1 Je me permets de renvoyer ici à mon article sur le sujet : Hablot 2012.
2 C’est le cas par exemple sur le sceau de Galeran, comte de Meulan et de Worcester, vers 1139, sur lequel ses armes échiquetées semblent figurer à la fois sur le gonfanon, sur sa cotte et le tapis de selle de son cheval. Gray Birch 1887, t. II, n° 5666 et Londres, British Library, Harley charter 45130. La lecture de ces éléments n’est pourtant pas évidente et un sceau daté avec certitude des années 1141-1142 (Gray Birch, n° 5668) présente pour ce personnage un écu vierge. Pour une discussion sur ce sceau et son décor, voir Civel 2006, p. 266.
3 La selle de Richard Cœur de Lion était déjà peinte de son emblème du lion. Selon Richard de la Sainte Trinité, auteur de l’Itinerarium Peregrinorum et Gesta Regis Ricardi, Nicholson (éd.), 1997, livre 2, chapitre 36 décrivant Richard à Chypre en 1191 : « Le roi bondit sur sa monture, et s’installa sur une selle étincelante d’or, de rouge brillant et de beaucoup d’autres teintes scintillantes intermédiaires. A l’arrière de la selle, une paire de petits lions dorés rugissants se faisant face, chacun d’eux portant une patte de devant étirée vers l’autre comme pour s’entre déchirer... ».
4 « E las armas depress / La lansa e l’escut / et l’ausberc conugut... / e faitz far la sostsela / del senhal de la sela / e d’aquel meteys tenh / on l’escut sera penh, / e.n lansa senheira / (de meteissa maneira) ».Arnaut Guilhem de Marsan, Ensenhamen, Sansone (éd.) 1977, v. 486-488,495-500.
5 Ce sceau est signalé par D. L. Galbreath dans une très brève notice sur « la première housse de cheval armoriée », Archives héraldiques suisses (194s), 1953-1957, p. 75. Je remercie vivement M. Hanno Wijsman de m’avoir procuré ce texte.
6 The Luttrel Psalter, Londres, British Library, Ms. Add. 42130, vers 1340, f° 202.
7 Voir sur le sujet Prinet 1917, p. 364 sqq. Devant Troyes, en 1380, les Anglais étaient montés « sus chevaulx convers, parés de leurs armes, dont les sambues et les houcement aloient jusques en terre ».Enguerrand de Coucy, à Bourbourg, en 1383, « avoit coursiers parés et armés et bouclés des anciennes armes de Couchi et ossi de celles que il porte pour le prescrit », et le roi de Portugal, à la bataille d’Aljubarrôta, en 1386, « était monté sur un gran coursier tout paré des armes de Portingal ».
8 Voir Lefèvre 2006.
9 Voir par exemple le célèbre Livre des tournois du Roi René (Avril 1986). Les housses armoriées des entrées sont illustrées par les différentes Chroniques de France. Le dossier des housses funéraires est surtout renseigné par les descriptions d’offrandes chevaleresques, voir à ce sujet le récit des funérailles d’Amédée de Savoie (Pollini 1994), du Prince noir, de Jean-Galéas Visconti ou des comtes de Foix (Tucoo-Chala 1978 et Gaude-Ferragu 2005). Voir aussi Espanol 2007.
