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Le gôut de l’or blanc

 | 
Maud Villeret

Partie II. De l’or brun à l’or blanc : le raffinage du sucre

Chapitre IV

Naissance, essor et revers de l’industrie du sucre

Texte intégral

  • 1  Hambourg compte 200 raffineries en 1727 ; 300 au milieu du siècle, 365 en 1784, 298 en 1798 et 400 (...)
  • 2  Pourchasse Pierrick, Le commerce du Nord…, op. cit., p. 19.
  • 3  Poni Carlo, Gervais Darla et Gervais Pierre, « Mode et innovation : les stratégies des marchands e (...)
  • 4  Schnakenbourg Christian, Histoire de l’industrie sucrière en Picardie (1810-2006), Paris, L’Harmat (...)
  • 5  Stein Robert Louis, The French Sugar Business in the Eighteenth-century, Baton Rouge, Louisiana Un (...)
  • 6  Villiers Patrick, « La Loire, le sucre et les Antilles aux xviie et xviiie siècles. Quelques remar (...)
  • 7  Abel Véronique, « La production sucrière à Marseille. Apports archéologiques à la question », Arch (...)

1Au xviie siècle, la France ne dispose pas des savoir-faire spécifiques du raffinage. Le procédé délicat de la cuite est davantage maîtrisé par les nations du Nord qui se sont lancées dans l’industrie de manière plus précoce. À la fin du siècle suivant, le constat diffère, le raffinage français a accompagné l’essor de la demande intérieure. La croissance du secteur est telle que le raffineur Ravot, dans un mémoire adressé à l’intendant d’Orléans, affirme que les raffineries orléanaises « ont doublé » depuis trente ans et que « les temps ont changé, autrefois il fallait exciter la consommation ». Pourtant, la France n’est pas parvenue à développer suffisamment son industrie pour conquérir les marchés européens. Orléans, principal centre sucrier français ne compte que 24 à 30 raffineries à la fin du siècle ; c’est bien peu comparé aux 80 sociétés londoniennes et aux 200 à 400 raffineries de Hambourg1. Alors que la France est la principale productrice de sucre au xviiie siècle grâce à Saint-Domingue, elle se comporte en simple « périphérie » et se contente de fournir les matières premières nécessaires à l’industrie du raffinage des villes hanséatiques et hollandaises2. L’échec étonne car la France est connue pour ses réussites industrielles dans les secteurs du luxe : que l’on songe seulement aux soieries lyonnaises exportées dans toute l’Europe et qui parviennent à concurrencer les textiles anglais3. L’absence de compétitivité du secteur explique peut-être en partie le faible nombre de travaux sur le sujet. L’intérêt porté au raffinage du sucre de betterave, porté par la réussite industrielle de grandes entreprises comme Béghin Say au xixe siècle, a éclipsé les raffineries de sucre de canne4. Seuls R. Stein, dans une synthèse sur le commerce du sucre en France, et P.-M. Bondois, l’auteur d’articles sur les centres sucriers français l’ont étudié5. Depuis, des travaux ont été menés sur une raffinerie ou une ville spécifique mais leurs auteurs ont déploré l’absence de recherches plus vastes6. Depuis quelques années, les archéologues se sont emparés de la question : à Marseille, La Rochelle et plus récemment à Orléans, des fouilles ont été menées sur d’anciens lieux industriels7.

2L’objectif est de comprendre la situation contrastée des raffineries françaises qui échouent à exporter mais réussissent à conquérir le marché intérieur dès la fin du xviie siècle, malgré la concurrence des pays du Nord qui dominaient le commerce. Pour saisir l’apparent paradoxe, il faut s’intéresser au rôle de l’État et des entrepreneurs dans le démarrage de l’industrie à la fin du xviie siècle et à ses résultats au siècle suivant, puis expliquer les obstacles à l’exportation du sucre raffiné. La politique fiscale et la qualité du produit sont en cause.

Les efforts conjugués de l’État et des négociants pour établir l’industrie

3Dans sa lettre du 12 juillet 1669 à Colbert de Terron, intendant à Rochefort, Colbert rappelle le retard du raffinage français.

  • 8  Clément Pierre, Lettres, instructions et mémoires de Colbert, Paris, Imprimerie nationale, volume  (...)

Je vous avoue que, lorsque je fis le tarif nous avions deux maux en cette affaire qui estoient considérables : l’un, que tous les sucres des isles alloient en Hollande pour y estre raffinés, et l’autre, que nous n’avions de sucres raffinés que par la Hollande, l’Angleterre et le Portugal.8

  • 9  Savary des Bruslons Jacques, Dictionnaire universel de commerce…, op. cit., article « Sucre ».
  • 10  Il est difficile de donner avec certitude la date de la première raffinerie française et sa locali (...)
  • 11  Nováky György, « On trade, production and relations of production. The sugar refineries of sevente (...)
  • 12  Deerr Noël, The History of Sugar…, op. cit., p. 454.
  • 13  Petersson Astrid, Zuckersiedergewerbe und Zuckerhandel in Hamburg im Zeitraum von 1814 bis 1834, S (...)
  • 14  De Vries Jan et Van Der Woude Adrianus, The First Modern Economy…, op. cit., p. 466.
  • 15  AN Aix FM F3/83, 29 octobre 1683.

4Savary, à l’article « Sucre » de son dictionnaire, met en évidence le retard des industries françaises par rapport aux Provinces-Unies : « Il n’y a guère de ville en Europe où il y ait plus de raffineries de toutes sortes qu’Amsterdam9 ». Les créations de raffineries en France sont plus tardives et moins nombreuses que dans le reste de l’Europe. Alors que des manufactures sont installées à Venise au milieu du xve siècle, à Anvers vers 1550 et à Amsterdam en 1587, les premières raffineries françaises seraient établies seulement au début du xviie siècle à Rouen et Bordeaux10. Au xvie siècle, Anvers est devenu le premier centre de raffinage européen et compte treize raffineries en 1550. Dans les décennies suivantes, l’industrie souffre de nombreux bouleversements politiques : le sac de la ville en 1576 puis le traité de Münster en 1648 précipitent sa ruine. Le déclin anversois profite à Amsterdam. La ville compte 25 raffineries en 1622, 66 en 1670 et fournit alors la moitié du sucre raffiné en Europe11. Hambourg s’est lancé dans l’industrie plus tardivement mais le décollage est spectaculaire : le nombre de raffineries passerait de 33 en 1671 à 350 en 169012. Si les chiffres diffèrent selon les historiens (A. Peterson en dénombre 200 en 1727), la tendance est bien à la hausse. L’industrie du raffinage explose à Hambourg grâce à son rôle d’entrepôt pour les produits coloniaux et à une politique fiscale favorable13. La ville profite aussi du déclin des raffineries hollandaises à partir des années 1670 : le pays n’en compte plus qu’une vingtaine en 168014. Les cités hollandaises qui exportaient beaucoup vers la France souffrent de la mise en place des tarifs protecteurs de Colbert et de la guerre de Hollande de 1672 à 1678. La France profite du déclin hollandais et compte désormais 29 raffineries en 168315. Les facteurs qui ont permis le décollage du raffinage au milieu du xviie siècle sont nombreux.

Les vertus du mercantilisme sur le démarrage industriel

  • 16  Hirsch Jean-Pierre et Minard Philippe, « “Laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup” : pour une (...)
  • 17  Guéry Alain, « Industrie et colbertisme : origines de la forme française de la politique industrie (...)
  • 18  Deyon Pierre, Le mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969, p. 24.

5L’étude des premières raffineries met en évidence le rôle positif joué par l’État pour protéger le marché français et encourager les premières industries. J.-P. Hirsch et P. Minard se sont interrogés sur les effets d’un excès de réglementation et sur le rôle du mercantilisme dans le prétendu retard industriel français mais nuancent le rôle de l’État dans l’échec16. Les résultats de l’intervention de l’État dans l’économie d’Ancien Régime restent controversés. Il faut dire que la discussion a été brouillée par des débats sur la figure de Colbert, décriée puis adulée17. Si le mercantilisme est bien antérieur à Colbert, il est difficile d’aborder ce courant économique sans évoquer la figure du contrôleur général des Finances dont la politique tout entière est tournée vers la conquête de marchés extérieurs et la lutte contre la concurrence hollandaise18. P. Minard a mis en évidence les succès des inspecteurs de manufactures, soucieux d’améliorer la qualité des textiles français et de diffuser les innovations. Dans le secteur du raffinage, l’État apparaît moins présent que dans d’autres industries de luxe : à l’inverse du secteur textile, la production de sucre n’est pas encadrée et les privilèges royaux sont peu nombreux. La monarchie a davantage porté son effort sur l’arrivée d’ouvriers étrangers et sur la mise en place d’une politique protectionniste.

L’appel aux ouvriers spécialisés du nord de l’Europe

  • 19  ADG C1642, mémoire des directeurs de la chambre de commerce de Guyenne, 1732.
  • 20  Raveux Olivier, « Espaces et technologies dans la France méridionale d’Ancien Régime : l’exemple d (...)
  • 21  Pallach Ulrich-Christian, « Deutsche Handwerker im Frankreich des 18. Jahrhunderts », dans Mondot (...)

6D’après les directeurs de la chambre de commerce de Guyenne, les raffineurs bordelais « suivent la méthode des Hollandais qu’on ne saurait assez imiter dans la manière de travailler les sucres, puisque c’est d’eux que nous tenons le secret de la cuite19 ». Les Hollandais sont réputés produire le plus beau des sucres, le sucre royal. Le procédé du raffinage reste artisanal et nécessite une solide expérience. L’arrivée d’ouvriers étrangers permet à la France de rattraper une partie de son retard dans le secteur du raffinage comme dans ceux de la verrerie, la laine ou les indiennes20. La pratique est commune à toute l’Europe : les circulations techniques sont assurées par des ouvriers qualifiés dont l’installation est encouragée par les États qui se livrent une véritable lutte pour les attirer21. Si la monarchie française a soutenu la circulation des savoirs et des ouvriers qualifiés dans le secteur du raffinage, l’édit de Fontainebleau a mis un coup d’arrêt à la politique en provoquant le départ de nombreux ouvriers protestants.

  • 22  ADLA C732, mémoire des négociants de la ville de La Rochelle, 1704.
  • 23  Van Lottum Jelle, Across the North Sea. The Impact of the Dutch Republic on International Labour M (...)
  • 24  Voss Peter, « Les raffineurs de sucre allemands à Bordeaux… », art. cit., p. 238.
  • 25  ADL 33J91, contrat de mariage de Georges Vandebergue et Marie Quignace, 1662. Deux membres de la f (...)

7Le rôle de l’État dans les arrivées des raffineurs étrangers est difficile à cerner, mais leur installation a été encouragée. Les principaux foyers du raffinage du nord de l’Europe deviennent des pépinières d’artisans qualifiés pour l’industrie naissante. Un mémoire rochelais de 1705, partial puisqu’il vise à autoriser les exportations de sucre brut au détriment de l’industrie du raffinage, affirme que « les raffineries du royaume emploient seulement 300 à 400 étrangers Hambourgeois et Hollandais. On ne trouvera pas 100 Français dans tout le royaume employés à ce travail22 ». En l’absence de livres d’ouvriers, il est impossible de dresser un corpus fiable du nombre d’étrangers et de leur origine dans les raffineries ligériennes. Sur douze ouvriers d’origine étrangère de Nantes, Angers et Saumur repérés à la fin du xviie siècle, deux sont originaires de Hambourg, un d’Anvers, un d’Amsterdam, un de Cologne, un de Bonn, un d’Aix-la-Chapelle, un est danois et quatre sont « allemands » sans plus de précisions. La bonne représentation des Allemands n’est pas surprenante, le pays fournit de nombreux migrants à toute l’Europe23. L’apport étranger est décisif dans l’établissement des raffineries en France : les deux premières industries bordelaises sont créées par des raffineurs d’Europe du Nord en 1633 et 1645, il en va de même dans les deux villes ligériennes, Angers et Orléans24. Originaire d’Anvers, arrivé à Orléans au milieu du xviie siècle, Georges Vandenbergh (qui a francisé son nom en Vandebergue) a créé la première raffinerie de la ville en 165525. Les Vandebergue illustrent bien les circulations à l’œuvre dans le secteur du raffinage en Europe : poussés par le déclin anversois, deux autres raffineurs de la famille exercent leur activité à Amsterdam au début du xviie siècle. À Orléans, les descendants de Georges poursuivent l’activité et, d’après Duhamel du Monceau, ce sont eux qui ont importé les secrets du raffinage royal.

  • 26  Duhamel du Monceau Henri-Louis, L’art de raffiner le sucre, Neuchâtel, Imprimerie de la Société ty (...)

Les sucres superfins n’ont été connus en France que depuis 15 ou 20 ans. Auparavant on tirait cette sorte de sucre de la Hollande pour la table du roi et celle des gens opulents. Ce sont MM Vandebergue qui ont enlevé cette branche de commerce à la Hollande et qui en ont enrichi l’intérieur du royaume.26

  • 27  ADL 2J1549, renseignements généalogiques sur la famille Vandebergue.
  • 28  Maillard Jacques, « Les raffineries de sucre en Anjou sous l’Ancien Régime », art. cit., p. 91.
  • 29  ADML 5E69/373. La famille Tinnebac est originaire de Rotterdam, un fils de René est installé là-ba (...)
  • 30  ADLA B90, B92, B410, B425, lettres de naturalité et dossier de moralité de Pierre Vandenbuken et d (...)

8G. Vandebergue est arrivé sans argent ; la monarchie a probablement débauché cet ouvrier spécialisé27. Plusieurs d’entre eux sont naturalisés dès leur arrivée, à l’image de Gaspard Vanbredenbec, natif de Hambourg, créateur d’une raffinerie à Angers en 1673. Lors d’un procès intenté contre lui, on apprend qu’il y a été « appellé pour venir establir sa manufacture et exercer son commerce en cette ville28 ». Les maîtres sont souvent accompagnés d’ouvriers qualifiés étrangers. Un procès-verbal dressé pour malfaçon révèle le nom des ouvriers du raffineur saumurois Tinnebac, d’origine hollandaise ; une bonne part a des patronymes étrangers : Remi Von Schol, Schruden, Michel Lubelius, Michel Longe, Jacob Simmer, Hamman Miyer et le contremaître Arern Erickson29. À Nantes, un autre exemple atteste de l’arrivée groupée d’ouvriers étrangers liés professionnellement. Les dossiers de naturalité de Pierre Felt, le contremaître de la raffinerie du Pavillon royal originaire de Bonn, et du garçon raffineur Pierre Vandenbuken, natif d’Aix-la-Chapelle, attestent que les deux hommes sont arrivés ensemble en 1682. Le premier a obtenu sa naturalisation en 1694 et sert de garant à son ouvrier pour obtenir ses lettres de naturalité en 170230.

