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    Plan détaillé Texte intégral Anatomie et botanique Le style du raisonnement scientifique en anatomie et botanique La plante, le corps et la nutrition en physiologie La plante, le corps et la nutrition : analogie ou identité ? Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Analogies végétales dans la connaissance de la vie de l’Antiquité à l’Âge classique

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’homme et la plante dans l’anatomie renaissante

    Sarah Carvallo

    p. 171-197

    Résumés

    Résumé. Dans les années 1530-1550, l’anatomie et de la botanique renouvellent leur méthode fondée sur l’observation directe des choses et leur positionnement vis-à-vis des Anciens à partir de la traduction et de l’édition critique des traités antiques, notamment Galien et Dioscoride. Charles Estienne et André Vésale peuvent servir de pierre de touche pour comprendre les enjeux impliqués par l’anatomie et la botanique réformées. En s’inscrivant dans la tradition longue de Platon et Galien, Vésale et Estienne défendent une unité de vie entre l’homme et la plante au niveau de la faculté naturelle. Tous deux pratiquent la botanique et conçoivent la nutrition comme une unique et même forme de vie partagée entre les plantes et les hommes. Leur conception d’une univocité de la vie partagée par les plantes et les hommes s’ancre dans un contexte institutionnel et s’appuie sur une méthode scientifique ; mais plus fondamentalement, elle résulte d’arguments théoriques qui la fondent dans une ontologie de la vie.

    Abstract. In the 1530s-1550s, anatomy and botany renewed their method based on direct observation of things and their position with respect to the Ancients based on the translation and critical edition of ancient treatises, in particular Galen and Dioscorides. Charles Estienne and André Vésale can serve as a touchstone for understanding the issues involved in reformed anatomy and botany. Following in the long tradition of Plato and Galen, Vesalius and Estienne advocated a unity of life between man and plant at the level of the natural faculty. Both practised botany and conceived of nutrition as a single form of life shared between plants and humans. Their conception of a univocity of life shared by plants and humans is rooted in an institutional context and based on a scientific method; but more fundamentally, it results from theoretical arguments that ground it in an ontology of life.

    Texte intégral Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Dans les années 1530-1550, l’anatomie et la botanique renouvellent leur méthode fondée sur l’observation directe des choses et leur positionnement vis-à-vis des Anciens à partir de la traduction et l’édition critique des traités antiques, notamment Galien et Dioscoride. Par analogie avec le renouveau chrétien appelant à une expérience directe de Dieu et à une lecture des textes originaux qui remet en cause l’autorité universitaire et cléricale, ce renouvellement inaugure une réforme profonde des savoirs et se concrétise à travers un dispositif à la fois théorique, institutionnel, politique et pratique avec la création de jardins ou de théâtres anatomiques, un nouvel intérêt des élites envers les plantes et la dissection, l’institution de chaires universitaires dans les deux domaines. Comment expliquer la coïncidence de cette réforme scientifique qui structure une nouvelle manière de connaître la vie en tant que phénomène commun à l’homme et aux plantes ? S’agit-il d’une pure concomitance, d’un simple parallélisme conjoncturel ? Exprime-t-elle une analogie conceptuelle entre les deux règnes, ou, plus radicalement, mobilise-t-elle une ontologie permettant de penser une identité entre l’humain et le végétal ?

    2Deux médecins contemporains peuvent servir de pierre de touche pour comprendre les enjeux impliqués par l’anatomie et la botanique réformées. Tous deux proches des milieux réformés et sans doute personnellement impliqués1, Charles Estienne et André Vésale publient à Paris et à Padoue deux traités d’anatomie, respectivement De la dissection des parties du corps humain (1545) et De la fabrique du corps humain (1543) présentant des planches anatomiques et une relecture critique des Anciens. Vésale est professeur à la chaire d’anatomie au Studio de l’université de Padoue, qui constitue le centre médical le plus en pointe à l’époque et développe des études botaniques2 ; Charles Estienne incarne l’humaniste éclectique à la tête des éditions Estienne héritées de son père à Paris ; ils se sont sans doute rencontrés, lorsque Charles Estienne séjournait en Italie ; ils étudient la dissection humaine auprès de Berengario da Carpi3 ; ils pratiquent la botanique et conçoivent la nutrition comme une unique et même forme de vie partagée entre les plantes et les hommes. Leur conception d’une univocité de la vie partagée par les plantes et les hommes s’ancre dans un contexte institutionnel et s’appuie sur une méthode scientifique ; mais plus fondamentalement, elle résulte d’arguments théoriques qui la fondent dans une ontologie de la vie.

    Anatomie et botanique

    3L’anatomie et la botanique ont partie liée, premièrement, en ce que les plantes nourrissent4, soignent ou empoisonnent l’homme5 ; deuxièmement, en ce qu’elles partagent le phénomène de la vie, fait beaucoup plus diffus à la Renaissance qu’aujourd’hui, puisqu’il concerne aussi les animaux, le cosmos, les étoiles, les minéraux. Le premier type de lien fonde un intérêt utilitaire pour les plantes, qui se développe particulièrement à travers la pharmacie et la diététique pour promouvoir la thérapeutique. Le deuxième renvoie à un projet de recherche qui s’exprime à travers la quête d’analogies entre les différents éléments vivants, selon des rapprochements symboliques comme chez Paracelse dans les années 1525 ou Giambatista della Porta en 1589, ou à partir de la dissection des parties, chez Estienne et Vésale.

    4Ce lien entre le monde végétal et le corps humain s’ancre dans une tradition longue consacrée à la materia medica, qui détermine la diététique et la pharmacopée6. Cette tradition connaît cependant un renouveau théorique et pratique à la Renaissance, d’une part, grâce aux plantes importées du nouveau monde7, des Indes et de Chine, d’autre part, sous l’influence des nouvelles traductions latines de la médecine et de la pharmacopée grecque, et du travail philologique mené par Niccolo Leoniceno (1428-1524), Giovani Manardi (1462-1536), Antonio Musa Bravola (1500-1555). Ces médecins hellénistes herborisent et collectionnent les plantes pour identifier les espèces végétales et les propriétés nommées dans les traités anciens8. Essayer de proposer des termes précis et univoques9 répond certes au principe humaniste de la correction (castigatio) des textes anciens10. Les maisons d’édition vénitienne d’Alde Manuce11 ou parisienne des Estienne allient un souci philologique et scientifique dans les traductions et l’édition de traités de médecine, de botanique, d’agronomie, d’agriculture. Mais l’enjeu médical et pharmacologique n’est pas seulement théorique, il est aussi pratique, puisque la profusion des dénominations rend difficile la maîtrise du contenu anatomique et botanique, l’apprentissage, la critique. Lorsque des chaires de médecine pratique sont créées à Bologne (1534), Padoue (1533) ou Pise (1544), elles incluent désormais un enseignement de botanique et de pharmacologie pour les étudiants en médecine à partir de la lecture commentée de deux textes antiques fondamentaux, le De materia medica de Dioscoride, et le De simplicium medicamentorum temperamentis et facultatibus de Galien, mais aussi à partir de l’observation directe des plantes rendue possible par l’institution du jardin botanique pensé comme « un théâtre de la terre » en 154512. En anatomie, le même besoin de confronter les descriptions galéniques au corps humain disséqué trouve son lieu dans le théâtre d’anatomie13. Ces connaissances acquises par l’observation confrontée aux textes anciens s’exposent directement dans de nouveaux types de livres : herbiers qui recueillent les plantes séchées et conservées ; atlas avec des planches gravées sur bois représentant le type des plantes importées ou cultivées dans le jardin botanique14 ; planches anatomiques présentant les étapes de la dissection privée ou publique. Dans les deux cas, ces livres associent la recherche philologique sur le nom des choses, la discussion avec les théories antiques, la correspondance avec des planches résultant de l’observation directe, l’usage d’un index, une valeur esthétique accordées aux gravures. Enfin, l’anatomie et la botanique doivent justifier leur statut universitaire, qui légitime aussi l’ampleur des investissements requis15 et permet de réguler la profession médicale face aux pratiques et revendications des chirurgiens et des apothicaires constitués en collèges. Promu activement par la République de Venise, ce rang universitaire manifeste l’importance attribuée aux plantes et à l’anatomie par le pouvoir politique et les réformateurs du studio padouan pour accepter de créer deux nouveaux cours dans le cursus médical et pour réformer la méthode d’enseignement à partir de l’observation directe des choses confrontées aux sources antiques. Dans ces domaines, l’université et la cité de Padoue, sous tutelle vénitienne, se trouvent à la pointe depuis 140616.

