Évolution de la consommation de viande de mouton en Catalogne au long du Moyen Âge
La construction d’un modèle alimentaire
p. 151-163
Texte intégral
1La connaissance du rôle de la viande dans l’alimentation médiévale a beaucoup évolué ces dernières années grâce à l’intégration de l’archéozoologie au discours historique, ce qui a permis d’affiner les informations dont on disposait sur la part de chaque viande dans l’ensemble des régimes alimentaires et sur l’évolution de cette part au long du Moyen Âge.
2Les plus grands progrès dans ce champ de recherche ont été réalisés en France et en Angleterre avec les études pionnières de Frédérique Audoin-Rouzeau1, qui ont été prolongées par celles de Benoît Clavel en France2 et par les publications de Woolgar, Albarella ou Serjeanston en Angleterre3. Tous ces travaux ont montré qu’au bas Moyen Âge, autant dans le Nord de la France qu’en Angleterre, une des viandes les plus importantes était celle de bœuf, ce que ne contredisent pas les données apportées par la documentation écrite, où l’on observe que, malgré les différences entre les régimes des différents groupes sociaux, le bœuf était une des viandes des plus communes pour toutes les populations de ces régions. Durant le Moyen Âge les bœufs sont abattus de plus en plus jeunes au fur et à mesure que les chevaux les remplacent pour tirer la charrue et ils sont élevés principalement pour leur viande. Dans le même temps, la déforestation marginalise le porc, dont la part diminue dans tous les régimes, sauf sur la table des nobles où il continue à être important. De la même façon, en Italie, les historiens ont pu constater que la viande bovine devient une des viandes les plus consommées dans le monde urbain pendant le bas Moyen Âge, principalement le veau, qui est une viande de prestige très convoitée, tandis que le porc, notamment en France et en Angleterre, perd de son importance4.
3L’évolution progressive vers une prépondérance du bœuf et du veau dans une bonne partie de l’Europe contraste avec l’absolue prévalence de la viande de mouton en Catalogne à la fin du Moyen Âge ; phénomène qui a été déjà aperçu par les historiens qui ont étudié l’économie de la Catalogne à cette époque. Par exemple, la chercheuse française Claude Carrère a constaté en 1967 que les autorités de Barcelone ne se souciaient, en matière de viande, que du bon approvisionnement en moutons, assurant la vente d’entre 43 200 et 72 900 têtes de ces animaux par année5. Un autre document de la ville de Barcelone montre que la viande de mouton représente plus de 50 % de la viande consommée dans la ville6. Ces données sont confirmées par les comptes privés issus des différents groupes sociaux qui habitent dans l’ensemble de la Catalogne. Par exemple, les hospices de pauvres de la Pia Almoina de Lleida, ou de la Pia Almoina de Barcelone fondent l’alimentation des assistés sur le pain, le vin et la viande de mouton7 ; curieusement, cette dernière viande était aussi la plus consommée chez les rois d’Aragon ou parmi les frères mendiants des couvents catalans8. Les livres de comptes privés et les « assegurances9 » des bouchers montrent que la demande était forte et constante au long de l’année, bien qu’à certaines saisons le mouton doive compter avec d’autres viandes, comme celle de porc pendant l’hiver ou celle de bœuf pendant l’été10.
4Cette importante consommation de mouton ne coïncide pas avec le schéma de l’évolution de la consommation de viande que l’on a dressé pour une bonne partie de l’Europe. On peut se demander quelle est l’origine de cette préférence pour le mouton que la Catalogne partage avec d’autres régions méditerranéennes de la péninsule Ibérique, comme le royaume de Valence ou le royaume de Murcie11. Dans cet article on cherchera à restituer l’évolution de la consommation de viande en Catalogne au long du Moyen Âge, en la mettant en rapport avec les changements dans le paysage et l’économie.