  • 31  ADLA 4E2/1998, brevet d’apprentissage, 1er août 1701.
  • 32  ADLA C725, Mémoire des marchands de Nantes, 1674.
  • 33  Noms des raffineries établies à Nantes en 1685 : Beauséjour, le Coudray, le Petit Louvre, le Pigeo (...)
  • 34  ADLA 2mi410, folio 66 et 68, acte de septembre 1684.

9L’emploi d’ouvriers étrangers pose des problèmes linguistiques mais leur maîtrise du métier l’emporte sur ces difficultés. La veuve Souchay, directrice de la raffinerie de Beauséjour à Nantes, a embauché Hendrich Beuze comme maître-serviteur. Lorsqu’il est chargé de recruter des serviteurs, il fait appel à un interprète « a cause qu’il n’a pas l’usage de la langue française31 ». Aux soucis linguistiques s’ajoutent les différences religieuses. Nombre d’ouvriers étrangers sont protestants : dans un mémoire de 1674, les négociants nantais, en concurrence avec les autres raffineurs ligériens, n’hésitent pas à qualifier ces derniers de « bande d’hollandais huguenots32 ». Sur huit raffineries nantaises en fonctionnement en 1685, quatre sont dirigées par un protestant et emploient des ouvriers de la même confession33. Leur nombre dans l’industrie du sucre est si grand que le consistoire nantais s’inquiète de voir les ouvriers travailler le dimanche « ce qui cauze un grand scandal et un préjudice notable à nostre religion, en temps que c’est une désobéissance manifeste à un des commandements34 ». Le consistoire convoque les directeurs protestants des raffineries, mais ces derniers font peu de cas des impératifs religieux : Albert Wygman qui dirige la raffinerie de la Motte Saint-Nicolas refuse de comparaître et continue à travailler le dimanche.

  • 35  Boisson Didier et Didier Hugues, Les protestants dans la France moderne, Paris, Belin, 2006, p. 23 (...)
  • 36  ADLA 4E2/706, 29 septembre 1685.
  • 37  ADLA 4E2/392-1, 24 octobre 1685.
  • 38  ADLA B7234, procédures contre les protestants, 25 juin 1688.
  • 39  Croix Alain (dir.), Nantais venus d’ailleurs…, op. cit., p. 64.
  • 40  ADLA fonds Freslon.

10L’État, après avoir fortement encouragé l’installation de ces ouvriers malgré leur confession, précipite brusquement leur fuite suite à l’édit de Fontainebleau. L’impact économique de la révocation de l’édit de Nantes demeure très discuté. Les contemporains ont eu tendance à l’exagérer ; les historiens tels que W. Scoville et M. Yardeni l’ont fortement nuancé35. Les conséquences du départ de nombreux Hollandais doivent être évaluées selon les branches commerciales et les villes. Or, la filière sucrière ligérienne, on l’a vu, est en partie aux mains des protestants. L’édit de Fontainebleau désorganise les raffineries : certains maîtres quittent le royaume malgré les tentatives du pouvoir royal pour les conserver. Il est impossible d’établir une liste des départs, car la plupart sont illicites ; seuls quelques exemples permettent de prendre la mesure des bouleversements économiques. À Nantes, Louis Boyau, directeur de la raffinerie de la Croix blanche, organise sa fuite. Pour être autorisé à quitter temporairement le royaume, il doit trouver une caution : Montaudouin, un des grands négociants nantais et l’un de ses associés, assure le versement de 3 000 livres au cas où Boyau resterait à l’étranger. Mais le raffineur n’a pas l’intention de revenir : ses associés lui ont versé ses gages en fin de mois36. Il donne une lettre de change à Montaudouin du montant de la caution à tirer sur des marchands de Rotterdam37. Le raffineur et sa femme figurent sur la liste des familles protestantes qui ont définitivement quitté la ville de Nantes38. Son cas n’est pas isolé : René Tinnebac, directeur de la raffinerie de Saumur, fuit la ville en 1686. Les ouvriers raffineurs adoptent un comportement similaire, Jacob Hoogewerff, sucrier de 30 ans, d’origine hollandaise est arrêté lors de son embarquement sur un navire anglais en 168739. Selon A. Croix, 1685 marque la fin de la contribution hollandaise à l’essor économique nantais. Pourtant, certains protestants demeurent à Nantes et choisissent la conversion au catholicisme. C’est le cas d’un des raffineurs les plus importants : Woldenberg40. En 1690, la ville de Nantes compte même trois raffineries de plus qu’en 1685.

11L’édit de Nantes n’a donc pas entravé durablement l’essor des raffineries. Si le départ de certains protestants a profondément désorganisé le secteur, il a aussi encouragé l’assimilation de l’art du raffinage par les Français. Grâce à l’apport des ouvriers étrangers, ils maîtrisent bien les techniques de base qui ont circulé en Europe dans la deuxième moitié du xviie siècle. Les raffineries se multiplient et, pour soutenir la nouvelle industrie, l’État met en place une politique protectionniste à l’échelle locale et nationale.

L’instauration de mesures protectionnistes

12Face à la concurrence étrangère, l’État a lutté contre les importations de sucre raffiné et a cherché à rendre la production française compétitive en assurant des coûts de production faibles. La politique protectionniste du gouvernement français comprend deux volets : l’octroi de privilèges aux jeunes industries et leur défense contre leurs rivales européennes et antillaises.

  • 41  Le sucre raffiné est vendu environ 90 livres le cent pesant. AN AD XI 48 et Bondois Paul-Martin, « (...)
  • 42  AN AD XI 48, seule la ville de Bordeaux bénéficiait du droit d’étape par un arrêt du 3 juin 1671, (...)
  • 43  AN AD XI 48, arrêt du 15 septembre 1665 ; arrêt du 10 décembre 1670.
  • 44  ANF12/1639a, lettres patentes du roi sur le commerce des colonies françaises, avril 1717.
  • 45  AN AD XI 48, Arrest portant exemption des droits de sortie sur les mélasses et sirops provenant du (...)
  • 46  AMN HH43, mémoire sur le rétablissement des raffineries de Nantes, 1736.
  • 47  AN AD XI 48, arrêt du 4 juillet 1762.

13Colbert a tenté d’arrêter les importations de sucres raffinés à l’étranger par des droits de plus en plus élevés : en 1664, ils sont imposés à 15 livres le cent pesant, en 1665 à 22 livres et en 1667 à 32 livres (soit environ un tiers du prix41). Il encourage également l’exportation et accorde le privilège d’étape à Rouen, Dieppe, Bordeaux et La Rochelle, qui bénéficient dès lors d’une restitution de 9 livres par quintal de sucre raffiné envoyé vers l’étranger42. Afin d’encourager la production française et ne pas grever le coût de la matière première pour les raffineurs, Colbert baisse les droits sur les moscouades (sucre brut) en provenance des Antilles françaises à 4 livres le cent en 1665 puis à 2 livres en 167143. Les droits sur le sirop de sucre, un dérivé du raffinage dont la distillation est interdite en France, sont supprimés en 1671. La mesure permet aux raffineurs de tirer profit des sous-produits du raffinage à l’instar des autres pays européens. Les lettres patentes de 1717 confirment les grands principes fiscaux établis au xviie siècle44. Malgré l’opposition des commis des Fermes, l’exemption des droits sur les sirops est réitérée en 1717 et est même étendue aux sirops exportés à l’étranger et dans les provinces réputées étrangères45. L’Exclusif est conforté : aucun vaisseau ne peut transporter en droiture des sucres des colonies vers les pays étrangers afin de garantir l’approvisionnement des raffineries françaises (article XXVI). Les sucres raffinés dans les colonies sont taxés à 22 livres 10 sols du cent pesant, à égalité avec les raffinés en provenance de l’étranger, pour assurer le monopole des industriels métropolitains (article XXIII). L’État poursuit sa politique incitative en restituant une partie des droits payés lorsque le sucre en pain est réexporté (articles XXVIII et XXXI). Mais la mesure concerne seulement les ports de Dieppe, La Rochelle, Rouen et Bordeaux, au grand dam des raffineurs nantais et orléanais qui n’ont de cesse de réclamer l’égalité avec leurs concurrents46. Seules les périodes de conflit modifient la politique protectionniste. Pendant la guerre de Sept Ans, l’État est contraint d’infléchir sa stratégie : pour éviter la pénurie de matières premières dans les raffineries françaises, il baisse les droits sur les sucres bruts étrangers47. Les droits sur les sucres restent inchangés jusqu’à 1786. La concurrence britannique devient alors si forte que le gouvernement doit prendre des mesures radicales et généralise la restitution des droits à tous les foyers du raffinage français.

  • 48  Abel Véronique, « La production sucrière à Marseille… », art. cit., p. 53.
  • 49  Bondois Paul-Martin, « Les centres sucriers français au xviiie siècle… », art. cit., p. 46.
  • 50  ADLA 4E2/836, 13 janvier 1654.
  • 51  ADLA 4E2/645, traité d’atermoiement, 31 juillet 1694.

14La politique protectionniste accompagne aussi les nouvelles industries par la concession de divers privilèges. Le procédé est bien connu dans le domaine textile (la manufacture Van Robbais), dans les secteurs du luxe – verrerie, porcelaine et tapisseries – avec les manufactures du roi qui fournissent la cour (Saint-Gobain, Sèvres et Les Gobelins). L’industrie du raffinage, elle, n’a pas bénéficié de l’octroi de privilèges massifs. Les premières raffineries françaises comme celle de Rouen semblent ne rien devoir à l’État. Toutefois, les privilèges ont permis de créer des industries dans des villes où les négociants n’avaient pas pris l’initiative de se lancer dans la transformation des produits coloniaux. À Marseille, une raffinerie royale est fondée en 1671 mais elle peine à prospérer48. Elle est reprise par un certain Maurelet en 1674 qui conserve le monopole jusqu’en 1740 et c’est seulement dans la seconde moitié du xviiie siècle que d’autres raffineries apparaissent : elles sont quatorze à l’apogée de l’activité en 176449. À Nantes, Yves de Santo-Domingo obtient en 1654 le privilège de s’installer dans la province de Bretagne « en telle ville que bon lui semblera » pour raffiner le sucre en pain50. Le capital de la société, conséquent (100 000 livres), est consacré à l’achat d’une maison au Coudray, des matières premières et ustensiles nécessaires. La raffinerie végète et en 1694, les dettes se sont accumulées au point de dépasser le capital investi : le traité d’atermoiement indique plus de 118 000 livres de passif51. L’octroi d’un monopole pour vingt ans à Santo-Domingo a freiné l’installation de nouvelles raffineries ; la seconde ne voit le jour qu’en 1673.

15Dans cette industrie de luxe, on chercherait en vain une manufacture du roi ou un quelconque encadrement de la qualité. L’État a préféré préserver la liberté du commerce et suivre ainsi les demandes des industriels. La politique de Colbert et de ses successeurs s’est limitée à encourager les initiatives privées et à faciliter le développement des raffineries grâce aux tarifs douaniers. Sans la ténacité de quelques entrepreneurs qui se sont lancés avec beaucoup d’audace dans une industrie nouvelle, la volonté de l’État aurait été vaine.

L’investissement d’une nouvelle catégorie d’entrepreneurs : les négociants capitaines d’industrie

  • 52  ADL 11J239, mémoire du raffineur Ravot à l’intendant de Cypierre, 1775.
  • 53  Verley Patrick, Entreprises et entrepreneurs du xviiie au début du xxe siècle, Paris, Hachette, 19 (...)
  • 54  Pétré-Grenouilleau Olivier, Négoce maritime et monde moderne : le milieu négrier nantais du milieu (...)
  • 55  L’économiste J. Schumpeter a participé à la diffusion de l’image de l’entrepreneur héroïque en fai (...)
  • 56  Mc Leod Christine, Heroes of Invention. Technology, Liberalism and British Identity 1750-1914, Cam (...)
  • 57  Berg Maxine, The Age of Manufactures. Industry, Innovation and Work in Britain, 1700-1820, Totowa (...)

16Dans un mémoire adressé à l’intendant, Ravot demande l’indulgence de son lecteur : « Vous m’avez ordonné de vous en tracer l’esquisse je vous obéis mais en lisant mon détail faites grâce au style qui sentira peut être trop l’ouvrier mais il sera simple et vrai52. » Malgré l’apparente modestie du raffineur, Ravot est le directeur d’une des plus grandes industries d’Orléans, le centre du raffinage français à la fin du xviiie siècle, et n’a rien d’un ouvrier ; il correspond davantage à la définition de l’entrepreneur donnée par P. Verley ou L. Bergeron53. Comme un négociant, il doit savoir vendre, acheter, estimer la qualité d’une marchandise, gérer les flux financiers et, à l’image d’un industriel, organiser la production, maîtriser les techniques du raffinage et diriger plusieurs dizaines d’ouvriers. Ravot, comme la plupart de ses confrères raffineurs, est issu du monde du négoce et ne se reconnaîtrait pas dans le portrait de marchands frileux, incapables d’investir dans les branches nouvelles de l’industrie54. Le raffineur ne ressemble pas plus à la figure de l’entrepreneur solitaire et héroïque, qui occupait une place de choix dans l’historiographie et qui est aujourd’hui battue en brèche55. Les recherches menées par C. Mc Leod sur la construction culturelle de l’inventeur, autrefois perçu comme un génie isolé, issu de nulle part et à l’origine de tout, ont permis de nuancer son rôle dans l’industrialisation de l’Angleterre56. Les historiens insistent désormais sur l’importance du contexte social, politique et économique dans l’innovation57. Ni frileux, ni héroïque, Ravot appartient à cette petite catégorie d’hommes à la tête des premières grandes entreprises concentrées du xviiie siècle restés dans l’ombre des chefs d’entreprise du xixe siècle. Il s’agit de comprendre comment ces négociants sont parvenus à s’adapter aux exigences du monde industriel.