    5En disséquant et herborisant, Vésale incarne parfaitement le médecin de ce temps et de ce lieu. Alors qu’il quitte Padoue pour devenir médecin ordinaire de l’empereur, dans une lettre de 1546 à son confrère Joachim Roelants de Mechelen, il compare les effets du gaïac importé d’Amérique, de l’hellébore, du miel ou de l’essence de térébenthine à ceux de la racine de Chine, qu’il utilise pour soigner l’empereur Charles Quint. Il décrit la plante, les modes de préparation, la posologie, les conditions d’administration en cas de mal articulaire ou de syphilis, et allie à son traitement des conseils diététiques17. En anatomie comme en botanique, Vésale recommande une expérience directe du médecin ; il exhorte les étudiants à pratiquer eux-mêmes la dissection et la pharmacopée pour améliorer la connaissance du corps humain, développer les applications pratiques, contrôler les chirurgiens et les apothicaires18.

    6Certes, la situation parisienne présente un retard institutionnel, puisque l’université de Paris ne possède ni théâtre anatomique ni jardin botanique. A son retour d’Italie en 1558, Pierre Belon essaie de promouvoir la botanique à partir du modèle padouan et invite les docteurs de la faculté de médecine de l’Université de Paris à instituer un programme et des lieux de recherche et d’enseignement analogues « tant pour leur delectation et l’augmentation du sçavoir des personnes doctes de l’université comme pour l’édification et accroissement des lettres où diverses especes de plantes fussent nourries19 ». Il développe lui-même un jardin près du Mans. Charles Estienne consacre plusieurs traités aux plantes : dès le De re hortensi libellus (1535), il exprime le souci d’une connaissance acquise par l’expérience directe de la botanique confrontée aux sources anciennes de façon similaire à l’anatomie. Il veut rassembler l’ensemble des connaissances antiques et modernes en matière d’horticulture, d’arboriculture et d’agriculture à travers cinq traités : Seminarium (1536), Vinetum (1537), Sylva, frutetum, collis (1538), Pratum, lacus, arundinetum (1543) et Praedium (1554). Dans son traité De Latinis et Graecis nominibus arborum, fruticum, herbarum, piscium et auium liber, il travaille la philologie et la nomenclature en confrontant les noms anciens et les plantes-mêmes. En botanique, il promeut la double nécessité de la pratique agricole et des images dans les manuels20. Pareillement en anatomie, il préconise la connaissance acquise par expérience personnelle confrontée à l’autorité des anciens, et, dès 1545, il présente le projet imaginaire d’un théâtre anatomique qui permettrait à chaque spectateur de faire l’expérience directe de la vue des parties du corps21. Son traité d’anatomie présente les mêmes traits caractéristiques que ceux de botanique : confronter le corps aux textes antiques ; synthétiser l’ensemble des connaissances ; établir un lexique critique des parties du corps humain ; présenter des planches. A défaut d’institutions universitaires aussi développées qu’à Padoue, l’engouement français pour la botanique et l’anatomie se manifeste donc pleinement dans le domaine éditorial que Charles Estienne maîtrise parfaitement :

    Car si les escriptz contentent l’esprit et la memoire, aussy pouvons nous dire que la peinture contentera l’oeil et la veue de la chose absente, aultant ou a peu pres comme si elle estoit presente. Les escriptz supplient la parolle : et les protraictz (combien que muetz) portent la forme et facon des choses devant les yeulx, en sorte qu’ilz nont aultre mestier de parolle. Parquoy pour plus commodement satisfaire a l’œil et a la memoire, avons conjoint l’anatomie paincte a la description des parties du corps humain : ain que quand n’aurez le corps en main, pour vous contenter de quelque doubte, puissiez avoir recours a ceste umbre : attendant (comme dict a este) l’opportunite et meilleure occasion. Pourquoy plus commodement mectre a execution, avons delibere d’ensuyvre l’ordre de nature, comme si nous avions à composer un corps22.

    Le style du raisonnement scientifique en anatomie et botanique

    7Au cœur du déploiement matériel, éditorial et institutionnel de l’anatomie et de la botanique, Estienne et Vésale opèrent une réflexion cruciale sur l’observation comme style scientifique23 et son implication didactique avec la production d’images comme des portraits (trait pour trait) de cadavres et de plantes, quand ceux-ci font défaut24. Cette nécessité d’accéder à la chose-même récuse la substitution d’animaux à l’homme25, et donc condamne l’anatomie de Galien fondée sur l’observation de porcs, chiens ou singes. La science implique une recherche à la première personne fondée sur l’observation directe, que Vésale met en abyme visuellement dans le frontispice du De Fabrica en se mettant en scène26 : représentant Luther parmi l’assistance, Vésale accomplit le même geste de réforme comme un retour à la source, le corps même27, et les récits des étudiants soulignent la prégnance personnelle de Vésale dans l’art de disséquer28. Sa pédagogie passe en outre par l’invention d’un nouveau type de manuel faisant correspondre l’image et le texte à travers des légendes et des commentaires qui visent à renforcer le sentiment d’univocité et la précision du raisonnement, validé par des témoins :

    De plus, nous avons attribué à chacune des parties son nom, quoique dans le manque de loisir actuel, ceci n’a pas pu être achevé, en conformité parfaite avec notre intention, et nous n’avons pas du tout rejeté les termes étrangers que, dans la plupart des livres, les plus avertis ont fréquemment l’habitude de retenir. Quant à ce qui concerne l’exactitude du contenu, croyez qu’il n’a été introduit ici aucun point qui – mes élèves padouans l’attesteront – n’ait fait l’objet d’une démonstration au cours de cette année29.

    8Au style scientifique de l’observation correspond ainsi une rhétorique textuelle et visuelle30 commune à l’anatomie et la botanique, qui explique aussi l’importance esthétique des planches31. La beauté confère leur valeur démonstrative et mnémotechnique aux images du corps humain, qui persuadent le lecteur, comme les figures géométriques démontrent en mathématiques.

    Il n’est personne qui n’ait expérimenté, en géométrie comme dans les autres disciplines mathématiques, combien grande est l’aide apportée par les images pour comprendre ces matières, car elles placent l’objet sous les yeux avec plus de précision que le discours le plus détaillé ; *en outre, nos images des parties du corps donneront beaucoup de plaisir à ceux qui n’ont pas toujours l’occasion de voir disséquer un corps humain, ou, s’ils l’ont, qui sont d’une nature si délicate et si peu appropriée au médecin qu’en dépit de leur vif désir d’acquérir une parfaite connaissance de l’homme, qui est le plus grand témoignage (s’il en est) de la sagesse du Créateur de toutes choses, ils ne peuvent se déterminer à assister un jour à une dissection*32.