Le rôle de la viande ovine dans l’alimentation catalane pendant le haut Moyen Âge
5Le travail d’Isaac Álvarez et Josep Anton Molina sur la consommation de viande au Vallès pendant le Moyen Âge, publié en 2002, est la première tentative sérieuse pour mener une analyse contrastée des sources documentaires et archéologiques autour de l’alimentation catalane pendant le haut Moyen Âge. La comparaison des données qu’apportent les cartulaires ecclésiastiques du monastère de Sant Cugat, de la cathédrale de Barcelone, du monastère de Sant Llorenç de Munt et de celui de Santa Anna avec celles de sept sites archéologiques localisés dans la même région catalane, montre une spectaculaire coïncidence de résultats. La documentation analysée dans l’article d’Álvarez et Molina s’étend du xe au xiie siècle et apporte des données principalement économiques. Les statistiques faites par les deux chercheurs montrent que dans ces trois siècles le bétail le plus représenté dans l’ensemble documentaire analysé était les ovicaprins, qui apparaissent dans 40 % des documents, tandis que les bovins n’apparaissent que dans 12 % et les suidés dans 8 % d’entre eux. De la même façon, dans les restes archéologiques, qui sont analysés à partir du nombre de restes déterminé (NRD), les ovicaprins représentent 36 %, contre 7 % pour les bovins et 12 % pour les suidés. L’analyse archéologique, qui a été réalisée à partir de restes très fragmentaires, ne permet pas de déterminer l’espèce des ovicaprins ; en revanche la documentation écrite atteste une prépondérance très claire des brebis, suivies des chèvres, tandis que les moutons restent très minoritaires. Les restes archéologiques montrent aussi qu’il n’y avait pas d’exploitations spécialisées dans un type de bétail et qu’on avait donc divers animaux dans toutes les maisons. Dans la majorité des fouilles les restes d’ovicaprins sont plus importants ; il s’agit principalement d’animaux adultes qui ont été abattus autour de l’âge de 2 ans, à l’optimum pour l’obtention d’agneaux, pour avoir de la laine, du lait et de la viande. Il y a aussi des restes d’agneaux de moins d’1 an et de nouveau-nés. Les porcs apparaissent dans les mêmes exploitations que les brebis, mais l’analyse du nombre minimum d’individus (NMI) indique qu’ils sont en nombre moindre. Ils sont élevés pour l’obtention de viande principalement salée et, comme les ovicaprins, ils sont abattus vers l’âge de 2 ans. Finalement, les restes de bovins issus des fouilles sont peu nombreux et le nombre de têtes est toujours petit (NMI) ; les restes correspondent toujours à des individus adultes et vieux qui ne sont plus aptes au travail, à la production de lait ou à la reproduction12.
6Les données de cet article peuvent être comparées avec celles de l’article de Vianney Forest et Isabelle Rodet-Belarbi sur la consommation de viande dans le Languedoc-Roussillon rural médiéval, car une partie importante de l’espace géographique analysé par ces deux chercheurs appartenait à la Catalogne transpyrénéenne. D’après ces auteurs, entre le viie et le xiie siècle, il y a un certain équilibre entre les ovicaprins, les suidés et les bovins. Selon le nombre de restes, les ovicaprins dépassent 50 % des restes dans les taxons, les porcins sont entre 25 % et 50 % et les bovins ont une proportion en dessous de 25 %. Mais, comme le soulignent les auteurs, si on passe de l’analyse du nombre de restes à celle du poids de la viande et des abats (PVA), il suffit que les bovins atteignent 17 % du nombre total de restes pour qu’ils fournissent 50 % de la masse de viande de la triade, tandis que pour arriver à cette proportion il faudrait que les ovicaprins atteignent 70 % du nombre total de restes. Donc, les deux types de bétail les plus communs en poids de viande étaient les bovins et les ovicaprins, tandis que les porcins étaient moins consommés. À partir du xiie siècle les bovins s’effacent progressivement en faveur des ovicaprins, tandis que les porcins restent stables durant tout le Moyen Âge dans les sites du Languedoc-Roussillon. Selon Forest et Rodet-Belarbi, le processus de remplacement des bovins par les ovicaprins peut être relié à l’usage des équidés pour le travail de la terre, ce qui montre bien que l’élevage des bovins est lié au travail de la terre et que l’usage de ces animaux pour la consommation de viande reste secondaire13.
7Une analyse plus approfondie de la documentation économique catalane des xe et xie siècles d’un point de vue alimentaire permet de nuancer les données apportées par l’archéologie. Pour réaliser cet objectif on a étudié environ 1 000 documents tirés des cartulaires des comtes de Barcelone (Guifré I, Miró I, Borrell II14, Ramon Borrell, Berenguer Ramon I, Ramon Berenguer I15), du cartulaire de la cathédrale de Vic16, de la collection diplomatique de la cathédrale de Gérone (années 817-110017) et des archives capitulaires de la cathédrale de la Seu d’Urgell (années 900-103518). Dans cet ensemble documentaire, environ 200 documents mentionnent bétail et volaille dans des ventes, donations, testaments, inféodations, accords entre particuliers, etc. Le bétail apparaît normalement dans les legs des testateurs, comme rente au nouveau seigneur dans les accords d’inféodations, comme prix dans une vente, comme paiement dans un accord…
8L’analyse de la documentation, en examinant le nombre de citations de chaque type d’animal et le nombre de têtes léguées, vendues, etc. (quand le document mentionne cette donnée), est importante, car seule l’étude combinée de ces deux types de données peut apporter un résultat significatif. Par exemple, sur 58 testaments mentionnant du bétail, 27 font référence à des brebis, 26 à des porcs et 38 à des bœufs. Si l’on analyse par familles d’animaux il continue à y avoir plus de références aux bovins qu’au reste du bétail, avec 63 mentions de bœufs, vaches, veaux et taureaux, contre 33 pour l’ensemble des ovicaprins et 33 pour l’ensemble des suidés. Mais si l’on regarde le nombre de têtes de bétail, quand il est spécifié, la proportion change totalement : il s’établit à 533 brebis et 6 chèvres, 279 porcs, 38 truies et 2 porcelets, 122,5 bœufs, 253 vaches, 6 veaux et 2 taureaux. Dans ce cas le nombre d’ovicaprins est le plus important, avec principalement des brebis ; le deuxième groupe en nombre est celui des bovins, représenté par les vaches. Si l’on compare le nombre de références par rapport au nombre total de bétail, on s’aperçoit qu’il y a plus de petits legs de bovins, tandis que les ovins et les suidés apparaissent moins souvent dans les testaments mais avec un nombre plus important de têtes pour chaque legs. De la même façon les troupeaux de brebis sont plus fournis que ceux de porcs, les chèvres sont rares et les moutons n’apparaissent pas. Enfin, il y a 8 références à des volailles, principalement des oies, suivies des poules et des chapons.
