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Terre et propriété à l’est de l’Europe depuis 1990

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Marie-Claude Maurel

Deuxième partie. Reconstruire les relations de propriété

Chapitre 4

Recomposer le couple propriété/exploitation

Texte intégral

Introduction

1Engagée dans la foulée de l’adoption des procédures d’attribution des droits de propriété, la séquence de réappropriation de la terre et des biens non fonciers se poursuit durant la décennie 1990. Selon les pays et les conditions locales, sa réalisation prend un temps plus ou moins long, d’un ou deux ans à plus d’une dizaine.

2Dans plusieurs pays d’Europe centrale, les procédures de conversion juridique se sont déroulées selon un agenda programmé à l’avance et généralement respecté. L’adoption de nouveaux statuts, en conformité avec la réaffectation des droits de propriété* entre les ayants droit, s’est accompagnée d’une première phase de réorganisation des unités de production. Dans leur nouvelle version juridique, ces « exploitations-successeurs* » des anciennes structures collectivistes ont permis d’éviter les effets les plus préjudiciables de la dislocation des facteurs de production. Conduite à l’initiative d’acteurs aux intérêts variés, la transformation a suivi des voies plurielles, sans que, au moins dans un premier temps, un modèle économique viable ne s’impose. Dès ce moment initial, certains groupes d’acteurs, plus avisés, ont entrepris d’infléchir les stratégies d’ajustement à la nouvelle donne économique des exploitations successeurs* dans un sens répondant mieux à leurs intérêts particuliers. C’est ainsi que la recomposition du capital d’exploitation entreprise par les cadres gestionnaires a préparé une deuxième vague de conversion de type sociétaire, impulsée par de réelles stratégies de prise de contrôle du capital et d’appropriation économique.

3Lorsque le démantèlement des exploitations coopératives est intervenu brutalement, le processus de décollectivisation* s’est soldé par une rupture quasi complète avec le modèle collectiviste. En Roumanie, seules les exploitations d’État transformées en sociétés commerciales sont parvenues à échapper provisoirement à l’effondrement de l’appareil productif. Pour pallier les problèmes d’organisation de la production, les agriculteurs ont entrepris de créer de nouvelles formes de type associatif afin de permettre aux petites exploitations paysannes de bénéficier d’une assistance technique à la mise en culture des terres.

4Les solutions imaginées par les acteurs sociaux pour organiser la recomposition de facteurs de production que les procédures de privatisation* avaient dissociés, se sont avérées inégalement durables. Un processus de sélection des formes sociales post-collectivistes s’est développé en fonction des choix politiques opérés par les majorités gouvernementales, de la dynamique des forces sociales en présence et sous l’effet des contextes géographiques.

Refonder les conditions d’exploitation de la terre

Un couple dissocié sous l’effet des privatisations*

  • 1 Des amendements aux premières lois ont modifié les dates de référence ainsi que les plafonds, génér (...)
  • 2 Les situations d’indivision ont souvent perduré, notamment en Slovaquie où le respect d’une traditi (...)
  • 3 En Tchécoslovaquie, les nombreuses demandes de restitution déposées par les anciens propriétaires p (...)

5Les privatisations* ont eu pour conséquence quasi immédiate de défaire le couple propriété/exploitation constituant le support de l’activité de production agricole. D’une manière générale, les dispositifs législatifs ont organisé séparément la privatisation* des facteurs de production agricole, la terre d’une part, le capital d’exploitation d’autre part, ainsi qu’il en a été rendu compte ci-dessus. Lorsque les politiques de privatisation* ont restauré les anciens propriétaires dans leurs pleins droits de propriété, elles ont pris appui sur des structures foncières héritées des réformes agraires de l’entre-deux-guerres, dans le cas des États baltes, ou de l’immédiat après-guerre, partout ailleurs. La taille des biens faisant l’objet d’une restitution dépendait du plafond fixé par les lois encadrant les privatisations*1. En conséquence, les politiques de restitution ont conduit à rétablir une trame de la propriété foncière caractérisée par un fort émiettement. Si l’on tient compte du fait que les divisions successorales n’avaient pas été reportées dans les registres fonciers durant la période collectiviste, ce morcellement était dans les faits encore plus accentué2. En attribuant des parcelles à diverses autres catégories de bénéficiaires, les politiques de redistribution foncière ont encore renforcé la situation d’émiettement3.

6La privatisation* des actifs non fonciers, composés des bâtiments d’exploitation, du cheptel, du matériel agricole, a été effectuée séparément et selon d’autres modalités. Après avoir fait l’objet d’une évaluation, les actifs ont été répartis sous forme de parts de propriété attribuées aux ayants droit au partage (membres actifs et retraités des coopératives, propriétaires fonciers), en fonction de divers critères (valeur de l’apport initial, contribution en travail à la constitution du capital d’exploitation) selon les dispositifs encadrant dans chaque pays la transformation des exploitations collectives. Des formes de privatisation* spontanée ont vu le jour lorsque les forces sociales ont fait pression pour démanteler les exploitations collectives (notamment en Roumanie).