10 Voir par exemple dans la comptabilité bourguignonne de la fin du Moyen Âge : Prost 1910, article 2571. Le « cheval de parement » que monte le duc est généralement couvert d’un tapis de selle ou d’un caparaçon semé des armes et devises comme cette « couverture de veluel vermeil taint en graine, feuillettée de feuillettes d'or de Chippre et de marguerites par le champ, semée des armes de Mgr pour son cheval de parement ». Sa selle est à l’image de celle « de velueau vert ouvrée de brebis blanches d'argent de Chippre [...] garnye de harnois de soye vert semé de brebis de fin cuyvre doré et de MM dorés volans par dessus, les mors et quarrefours dud. hernoys de cuyvre taillié de haulte taille et esmaillée de brebis [...] » réalisée pour la duchesse en 1390 ; Laborde 1850, article 259, cet usage se retrouve chez jean sans Peur qui passe commande à « Jehan Callot et Hanse Requise, selliers [...] pour [...] avoir fait six harnois pour VI des chevaux de Mds c'est assavoir : brides, poitraux et culières à chascun lesdits harnois, deux pendans de trois couleurs, l'une blanche, l'autre verde, et l'autre noire, lesquels sont semés de rabos et de couppeaux de laton doré, à la devise de Mds [...] » ; Paris, BnF, collection Bourgogne, t. LXV, f° 100v° sqq. En février 1411 « le duc fit une jouste en la ville de Bruxelles, en présence de monseigneur et de ma dame de Brabant, estant accompaigné de douze chevaliers qui le precedoient, et entrèrent à la jouste ; un chevalier banneret portait sa bannière, et douze chevaliers bannerets entouraient sa bannière ayant tous des cottes d’armes, rondelles, armes dessus harnois, selle, chanfrein, menches, cuillières d'or sur or, chargés de rabots, rabotures, billetures d'or et d'argent bruny ».
11 Ce type d’ornement se retrouve sur une série de sceaux équestres du milieu du xive siècle comme celui du comte de Bar (Douët d’Arcq, Arch. de l’Empire, K 56, n° 13 bis, 8 mai 1407).
12 Les comptes de l’Écurie de 1381 à 1387 mentionnent à plusieurs reprises la facture d’équipements de joutes mais les « livrées » de selles constituent aussi une forme habituelle de dons. Louis d’Orléans reçoit une partie de sa pension sous forme de livrée annuelle de selles pour son hôtel soit à sa devise soit à celle du roi. Par exemple, en 1383, Leproux 1995, article 192 : « Pour 6 selles de courcier dorees, les arçons houssez de cordouen vermeil et bordez de laton par les cornieres et rengez entredeux de doux dorez a 3 rans, les couvertures rondes emplies dessous la cuisse, rubannees tout autour de ruban d'or et frangees de franges de soye vert, les bernois desdittes selles de cuir de Honguerie noir cloué tout au lonc a deux rans de petits boullonnez par coupons moitié blans, moitié dorez, et ou milieu deux feulettes (feuillettes ?) volans de la devise du Roy, garnies d’estriers quarrez de fin cuivre doré [... ] lesquelles furent delivrees entre le 13 février et le 26 mars [...]. » ; article 649 : « Pour une houce pour ledit seigneur a chevaucher en chausses de velviau vermeil, semee tout au lonc d'ennelés d'or et d'argent de Chippre de la devise dudit seigneur, et aux quatres quingnes de laditte houce 4 cerfs volans d'or et d'argent de chippre de brodeure et les elles desdiz cerfs d'or soudiz etplumeté d'or de Chippre tors mené à la broche, et en chascun cerf une couronne d'or de Chippre, la couverture doublé de cendal vermail, pour ceste housse brodee au mieulx que on a peu [...] » ; article 650 : « Pour une bride a jouster pour ledit seigneur [...] les mors, les salmés, les orilles, tous les doux et les boudes de fin cuivre doré taillé de haulte faillie de la devise dudit seigneur et tout finement doré [... ] » ; article 668 : « A Imbert le Damoisel, brodeur, pour une couverture de cheval de velviau vermeil taint en grainne, c'est assavoir colliere, croupierefaite de brodeure et semee de cerfs volans et d'anelés d'or et d'argent brodee tres richement [... ] » (détail des broderies : un cerf sur la couverture, treize sur la croupière, quatre sur le chanfrain, deux sur la piscière, six sur les boîtes de la piscière, un sur le devant de la selle, six sur le dessus de la selle, un sur le derrière, douze sur le harnais et les gantelets, douze sur une cotte).