9Ces données diffèrent lorsqu’on passe des testaments aux ventes, inféodations ou autres documents où il y a un paiement destiné à un membre de l’élite sociale : apparaissent alors moutons, agneaux, porcs, poules ou même certains aliments spécialement appréciés comme les jambons ; en revanche, on ne trouve jamais de chèvres, de brebis ou d’autres viandes peu appréciées. Cette préférence des élites pour certains produits est illustrée par un document de l’année 1013 où les habitants de Vilalba, une petite ville du Vallès, pour récupérer une ancienne pâture de la communauté, payent au comte 30 moutons « obtimos et pinguissimos » (très bons et très gras), tandis que le propriétaire du terrain reçoit 30 brebis « pinguas19 ». Donc, le comte, qui représente la puissance politique du comté, reçoit le paiement en moutons, et les descendants du propriétaire du terrain en brebis, ce qui montre la préférence des élites pour les moutons. Un autre document, daté de 1035, spécifie qu’une terre doit payer des droits divers en monnaie, poules et moutons20 ; le document d’inféodation d’une autre terre, daté de 1067, précise que le feudataire doit recevoir tous ses droits sur la terre en porcs et en moutons21. Bien qu’il soit un peu difficile de dresser un profil régional du type de produit que l’on utilise pour payer les cens, à partir des 33 documents qui donnent cette information, une analyse soigneuse des données montre que 80 % des paiements avec des moutons ou agneaux sont concentrés dans la région pyrénéenne et pré-pyrénéenne (Berguedà, Solsonès, Ripollès et Pallars), région qui, en revanche, ne représente que 38 % des cens payés avec des suidés. En même temps c’est dans la région pyrénéenne que l’on trouve les plus grands troupeaux d’ovins comme celui de Guisad, évêque d’Urgell qui, dans son testament, lègue 100 brebis22, ou le troupeau de Guisla, vicomte du Conflent, qui lègue 120 brebis23, ou le troupeau du monastère de Sant Pere de Graudescales à Solsona avec 110 brebis et chèvres24. Dans l’ensemble documentaire il y a seulement un grand troupeau de brebis hors des Pyrénées, le troupeau de Sunifred qui compte 135 bêtes25, dans le Lluçanès, contrée montagneuse au centre de la Catalogne, traditionnel lieu d’hivernage dans le circuit transhumant. De la même façon les porcs, bien qu’ils apparaissent un peu partout, sont plus nombreux dans les régions forestières, comme la Garrotxa ou la Selva : Guilmon, qui habite la Garrotxa, lègue ainsi 100 porcs et 30 truies, et les « batlles » d’Ossor et de Sever, dans la contrée de la Selva, doivent payer chaque année au comte 100 jambons, du vin, des poules et des châtaignes26.
10La production et même la consommation de viande se différencient selon les régions de la Catalogne. Dans les régions les plus forestières la production de porcs était plus importante, par contre dans les régions de montagne, où dominent la garrigue et le pâturage, il y a moins de porcs et beaucoup plus d’ovins. Le professeur Antoni Riera a montré dans un article, écrit il y a quelques années, que pendant le xiie siècle les membres de la cour comtale adaptaient leur menu à la région où ils se trouvaient, car ils dépendaient des ressources locales en aliments27. Ainsi, dans les premiers documents attestant les dépenses alimentaires d’une cour, ceux de l’hôtel comtal de Vilamajor, qui se trouvait au pied du Montseny dans une forêt de chênes verts, le mouton n’apparaît jamais sur la table comtale, qui est dominée par le porc et la volaille ; en revanche, à la même époque, à Perpignan, le porc, le mouton, l’agneau et la volaille se partagent la table des puissants28. Sur la table nobiliaire du haut Moyen Âge on ne trouvera jamais de la viande de brebis ou de chèvre. C’est un animal qui n’apparaît ni dans les menus ni dans le paiement des rentes.
