françon faisait de bonnes affaires et le sous-préfet de Villefranche notait en 1845 : « Il fait bien ses affaires par suite des drogues qu’il vend à ses malades. » Son commerce aurait même été si développé qu’il aurait contraint les sœurs de Saint-Charles à « déplacer leur propre pharmacie dans une autre commune24 ». Ici, Françon semble agir à front renversé par rapport à la situation habituelle dans laquelle c’étaient les membres du clergé, les religieuses surtout25, qui taillaient des croupières aux médecins. Le cas du curé des Crottes, l’abbé Laugier, qui exerce largement la médecine26, semble rare dans le Rhône, malgré la forte pratique religieuse. À ma connaissance, les archives de la police médicale ne renferment qu’un seul cas de curé se livrant à l’exercice de la médecine27, mais il est vrai que les archives publiques ne disent pas tout, contrairement aux journaux tenus par des habitants. Les autorités communales des villages où s’installa Françon étaient particulièrement favorables au clergé, puisqu’on ne signale aucun conflit entre elles et lui pendant tout le siècle28. Mieux même, et encore en février 1879, le conseil municipal de Saint-Clément décida que « la commune acquérerait [sic] » les immeubles contigus à la maison conventuelle que le curé de La Pacaudière (Loire) voulait vendre à la sœur Épitalon, supérieure de la communauté, pour 2200 francs. La commune paierait au moyen d’un don manuel29. À Pontcharra aussi, bourgade voisine de Saint-Forgeux, les sœurs achetèrent pour 4 000 francs, en 1868, « une maison contiguë aux bâtiments de l’école que dirigent à Pontcharra les sœurs de cet ordre et destinée à l’agrandissement de cette école30 ». Quant à Saint-Forgeux même, les sœurs Saint-Charles y firent en 1831 l’objet d’une remarque critique pour avoir admis des garçons dans leur école de filles, situation face à laquelle le maire assurait « qu’il veillera à ce que l’abus de réunion des deux sexes dans une même école ne se reproduise plus31 ». En 1874, la même communauté bénéficia « d’une libéralité faite de la main à la main32 ». Bien sûr, le silence des archives sur les activités pharmaceutiques des sœurs signifie en fait qu’elles étaient si tolérées que l’on n’en parlait pas, en aucun cas qu’elles n’existaient pas. Dans ce contexte, fortement marqué par l’emprise religieuse, le succès commercial de Françon n’en est que plus remarquable. S’imposant face aux religieuses, Françon réalisa à Saint-Forgeux d’importantes acquisitions foncières, attestant aussi du succès de son activité.
7Le dernier déménagement de Françon est plus difficile à expliquer. On ne peut totalement exclure que de nouvelles menaces de dénonciation ou qu’une opération hasardeuse conclue tragiquement aient condamné Françon à la fuite, mais il est peu probable qu’une pareille affaire, si elle avait eu lieu, n’ait pas laissé de traces dans les archives. Quoi qu’il en soit, il quitta le canton de Tarare où il exerçait depuis vingt ans pour s’installer dans celui voisin de L’Arbresle. Entre février 1848 et décembre 185033, il élut domicile dans une commune plus petite que les précédentes, Lentilly. Aujourd’hui lointaine banlieue résidentielle lyonnaise, la commune totalisait en 1851 1 269 habitants, dont seulement 390 habitaient le bourg, les autres se dispersant dans 35 hameaux et lieux-dits. Si l’on en croit le tableau récapitulatif du recensement (toujours contestable), la population active était massivement agricole (86 %) et constituée en majorité de propriétaires-cultivateurs (55 %). Le commerce et l’artisanat ne faisaient que de la figuration et les élites étaient peu nombreuses (21 propriétaires, 13 membres des professions libérales et intellectuelles parmi lesquels le médecin Françon)34. Si le village et les communes immédiatement voisines ne comptaient qu’une sage-femme, Claudine Alain, elle aussi installée à Lentilly, le canton de L’Arbresle présentait un encadrement médical bien supérieur à celui de Tarare, avec 1 médecin pour moins de 3 000 habitants contre 1 pour plus de 4 000. Certes, ce personnel médical était aux deux tiers composé d’officiers de santé et n’était secondé que par un seul pharmacien35, dont l’officine ferma en 1852 avant d’être reprise en 1854 ou 185536. Contrairement à ce qu’il avait toujours fait, Françon ne semble pas avoir cette fois mené d’« étude de marché » très approfondie, bien