Le négoce : une voie d’accès royale vers l’industrie

  • 58  Schulte Beerbühl Margrit, Deutsche Kaufleute…, op. cit., p. 161.
  • 59  Tanguy Marion, L’essor d’un port atlantique connecté. Nantes et le commerce des « Isles » de l’Amé (...)
  • 60  ADLA 4E2/874, contrat de société de la raffinerie du Chapeau rouge, 19 octobre 1702.
  • 61  Lemarchand Yannick, Du dépérissement à l’amortissement…, op. cit., p. 109. L’auteur, qui a étudié (...)
  • 62  ADLA 4E2/836, privilège pour l’établissement d’une raffinerie, 13 janvier 1654 ; ADLA 4E2/706, ach (...)
  • 63  De Vaumas Philippe, Familles orléanaises. Essai généalogique, ouvrage dactylographié en quatre vol (...)
  • 64  ADL 3E10466, procès-verbal, 18 novembre 1689 ; ADL 3E10481, inventaire Lhuillier qui mentionne la (...)

17Alors que la majorité des recherches sur l’histoire de l’industrie ont souligné l’absence d’investissement des négociants dans l’industrie naissante, les raffineurs sont majoritairement issus du monde du négoce. Comme leurs confrères londoniens, la plupart des raffineurs français se sont spécialisés dans l’industrie tout en poursuivant une partie de leur activité dans le commerce en gros58. ÀNantes, les actes notariés fournissent de précieux renseignements sur les propriétaires de raffineries dans la deuxième moitié du xviie siècle. M. Tanguy a montré que la majorité des raffineurs étaient impliqués dans le commerce colonial à l’image des Montaudouin, des Budan et des Lemasne59. Les capitaux extérieurs au négoce sont rares : un certain Etienne d’Horiotz, maître en chirurgie, achète une part de la raffinerie du Chapeau rouge en 170260. Contrairement à d’autres manufactures, les raffineries nantaises sont créées par des hommes de la place qui n’ont recours ni aux capitaux étrangers ni aux gens de la finance61. Seuls deux industriels sont des financiers : Santo-Domingo, détenteur du privilège pour la création de la première raffinerie nantaise en 1654, et Jacques Souchay, banquier parisien mais surtout frère de Martin, négociant à Nantes, qui a investi dans la raffinerie de la Motte Saint-Nicolas62. À Orléans, l’étude est délicate car la plupart des actes notariés et des archives fiscales ont brûlé. De 1758 à 1797, 28 familles investissent dans les raffineries. Dans ce groupe, douze apparaissent tout au long de la deuxième moitié du siècle : les Colas, Jogues, Ravot, Seurrat, Tassin, Vandebergue, Boislève, Crignon, Miron, Raguenet, Guinnebaud et Sarrebourse. Excepté les Vandebergue, toutes sont des familles d’origine orléanaise et la majorité de leurs membres appartiennent au monde du négoce depuis le xviie siècle63. Certaines familles comme les Vandebergue, les Jogues ou les Colas ont pris le tournant industriel très tôt : les Vandebergue sont les premiers à créer une industrie en 1655, une raffinerie Jogues existe dès 1689 et Jacques Colas Desfrancs cède la sienne à ses deux fils en 169764. Les deux dernières familles étaient déjà engagées dans le commerce de l’épicerie en gros, activité majeure de la cité. Les deux activités requièrent des compétences identiques : la tenue des comptes, la correspondance avec un réseau étendu, la connaissance des marchandises, la maîtrise des réseaux de transport.

18Pour saisir comment s’effectue la transition entre le négoce et l’industrie, les archives de la famille Ravot conservées sur plusieurs générations fournissent de précieuses informations. Les Ravot, issus du négoce, se lancent dans le raffinage en 1766. Deux cousins, Jean-Pierre Ravot Godeau et Etienne Ravot Rocher, en société pour le commerce en gros depuis neuf ans, s’associent pour monter une raffinerie mais conservent leur précédente activité.

  • 65  ADL 11J200, acte de société Ravot cousins, 1er août 1766.

Nous Soussignés Pierre Ravot Godeau et Etienne Ravot Rocher sommes convenus de ce qui suit scavoir que nous serons et demeurerons associés […] tant pour le commerce d’épicerie que celui de raffinerie et de toutes autres espèces de marchandises.65

  • 66  ADL 11J200, inventaire de la société Ravot Godeau et Ravot Rocher, 1773.
  • 67  ADL 11J203, correspondance Ravot, 1814.
  • 68  ADL 11J201, inventaire Ravot et Desmadières, 1792.

19L’inventaire qui clôt leur société en 1773 mentionne, outre du sucre raffiné, une multitude de marchandises aux provenances diverses, du café, du sucre brut, mais aussi du chanvre, des balles de coton et du hareng66. Grâce au cumul des deux activités, ils se sont constitués une clientèle étendue : l’inventaire mentionne 286 correspondants dans toute la France. En 1774, Jean-Pierre Ravot s’associe à Desmadières, un négociant d’origine lyonnaise, qui tient les comptes de la société et investit dans la société. En 1802, J.-P. Ravot fils met en place la même stratégie pour augmenter les capitaux de la raffinerie et s’associe avec un négociant orléanais, Geffrier. Dans leur correspondance, Ravot affirme que pour « tirer avant » de sa raffinerie, il « ne connaît rien de plus convenable que décidément si adjoindre un négociant ayant l’habitude du cabinet67 ». Il entend par là, la tenue des comptes et la correspondance, compétences négociantes indispensables à la gestion d’une industrie. En parallèle de l’activité de raffinage, la famille Ravot continue le négoce de manière ponctuelle. L’inventaire de la société Ravot et Desmadières dressé en 1792 détaille les intérêts pris par les associés qui se sont lancés au gré des opportunités dans l’armement négrier ou la commission de produits européens et coloniaux68.

Un contrat à la grosse en participation avec Mrs Foucault et Pitteu de Nantes consenti par Mr Querel de Lorient en juin 1790 pour 20 mois. Intérêt avec lesdits sieurs dans une partie de chanvre et moka en majeure partie vendues mais dont les rentrées n’ont pas encore eu lieu […].
Intérêt pris avec Delaville et Barthélemy dans l’armement du navire L’Union pour aller au Sénégal.
Intérêts pris avec lesdits sieurs dans une partie de 148 balles de toile à voile.
Intérêts pris avec lesdits dans une partie de 900 caisses de sucre de La Havane achetés à Cadix et envoyés en vente en divers endroits […].

  • 69  Soit 124 551 livres pour 846 141 livres d’actif net en 1783.

20Les participations au grand commerce sont une activité complémentaire au raffinage : elles représentent près de 15 % de l’actif de la société en 178369.

  • 70  ADL 11J201, 11J202, 11J203, 11J2 et 11J3 pour les raffineurs Ravot et ADL 33J92, 33J110 pour les r (...)

21Les limites paraissent donc minces entre négoce et industrie mais pour les contemporains la distinction reste importante. Les raffineurs demeurent très attachés à leur statut de négociant car la catégorie d’industriel, nouvelle, revêt un prestige moindre. Les Orléanais Ravot ou Vandebergue se présentent toujours comme « négociants » ou « négociants raffineurs » dans les actes de société et les inventaires rédigés sous seing privé70. La frontière est perméable entre les deux mondes même si l’apprentissage de l’industrie nécessite des adaptations et l’acquisition de nouveaux savoirs.

L’assimilation des techniques industrielles

  • 71  ADL 11J220, faillite de Lorillard, vente le 25 février 1767.

22Le raffineur réinvestit ses compétences marchandes et en acquiert de nouvelles progressivement. L’apprentissage de l’industrie se fait surtout de manière empirique grâce à des passeurs de savoirs. En l’absence de manuels consacrés au métier, l’acquisition des savoirs techniques passe par l’échange et l’observation des pratiques. Les directeurs de raffineries sont les principaux formateurs ; ils enseignent à leurs fils les principes du métier pour leur transmettre la société. Lorsqu’un négociant s’aventure dans l’industrie sans maîtriser les savoirs techniques, il s’adjoint l’aide d’un ouvrier qualifié. Pour se lancer dans l’activité, les cousins Ravot se sont attachés les services de Lorillard, un industriel failli qui possédait la raffinerie de Bel Air. Ils rachètent sa société en 1767 et emploient Lorillard comme contremaître71. Les deux hommes ont besoin d’un raffineur qui connaît le métier et transmet ses connaissances techniques. L’un des cousins, J.-P. Ravot, veut acquérir les savoirs nécessaires à la direction de l’industrie. Dans le premier article de la société, il fait construire un « bâtiment de maître dans la raffinerie » où il s’engage à demeurer. Dans la société suivante, créée en 1774, J.-P. Ravot, désormais associé à Desmadières, gère seul le processus productif.

  • 72  ADL 11J200, acte de société Ravot Godeau et Desmadières, 1774.

La manutention de la raffinerie, la conduite des ouvriers, l’achat des fournitures nécessaires à l’exploitation concerneront moi Ravot Godeau qui me charge de tous les détails et de toutes les opérations de ladite raffinerie.72

  • 73  ADL 11J202, contrat de société entre Pierre Horace Desmadières et Jean Ravot Auray, 11 février 179 (...)

23Puis il sert de formateur à son fils qui travaille dans la raffinerie. La formation des directeurs de raffinerie se fait sur le tas comme dans l’apprentissage corporatif. Dans l’acte de société de 1792, J.-P. Ravot fils, qui a poursuivi l’association avec Desmadières, joue le même rôle que son père autrefois et s’engage à former le fils de son associé73.

Article 6 : Comme moi Desmadières en formant la société n’ai en vue que de procurer à mon fils les moyens d’entrer dans le commerce et de suivre les affaires de la raffinerie […] le sieur Ravot voudra bien donner ses soins pour former mon fils à la conduite des travaux d’une raffinerie et moi Ravot promet de remplir les vues de Mr Desmadières et faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour lui faire acquérir les connaissances nécessaires pour la manutention exploitation et conduite d’une raffinerie sitôt que le sieur Desmadières fils sera en âge d’entrer dans le commerce.

  • 74  ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art et le commerce du raffineur, vers 1772 ; ADL 11J240, Comptes (...)
  • 75  Monnier Raymonde, « Antoine-Joseph Santerre, brasseur et spéculateur foncier », dans Gayot Gérard (...)
  • 76  Duhamel du Monceau Henri-Louis, L’art de raffiner le sucre, Paris, Saillant et Nyon, 1764 ; Jolin (...)

24L’absence de manuel d’apprentissage du métier ou de livres de comptabilité spécifiques rend complexe la transmission des savoirs. Jean-Pierre Ravot père a tenté de combler cette lacune. Les fonds orléanais contiennent deux ouvrages intitulés L’art et le commerce du raffineur et Comptes et calculs pour le raffinage des sucres74. L’analyse des deux manuscrits révèle qu’il s’agit de l’œuvre du raffineur orléanais. De multiples indices permettent d’en déterminer l’auteur. Écrits de la même main, ils sont datés de 1772 à 1775 et mentionnent les affaires des sociétés « Ravot et cousins » et « Ravot et Desmadières ». Or, seul Jean-Pierre Ravot père continue l’activité entre les deux dates. Il s’agit donc d’un témoignage de première main sur le métier qui n’a jamais été publié ou étudié. Ravot fait partie de la première génération d’entrepreneurs, soucieuse de transmettre son expérience technique et de gestion ; il sera imité plus tard par le brasseur Santerre qui rédige en 1807 L’art du brasseur75. Les manuscrits de Ravot sont précieux car les écrits connus sur l’activité de raffineur émanent d’auteurs extérieurs à l’industrie comme Duhamel du Monceau ou Jollin76. L’analyse en est délicate en raison des lacunes : L’art et le commerce du raffineur est divisé en deux livres mais seuls quatre cahiers sur neuf ont été conservés ; les deux premiers ont disparu et les intentions de l’auteur avec eux. À qui et pourquoi a-t-il voulu laisser ce témoignage ? Les deux manuscrits paraissent être rédigés pour des destinataires différents. Dans Comptes et calculs pour le raffinage des sucres, daté de 1773, Ravot recherche à grand renfort de chiffres la méthode la plus profitable pour fabriquer des sucres en pain, quelles matières (sucre terré ou brut) employer et en quelles quantités. Les trois cahiers du manuscrit sont un retour d’expérience, raison pour laquelle il note à plusieurs reprises que ces calculs lui permettront de « se régler ». L’ouvrage est clair, chaque étape de calcul est détaillée et peut servir à son fils. Âgé de quinze ans, il participe déjà activement à la société puisque son père lui verse des gages pour l’aide fournie.

25Les destinataires du second manuscrit sont plus difficiles à saisir. Des lettres recopiées dans les registres attestent d’une commande mais le donneur d’ordre est inconnu.

Vous connaissez actuellement Monsieur le jargon du raffineur vous savez les noms de tous les outils et ustensiles qui lui sont propres et vous êtes instruit de leur utilité je vais à présent vous mettre au fait du travail des sucres je commence à l’arrivée des matières à la raffinerie et je finirai par en faire sortir les sucres en pain et les sirops mélasses. […] Vous aurez successivement la suite et le plus promptement possible.

26Le livre premier de L’art et le commerce du raffineur rédigé en 1772 contient un dictionnaire des termes techniques dont il ne reste qu’une mince partie, de la lettre H à R, et la description des opérations de transformation. Le deuxième volume écrit en 1775 est composé de lettres et de mémoires sur son métier adressés à l’intendant de Cypierre. Ces éléments relèvent de la vulgarisation du métier et rappellent l’ouvrage de Duhamel du Monceau, L’art de raffiner le sucre (1764) qui comporte aussi un dictionnaire mais aucun passage n’est recopié. Le dernier livre est destiné à un public plus restreint : il s’apparente à un manuel de comptabilité pour l’industrie du sucre qui présente les registres nécessaires aux raffineurs et la manière de les tenir avec des exemples tirés de sa propre pratique. L’ouvrage a dû être utile à ses descendants. Par l’écrit, le raffineur fixe les règles du métier et passe ainsi de l’expérience à la théorie.

27Le glissement entre le négoce et l’industrie s’opère sans véritable rupture et sans homme providentiel. Loin de l’image de l’entrepreneur frileux, les négociants ont innové pour se muer en industriels performants. Grâce à la combinaison de leurs efforts et d’une politique royale dynamique, le paysage industriel du raffinage français s’est profondément modifié entre la fin du xviie et le xviiie siècle.

