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Claude Pierre Molard (1759-1837)

 | 
Liliane Hilaire-Pérez
, 
François Jarrige

Itinéraires familiaux et professionnels

12. François Emmanuel Molard, des premières écoles d'arts et métiers au Conservatoire et à la littérature technologique

Patrice Bret

Texte intégral

  • 1 J’ai souvent échangé avec Dominique De Place depuis notre rencontre lors d’une première recherche (...)
  • 2 Ingénieur des arts et métiers (Bordeaux 1968-1972), Jean-Louis Eytier (1948-2019) était professeur (...)

En hommage à Dominique De Place1 et à Jean-Louis Eytier2

  • 3 Dominique De Place, « L’incitation au progrès technique », op. cit., et « Molard, Claude-Pierre (1 (...)
  • 4 Dans ce texte, Molard sans précision désigne Molard jeune.
  • 5 Michel Mignot, « La vie du duc de La Rochefoucauld-Liancourt », Arts & Métiers Mag, n° 400 à 405, (...)
  • 6 Tous les dictionnaires ont puisé dans Arnault et al., Biographie nouvelle des contemporains, Paris (...)
  • 7 Je remercie pour la communication d’informations ou documents : Michel Mignot et Henri Frier (Fond (...)

1La figure de Claude Pierre Molard domine l’histoire des deux premières décennies du Conservatoire des arts et métiers avant de s’effacer avec les réformes de la Restauration. Par les archives qu’il a laissées et les collections qu’il a gérées, constituées et inventoriées de 1784 à 1816, elle s’est même longtemps imposée, à bien des égards, comme une figure incontournable pour les spécialistes de l’histoire des techniques en France pendant cette période cruciale de transition et d’innovation3. Dans l’histoire des premières écoles d’arts et métiers, de 1803 à 1816, sous le Consulat, l’Empire et la Restauration, c’est la figure de son frère cadet François-Emmanuel Molard, dit Molard jeune4, qui émerge et s’impose derrière la figure tutélaire du duc de La Rochefoucauld-Liancourt5, sans doute plus discrètement car le personnage reste encore fort méconnu, bien qu’il soit entré dans les dictionnaires biographiques avant son aîné6. Nous retracerons ici sa carrière et son action, sur le terrain et par la plume, pour diffuser activement une technologie ouverte, d’abord en province, dans les premières écoles d’arts et métiers, puis à Paris, avec la multiplicité des voies qu’il emprunta pour promouvoir l’innovation dans les arts mécaniques et la modernisation de l’industrie française, expression qui incluait alors naturellement l’agriculture7.

Entre pratique et théorie des arts mécaniques : les années de formation

  • 8 État de service du 30 pluviôse an IX (19 février 1801), Service historique de la défense, départem (...)
  • 9 « Une erreur très répandue en fait d’ailleurs deux frères, ce que démentent absolument les registr (...)
  • 10 Acquéreur d’un bien national en 1790 (le prieuré de Cuttura ou des Bouchoux), puis notaire et aube (...)

2La jeunesse de Molard jeune, comme celle de son aîné, reste encore dans l’obscurité. Lui-même a jeté le doute sur sa naissance en la plaçant en 1774 dans un document autographe8, ce qui a pu conduire à le confondre avec un cousin9. Septième et dernier enfant de Claude-François Molard, cultivateur, et de son épouse, Marie-Thérèse Bussod, fille d’un maître chirurgien et nièce du notaire du village des Bouchoux, il est né le 18 mars 1772 au « canton des Cernoisses Metraz de cette paroisse ». Son oncle Gaspard Bussod (1737-1812), lui-même chirurgien et notaire aux Bouchoux de 1770 à 1802, pourrait avoir joué un rôle dans la formation de l’enfant10. Toujours est-il qu’Emmanuel fit ses études au collège de Saint-Claude, sur les pas de son frère Claude Pierre. Faute de sources, il est difficile d’apprécier l’impact sur le collégien de la carrière de ce dernier – son aîné de treize ans – dans les arts mécaniques, mais elle fut sans doute non négligeable. La Révolution et la guerre firent le reste.

La réquisition et l’École nationale aérostatique de Meudon (1793-1796)

  • 11 SHD, GR 2Ye Molard.
  • 12 Requis le 3 pluviôse an iii (Arch. nat., AF/II/220, dos. 1894, pièce 55 ; SHD, GR Xe 103), il rejo (...)

3À la levée en masse, décrétée le 23 août 1793, Molard jeune fut élu lieutenant dans le bataillon de réquisition de Saint-Claude, bientôt incorporé au 1er bataillon du Puy de Dôme qui fut versé en février 1794 dans la 54e demi-brigade, avec laquelle il fit la campagne sur le Rhin11. Il était devant Mayence pour une seconde campagne lorsqu’il fut requis en janvier 1795 par le Comité de Salut public à la demande de Nicolas-Jacques Conté, directeur de l’École nationale aérostatique de Meudon, pour devenir élève aérostier12. À l’évidence, Conté, également démonstrateur au Conservatoire des arts et métiers créé trois mois plus tôt, rendait ainsi un éminent service à Molard aîné, son adjoint dans la jeune institution, en retirant du front son jeune frère.

  • 13 Jānis Langins, « Hydrogen productionfor ballooning during the French Revolution: An early example (...)
  • 14 Patrice Bret, « La mise en place humaine et industrielle de l’aérostation militaire (1794-1796). E (...)

4Par cette nouvelle affectation bienvenue, Molard jeune allait non seulement échapper aux dangers de la guerre, mais aussi recevoir une formation technique, très spécialisée dans sa finalité mais associant des pratiques artisanales à des techniques issues de la recherche savante13, avec pour condisciples une majorité de fils d’artisans ou artisans eux-mêmes (maçons, cordiers, tailleurs…), quelques-uns très jeunes élèves de l’École de Mars14. Il arriva à Meudon en mai, au moment où la seconde compagnie d’aérostiers partait à l’armée du Rhin, amputant l’école du tiers de ses effectifs et notamment de ses meilleurs éléments. Du fait de sa formation première en collège et de son expérience d’une année de commandement, il fut très rapidement élu à nouveau sous-lieutenant officier de police par ses camarades durant l’été, ce qui, outre le soutien du directeur, suppose probablement aussi un certain ascendant sur eux.

5Les études aérostatiques, essentiellement pratiques, portaient sur la fabrication (coupe de l’aérostat et sa confection, manière de faire le vernis et de l’employer), le gonflement (construction du fourneau et ses accessoires, différents appareils et mesures préalables à la décomposition de l’eau, extraction du gaz hydrogène et son introduction dans l’aérostat) et les manœuvres du ballon dans les ascensions, toutes opérations délicates pour produire et manipuler des centaines de mètres cubes de gaz inflammable. Les élèves appelés à commander, comme Molard, devaient posséder toutes les connaissances théoriques et pratiques pour diriger ces opérations : maçonnerie, serrurerie, géométrie, chimie, physique. Il put aussi se perfectionner en dessin, que Conté enseignait lui-même, et en mathématiques, professées par le sous-directeur, Bouchard, « instituteur » de cette discipline à Saint-Denis avant d’être requis comme élève pour Meudon.

  • 15 Patrice Bret, « Les épreuves aérostatiques de l’École polytechnique en l’an iv : de la géométrie d (...)

6Molard participa notamment à la fabrication de la nouvelle génération de ballons mise en service pour la campagne de 1796 – les plus gros sphériques, de 30 pieds (près de dix mètres) – puis au gonflement de l’un d’eux, L’Aigle, destiné notamment aux expériences communes entre l’École de Meudon et l’École polytechnique, pour des levés topographiques aériens et des essais de télégraphie aérienne15. Peut-être fit-il aussi partie des élèves qui participaient à la recherche, comme ceux qui furent blessés auprès du directeur lors du second accident de Conté en juin 1796. Enfin, tout en suivant cette formation technique, il développait sa pratique du commandement dans un cadre différent de celui de l’armée.

  • 16 Il commença par réduire de 60 % la commande de taffetas pour la construction de ballons. Voir P. B (...)

7Pour les élèves de niveau supérieur, appelés à devenir officiers aérostiers, les perspectives de carrière étaient fort réduites, surtout depuis que le Comité de salut public thermidorien avait décidé, en février 1795, de renoncer à doter chacune des quatorze armées et qu’il n’existait que deux compagnies16. Probablement avait-il aussi d’autres ambitions, comme quelques camarades qui mettaient à profit une partie de leur temps loin des champs de batailles et des distractions de la capitale pour poursuivre leurs études et préparer le concours de l’École polytechnique.

L’École polytechnique et l’école d’artillerie de Châlons (1796-1801)

  • 17 Monge à Guyton, Paris, 26 juin 1794 (coll. part.). Le Comité de salut public prit un arrêté en ce (...)

8Avant même la création officielle de l’École nationale aérostatique le 31 octobre 1794, le Centre des épreuves aérostatiques de Meudon avait accueilli des élèves qui cherchaient à échapper à la vie des camps. Dès le mois de juin, alors que Monge œuvrait à la création de l’École centrale des travaux publics – créée en septembre suivant et devenue École polytechnique un an plus tard – lui-même avait ainsi placé à Meudon, dans ce but explicite, son protégé Bergé, polytechnicien de la première promotion en novembre17. D’autres élèves aérostiers s’y préparèrent également et deux furent reçus l’année suivante. Molard profita aussi de sa relative liberté pour se livrer à l’étude des mathématiques et une profonde réforme allait lui offrir l’occasion de franchir le pas.

  • 18 Patrice Bret, « Les épreuves aérostatiques », op. cit. ; id., « Du concours de l’an II à la suppre (...)

9En effet, les expériences menées à Meudon avec l’École polytechnique conduisirent le Directoire exécutif, le 10 thermidor an IV (28 juillet 1796), à prendre un arrêté transformant l’école de Meudon en école d’application de Polytechnique. L’enseignement aérostatique était désormais intégré à la formation des élèves ingénieurs géographes, qui devaient le suivre avant ou après celui de l’École des géographes créée auprès du Bureau du Cadastre dirigé par l’ingénieur Prony, également directeur de l’École des Ponts et chaussées18. L’article 19 stipulait que « les élèves [aérostiers] actuels qui auront assez d’instruction sur les éléments de mathématiques pourront concourir au mois de Brumaire prochain pour l’admission à l’école Polytechnique » ; les autres étaient renvoyés aux armées.

Fig. 1. Certificat de Conté. Arch. École polytechnique.

Fig. 1. Certificat de Conté. Arch. École polytechnique.
  • 19 AEP, III 3b (1795), « Enseignement aérostatique » ; SHD, GR Xe 103, pièce 58 et dossier sur l’écol (...)
  • 20 13e compagnie du 8e Régiment d’artillerie légère. Il occupe encore ce poste en février 1801 (SHD, (...)

10Muni d’un certificat de Conté du 18 octobre 1796 (fig. 1), Molard se présenta au concours avec quelques camarades, dont le sous-directeur Bouchard. Ayant réussi, il démissionna de Meudon le 5 décembre, reçut un certificat de civisme de l’administration municipale du canton de Sèvres le 13 et intégra, le surlendemain, la troisième promotion de l’école d’élite des ingénieurs et savants19. Durant deux ans, il suivit le cursus théorique et pratique avec les meilleurs professeurs de mathématiques (Monge, Laplace, Fourier) et de chimie (Fourcroy, Berthollet) et de brillants jeunes anciens élèves, comme le répétiteur d’analyse Louis Benjamin Francœur. À l’issue d’un examen de sortie avec Laplace, il fut admis à l’École d’artillerie de Châlons, le 17 décembre 1798, et, après seize mois de formation spécialisée dans cette arme savante, il en sortit lieutenant en second, en avril 1800, pour rejoindre son commandement à Saint-Brieuc20.

  • 21 Il était toujours second lieutenant (Berthier à Chaptal, 20 avril 1803, Arch. nat., F/12/1130/A, d (...)

11Molard avait moins de trois ans de service21 lorsque Conté lui offrit, pour la seconde fois en huit ans, d’échapper à une carrière militaire risquée, alors que la tension qui montait entre la France et l’Angleterre allait conduire à la rupture de la Paix d’Amiens, le 18 mai 1803, et de faire valoir plus utilement ses talents en participant à la mise en œuvre d’une nouvelle génération d’écoles techniques.

La difficile naissance des « écoles polytechniques pratiques22 » : les écoles d’arts et métiers (1803-1816)

  • 22 Molard, discours de distribution des prix, 30 août 1816 (Arch. A&M).
  • 23 Claude-Anthelme Costaz, Histoire de l’Administration de l’agriculture…, Paris, Mme Huzard, 1832, t (...)

12Le ministre de l’Intérieur Chaptal avait chargé Conté, démonstrateur du Conservatoire des arts et métiers, et Louis Costaz, examinateur de mathématiques à l’École polytechnique – tous deux membres de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale qu’il présidait depuis sa fondation en 1801 – de préparer le programme d’un enseignement des arts mécaniques. Les deux hommes se rendirent à Compiègne pour étudier la possibilité de transformer le Prytanée militaire en école d’arts et métiers23.