qu’il ait pris soin de s’installer dans la partie la moins bien médicalement desservie du canton. En effet les praticiens résidaient essentiellement à L’Arbresle et dans la vallée de la Brévenne (Sain-Bel, Bessenay)37. Seul Antoine-Xavier Girard, qui résidait dans la commune voisine de La-Tour-de-Salvagny, pouvait d’autant plus l’inquiéter qu’il avait un profil atypique proche de celui de Françon. Né à L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse) en 1795, il avait tenté sa chance en se faisant recevoir par le jury médical du Rhône, d’abord comme pharmacien (1818) puis, tardivement (1837), comme officier de santé38. Peut-être déjà affaibli par la maladie qui l’emporta le 12 janvier 185139, Françon réduisit son activité professionnelle à la fin de sa vie comme le faisaient la plupart de ses « confrères » plus prestigieux que lui40. Il continua néanmoins à exercer puisque sa succession mobilière recensait 500 francs de « recouvrements à opérer en qualité de médecin41 ». D’après les sources, cette dernière installation aurait pu être liée à des raisons familiales. En effet, les beaux-parents de sa fille, Jean Joly et Madeleine Déodat, résidaient à Lentilly42, mais il n’est pas sûr que les relations aient été intimes entre les Joly et Françon. En effet, à peine quelques années plus tôt (1846), les Joly n’avaient pas vu avec plaisir le mariage de leur fils avec Mariette Françon43 : ils n’avaient jamais répondu aux actes respectueux que leur fils dut leur notifier par trois fois par l’intermédiaire du notaire44, conformément aux dispositions du Code civil45. Du reste, rien ne dit que les Joly assistèrent au mariage de leur fils célébré à Saint-Forgeux le 25 octobre 1846.
8Toujours est-il que, sans doute grâce à son charisme et à sa bonne réputation, Françon réussit à se constituer rapidement une clientèle dans les différentes bourgades où il s’installa. Cette patientèle fut seule à l’origine d’un enrichissement indéniable.
Un propriétaire devenu aisé
9À sa mort, la fortune de Françon était plus qu’honorable puisqu’il appartenait aux 5 % des Français les plus riches à leur décès. Ce résultat fut le fruit d’un long cheminement.
10Il faut dire que Françon partait de loin. On l’a dit, ses parents ne lui laissèrent aucun bien. Dans ces conditions, son mariage ne fut pas, pour lui qui n’avait rien, une mauvaise affaire, puisque la future mariée apporta un trousseau (8 draps, 24 serviettes, 3 couvertures, 1 couvre-pieds en indienne, 1 matelas de laine), des meubles, pour la plupart en noyer (1 buffet à deux portes, 1 table, 1 commode à trois tiroirs, un bois de lit, 6 chaises), estimés 500 francs, et la « somme de 600 francs d’argent provenant de ses gains et épargne qu’elle a par devers elle ou qui lui sont dus par différents particuliers46 ». Malgré les déclarations de ses défenseurs qui affirmaient dès 1832 que Françon possédait des propriétés à Saint-Clément, il ne faut pas imaginer qu’il était à cette époque un propriétaire aisé. En 1828, le couple racheta à une sœur Raffin 12 ares de vigne pour 300 francs payés comptant, l’année suivante « un corps de bâtiment très vieux et tombant tellement en ruine qu’il est inhabitable à moins de reconstruction ». Certes bien situé sur la route de Valsonne à Saint-Vérand et donnant au nord sur la place publique, il ne comprenait qu’une cuisine, son dessus et son dessous avec un hangar contigu. Huit ares de terrain non jointifs complétaient ce lot qui fut acquis pour 800 francs payés en quatre fois47. En 1833, Gabrielle Raffin l’aînée (1787-1833) prévoyait de léguer à son parfait homonyme de sœur, épouse Françon, la moitié d’une vigne plus deux rangs de ceps48. Enfin, en 1836, Françon acheta à Pierrette Romans veuve Goyard un morceau de bâtiment entre l’église et le cimetière, pour la modique somme de 50 francs49. Bref, à la mort de sa femme et au moment de son départ pour Saint-Forgeux, Françon disposait au maximum de 1 500 francs de biens immobiliers, dont au mieux un demi-hectare de vigne. Une partie de ces biens (11 ares de vigne situés au bourg) revinrent à ses enfants à la mort de leur mère50. Après la mort de cette dernière, Françon ne possédait plus à Saint-Clément qu’une maison de trois niveaux, un petit jardin et une vigne de 10 ares. Mis à prix pour 800 francs, ces biens furent acquis aux enchères en 1857 pour un peu plus de 2 500 francs51.
