Introduction
p. 9-10
Texte intégral
1Si la cathédrale saint-étienne de bourges a déjà fait l’objet de nombreuses études et publications sur son architecture, ses sculptures ou ses vitraux, sa charpente a jusqu’à présent moins retenu l’attention des chercheurs. Seule une étude succincte publiée en 20021, basée sur un relevé de 1928 d’une travée, permettait de se faire une idée du gigantesque ouvrage de bois qui coiffe le vaisseau central sur plus de 100 m de long. La datation dendrochronologique de ses bois, et par là même celle de l’achèvement de la cathédrale, a également peu suscité d’intérêt puisqu’elle a été faite tardivement en 1998 avec un faible échantillonnage.
2Entre 2010 et 2014, la charpente du vaisseau central a fait l’objet d’une vaste campagne de restauration commanditée par la Conservation régionale des Monuments historiques (CRMH). Ce chantier, dirigé par l’architecte en chef Patrick Ponsot, fut donc l’occasion de relever et d’analyser exhaustivement cette grande charpente en profitant de sa découverture et des échafaudages mis en place dans sa structure sur toute sa longueur, de sa base jusqu’au faîtage.
3Le premier objectif de cette étude archéologique était de récolter l’ensemble des informations sur la structure de la charpente ainsi que sur les techniques et les outils employés à leur exécution (transport du bois, modes d’équarrissage, taille, assemblage, marquage…) et à leur mise en place (indices de levage, engin…). Ces données permettent en effet de comprendre l’organisation du chantier avec notamment les phases du levage de la charpente et l’identification des différentes équipes de charpentiers, reconnaissables par le marquage des bois. Au-delà de la compréhension de la structure de cette charpente, l’enjeu est de définir aussi les compétences techniques mises en œuvre sur ce chantier au xiiie siècle et de les évaluer par comparaison avec celles observées sur d’autres édifices majeurs de cette époque.
4Le second objectif était de mener une vaste analyse dendroarchéologique sur les bois d’œuvre. Son intérêt est, d’une part, de préciser les dates d’abattage des bois à la saison près afin de comprendre les modalités d’approvisionnement du chantier, les phases du levage et les reprises de la structure, du xiiie siècle à l’époque moderne. D’autre part, elle devait permettre de définir le profil écologique des arbres utilisés (morphologie, âge, type de croissance, impact anthropique…) et d’en déduire les caractéristiques du peuplement des parcelles forestières exploitées (futaie dense, taillis-sous-futaie, futaie sur souche, densité…) et de sa gestion par l’homme (cycles d’éclaircies, coupes, émondages…).
5En parallèle à l’étude des grandes charpentes du vaisseau principal, notre attention s’est portée aussi sur le beffroi de la tour occidentale sud. En effet, il s’est avéré que ce beffroi de plus de 12 m de hauteur, logé au dernier niveau de la tour, a été daté du xiiie siècle, faisant de celui-ci un ouvrage contemporain de la construction des charpentes du vaisseau central mais surtout, l’un des plus anciens et des plus grands beffrois connu actuellement en France.
6Financé par le CNRS2, la région Centre3 et la CRMH, ce travail s’appuie sur une vaste campagne de relevés archéologiques réalisés à la main, au tachéomètre et au scanner, sur l’ensemble des charpentes. Pour l’étude dendroarchéologique, les mensurations et la morphologie de chaque bois ont été relevées individuellement (section à chaque extrémité, calcul du défilement des bois, présence d’aubier, sens des fibres, indice d’équarrissage forcé…). La campagne d’analyses dendrochronologiques, pour laquelle un protocole spécifique d’échantillonnage a été mis en place pour répondre aux questions dendrologiques, a été réalisée sur plus de 300 prélèvements. Ils furent analysés par le laboratoire CEDRE de Besançon pour la datation, et par le laboratoire Dendrotech de Rennes et EFC Lab de Nantes pour le volet dendrologique.
7Au-delà des informations relatives aux charpentes et aux bois d’œuvre, les données recueillies ici apportent un nouvel éclairage sur l’histoire de la construction de la cathédrale et sur son achèvement. Les résultats rendent compte surtout de l’organisation d’un chantier de grande envergure dont la complexité nous échappe encore pour une grande part.
Notes de bas de page
1 CRMH 2002, p. 163-165.
2 UMR 7324 CITERES, Laboratoire Archéologie et Territoires, Tours.
3 Programme « CharpCentre » financé dans le cadre d’un appel à projet d’intérêt régional de la région Centre. Ce programme (2012-2015) porte sur le recensement des charpentes médiévales en région Centre et sur l’étude des charpentes du xiiie siècle des cathédrales de Bourges et de Tours.
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