  • 4 De manière générale, les modalités de privatisation ont été à l’origine d’un important processus de (...)

7Les droits de propriété* sur la terre et le capital d’exploitation ont donc été remis de manière disjointe à des propriétaires fonciers et à des porteurs de parts sociales. Les bénéficiaires pouvaient appartenir concurremment à ces deux catégories ou soit à l’une, soit à l’autre. La plupart d’entre eux ont participé à la prise de décisions concernant la transformation juridique des exploitations qui détenaient leurs biens. Lorsque, par exemple en raison d’une situation de faillite, les exploitations ont dû être dissoutes, la mise à l’encan des équipements productifs et du cheptel a suivi. Dans un certain nombre cas, davantage en Roumanie qu’ailleurs, les biens matériels des coopératives ont été emportés par ceux qui y travaillaient4.

8Ces modalités de privatisation* distinctes ont conduit au découplage de la terre et du capital d’exploitation, deux facteurs de production auparavant associés dans le cadre d’une exploitation collective. L’établissement des droits de propriété* sur la terre comme sur le capital d’exploitation s’est en outre accompagné de leur fractionnement entre les mains d’une multitude de petits propriétaires fonciers et/ou d’attributaires de parts de capital. Les privatisations* ont eu pour effet de désassembler le couple propriété/exploitation en même temps qu’elles procédaient à une opération de découpe du foncier agricole et à une division du capital d’exploitation sous forme de parts de propriété virtuelles dont la valeur restait mal établie.

Dispersion du capital d’exploitation des coopératives

  • 5 La répartition du capital d’exploitation sous forme de parts sociales peut être assimilée à la remi (...)

9De manière générale, les modalités de partage des actifs non fonciers ont conduit à une dispersion du capital d’exploitation entre les mains d’un grand nombre de porteurs de parts5.

  • 6 Le nombre des porteurs de parts s’élevait à 1 143 000 pour l’ensemble des coopératives en Hongrie. (...)

10En Tchécoslovaquie comme en Hongrie, le rétablissement des droits de propriété* sur la terre a précédé la conversion juridique des coopératives agricoles. La transformation des relations de propriété née des modalités de privatisation* de la terre (restitution, vente aux enchères des terres, distribution de parcelles aux membres et aux employés) a considérablement élargi le cercle des propriétaires fonciers, et cela indépendamment de leurs liens effectifs avec l’agriculture6. En Lituanie, la subdivision des équipements productifs des kolkhoz* et des sovkhoz* en « complexes technologiques de production » a précédé leur privatisation* et la formation de nouvelles associations agricoles.

  • 7 En Hongrie, seuls les membres participent aux décisions concernant le fonctionnement de la nouvelle (...)

11La transformation des coopératives a mis en scène des ayants droit aux intérêts très divers, voire antinomiques : des « propriétaires extérieurs » n’ayant aucun lien avec l’agriculture, des retraités attendant une rente de leurs parts de propriété, des membres actifs soucieux avant tout de conserver un emploi et un salaire. Les porteurs de parts n’avaient pas tous les mêmes compétences pour exercer un droit de contrôle sur la gestion des biens des nouvelles coopératives. Les propriétaires « extérieurs » n’avaient ni le temps ni les moyens, lorsque même ce droit leur était reconnu, de s’y intéresser7. Dans ces conditions, les gestionnaires des coopératives étaient en position d’arbitrer les différends qui surgissaient entre groupes d’intérêt opposés. Ils ont élaboré des stratégies de contrôle leur permettant d’exercer les droits réels de propriété et à terme de rassembler dans leurs mains les parts du capital d’exploitation. Pour parvenir à leurs fins, ils ont mis à profit les craintes et les tensions, voire les désaccords, en se présentant comme les défenseurs de l’outil de production, en n’hésitant pas à promettre aux petits propriétaires le versement régulier de dividendes et le paiement d’une rente foncière. Par de subtils jeux d’alliance, ils ont cherché à écarter ou à marginaliser les groupes d’acteurs ne participant pas directement à l’activité de l’exploitation et ils ont fait pression sur les plus vulnérables (notamment les personnes âgées) pour se faire céder leurs parts. Ces opérations de rachat de parts d’entreprise, plus ou moins dissimulées, ont constitué l’une des voies permettant la recomposition du capital d’exploitation et sa concentration dans les mains d’une élite dirigeante.