13 Voir les publications relatives aux fouilles du Louvre : Fleury et Kruta, 1985 et 1990 ; Taburet-Delahaye 2004 ; Hablot 1999.
14 Paire d’étriers à la devise de François Ier, vers 1515, Écouen, Musée national de la Renaissance, inv. n° ECL21108a et ECL21108b.
15 Voir les magnifiques couvertures de cheval aux armes de Bourgogne prises aux armées du Téméraire par les Suisses lors de la bataille de Gandson (2 mars 1476), Berne, Historisches Museum, inv. 310a.
16 Cette selle, conservée à l’abbaye de Westminster, fait partie du dépôt votif des armes du roi. Le troussequin était revêtu des armes de France. Voir aussi un exemple de mors armorié dans Hyland 1999, p. 65.
17 Sur les pendants de harnais, voir l’article de Gildas Salaün (Salaün 2011) ; Berton 2004 et 2010 ; Lhermet 2003. Un bel exemplaire de harnais médiéval à vervelles se retrouve sur le cheval du tableau d’orfèvrerie offert par Isabeau de Bavière à son époux Charles VT. Sur cet objet, le Goldene Roëssl, conservé à Altôting, voir Taburet-Delahaye 2004.
18 Les peintres du Quattrocento ont été particulièrement attentifs à ces détails de harnais, voir les œuvres de Gozzoli (chapelle des rois mages, Palazzo Riccardi-Médicis à Florence) ou de Lorrenzetti (fresque des mages, musée des Offices à Florence).
19 Sur le sujet voir Vaivre 1982 : sceaux de Gilles II de Beaumez (1239), de Manassès de Rethel (1258), de Philippe de Namur (1222).
20 Sur le sujet voir les comptes de l’écurie de Charles VI, Leproux 1995, article 195 ; Billaud 1996, articles 17, 154, 163, 433, 44L 444, 774, 831, 9SS, 970, 971, 1123, 1139, 1140 et David 1947, p. 100.
21 Londres, Tower Armoury, vol. 95, Autriche, vers 1410.
22 Voir Cordelier et Marini 1996, p. 232, fig. 143.
23 Les tableaux des marques médiévaux, conservés uniquement à travers quelques fragments, prennent souvent la forme de petits cahiers, une sorte de « supplément », intégrant parfois les registres d’écurie en tant que pièce détachable. Il existe, bien sûr, des recueils publiés, surtout imprimés – mais ils datent généralement des xvie-xviiie siècles. Je remercie infiniment Elisabetta Deriu (Deriu 2008) pour ces informations.
24 Contamine 2011. L’auteur mentionne notamment les écuries des ducs de Milan et leur politique de sélection équine à la fin du xve siècle.
25 Ce dossier renvoie à celui plus vaste de la relation ambiguë qui, de l’Antiquité à l’émancipation moderne, unit les maîtres à leurs esclaves, en matière d’identité notamment. Dans la Rome antique comme aux Amériques, l’esclave affranchi adopte très souvent le nom de son maître. Sur le marquage d’infamie, voir Telliez 2005.
26 Voir par exemple les magnifiques figures de l’Armorial équestre de la Toison d'or (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 4790, par exemple Robert de Masmines au folio 145).
27 Mise en scène dans les différentes représentations connues des lits de justice, cette confusion héraldique et symbolique n’a pas échappé à Patrick Boucheron (Boucheron 2005, p. 205).
28 Sur la symbolique du cheval au Moyen Âge, voir Pastoureau 2011, p. 101.
29 Les historiens de la chevalerie ont insisté sur la nécessaire solidarité des cavaliers amenés à charger en conroi, une ligne serrée et disciplinée, fruit d’un long apprentissage collectif de la mesnie seigneuriale. Voir à ce sujet Aurell 1996 ; Barthélémy 2007.
