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La juste mesure

 | 
Anne Lhuissier
, 
Aurélie Maurice
, 
Thomas Depecker

Partie III. La diffusion des normes : investissements différenciés du rôle d’intermédiaire

Introduction à la troisième partie

Texte intégral

  • 1  AFSSA est le nom que portait cette agence au moment des enquêtes publiées ici ; il s’agit aujourd’ (...)

1Cette dernière partie de l’ouvrage aborde la question des intermédiaires en charge de la diffusion des normes alimentaires élaborées par les pouvoirs publics (Programme national nutrition santé, collectivités territoriales, Agence française de sécurité sanitaire des aliments1) ou par les hôpitaux. L’originalité des différentes situations présentées dans les quatre chapitres qui constituent cette partie réside dans l’analyse fine des conditions de mise en application du rôle assigné à ces intermédiaires. Les auteurs s’interrogent sur les leviers jouant sur la diffusion potentielle de discours sur l’alimentation visant à modifier les comportements pour les orienter vers une alimentation « meilleure », plus « saine », bref plus conforme aux conceptions des promoteurs de ces actions, programmes ou recommandations.

2Les aides à domicile étudiées par Philippe Cardon n’endossent pas toutes l’habit de l’« aidant professionnel-préventeur » tel qu’il est idéalement défini par les acteurs du PNNS, ou l’endossent à différents degrés. Selon leur âge, leur diplôme, leur origine sociale et surtout la conception de leur métier, les aides à domicile sont plus ou moins disposées à s’impliquer professionnellement dans une voie normative à l’égard de l’alimentation, surtout lorsqu’il s’agit de personnes âgées. Il paraît clair, avec le chapitre de Delphine Keppens, que les parents d’enfants diabétiques ou obèses ne réagissent pas aux conseils médicaux de la même manière, étant donné que, dans le cas des enfants obèses, c’est la culpabilité de la mère qui est en jeu, alors que, dans le cas du diabète, c’est le pronostic vital de l’enfant. L’auteur montre également comment les parents se distancient des injonctions médicales et les adaptent aux contraintes familiales. Pour ce qui est des adolescents étudiés par Aurélie Maurice, qui sont la cible d’une action d’éducation alimentaire visant implicitement les familles, un certain nombre de conditions paraissent devoir être réunies pour qu’ils puissent agir en tant que « messagers du PNNS » dans leur famille. Leurs relations au groupe de pairs, à leurs parents et leur rapport à l’école et à la transmission scolaire des savoirs jouent sur la possibilité de remontée de messages normatifs vers leur famille. Les entreprises agroalimentaires, analysées dans le chapitre de Marc-Olivier Déplaude, soumises à des critiques quant à la qualité nutritionnelle de leurs produits, intègrent plus ou moins, quant à elles, les conseils dans leur process de fabrication, en fonction de toute une série de paramètres, comme l’image du produit auprès des consommateurs, l’effet sur la qualité organoleptique ou les risques sanitaires que cela engendre (car la teneur en sel est importante pour la conservation de certains aliments). Or, ces entreprises agroalimentaires sont également des intermédiaires, dans le sens où elles ont une place prépondérante dans la constitution des choix de consommation, donc un rôle à jouer dans la diffusion d’informations sur les comportements alimentaires.

3Ces quatre exemples très différents permettent de montrer toute la complexité de cette position d’intermédiaire dans le processus de changement des pratiques alimentaires, que ce soient celles d’une personne âgée, d’une famille ou d’un consommateur. Il ne suffit donc pas de désigner des personnes en intermédiaire de diffusion de normes alimentaires pour que celles-ci le deviennent, en tout cas de la manière souhaitée par les promoteurs de ces normes alimentaires.

Notes

1  AFSSA est le nom que portait cette agence au moment des enquêtes publiées ici ; il s’agit aujourd’hui de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire).

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