Recomposer les formes sociales de production

Genèse de nouvelles formes d’articulation

  • 8 Le terme de « formes sociales de production » fait référence au mode d’articulation des facteurs de (...)

12Sur la lancée de la privatisation*, la transformation des structures de production s’est traduite par l’émergence de formes sociales en partie inédites8. Deux séries de changements sont à l’œuvre. D’une part, les transformations portant directement sur les anciennes exploitations collectives qui remodèlent les statuts, les modes d’articulation et de gestion des moyens de production. Encadrée par les dispositifs de privatisation*, leur conversion donne naissance à des exploitations-successeurs. D’autre part, à l’initiative d’acteurs indépendants, se créent de nouvelles exploitations agricoles, fondées sur la propriété privée et/ou l’usage également privé de la terre. Entre les formes sociales qui se transforment et celles qui se créent, des relations d’association, plus rarement d’intégration concertée, peuvent se nouer. Une phase d’expérimentation de formes inspirées de modèles connus et de figures inédites de nature hybride prolonge les premières transformations opérées sous l’effet des privatisations*. Les diverses formes sociales traversent un temps de mise à l’épreuve de leur capacité d’ajustement à la nouvelle donne de l’économie de marché. Selon les contextes locaux, cette phase de recomposition s’est révélée d’ampleur et de durée variable, et s’est traduite par une grande hétérogénéité structurelle.

  • 9 D’une manière générale, les catégories d’analyse ne recouvrent pas nécessairement les définitions é (...)
  • 10 L’instabilité affectant les formes de recomposition des facteurs de production a rendu aléatoire le (...)
  • 11 Cette approche s’applique aux exploitations qui, sous des formules et des noms divers ont pris la s (...)
  • 12 Ces exploitations n’étaient généralement pas soumises à un enregistrement obligatoire auprès des ad (...)

13Il y a plusieurs façons de caractériser les formes sociales de production9. On peut prendre appui sur des critères tels que la dimension économique, l’orientation de la production (marchande ou non), la structure de la propriété, le mode de gestion, le type de main-d’œuvre (familiale ou salariée), etc.10. Dans le cadre de l’analyse du changement, l’accent peut être mis sur la genèse des formes sociales de production repérables dans les agricultures post-collectivistes. Comment se positionnent-elles par rapport aux formes antérieures, en quoi témoignent-elles d’une sorte de continuité ou à l’inverse d’une rupture par rapport à celles-ci ? Pour qualifier ces formes sociales, il est proposé une approche à visée interprétative11 qui tienne compte de l’affectation des droits de propriété* sur la terre et sur le capital d’exploitation, de leur mode d’assemblage au sein des entités transformées. Chaque forme sociale de production peut être définie par un mode d’articulation de la terre, du capital et du travail qui lui est spécifique (figure 6). Leur genèse relève de mécanismes complexes de transmission, de reproduction et d’adaptation qui affectent les relations de propriété et, de manière générale, les rapports sociaux. Nées d’une combinaison hybride des facteurs de production, les néo-coopératives de propriétaires, les associations et les entreprises publiques issues de la conversion des fermes d’État se sont révélées être des formes transitoires. Quant aux nouvelles exploitations de type individuel ou familial, établies à la suite de la privatisation* et du retrait des terres, elles ont subi un processus de sélection qui a entraîné la réduction rapide de leur nombre12.

Figure 6. Critères de catégorisation des formes sociales de production

Formes sociales de production Statut juridique Terre (statut du foncier) Capital d’exploitation Travail Rapport au marché
Exploitation néo-coopérative Coopérative de propriétaires, association agricole, société agricole En location auprès des membres et associés Dispersion des parts sociales entre un grand nombre de porteurs Membres actifs salariés Orientation marchande dominante
Entreprise publique Administration sous tutelle des agences foncières publiques En attente de restitution et/ou de mise en vente Capital d’État dominant Salariat Orientation marchande exclusive
Entreprise sociétaire Société par actions, orientation marchande exclusive, Sarl Principalement en location, possibilité d’achat (selon pays) Parts de capital (majoritairement détenues par les cadres gestionnaires) Salariat (permanent et saisonnier) Orientation marchande exclusive
Exploitation familiale Enregistrée, le chef d’exploitation est une personne physique Faire-valoir direct et indirect Bâtiments, équipement productif, cheptel, en propriété de l’exploitant Principalement familial Orientation marchande dominante
Petite exploitation de subsistance Non enregistrée Faire-valoir direct Petit matériel, quelques têtes de bétail Exclusivement familial Orientation vivrière dominante

Source : conception de l’auteur.

Les « exploitations-successeurs* »

  • 13 Cette expression à caractère générique s’applique à l’ensemble des exploitations issues de la trans (...)
  • 14 En laissant les dettes à la coopérative d’origine et en transférant les actifs immobiliers sains à (...)