  • 24 Rapport au gouvernement avec plan d’études et projet d’arrêté (Arch. nat., F/17/1379, pièce 35), c (...)
  • 25 Minute de l’arrêté avec corrections (Arch. nat., F/17/1144, dossier 13), cité ibid.
  • 26 « Tout à Compiègne conserve la trace de la présence de Conté » (Gérando, « Éloge de Conté », BSEIN(...)

13Leur projet, présenté par Chaptal le 4 février 1803, entendait « former de bons artistes ou ingénieurs des arts et manufactures » : cinq des meilleurs élèves (« aspirants ») seraient entretenus au Conservatoire pendant deux ans pour y étudier et visiter les ateliers de la capitale, puis se verraient délivrer « un brevet d’ingénieur des arts et manufactures […] pour être employés dans les travaux analogues à leur instruction qui sont exécutés au compte du gouvernement24 ». Sans doute trop ambitieux compte tenu de la masse des élèves du Prytanée militaire qui devaient former les premières cohortes de l’établissement, leur objectif fut revu à la baisse par l’arrêté du 25 février instituant l’école d’arts et métiers de Compiègne, qui n’entendait former plus que « de bons ouvriers et des chefs d’atelier », les aspirants entretenus au Conservatoire n’obtenant plus, après examen, qu’« un brevet de capacité dans l’art ou le métier qu’ils auront exercé » et la possibilité d’être employés de préférence dans les travaux et ateliers du gouvernement25. Afin d’organiser ce double enseignement à vocation industrielle, Conté choisit des hommes de confiance parmi ses anciens collaborateurs, à commencer par Molard26.

Inventer un enseignement technique : l’école de Compiègne/Châlons

  • 27 Molard à Chaptal, 23 ventôse an XI/14 mars 1803 (Arch. nat., F/12/1130/A).
  • 28 Matricule de l’école de Châlons, AD Marne.

14Le 8 mars 1803, Chaptal nomma Molard directeur des travaux et de l’instruction de l’école des arts et métiers de Compiègne, avec un salaire de 4 000 francs. En répondant au ministre, l’officier précisa qu’il acceptait le poste parce que, dit-il, « je compte sur votre protection, sur les conseils et les secours des Cens Conté, Costaz, Montgolfier, et mon frère qui m’honorent tous de leur bienveillance27 ». Il ajoutait qu’il préparait déjà le matériel et le plan « sous la direction de Conté ». Pour mieux vaincre les préjugés envers les arts mécaniques dans une société dominée par une culture de guerre depuis dix ans et pour accroître la faible considération attachée à ses nouvelles fonctions, l’officier demanda vainement à conserver son grade et le port de l’uniforme avant d’aller prendre son poste civil à Compiègne le 1er mai 180328 dans un climat difficile car :

  • 29 Molard, « Écoles d’arts et métiers », Dictionnaire technologique, t. 7, 1825, p. 455-463 (p. 456).

[la] belle et nombreuse jeunesse, élevée au bruit des armes et bercée d’un avenir rempli de triomphe […] se plia difficilement à l’idée qu’il fallait embrasser un état qu’elle regardait comme moins brillant et moins honorable que l’état militaire. Il ne fallut rien moins que la courageuse prudence et les discours pleins de raison de MM. Conté et Louis Costaz, commissaires chargés de présider à cette nouvelle organisation, pour maintenir la paix dans l’établissement. Elle n’y fut assurée que quand on eut renvoyé à leurs parens, ou qu’on eut fait passer dans d’autres écoles conservées sur le pied militaire, tous les élèves qui continuaient à se montrer indociles29.

  • 30 Labâte ne fut nommé que le 23 septembre 1803 (matricule de l’école de Châlons, AD Marne). Son comp (...)
  • 31 Claude-Anthelme Costaz, Histoire, op. cit., 1832, t. II, p. 232.

15Le jeune directeur de l’école devenait le pivot sur lequel allait reposer la marche de l’établissement, bien qu’il fût subordonné au proviseur, d’abord Berton, bientôt « déplacé » par Bonaparte, puis Labâte, ancien médecin de la Commission des sciences et arts d’Égypte30. Son rôle fut de concrétiser sur le terrain le défi que Conté et Costaz avaient relevé sur le papier : « réunir deux enseignemens regardés, jusqu’alors, comme incompatibles, ceux des arts mécaniques et de ce qu’on jugerait utile de conserver de l’instruction donnée dans les collèges31 ».

  • 32 Citation aimablement communiquée par Michel Mignot.
  • 33 Note non datée, AD Marne, transcrite par Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p.  88.
  • 34 Cnam. Archives historiques. Bibl. 138 (désormais : Cnam. Arch. hist. Bibl…).

16Trois ans plus tard, le ministre de l’Intérieur (Champagny) chargea le duc de La Rochefoucauld-Liancourt d’une inspection pour savoir si l’école « devait être détruite de suite ou si elle pouvait être conservée ». Notant alors pour la première fois les cadres de l’école, le duc salua le travail du directeur : « Beaucoup de connaissances, de talents et de zèle ; caractère très désintéressé ayant établi cette année beaucoup plus d’ordre dans les ateliers. Très aimé des élèves32. » En revanche, il critiqua sévèrement « l’insuffisance et l’imperfection des règlements […], on voit bien l’intention de créer une école d’arts et métiers, mais sans plan, sans moyens, sans aucun des détails nécessaires à cette formation33. » De fait, en transformant le Prytanée militaire de Compiègne en école d’arts et métiers, le gouvernement l’avait réservée aux enfants de militaires sans fixer l’âge d’entrée. Aussi, lors de son inspection, le 4 juillet 1806, La Rochefoucauld-Liancourt trouva-t-il, parmi les 503 élèves, une cinquantaine d’enfants de moins de huit ans, certains même moins de trois ans, dans une section dirigée par « une demi-douzaine de bonnes sous les ordres du proviseur34 ».

  • 35 Adnès père, membre la Commission des sciences et arts d’Égypte, dirigeait l’atelier des forges sou (...)
  • 36 Claude-Anthelme Costaz, Histoire, op. cit., 1832, t. II, p. 333-334.

17La nouvelle école avait pourtant bien changé de fonctions. Sous la direction d’un autre ancien collaborateur de Conté en Égypte35, l’atelier des forges y était central : « c’est là que s’exerce le premier des arts mécaniques, et que, sans cet art, on peut rarement exploiter les autres », écrit Claude-Anthelme Costaz36, mais la force requise et les fatigues endurées en réservaient l’accès aux élèves assez âgés et de bonne constitution physique. Tous les ateliers participaient à l’apprentissage des métiers du fer et du bois et, par l’intermédiaire de Conté et Molard aîné, l’école fut aussitôt intégrée aux réseaux d’innovation industrielle parisiens.

  • 37 Arch. SEIN, PV, reg. 1, 8 germinal an xi.
  • 38 Chaptal à C. P. Molard, 9 nivôse an xi/30 décembre 1802 (Cnam. Arch. hist., Bibl. 353).
  • 39 BSEIN, messidor an xii (juin-juillet 1804), p. 13. Voir dans ce volume le chapitre 6 de Philippe  (...)
  • 40 Ibid.

18La première commande provint sans doute de la Société d’Encouragement. À la séance du 29 mars 1803, le député du Doubs Girod-Chantrans, membre de la société et directeur de la correspondance de ce département à Besançon, demanda où se procurer un modèle d’un des meilleurs moulins à vent37. Au lendemain d’une vaste enquête sur les moulins du Bassin parisien lancée par Chaptal un an plus tôt, le Premier Consul lui demanda l’étude d’un projet d’ « établissement en France de 100 moulins à scie à l’instar de ceux de Hollande », que le ministre confia à Molard aîné et à Conté38. Aussi, sur la proposition du premier, chargé de faire construire en grand un moulin de ce type, la société décida de faire exécuter pour son propre compte « un modèle de moulin à vent, construit sur le système hollandois : systême dont les avantages sont généralement reconnus, mais qui ne s’est point encore introduit en France »39. Onze mois plus tard, en février 1804, C. P. Molard y présenta ce modèle au 1/20e « exécuté dans l’école de Compiègne, par les soins de M. Molard, directeur de cette école, et par l’obligeante intervention de M. Molard, son frère, administrateur du Conservatoire des Arts et Métiers » pour un coût de 400 francs40. La société en fit don « aux sociétaires du département du Doubs, dont le zèle actif et constant méritoit ce retour, et qui y ont paru très-sensibles », précise son Bulletin, qui ajoute :

  • 41 Ibid. Voir aussi « Note sur un modèle de moulin à vent présenté au conseil d’administration dans s (...)

Les dessins et la description sont restés déposés aux archives de la Société, pour servir à la construction d’un nouveau modèle, qui deviendra nécessaire, si, comme nous le pensons, on sent tout le prix d’une construction aussi économique, et si on l’adopte dans les moulins qui entourent la capitale. Il faut observer que le même moteur peut être aussi utilement appliqué aux scies à bois, aux moulins à huile, à tabac, à orge perlée, etc. (ce qui achèvera de donner au travail de M. Molard [jeune] une très-haute importance41.

  • 42 L’administrateur en avait demandé le retour pour « satisfaire S.S. [Pie VII] », qui visita l’établ (...)
  • 43 Molard jeune à Molard aîné, Compiègne, 20 pluviôse an XIII/9 fév. 1805, Cnam. Arch. hist. Bibl. 36 (...)

19Dès la première année probablement aussi, Conté, qui s’occupait alors d’expertises et de projets de filatures, avait adressé à Compiègne les pièces d’une machine à carder de 300 broches pour servir de modèle42. Durant l’automne et l’hiver suivant, tout en construisant à l’école les machines-outils nécessaires à la réalisation des cardes demandées par le Conservatoire – sans doute pour son école de filature – Molard expédiait au fur et à mesure celles-ci en pièces détachées à son frère, par divers canaux43. De son côté, ce dernier participait à l’approvisionnement de l’école en matières premières : en février 1805, François Emmanuel le priait de lui réserver 500 à 600 livres de cuivre de canons autrichiens dont il avait « un grand besoin » et de lui céder le fer plat coulé que Monneret lui avait envoyé par erreur.

  • 44 Sur ces expositions, voir Christiane Demeulenaere-Douyère, « Pour le progrès des “arts” en France  (...)
  • 45 Louis Costaz, Rapport du Jury sur les produits de l’industrie française, Paris, Impr. impériale, 1 (...)
  • 46 Claude-Anthelme Costaz, Notice sur les objets envoyés à l’exposition des produits de l’industrie f (...)
  • 47 Louis Costaz, Rapport du Jury (1806), op. cit., n° 361, p. 110.

20L’année suivante, l’école produisait une assez grande variété d’articles qui furent mis en avant aux côtés de ceux des manufactures lors de l’exposition des produits de l’industrie française sur l’esplanade des Invalides en septembre 180644 : « des outils de menuisier, des arbres de tour en l’air, des vilebrequins à boîte d’acier et de cuivre assortis d’un grand nombre de mèches, des vis à bois et des limes : tous ces objets, construits sur les meilleurs modèles, sont exécutés avec un soin qui fait l’éloge du talent des chefs et de l’intelligence des élèves45 » ou bien « des outils de moulure, de menuiserie, de serrurerie, des vis à bois, un étui de mathématiques, etc46. ». Mieux, le jury central de l’exposition – dont L. Costaz était le rapporteur et Molard aîné l’un des membres – attribua à l’école une des trois mentions honorables pour ses « limes excellentes, bien faites, dures et ne s’égrénant pas47 ». Mais déjà, une note de bas de page du rapport annonçait le transfert prochain de l’école à Châlons sur Marne.

  • 48 J. Berland, Histoire de l’École d’arts et métiers de Châlons (1951), p. 21 à 33, cité par Guy Capl (...)
  • 49 Ibid., p. 30, cité par Id., L’Inspection générale, op. cit., p. 91.
  • 50 Ibid., p. 33-36, cité par Id., L’Inspection générale, op. cit., p. 90 (prévoyant la construction d (...)
  • 51 Michel Mignot, « Les “28 morts de Châlons”, fin d’une légende », Arts &Métiers Mag, octobre 2019, (...)

21En août 1806, au lendemain de l’inspection de La Rochefoucauld-Liancourt, Molard fut envoyé en mission, muni d’une lettre du ministre au préfet du 8 du mois, afin de reconnaître les locaux de Châlons – qu’il connaissait déjà pour y avoir été élève-officier d’artillerie. Il était chargé « de dresser le devis estimatif des réparations ou aménagements indispensables, et de procéder aux travaux reconnus nécessaires [pour que] la translation de l’École puisse s’effectuer sous trois mois au plus48 ». Il remit son rapport le 22 août et Napoléon prit, à Saint-Cloud le 5 septembre, un décret ordonnant la translation « sous le plus bref délai possible » (art. 1). La précipitation de l’Empereur s’imposa à tous, malgré la réticence exprimée au préfet par le directeur de Compiègne : « Il serait à désirer que ce fût dans une autre saison ; les élèves auraient moins à souffrir, mais il paraît que c’est une chose devenue indispensable49. » Just Berland a montré combien ce transfert, entrepris à marche forcée du 8 au 13 décembre, fut difficile. Les 471 élèves s’épuisèrent dans le froid hivernal : 28 auraient même succombé et l’infirmerie n’aurait pas désempli durant plusieurs mois50, mais, en confrontant ces derniers chiffres aux archives, Michel Mignot a récemment montré que la mortalité exceptionnelle parmi les élèves en 1807 était due à l’épidémie de typhus qui toucha la ville51.