    9De nombreux auteurs insistent sur la stratégie picturale33 qui vise une « rhétorique du réel » et sur le lien intrinsèque entre esthétique et science en anatomie. L’image vaut comme référence toujours présente « afin que quand n’aurez le corps en main, pour vous contenter de quelque doubte, puissiez avoir recours à ceste umbre34 » comme si la chose absente était présente. La métaphore de l’ombre du corps renvoie à l’invention de la ronde bosse par Dibutades qui voulait conserver la présence de sa fille à partir de son ombre35. À la suite de Galien, Vésale reprend le paradigme du canon du corps humain établi en sculpture par Polyclète à partir des proportions géométriques entre toutes les parties36. Il sélectionne un des meilleurs graveurs de l’époque, Jan van Calcar, pour les gravures. Dans cette rhétorique picturale, la présence des paysages padouans, des décors architecturaux et des plantes ne sert pas à embellir, mais joue un rôle argumentatif et mnémotechnique en réinvestissant des schèmes classiques (dont le plus célèbre présente un squelette méditant sur la mort, selon l’adage Et in Arcadia ego37), qui persuadent le lecteur, comme les topoi en rhétorique. L’image topique « apprend à penser » 38. La même stratégie opère dans les atlas botaniques39. En mobilisant des plantes, des corps et des édifices, l’économie visuelle des planches éclaire la structure-fabrica-kataskeué40 du corps humain : l’architecture cristallise la proportion des éléments et des parties composant le corps humain, proportion qui relève de l’ordre géométrique et se manifeste par la beauté ; la botanique manifeste une identité vitale entre l’homme et la plante, qui, nous le verrons, s’incarne dans le système végétatif ; enfin, l’image du corps ne représente aucun corps particulier mais la vérité idéale du corps humain. Ainsi la force de conviction des planches anatomiques partagée par Vésale et Estienne se démarque du style occulte et allégorique de Giambattista della Porta qui s’attache au merveilleux et aux symboles41, ou du style illustratif qu’on trouve chez Abraham Bosse plus tard lorsqu’il souligne les formes féminines de la racine de mandragore.

    10Après avoir établi cette alliance entre l’anatomie et la botanique, il s’agit de comprendre plus radicalement comment l’homme et la plante partagent un certain niveau d’existence, qui se détermine par une fonction commune, la nutrition.

    La plante, le corps et la nutrition en physiologie

    11Estienne et Vésale puisent leur théorie de la nutrition à une source commune, la physiologie de Jean Fernel (1497-1558). L’anatomie cherche à identifier les structures correspondant aux opérations vitales. Fernel nomme physiologie la description de ces fonctions corporelles. Son traité de physiologie (154242) présente d’abord une partie consacrée à l’anatomie, puis une analyse systématique du fonctionnement vital à travers chacune de ses parties, à laquelle il adjoint, dans l’édition ultérieure de la Medicina (1554), une étude des pathologies. Si cet ouvrage constitue sans doute l’exposé le plus représentatif du galénisme renaissant43, Fernel introduit aussi des analyses critiques en repérant des divergences entre Galien et Aristote, qui obligent à choisir une thèse (par exemple concernant l’existence d’une semence femelle, ou le siège de l’âme), ou en essayant de concilier des considérations néoplatoniciennes concernant les esprits et la chaleur. De façon générale, Fernel réhabilite le platonisme médical dans un contexte largement aristotélicien44 en réconciliant les deux auteurs à travers un retour aux textes originaux de Galien débarrassé des scories du galénisme médiéval45. Or justement, dans les chapitres 12 à 14 du livre v dédié aux facultés de l’âme, Fernel décrit la faculté vitale comme une forme de vie commune aux hommes, aux animaux, aux insectes, aux plantes et aux racines, agissant à la fois au niveau global de l’individu et dans chaque partie. Fernel ignore la circulation sanguine et oppose les deux conceptions aristotélicienne et platonicienne de la vie en distinguant la thèse d’unicité du principe de vie chez Aristote qui le situe dans le cœur, et la thèse d’une triplicité des principes de vie chez Platon. Selon lui, Aristote pose un unique principe de vie (anima) ayant son siège dans le cœur et se diffusant au niveau de chaque partie et régissant tous les phénomènes de nutrition, locaux et globaux. Or la nutrition constitue le principe de vie fondamental commun aux plantes, animaux et hommes. Tant que l’individu vit, la nutrition agit et diffuse cette vie à travers toutes les parties. Être vivant signifie se nourrir, et vice versa ; vie et nutrition se caractérisent par la présence de chaleur, qui existe aussi dans les plantes. Il n’y a donc pas d’un côté la nutrition, de l’autre la vie ; il n’y a qu’une seule et même faculté vitale qui renvoie à l’âme végétative46, et s’appelle vie ou nutrition, à laquelle correspond un unique lieu ou siège, le cœur. A cette thèse unitaire, Fernel préfère l’option platonicienne qui, selon lui, distingue la faculté naturelle des autres facultés vitale ou animale. La faculté naturelle ou nutritive trouve alors son siège dans le foie et constitue une dimension spécifique de la vie des corps47. Commune aux plantes, aux animaux et aux hommes, la fonction nutritive se distingue ainsi des autres facultés animale ou vitale, qui correspondent aux mouvement et sensation d’une part, et, d’autre part, à la chaleur qui trouve son siège dans le cœur. Elle se distingue aussi, chez l’homme, des fonctions supérieures de l’âme (appréhension, raisonnement et mémoire), qui trouvent leur siège dans le cerveau. Forme, nature, faculté, puissance, vertu, force : ces termes désignent une seule et même cause agissante, distincte de la chose-même. Elle n’en constitue pas une partie, mais en caractérise la propriété innée. La nutrition détermine une telle forme ou force, qui agit à travers le système veineux en prenant sa source au foie. Cette fonction demeure occulte (res abdita), car elle ne se réduit pas à un mélange matériel et correspond à ce que nous appellerions aujourd’hui le métabolisme, phénomène global et local à la fois. Elle agit à travers quatre actions (attraction, rétention, assimilation, expulsion) qui s’opèrent à travers le foie, les veines et les artères.

    12De fait, cette théorie reprend exactement la description galénique de la faculté naturelle48, selon laquelle chaque partie du corps humain attire la nourriture dont elle a besoin, la retient, l’assimile en l’altérant et en rejette le surplus. Or dans son traité Sur les facultés naturelles, Galien interprète explicitement le Timée, où Platon développe sa thèse de l’homme plante céleste, ce qui l’amène notamment à défendre l’idée d’une sensation inconsciente qui ne passe pas par les nerfs et s’avère donc indépendante de l’âme rationnelle49, qui commande le mouvement volontaire et la sensation nerveuse. De fait, la faim constitue une sensation qui ne passe pas d’abord par les nerfs, mais s’exprime directement au niveau du cardia avant de devenir une sensation nerveuse, comme il y a des sensations directes des intestins ou du foie lorsqu’il produit la bile jaune. Ces sensations expriment l’activité de la faculté naturelle ou nutritive ; elles peuvent s’expliquer par les variations du tonus inné (tonos symphytos50) ou par la diversité des fibres des organes (les fibres longitudinales opèrent l’attraction, les fibres obliques la rétention, les fibres transverses la sécrétion, et le mouvement des fibres l’expulsion) sans faire intervenir les nerfs. Ceux-ci n’interviennent que dans un deuxième temps, qui explique le sentiment d’inconfort ou de douleur par l’innervation de ces mêmes organes. La nutrition comme faculté naturelle générale se caractérise donc par son autonomie vis-à-vis des autres facultés vitale et animale : innée, elle reconnaît les qualités propres à assimiler ou expulser, ce qui vaut effectivement pour les plantes qui tirent du sol les éléments dont elles ont besoin.

    13Galien nomme « âme végétative » ou « nature » cette faculté nutritive51. Si la formule d’« âme végétative » évoque la théorie aristotélicienne pour désigner la capacité du vivant à absorber de la nourriture52, en fait, c’est Platon qui explique cette sensation immédiate commune aux organes et aux plantes, dans le Timée 77b-78d. Platon cherche l’origine des plantes, qui servent de nourriture aux animaux. Le végétal se caractérise par sa passivité, l’absence de raisonnement et de mouvement, la seule présence d’appétits et de sensations immédiates qui constituent l’âme concupiscente. Lorsqu’il est ingurgité, le végétal, qui est doué d’une forme de vie, pénètre et diffuse dans le système veineux comme à travers un système d’irrigation53. En parcourant la multiplicité des veines et leur répartition dans tout le corps, il opère une fonction nutritive à la fois locale et globale qui se comprend par l’affinité entre le système veineux et les végétaux.