14Sous des formes juridiques et des appellations diverses, coopératives de propriétaires en République tchèque, Slovaquie et Hongrie, associations agricoles en Lituanie, sociétés agricoles en Roumanie, les anciennes coopératives* de production agricole ont opéré une conversion de type néo-coopératif. Moyennant une réduction de leur superficie et de leurs équipements qui résulte des retraits de biens fonciers et non fonciers par les ayants droit, elles ont pris le relais des anciennes structures, d’où le terme d’« exploitations-successeurs* », généralement utilisé pour les désigner13. Ces nouvelles entités se caractérisent par le caractère composite de l’appropriation de la terre et des biens. Les droits de propriété* sur la terre ont été remis à des propriétaires qui sont devenus les bailleurs d’une entité coopérative ou associative exerçant un droit d’usage du foncier, reconnu, enregistré et rétribué. Les modalités de partage des actifs non fonciers entre les diverses catégories d’ayants droit ont conduit à fractionner le capital d’exploitation en parts sociales entre un nombre élevé de porteurs, de l’ordre de quelques centaines. Ces derniers peuvent être des personnes extérieures, résidant en ville, ainsi que d’anciens membres retraités, qui ne participent plus à l’activité de production mais en attendent le versement d’un loyer. Les actifs ont le statut de membres de la coopérative transformée s’ils détiennent des terres et/ou des parts sociales. Pour autant, leur emploi n’est pas garanti en raison des difficultés économiques qui contraignent les directions à réduire le nombre des personnels salariés. Le mode de fonctionnement en théorie fondé sur les principes de la coopération, met en relation des partenaires dont le statut et le positionnement diffèrent (propriétaires extérieurs, retraités, salariés, gestionnaires, etc.) et qui cherchent à défendre leurs intérêts propres. Dans les conditions dures du passage à l’économie de marché à l’origine d’une situation compromise par un fort endettement des exploitations, une telle configuration institutionnelle vit sous la menace permanente des tensions découlant de visées opposées. Pour assurer une plus grande stabilité au capital de l’exploitation, le groupe des gestionnaires peut engager une recomposition de celui-ci en recourant à diverses procédures : création d’une nouvelle entité juridique destinée à gérer une partie des actifs14, rachat de parts sociales auprès de retraités crédules, mise en faillite et vente à l’encan des équipements suivie de rachat, etc. La plupart des actions entreprises s’apparentent à des stratégies d’appropriation-contrôle conduites à l’initiative du petit groupe des gestionnaires de l’exploitation-successeur*. En quelques années, un grand nombre de directions entreprennent de convertir les coopératives en divers types de sociétés dont le capital est détenu par un plus petit nombre d’actionnaires et qui de ce fait s’avèrent plus stables. Structures hybrides et transitoires, les coopératives de propriétaires ou les associations agricoles, mises en place par les lois organisant la privatisation*, ont servi de matrice à la constitution d’entreprises de statut sociétaire.

  • 15 Le 30 juillet 1991, la Diète a adopté la « loi sur la privatisation* des biens des exploitations ag (...)
  • 16 Formés sur la base des différentes unités qui formaient initialement la structure territoriale (les (...)

15En Lituanie, les associations agricoles ont pris la succession des anciens kolkhoz* et sovkhoz*. Lors de la transformation le législateur n’a établi aucune distinction entre ces deux types de structure (Mačiulytė, 1995)15. Les personnes éligibles à la distribution des parts du capital d’exploitation étaient les membres actifs et retraités des anciennes exploitations collectives ainsi que certaines catégories de résidents en milieu rural (enseignants, employés des services, etc.) auxquels ont été remis des coupons « verts » dont la valeur nominale était fonction du nombre d’années de travail et de la valeur des actifs du kolkhoz* ou du sovkhoz*. Ces coupons « verts » pouvaient être utilisés pour souscrire des parts dans le cadre de la privatisation* des biens de l’exploitation. Confiée aux services locaux de la réforme agraire*, dont les responsables étaient souvent en cheville avec les directeurs des exploitations collectives, la procédure de privatisation* prévoyait de constituer des « complexes technologiques de production »16 susceptibles d’être privatisés de manière séparée. Les associations agricoles ont été formées en démembrant les anciennes exploitations et en déconnectant les unités de production agricole (de culture et/ou d’élevage) des ateliers de service ou de transformation avec lesquels elles fonctionnaient en symbiose auparavant. Fondées sur le principe du partenariat de leurs membres qui ont fait apport de leurs parts sociales, les associations agricoles cultivent des terres qui ne leur appartiennent pas et qui sont en location. Ces terres qui formaient au départ une sorte de réserve du Fonds d’État ont progressivement été restituées à leurs anciens propriétaires. À partir de 1997, les propriétaires fonciers ont été libérés de l’obligation de louer leurs terres aux associations. La superficie exploitée par ces associations s’est alors progressivement rétrécie sous l’effet des retraits de terres tandis que leur nombre décroissait sous l’effet des faillites et des dissolutions.

