Dossier. Service sanitaire : enjeux et objectifs pour les étudiants en santé
p. 310-313
Texte intégral
1Promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017, le service sanitaire concerne la formation de près de 50 000 étudiants en santé. Ce dispositif est entré en vigueur à la rentrée universitaire 2018. Dorénavant, la formation des étudiants en santé comporte obligatoirement six semaines consacrées à des actions de prévention.
2Le ministre des Solidarités et de la Santé et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation m’avaient chargé, par une lettre de mission en date du 12 septembre 2017, de conduire des travaux permettant de définir les modalités de mise en œuvre de ce service sanitaire pour tous les étudiants en santé, qu’ils relèvent des filières médicales ou non médicales. Ces travaux ont abouti à l’élaboration d’un rapport1 donnant les éléments de guidage concernant le dispositif tel qu’il a été mis en place.
Enjeux
3Le service sanitaire pour tous les étudiants en santé, intégré dans les maquettes pédagogiques, s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de santé, dont le premier axe vise la prévention et la promotion des comportements favorables à la santé et le deuxième axe, la lutte contre les inégalités, sociales et territoriales. Initier tous les futurs professionnels de santé aux enjeux de la prévention primaire et leur permettre de réaliser des actions concrètes dans ce domaine a d’emblée constitué un des objectifs majeurs de la mise en œuvre du service sanitaire. La lutte contre les inégalités est naturellement apparue comme une autre priorité.
Définition du service sanitaire pour les étudiants en santé
4Le service sanitaire constitue un temps de la formation initiale des étudiants en santé consacré à la préparation et à la réalisation d’actions de prévention primaire, en direction d’un public cible. Ces actions doivent répondre à un besoin identifié dans les territoires. Le service sanitaire comprend le temps de formation préparatoire à cette action, le travail personnel des étudiants afférent, la réalisation de l’action et le retour d’expérience encadré de cette action de prévention. L’évaluation de la formation pour les étudiants et des actions réalisées est également intégrée au dispositif.
Objectifs
5Il existe deux objectifs :
Un objectif de santé publique : contribuer à la réponse aux besoins de prévention dans les territoires. Le service sanitaire doit donc permettre la réalisation d’actions concrètes de prévention dans le cadre de la formation initiale des étudiants en santé. Il doit contribuer à l’objectif de réduction des inégalités territoriales. L’acquisition des compétences psychosociales constitue un enjeu majeur de réduction des inégalités de santé. Il convient d’éviter toute ambiguïté sur la nature de ces actions, qui s’inscrivent dans le cadre de la formation initiale des étudiants et ne sauraient être réalisées en lieu et place de professionnels. Il est important d’inscrire le service sanitaire dans les actions et programmes existants.
Un objectif de formation : favoriser une intégration de la prévention primaire dans la pratique des futurs professionnels de santé, ce qui suppose de rendre obligatoire dans les référentiels de formation le fait d’initier les futurs professionnels de santé aux enjeux de la prévention primaire. Le service sanitaire doit aussi favoriser l’interprofessionnalité et l’interdisciplinarité lors des formations suivies et des actions réalisées.
6Le socle commun de formation pour les étudiants en santé vise à ce que les étudiants soient attentifs aux populations présentant des besoins spécifiques. Réaliser une action de prévention, dont l’objectif est d’aboutir à un changement de comportement du public auquel on s’adresse, nécessite une préparation où la dimension éthique occupe une place majeure. L’acquisition d’une formation à la démarche-projet et le développement des modalités du travail personnel constituent également des objectifs de la formation.
Mise en œuvre du service sanitaire
Inscrire les thématiques d’actions, adaptées au public visé, dans le cadre d’enjeux majeurs de santé reconnus, et privilégier quatre thématiques
7L’alimentation, l’activité physique, les addictions (alcool, tabac, cannabis, autres drogues illicites, mais aussi écrans), l’activité et la vie sexuelle, ainsi que la prévention des maladies infectieuses et la prévention de l’antibiorésistance sont les thématiques privilégiées, mais non exclusives.
8Ces thématiques ont été retenues notamment parce qu’elles associent trois éléments importants : ce sont des enjeux nationaux de santé publique touchant de larges publics ; il s’agit d’actions probantes (il existe dans la littérature des preuves de la possible efficacité des actions préventives faites sur ces thématiques) et il existe des documents pédagogiques validés pouvant être mis à la disposition de tous les formateurs.
Diversifier les lieux de réalisation de ces actions sans obligation pour les structures potentiellement concernées d’accueillir des étudiants dans le cadre de ce service sanitaire
9Les écoles, les collèges, les lycées et les universités ont été privilégiés dans un premier temps, en raison de la priorité de la prévention pour les jeunes, du nombre de structures de l’Éducation nationale (ce qui permet de répondre aux besoins d’un service sanitaire obligatoire pour 50 000 étudiants en santé). Les établissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) constituent également des lieux où ce type d’action a été réalisé. Ces actions peuvent également se dérouler dans d’autres lieux : par exemple, ceux relevant de l’aide sociale à l’enfance ou dans les entreprises volontaires, en lien avec les services de santé au travail.
