Sérialité au cinéma
Le cas Wolverine
p. 177-194
Texte intégral
1 Contrairement aux autres super-héros (qui sont soit des victimes d’accidents scientifiques, soit de riches génies en matière de technologie) les X-Men sont des mutants nés avec des super-pouvoirs, ce qui a permis, du propre aveu de Stan Lee (Lee), de renouveler le schéma des personnages sortis de son imagination. Par ailleurs, ce qui distingue ces films des séries de films évoquées plus haut, c’est qu’on y met en scène non pas un seul protagoniste (autour duquel peuvent éventuellement graviter d’autres figures de plus ou moins d’importance) mais un ensemble de personnages. Ainsi, au sein de l’« École pour jeunes surdoués » du Professeur Charles Xavier (School for Gifted Youngsters) sont réunies des individualités aux talents extraordinaires et spécifiques, qui ont en commun d’être en butte à la méfiance voire au rejet de leur famille, et mis au ban de la société. Cette communauté fonctionne à la fois comme modèle familial alternatif et comme unité de combat. La plupart des mutants qui en font partie sont des adolescents ou de jeunes adultes qui bénéficient de l’encadrement de quelques individus plus âgés dont leur mentor, Charles Xavier, que tous appellent affectueusement Professeur X.
2L’évolution, à la fois individuelle et collective, de cette galaxie de personnages sur les planches des comics qui leur sont dédiées a su résister aux exigences et aux contingences propres à l’industrie de la bande dessinée, à celles des scénaristes et des dessinateurs qui se sont succédé pour réaliser leurs exploits, mais aussi aux multiples artisans chargés de leur donner vie à l’écran. Pour puiser matière à étayer mon analyse, seules les versions cinématographiques de leurs aventures serviront de corpus.
3 Dans le milieu hétérogène et à géométrie variable de l’équipe des X-Men, c’est Wolverine1 qui retient l’attention, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce que ce personnage aux identités multiples (James Howlett, Weapon X, ou encore Logan, pour ne citer que les plus officielles) tient une place singulière dans le groupe : pièce mobile (voire instable) du fait de ses origines incertaines, c’est un électron libre, tantôt associé aux X-Men, tantôt farouchement autonome2.
4Le parcours cinématographique du personnage est également remarquable. En effet, lorsqu’il apparaît sur le grand écran devant la caméra de Bryan Singer, Wolverine est d’abord un personnage secondaire, qui s’impose comme un être irascible, violent et mystérieux. Tel une figure de film noir, les premiers plans qui lui sont consacrés le montrent de dos, le visage dans l’ombre. L’effet de suspense créé par l’attente du dévoilement de son identité finit par révéler que Wolverine, comme tous les membres de la grande famille des super-héros, est un freak aux griffes métalliques rétractiles, doué de la faculté de guérir de ses blessures de manière quasi-instantanée. Mais il est aussi amnésique, peu enclin à la sociabilité. Visiblement, il n’est pas fait pour s’intégrer dans une structure comme celle d’une école : il en a passé l’âge et, en outre, se méfie de toute forme d’autorité. Il se défie même de ce que lui propose le Professeur Xavier lorsqu’il le rencontre pour la première fois, c’est-à-dire l’aider à recouvrer des éléments de son passé et, de là, son identité. Pourtant, le marginal initial se transforme rapidement en pivot, la double tension qui préside à l’évolution du personnage (Va-t-il retrouver la mémoire et son identité ? Va-t-il faire partie des X-Men ?) constituant en grande partie le corps de l’intrigue de ce premier opus.
5Le succès du film aidant, Wolverine prend une place de plus en plus conséquente dans les deux épisodes suivants : X2 (Bryan Singer, 2003), X-Men : The Last Stand (X-Men : L’affrontement final, Brett Ratner, 2006). L’importance de ce personnage fort en gueule et qui bénéficie d’un capital sympathie inoxydable auprès du public (malgré le fait qu’il n’hésite pas, le cas échéant, à tuer ses adversaires3) ne se dément pas : on le retrouve à nouveau à l’affiche des dernières aventures en date des X-Men. Et s’il ne fait qu’une brève apparition dans X-Men : First Class/Le Commencement (Matthew Vaughn, 2011) et dans X-Men : Apocalypse (Bryan Singer, 2016), il tient le rôle central dans la dramaturgie de X-Men : Days of Future Past (Bryan Singer, 2014).
Sérialisation au cinéma
La sérialisation au cinéma est presque aussi ancienne que le septième art lui-même. De Nick Carter, le roi des détectives (Victorin-Hippolyte Jasset), dont les aventures débutent en 1908, à Fantômas (Louis Feuillade) qui commence à faire trembler Paris dès 1913, en passant par les exploits du fameux Rocambole (George Denola) la même année, le cinéma offre un prolongement à ce que les auteurs du XIXe siècle proposaient à leurs lecteurs : des histoires à rebondissements livrées en épisodes à intervalles réguliers.
Le cinéma américain n’est pas en reste, qui tient les spectateurs en haleine avec les aventures de Mary (What Happened to Mary, Ashley Miller et Charles Brabin) projetées mensuellement de 1912 à 1913. Peut-être plus célèbres encore sont les vicissitudes auxquelles l’actrice Pearl White doit faire face au cours des vingt épisodes des Perils of Pauline (Louis J. Gasnier et Donald MacKenzie) en 1914.