  • 52 Molard au ministre de l’Intérieur, 18 mars 1807 (Arch. nat., F/12/1130/A).
  • 53 « On craignait tant de s’écarter de la volonté du chef du gouvernement auquel même on n’osait pas (...)
  • 54 Molard recruta deux élèves de Meudon comme instructeurs militaires en 1808 (Patrice Bret, « Les ou (...)

22Comme « directeur des travaux et chef de l’enseignement52 », il revint encore à Molard de prendre en charge l’adaptation des locaux de l’ancienne abbaye et école d’artillerie à leur nouvelle fonction d’établissement de formation industrielle. Il fit en particulier creuser le canal et établir l’usine. Bien que les élèves fussent toujours issus de familles de militaires plutôt que de milieux ouvriers, les lourdeurs historiques du recrutement s’atténuèrent et Liancourt parvint à obtenir – non sans mal, par peur de mécontenter l’Empereur53 – que l’on n’admît plus d’élèves illettrés ni de moins de douze ans. À l’instar de l’École polytechnique, militarisée en 1804, l’organisation militaire fut renforcée54. Néanmoins, à Châlons comme à Compiègne, Molard maintint d’étroites relations avec son aîné, échangeant avec lui des informations ou objets techniques et s’efforçant d’assurer une formation complémentaire au Conservatoire.

  • 55 Par exemple, en 1809, les procédés de la fabrication et la trempe des fusils à rubans (en damas). (...)
  • 56 « [N°] 487. Machine pour débiter les bois et les jantes de roues de divers calibres ; cette machin (...)
  • 57 Baillet, « Rapport […] sur une scierie établie dans l’Arsenal du génie à Metz, département de la M (...)
  • 58 Inv. 1183. Sylvain Lucchetta, « Conservation-restauration de deux maquettes de machines-outils du (...)

23Outre des mémoires techniques55, Molard jeune envoya au Conservatoire au moins le modèle d’une « machine à débiter et charronner les jantes de roues » de son invention construite à l’école56. Véritable usine hydraulique intégrée, cette machine a précédé celle décrite par l’ingénieur des mines Baillet et l’ingénieur militaire Poncelet, pour la seule partie sciage, et comparée respectivement aux scieries de l’arsenal de Metz et de Freiberg57. La partie charronnage ne semble pas attestée, mais elle est bien présente sur le modèle conservé au musée des Arts et métiers, qui a été identifié, étudié et restauré deux siècles plus tard par Sylvain Lucchetta58 (fig. 2). Celui-ci comporte, en effet, non seulement un châssis de sciage en bois à doubles lames, un chariot en bois pour le débit en ligne droite et un secteur pour la rotation de la pièce pendant la découpe pour obtenir des éléments cintrés (jantes), mais aussi deux ensembles de mécanismes complémentaires, l’un pour actionner les scies et les outils de charronnage (un soufflet de forge et un martinet), l’autre pour mettre en mouvement les systèmes d’avancement des pièces.

Fig. 2. Machine pour débiter et charronner les jantes de roues. Cnam, musée des Arts et métiers. Photographie Anne-Laure Carré.

Fig. 2. Machine pour débiter et charronner les jantes de roues. Cnam, musée des Arts et métiers. Photographie Anne-Laure Carré.
  • 59 Décret impérial du 7 mars 1806 sur l’envoi de six élèves de Compiègne (Bulletin des lois, n° 1385, (...)
  • 60 Cnam. Arch. hist. Bibl. 249, n° 31). Voir aussi Arch. nat., F/12/1084 ; Cnam. Arch. Musée, 9°45 et (...)
  • 61 Cnam. Arch. hist. Bibl. 140.
  • 62 Sur l’admission des élèves de 1809 à 1812 : Cnam. Arch. Musée, 9°46, 9°52 et 53, 9°55 et 56, 9°62) (...)
  • 63 Cnam, Arch. hist. Bibl. 383 et 138; Cnam. Arch. Musée, 9°62.

24Selon le projet initial de Conté et Costaz en 1803, Molard envoya ses meilleurs élèves poursuivre leur formation à Paris, au Conservatoire ou sous son contrôle. Dès 180659, des élèves aspirants furent placés auprès des grands ateliers parisiens, l’horloger Berthoud ou les fabricants d’instruments de précision Lenoir et Fortin, Molard aîné étant chargé d’inspecter leurs travaux tous les six mois60. Un an et demi après l’installation à Châlons, l’arrêté du 24 juin 1808 portant le nouveau règlement de l’école précise que les élèves aspirants, « s’ils font des progrès marquants dans le cours de cette année et s’ils continuent à développer d’heureuses dispositions, le ministre pourra les appeler à Paris pour y étudier et comparer les procédés des arts tant au Conservatoire des arts et métiers qu’en visitant les autres ateliers de la capitale » (art. 158)61. Quelques-uns furent effectivement envoyés au Conservatoire62. Le ministre ayant souhaité, en novembre 1809, que l’établissement leur procurât les meilleurs moyens de perfectionner leur instruction, un atelier particulier fut créé pour eux sur proposition de l’administrateur Molard aîné et le règlement intérieur fut revu63.

  • 64 Molard, « Écoles d’arts et métiers », op. cit., p. 457.
  • 65 Créée par décret impérial du 18 mai 1805 dans l’abbaye de Saint-Maximin de Trèves (département de (...)

25Les compétences mises en œuvre et développées par F. E. Molard sur le terrain le désignèrent pour devenir l’artisan de futures écoles d’arts et métiers dont Napoléon décida la création. Il fut envoyé tour à tour en mission d’expertise à Trèves et à Beaupréau64. La chute de l’Empire fit avorter le projet de l’école sarroise65, mais il lui revint de diriger à nouveau la seconde.

L’école de Beaupréau/Angers

  • 66 Les données chiffrées sur les travaux de l’école de Beaupréau sont tirées de Jean-Louis Eytier, De (...)
  • 67 Membre du jury du concours sur la construction des machines à carder et à filer le coton (1802), C (...)

26Le 19 mars 1804, un an à peine après la création de l’école de Compiègne, le Premier Consul avait décrété la création d’une seconde école « dirigée vers la fabrication des tissus de toute espèce », à Beaupréau, sous-préfecture du Maine-et-Loire, isolée dans les Mauges, à 50 km d’Angers66. Conté, qui avait monté une manufacture de draps au Caire en 1800 et était alors impliqué dans divers projets liés à l’industrie textile, fut chargé une nouvelle fois d’en préparer le programme67.

  • 68 Construits en longueur de part et d’autre de l’escalier central, les ateliers étaient mal commodes (...)
  • 69 Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Angers, 9 avril 1816 (Arch. A&M). Le ministre le rappela de s (...)
  • 70 Le ministre de l’Intérieur à Molard, 9 décembre 1811.
  • 71 12 novembre 1811. Napoléon accepta trois jours plus tard et Molard fut nommé officiellement le 12  (...)
  • 72 Arch. nat., F/12/1096.

27Pour les travaux nécessaires à l’aménagement des bâtiments de l’ancien petit-séminaire, en partie incendié pendant la guerre de Vendée en 1793 et à l’abandon depuis, Bonaparte avait accordé 200 000 francs, mais le devis de l’ingénieur en chef des ponts et chaussées du département (Harvet) se montait à 35 2000 francs (8 août 1804). Les locaux étaient si mal adaptés que les devis furent largement dépassés et qu’il fut décidé, le 22 janvier 1807, d’abandonner le tissage au profit de la mécanique68. Les travaux avaient déjà pris du retard et seule une première tranche avait été réalisée quand Molard fut envoyé en mission par le ministre au printemps suivant69. La réception des travaux eut lieu en juillet 1810, mais un ouragan endommagea la toiture en novembre, retardant encore l’ouverture. Alors que celle-ci était imminente, le proviseur déjà nommé, Delafontaine, décéda à Châlons le 28 septembre 1811. Le 12 novembre suivant, sur le « compte avantageux qui [lui] avait été rendu par Mr de Liancourt »70, le ministre de l’Intérieur (Montalivet) proposa à l’Empereur de nommer à sa place « Molard directeur actuel de l’instruction de l’école d’arts et métiers de Châlons, qui a été précédemment capitaine dans un régiment d’artillerie. Peu de personnes seraient aussi préparées que lui aux fonctions auxquelles Votre Majesté l’assignerait, il a toutes les connaissances nécessaires pour faire prospérer l’École de Beaupréau71. » Comme pour Delafontaine ou Labâte à ses débuts, son traitement annuel fut fixé à 4 000 livres, mais Liancourt obtint aussitôt une rallonge de 1 200 livres en frais de réception à compter de 181272.

  • 73 En attendant l’ouverture de l’école de Zara (voir note ci-dessus).
  • 74 Matricule de l’école Châlons, AD Marne.
  • 75 Ibid.
  • 76 Henri Bernier, Notice historique sur le collège de Beaupréau et sur M. Urbain Loir-Mongazon…, 2e é (...)

28Une nouvelle fois, la translation depuis Châlons – pour un premier noyau de 60 élèves (dont douze Croates73) sur les 170 attendus – se fit en novembre-décembre, dans des conditions aussi pénibles que celui de Compiègne à Châlons cinq ans plus tôt. Molard lui-même rejoignit Beaupréau à la mi-décembre, précédé dès octobre par le comptable Billet, également venu de Châlons, comme deux anciens cadres du Prytanée militaire et de l’école de Compiègne : le professeur de dessin, figure et lavis (Minée) et le chef de l’atelier d’ébénisterie (Geiger)74. Quant au reste du personnel, il fut soit nommé directement par le ministre (à commencer par le directeur de l’instruction et des travaux, Prou) ou par l’inspecteur général La Rochefoucauld-Liancourt (la maîtresse lingère), soit recruté par lui-même et accepté par le ministre pour des postes subalternes75. Mais durant toute sa direction, le proviseur resta le seul polytechnicien de l’école et devint un notable de la petite ville dont il fut nommé conseiller municipal par le préfet le 15 février 1814 en même temps que le directeur du collège, Mongazon76.

  • 77 Délibération du conseil municipal (6 janvier 1815). Le transfert fut approuvé par Chaptal le 31 ma (...)
  • 78 Claude-Anthelme Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit., p. 260.
  • 79 Jean-Louis Eytier, Deux siècles en Anjou, op. cit., p. 33.
  • 80 Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Paris, 20 décembre 1816 (Arch. A&M). Sur Molard et l’aumônier (...)

29Pendant les Cent-Jours, la réaction royaliste dans la région accrut l’isolement de l’école de Beaupréau, menaçant la sécurité des élèves de l’école impériale. Le 29 avril 1815, Chaptal, directeur général de l’agriculture, du commerce, des arts et manufactures autorisa son repliement sur Nantes, Angers ou Saumur. Le 13 mai, le préfet ordonna le transfert à Angers, dans les bâtiments de l’abbaye du Ronceray offerts par la municipalité et tout juste libérés par un régiment d’infanterie qui y était caserné77. La translation eut lieu dès le 21, grâce à un accord avec le comte d’Autichamp qui commandait les insurgés royalistes78, mais Molard trouva des locaux « dans un état de dégradation difficile à croire79 ». Pour la quatrième fois en douze ans, il dut aménager entièrement des bâtiments inadaptés au caractère scolaire et industriel de l’établissement. Il dut aussi canaliser l’aumônier nommé par l’évêque et sollicita l’appui de La Rochefoucauld pour « soustraire l’école à l’influence que Mr le curé [voulait] absolument y exercer80. »

  • 81 Molard à La Rochefoucauld, Angers, 24 avril 1816 (Arch. A&M).

30Enfin, dans la lourde gestion dont il rendait compte régulièrement à l’inspecteur général, Molard eut encore à faire face à l’insubordination des élèves qui faisaient le mur : à Beaupréau en 1813, il dut même faire transférer dans la prison de la ville un élève qui s’échappait de celle de l’école (fig. 3). À Angers, en 1816, il punit trois caporaux, notamment leur meneur, un ébéniste insubordonné depuis son retour d’un congé à Paris, dont il demanda le renvoi au duc de La Rochefoucauld-Liancourt, ainsi que celui d’un parent de Labâte pour des « propos extrêmement grossiers et injurieux au gouvernement » – d’autant plus que celui-ci avait largement dépassé les six années réglementaires81.

Fig. 3. Le quotidien du proviseur de Beaupréau. Lettre de Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Beaupréau, 2 février 1813. Arch. A&M, Liancourt.