Le décollage industriel en chiffres et en cartes

28Entre 1683 et le milieu du siècle suivant, le nombre de raffineries est passé d’une trentaine à près de 80. Il s’agit de localiser les principaux foyers du raffinage, de comprendre les raisons de leur implantation et l’essor ou le déclin de certains.

29Malgré un démarrage tardif, les différents leviers mis en place ont permis de développer le raffinage en France : de 1650 à 1680, une trentaine de raffineries sont installées. Elles sont principalement localisées dans les ports atlantiques : Rouen, ville historique du raffinage français, apparaît comme le pôle majeur avec quatorze sociétés. Elle profite de la proximité de Paris pour écouler sa production. L’axe ligérien se dessine dès le xviie siècle avec trois raffineries à Nantes, deux à Orléans et une à Angers, Saumur et Tours.

  • 77  ADLAC879, Mémoire pour concilier les intérêts des raffineries dans l’intérieur du royaume avec les (...)

30Il n’existe pas d’état complet sur les raffineries du royaume pour le xviiie siècle. Seuls des états partiels ont pu être retrouvés ; le plus précieux d’entre eux est un mémoire daté de 1752 ou 1753 qui donne le nombre de raffineries en exercice et celles qui auraient fait faillite à cause de la concurrence des sucres terrés aux Antilles77. La source, rédigée par les Orléanais, est partiale car elle omet les sociétés de Nantes, Marseille et du Languedoc qui sont en dehors du territoire des Cinq grosses fermes. D’après le document, près de 60 établissements étaient en exercice au milieu du xviiie siècle, soit deux fois plus qu’au siècle précédent. Le démarrage industriel est encore plus flagrant si l’on ajoute les raffineries non mentionnées. Des sources éparses ajoutées aux articles de P.-M. Bondois permettent d’avancer un ordre de grandeur : le royaume compterait près de 80 raffineries au milieu du siècle (les provinces réputées étrangères et de l’étranger effectif compris).

Carte 6. Localisation des principales raffineries françaises en 1683.

Carte 6. Localisation des principales raffineries françaises en 1683.

Source : AN Aix FM F3/83

Carte 7. Localisation des raffineries françaises au milieu du xviiie siècle.

Carte 7. Localisation des raffineries françaises au milieu du xviiie siècle.

Sources : ADLA C879 ; AN F12 1501 ; Kouamé Aka, Le commerce des sucres en France, 1763-1793. Positions et contradictions, Paris, thèse dactylographiée, 1983, p. 327 sqq. ; Bondois Paul-Martin, « Les centres sucriers français au xviiie siècle », Revue d’histoire économique et sociale, no 19-1, 1931, p. 27-76

  • 78  AN AD XI 48, 24 avril 1736. La ville ne possède que quatre raffineries en 1763 ; ADCM 41ETP 5380, (...)

31Marseille, Bordeaux, La Rochelle et Orléans sont au milieu du siècle les principaux foyers du raffinage. Le centre rouennais a décliné au profit des ports atlantiques. L’ancien pôle a souffert du droit local de 50 sols par quintal sur les sucres bruts importés. Avec l’essor de la concurrence, les industries rouennaises ont peiné à rester compétitives. Face à leur chute, le pouvoir royal baisse le droit à 25 sols en 1736 mais cela ne suffit pas à enrayer le déclin78. Orléans réussit à tirer profit de sa situation géographique : la proximité de Paris lui offre de larges débouchés et la Loire facilite son approvisionnement en matières premières. Alors que les raffineries de Marseille et de La Rochelle sont à leur apogée au milieu du siècle, les orléanaises sont en plein démarrage. Leur croissance provoque le déclin de leurs consœurs nantaises qui souffrent des droits élevés imposés aux sucres raffinés qui passent dans l’intérieur des Cinq grosses fermes. À la fin du siècle, seule Bordeaux semble en mesure de concurrencer Orléans.

Tableau 3. Estimation du nombre de raffineries à la fin du xviiie siècle dans les principaux centres de production. [

Ville

Nombre de raffineries vers 1791-1793

Vers 1800

Bordeaux

24-25

34

La Rochelle

4

?

Lille

10

10

Marseille

11

7

Nantes

11

4

Orléans

24

34

Sources : AN F12/1834 ; F12/1639a, F12/1932 et F12/2420]

  • 79  AN F12/1639a, Travail sur les sucres raffinés, s.d. [vers 1786].
  • 80  AN F12/562, Mémoire de l’inspecteur Tribert sur les manufactures de l’ancienne généralité d’Orléan (...)
  • 81  AN F12/2420, État des fabriques de sucre du département du Loiret, an XI.
  • 82  AN F12/2420, AN F12/562.

32Les chiffres confirment la double domination orléanaise et bordelaise et le déclin du raffinage dans les autres ports. Mais toutes les entreprises n’ont pas la même taille et l’information est indispensable pour établir la hiérarchie des centres sucriers. Un mémoire dressé en 1786 par les commissaires généraux du commerce évalue la production française de sucre raffiné entre 18 et 20 millions de livres79. Or un inspecteur de manufactures précise que les raffineries orléanaises produisent 13 millions de livres en 179080. Le chiffre paraît fiable : en 1789, un mémoire du maire d’Orléans mentionne une production de 10 millions de livres et d’après les Étrennes orléanaises les raffineries en produisaient déjà 7 millions en 177781. À la fin du siècle, les raffineries orléanaises fabriquent au moins la moitié du sucre raffiné du royaume. Leur domination est encore plus nette si l’on étudie le nombre d’employés dans les raffineries : on compte 650 ouvriers orléanais en 1790, contre 400 à Bordeaux juste avant la Révolution82. Pour la fin du siècle, le chercheur peine à avoir une vue d’ensemble car les chiffres manquent pour les petites villes et fluctuent fortement avant et après la Révolution.

  • 83  Les Provinces-Unies possèdent 139 raffineries en 1752 et 152 en 1776 ; De Vries Jan et Van Der Wou (...)

33L’industrie est considérée comme une activité prometteuse, source d’enrichissement et symbole de la lutte économique menée par la France contre les Provinces-Unies puis l’Angleterre. Pourtant, les raffineurs français échouent à conquérir les marchés européens et leurs débouchés restent limités aux frontières nationales. Les chiffres du raffinage européen amènent à nuancer la croissance industrielle française. J. De Vries estime que les Provinces-Unies comptent 139 raffineries qui produisent 45 millions de livres de sucre raffiné en 1776 soit deux fois plus que la France83. Il s’agit de comprendre les raisons d’un tel revers.

Un sombre bilan : l’échec commercial du sucre raffiné français en Europe

34En 1780, lorsque l’Angleterre prend des mesures incitatives pour exporter ses sucres, les mémoires des inspecteurs généraux et des raffineurs français fleurissent : tous constatent avec amertume la faiblesse des exportations vers l’étranger.

  • 84  AN F12/1639a, Mémoire sur les avantages de régir en France les sucres terrés venant des colonies e (...)

L’industrie française dans tous genres de manufactures de luxe surpasse l’activité de toute nation de l’Europe. Le raffinage de sucre n’est point un art nouveau pour nous. Cependant malgré une restitution de droits d’entrée toujours offerte à la sortie des sucres en pain, les raffineries des Cinq grosses fermes ne peuvent soutenir dans les marchés étrangers la concurrence des raffineries locales.84

  • 85  Minard Philippe, « Réputation, normes et qualité dans l’industrie textile française au xviiie sièc (...)
  • 86  Id., « Les formes de régulation du travail en France et en Angleterre au xviiie siècle : une enquê (...)

35Les raffineurs orléanais, consultés sur les raisons de l’échec sur les marchés extérieurs, paraissent désabusés. Pourtant conscients de leurs atouts grâce à la production de sucre brut des colonies françaises, ils peinent à conquérir de nouveaux marchés. Si les auteurs s’accordent sur le constat d’échec, leurs explications varient : les raffineurs mettent en cause la politique fiscale de l’État et les inspecteurs généraux pointent du doigt la mauvaise qualité de certains sucres raffinés. Alors que des industries françaises de luxe brillent sur les marchés européens (toiles de Bretagne, soieries lyonnaises ou horlogerie parisienne), les raffineries peinent à exporter et souffrent de leurs concurrentes anglaises. Le cœur du problème réside en partie dans la mauvaise réputation des sucres français. Elle peut s’expliquer par l’absence de réglementation imposée par l’État pour garantir la confiance du consommateur étranger. La comparaison avec le secteur textile est éclairante : P. Minard a montré que la réglementation, loin d’être un carcan ou un frein à l’innovation, a permis d’encourager un secteur positionné sur le haut de gamme85. Le mercantilisme n’est pas une obsession française ; dans des travaux récents, l’historien a prouvé que l’opposition entre une France colbertiste paralysée par les normes et une Angleterre libérale et innovante n’a pas de sens86. Les règlements existent aussi de l’autre côté de la Manche car ils sont nécessaires à l’économie de marché. Pour comprendre l’incapacité des raffineurs français à exporter vers les marchés européens, il est nécessaire d’analyser les arguments des industriels et de l’État, qui selon la conjoncture, sont partisans d’une politique libérale ou protectionniste. Après avoir présenté le mauvais bilan commercial du raffinage français et s’être questionné sur les facteurs explicatifs de cet échec, on verra que l’État et les négociants ne restent pas inertes face à la concurrence étrangère et mènent une active politique d’espionnage industriel à partir des années 1780.

Des sucres français absents des marchés étrangers et de plus en plus concurrencés sur le marché intérieur à la fin du XVIIIe siècle

36Les vœux de Colbert sont restés pieux : à la fin du xviiie siècle, la France n’est pas la grande puissance industrielle dont il rêvait dans le secteur du raffinage. Si l’État et les négociants ont participé activement à l’essor industriel à la fin du xviie siècle et ont permis à la France d’être autosuffisante, ils n’ont pas su développer l’activité pour la rendre compétitive sur les marchés étrangers. À partir des années 1780, les Français sont même concurrencés par les Anglais sur le marché intérieur.

  • 87  Kouamé Aka, Le commerce des sucres…, op. cit., tableau no 74, p. 415 ; Tarrade Jean, Le commerce c (...)
  • 88  AN AD XI 48, arrêt du conseil du 27 octobre 1711.
  • 89  Le traité ne modifie pas les droits perçus sur les sucres anglais importés. En revanche, le drawba (...)

37Les chiffres disponibles pour la période montrent que les exportations de sucre raffiné oscillent entre 0,1 et 5 % des exportations totales87. La France exporte du sucre brut et terré et abandonne aux autres pays le raffinage. Seuls deux ports sont vraiment impliqués dans le commerce, La Rochelle et Bordeaux, qui comptent la quasi-totalité des exportations de sucre raffiné. Alors que la vallée ligérienne est la principale région productrice de sucre raffiné, le port de Nantes est absent du trafic. Les inégalités fiscales expliquent en partie la prépondérance bordelaise et rochelaise. Depuis 1711, les sucres raffinés dans les deux villes et envoyés vers la Franche-Comté, l’Alsace, Genève et la Savoie bénéficient de remises de droits88. L’inégalité perdure et les acquits-à-caution sont confirmés en 1717 et 1730, au grand dam des Orléanais. En 1786, la prime pour les exportations est accordée à tous les ports afin de lutter contre la concurrence anglaise croissante. La mesure doit être replacée dans un contexte plus général : en 1786, le traité de commerce franco-britannique accroît la rivalité entre les deux pays89.

  • 90  ADLA C730, copie de la lettre écrite à M. le contrôleur général par les directeurs du commerce de (...)
  • 91  AN F12 1639a, Mémoire sur les sucres raffinés, s.d. [vers 1786].
  • 92  ADLA C730, lettre des entrepreneurs des raffineries d’Orléans à M. le directeur général des Financ (...)
  • 93  Kouamé Aka, Le commerce des sucres…, op. cit., tableau no 62, p. 347.
  • 94  Les exportations passent de 4 108 livres en 1780 à 173 000 livres en 1783.
  • 95  AN AD XI 48, arrêt du 17 mars 1782 qui fixe les droits sur les sucres raffinés venant de l’étrange (...)
  • 96  ADLA C730, Mémoire concernant l’introduction des sucres raffinés étrangers joint à la lettre des r (...)
  • 97  AN F12/1639a, mémoire des raffineurs d’Orléans, vers 1786. Soit 218 sols pour les droits, 140 pour (...)
  • 98  ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art et le commerce du raffineur, vers 1772.