Si, outre-Atlantique, les premiers films consacrés aux super-héros sont produits relativement peu de temps après la naissance de ces personnages sur les planches des comics et diffusés sous forme sérielle (Adventures of Captain Marvel : 12 épisodes, William Witney et John English, 1941 ; Batman : 15 chapitres, Lambert Hillyer, 1943 ; Captain America : 15 chapitres, Elmer Clifton et John English, 1944 ; Superman : 15 chapitres, Spencer Gordon Bennet et Thomas Carr, 1948), il faut attendre les années 1970-80 pour retrouver une suite de longs-métrages consacrés à Superman, ou les années 1980-90 pour que Batman crée un nouvel engouement. Mais c’est avec le premier film consacré aux X-Men (X-Men, Bryan Singer, 2000) que les aventures des super-héros deviennent véritablement des franchises au succès pérenne ; presque vingt ans plus tard, les profits des studios hollywoodiens ne le démentent pas.

Affiche publicitaire pour Adventures of Captain Marvel, série de 1941.
6 Mieux, à ce jour, il est le seul des mutants de l’« écurie » du Professeur Xavier à bénéficier de trois traitements spécifiques4 (X-Men Origins : Wolverine, Gavin Hood, 2009 ; The Wolverine / Wolverine : Le Combat de l’immortel, James Mangold, 2013, et, enfin, Logan, à nouveau mis en scène par James Mangold, 2017).
7Certes, Wolverine n’a pas (encore ?) acquis la longévité sur grand écran d’un Tarzan ou d’un James Bond. Néanmoins, le personnage invite à une réflexion sur la manière dont son déploiement singulier5 s’articule au sein de la problématique de la sérialité. En s’appuyant sur les recherches et les analyses effectuées sur les séries télévisées, il est possible de dégager plusieurs éléments propres à l’ensemble des films considérés qui permettent de les appréhender comme autant de composantes de « fictions plurielles » ou de « mises en série », pour reprendre la terminologie préférée par Stéphane Benassi au terme de « séries » (Benassi 2000, 14). Une fois qu’il aura été établi qu’il y a bien une multiplicité de raisons justifiant le lien sériel qui unit les différents opus, deux éléments seront abordés, en utilisant les filtres de la narratologie et de la philosophie, avec une attention spécifique : le traitement de la temporalité et la problématique de la répétition.
8Si l’on en croit la définition relativement simple proposée par le Centre national de ressources textuelles et lexicales, une série est un « ensemble composé d’éléments de même nature ou ayant entre eux une unité. » Et si l’on considère plus spécifiquement les arts et les médias audiovisuels en particulier, la même source précise qu’une série est une « suite de feuilletons, de films, d’émissions liés par une unité de genre, de forme, de sujet ou de personnages ».
9Cette définition fait entrer en correspondance les films consacrés aux X-Men et ceux consacrés à Wolverine. En premier lieu en raison de la dimension récurrente des films : depuis l’an 2000, les aventures des super-héros mutants font régulièrement partie des summer blockbusters, chevaux de Troie de l’industrie cinématographique états-unienne. De plus, comme le survol du parcours singulier de ce personnage le suggère, il n’est pas impossible de voir les différents films dans lesquels il apparaît comme une « suite d’éléments (…) liés par une unité de personnages », créant ainsi un effet de série. Qui plus est, les films de la première trilogie forment implicitement une composition sérielle dans la mesure même où ils évoquent une numération ordinale. Les titres des films subséquents, quant à eux, assument explicitement leur intégration dans une série, puisqu’ils ont tous (mis à part les récents The Wolverine et Logan) en commun la désignation « X-Men », suivie de la précision concernant l’épisode. Ainsi, le proleptique X-Men Origins : Wolverine correspond à une ligne éditoriale propre à l’univers des comics et qui permet une relecture du parcours d’un personnage en insistant sur ce que Ursula Ganz-Blaettler appelle les « blessures du passé » (Sepulchre, 202-206). Par ailleurs, même si les deux films qui ont pour titre l’une et l’autre des différentes identités du personnage (Wolverine et Logan) forment un second arc narratif, ils sont liés à la série initiale puisque Wolverine est l’un des composants essentiels assurant l’« unité » entre les différents films. Benassi (in Sepulchre 110) estime que « les œuvres de logique éditoriale (les téléfilms unitaires ou les films de cinéma) ne peuvent échapper à une forme de contagion sérielle liée aux phénomènes de mise en module ou en paradigme (nous la nommerons sérialité éditoriale) », une « programmation » (in Sepulchre 110), donc, dont la matrice (ou méta-narration) est l’univers des mutants, auquel appartient Wolverine. Enfin, d’une aventure (individuelle ou au sein d’une collectivité) à une autre, le spectateur est à même de repérer ce qui, toujours selon Benassi, « conditionne notre adhésion à une fiction », c’est-à-dire « la reconnaissance des invariants et l’anticipation ou l’imprévisibilité des variations » propres au protagoniste (s’appuyant sur les travaux de Noël Nel, Sepulchre 112). Effet qui se combine avec le simple fait que depuis 17 ans, le même acteur, Hugh Jackman, incarne le personnage à l’écran. Ce qui impose les films consacrés tantôt aux X-Men, tantôt à Wolverine lui-même, comme autant d’éléments composant une forme de cohérence, une « autonomie différentielle » du protagoniste (Sepulchre 129).