11Avec son installation à Saint-Forgeux, Françon obtint son statut de « propriétaire » (voir l’annexe 10). Le 23 mai 1843, il acheta d’abord près de 2 hectares de terres et de prés sis au lieu Grévilly au dénommé Debourg, pour 2000 francs. Le 18 novembre suivant, il acquit pour 12 000 francs (toujours payés comptant) auprès d’un couple de propriétaires et marchands de Pontcharra un corps de domaine, comprenant bâtiments d’habitation et d’exploitation, entouré de 18 hectares de terres, prés et bois contigus et attenants. Comme les précédents terrains acquis jouxtaient la nouvelle acquisition, Françon se trouvait à la tête d’un domaine de près de 20 hectares d’un seul tenant52. Peu de temps après, il en confia l’exploitation par un bail en fermage aux mariés Berthier-Givord pour un prix annuel de 850 francs et des redevances en nature estimées à 40 francs. Le nouveau propriétaire s’avérait un homme d’affaires avisé puisqu’il tirait de son domaine un rendement annuel de 6,3 % au lieu des 5 % habituels. En outre, le seul montant de cette rente foncière lui assurait des revenus plus de deux fois supérieurs au traitement moyen, certes faible, des instituteurs de la période53. Françon avait aussi d’autres revenus que ses gains professionnels. Sa déclaration de succession mobilière se composait essentiellement de 6 obligations sur 4 particuliers se montant à pas moins de 5 000 francs (sur 6 757), dont une seule se montait à 2 700 francs. Ce placement montre combien Françon était resté fidèle à l’économie d’Ancien Régime fondée sur les relations personnelles54. En y ajoutant ses biens immobiliers vendus en 1857, Françon laissait derrière lui une succession de 26 180 francs (avant paiement des droits). À une époque (1845) où 89 % des Lyonnais mouraient sans laisser aucun bien, Françon appartenait donc aux 5 % les plus riches et faisait plus exactement partie de ce que les historiens des années 1970 appelaient « la moyenne bourgeoisie55 ». Dans le cadre de sa région, sa fortune s’établissait aux frontières de l’aisance et de la richesse. Au sein de sa profession, la succession de Françon le plaçait au sommet de la pyramide des fortunes réunies par des officiers de santé. En effet, l’année de son décès (1851), seuls 2 des 15 officiers de santé décédés en Bretagne laissaient une succession supérieure à celle de Françon, alors que 8 mouraient avec moins de 5 000 francs (dont 3 avec moins de 1 000 francs) et 2 décédaient dans le plus complet dénuement. Sa fortune rivalisait avec celles des docteurs bretons décédés la même année, puisque seulement 9 d’entre eux (sur 23) laissaient plus de biens que Françon56.
La reconnaissance de ses concitoyens
12Assez logiquement, Françon éprouva le besoin d’obtenir la reconnaissance de ses concitoyens. Chez lui pourtant, l’occupation de fonctions électives ne fut pas la consécration de sa situation sociale, mais un moyen de l’atteindre.
13La question de savoir quel rôle politique précis joua Françon dans les villages où il résida reste difficile à déterminer. Faute d’archives électorales, on ne peut connaître l’ampleur de ses victoires en la matière et il ne faut bien sûr pas compter sur les procès-verbaux des conseils municipaux pour retrouver les prises de parole de leurs membres. Quant à ses options politiques, elles sont encore plus difficiles à déceler. En apparence, Françon était un homme du juste milieu puisqu’il mena toute sa carrière politique sous la monarchie de Juillet et ne se représenta pas (ou ne fut pas élu) comme conseiller municipal aux élections de l’automne 1848. Néanmoins, l’argument est fragile car il était sur le point de quitter la bourgade et se sachant peut-être déjà malade, souhaitait-il réduire ses activités ? Son testament révèle un catholique bon teint puisque le document commence par une supplication à Dieu de le recevoir dans sa miséricorde et prévoit de faire dire des messes pour le repos de son âme (voir l’annexe 2).
