1 Il convient de mentionner que, pour l’établissement qui nous préoccupe ici, nous avons bénéficié, ce qui est assez rare, de trois entrées relatives aux archives de l’épuration :
- professionnelle avec celles de la Commission nationale interprofessionnelle de l’épuration, Archives nationales (AN), F12 9619, dossier Félix Potin ;
- judiciaire avec les dossiers d’instruction relarifs à l’affaire Cigma-Dassonville (AN), Z6 822 et 823 cour de justice de la Seine, dossier Cigma et Loiseau-Rousseau ;
- financière et fiscale avec le dossier du comité départemental de confiscation des profits illicites de la Seine, archives départementales de Paris (ADP), comité de confiscation des profits illicites (CCPI), 3314 V/71/1, article 46, dossier 880 ;
auxquelles il faut ajouter AN, AJ38 1512 et 1651, Commissariat général aux questions juives, dossier groupe Worms ; Archives du Crédit Lyonnais, archives historiques groupe Crédit agricole (ACL), 69 H 17, DAF 00386-2, DEEF 30122, 38815, 59876 et 74187, dossiers Félix Potin ; DEEF 59755, dossier groupe Worms.
2 Sur la genèse de Félix Potin, cf. Jean-Philippe Camborde, « L’installation de Félix Potin à Paris, le choix d’un métier » dans Jacques Marseille (dir.), La Révolution commerciale en France, du « Bon marché » à l’hypermarché, Paris, Le Monde éditions, 1997, p. 71-90, issu de son mémoire de maîtrise ; également la plaquette commémorative publiée par la firme en 1944 pour son centenaire.
3 Généralement sur des produits de grande consommation, sucre, huile, café, etc. ; il s’agit de ce que l’on nomme aujourd’hui dans le langage de la distribution des produits d’appel.
4 Sur les innovations commerciales : Émile Levasseur, Histoire du commerce de la France, tome 2, de 1789 à nos jours, Paris, Arthur Rousseau, 1912 ; Paul Jarry, Les Magasins de nouveautés, Paris, Barry & Fils, 1948 ; Henri Pasdermadjian, Le Grand Magasin ; son origine, son évolution, son avenir, Paris, Dunod, 1949 ; Bernard Marrey, Les Grands Magasins, des origines à 1939, Paris, Picard, 1979 ; François Faraut, Histoire de la Belle Jardinière, Paris, Belin, 1987 ; Michaël Miller, Au Bon Marché 1869-1920, Paris, Armand Colin, 1987.
5 Selon J.-Ph. Camborde, l’épicerie Bonnerot, sise rue du Rocher, dans laquelle Félix Potin effectue son apprentissage en qualité de commis entre 1836 et 1844, pratiquerait déjà un certain nombre d’innovations commerciales.
6 J.-Ph. Camborde, « L’installation de Félix Potin à Paris...», art. cit., p. 77.
7 23 sont situés à Paris, une trentaine en banlieue, 12 en province ; s’y ajoutent 20 petits magasins Économics à Paris et en banlieue intégrés au groupe.
8 Cf. l’organigramme de l’activité du groupe dans les années 1930, annexe 1 en fin de texte.
9 Félix Potin meurt en 1871, sa veuve née Joséphine Miannay prend la suite et gère le bien jusqu’à sa mort ; cf. généalogie simplifiée de la famille Potin, annexe 2 en fin de texte.
10 Plaquette d’information des établissements Félix Potin, AN, F12 9619.
11 ACL, DAF 00386-2, note du 22 mai 1929.
12 Idem.
13 La conclusion du papier est tout autant catastrophique : « Le ver est dans le fruit ; bientôt ce dernier tombera de l’arbre ! Et les actionnaires qui, déjà, ont vu s’effriter les cours de leurs titres devenus improductifs, n’auront plus qu’à se lamenter stérilement sur la déchéance des capitaux qu’ils ont si malencontreusement confiés à des financiers alors qu’il faudrait des épiciers à la tête de cette épicerie. Tant qu’une réforme absolue n’aura pas été accomplie, tant que d’autres personnalités n’auront pas été substituées à celles qui la dirigent actuellement, la société Potin poursuivra une existence incertaine et précaire, en attendant le jour où elle se trouvera acculée à la ruine définitive – Dernier cours : 450 ».
14 Sur la question de la consommation, voir le numéro spécial « Consommer en masse » de Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 91, juillet-septembre 2006, coordonné par Sophie Chauveau.
15 ACL, DEEF 38815, rapport à l’assemblée générale ordinaire du 2 août 1932.
16 Idem, rapport des commissaires aux comptes.
17 Groupe de commerces d’alimentation à succursales multiples qui est intégré plus tardivement dans les Docks de France. Nous n’avons pas pu établir précisément le rôle que joue M. Defradas dans cet organisme.
18 L’analyse du bilan 1939 comporte une dimension rétrospective et détaille notamment la provision pour « comptes litigieux » de 67 125 000 F issue et définie comme « résultant des opérations de M. Defradas (prélèvement en espèces et en titres, apposition de la signature sociale sur des effets de commerce étrangers à l’exploitation de la société, livraison à des sociétés contrôlées par M. Defradas et mises en liquidation...) », ACL DEEF 59876, dossier Potin.
19 Il s’agit du groupe piloté par Édouard Worms, sans lien de parenté avec Hyppolyte le dirigeant de la fameuse banque Worms. Né à Paris en 1882, Edouard débute comme intermédiaire de petites maisons de banque, puis, dès avant la Première Guerre mondiale, noue des relations d’affaires avec Charles Michel, les groupes Ville et Tricou (affaires indochinoises, entreprises de travaux, journaux, etc.) ; il est conseiller du commerce extérieur de la France et administrateur de nombreuses sociétés. Sur le groupe Edouard Worms, je me permets de renvoyer à Philippe Verheyde, Les Mauvais Comptes de Vichy, l’aryanisation des entreprises juives, Paris, Perrin, 1999, p. 173-189.