11En définitive, la documentation analysée permet d’approcher un certain modèle de consommation de viande en Catalogne pendant le haut Moyen Âge. Par principe, parmi les paysans comme parmi les nobles, la viande la plus consommée provient des animaux domestiques. Il s’agit d’un élevage local à petite échelle qui profite des espaces de pâtures, garrigues ou forêts, dont les paysans combinent l’usage avec la culture des céréales et de la vigne. Parmi le bétail domestique, on trouve les bovins, ovins et suidés dont les proportions pouvaient changer selon la région et le paysage. Les suidés aussi bien que les ovins pouvaient se trouver sur la table de la noblesse et des paysans, mais tandis que le porc se partageait entre les tables des deux groupes sociaux, le mouton était la viande exclusive des puissants, tandis que la brebis était une viande consommée par les paysans, de la même façon que le bœuf et la vache de réforme. Entre le mouton des puissants et la brebis des paysans, il y avait une énorme différence : le premier était élevé pour la viande et il était abattu au meilleur moment pour sa consommation ; la brebis, en revanche, était élevée pour la laine et le lait et elle était abattue quand elle ne pouvait plus fournir ces deux produits. Jusqu’au xiie siècle le bétail ovin était élevé en régime sédentaire avec au maximum une transhumance courte, du fond de la vallée à la montagne29. En général, entre le ixe et le xiie siècle la documentation montre l’existence de petits troupeaux qui étaient liés à une exploitation agraire ; le bétail, propriété d’une famille, profitait des terrains vagues situés autour des espaces cultivés, les « pascua », « prato » et « garriga », qui témoignent d’un paysage de forêt méditerranéenne dégradée. À côté de ces petites exploitations, de grands troupeaux commencent à apparaître, liés aux monastères, aux ecclésiastiques et aux nobles situés dans des territoires précocement spécialisés dans l’élevage, comme les Pyrénées ou le Lluçanès.
12À partir du xiie siècle un changement important s’opère. Entre 1148 et 1154, Ramon Berenguer IV conquiert le Sud de la Catalogne, et c’est à ce moment-là aussi que sont fondés les grands monastères du Cister dans les territoires nouvellement conquis : Poblet et Santes Creus. Ces derniers se spécialisent dans l’élevage de grands troupeaux d’ovins organisé selon le système de la transhumance de long parcours. Ces monastères réussissent à contrôler les pâturages de la montagne et de la plaine. Aux monastères du Cister se joignent certains monastères bénédictins des Pyrénées, comme Ripoll, Sant Joan de Les Abadesses, Cuixà ou Canigó. Aux grands troupeaux des monastères s’ajoute le bétail d’autres propriétaires à travers le bail à cheptel, qui permet aux petits éleveurs de profiter des pâturages acquis par les moines30.
L’élevage et l’exploitation des brebis et des moutons du XIIe au XVe siècle
13L’apparition des grands éleveurs monastiques coïncide avec le développement de l’industrie de la laine en Catalogne. Par exemple, la fabrication de draps de laine est documentée à Vic depuis 1139, à Molló depuis 1151, à Barcelone depuis 1193, et à partir du milieu du xiie siècle des moulins drapiers se bâtissent à Gérone, Salt ou Lleida. Cette industrie émergente profite du développement de l’élevage ovin31.
14La conquête du royaume de Valence au xiiie siècle fixe d’une façon définitive les chemins de transhumance de la Couronne d’Aragon, qui se structurent à partir d’un réseau complexe de privilèges et d’accords mutuels entre les villes de la plaine et de la montagne. La laine du « Maestrat », de la Catalogne centrale et de l’Aragon fournit une industrie drapière locale en expansion, mais attire aussi les marchands d’autres régions, comme l’Italie32.