14Si l’on en revient aux faits, on peut établir que, membre de la garde nationale après juillet 1830, il fut l’un des 45 (sur 139) qui reçurent un fusil en octobre 183057. Peu après, il fut élu capitaine d’une des deux compagnies de la garde nationale de Saint-Clément et prêta serment en cette qualité le 8 mai 183158. Néanmoins, les deux compagnies furent sans doute fondues en une seule et, en décembre, il n’était plus question que d’une compagnie dont le capitaine était Jacques Lacote59. À partir de là, Françon ne joua plus aucun rôle dans cette milice plus citoyenne que bourgeoise60. La même année, il entra au nouveau conseil municipal, désormais élu en vertu de la loi du 21 mars 1831. Ce conseil représentait une rupture avec la période de la Restauration puisque seuls 2 membres de l’ancien conseil nommé furent choisis par les électeurs. Ceux-ci ne semblent pas avoir plébiscité Françon puisqu’il apparaît en huitième position dans la liste (non alphabétique) des conseillers installés le 27 novembre 183161. Sans doute élu avec un score médiocre, il fut clairement un conseiller absentéiste. Condamné par le juge de paix du canton62 pour avoir construit un escalier sur la voie publique et objet d’une dénonciation en mairie pour ce fait63, il ne parut plus au conseil municipal entre le 22 juillet 1832 et le 5 février 1834, séance lors de laquelle les propriétaires (dont lui-même) ayant la jouissance de fonds communaux s’engageaient à rétablir les lieux dans l’état où ils étaient avant la première invitation du conseil municipal. Sur ces entrefaites, installé à Valsonne, Françon fut très médiocrement présent en 1834 (quatre fois sur huit) et ne daigna pas assister, le 8 janvier 1835, à l’installation du nouveau conseil municipal (partiellement renouvelé en 1834), ce pour quoi il fut nommément tancé pour n’avoir pas indiqué le motif de son absence. Il revint siéger aux deux séances suivantes, puis il fut systématiquement absent jusqu’à la fin de son mandat, en 183764, sans pour autant songer à démissionner.
15Pourtant, malgré cette expérience, son goût pour les fonctions électives ne se démentit pas puisqu’il fut élu conseiller municipal de Saint-Forgeux en 184365. En effet, s’il ne figure pas dans les tableaux des conseillers municipaux entre 1837 et 184366, il siégea bel et bien au conseil municipal dans la seconde série du conseil sortant en 184967. Dans ce conseil, dont les délibérations sont conservées à partir du 12 février 1845, Françon connut son heure de gloire, tout à fait relative, le 10 mai 1846 lorsqu’il présida le conseil pendant la brève séquence lors de laquelle le conseil municipal dut examiner le compte administratif du maire, forcément en l’absence de ce dernier et de son adjoint68. Le scénario ne se reproduisit pas l’année suivante puisque Françon était absent lors de la même circonstance. Au total, il fut absent lors de cinq des quatorze séances du conseil et ne signa pas le procès-verbal dans trois autres cas69. Bref, Françon fut tout autant un « médiocre » conseiller municipal qu’il était un médecin contestable. Peut-être son caractère, jugé « ferme et extrêmement vif et prompt70 », l’amena-t-il à se brouiller avec les autres élus.
16Plus qu’un service rendu à ses concitoyens ou un moyen d’affirmer des convictions, l’occupation de fonctions électives était surtout pour lui un argument propre à amadouer les autorités en leur démontrant qu’il jouissait de la confiance publique et qu’il appartenait au monde des notables.
Une descendance éclatée
17L’aisance matérielle de Françon et son relatif prestige lui permirent et l’obligèrent à assurer une solide éducation à ses deux garçons survivants les plus âgés. Au moment où Jean-Pierre Françon dictait son testament le 1er décembre 1850 (voir l’annexe 2), l’aîné de ses fils survivants, François-Auguste, était élève au petit séminaire de L’Argentière (dans les monts du Lyonnais) et son cadet, Jean – dit « Jean-Pierre » –, étudiait au collège de Chazay d’Azergues, à une quinzaine de kilomètres de Lentilly. Quelques années plus tard (en 1857), lorsque la succession fut enfin réglée par une vente aux enchères des biens immobiliers, le destin des deux garçons était devenu bien différent. L’aîné était étudiant à la faculté de médecine de Paris et avait habité dans Paris avant d’être obligé de s’installer plus modestement à La Chapelle-Saint-Denis. La vocation médicale du fils aîné, peu surprenante tant les relations familiales étaient importantes dans le choix de cette profession, est pleine d’enseignements. Loin d’être hostile à l’establishment médical, Françon voulait voir un de ses fils y entrer de plain-pied. Même s’il est impossible de le prouver, tout laisse à penser que le fils visait le doctorat, comme c’était le cas des deux tiers des fils d’officiers de santé qui restaient fidèles à la médecine71. À cette époque, du reste, les examens pour être reçus officiers de santé étaient beaucoup plus élevés qu’avant 1854 : il en coûtait 840 francs, soit les deux tiers des droits exigés pour le doctorat (1 260 francs)72. De plus, le choix de s’inscrire à la prestigieuse et dominante faculté de Paris, plutôt qu’à l’école préparatoire de Lyon, renforce l’impression que c’est bien le doctorat qui était en ligne de mire73. Pour faire entrer son fils dans le cœur de la médecine officielle, Jean-Pierre Françon père avait fait des sacrifices importants puisque l’on estime à l’époque entre 20 000 et 25 000 francs le coût total des études menant au doctorat74.