    Or c’est de ces éléments que Dieu s’est servi pour faire passer les humeurs du ventre dans les veines. Il a tissé d’air et de feu un treillis pareil à une nasse, ayant à son entrée deux tuyaux, dont l’un a été divisé à son tour en forme de fourche ; et à partir de ces tuyaux, il étendit des sortes de joncs circulairement à travers tout le treillis jusqu’à ses extrémités. Il composa de feu tout l’intérieur de son treillis, et d’air les tuyaux et l’enveloppe, et prenant le tout, il l’adapta de la manière suivante à l’animal qu’il avait formé : il mit en haut dans la bouche la partie composée de tuyaux, et comme elle était double, il fit descendre un tuyau par la trachée-artère dans le poumon et l’autre dans le ventre le long de la trachée artère. (…) Et tout ce mécanisme et ses effets ont pour but de nourrir et de faire vivre notre corps en l’arrosant et le rafraîchissant54.

    14A la suite de Platon, Galien admet la sensation des plantes, en ce qu’elle permet d’expliquer leur propre nutrition par attraction, rétention, assimilation et expulsion. A ce titre, Platon a raison d’appeler les plantes des êtres vivants, en ce qu’elles partagent la sensation capable de discerner les choses naturelles ou étrangères, sous la catégorie de l’agréable et du désagréable. Cette faculté permet en effet d’expliquer qu’elles attirent ce qui leur est naturel, l’assimile, et, qu’à l’inverse, elles expulsent le surplus ou l’étranger. Elle trouve son siège dans le foie55 et constitue le principe du sang et des veines, qui servent à nourrir le corps et à faire reconnaître ce qui est naturel ou étranger, par double distinction avec le principe des nerfs qui trouve son siège dans le cerveau, et du principe des artères, qui fournit la chaleur et trouve son siège dans le cœur56. Ainsi les organes végétatifs vivent comme les plantes. D’un point de vue anatomique, « les veines de tout l’animal (sont) comme des rameaux d’un tronc. Aux artères qui, semblables au chevelu des plantes, partent du cœur pour se ramifier dans le poumon correspondent les veines de l’estomac, de la rate et du mésentère57… » D’un point de vue physiologique, leur diversité et leur multiplicité permettent d’apporter la nourriture spécifique à chaque partie. Bref, l’homme et la plante partagent une même forme de vie, une même faculté nutritive naturelle : sous cet aspect, pour Galien comme pour Platon, l’homme est une plante58.

    15Or Galien constitue encore la source principale des anatomies d’Estienne et de Vésale. En particulier, dans le livre consacré aux organes et viscères internes, tous deux se réfèrent à la théorie galénique de la nutrition et à la physiologie de Fernel. Ainsi, Vésale discute sa description anatomique de la bile au livre v, ch. 859, discussion que l’on trouvait déjà chez Fernel60. Lorsqu’ils traitent la question des sièges et des facultés, Estienne et Vésale s’ancrent dans une interprétation plus platonicienne qu’aristotélicienne, en accord avec le contexte parisien d’Estienne61 et à l’enseignement que Vésale a reçu directement de Fernel à Paris. Dans le chapitre 19 du livre v consacré à la méthode anatomique, Vésale reprend à son compte la tripartition des facultés, qu’il veut accorder aux thèses de Galien62. Lorsqu’ils abordent le système veineux et le foie, Estienne et Vésale présentent de même une théorie de la nutrition comme forme de vie végétale. Comme chez Galien, la description du système veineux mobilise le registre végétal du tronc, des branches, des racines et des surgeons. À ce niveau sémantique, s’ajoute néanmoins une représentation visuelle absente des traités de Galien et de Fernel : non seulement les planches d’Estienne ou Vésale montrent des éléments botaniques de façon récurrente autour du corps disséqué, mais surtout les planches consacrées au système veineux font immédiatement penser à des branches, racines et lianes. Ce réseau sémantique et graphique vaut-il de façon métaphorique, ou détermine-t-il la nature même du corps humain ?

    La plante, le corps et la nutrition : analogie ou identité ?

    16Pour répondre à cette question, il faut accepter un détour par l’architecture, qui joue un rôle important dans l’argumentation, le lexique et les représentations anatomiques. Le vocabulaire architectural s’avère d’emblée inscrit dans les termes anatomiques comme des métaphores mortes (fabrica, bâtiment, estançon, norma) ; d’un point de vue visuel, les planches présentent des cités, des colonnes et autres éléments architecturaux qui répondent à l’édifice du corps conçu à partir de l’analogie entre le Dieu opifex et l’homme bâtisseur. Déjà présente chez Galien, retravaillée par Vitruve et par toute la tradition vitruvienne, l’analogie entre architecture et anatomie exprime profondément le style du raisonnement médical, à la fois esthétique et scientifique, théorique et pratique, comme l’ont montré de nombreux travaux consacrés à cette relation analogique entre le corps et l’architecture63. Jamais cependant Estienne ou Vésale ne prétendent identifier ou réduire le corps à une construction humaine ou matérielle, encore moins à une machine au sens cartésien du terme, mais ils utilisent l’architecture et les bâtiments comme une analogie au double niveau des savoirs et des pratiques. En étudiant la constitution de ce corps de papier que propose la planche anatomique, Andrea Carlino souligne la nécessité de recourir à des significations symboliques qui font correspondre des formes visuelles et des métaphores rhétoriques :

    […] le discours anatomique […] est en soi polymorphe, il se prête et invite à l’appropriation et à la réadaptation de son objet. Ces appropriations et réadaptations innombrables, attestées dans les sources, sont toujours exprimées en termes métaphoriques, en puisant aux systèmes symboliques auxquels inévitablement ce discours renvoie : en ce sens, un squelette « anatomique » n’est jamais seulement un squelette…. Entre corps et âme, ou l’espace de l’art dans l’illustration anatomique64.

    17L’anatomie se trouve soumise à un « impératif métaphorique65 » pour penser, dire et montrer le corps humain, vrai, naturel, sain, que nul n’a jamais vu ni palpé dans la diversité des chairs singulières abîmées. La métaphore signe l’écart entre les corps disséqués et la vérité du corps humain, idéal inobservable mais théoriquement nécessaire. Il n’y a pas de vision directe ou immédiate de ce corps idéal, toujours reconstruit à partir des observations empiriques et de la tradition médicale antique. Pour reprendre l’argumentation qu’Hanson (1958) développait en physique, en anatomie aussi, l’œil et le discours se trouvent performés par des modèles et des schèmes qui structurent les champs visuel et lexical. Et Fleck (1934) a montré l’importance des schèmes et des connexions imposés par l’histoire de la médecine pour comprendre la genèse et le développement des faits scientifiques66. Or l’architecture constitue un tel schème topique : elle s’avère omniprésente dans les termes, les figures et les concepts (en particulier ceux de proportion, de norme ou de fabrica67). Ainsi elle permet de penser les proportions parfaites du corps humain pour déterminer ce que doit être le corps humain jamais vu mais recherché à travers la variété des corps déformés imparfaits réellement disséqués.

    18Vésale reprend en effet la détermination de ce corps parfait à partir du canon de Polyclète68 et du paradigme vitruvien, qui inscrit le corps humain69 dans le cercle à partir du nombril ou le carré à partir du pubis70. Il explique encore la situation opposée entre la bouche et l’anus à partir d’un des principes architecturaux des édifices établis par Vitruve, selon lesquels il faut mettre à l’opposé les lieux de la cuisine et de l’excrétion71. Lorsqu’il détermine les règles de construction du théâtre anatomique, Estienne reprend encore les critères vitruviens des théâtres en général72. Ces mêmes critères se retrouvent encore dans le dessin du jardin botanique. En effet, les riformatiri dello studio73 padouans confient la conception du premier jardin botanique à Daniele Barbaro, traducteur de Vitruve, qui inscrit le jardin botanique dans le cercle et le carré, selon le plan reproduit dans l’horto de’i simplici de Girolamo Porro en 1591. Ainsi l’analogie entre architecture, anatomie et botanique détermine la conception structurelle du corps humain sain et beau, du jardin botanique et du théâtre anatomique.

