Premiers paysans des Alpes
|Préface
Texte intégral
1Pour la première fois, la vie quotidienne des paysans néolithiques dans les régions de montagne, et plus particulièrement dans le domaine alpin, est décrite minutieusement et rigoureusement à partir de données scientifiques fiables et reposant sur des hypothèses étayées. Lucie Martin, dans cet ouvrage, décrit les choix effectués par les premiers agriculteurs pour leur alimentation, l’adaptation des végétaux à l’altitude est discutée tout comme l’entretien du bétail. Cette étude propose aussi des hypothèses qui, plus largement, permettent de comprendre la fonction des sites archéologiques et l’occupation des territoires de montagne.
2Ainsi, il y a six millénaires, les populations néolithiques cultivent des céréales comme les blés et l’orge ainsi que le pois et le pavot.
3Si les céréales constituent les principaux végétaux consommés, la question de leur production, c’est-à-dire de leur culture et donc de leur adaptation à l’altitude, aux hivers rigoureux, se pose. L’hypothèse selon laquelle le blé engrain et l’orge étaient cultivés aux abords des sites, entre 1 000 et 1 500 mètres, est fondée sur les recherches de leur écologie actuelle. Ces deux céréales, et en particulier le blé engrain, sont, particulièrement adaptées au milieu montagnard. De plus, une recherche sur l’histoire de ces végétaux depuis le Néolithique, comme sur les données de l’ethnographie corrobore cette proposition.
4L’alimentation basée sur la consommation de céréales était complétée par les ressources issues de la cueillette. Ainsi, noisettes, sureau noir ou à grappes, framboises et mûres, pommes et poires sauvages, myrtilles, pignons d’arolle, voire même quelques raisins, accompagnaient cet ordinaire.
5Ce travail nous décrit également l’alimentation des animaux au Néolithique d’après les vestiges botaniques laissés dans les couches de fumier fossilisé des sites utilisés comme bergerie. Ces restes témoignent de la nourriture très variée du bétail en stabulation, et plus particulièrement de la consommation de fourrage d’arbre. L’utilisation de taxons comme le gui ou l’if attestent également des soins apportés par les éleveurs à leurs animaux.
6Enfin, et parce que l’étude des restes végétaux issus des sites archéologiques donne une image fiable de la relation des hommes avec leur environnement végétal, il est aujourd’hui possible d’envisager, en fonction des spectres et des associations de végétation, le statut économique des sites étudiés. Se dessine peu à peu un territoire organisé autour de pôles très complémentaires, avec ses habitats permanents et temporaires, ses bergeries, ses sites de production ou de consommation, préfigurant les terroirs d’aujourd’hui.
7Cet ouvrage emporte son lecteur à la découverte de nouveaux paysages façonnés par le travail des hommes, dont les lignes évoluent et se précisent. Il apporte aussi un nouveau regard sur l’analyse de vestiges souvent discrets que sont les restes de graines et de fruits, et montre la richesse que leur étude scientifique rigoureuse peut apporter à la connaissance de la relation des populations passées avec leur environnement végétal.
© Presses universitaires François-Rabelais, 2014