10Si Wolverine n’est pas le seul personnage récurrent de la série, c’est le seul qui apparaisse dans tous les opus joué par le même acteur. À l’inverse, si on se tient aux versions « adulte » des personnages (les héros « jeunes » sont bien sûr joués par d’autres acteurs, y compris les quelques scènes où James Howlett est pré-adolescent dans X-Men Origins : Wolverine) certains rôles de mutants (ou d’antagonistes) sont joués par deux, voire trois acteurs différents, indépendamment de l’âge relatif du personnage dans l’univers fictionnel. C’est le cas, par exemple, pour Kitty Pryde (Sumela Kay, Katie Stewart et Ellen Page) ou William Stryker (Brian Cox, Danny Huston et Josh Hellman). Ce mode de fonctionnement est caractéristique des séries de films consacrés aux super-héros. Typiquement, et pour rester dans l’univers de Marvel, depuis 2002 on a pu voir plusieurs acteurs reprendre le rôle de Spider-Man : Tobey Maguire à trois reprises dans Spider-Man (2002), Spider-Man 2 (2004) et Spider-Man 3 (2007) réalisés par Sam Raimi, Andrew Garfield sous la direction de Marc Webb dans The Amazing Spider-Man (2012) et The Amazing Spider-Man 2 (2014) et enfin Tom Holland dans Captain America : Civil War (2016) des frères Russo et dans Spider-Man : Homecoming (2017) de Jon Watts. Cette dimension cyclique, ainsi que les variations qu’elle implique, rappellent les origines des personnages qui, dans les comics, varient selon les dessinateurs, les époques, les modes, les enjeux sociaux et idéologiques (voir notamment Stevens).
11Autre élément d’importance : Bryan Singer a initié et été aux commandes de la moitié des opus de la franchise X-Men6. Il en est aussi le plus souvent producteur, et est fréquemment entouré par la même équipe de producteurs exécutifs et de techniciens, ce qui renforce l’impression de cohérence thématique et esthétique, caractéristique dont on a vu qu’elle était également le propre d’une série.
12Se combinent aux enjeux artistiques des préoccupations bien plus mercantiles. Lorsqu’un produit rencontre le succès auprès du public, c’est une caractéristique du mode de fonctionnement du monde industriel en général et du système hollywoodien en particulier d’exploiter ce filon en proposant des suites (sequels) et des récits d’origine (prequels) (Laurichesse). Cette logique commerciale ne manque pas de s’appliquer aux X-Men et à Wolverine dont les narrations fermées (chaque film est autonome) se combinent avec de brèves séquences post-générique de fin (exception faite de Logan) qui, en annonçant un développement à venir, assurent une continuité dramatique et donnent à l’ensemble des films une dimension de « narration feuilletonante » (Laurichesse) appartenant à un méta-récit qui invite les spectateurs à revenir au cinéma pour voir la suite…
13Cependant, d’un point de vue diachronique, les différents films sont aussi l’occasion de parcourir plusieurs moments de la vie de Wolverine. De cette manière, ils contribuent naturellement à son développement, à son évolution, à la « densification de l’univers fictionnel » (Esquenazi 2013, 60) dans lequel il existe, résultant, au final, d’une narration cumulative. De fait, il ne s’agit pas de mettre le même personnage dans des situations différentes : cet effet, que l’on retrouve dans les séries télévisées ou les dessins animés, permet d’envisager la notion de série comme simple succession ou variations du même. Quelque chose de plus complexe est à l’œuvre lorsque l’on se penche sur l’ensemble des films du corpus, et ce, à plusieurs égards.
14En premier lieu, si l’on considère la temporalité (composante essentielle du récit, comme le rappellent les travaux de Paul Ricoeur) qui structure les films pris individuellement, mais aussi la suite des longs-métrages dans son ensemble, on observe que deux paramètres, la diégèse et la chronologie, deviennent des enjeux fondamentaux. En effet, l’ensemble des métrages repose, d’une part, sur une alternance non régulière entre film d’ensemble et traitement individuel et, d’autre part, sur un ancrage temporel contemporain à partir duquel tous les films s’articuleraient classiquement sur le modèle du flash-back ou du flash-forward, avec quelques rares paradoxes temporels.
15À la différence de la plupart des autres films de super-héros (qui se veulent « achroniques », pour reprendre le terme de Genette), les films de la franchise X-Men entretiennent un rapport complexe avec l’Histoire. X-Men est le premier opus ; il sert de point de référence à partir duquel se construisent les autres métrages. Mais il sert également de mètre-étalon en établissant comment l’Histoire (certes recréée pour des films de fiction) est complétée par une temporalité fictive. De fait, le film s’ouvre sur le jeune Erik Lensherr/Magneto dans un camp de concentration en Pologne, en 1944. Mais l’action principale se déroule dans « un futur proche », comme l’indiquent les mots affichés en surimpression dans le plan d’ouverture de la seconde séquence.