    19Mais les relations entre l’anatomie et la botanique constituent-elles une analogie sous un régime d’équivocité comme pour l’architecture, ou une identité sous régime d’univocité ? Alors que le thème architectural concerne la structure globale du corps humain, le vocabulaire, les concepts et les figures de la plante caractérisent un champ plus circonscrit qui traite d’un problème physiologique précis (la nutrition), associé à un système anatomique bien identifié (le foie et le réseau veineux). Il s’ancre dans une référence explicite à la théorie de Galien qui, à la suite de Platon, conçoit la nutrition comme une forme de vie partagée entre l’homme, l’animal et la plante. Ces éléments aboutissent à deux conclusions. Premièrement, comme l’architecture, les plantes ne se réduisent pas seulement à une fonction d’illustration, mais elles structurent le regard et la théorie dans les planches et le texte. Néanmoins, à la différence de l’architecture, elles ne jouent pas le rôle d’une métaphore structurante : elles expriment l’identité d’un régime de vie commun partagé entre l’homme et la plante. Cette deuxième conclusion trouve sa démonstration textuelle et visuelle dans les analyses et les planches consacrées à la nutrition.

    20Dans le livre iii consacré aux veines, Vésale reprend la théorie de la nutrition selon les quatre facultés étudiées par Galien74. La première planche représentant les ramifications de la veine porte présente le chevelu des plantes que décrivait Galien75.

    Figure 1. Vésale, Les ramifications de la veine porte 

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    Source : Vesalius, Andreas. De humani corporis fabrica libri septem. Bâle Oporinus, 1543, p. 262. © BnF, département Arsenal, FOL-S-975 (1), p. 262, VUE 376/715.

    21La deuxième planche représentant le système veineux dans son ensemble montre l’articulation des troncs veineux (grosses veines partant du foie), des rameaux et des surgeons76.

    Figure 2. Vésale, Le système veineux 

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    Source : Vesalius, Andreas. De humani corporis fabrica libri septem. Bâle Oporinus, 1543, p. 295. © BnF, département Arsenal, FOL-S-975 (1), p. 295, VUE 376/715.

    22La troisième représentant le système artériel reprend l’alternance entre troncs (grosses artères menant aux organes) et rameaux (petites artères menant vers les extrémités du corps77).

    Figure 3. Vésale, Le système artériel 

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    Source : Vesalius, Andreas. De humani corporis fabrica libri septem. Bâle Oporinus, 1543, p. 268. © BnF, département Arsenal, FOL-S-975 (1), p. 268, VUE 376/715.

    23Les planches de Vésale affirment une identité morphologique entre la plante et le système veineux – qui recouvre en partie ce que l’ancienne nomenclature appelle le système végétatif jusqu’en 1976, et maintenant le système nerveux autonome ou viscéral78 –, qui renvoie à une identité fonctionnelle et naturelle. Celles d’Estienne demeurent plutôt dans un registre métaphorique en intégrant le système veineux issu du foie à un corps masculin encastré dans un tronc ; en revanche, le texte utilise la référence galénique et la terminologie en posant une identité ontologique entre le système veineux et le végétal. Dès la présentation générale du projet, Estienne souligne que les plantes et les hommes partagent la même faculté nutritive79. Les veines sont des rameaux80. Les veines et artères du mésentère s’entent dans les intestins comme des racines ; elles s’ordonnent « comme nous voyons les racines aux arbres : se r’encontrent enfin toutes à ung principe81 ». La faculté naturelle et nutritive se situe dans le foie82 et la veine issue du foie semble « ainsy comme quelque tronc d’ung arbre se divise et separe en plusieurs rameaux, aussy chacune de ces dictes venes se multiplie et separe en beaucoup d’autres petitz rynceaux et particules ; et ces particules derechef en d’autres petitz rejetons83 ».

    Figure 4. Estienne, L’homme et l’arbre 

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    Source : Estienne, Charles. La dissection des parties du corps humain : divisée en trois livres… avec des incisions composées par Estienne de la Rivière, chirurgien (Paris, Simon de Colines, 1546), p. 185. © BnF, département Réserve des livre rares, RES G-T-14.

    Figure 5. Estienne, L’homme et l’arbre 

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    Source : Estienne, Charles. La dissection des parties du corps humain : divisée en trois livres… avec des incisions composées par Estienne de la Rivière, chirurgien (Paris, Simon de Colines, 1546), p. 210. © BnF, département Réserve des livre rares, RES G-T-14.

    24En s’inscrivant dans la tradition longue de Platon et Galien, Vésale et Estienne défendent une unité de vie entre l’homme et la plante au niveau de la faculté naturelle. Il ne s’agit pas d’une simple métaphore, mais d’une seule et même faculté qui opère dans les deux cas de façon identique. Sur cette question, tous deux se réfèrent à Galien et Platon, plutôt qu’Aristote. Fernel joue le rôle d’un médiateur commun. D’un point de vue théorique, Estienne et Vésale reprennent la description de la nutrition à travers quatre opérations, qui caractérisent la vie végétative du corps humain et des plantes. Cette description correspond à ce que nous appellerions aujourd’hui le métabolisme, qui agit à la fois au niveau local et global et qualifie la vie à l’état pur. En 1675, Malpighi publie une anatomie des plantes, qui pense l’unicité et l’unité du phénomène de la vie entre les plantes et les hommes à travers la circulation, et non plus la nutrition84 : pour autant, Malpighi ne réduit pas la circulation à un simple mécanisme, elle caractérise le mouvement circulaire propre de la vie qui demeure identique à soi à travers son changement et totalise la multiplicité des parties en un organisme. En 1966, Hans Jonas repart de cette forme de vie partagée qu’il situe dans le métabolisme, fonction vitale commune aux plantes et aux hommes pour penser le phénomène de la vie. Cause de la vie, force qui agit, le métabolisme confère une forme vivante au système spatial de la plante ou de l’homme en maintenant son identité dynamique à travers les échanges avec le monde85. A travers cette ouverture essentielle du vivant au monde, Jonas inscrit la transcendance de la vie dans l’existence métabolisante qu’accomplit parfaitement la plante à travers la photosynthèse. La conception univoque d’une forme de vie commune entre les plantes et l’homme traverse ainsi l’histoire longue de la médecine et de la philosophie, de l’anatomie et de la botanique ; elle s’exprime à travers des savoirs, des institutions, des représentations, et se cristallise sur des phénomènes biologiques certes divers mais qui expriment tous, à un certain moment du savoir, une réflexion radicale sur l’essence-même du phénomène de la vie.

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    Notes de bas de page

    1 Érudit en grec, latin et hébreu, le frère de Charles, Robert Estienne, publie de nouvelles traductions critiques de la Bible. Il se convertit à la religion réformée lorsqu’en 1550, il doit fuir Paris pour Genève à cause de persécutions religieuses. Charles reprend alors la maison familiale d’édition. Sur Vésale et Luther, Cunningham, 2003, p. 223. Cunningham, Grell, 1993 ; Cunningham [1997] 2003, p. 215-235 ; Mandressi, 2013, Carvallo, 2017, p. 82.

    2 Au seizième siècle, le terme botanique désigne l’étude des plantes, qui reste subordonnée à la matière médicale. Les jardins ne s’appellent pas botaniques, mais permettent l’étude des plantes. Il n’y a pas de chaire de botanique. Dans la suite nous utilisons botanique pour désigner cette étude institutionalisée et méthodologique des plantes.

    3 Cazes, 2015, p. 323.

    4 Hippocrate, Ancienne Médecine, chap. 3, cf. Jouanna, 1992, p. 331-332. Galien, De elementis secundum Hippocratem (Éléments selon Hippocrate) C. G. Kühn, I, Leipzig, C. Cnobloch, 1821, p. 413-508, ch. 8, p. 479-480 ; De temperamentis i, 1, C. G. Kühn, i, Leipzig, C. Cnobloch, 1821, p.510 ; De alimentorum facultatibus libri iii (Facultés des aliments), Kühn, vi, 453-748. Jacquart, 2006, p. 259-261. Demont, 2013. Boudon-Millot, 2017.