Les entreprises publiques

16Une version différente de l’exploitation-successeur a revêtu la forme de l’entreprise publique. Ce type de structure à capital d’État prépondérant, sinon exclusif, a été mise sur pied pour prendre en charge la gestion des fermes d’État et des combinats agro-industriels sur lesquels l’État tenait à garder un droit de contrôle. Considérées comme propriété de l’État par l’ancien régime, les fermes d’État auraient dû en toute logique se voir appliquer le même traitement en matière de privatisation que les autres entreprises étatiques. Or, une telle disposition n’était pas tenable car leur privatisation ne pouvait être engagée sans que soient clarifiés les droits de propriété* sur la terre dont une partie provenait des confiscations de l’immédiat après-guerre.

17En Hongrie, la privatisation des fermes d’État s’est opérée sous le contrôle de l’Agence de la propriété d’État qui a choisi de les vendre après les avoir préalablement transformées en entités commerciales. Après évaluation des actifs, des sociétés par actions ont été constituées dont l’État détenait la majorité du capital, une petite fraction de celui-ci pouvant être attribuée aux employés. Pour chaque entreprise, un plan de transformation a été élaboré qui consistait à les organiser en entités viables susceptibles d’intéresser les investisseurs. Beaucoup de fermes d’État ne pouvaient être restructurées tant que la vente des terres du fonds de compensation n’était pas achevée. Ces diverses contraintes, au premier rang desquelles l’endettement souvent très lourd de ces entreprises, ont ralenti le processus de privatisation. Sur un nombre initial de 122 unités, 24 grandes exploitations d’État, spécialisées dans la production de semences et la sélection d’animaux de race, devaient rester propriété de l’État avec une participation minoritaire de leurs employés. D’abord transformés en entreprises soumises aux lois du marché, quelques-uns des plus grands combinats agricoles ont par la suite été rachetés et intégrés au sein de holdings agro-industriels.

  • 17 L’Agence de la propriété agricole du Trésor public, créée le 1er janvier 1992, est une institution (...)

18En Pologne, la privatisation des exploitations agricoles d’État a été confiée à une Agence ad hoc, l’Agence de la propriété agricole du Trésor public17, mise en place par la loi du 19 octobre 1991 (Halamska, 1995). Cette loi a déterminé les diverses méthodes de privatisation des fermes d’État qui pouvaient être soit transformées en société unipersonnelle de l’État, soit vendues en totalité ou en partie, soit mises en location auprès d’une personne physique ou morale, soit apportées en totalité ou en partie à une société, soit transmises en totalité ou en partie à une administration légale, ou soit encore mises en gérance. La politique de restructuration des fermes d’État devait être subordonnée aux objectifs stratégiques de la politique agricole, et notamment au renforcement de l’agriculture familiale, grâce à la mise en vente ou en location des terres auprès des exploitants individuels. À la fin de 1994, la prise en charge par l’Agence des biens des fermes d’État était largement engagée. L’Agence avait procédé à la dissolution de 1 646 exploitations agricoles étatiques en prenant en charge les terres qu’elles cultivaient (soit 3 706 300 hectares). Sur presque 4 millions d’hectares de terres à la disposition du Fonds du Trésor public, 1 840 700 hectares (soit 46 %) avaient été donnés à bail, 1 704 400 (41 %) relevaient des exploitations agricoles du Trésor public administrées par des gérants provisoires, 258 900 (6,3 %) étaient exploités par des entreprises mises sous contrat d’administration. L’Agence de la propriété agricole du Trésor public avait pour mission prioritaire la remise en ordre du secteur public agricole. Son intervention a permis de réaménager la situation juridique et la structure organisationnelle des unités de production.

19Placées directement sous l’administration des Agences de la propriété d’État (Pologne, Hongrie), qui devaient veiller à limiter leurs pertes, les entreprises publiques ont progressivement cédé le pas à des structures sociétaires, au fur et à mesure que progressait la privatisation.

Les exploitations sociétaires (corporate companies)

  • 18 Dans leur grande majorité, ces terres avaient autrefois appartenu aux populations allemandes, expul (...)