Fig. 3. Le quotidien du proviseur de Beaupréau. Lettre de Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Beaupréau, 2 février 1813. Arch. A&M, Liancourt.
  • 82 Molard à La Rochefoucauld, Angers, 20 et 30 mars 1816 (Arch. A&M).
  • 83 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 20 décembre 1816 (Arch. A&M).
  • 84 En mars 1816, la production se montait à 1 366,94 francs.

31L’isolement de l’école dans un environnement économique peu propice à son activité, son déplacement précipité et la faiblesse du budget ne facilitaient pas la bonne marche des ateliers, dont le fonctionnement restait contraint par la double difficulté d’offrir aux élèves un encadrement de qualité à moindre coût et des débouchés suffisants. En mars 181682, neuf mois après l’installation à Angers, l’atelier de ciselure dut être ajourné car l’élève aspirant Adam, de Châlons, refusait de venir en prendre la tête sans avoir le statut de chef d’atelier à 1 400 francs. L’atelier des limes était encore tenu par un élève, avec une gratification de 300 francs seulement, mais il fallut remplacer Maillard et Corbin qui conduisaient les ateliers de la fonderie et des tours par des chefs au salaire plus élevé. Aussi, en décembre, toujours proviseur en titre malgré son intérim au Conservatoire, Molard proposait une hausse du budget prévisionnel de l’école qu’il fixa à 94 244 francs pour l’année 181783. Telle une entreprise, l’école d’Angers avait besoin de débouchés pour son équilibre budgétaire84.

  • 85 « Observations faites dans le conseil d’administration de l’Intérieur », 28 janvier 1808, Correspo (...)

32En 1808, alors que le ministre de l’Intérieur Crétet envisageait à nouveau de renoncer aux écoles d’arts et métiers, « non-seulement par la difficulté de bien organiser les écoles de cette espèce et d’administrer des établissements dont il faut que les chefs soient en même temps directeurs, fournisseurs et négociants, mais encore par l’impossibilité de trouver le débit des objets fabriqués par les élèves » 85, Napoléon avait rejeté « toute idée de suppression de ces établissements » et souligné que,

  • 86 Ibid., p. 285-286.

loin de songer à détruire des écoles, il fallait s’occuper de les améliorer, soit en leur attribuant des occupations spéciales, soit en leur procurant des travaux réguliers et permanents, au moyen des commandes qui leur seraient faites par divers services du Gouvernement. Sa Majesté invite le ministre à s’entendre avec le ministre de la guerre pour faire faire aux écoles d’arts et métiers des affûts de place et de siège, des caissons, des charrettes, etc. Des modèles seraient fournis aux écoles, que le Gouvernement peut alimenter ainsi, quelqu’étendus que deviennent leurs moyens de fabrication86.

  • 87 Arch. nat., F/17/14317. Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p. 117.
  • 88 Molard à La Rochefoucauld, Angers, mars-avril 1816 (Arch. A & M).
  • 89 Jean-Louis Eytier, Deux siècles en Anjou, op. cit., p. 33.

33Dès lors, Châlons puis Beaupréau travaillèrent pour honorer ces commandes d’artillerie, mais aussi toutes sortes d’outils de menuiserie et de métallurgie ou d’instruments scientifiques (compas, niveaux, aiguilles magnétiques). Dès le 3 juin 1814, deux mois après l’abdication de Napoléon, La Rochefoucauld réclama des commandes des autres ministères pour compenser l’effondrement des commandes militaires avec le retour de la paix87. Au printemps 1816, tandis que l’école d’Angers écoulait sa production de pelles et de pinettes, et achevait deux « jenny-mulls » pour Cholet, une grosse presse et des « chaires à prêcher », Molard reçut du Garde-meuble de la Couronne une commande de couchettes, commodes et secrétaires en noyer à livrer au mois d’août88. L’atelier d’ébénisterie commençait aussi les boiseries de la cathédrale. Les artisans locaux se plaignirent au préfet de cette concurrence déloyale, les serruriers dès le mois de janvier, et les menuisiers l’année suivante, en mars 181789.

  • 90 Arch. A & M.

34Dressant un bilan sommaire des treize années d’activité des écoles d’arts et métiers dans son discours de remise des prix, le 30 août 181690, Molard valorisait la fonction industrielle dans la société en faisant des anciens élèves les défenseurs de la patrie dans la guerre économique :

  • 91 Je souligne.

Oui, mes jeunes amis, la carrière des arts utiles est honorable. […] [D]ans ce siècle de lumière, les hommes ne sont estimés que par les services qu’ils rendent à la patrie. Si le guerrier est chargé de la défendre contre les injustes agressions des étrangers, votre tâche, à vous, n’est pas moins importante ; vous ne devez pas souffrir qu’elle devienne tributaire de leur industrie.
Déjà une foule d’artistes estimables sortis de vos rangs, de ces écoles polytechniques pratiques91, se distinguent sur tous les points de la France. Ils ont, par leur zèle et leur savoir, contribué efficacement à donner aux produits de nos manufactures le degré de supériorité auxquels ils sont parvenus aujourd’hui. Cette instruction généralement répandue dans les ateliers français a produit et produira toujours des merveilles ; d’année en année les heureux effets s’en font sentir ; et comme cette circonstance est de nature à s’accroître encore, elle présage à notre commerce, les destinées les plus brillantes. (p. 1-2)

35Soulignant les perspectives ouvertes par la paix, il détournait la rhétorique révolutionnaire de la régénération au profit de la Restauration, présentant la guerre et Napoléon – sans le citer – comme un frein au plein succès des écoles d’arts et métiers :

Vous ne le cédez pas à vos aînés en ardeur, en émulation, en savoir. Vous avez de plus qu’eux, le bonheur de pouvoir offrir les prémices de votre industrie à votre patrie régénérée. Ceux d’entre vous dont le séjour est terminé à l’École, et qui vont rentrer dans le sein de leur famille ou de la société, ne seront pas forcés de changer de vocation et d’aller, la plupart, grossir le nombre des victimes que l’ambition immolait chaque année. (p. 2)

36Enfin, le proviseur rappelait aux élèves les acquis de leur formation professionnelle et donnait à ceux qui avaient achevé leur cursus les clés d’un suivi permanent par l’observation, l’étude, la comparaison et la culture graphique, en engrangeant les idées et informations par l’écrit et le dessin :

Il vous sera facile de vous acquitter envers l’État des avances qu’il a faites pour votre instruction. Vous le devez, et vous le pouvez – possédant votre langue et l’écrivant correctement ; familiarisés avec les sciences exactes qui sont relatives aux professions que vous avez embrassées ; exercés dans toutes les parties du dessin ; habitués aux travaux les plus pénibles et les plus délicats. Je ne sache pas qu’il puisse se présenter des obstacles que vous ne soyez dans le cas de surmonter. Si tous n’êtes pas doués du génie créateur, du moins votre instruction vous préservera des faux calculs de l’ignorance et de l’entêtement de la routine.
[…] Pour perfectionner votre instruction, parcourez les ateliers des grandes villes, étudiez les divers procédés, comparez-les entr’eux. Semblables à l’abeille industrieuse, formez votre butin de bonne heure. N’accordez pas beaucoup de confiance à votre mémoire, quelque bonne que vous puissiez la supposer. Elle nous trahit au moment où l’on a le plus besoin d’elle. Grossissez, toutes les fois que vous en trouverez l’occasion, votre porte-feuille, de mémoires et de dessins qui puissent vous être utiles un jour. » (p. 2)

  • 92 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 7 septembre 1816 (Arch. A & M).

37Ces conseils – que Molard mettait sans doute lui-même en pratique – furent en quelque sorte le testament qu’il laissa à ses élèves d’Angers juste avant son départ pour Paris, où il arriva aussitôt après pour préparer un nouveau règlement avec Labâte sous la direction du duc de La Rochefoucauld-Liancourt92. Surtout, il caressait de légitimes ambitions parisiennes au moment où la reprise des échanges avec la Grande-Bretagne influait un nouvel essor dans le domaine technique.

L’apogée d’une carrière : le Conservatoire, la manufacture et la diffusion de la technologie

  • 93 Arch. nat., LH/1897/34.
  • 94 Pas de dossier de Légion d’honneur.

38La Première Restauration avait été favorable aux frères Molard. Contrairement à ses collègues Conté et Montgolfier, nommés parmi les premiers membres de la Légion d’honneur dès 1803, l’administrateur du Conservatoire n’avait pas encore reçu la croix de chevalier : elle lui fut octroyée le 18 août 1814 par Louis XVIII, qui cherchait à se concilier les élites en place en la distribuant avec largesse93. Le proviseur de Beaupréau l’obtint à son tour le 1er novembre, trois jours après en avoir fait la demande94.

  • 95 C’est du moins l’avis de Claude-Anthelme Costaz, Histoire, op. cit., 1832, t. II, p. 477-483.

39La Seconde Restauration fut plus ambivalente pour les deux frères. L’aîné semble avoir été évincé du Conservatoire en 1816. C.-A. Costaz le tient pour une victime de la réaction qui toucha des savants et administrateurs ralliés à Napoléon durant les Cent-Jours, tels Monge et Guyton, les frères Costaz, ou Roard95. Quant au cadet, si sa carrière connut alors son apogée, elle ne fut pas à la hauteur des espérances qu’il avait fondées pour maintenir dans la fratrie la direction du Conservatoire.

Une consécration partielle : le Conservatoire des arts et métiers96

  • 96 Pour cette section, nous renvoyons aux extraits, analyses et reproductions de documents dans Alain (...)
  • 97 Cnam. Arch. hist. Bibl. 171 (Molard jeune) et 249 (aîné). Ibid., p. 404-406.

40Le 7 août 1816, l’administrateur, malade, et son frère, accouru à Paris auprès de lui, écrivirent séparément au duc de La Rochefoucauld-Liancourt pour lui proposer que le second fût adjoint au premier et le suppléât provisoirement à la tête de l’établissement97.

  • 98 Cnam. Arch. hist. Bibl. 249 (n° 81) ; Arch. nat., F/17/14317. Guy Caplat, L’Inspection générale, o (...)

41Deux ans plus tôt, le 28 juin 1814, le duc avait reçu l’inspection générale du Conservatoire, en sus de celle des écoles. Aussitôt, dans un rapport du 6 juillet 1814 qui reprenait un mémoire rédigé trois semaines plus tôt, il avait proposé d’y établir une « école de perfectionnement » avec cinquante élèves pensionnaires (dont vingt issus des écoles d’arts et métiers) et cent élèves externes, tous recrutés sur concours, pour former « des directeurs d’établissement […] une espèce dont l’industrie française manque beaucoup », soulignait-il98. En octobre suivant, le proviseur de Beaupréau avait également expédié un rapport sur cette question lancinante depuis le projet de Conté et Costaz en 1803. Pour lui, comme pour eux et pour l’inspecteur général, le Conservatoire devait achever de « former des hommes habiles à conduire de grands établissements publics et des travaux publics ». Il s’agissait d’instituer une véritable formation supérieure pour les meilleurs élèves aspirants – au lieu d’en accueillir une poignée, comme sous l’Empire – et de la coordonner au cursus des écoles d’arts et métiers :

  • 99 Cnam. Arch. hist. Bibl. 160.

Cette nouvelle école, ayant particulièrement pour but de compléter l’instruction des sujets distingués des deux écoles de Châlons et de Beaupréau, les cours qu’on y fera devront en conséquence faire suite à ceux qu’on donne dans ces deux établissements, bien entendu il ne s’agit ici que de notions relatives à la théorie et qu’il n’est possible d’acquérir autre part qu’à Paris99.

  • 100 Cnam. Arch. hist. Bibl. 171, 172, 173, 174, 249, 412, 537 et 538 (1816-1818) ; Arch. A & M (1816-1 (...)
  • 101 Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 409-411.
  • 102 Cnam. Arch. hist. Bibl. 408. Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 406-408.
  • 103 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 26 février 1817 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 173).
  • 104 La Rochefoucauld à Molard, 24 septembre 1816 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 409). Voir Alain Mercier, Le (...)
  • 105 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 26 février 1817 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 172).
  • 106 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 1er avril 1817 (Arch. A&M).

42Ni ce projet ni celui de La Rochefoucauld n’aboutit alors, mais l’estime mutuelle entre les deux hommes s’en trouva renforcée. Leur correspondance régulière témoigne de l’activité de Molard jeune durant sa direction par intérim100, mais aussi de quelques lenteurs et bévues de sa part101. Dès le 11 septembre 1816, ce dernier présenta le projet de nouveau règlement102 et il lui incomba ensuite, en vertu d’une décision antérieure à son arrivée, de remettre en activité l’école de géométrie descriptive et de dessin, suspendue lors de la suppression de celle de filature en 1814103. Deux semaines plus tard, le duc le pressait déjà d’achever le catalogue des collections et la publication des brevets expirés104. Par ailleurs il dut aussi clarifier la gestion de son frère, notamment au sujet de sommes mises à la disposition de la caisse des brevets d’invention105, et il le défendit contre de graves accusations de sortie de matériel ou matériaux et d’activités illicites106 :

Quant à la construction au Conservatoire, de charrues et autres machines pour des particuliers, cela est arrivé quelque fois ; mais seulement dans la vue d’obliger et de propager les bonnes constructions. Mais alors ces mêmes particuliers payant les matières 1ères et les journées d’ouvriers. Jamais les intérêts du Conservatoire n’en ont souffert.
Quoique mon frère ne soit guère dans le cas de supporter de semblables tracasseries, j’ai été néanmoins obligé de lui en faire part. Il l’y [sic] répondra lui-même quand il sera rétabli. Il est étonné seulement qu’on ait pu donner quelque attention à de si misérables dénonciations et suspecter une probité qui ne s’est jamais démentie.