    5 Boudon-Millot, 2012, p. 264-269.

    6 Galien, Sur les facultés des aliments, John Wilkins, Paris, Belles lettres, 2013 ; Faculté des médicaments simples (De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus), G. Kühn, xi, Leipzig, C. Cnobloch, 1821, p. 379-892 et xii, 1-377 ; Béguin, 1997 ; Reeds, 1976 ; Palmer, 1985. Padoue se trouvait sous la tutelle vénitienne.

    7 Boumedienne, 2016.

    8 Nutton, 1995, 1997 ; Reeds, 1976 ; Palmer, 1985 ; Pietrobelli, 2010 ; Vivo, 2007 ; Boudon-Millot et Cobolet, 2004.

    9 Kusukawa, 2012.

    10 Nutton, 1997.

    11 En 1525-1526, paraît l’édition princeps Aldine des œuvres intégrales de Galien, qui publie un an plus tard les œuvres d’Hippocrate. Le traité de Galien Pratiques anatomiques (De anatomicis Administrationibus) Kühn, ii, 215-731, est ensuite révisé lors de l’édition latine des Galeni omnia Opera à Venise en 1541 par Vésale. Jouanna, Boudon-Millot, 1993.

    12 En 1533 est créée la première chaire d'étude des simples. En 1545, le premier jardin botanique ; en 1561 la première chaire de botanique pratique (Ostensio simplicium in horio). En 1606 paraît à Padoue le premier manuel pratique pour la confection des herbiers. Sur le théâtre comme partie d’un genre épistémique, Giacomotto-Charra, 2018.

    13 Soulier, 2021.

    14 Au nord, Otho Brunfels publie les Herbarum vivae eicones en 1530 à Strabourg ; Leonard Fuchs le De historia stirpium à Bâle en 1542, Kusukawa, 2012.

    15 Le jardin requiert notamment la construction d’un aqueduc achevé en 1575.

    16 Laughran, 2003, Dupuigrenet-Desroussilles, 1989.

    17 Vésale, Lettre sur la racine de Chine (1546), Adresse permanente de cette page www.biusante.parisdescartes.fr/vesale/?e=1&p1=61001&a1=f&v1=00154&c1=1, consulté le 7.10.2022.

    18 Les dissections de Vésale s’effectuaient dans des théâtres anatomiques provisoires, souvent construits avec les contributions financières des étudiants. Même si sa construction fut décrétée dès 1538, le premier théâtre anatomique permanent à Padoue est construit entre 1582-84. Selon les statuts de 1545, la dissection suivait une leçon fondée sur la lecture du livre d’anatomie de Mondini (1318) et servait à en vérifier l’exactitude. Sur l’articulation entre des dissections privées et publiques, Vésale 1543, Livre v, ch. 19, p. 547-548. D’autres dissections privées avaient lieu dans l’église Sainte Catherine du Collège Saint Vincent et dans des officines pharmaceutiques. Pour une présentation des cours d’anatomie et les débats sur l’anatomie publique et privée, Cynthia Klestinec, 2004. Sur la corporation des chirurgiens et son renouveau, Nutton, 1988.

    19 Belon, 1558, Vingtième remontrance.

    20 Cazes, 2008.

    21 Ch. Estienne 1546, De l’appareil du théâtre anatomique, p. 373-4. Sa description reprend les prescriptions vitruviennes, « Du Théâtre » Vitruve, 1547. v, 3 ; Cazes, 2002 ; Huard, Grmek, 1965.

    22 Estienne 1546, 6-7.

    23 Pomata, 2010 ; Pomata, Siraisi, 2005.

    24 Grmek, 1997 ; Mandressi, 2003 ; Siraisi, 2007.

    25 Vesalius, 1543, p. 377 ; Ch. Estienne, i,ch. iv, p. 6.

    26 http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?01034; Carlino, 1999.

    27 Carvallo, 2017, p. 82-86.

    28 Klestinec 2004.

    29 Vésale, 2014, Pièces liminaires, Sign. 2.

    30 Montmollin, 1999; Roberts, Tomlinson, 1992 ; Sawday, 1995; Carlino, 1988 ; Calcagno-Tristant, 2005.

    31 Siraisi, 2001, p. 276.

    32 Vésale, 2014, Pièces liminaires, Sign. 2.

    33 Pigeaud, 1991, 1985, 1990, Temkin, 1977, p. 44; Carlino, 1999a; 1999b;1988; Siraisi, 1997; Harcourt, 1987; Kemp 2010, Carvallo, 2017; 2019.

    34 Estienne, 1546, p. 7.

    35 Pline, La peinture, 1985, p. 151. Dans le texte de Pline, le père se nomme Butadès mais la tradition garde le nom de Dibutades.

    36 Vésale, 1543, p. 548 ; « Pulchritudinem vero non in elementorum, sed in partium commoderatione consistere arbitratur, digiti ad digitum scilicet, omniumque ipsorum ad metacarpium et carpum, et horum ad cubitum, cubiti ad brachium, et omnium ad omnia, quemadmodum in Polycleti regula scritum est. » Galien, De Placitis Hippocratis et Platonis (Doctrines d’Hippocrate et Platon), in Kühn v, 181-805, 448, voir aussi Ph. De Lacy, Corpus Medicorum Graecorum, v4, 1, 2, 3 vol. Berlin 1978-1984 ; trad. Pigeaud, in Pigeaud, 1985 ; Vitruve, 1990 ; Gros, 2006, p. 449 ; Tobin, 1975 ; Carvallo, 2017.

    37 Vésale 1543, p. 164.

    38 Moss, 2002.

    39 Daston, Galison, 2007.

    40 Les termes de fabrique et structure sont communs à Vésale et Estienne (1546, p. 3, 4). Carvallo 2017. L’analogie avec l’architecture est thématisée par Galien, Systématisation de la médecine (De constitutione artis medicae ad Patrophilum), 2003, p. 38-42, 69-72.

    41 Daston, Park, 1998.

    42 Fernel, Physiologia [1567] 2003, ch. 12-14, pp. 363-377. Fernel publie ce traité une première fois sous le titre De naturali parte medicinae (1542) et le republie dans sa deuxième édition sous le titre de Physiologia (1567).

    43 Henry, Introduction. In Fernel [1567] 2003. Siraisi, 1990.

    44 Henry, Introduction. In Fernel [1567] 2003; Hirai 2005a, 2005b, p. 83-103.

    45 Nutton, 1986.

    46 Aristote, De l’âme, ii, 4.

    47 Hirai, 2005a, p. 25.

    48 Galien, De usu partium (De l’utilité des parties du corps humain), iv 17, Pichot-Daremberg, 1994, t.1, p. 84-89 ; v 4 ; De naturalibus facultatibus, (Sur les facultés naturelles), i, 8-10 Daremberg, t.2, p. 222-228 ; ii 6-7, p. 261-266 ; iii, 1-15, p. 284-320.

    49 Platon, Timée 76e-77c. Sur ce passage, voir dans ce même ouvrage, l’annexe de l’article de Luc Brisson qui cite le passage et le commente.

    50 Galien, De naturalibus facultatibus (Sur les facultés naturelles), iii 13-15, Daremberg, t.2, p. 341, 352-353.

    51 Vinkesteijn, 2021, Springer, 55-72.

    52 Aristote, De anima 410b23 ; 435 b.

    53 Galien, De naturalibus facultatibus (Sur les facultés naturelles), iii 15, Daremberg, t.2, p. 318.

    54 Platon, Timée 77b-78d, 1992, p. 455-456.

    55 Vinkesteijn, 2021, Springer, 55-72, p. 61.

    56 Galien, De propriis placitis (Sur ses propres opinions), Boudon-Millot, 1996, p. 128 ; Boudon-Millot, Pietrobelli, 2005, p. 168-213. In Platonis Timaeum commentarii fragmenta (Commentaire au Timée de Platon), CMG, suppl.1, Leibniz-Berlin, 1934, p. 9-26 ; De naturalibus facultatibus (Sur les facultés naturelles), ii, 8, Daremberg, t.2, p. 271.