20 Ibid.
21 AN, F12 9619, dossier CNIE, document à l’emblème de la Croix de Lorraine non signé, non daté mais certainement de 1941.
22 NB : les exercices comptables débutent le premier mai pour se clore le 30 avril de l’année suivante ; ainsi, le résultat 1945 correspond à l’exercice du 1er mai 1944 au 30 avril 1945.
23 Idem, plaquette du centenaire Félix Potin.
24 Idem.
25 Idem.
26 Sur ces aspects, cf. Florent Le Bot, La Fabrique réactionnaire, antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir (1930-1950), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2007.
27 Termes que l’on retrouve dans le rapport remis par le secrétaire d’État à la Production industrielle et au Travail, René Belin, au chef de l’État le 16 août 1940, portant création des comités d’organisation.
28 Le cas des établissements Lévitan et des Galeries Barbès en représente d’une certaine manière l’archétype, cf. Philippe Verheyde, « Comité d’organisation des industries du bois et aryanisation économique », dans Hervé Joly (éd.), Les Comités d’organisation et l’économie dirigée du régime de Vichy, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2004, p. 237-251.
29 Ibid., circulaire n° 3 du 11 décembre 1941.
30 Ibid., rapport du CNIE.
31 ADP, CCPI 3314/71/1/5, art. 46, les confitures représentent 75 % du montant total des livraisons.
32 Idem, réponse de Félix Potin du 10 juin 1947.
33 Idem.
34 Sur les 565 employés de la tranche d’âge comprise entre 18 et 45 ans, 55 sont partis, les « dégâts ont été réduits au minimum », AN, F12 9619, rapport au CNIE.
35 Idem, rapport du conseil d’administration à l’assemblée générale ordinaire du 20 décembre 1944.
36 Idem, 21 novembre 1945.
37 Capital constitué de 40 000 actions de 500 F réparti entre groupe Cigma (Edouard Worms) pour 47 %, réseau familial et amical d’Edouard Worms (Edouard, Pierre et Marc Worms, Marcel Bloch, Alex Salomons, Louis Samuels) pour 30 % et titres au porteur pour 22 %.
38 De l’ordre de 27 % pour Loiseau-Rousseau et 2 %-3 % pour Félix Potin, le montant des capitaux investis que nécessite l’exploitation d’un important domaine industriel explique en partie un tel écart.
39 Soit 21 millions de francs (nominal de l’action 500 F), le capital ayant été doublé un peu avant.
40 Je me permets à nouveau de renvoyer au chapitre consacré à cette affaire dans Ph. Verheyde, « Comité d’organisation des industries... », op. cit., et aux AN, AJ38 1651, dossier 16778 ; AJ38 1512, dossiers 44, 341,1869 et 1870.
41 AN, Z6 822, cour de justice de la Seine, dossier Michel Dassonville n° 5220 et 5691, rapport du Parquer sur la gestion du groupe du 3 novembre 1945, p. 20.
42 Idem, souligné dans le document, mémoire en défense remis par l’avocat de H. Ardant. Pourtant le comité de direction, qui se tient régulièrement à Paris, composé d’Ardant, Dassonville et Federico Estaun (le représentant des intérêts espagnols), n’est pas unanime. Estaun est opposé à la vente et le fait savoir, il considère le prix proposé inférieur à 50 % de la valeur et semble porter peu d’estime pour les dirigeants de Félix Potin.
43 AN, Z6 823, procédure contre Dassonville, dossier « plan de la deuxième déposition » remis par Ardant au juge d’instruction.
44 AN, F12 9619, doc. cit.
45 L’épouse de Jean Potin, Janine, est la fille unique de Lucien Desmarais, le magnat français du raffinage et de la distribution de l’essence sous la marque Azur, intégrée ensuite au groupe Compagnie française des pétroles devenu Total ; cf. Christian Rouxel, D’Azur à Total, Desmarais Frères, le premier grand pétrolier français, Toulouse, Drivers, 2007.
46 AN, Z6 823, doc. cit.
47 Idem, p. 6.
48 Idem, p. 8.
49 Idem.
50 AN, Z6 822, déposition de Dassonville devant le juge d’instruction du 15 mars 1945. Le groupe Tietz est une maison de grands magasins fondée par Hermann Tietz, aryanisée sous le nazisme dès 1933 et racheté en 1939-1940 par Georg Karg, un financier installé aux commandes en 1933 par la Dresdner Bank (je remercie Hervé Joly de m’avoir communiqué ces informations).
51 Idem, déposition de Henri Ardant, p. 8.
52 Idem.
53 C’est, à notre connaissance, la seule procédure, engagée à l’initiative d’Edouard Worms, l’affaire n’étant évoquée ni par la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration, ni par le comité de confiscation des profits illicites et il ne semble pas qu’une action au pénal ait été introduite.
54 Laurence Badel, Un milieu libéral et européen : le grand commerce français 1925-1948, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999.
55 Cf. Philippe Burrin, La France à l’heure allemande 1940-1944, Paris, Seuil, 1995 ; Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera, Les Patrons sous l’Occupation, Paris, Odile Jacob, 1995 ; Olivier Dard, Jean-Claude Daumas et François Marcot (dir.), L’Occupation, l’État français et les entreprises, Paris, ADHE, 2000, notamment l’article de François Marcot « Qu’est-ce qu’un patron résistant ? », p. 135-151.