15L’expansion des ovins profite d’un paysage de forêt méditerranéenne dégradée, la garrigue, qui existait déjà au moment de la colonisation chrétienne du territoire, fruit du climat et de la longue histoire d’exploitation anthropique de la terre qui avait laissé une empreinte profonde sur le paysage33. Malgré l’expansion des cultures, les communautés villageoises, les seigneurs et les monastères protègent, régulent et même développent les espaces non cultivés qui étaient très importants pour leur économie, spécialement dans les régions les plus montagneuses où la culture est plus difficile. On voit, par exemple, la concession des droits de pâturage des comtes à des particuliers comme dans le cas de Guillem, comte de Pallars, qui cède au vicomte Guillem d’Urgell le lieu de Llacunes au Pallars Sobirà avec les droits sur le bois de la forêt et sur les prés pour les brebis. De la même façon, le comte de Barcelone Borrell II donne à son vassal Galindo un alleu à Tuixèn à l’Alt Urgell en 963 avec le libre droit de faire pâturer ses brebis dans les terrains vagues « et omnia peccora tua in omnibus heremis locis pascua habere ». Les conflits pour l’usage des prés commencent dès le xie siècle ; on a noté le conflit des habitants de Vilalba avec un propriétaire qui avait acheté au comte les prés de la ville34. Un autre exemple est le conflit qui oppose en 1127 le noble Bertran de Llers et le prieuré de Santa Maria de Vilabertran pour l’usage des prés de Figueres, que les religieux voulaient transformer en terres agricoles. Bertran de Llers interdit que le bétail des habitants de Figueres utilise ces prés « eadem prata antiquitatis fuisse pascua animalium de villa Ficulnea » ; finalement Bertran perd le procès et doit évacuer le terrain. L’agrandissement des troupeaux itinérants nécessite la création de « deveses », des pâturages clos, réservés aux habitants d’un certain lieu ou pour le bénéfice d’un certain seigneur35. Ils sont particulièrement importants dans le Nord du royaume de Valence où l’expansion de l’élevage transhumant oblige à la création d’un grand nombre de « deveses » et « bovalars » au long des xiiie et xive siècles afin de protéger le bétail local36.
16Tandis qu’entre le xe et le xiiie siècle l’élevage des ovins se développe en Catalogne et dans l’ensemble de la Couronne d’Aragon, celui des porcs se maintient ou se réduit. Les porcs continuent à être élevés en petit nombre par les familles et pour l’autoconsommation. Traditionnellement on écrit qu’en Catalogne, comme dans le reste de l’Europe, il y a eu un rapport direct entre l’expansion de l’agriculture, la réduction des forêts et la contraction de l’élevage des porcs et de leur consommation37 ; mais il faudrait aussi analyser avec précaution les problèmes que rencontre la production du porc pour s’adapter à l’évolution du marché durant le Moyen Âge. À la différence des ovins, le porc a des difficultés pour parcourir de longues distances, et son commerce se limite à un commerce de proximité, lié à des petites exploitations ou bien à la vente de sa viande salée (jambons, bacons, etc.). En fait, le porc continue, tout au long du Moyen Âge, à être un animal très attaché à la maison, à l’autoconsommation. Il était élevé en petits troupeaux et arrivait aux marchés des alentours, principalement en hiver et, surtout, pour faire des salaisons38. De son côté le commerce de la viande de mouton s’adapte très bien à l’expansion du marché, au besoin de mobilité des produits, à la spécialisation progressive de certaines régions en matière économique et à la demande grandissante des concentrations urbaines. Il paraît donc que l’expansion de la viande ovine est profondément liée au commerce et au développement du marché qui se produit entre les xiie et xive siècles.
17L’expansion de la production de la laine et de la fabrication de draps est la principale raison de la croissance de l’élevage ovin, même si le paysage et le climat facilitent le processus. Ce même climat est l’un des obstacles les plus importants à l’expansion du bétail bovin, qui continuera à être un bétail cher et précieux destiné au travail agricole, auquel sont réservés des pâturages spéciaux autour des villes. Ces pâturages, appelés au haut Moyen Âge « ferragenale », étaient nombreux autour de Barcelone et d’autres villes, où ils apparaissaient comme des espaces clos, liés à une maison39. Au bas Moyen Âge les enclos dédiés à l’élevage des bovins destinés au travail prennent le nom de « bovalars » ; ce sont des espaces exclusifs de pâturage pour le bétail bovin d’une ville ou un village destiné au travail agricole40.
18Même si l’expansion de l’élevage ovin est l’une des raisons de l’importance grandissante du mouton dans la cuisine catalane durant le Moyen Âge, elle n’est pas déterminante. Bien qu’elle puisse manger de l’agneau ou de la brebis, la population préfère le mouton. La raison de cette préférence est à chercher dans le prestige dont jouit le mouton déjà au xe siècle. À ce moment-là le mouton n’était pas une viande très consommée, il partageait la table des nobles d’une façon plus ou moins discrète avec le porc et la volaille. Mais précisément, le fait que sa viande soit sur la table des nobles, tandis que les paysans devaient manger de la viande de brebis, transforme le mouton en une viande de prestige, en une viande désirée. L’expansion du commerce et de l’élevage ovin fait baisser le prix d’un produit qui, aux xe et xie siècles, était cher et accessible seulement aux plus puissants. À partir du xiie siècle, avec l’expansion de l’élevage ovin, la viande de mouton devient plus accessible à la population et on l’incorpore de plus en plus aux menus, tandis que l’on met à l’écart la viande de brebis, qui restera la viande des plus pauvres.