    57 Galien, De usu partium, xvi, xiv, Daremberg, t.2, p. 197.

    58 Baldassari, 2021b, p. 58 ; Vinkesteijn, 2021, p. 55-72.

    59 Vésale, 1543, p. 510.

    60 Fernel, [1567] 2003, i, c.7. Temkin, 1964, p. 309.

    61 Huard, Grmek, 1965.

    62 Vésale 1543, p. 548

    63 Kemp, 1996, Carlino,1999b, 1999a, Mandressi, 2003, Vons, 2005, Carvallo, 2017.

    64 Carlino, 2001, p. 111.

    65 Carlino, 1999c.

    66 Fleck, 2005, p. 44.

    67 Hanson, 1958, Carvallo, 2017, 2019.

    68 Vésale, 1543, p. 548. Carvallo, 2017, 2019.

    69 Vésale, 1543, p. 389.

    70 Vésale, 1543, 548. Voir aussi Siraisi, 1997 ; Harcourt, 1987, p. 42 ; Pigeaud, 1990, p. 413-418.

    71 Vésale, 1543, p. 395.

    72 Estienne, 1546, p. 373-4.

    73 Il s’agissait d’un groupe de trois ou quatre magistrats, nommés par le Sénat de Venise, pour contrôler et orienter les activités de l’université.

    74 Vésale, 1543, p. 257.

    75 Vésale, 1543, p. 262.

    76 Vésale, 1543, p. 295.

    77 Vésale, 1543, p. 268.

    78 Soubrier, 2006.

    79 Estienne, 1546, p. 6, 195.

    80 Estienne, 1546, p. 31-32.

    81 Estienne, 1546, p. 187.

    82 Estienne, 1546, p. 193.

    83 Estienne, 1546, p. 196.

    84 Sur ce changement de paradigme, Goldberg et Baldassari dans ce volume.

    85 Jonas, 2001, p.32, 86, 89.

    Auteur

    • Sarah Carvallo

      Université de Franche-Comté

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    Géométrie pratique

    Géométrie pratique

    Géomètres, ingénieurs et architectes. XVIe–XVIIIe siècle

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    2015

    Risque et expertise

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    6es conférences Pierre Duhem

    Alexandre Guay (dir.)

    2018

    Science, philosophie, société

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    4e congrès de la Société de Philosophie des Sciences

    Alexandre Guay et Stéphanie Ruphy (dir.)

    2017

    Œuvres d’Ernest Coumet (T. 1)

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    Thierry Martin et Sophie Roux (éd.)

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    Sciences et décision

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    3e congrès de la SPS

    Daniel Andler (dir.)

    2015

    Le langage est-il inné ?

    Le langage est-il inné ?

    Une approche philosophique de la théorie de Chomsky sur le langage

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    Problèmes théoriques et pratiques en biologie évolutionnaire

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    Thierry Martin (dir.)

    2015

    Œuvres d’Ernest Coumet (T. 2)

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    Catherine Goldstein (éd.)

    2019

    Fins de vie plurielles

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    Mourir en démocratie

    Sarah Carvallo (dir.)

    2021

    Les mathématiques comme habitude de pensée

    Les mathématiques comme habitude de pensée

    Les idées scientifiques de Pavel Florenski

    Renato Betti Laurent Mazliak (trad.)

    2022

    Analogies végétales dans la connaissance de la vie de l’Antiquité à l’Âge classique

    Analogies végétales dans la connaissance de la vie de l’Antiquité à l’Âge classique

    Sarah Carvallo et Arnaud Macé

    2023

    Le schème et le diagramme

    Le schème et le diagramme

    Les ancrages matériels de la pensée et le partage visuel des connaissances

    Fabien Ferri, Arnaud Macé et Stefan Neuwirth (dir.)

    2024

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    Introduction générale

    Fins de vie plurielles

    Sarah Carvallo

    La vie et ses analogies : une histoire des discours et des pratiques savants

    Sarah Carvallo et Arnaud Macé

    Communauté des processus et formes de vie partagées

    Sarah Carvallo et Arnaud Macé

    Nutrition et Circulation aux xvie-xviie siècles : de l’analogie à la loi, d’une faculté végétale à une force plastique, puis élastique

    Sarah Carvallo

    Nommer, évaluer, mesurer la détresse existentielle ? Problèmes épistémologiques de la méthode médicale pour évaluer la détresse existentielle

    Sarah Carvallo

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    1 Érudit en grec, latin et hébreu, le frère de Charles, Robert Estienne, publie de nouvelles traductions critiques de la Bible. Il se convertit à la religion réformée lorsqu’en 1550, il doit fuir Paris pour Genève à cause de persécutions religieuses. Charles reprend alors la maison familiale d’édition. Sur Vésale et Luther, Cunningham, 2003, p. 223. Cunningham, Grell, 1993 ; Cunningham [1997] 2003, p. 215-235 ; Mandressi, 2013, Carvallo, 2017, p. 82.

    2 Au seizième siècle, le terme botanique désigne l’étude des plantes, qui reste subordonnée à la matière médicale. Les jardins ne s’appellent pas botaniques, mais permettent l’étude des plantes. Il n’y a pas de chaire de botanique. Dans la suite nous utilisons botanique pour désigner cette étude institutionalisée et méthodologique des plantes.

    3 Cazes, 2015, p. 323.

    4 Hippocrate, Ancienne Médecine, chap. 3, cf. Jouanna, 1992, p. 331-332. Galien, De elementis secundum Hippocratem (Éléments selon Hippocrate) C. G. Kühn, I, Leipzig, C. Cnobloch, 1821, p. 413-508, ch. 8, p. 479-480 ; De temperamentis i, 1, C. G. Kühn, i, Leipzig, C. Cnobloch, 1821, p.510 ; De alimentorum facultatibus libri iii (Facultés des aliments), Kühn, vi, 453-748. Jacquart, 2006, p. 259-261. Demont, 2013. Boudon-Millot, 2017.

    5 Boudon-Millot, 2012, p. 264-269.

    6 Galien, Sur les facultés des aliments, John Wilkins, Paris, Belles lettres, 2013 ; Faculté des médicaments simples (De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus), G. Kühn, xi, Leipzig, C. Cnobloch, 1821, p. 379-892 et xii, 1-377 ; Béguin, 1997 ; Reeds, 1976 ; Palmer, 1985. Padoue se trouvait sous la tutelle vénitienne.

    7 Boumedienne, 2016.

    8 Nutton, 1995, 1997 ; Reeds, 1976 ; Palmer, 1985 ; Pietrobelli, 2010 ; Vivo, 2007 ; Boudon-Millot et Cobolet, 2004.

    9 Kusukawa, 2012.

    10 Nutton, 1997.

    11 En 1525-1526, paraît l’édition princeps Aldine des œuvres intégrales de Galien, qui publie un an plus tard les œuvres d’Hippocrate. Le traité de Galien Pratiques anatomiques (De anatomicis Administrationibus) Kühn, ii, 215-731, est ensuite révisé lors de l’édition latine des Galeni omnia Opera à Venise en 1541 par Vésale. Jouanna, Boudon-Millot, 1993.

    12 En 1533 est créée la première chaire d'étude des simples. En 1545, le premier jardin botanique ; en 1561 la première chaire de botanique pratique (Ostensio simplicium in horio). En 1606 paraît à Padoue le premier manuel pratique pour la confection des herbiers. Sur le théâtre comme partie d’un genre épistémique, Giacomotto-Charra, 2018.

    13 Soulier, 2021.

    14 Au nord, Otho Brunfels publie les Herbarum vivae eicones en 1530 à Strabourg ; Leonard Fuchs le De historia stirpium à Bâle en 1542, Kusukawa, 2012.