20Les exploitations de type sociétaire (société par actions, société à responsabilité limitée) sont nées soit de la privatisation* des fermes d’État, soit de la conversion des coopératives de propriétaires. En République tchèque, la restructuration des fermes d’État aurait dû s’opérer dans le cadre de la loi sur la « grande » privatisation* concernant les entreprises. Chaque ferme d’État était invitée à soumettre, au ministère de l’Agriculture et au ministère des Privatisations, un projet de privatisation* rassemblant les données économiques et techniques de l’entreprise et de ses composantes privatisables, la méthode de privatisation* envisagée (cession de capital, vente aux enchères, appel d’offres et adjudications, vente par la méthode des coupons distribués à la population). Face à l’aggravation de la situation financière résultant du passage au marché et sans attendre le règlement des restitutions 18, les terres et les biens des anciennes fermes d’État ont été mis en location par le Fonds foncier auprès d’exploitants souvent organisés selon un mode sociétaire. De la sorte, ces repreneurs se sont vus garantir un droit de préemption en cas de mise en vente ultérieure des biens.

21De manière générale, les anciennes fermes d’État ont généralement été privatisées à l’initiative et au profit des anciens cadres gestionnaires (le groupe des « spécialistes ») qui ont eu l’opportunité d’élaborer le plan de privatisation* des biens non fonciers. De grandes dimensions, les fermes d’État ont été scindées en unités de production de taille plus limitée. Dans un premier temps au moins, les terres ont été prises en location par les sociétés qui reprenaient les biens auprès des institutions ad hoc mises en place par l’État (Fonds foncier, etc.). Elles employaient des salariés permanents et saisonniers en nombre sensiblement plus réduit qu’auparavant et destinaient leur production au marché. Leur objectif principal visait à dégager un compte d’exploitation bénéficiaire ce qui impliquait que les recettes de la vente des productions puissent rémunérer le travail salarié, le capital investi et assurer le versement d’une rente foncière aux bailleurs de terres. La viabilité de ce type d’entreprise reposait sur la qualité d’une gestion de type managérial, en mesure de réduire les coûts de production et particulièrement la charge salariale, afin de rendre le système de production compétitif.

La réapparition polymorphe d’une agriculture familiale

  • 19 Dans la plupart des pays, le chômage des travailleurs ruraux n’était pas couvert par un système d’a (...)

22Ce que l’on qualifie d’agriculture familiale revêt une grande variété de formes qui se distinguent par les dimensions, la logique de fonctionnement, le degré d’orientation de la production vers le marché. Dans leur grande majorité, les exploitations de type individuel ou familial établies au lendemain des privatisations* relevaient du mode de fonctionnement propre à l’économie paysanne fondée sur les besoins de la famille et ses ressources en travail. À travers des productions en grande partie autoconsommées et écoulées sur les marchés de proximité, la plupart des ménages ruraux cherchaient à compléter les revenus obtenus d’autres activités ou de transferts sociaux (pensions, allocations)19. Dans la plupart des pays, le chômage des travailleurs ruraux n’était pas couvert par un système d’aides. Les micro-exploitations de subsistance étaient de nature comparable aux anciens lopins auxiliaires attribués en usufruit aux travailleurs agricoles pour leur usage propre. Les politiques de redistribution des terres ont permis d’agrandir ces lopins tout en accroissant leur nombre, en Hongrie, en Lituanie, et surtout en Roumanie.

23Les nouvelles exploitations familiales procédaient d’une vision sensiblement différente. Établies sur une assise foncière de plus grande dimension, fondées sur un projet professionnel de type entrepreneurial, ces créations étaient portées par des acteurs issus du monde agricole. Leur importance était très variable selon les pays et les régions. Les nouvelles exploitations familiales poursuivaient des stratégies d’accumulation de la ressource foncière et de développement de la production en l’orientant vers le marché, ce qui explique qu’elles aient répondu à l’obligation administrative d’enregistrer leur activité. Un grand nombre d’entre elles ont éprouvé de réelles difficultés pour accéder au crédit bancaire, bénéficier d’une assistance technique adéquate et maitriser les circuits commerciaux de manière à écouler leur production sur le marché. En outre, leur élargissement a pu se heurter à la difficulté d’accumuler du foncier sur les marchés de la location ou de l’achat-vente de terres, en raison de la concurrence des structures de plus grandes dimensions.

24De manière à repérer l’effet des stratégies d’appropriation des acteurs sociaux sur la transformation des formes d’exploitation agricole, le travail de catégorisation a pu s’appuyer sur l’observation in situ des recompositions à partir des terrains d’enquêtes. Le schéma de conversion des exploitations étatiques et coopératives a emprunté des voies plurielles via des formes transitoires qui ont ménagé en quelque sorte un « sas de sortie » pour des acteurs sociaux mal préparés à une telle rupture de système.

L’exceptionnelle résilience de la grande maille agraire

  • 20 Les très grandes exploitations collectives, nées des fusions opérées dans les années 1960-1970, ont (...)