18Si son père avait nourri des projets pour son deuxième fils, ils furent déçus. Celui-ci avait un tout autre profil. Peut-être à la suite de dettes (1 000 francs dus à un certain Rivière75), il devint soldat puis brigadier au 2e régiment de dragons en garnison à Lunéville76. Il ne resta pas dans l’armée et fut employé des chemins de fer, d’abord à Vienne puis à Valence. C’est là que, grâce à un collègue qui s’était marié avec une fille Rousset, il rencontra une de ses sœurs, Annette, sans profession, qu’il épousa à Saint-Donat-sur-l’Herbasse (Drôme) le 5 février 1861. Même si le mariage fut célébré à dix heures du soir, ce ne fut pas un mariage à la sauvette. Un contrat de mariage fut établi devant maître Laman77. Les beaux-parents s’intitulaient propriétaires et les témoins, sauf son camarade et futur beau-frère, étaient greffier, négociant et propriétaires. En revanche, ni sa femme ni son beau-père ne savaient signer78.
19Si le contraste entre les deux garçons est net, un fossé les sépare de leur sœur aînée, dont l’existence fut sans doute tragique. Claudine-Marie, qui se fit appeler très tôt Mariette, n’avait sans doute pas reçu beaucoup d’éducation. À 18 ans, elle épousa Jean-Claude Joly de Lentilly (Rhône, canton de L’Arbresle). À la naissance de ce dernier, le 1er août 1820, son père, Jean, était menuisier rue Neuve à Lyon et les témoins de la déclaration étaient deux artisans et commerçants de la même rue79. Jean Joly réussit sans doute dans la menuiserie et revint à Lentilly. En 1851, son couple y vivait dans une relative aisance puisqu’il était recensé comme propriétaire rentier et disposait d’une domestique à demeure80. Malgré la position enviable des Françon, les Joly ne virent pas l’union d’un bon œil, comme on l’a déjà signalé. Pourtant, le futur marié n’était pas d’un rang supérieur à celui de sa femme. Au moment de son mariage, Jean-Claude Joly était un commis négociant, sans doute en textile. Récemment installé à Saint-Forgeux, il reproduisait à vingt ans de distance le parcours de son beau-père comme forain récemment installé venant séduire une fille du lieu81. Si Françon donna son consentement et assista au mariage, celui-ci ne fut sans doute guère célébré en grande pompe puisque les parents du marié étaient absents et tous les témoins des gens modestes (boulanger, marchand épicier, garde champêtre), à l’exception de François Dupeuble, jeune propriétaire de 26 ans, sans doute en lien d’affaires avec le père de la mariée82.
20Après le mariage, la vie du jeune couple fut difficile. Comme ses parents, Claudine-Marie Françon eut avec son mari au moins 4 enfants83, dont l’un mourut en bas âge84 (voir la figure 1, chapitre 2). Cette forte fécondité ne dut pas faciliter la vie matérielle du couple. Au moment de la mort de son beau-père (1851), Jean-Claude Joly était désigné comme fabricant à façon85, mais en 1853 il n’apparaissait plus que comme contremaître en soierie86. À partir de là, sa déchéance sociale s’aggrava. En 1855, il dut ajouter les fonctions de cabaretier à sa profession textile87. Cette seconde activité ne suffit pas à enrayer la décadence. En 1857, il se présentait comme « ex-contremaître en soierie actuellement tisseur demeurant à Pontcharra actuellement à Lyon88 ». Lorsque son dernier fils naquit, son domicile était inconnu et sa femme dut embrasser la profession très dévalorisée de dévideuse89.
21Malgré la médiocrité de sa condition, la fille fut en plus défavorisée dans l’héritage dont Françon disposa de façon « genrée ». En effet, dans son testament, il alloua solidairement le quart de ses biens à ses trois fils à titre de préciput, comme il en avait juridiquement le droit. Les trois quarts restants furent partagés également entre les quatre héritiers. La disposition fut apparemment contestée et bloquée, si bien que la succession dut être réglée par un jugement du tribunal civil de Lyon intervenu six ans et demi après la mort de Jean-Pierre Françon. C’est aussi le tribunal qui déclara les immeubles impartageables et ordonna leur vente par licitation90, ouvrant la voie à la liquidation de la succession qui eut enfin lieu le 9 décembre 185791. Si cette pièce manque curieusement dans les actes du notaire Foris92, on peut, sans risque, estimer que, avant paiement des droits, les fils touchèrent chacun 7 000 francs et la fille moins de 5 000 (4 908). Aussi ne s’étonne-t-on pas que cette dernière, bien que fille aînée, eût un sort médiocre. Elle fut la seule à demeurer dans la région puisqu’elle mourut le 1er février 1891, à 62 ans, toujours à Pontcharra et sans doute seule93. Désignée comme ménagère, ce qui ne prouve pas qu’elle n’avait pas conservé une activité professionnelle94, elle laissa un fils, Claudius (né en 1858), qui était à l’époque plâtrier au dit lieu95.