30 Voir Civel 2006, p. 253 sqq. ; Baudin 2012, p. 100 sqq.
31 Hablot 2012.
32 Le sceau orné d’un boucher armorié est assurément une sorte de synthèse de la figure équestre adoptée par les chevaliers ne pouvant prétendre à ce code de représentation princier et seigneurial comme l’a démontré Brigitte Bedos-Rezak (Bedos-Rezak 1983).
33 Civel 2006, p. 253 sqq., Bedos-Rezaic 1983.
34 Cet usage, en dehors de sa fonction pratique sur la conduite de l’animal et sa présentation à la monte, correspond très certainement à un sens symbolique lié à la valorisation de la dextre que l’on retrouve dans tout un ensemble de rituels médiévaux liturgiques ou politiques.
35 Contamine 2009, p. 316 et note 32, d’après Barthelémy 2007, p. 186 citant la Vie de Guillaume le Conquérant de Guillaume de Poitiers « de Gascogne, d’Auvergne, de puissants personnages lui envoyaient ou lui amenaient des chevaux anoblis, distingués des autres par la possession d’un nom propre ». Sur la question voir encore Contamine 1991.
36 Pastoureau 2011, p. 201.
37 Sur cette question voir Contamine 1991, p. 322 et note 53.
38 Voir sur le sujet Albert 2011, p. 199, d’après le Roman de Guiron. La vengeance de Galehaut : « Après fust commandé que Galeholt fust mis sor une jument le vis torné devers la keue et fust menés en tel maniere par toutes les rues del chastel et puis par devant tous les paveillons qui defors les chastel estoient tendus en mi la praarie, et a la keue de la jument fuissent toutes ses armes liies fors que le hauberc, qui tant pesoit que la jument sans faille ne le peüst pas trainer la ou ele portoit Galehout le Brun. » (§ 96, ms. 350, f° 256a).
39 En 1468, le chevalier Werner von Hansein est victime d’une lettre de diffamation du comte Erwin von Gleichen. La lettre figure le fautif monté à l’envers sur un cheval et portant son sceau sur le cul de l’animal associé à la légende : « Je place mon sceau sur l’anus de ce vieux cheval car je n’ai pas tenu ma promesse donnée et scellée par un acte. », Marburg, Staatsarchiv, 14 März 1468.
40 Ce constat a notamment été établi par Pastoureau 1979, p. 147-148.
41 Voir par exemple dans l’Armorial de Conrad Grünenberg, Bruxelles, KBR, ms. 15652-56, f° 89V°
42 On trouve ainsi dans les devises de plusieurs princes européens des éléments liés au cheval, le mors, associé à l’idée de tempérance et porté par Francesco Sforza et ses descendants ainsi que par Charles VIII qui en fait la lettre K de son initiale. On peut également mentionner dans ce registre la devise de la société chevaleresque fondée par le pape, l’ordre de l’Éperon d’or, ou encore l’étonnant décor, très emblématique, des écuries du château de Caen, découvertes et étudiées par Bénédicité Guillot.
43 Michel Pastoureau considère en effet que les devises et les cimiers ont accepté des figures jusqu’alors ignorées ou rejetées par les armoiries pour des raisons symboliques notamment.
44 Les écus en « tête de cheval » se retrouvent fréquemment dans la seconde moitié du xve siècle. Pour un dessin de chanfrein armorié par Pisanello, voir Cordelier et Marini 1996, p. 232, fig. 143, notice 22 (Paris, Louvre, inv. 2632).
45 R. Jacob souligne que cet argument est bien fragile. L’immobilisation du cheval se maintient et se renforce bien au-delà de la pratique effective du service féodal. L’enceinte du domaine en est exclue. De plus le cheval est exclu par la coutume des droits du baillistre pour être réservé à l’héritier, en dehors même du service de fief. JACOB 2010, p. 221-232.
46 Voir aussi l’article de Nassiet 1993.
47 Voir la note 9.
48 Hablot 2009 ; Espanol 2007.