16Sur un mode similaire, un carton signale, dès les premières images de X-Men Origins : Wolverine, la date fictionnelle : « 1845 ». Puis des scènes défilent où le protagoniste et son frère évoluent dans des contextes temporels suffisamment marqués pour ne pas avoir besoin d’être complétés par une date. En effet, sans prendre une ride, les personnages participent successivement à la guerre de Sécession, à la seconde guerre mondiale puis à l’engagement américain au Viet Nam.
17Révélateur de l’ambivalence voulue, il arrive que le temps fictionnel inclue une réinterprétation du temps historique. L’action principale de X-Men : First Class se situe dans les années soixante, sur fond de guerre froide, et s’achève en 1962 sur une résolution de la célèbre Crise des missiles de Cuba qui n’apparaît dans aucun livre d’histoire… X-Men : Days of Future Past, au titre déjà annonciateur des va-et-vient entre différentes époques, débute sur un futur fictif relativement proche (2023) puis, grâce à un flashback, se poursuit en 1973, au moment des accords de Paris qui marquent la fin de la guerre du Viet Nam, mais dont les chroniques officielles de l’époque ne mentionnent pas la présence (qui aurait pourtant dû être remarquée) de mutants. Dans ce même film, Magneto est libéré d’une prison où il croupit après avoir été accusé d’avoir assassiné JFK à Dallas d’une balle volant en zig-zag. Le début de X-Men : Apocalypse pousse la logique encore plus loin en nous faisant traverser plusieurs millénaires de l’Histoire de l’humanité : dans le trajet plongeant et tourbillonnant de la caméra imitant un vertigineux travelling avant (signature formelle du générique de chaque épisode de la série) sont intégrés successivement des hiéroglyphes égyptiens, une représentation du Christ sur son chemin de croix, la Mona Lisa de Léonard de Vinci, un train, des avions de chasse, un swastika nazi, une étoile rouge ainsi qu’un marteau et une faucille. Est ensuite retracé le parcours du tout premier mutant, à l’époque des pharaons. La suite du film fait intervenir l’ensemble des protagonistes de X-Men : Days of Future Past en opérant des aller-retours entre les années 1980 et le futur fictionnel de 2023.
18Les réflexions de Jean-Marie Schaeffer sur la fonction d’« immersion fictionnelle » doivent ici être sollicitées pour comprendre et justifier l’importance de l’interpénétration entre temps historique et temps fictionnel. « Pour que le processus d’immersion puisse fonctionner, il faut que les personnages et leur destin nous intéressent et, pour ce faire, ils doivent entrer en résonnance avec nos investissements affectifs réels » (186), le facteur temporel devenant ainsi le principal vecteur de l’investissement possible du spectateur.
19L’ordre chronologique des événements pose cependant problème. Le spectateur occasionnel des aventures des super-héros mutants peut sans difficulté intégrer les paramètres temporels qui sous-tendent chacun des films. La tâche devient plus ardue lorsqu’il s’agit de considérer l’ensemble des films, et de trouver dans le temps de la fiction une articulation entre les différents moments évoqués. Certes, comme cela a été évoqué plus haut, les saynètes visibles après le générique de fin d’un certain nombre de métrages (chronologiquement, X-Men : The Last Stand, X-Men Origins : Wolverine, The Wolverine, X-Men : Days of Future Past et X-Men : Apocalypse), s’inspirant du fameux « à suivre » qui permettait aux publications sérielles de s’assurer un lectorat régulier, proposent un effet similaire d’amorce et de fluidité de développement. Mais seul le personnage de Wolverine, par sa permanence, semble servir de vecteur principal dans la recherche d’informations temporelles pertinentes. Il s’avère néanmoins qu’il engendre, lui aussi, des perturbations dans la continuité chronologique.
20De fait, si les trois premiers films des X-Men pouvaient évoquer une sorte de linéarité, suivant une progression dramatique logique conforme à un développement temporel imitant le réel, X-Men Origins : Wolverine vient mettre un terme à cet effet. D’une part parce que l’on y abandonne l’ensemble des X-Men pour se concentrer sur le seul parcours du protagoniste, de sa naissance dans l’enveloppe charnelle du jeune James Howlett (auquel Troye Sivan prête ses traits) jusqu’à son incarnation adulte, Logan, interprété par Hugh Jackman. Et, d’autre part, parce que le film se lit comme un long flash-back. L’amnésie finale du protagoniste, provoquée par les trois balles que William Stryker lui tire dans la tête, clôt une relecture de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Three-Mile Island le 28 mars 1979, soit quelques années avant sa rencontre avec Xavier, ce qui permet de faire le lien avec le début de X-Men. Cette ellipse est d’ailleurs évoquée au début de X-Men dans l’échange entre le Professeur X et Logan (25.41) :
« Cela fait bientôt quinze ans, n’est-ce pas ? Que tu vis au jour le jour, sans feu ni lieu. Sans pouvoir te souvenir de qui tu es ou de ce que tu es.
— La ferme.