*
22La mobilité sociale intergénérationnelle des Françon, comme sans doute celle de nombreuses autres familles, pouvait être très disparate selon les héritiers. Si la fille connut une indéniable régression sociale, le fils aîné survivant eut un sort inverse. La mobilité ne dépendait donc pas seulement de la fortune des parents mais aussi de la volonté de ces derniers de favoriser matériellement et intellectuellement l’un ou l’autre de leurs héritiers, sans doute selon les capacités escomptées des uns et des autres. Le fruit de ces décisions pouvait être aussi « genré », comme c’est le cas ici et sans doute très souvent au détriment des filles. Si celles-ci pouvaient faire de beaux mariages, il arrivait que, privées de capital matériel et intellectuel par la volonté de leurs parents, même aisés, elles soient condamnées à des existences socialement médiocres.
Notes de bas de page
1 Sans doute ce terme désigne-t-il des médicaments.
2 ADR, Uv 1210, Procès-verbal de gendarmerie du 17 juin 1832 (voir l’annexe 4).
3 Je souligne.
4 ADR, Uv 1210, Note sommaire tenue par le greffier (voir l’annexe 6).
5 ADR, Z 56/123, Lettre du maire de Valsonne au sous-préfet, 25 février 1834.
6 Laurence Fontaine, L’Économie morale : pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2008, p. 259.
7 Ibid. p. 284-286.
8 ADR, K, Recueil des actes administratifs, 1821, nº 7, Liste des docteurs, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes, herboristes.
9 ACSC, Délibérations du conseil municipal (1834-1874), Séance du 10 août 1835 décide les travaux de la route du lieu-dit Pepy au Pont-Tarret (vallée d’Azergues).
10 ADR, 5 M 24, Lettre du maire de Tarare au préfet, 16 novembre 1847.
11 ADR, 5 M24, Statistique médicale pour 1847.
12 Il n’existe pas de liste du personnel sanitaire entre 1821 (5 M 23) et 1847 (5 M 24).
13 ADR, 5 M 36, Lettre du préfet au sous-préfet, 28 janvier 1834.
14 ADR, 1 T 182, Lettre du maire au sous-préfet, 30 mai 1831.
15 Dans cette commune, à ce moment-là, l’appellation « propriétaire » est visiblement réservée aux rentiers et aucun cultivateur n’y est qualifié de propriétaire.
16 Où il réside assurément en 1841 – ADR, 5 M 36, Lettre du ministre de l’Instruction publique au préfet, 16 novembre 1841 – et où il est dûment recensé avec ses enfants – ADR, 6 MP 54, Recensement de Saint-Forgeux (1841).
17 Jacques-Olivier Boudon, Le Plancher de Joachim : l’histoire retrouvée d’un village français [2017], Paris, Gallimard, « Folio », 2019, p. 34, où l’auteur signale les mauvaises relations de Joachim Martin avec sa belle-famille et surtout ses beaux-frères. Il est possible que Françon ait éprouvé pareilles difficultés.
18 ADR, 6 MP 24, Recensements de Valsonne et Saint-Clément, 1836.
19 Nombre sans doute surestimé, car les recenseurs attribuaient systématiquement la qualification d’agriculteurs aux fils adultes de cultivateurs qui vivaient avec leurs parents et celle d’agricultrices aux femmes chefs de famille (contrairement à ce qui était fait à Saint-Clément en 1836).
20 ADR, 6 MP 81, Recensement de Saint-Forgeux, 1846.
21 ADR, 5 M 24, Lettre du maire de Tarare au préfet, 16 novembre 1847.
22 ADR, 5 M 36, Lettre des docteurs Duthel et Fontenelle, 1er septembre 1844.
23 ADR, 5 M 36, Lettre de Duthel et Fontenelle au préfet, 1er septembre 1844.
24 ADR, 5 M 36, Lettre du sous-préfet au préfet, 30 janvier 1845.
25 Jacques Léonard, « Femme, religion et médecine : les religieuses qui soignent en France au xixe siècle », Annales, économies, sociétés, civilisations, nº 3, 1977, p. 887-907.