19Ainsi, la viande de mouton en Catalogne était déjà une viande de prestige avant que les médecins universitaires ne commencent à écrire leurs régimes de santé, où le mouton apparaît comme une des viandes les plus salutaires41. Sans doute ces écrits renforcent-ils la position de prestige du mouton sur les tables de tous les groupes sociaux, mais ils ne sont pas la cause de la préférence des classes supérieures pour cette viande. Ce fait social explique par exemple que, dans d’autres territoires où la viande bovine avait une longue tradition de consommation, elle continue à être la viande la plus consommée aux xive et xve siècles, malgré la faible considération que les médecins avaient pour le bœuf42.
20La viande de mouton était déjà une viande de prestige au haut Moyen Âge. À cette époque c’était une viande que seuls pouvaient consommer les plus puissants dans la société. Entre le xe et la fin du xiie siècle, le mouton avait un rôle plutôt secondaire, car il se partageait sur les tables de la noblesse avec d’autres viandes, comme le porc et la poule, qui étaient très consommées. Dans un contexte d’autoconsommation ou d’un marché très local, la prépondérance d’un type de viande ou d’un autre variait selon la région de la Catalogne. Chez les paysans, le porc était très important, surtout comme viande salée, mais les données archéologiques montrent que les viandes de brebis et de bovins de réforme étaient les plus consommées comme viande fraîche. Ces types de viandes provenaient d’animaux dont la fonction première n’était pas d’être source de viande, mais de laine, de lait ou de force de travail. Aussi étaient-ils habituellement abattus après leur optimum pondéral, et leur viande était de faible qualité, mais sûrement indispensable pour la survie des familles paysannes.
21Au long du xiiie siècle, l’expansion économique et territoriale, la consolidation de la transhumance et le développement de l’élevage ovin ont répandu la consommation de la viande de mouton au détriment d’autres viandes qui avaient moins de prestige ou qui ne s’adaptaient pas aux changements économiques du pays. Le prestige que le mouton avait déjà au xe siècle est donc fondamental pour comprendre l’importance économique qu’a eue cette viande aux xive et xve siècles.
Notes de bas de page
1 Audoin-Rouzeau F., « Compter et mesurer les os animaux. Pour une histoire de l’élevage et de l’alimentation en Europe de l’Antiquité aux Temps modernes », Histoire et mesure, vol. X, no 3/4, 1995, p. 277-312 ; Audoin-Rouzeau F., « Élevage et alimentation dans l’espace européen au Moyen Âge : cartographie des ossements animaux », Milieux naturels, espaces sociaux. Études offertes à Robert Delort, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 143-161 ; Audoin-Rouzeau F., « L’alimentation carnée dans l’Occident antique, médiéval et moderne. Identités culturelles, sociales et régionales à travers le temps », Bruegel M. et Laurioux B. (dir.), Histoire et identités alimentaires en Europe, Paris, Hachette, 2002, p. 77-100.
2 Clavel B., « L’animal dans l’alimentation médiévale et moderne en France du nord (xiiie-xviie siècles) », Revue archéologique de Picardie, no 19, 2001, p. 9-204.
3 Woolgar C. M., Serjeanston D., Waldron T. (dir.), Food in Medieval England. Diet and Nutrition, Oxford, Oxford University Press, 2005.
4 Banegas López R. A., « Consumption of meat in Western European cities during Late Middle Ages : A comparative study », Food & History, vol. 8, no 1, 2010, p. 63-86.
5 Carrère C., Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, 1380-1462, Paris – La Haye, Mouton & Co., 1967, p. 307-313.
6 Sobrequési Vidal S. et Sobrequés icallicó J., La guerra civil catalana del s. XV, Barcelone, Ed. 62, 1973, p. 297-299.
7 Bertran i Roigé P., « La alimentación de los pobres de Lérida en el año 1338 », Menjot D. (dir.), Manger et boire au Moyen Âge, actes du colloque de Nice (15-17 octobre 1982), Paris, Belles Lettres, 1984, p. 361-373 ; Échaniz Sans M., « La alimentación de los pobres asistidos por la Pía Almoina de la Catedral de Barcelona, según el libro de cuentas de 1283-1284 », Alimentació i societat a la Catalunya Medieval, Barcelone, CSIC-IMF, 1988, p. 173-261.
8 Riera Melis A., « Sistemas alimentarios en la Cataluña Bajomedieval », Acta Historica et Archaeologica Mediaevalia, nos 14-15, 1994, p. 193-205 ; Vinyoles i Vidal T., « El rebost, la taula i la cuina dels frares barcelonins al 1400 », Alimentació i societat a la Catalunya Medieval, op. cit., p. 137-166.