— Donne-moi une chance de t’aider à trouver des réponses. »
21Pour des raisons commerciales plus qu’artistiques, le film suivant met Wolverine sur la touche pour se concentrer à nouveau sur les X-Men, mais en se focalisant sur leur passé. Ainsi X-Men : First Class est également une forme de prequel, dans lequel le mutant aux griffes métalliques ne fait qu’une brève (mais remarquable) apparition.
22L’alternance entre les deux espace-temps évoquée dans X-Men : Days of Future Past se conclut sur une pirouette scénaristique : le futur a été modifié et Wolverine se retrouve dans l’« École pour jeunes surdoués » de Xavier comme au début de X2, à quelques différences (notoires) près : le Professeur et Jean Grey ne sont pas morts ; le Fauve enseigne à l’École et n’est pas ambassadeur auprès des Nations-Unies ; les lunettes de Cyclope sont différentes, même si son hostilité, née de sa jalousie à l’égard de Wolverine, reste inchangée, comme ce dernier le fait remarquer à haute voix. Pour rendre compte de ce paradoxe, qui permet de faire coexister dans le développement d’une fiction des temporalités et des événements parallèles, le cinéma semble avoir puisé dans l’arsenal narratif de la bande dessinée cette arme « ultime » du scénariste qu’est l’artifice de la « continuité rétroactive » (retroactive continuity ou retcon, où une intrigue précédemment évoquée est altérée sans se soucier des contradictions engendrées).
23Pour sa part, et comme une sorte de parenthèse temporelle et dramatique, l’action de The Wolverine se situe principalement au Japon, et seuls les cauchemars du protagoniste (liés à la mort de Jean Grey à la fin de X-Men : The Last Stand) permettent de créer un ancrage cohérent dans une continuité temporelle. Ce standalone, ou épisode autonome (Winckler et Petit 390), est un arc narratif singulier qui ne s’appuie que sur le vécu de Wolverine mais s’intègre néanmoins dans la continuité du développement de la franchise, ainsi que l’atteste la saynète post-générique de fin qui assure la transition avec le film suivant, X-Men : Days of Future Past. En ce sens, puisque les autres mutants qui forment les X-Men ne sont pas impliqués dans le développement narratif du métrage, le film s’apparenterait à ce que les amateurs de séries télévisées connaissent sous le nom de spin-off (une série centrée sur un personnage secondaire de la série d’origine), ce que vient néanmoins nuancer et compléter le Logan de James Mangold.
24 X-Men : Apocalypse crée de nouvelles connexions chronologiques en faisant intervenir les X-Men de la jeune génération. C’est néanmoins une autre dimension du film qu’il faut mettre en exergue en ce qu’elle concerne directement Wolverine. En mettant en scène la libération de plusieurs autres mutants du laboratoire secret de William Stryker, près du barrage d’Alkali Lake au Canada, le scénario permet de réactiver des éléments concernant le personnage et la manière dont sa structure osseuse a été modifiée pour devenir métallique, éléments évoqués de manière fragmentaire dans X-Men, X2 et X-Men Origins : Wolverine. Le personnage lui-même n’apparaît qu’à la toute fin du film, et encore de manière détournée : on entend parler de lui, on voit la porte de la cellule dans laquelle il est enfermé, puis les dégâts qu’il cause en s’échappant, avant de le découvrir brièvement dans l’enveloppe physique (légèrement retravaillée par ordinateur pour le rajeunir) de Hugh Jackman. Avec la fuite du personnage, la boucle narrative est bouclée pour permettre d’insérer logiquement cette péripétie entre la fin de X-Men : Apocalypse et le début de X-Men.
25 Logan conclut la trajectoire de Wolverine sur un mode crépusculaire. Situé en 2029, le film pose comme données de départ la quasi-disparition des mutants ainsi que le démantèlement des X-Men. Seuls Wolverine et Caliban, un mutant albinos aux pouvoirs de clairvoyance, s’occupent du Professeur Xavier, caché dans une usine abandonnée à la frontière mexicaine. Pour fournir les médicaments nécessaires pour éviter les crises de télékinésie de Xavier, Wolverine est devenu chauffeur de limousine. Lorsqu’il croise la route d’une jeune mutante, Laura, aux dons semblables aux siens, son existence, dégradée par l’alcool et l’adamantium, reprend sens : il doit aider Laura à rejoindre la frontière canadienne pour échapper aux griffes du docteur Xander Rice. Ce dernier a mené des expériences génétiques sur des enfants qu’il a fait muter et dont il veut, une fois le clône de Wolverine obtenu, se débarrasser. Au terme d’un ultime affrontement avec les hommes de main du docteur, et après avoir offert une sépulture (surmontée d’une croix basculée pour former un X, le réintégrant ainsi dans la mort au « corps » des X-Men) au héros défunt, les jeunes mutants peuvent rejoindre une hypothétique liberté, l’Eden mentionné dans les pages d’un comic book des X-Men que Laura conserve précieusement.