  • 107 Cnam. Arch. hist. Bibl. 249 (n° 223), 20 décembre 1816.
  • 108 Fonctions gratuites. Ce titre, porté sur son Système d’agriculture suivi par Mr. Coke en 1820, dev (...)

43Malgré son espoir de devenir titulaire du poste de son aîné, Molard se vit bientôt contraint d’accepter le nouveau poste de sous-directeur seulement107. Il y fut nommé par l’ordonnance royale du 16 avril 1817, portant nouvelle organisation de l’établissement, qui élargissait à « toutes les parties de l’administration du Conservatoire » les compétences d’inspecteur général de La Rochefoucauld-Liancourt et créait le Conseil de perfectionnement dont le duc devenait président et le sous-directeur secrétaire ex-officio. Il garda ces fonctions jusqu’à sa mort, aux côtés du directeur Gérard Joseph Christian, avec lequel les relations furent souvent tendues, et fut également membre honoraire du Comité consultatif des arts et manufactures108.

44S’il n’eut pas, au Conservatoire, un rôle aussi crucial que son aîné auparavant, son importance ne fut néanmoins pas négligeable, alors que se mettait en place, en 1819, une profonde réforme des études avec la création du haut enseignement du Conservatoire, où professèrent J.-B. Say, Charles Dupin, Clément-Desormes et Christian. Surtout, libéré des contraintes administratives et pédagogiques quotidiennes des écoles, et fort de vingt ans d’expériences dans les diverses branches des arts mécaniques, il participa activement à la promotion de l’innovation technique par tous les canaux possibles.

Les voies de l’invention et de l’innovation

  • 109 Voir le chapitre 1 de Laurent Brassart dans ce volume.

45F. E. Molard ne fut à l’origine d’aucune rupture technologique majeure, mais, du Consulat à la Restauration, ses inventions participèrent au développement de différents secteurs en France, bien qu’il ne soit pas toujours aisé de mesurer l’importance de leur impact. En l’absence de brevet, la paternité des inventions des deux frères est d’ailleurs souvent brouillée par les sources imprimées comme par l’historiographie, ainsi que par leur étroite collaboration109. Chez ce polytechnicien investi dans l’enseignement technique comme chez les artisans, l’invention est liée à la pratique des ateliers et au contact familier des objets et des matériaux, même s’il y réinvestit aussi son bagage théorique d’ingénieur.

  • 110 Médaille et 1 500 francs, le 30 décembre (BSEIN, nivôse an xii, p. 112-116).
  • 111 Mention honorable, le 29 mars (Mémoires d’agriculture, 1818, p. 9).
  • 112 Voir le chapitre 1 de Laurent Brassart dans ce volume. Arnault et al., Biographie nouvelle des con (...)
  • 113 Aux mines de Montjean, Maine-et-Loire, et Decize, Nièvre (C.-A. Costaz, « Notice sur feu [Molard]  (...)
  • 114 Ibid.

46Ses travaux furent couronnés lors de concours, dès 1803 par la Société d’encouragement pour les vis à bois de qualité produites à l’école de Compiègne pour un prix de 10 % inférieur au marché110, ou remarqués en 1818 par la Société d’agriculture pour une machine à convertir les pommes de terre en farine111. Outre « le mécanisme au moyen duquel, sans rien changer à une scierie ordinaire, on débite des jantes de roues, des courbes quelconques », mentionné plus haut112, la Biographie nouvelle des contemporains lui attribue aussi, en 1824, divers procédés ou perfectionnements d’importance qu’il avait, soit imaginés (des freins à vis ou à levier pour modérer la vitesse des voitures dans les pentes, dont l’usage s’était déjà généralisé), soit introduits en France, comme celui des câbles plats113, ou celui des grues à engrenages pivotant sur elles-mêmes à 360 degrés, pour le chargement et déchargement des bateaux114.

  • 115 BSEIN, mars 1818, p. 61-62. Invention faussement attribuée à son frère par André Doyon et Lucien L (...)
  • 116 Dictionnaire chronologique et raisonné des découvertes […] en France, de 1789 à la fin de 1820, t. (...)
  • 117 Ibid., t. III, 1822, p. 60-61 ; t. IX, 1823, p. 130-131, 466 ; t. XIV, 1824, p. 594 ; Le Moniteur, (...)

47Ces inventions mécaniques datent, pour la plupart, du règne de Louis XVIII, période où Molard déploya une activité intense au contact des milieux de l’innovation technologique à Paris. En 1818, il exposa à la Société d’encouragement le « modèle d’un moulin à vent à huit ailes verticales s’orientant de lui-même, et dont le mécanisme est aussi simple qu’ingénieux ; les moyens que l’auteur a employés pour transmettre et régulariser le mouvement et pour modérer la vitesse paraissent bien remplir le but qu’il s’est proposé »115 et le Dictionnaire des découvertes précise en septembre 1823 qu’il « en a fait exécuter un en grand dans le département d’Indre-et-Loire »116. Surtout, il conçut ou perfectionna une multitude d’instruments aratoires et la transformation de produits agricoles pour lesquels il monta une entreprise117.

  • 118 Contrairement ce qui a été dit (Geneanet ; Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 377), Mol (...)

48Parce que la sous-direction du Conservatoire n’était pas à la hauteur de ses ambitions personnelles et que l’exposition et les démonstrations de l’établissement ne pouvaient suffire à promouvoir le perfectionnement des instruments aratoires, Molard monta dès 1817 un atelier de construction sous la surveillance spéciale de Molard neveu, Jean-Baptiste, qui venait de perdre son emploi au Conservatoire118.

  • 119 Il avait épousé le 5 mars 1810 à Paris, à la Madeleine, Éléonore Justine Courtois (née le 1er sept (...)
  • 120 Le Moniteur, 24 février 1818, p. 243.

49Avant même son voyage en Angleterre, il fut aussi, en effet, un fervent partisan du machinisme agricole. Également sensible à la question coloniale par son mariage avec une créole de la Guadeloupe, fille du maire de Pointe-à-Pitre en 1794 et négociant resté lié au commerce des Antilles et à la Marine119, il reçut du ministre – au moment où la France retrouvait son empire, privé de son fleuron de Saint-Domingue depuis l’indépendance de Haïti en 1804 – une importante commande d’instruments aratoires pour « perfectionner la culture et diminuer la main d’œuvre dans les colonies120 » : des instruments spécialement adaptés aux plantations de canne à sucre (une « houe à cheval, ou charrue fouilleuse » de son invention et un sarcleur imité de ceux de Fellemberg) et une série de charrues construites sur les principes de Jefferson (« charrue à buter » convertible en « charrue à tourne-oreille », charrue dite « de Small », avec réglage de la largeur et la profondeur du sillon, charrue dite « de Brie », plus maniable et à un seul déversoir).

50Pour lui, il s’agissait aussi d’un autre moyen de diffuser des instruments innovants, mais le directeur Christian jugeait cette activité – comme naguère celle de Molard aîné dans les locaux mêmes du Conservatoire – incompatible avec le statut et la fonction de l’établissement public :

  • 121 Christian à La Rochefoucauld, Paris, 10 janv. 1818 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 413). Alain Mercier, L (...)

Vous savez, Monsieur le duc, que M. Molard est à la tête d’un atelier particulier pour la construction des machines et vous avez trouvé comme moi que de pareils engagements dans des spéculations de cette nature s’accordaient fort mal avec un logement dans un établissement public qui doit inspirer la confiance aux artistes, n’être jamais en concurrence avec eux et ne leur laisser, d’aucune façon, la crainte qu’on puisse tirer parti des confidences qu’ils ont à faire. Il est temps, Monsieur le duc, que le conservatoire paraisse tel qu’il doit être et non comme un lieu où l’on vient donner des ordres pour la construction et l’achat de machines qu’on peut se procurer dans les ateliers des fondeurs et des serruriers121.

  • 122 Voir le chapitre 1 de Laurent Brassart dans ce volume. Voir les contributions de François Jarrige (...)

51À l’inverse, le jury central de l’exposition de 1819 salua cette initiative, non seulement en décernant à Molard une médaille d’argent pour un araire et pour ses charrues à versoirs et ceps en acier fondu, soc en fonte à pointe d’acier, mais aussi, de façon exceptionnelle, en ouvrant le chapitre « Machines, instrumens et ustensiles pour l’agriculture » de son Rapport par la mention de la création de son atelier qualifié « d’évènement intéressant ». Autour de 1820, Molard fabrique ainsi une longue liste de machines agricoles122.

  • 123 Absent en 1820, Cambray est rue Neuve Saint-Laurent, n° 6 en 1822, puis rue Neuve Saint-Martin, n° (...)
  • 124 Rue de Charonne, n° 47 (Hôtel de Mortagne / Vaucanson).

52Cette dimension manufacturière des deux hommes est trop peu connue. Elle est pourtant moins un complément d’activité à but lucratif qu’un moyen d’action supplémentaire pour encourager l’innovation. Comme son aîné, Molard ne sollicita aucun brevet car son objectif était de donner à ses inventions et perfectionnements la plus large diffusion. Sa collaboration initiale avec Cambray semble s’être bientôt muée en concurrence puisque l’Almanach du commerce les situe ensuite à des adresses distinctes123, seuls fabricants d’instruments aratoires avec Molard aîné124. Le rapport du jury de l’exposition de 1823 précise les changements intervenus et les limites du succès de l’entreprise :

  • 125 Héricart de Thury et Migneron, Rapport sur les produits de l’industrie française, Paris, Impr. roy (...)

M. Mollard neveu, à Paris, rue Grange-aux-Belles, n° 15. / Est maintenant à la tête de l’établissement fondé par M. F. E. Mollard jeune, son oncle […]. / « Cette belle usine est destinée à la fabrication des instrumens aratoires perfectionnés, tels que les charrues en fer et en fonte, les semoirs, les herses et rouleaux, &c. &c. / […] / Il serait à désirer que les instruments aratoires de M. Mollard neveu fussent également adoptés ; mais pour cela il faudrait que les prix fussent assez modérés pour que le simple cultivateur pût y atteindre. […] / Le jury se plaît à reconnaître que l’établissement de M. Mollard continue à mériter la distinction qui lui a été accordée en 1819125.

  • 126 Molard neveu a disparu en 1832, remplacé à cette même adresse par Rosé (p. ccxc). Voir BSEIN, mai (...)
  • 127 Dupin, Forces productives et commerciales de la France, Paris, Bachelier, 1827, t. 2, p. 216-217.

53De fait, en 1825, Molard jeune a disparu de l’Almanach, tandis que « Molard neveu et co. », lequel fabrique « toute sorte de machines et instruments d’agriculture », rue et impasse Grange-aux-Belles, n° 15, au fond du cul-de-sac Sainte-Opportune, au Marais, et que Cambray produit quelques articles concurrents, mais plus d’instruments aratoires126. Durant toute cette période, les ateliers fondés par Molard jeune font donc figure de pionniers et de modèles parmi les technologues parisiens et, au grand dam de Christian, les ateliers privés de Molard neveu restent implicitement liés et légitimés par le Conservatoire, notamment par le polytechnicien Charles Dupin, qui y professe la mécanique appliquée aux arts127.

  • 128 « Description d’une drague ou machine à curer le fond des rivières, mue à bras et construite par M (...)
  • 129 Hachette, « Notice historique sur les mémoires relatifs aux moulins à vent à ailes verticales, com (...)

54Au reste, la production des ateliers va au-delà des instruments agricoles : en 1824, le sous-directeur les utilise pour fabriquer d’autres inventions, comme une drague128 ou un moulin à vent. Après avoir rappelé le modèle exécuté à Compiègne pour la Société d’encouragement pour l’Industrie nationale en 1803, Hachette termine ainsi une notice sur les moulins à vent129 en invitant Molard à donner la description du « moulin à vent sur les principes du moulin anglais […] destiné à élever des eaux au moyen d’une pompe » que l’on peut voir dans ses ateliers, presque achevé et destiné à un cultivateur de la banlieue parisienne pour un prix d’environ 4 000 francs. Enfin, il le présente implicitement comme le meilleur spécialiste de la question :

Le moulin à vent est un très-bon moteur […]. Ce moteur sera encore mieux lorsqu’on aura porté dans sa construction les derniers perfectionnements indiqués par M. Molard jeune, qui consistent : 1° dans l’emploi du fer, au lieu du bois, dans les pièces qui exigent le plus de solidité ; 2° dans la substitution des châssis à ailettes en bois aux ailes couvertes en toile ; 3° dans le mécanisme à force centrifuge, qui régularise la force du vent par le vent lui-même, ainsi que cela se pratique dans les machines à vapeur.