9 Les « assegurances » étaient des documents notariaux que depuis le commencement du xve siècle signaient chaque année les bouchers de la ville de Barcelone où ils s’engageaient avec le gouvernement de la ville à abattre un nombre minimum de moutons chaque jour : Banegas López R. A., L’aprovisionament de carn a Barcelona durant els segles XIV i XV, Barcelone, université de Barcelone, 2008, vol. II, p. 601-623.
10 Les conseillers de Barcelone expliquent dans les délibérations de la ville qu’à partir du mois de novembre commence l’époque de la consommation de porc en ville et qu’il faut bien fixer le prix de la viande pour éviter les problèmes d’approvisionnement : Archives historiques municipales de Barcelone, CC, registre de deliberacions, II, 19, fo 83. Dans les livres de comptes les bovins apparaissent toujours pendant les mois d’été : Vinyoles i Vidal T., « El rebost, la taula i la cuina… », art. cit., p. 137-166 ; García Marsilla V., La jerarquía de la mesa, los sistemas alimentarios en la Valencia bajomedieval, Valence, Diputació de València, 1993, p. 109.
11 Marín García M. A., « Las carnicerías y el abastecimiento de carne en Murcia (1450- 1500) », Miscelánea Medieval Murciana, no XIV, 1987-1988, p. 74-99 ; Rubio Vela A., « El ganado de Valencia y los pastos del Reino ; el avituallamiento urbano medieval como factor de conflictividad », Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura, no LXXV, 1999, p. 651-686.
12 Álvarez I. et Molina J. A., « Dades arqueològiques i documentals per a l’estudi de la fauna del Vallès medieval (segles x-xiv) », IICongrés d’Arqueologia medieval i moderna a Catalunya (Sant Cugat del Vallès, 18-21 d’abril de 2002), Barcelone, Associació Catalana per a la Recerca en Arqueologia Medieval, 2003, p. 425-436.
13 Forest V. et Rodet-Belarbi I., « Viandes animales dans le Languedoc-Roussillon rural médiéval : bilan 2010 », Klápste J. et Sommer P. (dir.), Processing, Storage, Distribution of Food. Food in the Medieval Rural Environment, Turnhout, Brepols, coll. « Ruralia » (8), 2011, p. 91-112.
14 Udina Martorell F., El Archivo Condal de Barcelona en los siglos ix-x. Estudio crítico de sus fondos, Barcelone, CSIC, 1951.
15 Feliu, G. et Salrach, J. M., Els pergamins de l’Arxiu Comtal de Barcelona de Ramon Borrell a Ramon Berenguer I, Barcelone, Fundació Noguera, 1989.
16 Junyent i Subirà E., Diplomatari de la catedral de Vic, segles ix-x, Vic, Patronat d’Estudis Osonencs, 1980-1996.
17 Martí R., Col·lecció diplomàtica de la Seu de Girona (817-1100), Barcelone, Fundació Noguera, 1997.
18 Baraut C., « Les actes de consagracions d’esglésies del bisbat d’Urgell (segles ix-xii) », Urgellia, no 1, 1978, p. 11-82 ; Baraut C., « Els documents, dels segles ix i x, conservats a l’Arxiu Capitular de la Seu d’Urgell », Urgellia, no 2, 1979, p. 7-145 ; Baraut C., « Els documents, dels anys 981-1010, de l’Arxiu Capitular de la Seu d’Urgell », Urgellia, no 3, 1980, p. 7-166 ; Baraut C., « Els documents, dels anys 1010-1035, de l’Arxiu Capitular de la Seu d’Urgell », Urgellia, no 4, 1981, p. 7-186.
19 Feliu G. et Salrach J. M., Els pergamins…, op. cit., p. 388, doc. 105.
20 Ibidem, p. 588, doc. 245.
21 Ibidem, p. 1236, doc. 704.
22 Baraut C., « Els documents, dels segles ix i x… », art. cit., p. 89, doc. 122.
23 Baraut C., « Els documents, dels anys 1010-1035… », art. cit., p. 107, doc. 401 ; Bertran Roigé P., « Notes sobre la ramaderia a la Catalunya nord-occidental (segles ix-xi) », Ilerda, no XLVII, 1986, p. 219-231.
24 Baraut C., « Les actes de consagracions d’esglésies… », art. cit., p. 93, doc. 34.
25 Junyent i Subirà E., Diplomatari…, op. cit., p. 456, doc. 536.
26 Feliu G. et Salrach J. M., Els pergamins…, op. cit., p. 1305, doc. 759.
27 Riera Melis A., « Sistemes alimentaris i estructura social a la Catalunya de l’Alta Edat Mitjana », Alimentació i societat a la Catalunya Medieval, op. cit., p. 1-26.
28 Bisson T. N., Fiscal Accounts of Catalonia under the Early Count-Kings (1151-1213), Los Angeles, University of California Press, 1984, p. 33, doc. 4, p. 110, doc. 45, p. 120, doc. 52.