26L’alternance entre différents moments de l’histoire de Wolverine et les allers-retours dans le continuum de son évolution se combinent avec un paradoxe : certes le personnage vieillit, mais peu par rapport à ce qui est établi comme son « acte de naissance » en 1845. Pourtant, s’il y a bien une persistance du même personnage, il n’est jamais identiquement dupliqué, non parce que l’acteur qui incarne Wolverine a changé au gré des productions, mais précisément parce que depuis presque vingt années, Hugh Jackman en est le seul interprète. Le corps et le visage du comédien désigné « l’homme le plus sexy du monde » en 2009 deviennent des marqueurs irréfragables d’une modification due au passage des ans. De manière logique, la fiction prend en charge ce paradoxe, et ce depuis la mise en place du personnage. Lorsque dans X-Men, Jean Grey réussit à faire le bilan physique du récalcitrant « animal », elle conclut que seule sa mutation qui lui permet de guérir rapidement l’a empêché de mourir des suites de la greffe d’adamantium. C’est cette même mutation qui rend impossible, selon elle, de déterminer son âge réel et qui justifie le fait qu’il ne vieillit pas ou peu, comme le confirme l’ouverture de X-Men Origins : Wolverine, déjà évoquée.
27Néanmoins, une autre caractéristique de l’ensemble des films plaide en faveur d’une sérialité singulière. Comme évoqué plus haut, les X-Men et Wolverine ne constituent pas une série à la continuité cyclique basée sur la re-présentation d’éléments déjà établis ou déjà connus comme c’est le cas des James Bond, Batman ou Spider-Man où la reprise de tropes familiers prime sur la reconnaissance de l’acteur.
28Se pose alors une question importante, tant du point de vue structurel qu’esthétique : comment interpréter les mutations du personnage et la dissémination des éléments constitutifs le concernant et qui bousculent la linéarité narrative ? Cet élément saillant du questionnement de la sérialité s’appuie, d’une part, sur un balancement narratif et esthétique entre continuité et différence, et d’autre part détermine l’importance donnée au spectateur sémioticien et joueur.
29Ainsi, à chaque nouvelle apparition du personnage, c’est toute son histoire qui est convoquée et qui peut participer au développement dramatique, psychologique et filmique du protagoniste. Dans l’absolu, il y a donc cumul d’informations, enchaînement des signes, développement d’un réseau de significations pour modifier et/ou produire du sens. On pourrait dire qu’il y a une accumulation/inflexion paradigmatique in absentia qui permet l’évolution syntagmatique et éclaire notre lecture du personnage, même si celle-ci se limite au visionnage d’un seul des films qui le met en scène.
30Ce cumul s’apparente-t-il pour autant à une répétition, comme il est possible de l’entendre dans le mot série ? Dans son article « Répétition/ Réitération/Reproduction », André Topia propose de distinguer une répétition « horizontale », « qui se répète », et serait un « retour à l’identique », reprise d’un « thème » d’un « leitmotiv »», d’une répétition « verticale » qui « concernerait tous les rapports qu’entretient une matrice avec les différentes versions, variations, copies, créatures, simulacres qu’elle engendre » (Topia 7).
31 Or, le personnage de Wolverine combine ces deux dimensions : les films mettant en scène l’ensemble des X-Men ainsi que ceux dédiés spécifiquement à l’évolution du personnage permettent en effet de le faire évoluer dans un continuum fictionnel tout en offrant le spectacle d’une série de variations d’un même qui acquerrait des identités autonomes et singulières à chaque film.
32En ce sens, il n’y a plus de stricte opposition mais une conjugaison dialectique entre innovation et répétition. Et si sérialiser signifie alors répéter, toute la difficulté d’une série telle que celle des X-Men serait de ne pas répéter banalement, mais plutôt d’établir un « dialogue intertextuel », ainsi que le suggère Umberto Eco (Eco 174).
33Une autre manière d’appréhender le phénomène a été théorisée par Roger Odin pour qui il existe une relation paradigmatique non filmique qui prend sa source « non dans le langage cinématographique mais dans le monde que le film prend comme référence » (98). Selon les étapes du développement du personnage, ses griffes seront petites et en os (prologue de X-Men Origins : Wolverine), longues et en os (la majeure partie du même film, mais aussi dans la première partie de X-Men : Days of Future Past), ou longues et en adamantium (la plupart du temps), permettant se repérer, même grossièrement, dans la courbe narrative générale de son évolution. D’autres éléments propres à Wolverine constituent des signes à déchiffrer qui permettent sa « qualification différentielle » (Sepulchre, 128) : sa pilosité et sa musculature varient en fonction de l’acteur (et de l’équipe qui l’entoure : coiffeur, prothésiste, coach sportif…) et permettent une autre lecture de l’évolution du personnage purement linéaire, malgré les sauts temporels imposés par les scénarios.
34Cette résolution dialectique de l’opposition ancrage/passage réactive alors ce que Roger Odin, tout en insistant sur la distinction nécessaire entre les paradigmes rencontrés dans les langues naturelles et ceux propres au cinéma qui sont essentiellement contextuels, stylistiques ou communicationnels (103), détermine comme étant un « contrat de communication » (99), entre le film (ou, plus exactement ici, la série de films) et le spectateur.