55Ces ateliers constituaient en quelque sorte, pour les acteurs de l’« industrie agricole » assez aisés pour innover, un prolongement hors les murs, le chaînon manquant entre l’exposition, les démonstrations et les cours du Conservatoire et la demande suscitée par l’abondante littérature technologique, à laquelle Molard prit une part active comme expert, comme traducteur et comme auteur.

De l’expertise à la littérature technologique130

  • 130 Ce point est développé dans P. Bret, « François Emmanuel Molard et la littérature technologique (1 (...)
  • 131 Renseignements aimablement communiqués par Philippe Coepel.
  • 132 Il est également consulté par la Société d’agriculture, par exemple pour un concours sur des mouli (...)
  • 133 BSEIN, 1826, p. 164-166.
  • 134 BSEIN, juin 1821, p. 160.
  • 135 Voir Marie-Sophie Corcy, Liliane Hilaire-Pérez, « La Salle des produits anglais au Conservatoire d (...)

56Admis en 1817 à la Société d’encouragement, dont son frère était l’un des membres fondateurs, Molard jeune y entra même au conseil d’administration en 1820 comme membre adjoint au comité des arts mécaniques, puis titulaire (1824) et également membre de la commission du bulletin en 1828131. Participant à de nombreuses expertises132, il signe une trentaine de rapports publiés en sept ans, le plus souvent au nom du comité, principalement sur des machines ou de la petite métallurgie. À l’occasion de la médaille d’or décernée à Cazalis et Cordier pour la production de 40 machines à vapeur en six ans (333 chevaux) à Saint-Quentin, il souligne que ces deux anciens élèves de l’école de Châlons, déjà médaille d’argent pour une première machine à l’exposition de 1819, ont pu orienter leurs propres ateliers vers ce domaine grâce à un prêt gratuit consenti cette année-là par La Rochefoucauld-Liancourt133. Exerçant ainsi une veille technologique au profit du Conservatoire, il propose de demander au ministre l’acquisition du modèle du métier à tricot de Jacquet, « non pas pour le placer tel qu’il est dans les galeries de cet établissement, car il est trop mal exécuté ; mais pour qu’on en détache ou qu’on en refasse la partie du mécanisme que je viens de signaler comme bonne à conserver » 134. Une autre fois, l’impression du rapport est prétexte à joindre une gravure illustrant un échantillon des produits de l’industrie anglaise qu’il a présentés au Conservatoire, en marge de l’exposition au retour d’une mission outre-Manche135.

  • 136 Voir le chapitre 11 de Laetitia Zicavo dans ce volume.
  • 137 Système d’agriculture suivi par Mr. Coke, sur sa propriété d’Holkham, comté de Norfolk, en Anglete (...)

57Cette importante mission d’observation industrielle en Grande-Bretagne, dont le gouvernement l’avait chargé136, renforça son intérêt pour la mécanisation de l’industrie et de l’agriculture, et son désir de les promouvoir aussi par la plume. Dès 1820, il traduisit le Système d’agriculture suivi par Mr. Coke137. À la traduction du texte de Rigby qui donne son titre à l’ouvrage mais n’en forme que deux cinquièmes, il ajoute deux textes complémentaires publiés par Blaikie mais aussi deux autres sur les infrastructures routières, ce qui fait de lui l’introducteur discret de MacAdam en France. Surtout, il y joint ses propres descriptions et dessins d’exploitations et principaux instruments – qui motivent plus particulièrement la Société d’agriculture à lui décerner une médaille d’or en mars 1821 – et il termine logiquement par… la liste des productions de ses ateliers mentionnée plus haut.

  • 138 C.-A. Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit., p. 261.

58Enfin, « chargé de surveiller la construction des machines à filer et à carder le coton, données à des villes manufacturières pour leur servir de modèles138 », Molard publia ensuite deux ouvrages sur le sujet : Les divers systèmes de filature en usage aux Indes, en Angleterre, en France, etc. (Paris, Thomine, 1826) et Nouveau système complet de filature de coton usité en Angleterre et importé en France par la compagnie établie à Ourscamp, près Compiègne, publié par ordre du ministre de l’Intérieur (Paris, Bachelier, 1828). Ce dernier est souvent attribué à C.-N. Leblanc, professeur, dessinateur et graveur du Conservatoire, qui réalisa les planches et signa l’ouvrage « précédé d’un texte descriptif par M. Molard jeune », mais précisa lui-même que l’ensemble du texte, y compris l’Introduction, était dû à ce dernier.

  • 139 Joost Mertens, « Technology as a Science of the Industrial Arts: Louis-Sébastien Lenormand (1757-1 (...)

59De même, Molard s’effaça devant le collectif en participant à deux entreprises éditoriales majeures de la Restauration sur la technologie139. Il fut l’un des cinq fondateurs et principaux rédacteurs du Dictionnaire technologique ou Nouveau dictionnaire universel des arts et métiers (Paris, Thomine, 1822-1835). Selon les attributions respectives définies entre les auteurs, il partageait la partie Arts mécaniques avec L.-B. Francoeur, auquel revenait en sus les parties Arts physiques (et celles qui en dépendaient : Agriculture, Histoire naturelle) et Arts de calcul, tandis que P.-J. Robiquet et A. Payen se partageaient les Arts chimiques et que L.-S. Lenormand se réservait les Arts technologiques. De 1822 à 1828, il signa ainsi quelque 200 articles pour un total de plus de 700 pages, dont près d’un quart de plus de cinq pages et 24 de dix pages et plus – « Fil, Filage, Filateur, Filature » (60 p), « Moulins » (45 p.), « Machines » (29 p.), etc. Seuls 20 % sont explicitement désignés comme Arts mécaniques. Il traite d’opérations de technologie (« Diviser », « Fendre, Refendre », « Dépiquage », « Détrichage », « Épisser »), mais surtout de machines, appareils, instruments et outils divers relevant de ses spécialités industrielles (notamment textiles), militaires ou agricoles. Il s’est réservé des entrées liées à sa carrière – « Bouches à feu », « Écoles d’arts et métiers » (où il parle à la première personne), « Conservatoire »), et se réfère à l’occasion à son atelier (« Battage ») et à son voyage en Angleterre.

  • 140 Joost Mertens, « The Annales de l’industrie (1820-1827): A Technological Laboratory for the Indust (...)
  • 141 Décès à son domicile, 48 rue de Bondy, Paris 5e, déclaré par son beau-frère Sylvestre Courtois Sai (...)

60Également l’un des fondateurs des Annales de l’industrie française et étrangère qui prirent la suite du titre fondé par Lenormand et de Moléon (1828-1830)140, il n’eut guère le temps d’y participer car il mourut prématurément d’un « catarrhe pulmonaire » le 12 mars 1829, à la veille de ses cinquante-sept ans, laissant une fortune honorable à ses héritiers, neveux et nièces, sous la tutelle de Molard aîné141.

  • 142 C.-A. Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit.
  • 143 « Il forma au travail de nombreux élèves, qui trouvèrent toujours auprès de lui justice et protect (...)

61Molard jeune fut remplacé par Pouillet au poste de sous-directeur du Conservatoire. Avant que son collègue Costaz jeune rendît à sa mémoire un hommage plus complet au nom de la Société d’encouragement142, ses obsèques poussèrent la presse à mettre l’accent sur sa première carrière143. Mais l’homme n’est pas plus réductible à ces dernières fonctions officielles qu’à ses premières pour donner vie au projet d’enseignement à vocation industrielle qu’il porta à bout de bras sur le terrain nouveau et mouvementé des écoles d’arts et métiers sous le Consulat et l’Empire, avec le soutien du duc de La Rochefoucauld-Liancourt – et celui de Napoléon à l’occasion – mais souvent contre les événements et contre un ministère trop prompt à abandonner l’expérience. Ce poste difficile qui l’éloigna de la capitale fut aussi l’occasion de parachever sa formation au contact des réalités de trois départements différents et de s’inscrire néanmoins dans les réseaux de l’innovation technique par l’intermédiaire de son frère et du Conservatoire.

  • 144 Dominique De Place, « Molard [aîné] », op. cit., p. 268, 271.

62Tous deux passionnés de technique et prompts à imaginer des perfectionnements, les frères aux liens très étroits étaient complémentaires à bien des égards, mais, plus que treize ans, une génération entière les sépare. Ancré dans une formation encyclopédique et artisanale, jusque dans les collections de l’Hôtel de Mortagne et du Conservatoire, l’aîné a une vision de l’innovation plus gestionnaire, peut-être, voire accumulative. Il invente, expérimente et démontre les techniques en collectionneur et en analyste mais, à l’image des brevets expirés ou du catalogue du Conservatoire, « ses projets d’envergure encyclopédique n’aboutissent pas », comme le dit D. De Place : « En fait, de même qu’il fit des collections un “magasin très riche” sans grand ordre, Molard amassa plus qu’il n’organisa une prodigieuse documentation. […] [Il] aurait vraisemblablement été un constructeur de machines tel son contemporain Calla, si les événements ne l’avaient conduit à une carrière administrative144. » À l’inverse, tôt bousculé par la Révolution puis élève et/ou cadre de fondations scolaires républicaines, pérennes ou éphémères, le cadet est plus prompt à se projeter sur tous les fronts du possible. Profitant de l’assistance paternelle et des réseaux de son aîné, il s’inscrit aussi dans des réseaux dynamiques naissants – il affiche fièrement « Ancien Élève de l’École Polytechnique » sur ses ouvrages – dans lequel le Conservatoire et les écoles d’arts et métiers ne sont que des éléments structurants parmi une large palette de moyens d’action émergents, publics et privés.

  • 145 « There still is no term for the writer-technologist-scientist who produced the Dictionnaire, who (...)
  • 146 Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez, « Qu’est-ce que la technologie ? Jalons pour l’histoire (...)

63Tandis que son frère exerce ses activités d’inventeur, administrateur et d’expert dans les ateliers, collections et institutions mécaniques de Paris pendant un demi-siècle, Molard jeune multiplie les expériences et les moyens de diffusion, à l’image du retour de sa mission en Grande-Bretagne : plutôt qu’un essai ou un récit de voyage, il choisit d’en rendre compte par l’exposition des produits anglais au Conservatoire, par la production de ses ateliers et par diverses formes d’écriture complémentaires (traduction, dictionnaire, presse technique) pour faire connaître les voies de l’innovation de part et d’autre de la Manche. Cherchant à associer l’excellence de la maîtrise des savoirs artisanaux et la puissance des savoirs et pratiques technologiques pour développer l’industrie nationale, la boulimie d’écriture descriptive145 qui succède à son investissement pédagogique participe à la fois de la tradition encyclopédique française, de l’influence des modèles britanniques et de la technologie comme science146.

Notes

1 J’ai souvent échangé avec Dominique De Place depuis notre rencontre lors d’une première recherche dans les archives du Musée des arts et métiers auprès de Jacques Payen en 1970, notamment au sujet de Molard jeune. Bien des références citées ici proviennent de son étude pionnière, « L’incitation au progrès technique et industriel en France (1783-1819), d’après les archives du Conservatoire des arts et métiers » (mémoire de l’EHESS, 1981).

2 Ingénieur des arts et métiers (Bordeaux 1968-1972), Jean-Louis Eytier (1948-2019) était professeur de mécanique (1974), sous-directeur (1983) et historien de l’école d’Angers (L’École d’arts et métiers. Deux siècles en Anjou, Angers, Éd. Paquereau, 2004). Il est décédé alors qu’il avait accepté de faire une communication sur François Emmanuel Molard à partir de la correspondance de celui-ci avec le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, récemment acquise par la Fondation des arts et métiers (Arch. A&M, Liancourt), dont Michel Mignot a bien voulu nous communiquer la copie.

3 Dominique De Place, « L’incitation au progrès technique », op. cit., et « Molard, Claude-Pierre (1759-1837) », dans Claudine Fontanon et André Grelon (dir.), Les Professeurs du Conservatoire national des arts et métiers. Dictionnaire biographique 1794-1955 (Paris, INRP-Cnam, 1994), t. 2, p. 265-271.

4 Dans ce texte, Molard sans précision désigne Molard jeune.

5 Michel Mignot, « La vie du duc de La Rochefoucauld-Liancourt », Arts & Métiers Mag, n° 400 à 405, mai à déc. 2018 : n° 400, p. 50-52 ; 401, p. 60-61 ; 402, p. 76-77 ; 403, p. 62-63 ; 404, p. 66-67 ; 405, p. 70-72.

6 Tous les dictionnaires ont puisé dans Arnault et al., Biographie nouvelle des contemporains, Paris, Librairie historique, 1824, t. 13, p. 596-597, et Claude-Anthelme Costaz, « Notice sur feu M. François-Emmanuel Molard, directeur-adjoint au Conservatoire des Arts et Métiers de Paris », BSEIN, juin 1829, p. 258-262.