29 Bolòs i Masclans J., Els orígens medievals del paisatge català. L’arqueologia del paisatge com la font per a conèixer la història de Catalunya, Barcelone, Institut d’estudis catalans, 2004, p. 347-349.
30 Salrach J. M., Història de Catalunya, El procés de feudalització (segles iii-xii), Barcelona, Ed. 62, 1998, vol. 2, p. 428-430 ; Bolòs i Masclans J., Els orígens medievals del paisatge català…, op. cit., p. 349-355.
31 Salrach J. M., Història de Catalunya…, op. cit., vol. 2, p. 431.
32 Guinot Rodríguez E., « La ramaderia al Maestrat Medieval. Entre l’expansió i la crisi », Estudis Castellonencs, no 5, 1992-1993, p. 255-274.
33 Bolòs i Masclans J., Els orígens medievals del paisatge català…, op. cit., p. 299- 362 ; Nolla J. M., « La Catalunya Vella : De la caiguda de l’Imperi Romà a la fi del domini carolingi. Una visió des de l’arqueologia », IV Congrés d’Arqueologia Medieval i Moderna a Catalunya. Tarragona, del 10 al 13 de juny de 2010, Tarragona, Ajuntament de Tarragona – Associació Catalana per a la Recerca en Arqueologia Medieval, 2011, vol. I, p. 27-45 ; Paleti Martínez J. M., « Dinàmica territorial de l’antiguitat a l’Edat Mitjana a Catalunya : arqueomorfologia i estudis de casos », Bolòs i Masclans J. et Busqueta i Riu J. J. (dir.), Territori i Societat a l’Edat Mitjana. Història, Arqueologia i Documentació, Lleida, Universitat de Lleida, 2000, p. 75-110.
34 Feliu G. et Salrach J. M., Els pergamins…, op. cit., p. 388, doc. 105.
35 Farías Zurita V., « El medio natural en una sociedad señoralizada. Composición, explotación y apropiación del incultum en la Catalunya del noreste (siglos x-xiii) », Clemente J. (dir.), El medio natural en la España Medieval, Cáceres, Universidad de Extremadura, 2001, p. 277-299.
36 Sánchez Adell J., « Algunos aspectos de la práctica ganadera medieval en tierras castellonenses », Estudis Castellonencs, no 5, 1992-1993, p. 351-369 ; Rubio Vela A., « El ganado de Valencia y los pastos del Reino… », art. cit., p. 651-686 ; Ferrer i Mallol M. T., « Boscos i deveses a la Corona Catalano-Aragonesa (S. XIV-XV), Anuario de Estudios Medievales, no 20, 1990, p. 485-539.
37 Riera Melis A., « Jerarquía social y desigualdad alimentària en el Mediterráneo noroccidental en la Baja Edad Media. La cocina y la mesa de los estamentos privilegiados », Acta Historia et Archaeologica Mediaevalia, nos 16-17, 1995-1996, p. 181-205 ; Montanari M., Campagne medievali. Strutture produttive, rapporti di lavoro, sistemi alimentari, Turin, Einaudi, 1984, p. 209.
38 Soldevila i Temporal X., Alimentació i abastament al Baix Empordà medieval (segles xii-xiv), La Bisbal de l’Empordà, Ajuntament de la Bisbal, 2004, p. 106-112 ; Serra i Clota A., « Producció i Consum Alimentari en la Catalunya Central a la Baixa Edat Mitjana », Col·loqui d’Història de l’Alimentació a la Corona d’Aragó, Lleida, Institut d’Estudis Ilerdencs, 1995, vol. II, p. 15-33 ; Vinyoles i Vidal T., « El rebost, la taula i la cuina… », art. cit., p. 137-166.
39 Feliu G. et Salrach J. M., Els pergamins…, op. cit., p. 951, doc. 522, p. 1255, doc. 721, p. 1308, doc. 762, p. 1412, doc. 857.
40 Bolòs i Masclans J., Els orígens medievals del paisatge català…, op. cit., p. 355-356 ; Sánchez Adell J., « Algunos aspectos… », art. cit., p. 351-369 ; Rubio Vela A., « El ganado de Valencia y los pastos del Reino… », art. cit., p. 651-686.
41 Il ne faut pas oublier la base méditerranéenne, gréco-latine et arabe, de ce type de littérature qui donne préférence à certains produits sur d’autres, ce qui créera certaines contradictions entre les recommandations médicales et la façon de manger des lecteurs de l’Europe chrétienne : Banegas López R. A., Europa carnívora. Comprar y comer carne en el mundo urbano bajomedieval, Gijón, TREA, 2012, p. 54-60.
42 Banegas López R. A., « Consumption of meat… », art. cit., p. 63-86.
Auteur
Historien, professeur associé
Universitat de Girona (Espagne), EUHT Sant Pol
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