35Dans ce contexte, et comme pour le contrat qui lie le lecteur et le livre, il est tentant de supposer un double modèle de spectateur : le naïf et le malin. Le premier utilise l’œuvre comme une machine sémantique, et reste la victime des stratégies de l’auteur qui le conduira petit à petit le long d’une série de prévisions et d’attentes ; le second évalue l’œuvre comme une production esthétique et en apprécie la sérialité, pas tant pour le retour de la même chose (qui échappe au lecteur ingénu), mais pour la stratégie de ses variations. De sorte que l’activité du spectateur en est transformée : il ne s’agit plus de regarder mais de décoder, d’acquérir « l’intelligence de l’univers fictionnel » (Esquenazi, in Sepulchre 227). L’allusion ou le clin d’œil mobilisent alors la culture du destinataire afin d’être reconnus pour ce qu’ils sont, des ponts sémantiques entre plusieurs textes. Cette mise en réseau des informations facilite et accroît l’« immersion fictionnelle » « qui ne peut que se fonder sur le répertoire de représentations dont dispose le récepteur » (Schaeffer 183).
36Au-delà de la logique scénaristique qui vise à présenter Wolverine à différents niveaux de son développement s’établirait alors un jeu avec le spectateur pour intégrer ces éléments et trouver une cohérence dans la présentation fragmentée et les écueils narratifs. La présence à l’écran du même acteur opère tout à la fois comme une aide et une perturbation, les variations dramatiques, temporelles et esthétiques participant ainsi au plaisir du texte à recomposer. Le visionnage de la série de dix métrages mettant en scène Wolverine, avec les modifications qui animent à leur tour des répétitions, s’offrirait alors comme un travail sur la mémoire, un exercice philosophique, où le spectateur peut réduire le monde à du déjà-connu. C’est le concept de réminiscence de Hegel, l’impression de déjà-vu qui rend possible la reconnaissance et l’appropriation par l’esprit.
37Ainsi, filmer le même événement (par exemple, la libération de Wolverine des laboratoires clandestins de Stryker), mais sous un angle différent, procure au spectateur un plaisir lié à la reconnaissance et la mesure de l’écart (qu’il s’approprie, pour reprendre la terminologie hégelienne) entre la première monstration et sa reprise.
38En proposant indirectement une focalisation sur la place dévolue au spectateur, la série permettrait à la répétition de se dérober à la linéarité du discours tout en construisant un destinataire idéal.
39Il est possible de mesurer la popularité d’un phénomène culturel de plusieurs manières. L’une d’elles se trouve illustrée dans le récent Deadpool (Tim Miller, 2016). Adaptation fidèle à l’esprit du comic book, le métrage se distingue de l’ensemble des films de super-héros en étant parodique, décalé, grossier, et conscient de l’être, comme en témoignent les multiples apartés à destination du spectateur. En un mot, post-moderne. Le personnage éponyme fonctionne comme vecteur principal du ton du film, et, à plusieurs reprises, fait référence à Hugh Jackman et au rôle qu’il tient dans la franchise X-Men, sur le mode de l’humour caustique et du sous-entendu complice. Bien sûr, il s’agit d’une référence « intra-familiale », puisque les deux personnages appartiennent à l’entreprise multi-média Marvel. Mais un tel hommage démontre également que le passage d’adaptations de bandes dessinées estampillées DC Comics ou Marvel à l’univers du grand écran a modifié radicalement le paradigme du film de super-héros. Ces personnages ont acquis leurs lettres de noblesse et appartiennent désormais au patrimoine culturel non seulement états-unien mais mondial. C’est ce qu’illustre la diffusion de la bande dessinée koweïtienne Al 99. Créée par le Dr Naif al-Mutawa et publiée par Teshkeel Comics en hommage aux comics américains et pour répondre à la diffusion de vignettes à collectionner à l’effigie de kamikazes, distribuées aux enfants palestiniens, elle décrit les aventures de 99 super-héros qui, chacun, incarne un des attributs d’Allah.
40Il apparaît évident, par ailleurs, que l’équipe entourant Bryan Singer a perçu, dès leur première entreprise, que la mutation de ce genre cinématographique ne pouvait perdurer qu’en restant en prise avec l’essence même des personnages de super-héros et les résonnances qu’elles trouvent chez le spectateur. Si la succession des films concernant les X-Men bénéficie d’un renouvellement des personnages au gré de leurs apparitions et disparitions, d’autres métrages, comme ceux mettant en scène Wolverine, créent une forme de permanence. Ainsi, considérées avec un regard bienveillant, les variations et répétitions, loin d’offrir un appauvrissement, contribuent à développer l’univers des super-héros, à l’étoffer et l’approfondir, créant ainsi un effet d’attente d’un texte ouvert qui légitime l’impatience et la curiosité du spectateur. D’un point de vue plus prosaïque, cette attente a certainement quelque chose de rassurant pour les studios hollywoodiens qui ne négligent pas la manne que représente l’argent investi par les consommateurs de la franchise.
41De plus, pour peu que l’on trouve un intérêt aux films de super-héros, il convient d’admettre que l’équilibre atteint entre films individuels et films d’ensemble dans l’univers Marvel fonctionne de manière cohérente et efficace. Il en est ainsi de la série des Captain America et des Avengers, mais aussi, comme j’espère l’avoir mis en évidence, entre les films dédiés à Wolverine et ceux consacrés aux X-Men. Les succès au box-office, aux États-Unis comme à l’étranger, ne peuvent que conforter la stratégie commerciale qui les sous-tend et la série des films de super-héros tirés de l’univers Marvel ne semble pas près d’arriver à son terme. Kevin Feige, ne s’en cache pas : la stratégie créative et commerciale des Studios qu’il dirige depuis 2007 selon un contrat dont le terme est fixé en 2018, court sur plusieurs années (Fleming) et combine adroitement les blockbusters dédiés à de nouveaux personnages (les aventures du Docteur Stephen Strange ou de Black Panther, illustrent cette dimension) et ceux qui mettent en scène des personnages déjà connus (les deux épisodes des Avengers : Infinity Wars et Endgame en 2018 et 2019).