7 Je remercie pour la communication d’informations ou documents : Michel Mignot et Henri Frier (Fondation et Association des A&M), Anne-Laure Carré (Musée des arts et métiers), Anne Chanteux et Florence Desnoyers (Bibl. centrale du Cnam), Olivier Azzola (Bibl. École polytechnique), Edmond Dziembowki (Univ. Bourgogne Franche-Comté) et Philippe Coepel.

8 État de service du 30 pluviôse an IX (19 février 1801), Service historique de la défense, département terre SHD, GR 2Ye Molard). Le registre matricule de l’École polytechnique indique aussi « mars 1774 » (Arch. École polytechnique, désormais AEP). Reprise même par Claude-Anthelme Costaz, « Notice sur feu M. François Emmanuel Molard… », op. cit., l’erreur est tenace.

9 « Une erreur très répandue en fait d’ailleurs deux frères, ce que démentent absolument les registres paroissiaux des Bouchoux » m’écrivait le directeur des services d’archives du Jura, le 28 juin 1973, précisant qu’il ne pouvait s’agir que du cousin germain « Claude-Emmanuel » (en fait, Pierre Emmanuel !), né aux Bouchoux le 8 mars 1774.

10 Acquéreur d’un bien national en 1790 (le prieuré de Cuttura ou des Bouchoux), puis notaire et aubergiste aux Bouchoux, quand il fut élu juge de paix en 1798 (Arch. nat., AF/III/523, d. 3376).

11 SHD, GR 2Ye Molard.

12 Requis le 3 pluviôse an iii (Arch. nat., AF/II/220, dos. 1894, pièce 55 ; SHD, GR Xe 103), il rejoignit son poste le 29 avril (SHD, GR 2Ye Molard) ou le 27 mai 1795 selon Conté (fig. 1).

13 Jānis Langins, « Hydrogen productionfor ballooning during the French Revolution: An early example of chemical process development », Annals of Science, 40, 1983, p. 531-558.

14 Patrice Bret, « La mise en place humaine et industrielle de l’aérostation militaire (1794-1796). Essai de géographie technologique d’une mobilisation », Révolution française 1988-1989, Paris, CTHS, 1991, p. 439-466.

15 Patrice Bret, « Les épreuves aérostatiques de l’École polytechnique en l’an iv : de la géométrie descriptive à l’origine de l’École des Géographes », Sciences et Techniques en Perspective, n° 19, 1990-1991, p. 119-142.

16 Il commença par réduire de 60 % la commande de taffetas pour la construction de ballons. Voir P. Bret, « Recherche scientifique, innovation technique et conception tactique d’une arme nouvelle : l’aérostation militaire (1793-1799) », dans Jean-Paul Charnay (dir.), Lazare Carnot ou le savant-citoyen, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1990, p. 429-451.

17 Monge à Guyton, Paris, 26 juin 1794 (coll. part.). Le Comité de salut public prit un arrêté en ce sens le 30 (Arch. nat., AF/II/220, dos. 1893, p. 47).

18 Patrice Bret, « Les épreuves aérostatiques », op. cit. ; id., « Du concours de l’an II à la suppression de l’École des Géographes : la quête identitaire des ingénieurs géographes du Cadastre de Prony, 1794-1802 », dans Ana Cardoso de Matos, Maria Paula Diogo, Irina Gouzévitch, André Grelon (dir.), Jogos de identidade profissional : os engenheros entre a formação e a acção – Les enjeux identitaires des ingénieurs : entre la formation et l’action – The quest for a professional identity: engineers between training and action, Lisbonne, Edições Colibri/CIDEHUS-Universidade de Evora/CIUHCT, 2009, p. 121-154.

19 AEP, III 3b (1795), « Enseignement aérostatique » ; SHD, GR Xe 103, pièce 58 et dossier sur l’école de Meudon (pièces 76 à 80).

20 13e compagnie du 8e Régiment d’artillerie légère. Il occupe encore ce poste en février 1801 (SHD, GR 2Ye Molard).

21 Il était toujours second lieutenant (Berthier à Chaptal, 20 avril 1803, Arch. nat., F/12/1130/A, dos. Molard) bien qu’un rapport ministériel de 1811 lui attribue le grade de capitaine.

22 Molard, discours de distribution des prix, 30 août 1816 (Arch. A&M).

23 Claude-Anthelme Costaz, Histoire de l’Administration de l’agriculture…, Paris, Mme Huzard, 1832, t. 2, p. 232.

24 Rapport au gouvernement avec plan d’études et projet d’arrêté (Arch. nat., F/17/1379, pièce 35), cité par Guy Caplat, L’Inspection générale de l’enseignement technique, 1806-1980, Paris, L’Harmattan, 2016, t. 1, p. 116.

25 Minute de l’arrêté avec corrections (Arch. nat., F/17/1144, dossier 13), cité ibid.

26 « Tout à Compiègne conserve la trace de la présence de Conté » (Gérando, « Éloge de Conté », BSEIN, avril 1806, p. 241-255 ; p. 249). À Châlons en 1808, un employé sur sept avait servi sous ses ordres (Patrice Bret, « Les oubliés de Polytechnique en Égypte : les “artistes” mécaniciens de la Commission des Sciences et des Arts », dans Scientifiques et sociétés pendant la Révolution et l’Empire, Paris, CTHS, 1990, p. 497-514, p. 511).

27 Molard à Chaptal, 23 ventôse an XI/14 mars 1803 (Arch. nat., F/12/1130/A).

28 Matricule de l’école de Châlons, AD Marne.

29 Molard, « Écoles d’arts et métiers », Dictionnaire technologique, t. 7, 1825, p. 455-463 (p. 456).

30 Labâte ne fut nommé que le 23 septembre 1803 (matricule de l’école de Châlons, AD Marne). Son comptable, Cauvin avait également servi en Égypte comme quartier-maître de la compagnie d’aérostiers et Conté l’avait choisi pour comptable des ateliers mécaniques du Caire (Patrice Bret, « Les oubliés de Polytechnique », op. cit., p. 502, 511).

31 Claude-Anthelme Costaz, Histoire, op. cit., 1832, t. II, p. 232.

32 Citation aimablement communiquée par Michel Mignot.

33 Note non datée, AD Marne, transcrite par Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p.  88.

34 Cnam. Archives historiques. Bibl. 138 (désormais : Cnam. Arch. hist. Bibl…).

35 Adnès père, membre la Commission des sciences et arts d’Égypte, dirigeait l’atelier des forges sous Conté au Caire. Patrice Bret, « Les oubliés de Polytechnique », op. cit., p. 505, 511.

36 Claude-Anthelme Costaz, Histoire, op. cit., 1832, t. II, p. 333-334.

37 Arch. SEIN, PV, reg. 1, 8 germinal an xi.

38 Chaptal à C. P. Molard, 9 nivôse an xi/30 décembre 1802 (Cnam. Arch. hist., Bibl. 353).

39 BSEIN, messidor an xii (juin-juillet 1804), p. 13. Voir dans ce volume le chapitre 6 de Philippe  Bruyerre.

40 Ibid.

41 Ibid. Voir aussi « Note sur un modèle de moulin à vent présenté au conseil d’administration dans sa séance du 25 pluviôse an xii », BSEIN, ventôse an xii [mars 1804], p. 147-149. – À la description du modèle (« Mémoire d’un modèle de moulin à vent, construit dans les ateliers de Compiègne, à l’instar de ceux de hollande »), Molard jeune avait joint un « Rapport sur les moulins à vent propres au sciage du bois, tels qu’on les trouve en hollande » (Cnam. Arch. Musée, A 88 et A 92).

42 L’administrateur en avait demandé le retour pour « satisfaire S.S. [Pie VII] », qui visita l’établissement parisien le 14 février et dont « plusieurs dames » de l’école de Compiègne espéraient la visite (Molard jeune à Molard aîné, Compiègne, 27 pluviôse an xiii/16 fév. 1805, Cnam. Arch. hist. Bibl. 365).

43 Molard jeune à Molard aîné, Compiègne, 20 pluviôse an XIII/9 fév. 1805, Cnam. Arch. hist. Bibl. 365.

44 Sur ces expositions, voir Christiane Demeulenaere-Douyère, « Pour le progrès des “arts” en France : les expositions nationales des produits de l’industrie (1798-1849) », Artefact, n° 10, 2019, p. 53-73.

45 Louis Costaz, Rapport du Jury sur les produits de l’industrie française, Paris, Impr. impériale, 1806, n° 604 p. 222-223.

46 Claude-Anthelme Costaz, Notice sur les objets envoyés à l’exposition des produits de l’industrie française, Paris, Impr. impériale, 1806, p. 196.

47 Louis Costaz, Rapport du Jury (1806), op. cit., n° 361, p. 110.

48 J. Berland, Histoire de l’École d’arts et métiers de Châlons (1951), p. 21 à 33, cité par Guy Caplat, L’inspection générale, op. cit., p. 91.

49 Ibid., p. 30, cité par Id., L’Inspection générale, op. cit., p. 91.

50 Ibid., p. 33-36, cité par Id., L’Inspection générale, op. cit., p. 90 (prévoyant la construction d’une infirmerie de 72 lits, Molard écrivait le 10 janvier 1808 : « Nous avons eu cette année un bien plus grand nombre de malades, mais il est probable qu’il n’en sera pas de même à l’avenir »).

51 Michel Mignot, « Les “28 morts de Châlons”, fin d’une légende », Arts &Métiers Mag, octobre 2019, p. 46-48.

52 Molard au ministre de l’Intérieur, 18 mars 1807 (Arch. nat., F/12/1130/A).

53 « On craignait tant de s’écarter de la volonté du chef du gouvernement auquel même on n’osait pas en parler que ce ne fut que difficilement que j’en obtins la permission tacite, qui cependant fut prononcée en 1807. » (cité par Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p. 89).

54 Molard recruta deux élèves de Meudon comme instructeurs militaires en 1808 (Patrice Bret, « Les oubliés de Polytechnique », op. cit., p. 511).

55 Par exemple, en 1809, les procédés de la fabrication et la trempe des fusils à rubans (en damas). Cnam. Arch. Musée, 1°76.

56 « [N°] 487. Machine pour débiter les bois et les jantes de roues de divers calibres ; cette machine qui a été établie à l’École de Châlons, communique en même temps le mouvement à un martinet et à un soufflet de forge » (Catalogue général des collections du Conservatoire royal des arts et métiers, Paris, Mme Huzard, 1818, p. 47). Voir Baillet, « Rapport […] sur une machine à couper les bois destinés à la confection des jantes de roues », BSEIN, mars 1823, p. 57-65.

57 Baillet, « Rapport […] sur une scierie établie dans l’Arsenal du génie à Metz, département de la Moselle » BSEIN, mars 1824, p. 67.

58 Inv. 1183. Sylvain Lucchetta, « Conservation-restauration de deux maquettes de machines-outils du Musée des arts et métiers. Étude des mouvements : caractérisation des frottements et recherche de lubrifiants adaptés au matériau bois », mémoire de diplôme de restaurateur du patrimoine, spécialité Mobilier, Institut national du patrimoine, 2008. Je remercie Anne-Laure Carré de m’avoir signalé cette étude.

59 Décret impérial du 7 mars 1806 sur l’envoi de six élèves de Compiègne (Bulletin des lois, n° 1385, cité par Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p. 116). Motel, Saulnier, Henriot et Laurens, qui sont toujours chez Berthoud en 1812 (Arch. nat., AF/IV/175*, pièce 42 ; Cnam. Arch. hist. Bibl. 249, n° 31). Voir aussi Arch. nat., F/12/1084 et Michel Mignot, « Pierre Saulnier (Co. 1803). Une vie à inventer », Arts & Métiers Mag, n° 428, juin-juillet 2021, p. 54-55.

60 Cnam. Arch. hist. Bibl. 249, n° 31). Voir aussi Arch. nat., F/12/1084 ; Cnam. Arch. Musée, 9°45 et G 39 ; Cnam. Arch. hist. Bibl. 381.

61 Cnam. Arch. hist. Bibl. 140.

62 Sur l’admission des élèves de 1809 à 1812 : Cnam. Arch. Musée, 9°46, 9°52 et 53, 9°55 et 56, 9°62) et achat de deux couchettes, février 1809 (Arch. nat., F/12/4866).

63 Cnam, Arch. hist. Bibl. 383 et 138; Cnam. Arch. Musée, 9°62.

64 Molard, « Écoles d’arts et métiers », op. cit., p. 457.

65 Créée par décret impérial du 18 mai 1805 dans l’abbaye de Saint-Maximin de Trèves (département de la Sarre), les travaux ne commencèrent qu’en 1812. Une autre école, créée en 1811 dans les Provinces Illyriennes, à Zara (l’actuelle Zadar, en Croatie), n’aboutit pas non plus.