38En 1785, Jean Jacob Elzeirier, conseiller de la ville de Rotterdam impliqué dans le commerce des sucres, s’inquiète de la diminution des débouchés. Il se rend à Nancy, Metz, Bar-le-Duc et s’aperçoit que le sucre anglais y a remplacé le sucre hollandais : ses clients habituels se fournissent désormais chez Pierre Simon et John Hankey, de Londres. Il alerte ses amis français : « les Anglois font tous les efforts possibles pour s’emparer entièrement de cette branche du commerce et en exclure totalement les Français comme les Hollandais ». Les deux pays concurrents se sont trouvé un ennemi commun, l’Angleterre, qui conquiert le marché européen grâce au drawback sur les sucres raffinés. La mesure fiscale, instaurée en 1780, accorde la remise de l’intégralité des droits perçus sur les sucres bruts et une prime pour les sucres raffinés réexportés. À partir de cette date, les mémoires français sur la concurrence anglaise se multiplient et dressent pour la plupart un portrait catastrophique des débouchés. Les directeurs du commerce de Guyenne soulignent que l’Angleterre approvisionne plusieurs provinces d’Allemagne, la Lorraine, l’Alsace, la Suisse et la Savoie, marchés habituels des Bordelais90. Les négociants de la ville affirment que pour rivaliser, l’État devrait verser une prime à l’exportation de 30 livres par quintal de sucre, un effort qui « serait au-dessus des forces de l’État91 ». La manœuvre vise à faire interdire le sucre anglais en France et à encourager l’État à une surveillance accrue de la contrebande menée par les Anglais dans les colonies françaises. Pour les raffineurs orléanais, encore plus alarmistes, la concurrence anglaise touche l’intérieur même du royaume : « les épiciers de Paris débitent actuellement des sucres raffinés en Angleterre92 ». Les données quantitatives disponibles pour la fin du siècle permettent de nuancer les propos des contemporains. Les importations de sucre raffiné ne dépassent pas 50 000 livres de 1775 à 178093. Le décollage des importations après 1782 (558 300 livres en 1788) explique la crainte des raffineurs, jusqu’alors peu confrontés à la concurrence. La hiérarchie des pays fournisseurs est bouleversée : le sucre importé provient en majorité d’Angleterre et non plus de Hollande (cf. cahier couleur). Le drawback a porté ses fruits : en trois ans, les exportations de sucre raffiné anglais vers la France ont été multipliées par 56 au détriment de la Hollande et de la Flandre94. Pendant la décennie suivante, l’Angleterre écrase les autres concurrents sur le marché français. L’État français renforce ses mesures protectionnistes : en 1782, les droits sur les sucres raffinés étrangers passent de 22 livres 10 sols à 40 livres 10 sols mais la mesure est insuffisante à cause de la fraude95. En 1784, d’après les Orléanais, 800 quintaux de sucre raffiné anglais auraient pénétré le royaume sans payer de droits96. Désemparés, les raffineurs français proposent d’établir des certificats pour certifier l’origine des sucres vendus en France, en vain. Dès lors, ils focalisent leurs charges contre leurs confrères anglais. En 1786, les raffineurs bordelais estiment le coût de revient du quintal de sucre raffiné dans trois pays européens : 63 livres 18 sols pour les Anglais, 80 livres pour les Français et 92 livres 3 sols pour les Hollandais. Les raffineurs nantais et normands également consultés parviennent à des chiffres analogues. Seuls les Orléanais détaillent les raisons du décalage entre Anglais et Français, qu’ils attribuent pour l’essentiel à une différence de droits97. Les calculs servent le discours des raffineurs car ils présentent de nombreuses lacunes. Les Orléanais passent sous silence le prix du sucre brut, plus élevé en Angleterre, et le coût de la main-d’œuvre, estimé à 15 livres par quintal de sucre produit. Les raffineurs sont prompts à rendre l’État responsable de leur échec98.

Un rapport qualité-prix peu compétitif : l’absence de normes à l’origine de la mauvaise image de marque des sucres français

  • 99  Williams Éric, Capitalisme et esclavage…, op. cit., p. 161. D’après l’auteur, les prix du sucre br (...)

39Pour les raffineurs, la mauvaise politique royale explique le coût élevé du sucre raffiné français et sa faible compétitivité. Il s’agit de comprendre une situation paradoxale : alors que le sucre brut est environ 20 % moins cher en France qu’en Angleterre, les raffineurs français ne parviennent pas à produire des sucres à un prix compétitif99. Ils en rejettent la responsabilité à une politique incohérente de l’État qui à la fois interdit la distillation des sirops de sucre et autorise le terrage des sucres aux Antilles en concurrence avec le raffinage métropolitain. Pour comprendre les difficultés du secteur, il convient de nuancer les arguments des raffineurs sur la question des prix en examinant leur responsabilité dans la mauvaise qualité des sucres français.

  • 100  ADLA C706, entrées et sorties des sucres.

40D’après les sources de la chambre de commerce de Nantes, le prix du quintal de sucre raffiné vendu à Nantes varie entre 60 et 80 livres tournois de 1730 à 1779100. Les données tirées des registres de ventes du raffineur Ravot, plus intéressantes car elles fournissent les prix réellement pratiqués, confirment cet ordre de grandeur.

Graphique 8. Prix moyen du sucre raffiné vendu par Ravot (1774-1792).

Graphique 8. Prix moyen du sucre raffiné vendu par Ravot (1774-1792).

Sources : ADL 11J222, 11J224 et 11J225

  • 101  ADL 11J207, lettre de Bouard à Paris, 17 germinal an VII.

41En 1774, Ravot vend le quintal de sucre en moyenne 80 livres. Les prix explosent au début de la guerre d’Amérique en 1778 puis restent à un niveau élevé, au-dessus de 100 livres le cent pesant. Il est difficile de mener une comparaison avec les prix des sucres raffinés anglais ou hollandais car il n’existe pas de listes de prix courants pour les sucres raffinés vendus en France. Seules des mentions éparses récoltées dans les mémoires de raffineurs et la correspondance des négociants permettent de prendre la mesure de la compétitivité des sucres étrangers. Malgré les coûts de transport, les Hollandais parviennent à vendre leur sucre en pain au même prix que les Français voire moins cher. Le 17 germinal an VII, l’épicier parisien Bouard reproche au raffineur Ravot ses prix élevés101.

Le sucre de Hollande n’augmente pas on le tient à 50 sols 6 deniers à 51 sols le vôtre alors devient très élevé votre 4 à 50s même ne convient pas davantage […] à 51s encore ne peut-on vendre qu’à des détaillants.

  • 102  ADL 11J208, lettre du 16 messidor an VII.

42En province, la concurrence des sucres étrangers est aussi forte. Une lettre du négociant Lahalle confirme la performance des sucres hollandais sur la place rouennaise à la même époque102.

Les sucres bruts sont peu abondants ici on les vend de 34 à 36 les beaux blancs, le sucre raffiné d’Hambourg 50 à 51, de Hollande 48 à 49, le petit pain d’Orléans 48 à 49 aussi.

43Pour comprendre le manque de compétitivité des raffineurs français, l’inspecteur des manufactures Tribert dénonce leurs bénéfices.

Si les Hollandais vendent à égalité de qualité leurs sucres raffinés moins cher que ceux de France, c’est qu’en Hollande l’intérêt de l’argent est plus bas que dans notre royaume ; c’est ajoute-t-on encore, que les Hollandais naviguent plus économiquement que nous, et raffinent à moindre frais ; c’est enfin, qu’ils se contentent de gagner moins que nos raffineurs, pour gagner plus longtemps.

  • 103  ADLA C730, Mémoire pour les raffineurs d’Orléans, d’Angers et de Saumur sur l’abus qui s’est intro (...)

44Le prix du sucre raffiné français s’explique surtout par des coûts de production plus élevés. Les raffineurs se plaignent de la production de sucre terré grossièrement raffiné aux Antilles par un procédé moins long et moins coûteux que le raffinage opéré en métropole. Le sucre terré représente une part importante des importations ; les raffineurs sont contraints d’en acheter pour leur production de sucre raffiné. Or, son prix est plus élevé que celui du brut. Il concurrence aussi le sucre en pain car son prix est inférieur et il peut être consommé sous forme de confiture ou dans les pâtisseries. Pour accompagner thé et café, les acheteurs préfèrent du sucre raffiné présenté en morceaux. Le sucre terré représente une particularité au regard des pays concurrents. L’Angleterre a par exemple interdit toute forme de raffinage dans ses possessions. Les raffineurs français demandent des mesures identiques, en vain103.

  • 104  AN AD XI 48, arrêt du 18 avril 1682.
  • 105  AN F12 1639a, lettres patentes du roi portant règlement pour le commerce des colonies françaises, (...)
  • 106  ADLA C879, Mémoire des raffineurs d’Angers Orléans et Saumur sur le terrage des sucres, 1732.
  • 107  AN AD XI 48, arrêt du Conseil d’État du roi, 18 avril 1782.

45Le pouvoir royal a tenté à plusieurs reprises de limiter la production de sucre terré ; en 1682, les droits d’entrée sur les sucres raffinés aux colonies sont augmentés104. En 1698, les sucres terrés subissent une seconde hausse, les droits sont portés à 15 livres, mais en 1717 le pouvoir royal fait marche arrière et baisse les droits à 8 livres le cent pesant105. À l’inverse des planteurs britanniques qui ont obtenu le monopole du marché anglais en contrepartie de l’interdiction de raffiner aux îles, les planteurs français ne bénéficient pas d’un tel avantage. En 1732 et 1776, les raffineurs ligériens et rochelais s’allient pour lutter contre l’entrée de sucre terré afin « d’ouvrir les yeux du gouvernement sur une branche qui n’est pas assez protégée106 ». En 1782, les droits sur les sucres terrés augmentent pour satisfaire leurs demandes107. La position des raffineurs est ambiguë car certains utilisent du sucre terré pour fabriquer le sucre royal. La hausse des droits leur porte donc préjudice ; c’est la raison pour laquelle les Orléanais refusent de se joindre aux Rochelais et aux Bordelais en 1776. Les raffineurs sont donc aussi responsables que l’État de leur faible compétitivité.

  • 108  ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art…, op. cit., article « Mélasses ».
  • 109  AN F12/1639a, distillation des sirops mélasses.
  • 110  AN AD XI 48, Arrest portant exemption des droits de sortie sur les mélasses et sirops provenant du (...)
  • 111  ADL 11J239, Observations des entrepreneurs des manufactures de sucre d’Orléans, 20 janvier 1791.
  • 112  AN F12 1639a, Observations sur un mémoire de Londres qui nous a été remis le 23 septembre 1786.
  • 113  AN F12/1639a, Observations sur les différences qui existent entre le rapport de Mr de Colonia [int (...)

46L’interdiction de distiller les sirops issus du raffinage grève aussi les coûts de production. L’État a écouté le lobby du vin qui craignait la concurrence du rhum et a contraint les raffineurs français à vendre leurs sirops sans les transformer ; la législation entraîne une perte de revenus pour les industriels. Les viticulteurs ont développé des trésors d’imagination pour rester en situation de monopole. En 1699, ils ont sollicité le Conseil d’État pour interdire la distillation des sirops de sucre108. Ils avancent deux arguments : le rhum serait dangereux pour la santé et nuirait au commerce d’eau-de-vie. En 1710, un arrêt du Conseil d’État suit les rapports des médecins qui jugent le rhum « préjudiciable au corps humain109 ». Pour limiter le préjudice subi par les raffineurs, les exportations sont encouragées ; les sirops vendus à l’étranger sont détaxés110. En 1717, la mesure est étendue aux provinces réputées étrangères. Ces encouragements sont insuffisants. Les débouchés sont rares : l’Angleterre, grande consommatrice, applique des tarifs prohibitifs sur les sirops étrangers. Les sirops français sont vendus à bas prix aux pays du Nord qui les transforment en rhum à forte valeur ajoutée. Les raffineurs hollandais et anglais tirent d’importants bénéfices sur leur vente : en Angleterre le quintal vaut 22 à 30 livres, en Hollande 17 à 20 livres et en France seulement 12 à 15 livres en l’absence de demande intérieure. Les raffineurs français estiment que leurs concurrents peuvent ainsi baisser le prix des sucres de 3 à 4 livres par quintal pour les premiers et de 7 à 9 livres pour les seconds111. Le coût des charbons de terre anglais « meilleurs et à plus doux prix112 » est souvent avancé par les raffineurs français. Ils estiment qu’il permet de baisser les coûts de production d’une livre par quintal. Le sucre raffiné hollandais, lui, bénéficie de faibles coûts de transport : pour approvisionner l’Alsace et la Lorraine, les Hollandais déboursent 6 à 8 livres par quintal mais les Bordelais 20 à 21113.

47Le sucre raffiné français peine à s’imposer à cause de prix élevés, dus en partie à une législation incohérente. Mais les raffineurs, si prompts à rejeter la faute sur l’État, oublient leur propre responsabilité ; la mauvaise réputation des sucres en pain français explique aussi les revers commerciaux des industriels.

  • 114  Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond, Encyclopédie…, op. cit., article « Sucre ».

48Au début du xviiie siècle, les Français ont surtout souffert de la concurrence des Hollandais réputés produire le plus beau des sucres, le sucre royal. L’article « Sucre » de l’Encyclopédie ne tarit pas d’éloge sur leur savoir-faire : « Sucre royal : ce qu’il y a de plus dur et de plus fin en fait de sucre, on le clarifie en Hollande où l’on a l’art de le faire meilleur qu’ailleurs »114. Dans son Dictionnaire raisonné, Valmont de Bomare précise les raisons de l’infériorité du sucre français :

  • 115  Valmont de Bomare Jacques-Christophe, Dictionnaire raisonné, universel d’histoire naturelle…, Lyon (...)

Des sucres qui se raffinent encore en France, celui de l’affinage d’Orléans passe pour le meilleur ; il est moins blanc que ceux de Hollande & d’Angleterre ; mais il sucre davantage, parce qu’il est moins dépouillé de ses parties mielleuses & visqueuses.115

  • 116  Stols Eddy, « The expansion of the sugar market in western Europe », dans Schwartz Stuart B. (dir. (...)

49Or, plus que le goût c’est l’apparence du sucre qui définit sa qualité. La préférence pour le sucre hollandais n’est pas une spécificité française : en Toscane, les marchands le préfèrent au sucre vénitien pour sa blancheur, sa douceur et sa consistance116. En France, les annonces publicitaires et le pouvoir royal vantent les mérites des sucres raffinés à Orléans, les meilleurs du royaume, alors qu’ils souffrent d’une mauvaise image de marque auprès de certains détaillants. Les épiciers de Paris restent ainsi fidèles au sucre de Hollande qu’ils présentent comme le meilleur. Ils poussent l’affront jusqu’à demander une baisse des droits sur le sucre royal raffiné à l’étranger, sans obtenir satisfaction suite aux pressions des raffineurs orléanais.

  • 117  ADL 2J354, Observations des entrepreneurs des manufactures de sucre d’Orléans sur le tarif des dro (...)

En 1730, les épiciers de Paris présentèrent à Monseigneur le contrôleur général une requête tendant à obtenir une diminution des droits sur le sucre royal qu’ils tirent d’Hollande. Ce ministre bien instruit que ce sucre n’étoit point supérieur à celui d’Orléans communiqua la requête aux raffineurs de la ville et après les avoir entendu la rejeta. Les requérants n’en ont pas moins continué à tirer du sucre d’Hollande, il en arrive journellement par Rouen.117

50Pour les raffineurs, les détaillants sont plus attachés à l’image de marque du produit qu’à sa qualité réelle. Savary, du même avis, constate avec amertume la prédilection des Français pour les sucres étrangers, qui ne serait qu’une stratégie commerciale.

  • 118  Savary des Bruslons Jacques, Dictionnaire universel de commerce…, op. cit., article « Sucre ».