42Par contraste, d’autres franchises ne donnent pas à voir des développements aussi stimulants que ceux dont il a été question. En effet, Warner Bros a du mal à trouver sa voie (et sa voix), comme en témoignent les poussifs Man of Steel (2013), Batman Vs Superman : Dawn of Justice (2016) et Justice League (2017), première tentative de regroupement des super-héros DC Comics, tous trois sous la direction de Zack Snyder. Le danger qui guette ces productions misant sur la surenchère de pyrotechnie et de violence destructrice, sans autre véritable but que de proposer du spectacle (auquel manque cruellement un supplément d’âme), est le déclin relatif de la fiction pure, du goût du récit. Il est même tentant de voir dans la circularité des processus narratifs de ces films une simple réitération du même ; le manque de véritable originalité des scénarios pourrait, à brève échéance, faire craindre l’entrée de l’image du super-héros de celluloïd dans l’ère de son insignifiance.
43Ce versant négatif de la construction sérielle rappelle que depuis les années 1970, le cinéma est, dans une certaine mesure, devenu rente et otage de la télévision, donnant lieu à davantage de cycles que précédemment. De plus, les objets de consommation de masse que sont les films trouvent une extension sous forme de reprises et de prolongements avec d’autres supports et produits dérivés : dessins animés, bandes dessinées, jeux vidéo, figurines… La reproductibilité s’accompagne ainsi systématiquement d’une exploitation commerciale transversale dont les versions sont parfois concurrentes. La sérialisation se contenterait dès lors de « fidéliser » des « clients ».
44 En alternative à cette triste perspective, ne doutons pas que, pour peu que l’on considère le spectateur comme un être intelligent et sensible aux efforts d’originalité des scénaristes hollywoodiens et au talent des techniciens qui président à l’élaboration de la chose filmique, l’on puisse trouver matière à se réjouir de rencontrer ou de retrouver des personnages qui font partie de notre entourage visuel depuis près d’un siècle. Ainsi, alors même que Hugh Jackman a déclaré prendre sa retraite après Logan (Stolworthy), on pourrait retrouver Wolverine sous la forme d’une série destinée au petit écran ou faisant l’objet d’un reboot. Car, après tout n’est-ce pas l’apanage et le « pouvoir » (au sens où l’entend Jean-Pierre Esquenazi) des médias de masse ?
Notes de bas de page
1 D’abord nommé Serval en français, il gardera son nom anglais dans la version doublée et c’est celle que nous retiendrons ici.
2 Cette ambivalence peut partiellement s’expliquer par le fait que, si les X-Men sont nés de l’imagination de Stan Lee et de la plume de Jack Kirby en 1963, Wolverine, quant à lui, ne fait sa première apparition qu’en 1974, avec Len Wein et Herb Trimpe comme créateurs.
3 Ce qui le distingue de presque tous les autres super-héros pour qui le meurtre va à l’encontre de leur éthique. Comme Hulk ou Deadpool, Wolverine est de ce fait l’un des avatars de la figure du berserker, le tueur ivre de rage et sans retenue de la mythologie scandinave (puis américaine), telle que Denis Duclos l’a analysée et présentée dans Le Complexe du loup-garou.
4 Les films concernant les X-Men et ceux consacrés spécifiquement à Wolverine sont développés séparément, pour des raisons de droits d’exploitation de la franchise, soit par la 20th Century Fox, soit par Marvel Entertainment. Un rapprochement des maisons de production est cependant annoncé et permettrait une intégration à l’Univers cinématographique Marvel (MCU, en V.O.) (Betancourt).
5 De fait, là où la logique des franchises de super-héros s’appuie d’abord sur la mise en place de films dédiés spécifiquement à l’un ou l’autre personnage avant de procéder à un regroupement (comme c’est le cas pour les Avengers, chez Marvel, ou la Ligue des Justiciers, chez DCComics), le développement alterné des films choraux et individuels est de mise pour les X-Men et Wolverine.
6 À l’exception de X-Men : The Last Stand, X-Men Origins : Wolverine et de X-Men : First Class où Brett Ratner, Gavin Hood et Matthew Vaughn ont respectivement pris son relais. À ce propos, on ne manquera pas de relever la pique lancée à Ratner dans X-Men : Apocalypse. Au sortir de la salle de cinéma où Cyclope, Jean Grey, Jubilee et Diablo, ont vu Le Retour du Jedi (le troisième épisode de la trilogie originelle), Jean affirme que c’est toujours le troisième film de la série qui est « le plus nul »…
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La sérialité à l’écran
Comprendre les séries anglophones
Anne Crémieux et Ariane Hudelet (dir.)
2020