66 Les données chiffrées sur les travaux de l’école de Beaupréau sont tirées de Jean-Louis Eytier, Deux siècles en Anjou, op. cit., p. 11-13.

67 Membre du jury du concours sur la construction des machines à carder et à filer le coton (1802), Conté était chargé de la gestion et l’inspection des machines à fabriquer les draps, construites par Douglas à l’île aux Cygnes (1803). Il s’occupait alors d’un projet de filature pour son gendre Humblot et de celui de l’école de filature au Conservatoire.

68 Construits en longueur de part et d’autre de l’escalier central, les ateliers étaient mal commodes car trop étroits.

69 Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Angers, 9 avril 1816 (Arch. A&M). Le ministre le rappela de sa mission le 12 juin 1807 (F/12/1130/A, dos. Arnaud).

70 Le ministre de l’Intérieur à Molard, 9 décembre 1811.

71 12 novembre 1811. Napoléon accepta trois jours plus tard et Molard fut nommé officiellement le 12 janvier 1812.

72 Arch. nat., F/12/1096.

73 En attendant l’ouverture de l’école de Zara (voir note ci-dessus).

74 Matricule de l’école Châlons, AD Marne.

75 Ibid.

76 Henri Bernier, Notice historique sur le collège de Beaupréau et sur M. Urbain Loir-Mongazon…, 2e éd., Angers, impr. Saint-Antoine, 1900, p. 280.

77 Délibération du conseil municipal (6 janvier 1815). Le transfert fut approuvé par Chaptal le 31 mai et les bâtiments récupérés par l’évêque d’Angers en 1816 pour y rétablir le petit-séminaire (Jean-Louis Eytier, Deux siècles en Anjou, op. cit., p. 14-15).

78 Claude-Anthelme Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit., p. 260.

79 Jean-Louis Eytier, Deux siècles en Anjou, op. cit., p. 33.

80 Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Paris, 20 décembre 1816 (Arch. A&M). Sur Molard et l’aumônier, voir aussi Henri Bernier, Notice historique, op. cit., p. 209-210.

81 Molard à La Rochefoucauld, Angers, 24 avril 1816 (Arch. A&M).

82 Molard à La Rochefoucauld, Angers, 20 et 30 mars 1816 (Arch. A&M).

83 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 20 décembre 1816 (Arch. A&M).

84 En mars 1816, la production se montait à 1 366,94 francs.

85 « Observations faites dans le conseil d’administration de l’Intérieur », 28 janvier 1808, Correspondance de Napoléon Ier, Paris, Plon/Dumaine, 1864, t. 16, p. 285. Crétet présentait un rapport sur la comptabilité « des écoles des arts et métiers » de l’an xiii (22 septembre 1804) au 31 décembre 1807.

86 Ibid., p. 285-286.

87 Arch. nat., F/17/14317. Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p. 117.

88 Molard à La Rochefoucauld, Angers, mars-avril 1816 (Arch. A & M).

89 Jean-Louis Eytier, Deux siècles en Anjou, op. cit., p. 33.

90 Arch. A & M.

91 Je souligne.

92 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 7 septembre 1816 (Arch. A & M).

93 Arch. nat., LH/1897/34.

94 Pas de dossier de Légion d’honneur.

95 C’est du moins l’avis de Claude-Anthelme Costaz, Histoire, op. cit., 1832, t. II, p. 477-483.

96 Pour cette section, nous renvoyons aux extraits, analyses et reproductions de documents dans Alain Mercier, Le Conservatoire des arts et métiers des origines à la fin de la Restauration (1794-1830), Gand, Édition Snoeck/Le Cnam, 2018.

97 Cnam. Arch. hist. Bibl. 171 (Molard jeune) et 249 (aîné). Ibid., p. 404-406.

98 Cnam. Arch. hist. Bibl. 249 (n° 81) ; Arch. nat., F/17/14317. Guy Caplat, L’Inspection générale, op. cit., p. 117.

99 Cnam. Arch. hist. Bibl. 160.

100 Cnam. Arch. hist. Bibl. 171, 172, 173, 174, 249, 412, 537 et 538 (1816-1818) ; Arch. A & M (1816-1817).

101 Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 409-411.

102 Cnam. Arch. hist. Bibl. 408. Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 406-408.

103 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 26 février 1817 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 173).

104 La Rochefoucauld à Molard, 24 septembre 1816 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 409). Voir Alain Mercier, Le Conservatoire, Gand, op. cit., p. 408-409.

105 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 26 février 1817 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 172).

106 Molard à La Rochefoucauld, Paris, 1er avril 1817 (Arch. A&M).

107 Cnam. Arch. hist. Bibl. 249 (n° 223), 20 décembre 1816.

108 Fonctions gratuites. Ce titre, porté sur son Système d’agriculture suivi par Mr. Coke en 1820, devient « membre du Bureau Consultatif près Son Exc. le ministre de l’Intérieur » sur son Nouveau système complet de filature de coton en 1828.

109 Voir le chapitre 1 de Laurent Brassart dans ce volume.

110 Médaille et 1 500 francs, le 30 décembre (BSEIN, nivôse an xii, p. 112-116).

111 Mention honorable, le 29 mars (Mémoires d’agriculture, 1818, p. 9).

112 Voir le chapitre 1 de Laurent Brassart dans ce volume. Arnault et al., Biographie nouvelle des contemporains, op. cit., p. 597.

113 Aux mines de Montjean, Maine-et-Loire, et Decize, Nièvre (C.-A. Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit., p. 260-261. Cela permettait l’évacuation les minerais sans recourir à des contre-poids.

114 Ibid.

115 BSEIN, mars 1818, p. 61-62. Invention faussement attribuée à son frère par André Doyon et Lucien Liaigre, « L’Hôtel de Mortagne après la mort de Vaucanson, 1782-1837 », Histoire des entreprises, mai 1963, p. 5-35. Sur ce type de moulins, voir Christian Porcher, « Le papillon, ou système de mise au vent automatique des moulins à vent, en France », Moulins de France, n° 114, avril 2018, p. 4-11, et n° 115, juillet 2018, p. 12-21.

116 Dictionnaire chronologique et raisonné des découvertes […] en France, de 1789 à la fin de 1820, t. XI, p. 612.

117 Ibid., t. III, 1822, p. 60-61 ; t. IX, 1823, p. 130-131, 466 ; t. XIV, 1824, p. 594 ; Le Moniteur, 24 février 1818, p. 243 ; Mémoires d’agriculture, 1818, p. 9, 99-101 ; 1819, p. 167.

118 Contrairement ce qui a été dit (Geneanet ; Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 377), Molard neveu n’est pas le fils de Molard jeune. Né aux Bouchoux le 30 mars 1788, il est fils de Nicolas (oncle des frères) et Marguerite Bussod (cousine germaine de leur mère). Probablement inscrit à l’école de dessin du Conservatoire le 31 mars 1809 (« Jean-François Molard », Cnam. Arch. Musée, 9°66), il y demeurait chez son « oncle » C. P. Molard, comme « surveillant des magasins » (Cnam. Arch. hist. Bibl. 249, 26 décembre 1814), et surveillant général et garde des magasins en janvier 1816, mais Christian demanda la suppression de son poste, aux appointements de 1 600 francs. Voir Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p.  396, 434, 444, 533.

119 Il avait épousé le 5 mars 1810 à Paris, à la Madeleine, Éléonore Justine Courtois (née le 1er septembre 1799), fille d’André Courtois de d’Éléonore Desisle. Ses témoins sont son frère et François Bardel, membre du Bureau consultatif ; ceux de la mariée, J.-J. de La Moricière, capitaine de vaisseau, et E. G. Wallard Chaudry, ancien chef de bureau de la Marine (acte de mariage religieux aimablement communiqué par Dominique De Place).

120 Le Moniteur, 24 février 1818, p. 243.

121 Christian à La Rochefoucauld, Paris, 10 janv. 1818 (Cnam. Arch. hist. Bibl. 413). Alain Mercier, Le Conservatoire, op. cit., p. 435.

122 Voir le chapitre 1 de Laurent Brassart dans ce volume. Voir les contributions de François Jarrige et Fabien Knittel dans ce volume.

123 Absent en 1820, Cambray est rue Neuve Saint-Laurent, n° 6 en 1822, puis rue Neuve Saint-Martin, n° 19. En 1822, Molard jeune dit faire construire une machine à battre le blé « à l’atelier des instruments d’Agriculture, rue Neuve-Saint-Laurent, n° 6 » (Dictionnaire technologique, t. II, p. 590), mais l’article avait sans doute été rédigé antérieurement car l’Almanach du commerce le situe rue du Sentier, n° 4 (1822), puis rue de Bondy, n° 48 (1823).

124 Rue de Charonne, n° 47 (Hôtel de Mortagne / Vaucanson).

125 Héricart de Thury et Migneron, Rapport sur les produits de l’industrie française, Paris, Impr. royale, 1823, p. 289-290.

126 Molard neveu a disparu en 1832, remplacé à cette même adresse par Rosé (p. ccxc). Voir BSEIN, mai 1835, p. 271-276.

127 Dupin, Forces productives et commerciales de la France, Paris, Bachelier, 1827, t. 2, p. 216-217.

128 « Description d’une drague ou machine à curer le fond des rivières, mue à bras et construite par M. Molard jeune pour le service des canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis », BSEIN, mai 1824, p. 121-123 et pl. 262.

129 Hachette, « Notice historique sur les mémoires relatifs aux moulins à vent à ailes verticales, communiqués à la Société d’encouragement et mentionnés dans son Bulletin », BSEIN, octobre 1824, p. 292-295.

130 Ce point est développé dans P. Bret, « François Emmanuel Molard et la littérature technologique (1820-1828) » (à paraître).

131 Renseignements aimablement communiqués par Philippe Coepel.

132 Il est également consulté par la Société d’agriculture, par exemple pour un concours sur des moulins portatifs et à bras (Mémoires d’agriculture, 1819, p. 67, 166-167, 181).

133 BSEIN, 1826, p. 164-166.

134 BSEIN, juin 1821, p. 160.

135 Voir Marie-Sophie Corcy, Liliane Hilaire-Pérez, « La Salle des produits anglais au Conservatoire des arts et métiers ou la technologie oubliée », Artefact, n° 5, 2016, p. 41-58.

136 Voir le chapitre 11 de Laetitia Zicavo dans ce volume.

137 Système d’agriculture suivi par Mr. Coke, sur sa propriété d’Holkham, comté de Norfolk, en Angleterre, décrit par Edward Rigby, esq., et Francis Blaikie…, Paris, Mme Huzard / Mongie aîné, 1820.

138 C.-A. Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit., p. 261.

139 Joost Mertens, « Technology as a Science of the Industrial Arts: Louis-Sébastien Lenormand (1757-1837) and the Popularization of Technology », History and Technology, 18 (3), 2002, p. 203-231.

140 Joost Mertens, « The Annales de l’industrie (1820-1827): A Technological Laboratory for the Industrial Modernization of France », History and Technology, n° 20, 2004, p. 135-163.

141 Décès à son domicile, 48 rue de Bondy, Paris 5e, déclaré par son beau-frère Sylvestre Courtois Saint-Clair, 42 ans, ancien officier supérieur, et son « neveu » Jean-Baptiste Molard, 40 ans, propriétaire (AD Paris, V2E). Il laissa 49 440,73 francs de biens mobiliers et des biens immobiliers au revenu de 800 francs (AD Paris, DQ8 665).

142 C.-A. Costaz, « Notice sur feu [Molard] », op. cit.

143 « Il forma au travail de nombreux élèves, qui trouvèrent toujours auprès de lui justice et protection. Leur reconnaissance s’est manifestée par l’empressement religieux qu’ils ont mis à porter les dépouilles mortelles de cet homme de bien à son dernier asile, et les larmes qui coulaient en abondance sur son cercueil. » (Le Constitutionnel, 26 mars 1829). Voir aussi Revue encyclopédique, mai 1829, p. 557.

144 Dominique De Place, « Molard [aîné] », op. cit., p. 268, 271.

145 « There still is no term for the writer-technologist-scientist who produced the Dictionnaire, who straddled science and technology in diverse work settings at the levels of invention and innovation at which a Molard, Robiquet, or Payen operated » (Joost Mertens, « The Dictionnaire Technologique (1822-1835): Arts, Science, and Technology in the Bourbon Restoration », texte inédit).

146 Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez, « Qu’est-ce que la technologie ? Jalons pour l’histoire longue d’un concept oublié », dans Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez, Jochen Hoock (dir.), La Technologie générale. Johann Beckmann Entwurf der algemeinen Technologie / Projet de technologie générale (1806), Rennes, PUR, 2017, p. 13-36.

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Certificat de Conté. Arch. École polytechnique.
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Titre Fig. 2. Machine pour débiter et charronner les jantes de roues. Cnam, musée des Arts et métiers. Photographie Anne-Laure Carré.
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Titre Fig. 3. Le quotidien du proviseur de Beaupréau. Lettre de Molard à La Rochefoucauld-Liancourt, Beaupréau, 2 février 1813. Arch. A&M, Liancourt.
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