Les meilleurs sucres candis qu’on vende à Paris, viennent de Hollande, à ce que font souvent accroire les Epiciers qui le vendent ; il s’en fait cependant d’excellents à Paris même, à Orléans & à Tours. Celui de Hollande coûte ordinairement quatre sols par livre plus que celui de France, ce qui suffit pour lui donner la préférence parmi une Nation qui n’estime gueres que ce qui vient de dehors.118

51Pour les épiciers, le raffiné hollandais est synonyme de bon goût et de luxe. Même les sucres orléanais sont souvent jugés trop gris par les acheteurs.

  • 119  ADL 11J201, lettre du marchand Martignon à Paris, 28 germinal an VII.

C’est dommage que votre 4 ait une teinte grise si prononcée sans cela il seroit parfait car il est extrêmement bien fabriqué et sonore comme des cloches.119

  • 120  Sougy Nadège, « La fabrique de Paris au xixe siècle : qualités de produits et formations des fabri (...)
  • 121  Stanziani Alessandro, « Les signes de qualité. Normes, réputation et confiance (xixe-xxe siècles)  (...)
  • 122  Grenier Jean-Yves, « Une économie de l’identification. Juste prix et ordre des marchandises dans l (...)
  • 123  ADG C1642, lettre du contrôleur général des Finances, 21 novembre 1732.
  • 124  ADG C1642, procès-verbal de Lambert et Doorman, 12 mai 1733.
  • 125  ADG C1642, Mémoire des directeurs de la chambre de commerce de Guyenne, 1739.

52Les raffineurs peinent à établir la renommée de leurs produits ; l’image de marque du raffiné français est parfois éloignée de la qualité réelle du produit. N. Sougy a relevé le phénomène inverse pour les « articles de Paris » au xixe siècle : le discours élaboré autour de la provenance de ces produits a construit leur bonne réputation120. Le rôle des croyances et des perceptions des acheteurs est crucial dans la définition de la qualité121. En l’absence de normes précises qui favorisent le classement des produits et leur identification par les acheteurs, la réputation historique de la marchandise prend le pas sur la qualité réelle. A. Stanziani a montré que l’octroi de labels pour garantir la confiance des consommateurs dans le secteur viticole avait surtout porté sur l’origine géographique des vins. Dans une économie de l’identification, les acheteurs évaluent la marchandise selon sa qualité et sa réputation, souvent établie en fonction de la provenance ; considérée comme une marque, elle participe directement à l’établissement du prix122. Pourtant, l’État n’a pas souhaité réglementer la production. Celle-ci est libre contrairement aux industries textiles : en l’absence de normes et de contrôle de la qualité, les raffineurs sont livrés à leur savoir-faire. En 1732, l’intendant du Languedoc se lamente auprès du contrôleur général des Finances Orry au sujet de la qualité des sucres bordelais vendus à la foire de Beaucaire. D’une qualité inférieure à ceux des autres raffineries, leur poids n’est pas conforme : le papier et la ficelle sont trop lourds. L’inquiétude de l’intendant porte sur la mauvaise image de marque du produit. Suite à la lettre, Orry propose aux directeurs de la chambre de commerce de Guyenne d’établir un règlement123. Suite aux remontrances du contrôleur général des Finances, deux maîtres-raffineurs bordelais inspectent leurs confrères à la manière des maîtres-jurés des communautés de métier124. Les industriels mis en cause défendent leur savoir-faire et affirment que la clientèle bordelaise ne se plaint pas de la qualité. Mais l’affaire se poursuit : en 1739, l’intendant du Languedoc réitère ses plaintes et demande la création d’inspecteurs pour le raffinage des sucres. La proposition provoque la colère des raffineurs bordelais, fervents défenseurs du libéralisme : « le bien public et le commerce exigent que tous les raffineurs du royaume travaillent librement et qu’ils suivent leur choix et leur connaissance dans cet art125 ». Ils rappellent la compétence des acheteurs étrangers qui « ont grand soin quand ils achètent les sucres de les examiner et d’en proportionner le prix à leur qualité ». Leur foi dans le libre jeu de l’offre et de la demande est inébranlable alors que le marché est fortement protégé par l’État. Les raffineurs finissent par obtenir gain de cause : le métier reste libre tout au long du xviiie siècle. La comparaison entre la réussite des industries textiles, très réglementées, et les difficultés des raffineries françaises, dont le commerce est libre, conduit à s’interroger sur les effets de la politique royale. Le commerce des sucres a peut-être souffert de l’absence de réglementation tant le label, la marque donnée par l’administration est un moyen de certifier la qualité et de donner confiance aux consommateurs.

53Dans le secteur du raffinage, l’État s’est abstenu d’établir des normes et s’est contenté d’encourager l’innovation. Le manque d’engagement de l’État peut s’expliquer par le faible niveau des importations de sucre raffiné : le royaume ne perd pas de liquidités, les principes de la politique mercantiliste sont saufs. C’est seulement face à la montée de la concurrence anglaise à la fin du siècle que la monarchie tente d’améliorer le rapport qualité prix de la production française.

La lutte tardive contre la mauvaise réputation des sucres français : l’espionnage industriel dans les années 1780

  • 126  AN F12/651/3, Mémoire sur le commerce, manufacture, impôts divers, 24 octobre 1789.
  • 127  Hilaire-Pérez Liliane et Verna Catherine, « Les circulations techniques : hommes, produits, savoir (...)

54En octobre 1789, un rapport sur le commerce et les manufactures françaises alarme le président de l’Assemblée nationale : le sucre hollandais et anglais est de « qualité, proportionnellement aux prix, supérieure à celui du royaume126 ». Confrontés à la concurrence croissante des pays européens à la fin du siècle, l’État et les raffineurs ont développé une active politique d’espionnage industriel. Si la production du plus beau des sucres en pain, le sucre royal, reste entourée d’un halo de mystère, son secret est loin d’être impénétrable. Le savoir-faire du raffinage circule entre les pays européens et illustre le concept d’open technique, c’est-à-dire la mise à disposition des savoirs en Europe à l’époque moderne, défendu par L. Hilaire-Pérez et C. Verna127. Deux dossiers, datés des années 1780, période de forte rivalité économique avec l’Angleterre, permettent de saisir les modalités de circulation des techniques et le rôle de l’État dans le secteur du raffinage.

  • 128  ADLA C730, Théorie du raffinage des sucres bruts mise en pratique par M. Jean Othon Dede de Hambou (...)
  • 129  Mézin Anne, Les consuls de France au siècle des Lumières (1715-1792), Paris, Ministère des Affaire (...)
  • 130  ADCM 41ETP4667, Théorie du raffinage des sucres bruts, 1781 ; ADCM 41ETP4668, lettre de Saint-Sauv (...)

55Le premier document est un mémoire intitulé Théorie du raffinage des sucres bruts mise en pratique par Mr Jean Othon Dede de Hambourg dirigeant la raffinerie de la compagnie à Trieste128. Le mémoire de huit feuillets est signé d’un certain Saint-Sauveur, le 20 septembre 1780. André Grasset de Saint-Sauveur a été nommé consul à Trieste en 1772129. Il assure un rôle de protection du commerce français et des fonctions de renseignements. De Saint-Sauveur a été secrétaire général des colonies, ce qui explique sans doute son intérêt pour le sucre. Dans le mémoire, le consul indique qu’il suivra la méthode du raffineur Dede qui a exercé 6 ans à Hambourg, 17 à Fiume et 2 à Trieste « depuis l’entrée des sucres dans les chaudières jusqu’à leur sortie des étuves ». L’auteur précise toutes les qualités de sucre raffiné, le « secret pour clarifier les sucres », la cuisson et les matières premières utilisées (chaux, charbon de terre). Une copie postérieure du mémoire datée du 26 février 1781, conservée dans les archives de la chambre de commerce de La Rochelle, est accompagnée d’une lettre explicative du consul adressée aux négociants130. Le mémoire a été envoyé dans les places majeures du raffinage – Nantes, Bordeaux, Marseille – puis dans de plus petites comme La Rochelle. La lettre livre de précieuses informations sur le contexte et les motivations du consul. Celui-ci constate que les raffineries de Fiume et Trieste ne suffisent pas à leur consommation : la majorité du sucre raffiné provient de Hambourg et les Français ne parviennent pas à pénétrer le marché. Du manque de compétitivité française, il déduit la piètre qualité des sucres raffinés dans le royaume. Ce constat le pousse à étudier les techniques du raffineur Dede. Formé à Hambourg, l’ancien maître-serviteur de la compagnie de Fiume aurait été « vexé » par sa direction selon le terme du consul et aurait offert ses services à Trieste où son « succès a surpassé l’attente des actionnaires ».

Cette prévention me décida à m’affider le même premier raffineur de la compagnie de Fiume, après trois ans de persévérance, j’ay enfin réussi, Messieurs, à tirer insensiblement de lui sa théorie ci-jointe décrite méthodiquement dans un ordre et une exactitude qui lui ont plu au point que dans le secret de son cœur il s’en fait honneur. Je vous le soumets messieurs, je vous prie d’en faire part à vos plus habiles raffineurs.

56L’action du consul est attestée à Marseille sans que l’on sache si l’initiative a été ordonnée par le Conseil du commerce : Saint-Sauveur envoie à la chambre de commerce des éléments concrets comme « des échantillons de différentes formes de sucre » et même de la « terre avec laquelle on les fait, des échantillons de caisse pour les sucres candis, du papier et de la ficelle avec lesquels les pains de sucre doivent être essentiellement enveloppés ». Le consul ne ménage pas ses efforts pour donner les clés du succès aux raffineurs français et leur permettre de fabriquer des pains de sucre au « goût des étrangers ». Ses propos manquent de clarté sur la méthode pour « s’affider » le raffineur : a-t-il été payé ? Les propos du raffineur n’ont pas été soutirés à son insu comme pouvait le laisser penser la lettre de Saint-Sauveur (« à tirer insensiblement de lui ») ; Dede a relu les notes du consul et les a approuvées, ce qui n’est sans doute pas le cas des directeurs de sa raffinerie. Les techniques étrangères sont dévoilées et négociées par le technicien et les chambres de commerce servent à relayer les informations glanées.

  • 131  AN F12/1639a, Compte rendu par les commissaires généraux du commerce des mémoires fournis par les (...)
  • 132  AN F12/1639a, Résultat des informations prises dans les raffineries d’Orléans sur l’examen des mon (...)
  • 133  Cotte Michel, De l’espionnage à la veille…, op. cit., p. 57.
  • 134  AN F12/1639a, Observations sur un mémoire de Londres qui nous a été remis le 23 septembre 1786.
  • 135  Harris John, Industrial Espionage and Technology Transfer. Britain and France in the Eighteenth-ce (...)

57Un second dossier conservé aux Archives nationales illustre le rôle de l’État dans l’amélioration qualitative des sucres raffinés. À la fin du siècle, le sucre anglais focalise les inquiétudes : sa qualité et son coût sont examinés à la loupe. En 1786, un document de travail écrit par les commissaires généraux du commerce rassemble des mémoires rédigés par les chambres de commerce françaises, des lettres de marchands hollandais qui mettent en lumière la poussée des exportations anglaises et des recherches menées par les raffineurs orléanais à l’initiative de l’État sur les qualités du sucre anglais131. Des montres de sucre raffiné en Angleterre et destiné à Ostende sont envoyées aux industriels orléanais. La facture des sucres est jointe aux échantillons : elle est décortiquée pour comprendre par quel artifice les Anglais parviennent à pénétrer les marchés du Nord132. Le rapport renseigne peu sur les techniques du raffinage mais plutôt sur les droits imposés et le drawback. En septembre 1786, de nouveaux échantillons de sucre sont envoyés aux raffineurs orléanais pour comparer leur goût avec le sucre raffiné en France. L’envoi d’échantillons est courant dans d’autres secteurs comme le textile, car l’objet fini véhicule par lui-même un ensemble de savoir-faire utiles133. Les raffineurs se livrent à l’aveugle à un test comparatif et reconnaissent la supériorité de certains sucres anglais, plus doux. Le gouvernement français tente d’interroger directement les raffineurs anglais sur leurs procédés de fabrication. Les Archives nationales conservent ainsi la trace d’un mémoire anonyme intitulé Observation sur un mémoire de Londres qui nous a été remis le 23 septembre 1786134. Le mémoire d’origine auquel a répondu un raffineur anglais n’a pas été conservé, seul son commentaire anonyme nous est parvenu. Le document était destiné à la monarchie anglaise : d’après le commentateur français « la question est d’autant plus difficile à résoudre que ce raffineur anglais refuse aucune connaissance à cet égard même au ministre anglais qui l’interroge ». Comment le document est-il parvenu en France ? Faut-il y voir l’œuvre du consul français en Angleterre ? Ces hommes agissent dans l’ombre, leurs traces sont rares même si quelques-uns ont pu être étudiés135. Les doutes sont tout aussi grands sur l’identité du commentateur français du mémoire : les documents sont anonymes, semble-t-il à dessein. L’auteur se présente comme un raffineur, proche du ministre de la Marine de Castries. Il mentionne un autre mémoire rédigé à Orléans pour le ministre sur le goût du sucre anglais. Comme souvent, les industriels orléanais servent d’informateurs au pouvoir ; proches de la capitale, ils passent pour les meilleurs raffineurs du royaume. Au-delà de l’effet de style destiné à s’attirer la reconnaissance du ministre, le raffineur met en évidence les mystères et les secrets de fabrication que les industriels étrangers tout comme les Français sont peu enclins à divulguer.

On voit qu’ils sont partout les mêmes [les raffineurs] vous l’avez vu par les mémoires de Bordeaux, du Havre, vous les interrogeriez tous les uns après les autres que vous n’en seriez pas plus avancé, je commence à croire qu’il n’y en a qu’un seul qui se soit voué à la vérité. Heureusement que cet unique dans l’espèce est de vos amis et certainement il ne vous manquera pas au besoin il scait bien que par la il se rendra odieux à ses confrères et peut être à tous les raffineurs de l’Europe.

58Le raffineur expertise le témoignage anglais comme un faux et accuse l’auteur de « charlatanerie » lorsqu’il conseille d’utiliser de la matière inférieure pour faire du sucre royal. Son jugement a semble-t-il été conforté par celui qui a transmis le mémoire anglais : « L’auteur du mémoire a bien jugé du calcul que lui a remis un des raffineurs de Londres à coup sûr il est faux ». La fuite de fausses informations est-elle orchestrée par l’État anglais ? C’est une hypothèse que l’on ne saurait écarter.

  • 136  AN AD XI 48, arrêt du 25 mai 1786 concernant les raffineries de sucre établies dans les différents (...)