26 Jacques-Olivier Boudon, Le Plancher de Joachim, op. cit., p. 191-199.
27 ADR, 5 M 36, Lettre de Hugon, curé de Sainte-Colombe-les-Vienne, s. d. [frimaire an XIII, novembre-décembre 1804].
28 ADR, 2 V 86 à 92, Conflits clergé / municipalités / instituteurs.
29 ADR, 6 V 62, Lettres du préfet au sous-préfet, 5 décembre 1877 et 26 août 1879 ; Lettre du sous-préfet au préfet, 22 février 1879.
30 ADR, 6 V 50, Décret du 2 décembre 1868.
31 ADR, 6 V 51, Lettre du sous-préfet au préfet, 28 février 1831.
32 ADR, 6 V 51, Lettre du préfet au sous-préfet, 29 mars 1874.
33 Il siège une dernière fois au conseil municipal de Saint-Forgeux le 12 février 1848 et dicte son testament à Lentilly le 1er décembre 1850 : ADR, 3 E 19 634, Actes de Me Dru, notaire à Lentilly, avril-décembre 1850.
34 ADR, 6 MP 86, État récapitulatif du recensement de 1851.
35 ADR, 5 M 24 et 5 M 25, Statistiques médicales, 1847 et 1848.
36 ADR, 5 M 25, Statistique médicale par canton, canton de L’Arbresle, 1853. Il est indiqué que « la pharmacie Borne est fermée depuis 15 mois » ; ADR, 5 M 26, Statistique médicale, canton de L’Arbresle : Bertrand, pharmacien à L’Arbresle, est recensé.
37 ADR, 5 M 24 à 5 M 26.
38 ADR, 5 M 24, État des docteurs, officiers de santé et pharmaciens par commune, Commune de La-Tour-de-Salvagny, 17 novembre 1847.
39 ADR, 4 E 1891, Lentilly, Registre des décès, 1851, Déclaration du 13 janvier. Françon mourut bien de maladie et non d’accident ou brutalement puisque c’est alité qu’il dicta son testament à maître Dru, le 1er décembre 1850 : ADR, 3 E 19 634, Actes de Me Dru, 1850.
40 Jacques Léonard, Les Médecins de l’Ouest au xixe siècle, op. cit., vol. 2, p. 873 et vol. 3, p. ccxxiii (cas du docteur Auguste Fouquet).
41 ADR, 3 Q 12/412, Succession du 3 juillet 1851.
42 ADR, 6 MP 86, Recensement de Lentilly, 1851. Jean Joly, 65 ans, et son épouse Marguerite Déodat résident au lieu-dit « Grand-Croix ».
43 On songe ici bien sûr aux dissensions intrafamiliales évoquées par Jacques-Olivier Boudon, Le Plancher de Joachim, op. cit., p. 34.
44 ADR, 3 E 18 514, Actes des 9 juillet, 22 août et 23 septembre 1846.
45 L’article 151 du Code civil imposait aux enfants ayant atteint leur majorité matrimoniale (25 ans pour les garçons, 21 ans pour les filles) de demander « par acte respectueux » le conseil de leurs père et mère.
46 ADR, 3 E 11 790, Contrat de mariage du 27 décembre 1827.
47 ADR, 3 E 32 653, Vente J.C. Lafay-Françon, 12 janvier 1829.
48 ADR, 3 E 32 657, Testament de Gabrielle Raffin, 18 juin 1836.
49 ADR, 3 Q 48/627, Vente du 19 janvier 1836 ; et ADR, 3 E 32 660, Vente du 19 juin.
50 ADR, 3 Q 48/627, 23 octobre 1838.
51 ADR, 3 E 16 421, Cahier des charges de la vente par adjudication, 2 octobre 1857, et procès-verbal d’adjudication des immeubles des successions Françon-Raffin, 8 novembre 1857.
52 ADR, 3 E 16 407, Ventes des 23 mai et 18 novembre 1843.
53 Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967 [1968], Paris, Armand Colin, 1970, p. 140.
54 Laurence Fontaine, L’Économie morale, op. cit., p. 284-286.
55 Pierre Léon, Géographie de la fortune et structures sociales à Lyon au xixe siècle : 1815-1914, Lyon, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1974, p. 77 et 150-151.
56 Jacques Léonard, Les Médecins de l’Ouest au xixe siècle, op. cit., vol. 2, p. 579. Moins pertinente, la comparaison avec les années 1810 donne le même résultat. Seuls 3 officiers de santé sur 26 laissent des héritages supérieurs à 20 000 francs : vol. 1, p. 505.
57 ACSC, Délibérations du conseil municipal (1818-1834), comprend aussi les transcriptions de plaintes faites en mairie et les procès-verbaux de différentes cérémonies, 25 octobre 1831.
