Conclusion
p. 200-203
Texte intégral

1 Comme nous le laissions entendre dès l’introduction, cet ouvrage à vocation didactique aura rempli son objectif s’il rend service, s’il suscite de nouvelles recherches, s’il donne envie d’aller plus loin dans les investigations historiques pour renouveler en profondeur l’histoire militaire, qui est d’abord et avant tout une histoire économique et sociale, de nos régions.
2Les différents auteurs du présent livre partagent déjà la conviction qu’il serait souhaitable d’envisager la publication de toutes les montres d’armes, d’une façon rigoureuse pour ne pas dire scientifique, dont les rôles sont conservés en grand nombre dans les services d’archives. Ces montres d’armes se trouvent en effet aux Archives départementales du Doubs, du Jura et de la Haute-Saône, dans différentes séries, mais il en existe aussi ailleurs, dans les bibliothèques (par exemple à la Bibliothèque d’étude et de conservation, à Besançon) et dans les services d’archives municipales, mais aussi dans certaines bibliothèques en dehors de la région, notamment à Paris.
3Plusieurs parmi ces rôles ont déjà été publiés par des chercheurs comme Jules Gauthier1, Pierre Pegeot2, Jean-Marie Thiébaud3, Gérard Louis4. Beaucoup d’autres ont paru, intégralement ou sous forme d’extraits, dans des revues ou livres d’histoire locale, par exemple la montre qui s’est déroulée le 29 août 1515 à Champagnole5. D’autres encore ont été publiées dans des revues de généalogie6.
4Une première étape consisterait à les repérer, à établir la liste des montres d’armes publiées ou inédites. Ensuite, il conviendrait d’élaborer et de mettre en œuvre une méthodologie pour la transcription, en vue de la publication. Le plus cohérent consisterait à publier d’abord la série homogène de la grande montre d’armes de 1632. Ensuite, il serait utile d’éditer toutes les montres d’armes réalisées au cours du XVIe siècle, soit sous Charles Quint soit sous Philippe II, puis dans le premier tiers du XVIIe siècle. Pour très dispersées qu’elles paraissent, elles pourraient être rassemblées et éditées. Ce travail, aussi considérable soit-il, ne semble pas insurmontable. Il y a là une source exceptionnelle qui ne demande qu’à être réunie puis exploitée et qui est de nature à renouveler nos connaissances, encore trop fragmentaires, sur la population et la démographie comtoises à la veille de la guerre de Trente Ans.
5Les travaux réalisés pour aboutir au présent ouvrage montrent aussi la nécessité d’approfondir nos connaissances sur les fortifications comtoises. A l’évidence, on connaît encore très mal les ensembles urbains fortifiés. Les chantiers de Dole et de Gray ont été étudiés par Aislinn Perron et Laeticia Marquès, mais uniquement pour certaines années7. Il faut aussi se pencher sur les impressionnantes fortifications de Salins et sur d’autres, plus modestes mais aussi intrigantes, par exemple celles de Champlitte où quelques vestiges méritent d’être sauvegardés.
6Une troisième piste de recherche consisterait à souligner les liens militaires entre la Franche-Comté et les anciens Pays-Bas. Cette dimension de l’histoire politique n’avait, sciemment, pas été prise en considération lors du colloque de Vesoul et Tournai. Le cas de Fery de Guyon, présenté ici par Paul Delsalle, incarne parfaitement ces phénomènes migratoires entre la Comté de Bourgogne et les Pays-Bas méridionaux. On voit bien ce petit page, devenu soldat au service des Habsbourg, terminer sa vie militaire dans la région de Douai et Tournai. L’analyse des archives conservées à Lille, à Bruxelles et ailleurs doit être poursuivie pour mieux comprendre la situation militaire en Franche-Comté8. Il serait intéressant de mesurer, par exemple, les éventuelles répercussions comtoises de l’édit de Saint-Omer, en1596, concernant « la conduite des gens de guerre »9.
7Ces préoccupations, parmi d’autres que nous aurions pu proposer, seront d’autant plus fécondes qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’un renouveau de l’histoire militaire. On a pu lire, ici même, les premières publications de jeunes historiens prometteurs : Arnaud Dochtermann travaille sur Besançon pendant la guerre de Trente Ans et Julien Yenny sur les ingénieurs au service du prince de Montbéliard. La relève est assurée. Nul doute que l’histoire militaire, qui ne se cantonne plus à la politique et à la diplomatie des Habsbourg mais qui prend en compte toute l’histoire économique et sociale, ne soit en plein renouvellement.
Notes de bas de page
1 Pour la période 1469-1521 : « Montre d’armes du rière-ban des ressorts de Dole et d’Aval », Académie de Besançon, 1883.
2 « L’armement des Montbéliardais, 1440-1550 », Société d’Emulation de Montbéliard, 1990, p. 307-335.
3 Pour les montres d’armes d’Uzelle et de la seigneurie d’Usier en 1632 (Archives départementales du Doubs : 2 B 1476) ou encore celle de la seigneurie de Jougne (2 B 1466).
4 La démographie comtoise et la guerre de Trente Ans : étude de deux sources inédites, DEA, 1985.
5 Parue dans : Champagnole d’hier et d’aujourd’hui, 1991, p. 63-66.
6 Par exemple la montre d’armes de Cramans (39) en 1632, dans Généalogie franc-comtoise, n° 106, p. 57-58.
7 Aislinn PERRON et Laeticia MARQUES, La construction des fortifications de Gray (1552-1562), mémoire de Maîtrise, Université de Franche-Comté, sous la direction de Paul Delsalle, 2004, 2 volumes ; Aislinn PERRON, Les fortifications de Dole (1537-1558) : métiers, outils, matériaux, mémoire de Master 2, Université de Franche-Comté, sous la direction de Paul Delsalle, 2005.
8 A l’origine, nous avions songé à publier ici quelques documents concernant les troupes des Pays-Bas ; une étude préalable, pour confronter les deux séries de sources, semble nécessaire ; en attendant, on se reportera aux nombreux documents publiés ; par exemple : Mattias PATTYN, « De weerbare mannen van de stad en de kasselrij Belle anno 1639 », dans : Westhoek, Tijdschrift voor geschiedenis & familiekunde in de Vlaamse & Franse Westhoek, Jaargang 16, 2000, p. 17-44 ; Jean-Marie DUVOSQUEL, « La participation à la défense de la ville et du pays. Gardes communales et hommes mobilisables à Warneton aux XVIe et XVIIe siècles (1597-1639) », Mémoires de la Société d’histoire de Comines-Warneton et de la région, tome XXV, 1995, p. 141-192.
9 Cet édit a fait l’objet, récemment, d’une nouvelle édition critique : Monique WEIS, « L’Edict et ordonnance sur le fait de la conduicte des gens de guerre et discipline militaire du 27 mai 1596 : une source normative pour l’histoire sociale des armées modernes », Koninklijke Commissie voor de uitgave der Oude Wetten en Verordeningen van België, Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique, Bulletin XLVI Handelingen, Bruxelles, 2005, p. 9-37.
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