59La fin du xviiie siècle est une période difficile pour les raffineries françaises, touchées de plein fouet par la concurrence britannique. En réaction, l’État français tente de comprendre la percée anglaise sur le marché du sucre et réfléchit aux moyens d’améliorer la qualité des sucres français. Dans le domaine fiscal, il imite la politique anglaise et, en 1786, donne une prime de 4 livres par quintal de sucre raffiné exporté136. Les différentes mesures entraînent l’essor des exportations qui passent de 300 000 livres en 1780 à plus d’1,6 million en 1787. Mais la part des ventes de raffiné reste mineure par rapport aux sucres bruts et terrés (1,4 %). Ce chiffre montre à lui seul l’échec conjoint des raffineurs et de l’État qui, malgré des politiques fiscales incitatives, ne parviennent pas à exporter ce produit de luxe en Europe.

60Après un démarrage tardif à l’échelle européenne, le raffinage français a connu un réel essor à partir des années 1680. La politique protectionniste de l’État français, l’arrivée d’ouvriers étrangers qualifiés et l’investissement des négociants expliquent le démarrage industriel. La France qui dépendait de la production étrangère, hollandaise pour l’essentiel, est devenue autosuffisante. Pourtant, les réussites sur le marché national ne sauraient masquer les revers subis sur les marchés européens. Ils s’expliquent à la fois par l’incapacité des acteurs de la filière à donner au sucre raffiné français l’image d’un produit haut de gamme et par les prix élevés. L’échec industriel est dû en partie au manque de réglementation du secteur et à une politique fiscale incohérente. L’État, qui touche déjà une manne conséquente grâce aux exportations de sucre brut et terré, s’est inquiété tardivement du manque de compétitivité du sucre raffiné français. Tant que les importations sont restées faibles, la situation restait conforme aux principes mercantilistes et le pouvoir politique s’est peu impliqué. En l’absence de normes, la réputation du sucre raffiné français a été plus difficile à établir, d’autant que les concurrents des Provinces-Unies et du Nord bénéficiaient d’un savoir-faire ancien et d’une image de marque plus établie. De leurs côtés, les raffineurs n’ont jamais demandé la réglementation du métier ; soucieux de lutter contre la concurrence, ils ont surtout fait pression pour obtenir un marché intérieur protégé. Leurs exigences de liberté ont été respectées et la production n’a jamais été régulée. S’il convient de dresser un portrait nuancé du raffinage français, la défaite n’est pas totale ; les industriels ont réussi à conquérir le marché intérieur au cours du xviiie siècle. Or la partie était loin d’être gagnée au siècle précédent. Pour accompagner une demande croissante, l’industrie a dû s’adapter et évoluer. Le chapitre suivant porte sur ces mutations et sur le processus productif, les hommes et les techniques mobilisés.

Notes

1  Hambourg compte 200 raffineries en 1727 ; 300 au milieu du siècle, 365 en 1784, 298 en 1798 et 400 en 1802 ; Petersson Astrid, Zuckersiedergewerbe und Zuckerhandel in Hamburg im Zeitraum von 1814 bis 1834, Stuttgart, Steiner, 1998, p. 47-51. Les chiffres sont plus flous pour Londres mais les auteurs s’accordent sur celui de 80 entreprises ; Rössler Horst, « Germans from Hanover in the British sugar industry 1750-1900 », dans Manz Stefan, Schulte Beerbühl Margrit et Davis John R., Migration and Transfer from Germany to Britain 1660-1914, Munich, Saur, 2007, p. 49-63 ; Morgan Kenneth, « Sugar refining in Bristol », dans Bruland Kristine et O’Brien Patrick (dir.), From Family Firms to Corporate Capitalism, Oxford, Clarendon Press Oxford, 1998, p. 139-169. La France dans son ensemble compterait, elle, cent raffineries : Stein Robert Louis, The French Sugar Business…, op. cit., p. 136. Ce chiffre sera discuté dans la suite du chapitre.

2  Pourchasse Pierrick, Le commerce du Nord…, op. cit., p. 19.

3  Poni Carlo, Gervais Darla et Gervais Pierre, « Mode et innovation : les stratégies des marchands en soie de Lyon au xviiie siècle », RHMC, no 45-3, 1998, p. 589-625.

4  Schnakenbourg Christian, Histoire de l’industrie sucrière en Picardie (1810-2006), Paris, L’Harmattan, 2010 ; Fiérain Jacques, Les raffineries de sucre des ports en France xixe-début XXe siècles, Lille, Atelier de reproduction des thèses, 1976.

5  Stein Robert Louis, The French Sugar Business in the Eighteenth-century, Baton Rouge, Louisiana University State, 1988 ; Bondois Paul-Martin, « Les centres sucriers français au xviiie siècle », Revue d’histoire économique et sociale, 1931, p. 27-76.

6  Villiers Patrick, « La Loire, le sucre et les Antilles aux xviie et xviiie siècles. Quelques remarques », dans Bégot Danielle et Hocquet Jean-Claude (dir.), Le sucre…, op. cit., p. 355-365 ; Maillard Jacques, « Une famille d’industriels sucriers à Angers. Gaspard Van Bredenbec et ses descendants (1673-1798) », dans Favier René, Gayot Gérard et alii (dir.), Tisser l’histoire. L’industrie et ses patrons, mélanges offerts à Serge Chassagne, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 2009, p. 261-271 ; Cordonnier Alexis, « Une industrie fragile : le raffinage du sucre à Lille (1675-1790) », Revue du Nord, tome 83, no 341, 2001, p. 541-557 ; Raveux Olivier, « Les techniques de raffinage du sucre à Marseille à la fin du xviie siècle », Industries en Provence, no 14, 2006, p. 56-58.

7  Abel Véronique, « La production sucrière à Marseille. Apports archéologiques à la question », Archéopages, no 31, 2011, p. 52-61 ; Normand Éric, « Archéologie et raffinage du sucre à La Rochelle aux xviie et xviiie siècles, premier état de la question », Archéopages, no 31, 2011, p. 46-51.

8  Clément Pierre, Lettres, instructions et mémoires de Colbert, Paris, Imprimerie nationale, volume 2, 2e partie, 1863, p. 476.

9  Savary des Bruslons Jacques, Dictionnaire universel de commerce…, op. cit., article « Sucre ».

10  Il est difficile de donner avec certitude la date de la première raffinerie française et sa localisation tant les sources divergent, en partie à cause de la confusion entre atelier de confiseur et manufacture. À Rouen, la première raffinerie daterait de 1611 et à Bordeaux de 1633 ; Voss Peter, « Les raffineurs de sucre allemands à Bordeaux au xviie siècle », dans Sanchez Jean-Pierre (dir.), Dans le sillage de Colomb. L’Europe du Ponant et la découverte du Nouveau Monde (1450-1650), Rennes, PUR, 1995, p. 237-246 ; Bondois Paul-Marie, « Les raffineries de sucre à Rouen sous l’Ancien Régime », dans Sucrerie, distillerie, industries agricoles, tome I, no 2, 1921, p. 8.

11  Nováky György, « On trade, production and relations of production. The sugar refineries of seventeenth-century Amsterdam », Tijdschrift voor Sociale Geschiedenis, volume 23, 1997, p. 459-489.

12  Deerr Noël, The History of Sugar…, op. cit., p. 454.

13  Petersson Astrid, Zuckersiedergewerbe und Zuckerhandel in Hamburg im Zeitraum von 1814 bis 1834, Stuttgart, Steiner, 1998, p. 47.

14  De Vries Jan et Van Der Woude Adrianus, The First Modern Economy…, op. cit., p. 466.

15  AN Aix FM F3/83, 29 octobre 1683.

16  Hirsch Jean-Pierre et Minard Philippe, « “Laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup” : pour une histoire des pratiques institutionnelles dans l’industrie française (xviiie-xixe siècle) », dans Bergeron Louis et Bourdelais Patrice (dir.), La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ?, Paris, Belin, 1998, p. 135-158.

17  Guéry Alain, « Industrie et colbertisme : origines de la forme française de la politique industrielle ? », Histoire, économie et société, no 8-3, 1989, p. 297-312 ; Dessert Daniel, Colbert ou le serpent venimeux, Paris, Éditions Complexe, 2000.

18  Deyon Pierre, Le mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969, p. 24.

19  ADG C1642, mémoire des directeurs de la chambre de commerce de Guyenne, 1732.

20  Raveux Olivier, « Espaces et technologies dans la France méridionale d’Ancien Régime : l’exemple de l’indiennage marseillais (1648-1793) », Annales du Midi, volume 116, no 246, p. 155-170 ; Hilaire-Pérez Liliane et Verna Catherine, « La circulation des savoirs techniques du Moyen Âge à l’époque moderne. Nouvelles approches et enjeux méthodologiques », Tracés. Revue de Sciences humaines, no 16, 2009, p. 25-61 ; Dolza Luisa et Maitte Corine, « “L’appel aux étrangers”. Circulation et intégrationdes savoir-faire dans le Piémont de l’Ancien Régime : le cas de la teinture en laine et de la verrerie », dans Cotte Michel (dir.), Circulations…, op. cit., p. 77-94.

21  Pallach Ulrich-Christian, « Deutsche Handwerker im Frankreich des 18. Jahrhunderts », dans Mondot Jean, Valentin Jean-Marie et Voss Jürgen (dir.), Deutsche in Frankreich, Franzosen in Deutschland, 1715-1789, Sigmaringen, Jan Thorbecke Verlag, 1992, p. 89-102.

22  ADLA C732, mémoire des négociants de la ville de La Rochelle, 1704.

23  Van Lottum Jelle, Across the North Sea. The Impact of the Dutch Republic on International Labour Migration, c. 1550-1850, Amsterdam, Aksant, 2007, p. 31 et 40.

24  Voss Peter, « Les raffineurs de sucre allemands à Bordeaux… », art. cit., p. 238.

25  ADL 33J91, contrat de mariage de Georges Vandebergue et Marie Quignace, 1662. Deux membres de la famille, Hans van den Bergh (1573-1633) et Pieter van den Bergh (1563- ?), ont été repérés dans les raffineries d’Amsterdam ; Poelwijk Adrianus H., « In dienste vant suyckerenbacken ». De Amsterdamse suikernijverheid en haar ondernemers, 1580- 1630, Amsterdam, thèse en ligne soutenue à l’université d’Amsterdam, 2003, p. 257.

26  Duhamel du Monceau Henri-Louis, L’art de raffiner le sucre, Neuchâtel, Imprimerie de la Société typographique, 1781 (1re édition 1764), p. 533.

27  ADL 2J1549, renseignements généalogiques sur la famille Vandebergue.

28  Maillard Jacques, « Les raffineries de sucre en Anjou sous l’Ancien Régime », art. cit., p. 91.

29  ADML 5E69/373. La famille Tinnebac est originaire de Rotterdam, un fils de René est installé là-bas, un autre est marchand à Londres (ADML 5E42/25, transaction entre Denis et Tinnebac, 27 mai 1715).

30  ADLA B90, B92, B410, B425, lettres de naturalité et dossier de moralité de Pierre Vandenbuken et de Pierre Felt.

31  ADLA 4E2/1998, brevet d’apprentissage, 1er août 1701.

32  ADLA C725, Mémoire des marchands de Nantes, 1674.

33  Noms des raffineries établies à Nantes en 1685 : Beauséjour, le Coudray, le Petit Louvre, le Pigeon blanc, le Pavillon royal, le Petit Trianon, la Croix blanche, la Motte Saint-Nicolas. Les quatre dernières sont dirigées par des protestants : Woldenberg et Ladige, Boyau, Wygmann.

34  ADLA 2mi410, folio 66 et 68, acte de septembre 1684.

35  Boisson Didier et Didier Hugues, Les protestants dans la France moderne, Paris, Belin, 2006, p. 235.

36  ADLA 4E2/706, 29 septembre 1685.

37  ADLA 4E2/392-1, 24 octobre 1685.

38  ADLA B7234, procédures contre les protestants, 25 juin 1688.

39  Croix Alain (dir.), Nantais venus d’ailleurs…, op. cit., p. 64.

40  ADLA fonds Freslon.

41  Le sucre raffiné est vendu environ 90 livres le cent pesant. AN AD XI 48 et Bondois Paul-Martin, « Colbert et la question du sucre. La rivalité franco-hollandaise », Revue d’histoire économique et sociale, no 11, 1923, p. 12-61.

42  AN AD XI 48, seule la ville de Bordeaux bénéficiait du droit d’étape par un arrêt du 3 juin 1671, puis le privilège est élargi aux villes citées par arrêt du 28 septembre 1684.

43  AN AD XI 48, arrêt du 15 septembre 1665 ; arrêt du 10 décembre 1670.

44  ANF12/1639a, lettres patentes du roi sur le commerce des colonies françaises, avril 1717.

45  AN AD XI 48, Arrest portant exemption des droits de sortie sur les mélasses et sirops provenant du raffinage des sucres, 14 décembre 1717.

46  AMN HH43, mémoire sur le rétablissement des raffineries de Nantes, 1736.

47  AN AD XI 48, arrêt du 4 juillet 1762.

48  Abel Véronique, « La production sucrière à Marseille… », art. cit., p. 53.

49  Bondois Paul-Martin, « Les centres sucriers français au xviiie siècle… », art. cit., p. 46.

50  ADLA 4E2/836, 13 janvier 1654.

51  ADLA 4E2/645, traité d’atermoiement, 31 juillet 1694.

52  ADL 11J239, mémoire du raffineur Ravot à l’intendant de Cypierre, 1775.

53  Verley Patrick, Entreprises et entrepreneurs du xviiie au début du xxe siècle, Paris, Hachette, 1994, p. 10 ; Bergeron Louis, « L’homme d’affaires », dans Vovelle Michel (dir.), L’Homme des Lumières, Paris, Seuil, 1996, p. 135-157.

54  Pétré-Grenouilleau Olivier, Négoce maritime et monde moderne : le milieu négrier nantais du milieu du xviiie siècle à 1914, Rennes, thèse dactylographiée, 1994, p. 129.

55  L’économiste J. Schumpeter a participé à la diffusion de l’image de l’entrepreneur héroïque en faisant de lui un personnage innovant, à l’origine de bouleversements économiques ; Baslé Maurice (dir.), Histoire des pensées économiques. Les fondateurs, Paris, Dalloz, 1993, p. 236.