    15 Le jardin requiert notamment la construction d’un aqueduc achevé en 1575.

    16 Laughran, 2003, Dupuigrenet-Desroussilles, 1989.

    17 Vésale, Lettre sur la racine de Chine (1546), Adresse permanente de cette page www.biusante.parisdescartes.fr/vesale/?e=1&p1=61001&a1=f&v1=00154&c1=1, consulté le 7.10.2022.

    18 Les dissections de Vésale s’effectuaient dans des théâtres anatomiques provisoires, souvent construits avec les contributions financières des étudiants. Même si sa construction fut décrétée dès 1538, le premier théâtre anatomique permanent à Padoue est construit entre 1582-84. Selon les statuts de 1545, la dissection suivait une leçon fondée sur la lecture du livre d’anatomie de Mondini (1318) et servait à en vérifier l’exactitude. Sur l’articulation entre des dissections privées et publiques, Vésale 1543, Livre v, ch. 19, p. 547-548. D’autres dissections privées avaient lieu dans l’église Sainte Catherine du Collège Saint Vincent et dans des officines pharmaceutiques. Pour une présentation des cours d’anatomie et les débats sur l’anatomie publique et privée, Cynthia Klestinec, 2004. Sur la corporation des chirurgiens et son renouveau, Nutton, 1988.

    19 Belon, 1558, Vingtième remontrance.

    20 Cazes, 2008.

    21 Ch. Estienne 1546, De l’appareil du théâtre anatomique, p. 373-4. Sa description reprend les prescriptions vitruviennes, « Du Théâtre » Vitruve, 1547. v, 3 ; Cazes, 2002 ; Huard, Grmek, 1965.

    22 Estienne 1546, 6-7.

    23 Pomata, 2010 ; Pomata, Siraisi, 2005.

    24 Grmek, 1997 ; Mandressi, 2003 ; Siraisi, 2007.

    25 Vesalius, 1543, p. 377 ; Ch. Estienne, i,ch. iv, p. 6.

    26 http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?01034; Carlino, 1999.

    27 Carvallo, 2017, p. 82-86.

    28 Klestinec 2004.

    29 Vésale, 2014, Pièces liminaires, Sign. 2.

    30 Montmollin, 1999; Roberts, Tomlinson, 1992 ; Sawday, 1995; Carlino, 1988 ; Calcagno-Tristant, 2005.

    31 Siraisi, 2001, p. 276.

    32 Vésale, 2014, Pièces liminaires, Sign. 2.

    33 Pigeaud, 1991, 1985, 1990, Temkin, 1977, p. 44; Carlino, 1999a; 1999b;1988; Siraisi, 1997; Harcourt, 1987; Kemp 2010, Carvallo, 2017; 2019.

    34 Estienne, 1546, p. 7.

    35 Pline, La peinture, 1985, p. 151. Dans le texte de Pline, le père se nomme Butadès mais la tradition garde le nom de Dibutades.

    36 Vésale, 1543, p. 548 ; « Pulchritudinem vero non in elementorum, sed in partium commoderatione consistere arbitratur, digiti ad digitum scilicet, omniumque ipsorum ad metacarpium et carpum, et horum ad cubitum, cubiti ad brachium, et omnium ad omnia, quemadmodum in Polycleti regula scritum est. » Galien, De Placitis Hippocratis et Platonis (Doctrines d’Hippocrate et Platon), in Kühn v, 181-805, 448, voir aussi Ph. De Lacy, Corpus Medicorum Graecorum, v4, 1, 2, 3 vol. Berlin 1978-1984 ; trad. Pigeaud, in Pigeaud, 1985 ; Vitruve, 1990 ; Gros, 2006, p. 449 ; Tobin, 1975 ; Carvallo, 2017.

    37 Vésale 1543, p. 164.

    38 Moss, 2002.

    39 Daston, Galison, 2007.

    40 Les termes de fabrique et structure sont communs à Vésale et Estienne (1546, p. 3, 4). Carvallo 2017. L’analogie avec l’architecture est thématisée par Galien, Systématisation de la médecine (De constitutione artis medicae ad Patrophilum), 2003, p. 38-42, 69-72.

    41 Daston, Park, 1998.

    42 Fernel, Physiologia [1567] 2003, ch. 12-14, pp. 363-377. Fernel publie ce traité une première fois sous le titre De naturali parte medicinae (1542) et le republie dans sa deuxième édition sous le titre de Physiologia (1567).

    43 Henry, Introduction. In Fernel [1567] 2003. Siraisi, 1990.

    44 Henry, Introduction. In Fernel [1567] 2003; Hirai 2005a, 2005b, p. 83-103.

    45 Nutton, 1986.

    46 Aristote, De l’âme, ii, 4.

    47 Hirai, 2005a, p. 25.

    48 Galien, De usu partium (De l’utilité des parties du corps humain), iv 17, Pichot-Daremberg, 1994, t.1, p. 84-89 ; v 4 ; De naturalibus facultatibus, (Sur les facultés naturelles), i, 8-10 Daremberg, t.2, p. 222-228 ; ii 6-7, p. 261-266 ; iii, 1-15, p. 284-320.

    49 Platon, Timée 76e-77c. Sur ce passage, voir dans ce même ouvrage, l’annexe de l’article de Luc Brisson qui cite le passage et le commente.

    50 Galien, De naturalibus facultatibus (Sur les facultés naturelles), iii 13-15, Daremberg, t.2, p. 341, 352-353.

    51 Vinkesteijn, 2021, Springer, 55-72.

    52 Aristote, De anima 410b23 ; 435 b.

    53 Galien, De naturalibus facultatibus (Sur les facultés naturelles), iii 15, Daremberg, t.2, p. 318.

    54 Platon, Timée 77b-78d, 1992, p. 455-456.

    55 Vinkesteijn, 2021, Springer, 55-72, p. 61.

    56 Galien, De propriis placitis (Sur ses propres opinions), Boudon-Millot, 1996, p. 128 ; Boudon-Millot, Pietrobelli, 2005, p. 168-213. In Platonis Timaeum commentarii fragmenta (Commentaire au Timée de Platon), CMG, suppl.1, Leibniz-Berlin, 1934, p. 9-26 ; De naturalibus facultatibus (Sur les facultés naturelles), ii, 8, Daremberg, t.2, p. 271.

    57 Galien, De usu partium, xvi, xiv, Daremberg, t.2, p. 197.

    58 Baldassari, 2021b, p. 58 ; Vinkesteijn, 2021, p. 55-72.

    59 Vésale, 1543, p. 510.

    60 Fernel, [1567] 2003, i, c.7. Temkin, 1964, p. 309.

    61 Huard, Grmek, 1965.

    62 Vésale 1543, p. 548

    63 Kemp, 1996, Carlino,1999b, 1999a, Mandressi, 2003, Vons, 2005, Carvallo, 2017.

    64 Carlino, 2001, p. 111.

    65 Carlino, 1999c.

    66 Fleck, 2005, p. 44.

    67 Hanson, 1958, Carvallo, 2017, 2019.

    68 Vésale, 1543, p. 548. Carvallo, 2017, 2019.

    69 Vésale, 1543, p. 389.

    70 Vésale, 1543, 548. Voir aussi Siraisi, 1997 ; Harcourt, 1987, p. 42 ; Pigeaud, 1990, p. 413-418.

    71 Vésale, 1543, p. 395.

    72 Estienne, 1546, p. 373-4.

    73 Il s’agissait d’un groupe de trois ou quatre magistrats, nommés par le Sénat de Venise, pour contrôler et orienter les activités de l’université.

    74 Vésale, 1543, p. 257.

    75 Vésale, 1543, p. 262.

    76 Vésale, 1543, p. 295.

    77 Vésale, 1543, p. 268.

    78 Soubrier, 2006.

    79 Estienne, 1546, p. 6, 195.

    80 Estienne, 1546, p. 31-32.

    81 Estienne, 1546, p. 187.

    82 Estienne, 1546, p. 193.

    83 Estienne, 1546, p. 196.

    84 Sur ce changement de paradigme, Goldberg et Baldassari dans ce volume.

    85 Jonas, 2001, p.32, 86, 89.

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