25Quelle que soit la diversité des formes sociales apparues au lendemain de la décollectivisation*, on observe une sorte de continuité de l’emprise spatiale de la grande exploitation. Issues de la transformation des anciennes exploitations coopératives, au début de la décennie 1990, les « exploitations-successeurs* » se caractérisent par un degré élevé de concentration foncière, obtenu par la prise à bail des terres auprès des anciens membres des coopératives et de nombreux petits propriétaires parcellaires. Après une phase initiale de déconcentration relative marquée par la réduction de la taille des « exploitations-successeurs* » par rapport aux anciennes coopératives et aux fermes d’État, voire dans plusieurs cas par leur démembrement20, la restructuration s’est opérée à leur avantage en République tchèque, Slovaquie et Hongrie, ainsi qu’en Estonie et en Bulgarie. Le maintien de la grande maille agraire, pour qualifier la taille de ces structures, peut être considéré comme une sorte d’invariant spatio-temporel assurant la transmission d’un héritage structurel (Maurel, 2012).

Figure 7. Trajectoires socio-historiques de quelques grandes exploitations

Lieux d’observation Évènements majeurs de l’après-guerre Structures collectivistes Modalités de décollectivisation Restructurations post-collectivistes
Blatnice Moravie méridionale, (district de Hodonin) Formation d’une coopérative de paysans pauvres (1951), maintien des exploitations paysannes Formation des coopératives (1959-1961)
Fusion des coopératives de Blatnice et Blatnička
Restitutions des terres et des biens
Transformation en coopérative de propriétaires, suivie d’une scission en deux unités, mise en faillite de la coopérative de Blatnice en 1997
Rachat par étapes des biens collectifs par des sociétés anonymes et concentration du capital d’exploitation (l’ancien directeur est l’actionnaire majoritaire)
Bóly
(Transdanubie, Baranya)
Confiscation des grands domaines aristocratiques,
Expulsion des paysans souabes, installation de paysans hongrois venus de Slovaquie,
Création des premières fermes d’État (1945-1947)
Formation de coopératives, puis concentration lors de la deuxième collectivisation en une coopérative de production
Élargissements successifs opérés par fusion de fermes d’État pour former le combinat d’État de Bóly
Transformation en une coopérative de propriétaires
Transformation juridique du combinat en société par actions (État majoritaire)
Conversion de la coopérative en société par actions en 1999
Privatisation du combinat, rachat par le grand capital bancaire (2005), intégration à la holding Bonafarm
Skaistgiris (District de Jonniskis)
Lituanie
Dépossession des exploitants familiaux et déportations des « koulaks »
À partir de 1944
Formation du kolkhoz « Pergalé » en 1948,
Fusion avec quatre kolkhoz voisins
(6 000 ha de SAU)
Démembrement du kolkhoz et formation d’associations agricoles sur la base des anciennes brigades,
l’association du village de Skaistgiris s’étend sur 1 739 ha
Rachat des parts de l’association de Skaistgiris par un entrepreneur agricole en 2003

Source : conception de l’auteur.

Du grand domaine à la firme agro-industrielle

  • 21 La petite ville de Bóly abrite l’ancien manoir de la famille aristocratique Batthyány-Montenuevo.
  • 22 Les populations d’origine souabe ont été victimes des expulsions et des dépossessions qui ont frapp (...)

26En Hongrie, dans le comitat de la Baranya, au sud de la Transdanubie, l’agriculture a connu un processus précoce de modernisation technique, au cours de la première moitié du xxe siècle, grâce aux avancées techniques introduites au sein des grands domaines aristocratiques, comme au sein des prospères exploitations de la paysannerie d’origine souabe, implantée depuis le xviiie siècle. La transmission des héritages agraires a emprunté des voies différentes selon qu’il s’agissait de la grande exploitation aristocratique ou de l’exploitation paysanne. La modernité des systèmes de grande culture s’est transmise dans le cadre des fermes d’État qui ont pris la succession des grands domaines expropriés dès l’immédiat après-guerre. La ferme d’État* de Bóly a été fondée à la suite de la réforme agraire*, en 1949, sur une superficie de 3 000 hectares dont les deux tiers étaient d’origine paysanne, le tiers restant provenant du grand domaine Batthyány-Montenuevo21 et des biens confisqués à de riches familles souabes22. Entre 1949 et 1956, la ferme d’État* fut réorganisée à diverses reprises, puis des fusions successives portèrent son assise foncière à 13 800 hectares, en 1961. À partir de 1977, la ferme d’État* devint le combinat agro-industriel de Bóly. À la veille de nouveaux changements, en 1991, le combinat regroupait plus d’une douzaine d’établissements de production dont six exploitations agricoles, des ateliers de production animale, des usines de transformation des produits agricoles et des installations portuaires sur le Danube, à Mohács. Avec plus de 2 000 salariés, l’entreprise était le principal employeur de la région. Elle était considérée comme le fleuron de l’agriculture hongroise et figurait en tête du palmarès des combinats agricoles les plus performants du pays (Maurel, 1994).