58 ACSC, Délibération du conseil municipal, 8 mai 1831.
59 ACSC, Délibération du conseil municipal, 3 décembre 1831.
60 Voir Louis Girard, La Garde nationale : 1814-1871, Paris, Plon, « Civilisations d’hier et d’aujourd’hui », 1964 ; et, plus récent mais portant seulement sur Paris, Mathilde Larrère, L’Urne et le fusil : la garde nationale de Paris de 1830 à 1848, Paris, Presses universitaires de France, 2016.
61 ACSC, Installation du nouveau conseil municipal de Saint-Clément, 27 novembre 1831.
62 ADR, 7 UP 2276, Justice de paix de Tarare, Audience du 27 mai 1830.
63 ACSC, Délibérations (1818-1834), Plainte du 12 août 1832 (voir l’annexe 11).
64 ACSC, Délibérations (16 mars 1834, 15 février 1874), passim.
65 ADR, 5 M 36, Lettre du ministre de l’Instruction publique au préfet, 11 janvier 1845.
66 ADR, 3 M 1622, Tableau des conseillers municipaux de Saint-Forgeux, 1837-1840 (sic) et 1840-1843.
67 ACSF, Délibérations du conseil municipal (12 février 1845-15 mai 1865), Installation du conseil municipal, 8 mai 1847.
68 ACSF, Délibérations du 10 mai 1846.
69 ACSF, Délibérations du 12 février 1845 au 20 mai 1848.
70 ADR, 5 M 36, Lettre de la brigade de gendarmerie de Tarare au commandant de la gendarmerie du Rhône, 1er mai 1845.
71 Jacques Léonard, La Vie quotidienne du médecin de province au xixe siècle, Paris, Hachette, « La Vie quotidienne », 1977, p. 16.
72 Jacques Léonard, Les Médecins de l’Ouest au xixe siècle, op. cit., vol. 2, p. 946-947.
73 ADA, 20 M 6, Liste des médecins, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes, herboristes (1835-1895). Le document signale un Françon reçu à Paris en 1855.
74 Jacques Léonard, La Vie quotidienne du médecin de province au xixe siècle, op. cit., p. 29.
75 ADR, 3 E 16 421, Acte du 1er octobre 1857. Il hypothéqua pour cela sa part dans l’héritage immobilier non encore partagé de son père.
76 Les titulaires de ce premier grade (brigadier dans la cavalerie, caporal dans les autres armes) n’étaient pas des sous-officiers mais restaient des hommes de troupe.
77 ADD, 2 E 22 148, Contrat du 6 janvier 1861.
78 ADD, 2 Mi 1028/R1, Registres de l’état civil de Saint-Donat-sur-l’Herbasse (1849-1865). Je dois la référence à Lionel Auvallet, un de mes anciens étudiants, chargé de recherche des origines de propriété dans un cabinet de géomètres et fin connaisseur des arcanes de l’état civil.
79 AML, 2 E 189, Registre des naissances (1820).
80 ADR, 6 MP 86, Recensement de 1851, Lentilly, section de la Grand-Croix.
81 ADR, 4 E 4267, Saint-Forgeux, Acte de mariage de Claudine-Marie Françon et de Jean-Claude Joly, 25 octobre 1846.
82 ADR, 4 E 4267, Mariage du 25 octobre 1846. À la mort de Françon, un Dupeuble lui devait 2 700 francs.
83 ADR, 4 E 10 213, 4 E 3851 et 4 E 3852 : Joany née en 1847, Fany née le 12 mars 1853, Claude né le 9 février 1855 et Claudius né le 13 septembre 1858.
84 ADR, 4 E 10 213, Acte de décès de Claude (appelé Claudius) du 11 décembre 1856. Ce n’est pas le père, sans doute déjà absent du domicile familial, qui déclare le décès.
85 ADR, 6 MP 123, Recensement de Lentilly, 1851.
86 ADR, 4 E 3851, Acte de naissance de Fany Joly, 12 mars 1853.
87 ADR, 4 E 3851, Acte de naissance de Claude Joly, 9 février 1855.
88 ADR, 3 E 16 421, Cahier des charges, 2 octobre 1857.
89 ADR, 4 E 3852, Acte de naissance de Claudius Joly, 13 septembre 1858.
90 ADR, Uciv 424, Jugement de la deuxième chambre, 8 août 1857.
91 ADR, 3 E 16 416, Répertoire chronologique des actes de Me Foris (1852-1873).
92 ADR, 3 E 16 421, Actes de Me Foris (1857).
93 Si l’existence de son mari est signalée, le décès fut déclaré par son fils.
94 On sait que dans la région lyonnaise au moins les agents recenseurs de la fin du siècle ont tendance à qualifier toutes les femmes mariées de ménagères.
95 ADR, 4 E 10 198, Acte de décès du 1er février 1891.
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