56  Mc Leod Christine, Heroes of Invention. Technology, Liberalism and British Identity 1750-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 59.

57  Berg Maxine, The Age of Manufactures. Industry, Innovation and Work in Britain, 1700-1820, Totowa (New Jersey), Barnes and Noble Books, 1985 ; Cotte Michel, De l’espionnage à la veille, Belfort/Montbéliard, Presses universitaires de Franche-Comté, 2005, p. 4, p. 99 sqq.

58  Schulte Beerbühl Margrit, Deutsche Kaufleute…, op. cit., p. 161.

59  Tanguy Marion, L’essor d’un port atlantique connecté. Nantes et le commerce des « Isles » de l’Amérique durant le règne de Louis XIV, 1661-1697, Nantes, thèse dactylographiée, 2014, p. 592.

60  ADLA 4E2/874, contrat de société de la raffinerie du Chapeau rouge, 19 octobre 1702.

61  Lemarchand Yannick, Du dépérissement à l’amortissement…, op. cit., p. 109. L’auteur, qui a étudié la gestion de nombreuses industries, note que les capitaux des manufactures qui voient le jour vers 1665 proviennent en majeure partie de la finance. Chassagne Serge, Le coton et ses patrons, France, 1760-1840, Paris, Éditions de l’EHESS, 1991, p. 117.

62  ADLA 4E2/836, privilège pour l’établissement d’une raffinerie, 13 janvier 1654 ; ADLA 4E2/706, achat de la raffinerie de la Motte Saint-Nicolas, 4 mai 1685.

63  De Vaumas Philippe, Familles orléanaises. Essai généalogique, ouvrage dactylographié en quatre volumes (déposé aux ADL), 1995-2004. Les informations ont été complétées par les actes notariés, les fonds privés et plusieurs mémoires de maîtrise : Prudhomme Monique, Une famille de marchands orléanais, les Sarrebourse, Tours, mémoire de maîtrise dactylographié, 1970 ; Jardin Serge, Jean-Pierre Ravot (1758-1842), bourgeois orléanais : étude d’histoire sociale, Paris, mémoire de maîtrise dactylographié, 1977 ; Eichwald Anne, Une famille de notables orléanais au xviiie siècle : les Colas, Orléans, mémoire de maîtrise dactylographié, 1990 ; Dauphin Frédéric, Recherches sur le complexe industriel sucrier ligérien sous l’Ancien Régime, Lorient, mémoire de maîtrise dactylographié, 1999.

64  ADL 3E10466, procès-verbal, 18 novembre 1689 ; ADL 3E10481, inventaire Lhuillier qui mentionne la société, 17 janvier 1701 ; ADL 13J537 fonds Colas.

65  ADL 11J200, acte de société Ravot cousins, 1er août 1766.

66  ADL 11J200, inventaire de la société Ravot Godeau et Ravot Rocher, 1773.

67  ADL 11J203, correspondance Ravot, 1814.

68  ADL 11J201, inventaire Ravot et Desmadières, 1792.

69  Soit 124 551 livres pour 846 141 livres d’actif net en 1783.

70  ADL 11J201, 11J202, 11J203, 11J2 et 11J3 pour les raffineurs Ravot et ADL 33J92, 33J110 pour les raffineurs Vandebergue.

71  ADL 11J220, faillite de Lorillard, vente le 25 février 1767.

72  ADL 11J200, acte de société Ravot Godeau et Desmadières, 1774.

73  ADL 11J202, contrat de société entre Pierre Horace Desmadières et Jean Ravot Auray, 11 février 1792.

74  ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art et le commerce du raffineur, vers 1772 ; ADL 11J240, Comptes et calculs pour le raffinage des sucres.

75  Monnier Raymonde, « Antoine-Joseph Santerre, brasseur et spéculateur foncier », dans Gayot Gérard et Hirsch Jean-Pierre (dir.), La Révolution française et le développement du capitalisme, hors-série no 5 de la Revue du Nord, 1989, p. 333-346.

76  Duhamel du Monceau Henri-Louis, L’art de raffiner le sucre, Paris, Saillant et Nyon, 1764 ; Jolin Delavau, Le raffineur ou l’art de raffiner le sucre, Orléans, chez Perdoux, 1789. L’auteur est un avocat orléanais qui souhaite vulgariser le procédé du raffinage.

77  ADLAC879, Mémoire pour concilier les intérêts des raffineries dans l’intérieur du royaume avec les intérêts des fermiers généraux, s.d. [vers 1752].

78  AN AD XI 48, 24 avril 1736. La ville ne possède que quatre raffineries en 1763 ; ADCM 41ETP 5380, 20 mai 1763. Leur nombre varie de 14 à 16 au cours du siècle puis chute brutalement à 4 industries en 1788 ; ADCM 41ETP 4669, 29 février 1788.

79  AN F12/1639a, Travail sur les sucres raffinés, s.d. [vers 1786].

80  AN F12/562, Mémoire de l’inspecteur Tribert sur les manufactures de l’ancienne généralité d’Orléans, 1790.

81  AN F12/2420, État des fabriques de sucre du département du Loiret, an XI.

82  AN F12/2420, AN F12/562.

83  Les Provinces-Unies possèdent 139 raffineries en 1752 et 152 en 1776 ; De Vries Jan et Van Der Woude Ad, The First Modern Economy…, op. cit., p. 327. La seule ville d’Amsterdam en compte 66 en 1742 ; Poelwijk Adrianus H., « In dienste vant suyckerenbacken. »…, op. cit.

84  AN F12/1639a, Mémoire sur les avantages de régir en France les sucres terrés venant des colonies employés au raffinage, deuxième partie, s.d. [seconde moitié du xviiie siècle].

85  Minard Philippe, « Réputation, normes et qualité dans l’industrie textile française au xviiie siècle », dans Stanziani Alessandro (dir.), La qualité des produits…, op. cit., p. 69-92.

86  Id., « Les formes de régulation du travail en France et en Angleterre au xviiie siècle : une enquête en cours », Les Cahiers de Framespa, no 2, 2006 (en ligne).

87  Kouamé Aka, Le commerce des sucres…, op. cit., tableau no 74, p. 415 ; Tarrade Jean, Le commerce colonial…, op. cit., p. 754.

88  AN AD XI 48, arrêt du conseil du 27 octobre 1711.

89  Le traité ne modifie pas les droits perçus sur les sucres anglais importés. En revanche, le drawback appliqué par les Anglais est conforté ; De Clercq Jules, Recueil des traités de la France, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, tome 1, 1864-1907.

90  ADLA C730, copie de la lettre écrite à M. le contrôleur général par les directeurs du commerce de Guyenne, 10 décembre 1785.

91  AN F12 1639a, Mémoire sur les sucres raffinés, s.d. [vers 1786].

92  ADLA C730, lettre des entrepreneurs des raffineries d’Orléans à M. le directeur général des Finances, 11 mai 1781.

93  Kouamé Aka, Le commerce des sucres…, op. cit., tableau no 62, p. 347.

94  Les exportations passent de 4 108 livres en 1780 à 173 000 livres en 1783.

95  AN AD XI 48, arrêt du 17 mars 1782 qui fixe les droits sur les sucres raffinés venant de l’étranger.

96  ADLA C730, Mémoire concernant l’introduction des sucres raffinés étrangers joint à la lettre des raffineurs d’Orléans, 31 août 1784.

97  AN F12/1639a, mémoire des raffineurs d’Orléans, vers 1786. Soit 218 sols pour les droits, 140 pour la distillation des sirops et 20 pour le charbon.

98  ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art et le commerce du raffineur, vers 1772.

99  Williams Éric, Capitalisme et esclavage…, op. cit., p. 161. D’après l’auteur, les prix du sucre brut en Angleterre sont élevés car les planteurs ont profité de leur situation de monopole sur le marché intérieur ; ils ont restreint leur production pour maintenir les cours.

100  ADLA C706, entrées et sorties des sucres.

101  ADL 11J207, lettre de Bouard à Paris, 17 germinal an VII.

102  ADL 11J208, lettre du 16 messidor an VII.

103  ADLA C730, Mémoire pour les raffineurs d’Orléans, d’Angers et de Saumur sur l’abus qui s’est introduit à Saint-Domingue par le raffinage des sucres bruts, 1732.

104  AN AD XI 48, arrêt du 18 avril 1682.

105  AN F12 1639a, lettres patentes du roi portant règlement pour le commerce des colonies françaises, 1717.

106  ADLA C879, Mémoire des raffineurs d’Angers Orléans et Saumur sur le terrage des sucres, 1732.

107  AN AD XI 48, arrêt du Conseil d’État du roi, 18 avril 1782.

108  ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art…, op. cit., article « Mélasses ».

109  AN F12/1639a, distillation des sirops mélasses.

110  AN AD XI 48, Arrest portant exemption des droits de sortie sur les mélasses et sirops provenant du raffinage des sucres, 14 décembre 1717. L’arrêt récapitule les mesures précédentes.

111  ADL 11J239, Observations des entrepreneurs des manufactures de sucre d’Orléans, 20 janvier 1791.

112  AN F12 1639a, Observations sur un mémoire de Londres qui nous a été remis le 23 septembre 1786.

113  AN F12/1639a, Observations sur les différences qui existent entre le rapport de Mr de Colonia [intendant de la ferme générale] et les mémoires des différentes chambres de commerce relativement à l’exportation des sucres raffinés, vers 1786.

114  Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond, Encyclopédie…, op. cit., article « Sucre ».

115  Valmont de Bomare Jacques-Christophe, Dictionnaire raisonné, universel d’histoire naturelle…, Lyon, chez Bruyset aîné et compagnie, 4e édition, tome 2, 1791, p. 114.

116  Stols Eddy, « The expansion of the sugar market in western Europe », dans Schwartz Stuart B. (dir.), Tropical Babylons. Sugar and the Making of the Atlantic World, 1450- 1680, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2004, p. 236-288.

117  ADL 2J354, Observations des entrepreneurs des manufactures de sucre d’Orléans sur le tarif des droits d’entrées dans le royaume, s.d.

118  Savary des Bruslons Jacques, Dictionnaire universel de commerce…, op. cit., article « Sucre ».

119  ADL 11J201, lettre du marchand Martignon à Paris, 28 germinal an VII.

120  Sougy Nadège, « La fabrique de Paris au xixe siècle : qualités de produits et formations des fabricants », Artefact, no 2, 2014, p. 89-99. L’historienne avance l’idée de la composition d’une « identité de place ».

121  Stanziani Alessandro, « Les signes de qualité. Normes, réputation et confiance (xixe-xxe siècles) », Revue de synthèse, 5e série, no 2, 2006, p. 329-358.

122  Grenier Jean-Yves, « Une économie de l’identification. Juste prix et ordre des marchandises dans l’Ancien Régime », dans Stanziani Alessandro (dir.), La qualité des produits…, op. cit., p. 25-53.

123  ADG C1642, lettre du contrôleur général des Finances, 21 novembre 1732.

124  ADG C1642, procès-verbal de Lambert et Doorman, 12 mai 1733.

125  ADG C1642, Mémoire des directeurs de la chambre de commerce de Guyenne, 1739.

126  AN F12/651/3, Mémoire sur le commerce, manufacture, impôts divers, 24 octobre 1789.

127  Hilaire-Pérez Liliane et Verna Catherine, « Les circulations techniques : hommes, produits, savoirs au Moyen Âge et à l’époque moderne (Orient, Occident) », dans Cotte Michel (dir.), Circulations techniques, Besançon/Belfort, Presses universitaires de Franche-Comté/UTBM, 2004, p. 11-35.

128  ADLA C730, Théorie du raffinage des sucres bruts mise en pratique par M. Jean Othon Dede de Hambourg dirigeant la raffinerie de la compagnie à Trieste, 20 septembre 1780. Au xviiie siècle, la ville de Trieste devient un centre manufacturier important et réputé pour sa production de grande qualité ; Andreozzi Daniele, « “Per vestiaro o per addobbi o per lusso”. Mercati del lusso, prodotti di imitazione, scambi internazionali e strategie commerciali nella Trieste settecentesca », dans Sougy Nadège (dir.), Luxes et internationalisation…, op. cit., p. 145-164.

129  Mézin Anne, Les consuls de France au siècle des Lumières (1715-1792), Paris, Ministère des Affaires étrangères, 1998, p. 326.

130  ADCM 41ETP4667, Théorie du raffinage des sucres bruts, 1781 ; ADCM 41ETP4668, lettre de Saint-Sauveur.

131  AN F12/1639a, Compte rendu par les commissaires généraux du commerce des mémoires fournis par les chambres de commerce de Bordeaux, Nantes et Le Havre…, s.d. [vers 1786].

132  AN F12/1639a, Résultat des informations prises dans les raffineries d’Orléans sur l’examen des montres de sucre anglais tirées de Londres et d’une facture d’un envoi fait à Ostende.

133  Cotte Michel, De l’espionnage à la veille…, op. cit., p. 57.

134  AN F12/1639a, Observations sur un mémoire de Londres qui nous a été remis le 23 septembre 1786.

135  Harris John, Industrial Espionage and Technology Transfer. Britain and France in the Eighteenth-century, Aldershot, Ashgate, 1998, p. 425.

136  AN AD XI 48, arrêt du 25 mai 1786 concernant les raffineries de sucre établies dans les différents ports du royaume.

Table des illustrations

Titre Carte 6. Localisation des principales raffineries françaises en 1683.
Crédits Source : AN Aix FM F3/83
URL http://books.openedition.org/pufr/docannexe/image/26287/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 15k
Titre Carte 7. Localisation des raffineries françaises au milieu du xviiie siècle.
Crédits Sources : ADLA C879 ; AN F12 1501 ; Kouamé Aka, Le commerce des sucres en France, 1763-1793. Positions et contradictions, Paris, thèse dactylographiée, 1983, p. 327 sqq. ; Bondois Paul-Martin, « Les centres sucriers français au xviiie siècle », Revue d’histoire économique et sociale, no 19-1, 1931, p. 27-76
URL http://books.openedition.org/pufr/docannexe/image/26287/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 16k
Titre Graphique 8. Prix moyen du sucre raffiné vendu par Ravot (1774-1792).
Crédits Sources : ADL 11J222, 11J224 et 11J225
URL http://books.openedition.org/pufr/docannexe/image/26287/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 23k

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