10Les étudiants doivent être encadrés par un référent de proximité, présent dans chaque lieu de stage, et par un responsable pédagogique de formation rattaché à l’université ou à l’institut de formation.
Développer et renforcer la culture pluriprofessionnelle et le travail en équipe
11Pour cela, il a été demandé que les groupes en charge d’une action spécifique soient composés d’étudiants venant d’au moins deux filières différentes (sciences infirmières/médecine, ou pharmacie/maïeutique par exemple). Les premières expériences ont montré que les équipes pluriprofessionnelles, quand elles ont pu être mises en place, ont été plébiscitées par les étudiants. Ce travail en mode projet et avec des équipes ainsi constituées apporte des compétences nouvelles à tous les étudiants, une meilleure connaissance sinon des métiers du moins de l’esprit des formations et les prépare à travailler ensemble pour une meilleure prise en charge des malades. Il faut aussi renforcer la pluriprofessionnalité des équipes de formateurs qui, elle aussi, s’avère enrichissante.
Encadrement des étudiants
12La préparation de l’action de prévention suppose l’acquisition de contenus de formation spécifiques sur la prévention primaire : guide méthodologique sur la prévention et la promotion de la santé, référentiels de formation. Elle doit s’appuyer sur l’expertise des structures nationales de santé publique – telles que la Société française de santé publique (SFSP), le Collège des enseignants de santé publique (CUESP), l’École des hautes études en santé publique (EHESP), Santé publique France (SPF) et la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (FNES). Mais le service sanitaire ne doit pas être réservé aux seuls enseignants de santé publique.
13Un retour d’expérience avec le référent universitaire et le référent de l’école de formation doit permettre de tirer les enseignements de la réalisation de l’action de prévention. Un accord unanime des parties prenantes souligne l’importance des évaluations à mener.
14La durée du service sanitaire est fixée au niveau national à six semaines, mais une adaptation de ses modalités de déroulement selon les filières et les universités est possible. Il n’est pas forcément effectué en continu et peut être adapté aux spécificités du cursus, mais la durée des études ne doit pas être rallongée.
15Il est nécessaire que chacune des formations réfléchisse à la place à accorder au service sanitaire dans le cursus de formation.
16Le rapport de 2018 présente différentes hypothèses de chiffrage, en insistant sur un principe incontournable : l’absence de surcoûts pour les étudiants.
Garantir la réussite du service sanitaire des étudiants en santé
17La mie en œuvre du service sanitaire pour les étudiants en santé suppose une gouvernance structurée au niveau régional comme au niveau local.
18La création d’un Comité régional du service sanitaire est un facteur déterminant de réussite. Les agences régionales de santé, compte tenu de leur rôle dans la définition des besoins en prévention dans le projet régional de santé, de leur connaissance des établissements médico-sociaux et du tissu associatif ont un rôle de première importance dans la mise en place du service sanitaire.
19Le comité de pilotage et de suivi national a pour mission de suivre l’état d’avancement du projet, la mise en œuvre du service sanitaire dans les territoires et d’en analyser les résultats.
20Enfin, le Haut Conseil de la santé publique doit évaluer le dispositif de service sanitaire, notamment sur son périmètre, son organisation, sa mise en œuvre et ses effets, avant le 31 juillet 2022.
21Des leviers sont apparus au cours de la mise en place du service sanitaire : l’investissement d’un grand nombre d’étudiants, les partenariats antérieurs avec des associations du domaine, la collaboration entre composantes universitaires et instituts de formation.
22Des freins sont encore à lever et des améliorations à apporter : mise en œuvre pour tous les étudiants de l’interprofessionnalité, meilleur encadrement à la fois pédagogique et sur le site de l’action, meilleure intégration du service sanitaire dans le cursus pédagogique, budget spécifique à mettre en place pour les supports pédagogiques, et surtout meilleure prise en compte des inégalités territoriales.
23Le service sanitaire est un projet ambitieux qui se déploie de manière progressive. Cette réforme concourt au virage préventif préconisé par le Haut Conseil de la santé publique et s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale de santé 2018-2022.
Notes de bas de page
1 Vaillant Loïc (février 2018), avec l’appui de Bensadon Anne-Carole, Siahmed Hamid, Gicquel Rémy, « Mise en œuvre du service sanitaire pour les étudiants en santé ».
Auteur
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Loïc Vaillant
PU-PH Dermatologie, ancien président de l’Université de Tours, président de la COMUE Léonard de Vinci, président du cancéropôle Grand Ouest.
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