  • 23 Sur les 120 fermes d’État, l’État décide de conserver un droit de contrôle sur 24 d’entre elles.
  • 24 Dès 1991, une partie du capital (7,5 % de la valeur comptable des biens) avait été distribuée aux e (...)
  • 25 La capacité du complexe d’élevage laitier de Sáthorely a été augmentée de 2 200 à 2¿700 vaches de r (...)
  • 26 La holding Bonafarm détient le capital de quatre entreprises agro-industrielles dont celle de Bóly (...)
  • 27 Ces données figuraient sur le site internet du groupe Bonafarm au début de la décennie 2010. Il sem (...)

27En raison de son rôle dans la production de semences, dans un premier temps, le combinat n’a pas été concerné par la décision de privatiser les fermes d’État23. Il a été réorganisé sous la forme d’une société par actions, Bóly RT, dont l’actionnaire majoritaire était la Compagnie holding pour la Propriété d’État, créée en octobre 1992, qui détenait 90 % du capital24. À cette date, le combinat a entrepris de recentrer ses activités sur la production de semences, de liquider certains ateliers (réparation de machines, abattoir) et a mis en vente la plus grande partie des logements sociaux. Une décennie plus tard, en 2003-2004, le gouvernement hongrois a décidé d’engager la privatisation* des dernières entreprises agricoles d’État. Converti en société agricole et commerciale, le combinat de Bóly a réussi à conserver une assise foncière d’un peu moins de 20 000 hectares de terres, dévolues aux cultures de blé, maïs, soja, pois et betteraves à sucre. Ces terres étaient louées auprès de l’État (12 500 hectares) et de propriétaires privés avec lesquels les baux étaient établis pour une durée de cinq ans. La fabrication de semences restait un point fort de l’activité de production végétale. Le quart du tonnage de cette production végétale était exporté, une autre partie était transformée en aliments concentrés pour le bétail. Des investissements avaient permis de doubler les capacités de transformation. La production animale posait plus de difficultés25. Les installations portuaires de stockage, de transformation et d’expédition complétaient un dispositif agro-industriel dont l’intégration verticale demeurait la caractéristique majeure. L’emploi avait été progressivement réduit du quart des salariés pour tomber à 1 540 personnes. En 2003, un nouveau directeur est entré en fonction, un an plus tard, le combinat a été privatisé et le capital de l’entreprise agro-industrielle est passé pour la plus grande partie dans les mains d’investisseurs financiers hongrois, une poignée restant acquise aux actionnaires locaux (managers, employés, partenaires agricoles). À la fin de l’année 2005, ce montage financier a été remis en cause par le principal investisseur financier qui a pris le contrôle du capital. Depuis lors, la firme agro-industrielle « Bóly Zrt » a été intégrée à la holding Bonafarm, premier groupe agro-alimentaire du pays26. Étendue sur 18 500 hectares (en légère diminution par rapport aux limites de l’ancien périmètre du combinat), organisée en 11 établissements de production, l’entreprise est spécialisée dans les cultures céréalières et la production de semences, elle élève 120 000 porcs, 4 000 vaches laitières, produit 12 à 13 millions d’œufs pour l’incubation et 20 millions de litres de lait27. En absorbant les effets de la crise de transition puis en adaptant la structure productive à l’évolution du marché des produits agricoles (exportations de semences spécialisées, transformation des produits laitiers et de la viande), la grande entreprise a manifesté un comportement résilient. Si l’effet de lieu, à savoir un milieu naturel fertile favorable à la grande culture a joué, la puissance même de la base agro-industrielle édifiée par le combinat et la solidité des liens d’intégration établis, ont contribué au maintien de la structure de production. La résilience organisationnelle de la grande agriculture procède de la modernité d’un système de culture intégré à une puissante base agro-industrielle, le combinat et son réseau de partenaires, de la qualité des équipements productifs et d’un mode de gestion de type managerial, à l’origine d’économies externes. Ces données rendent compte de la continuité de la grande maille agraire et de l’intérêt de son rachat pour l’intégrer au sein d’un groupe agro-alimentaire de tout premier plan.

De la coopérative* socialiste à l’entreprise sociétaire

  • 28 Le travail d’enquête a concerné les deux communes de Blatnice et Blatnička dont les finages étaient (...)
  • 29 Deux sociétés anonymes se partagent les activités de production agricole (céréales, betteraves à su (...)
  • 30 À l’exception d’une poignée de viticulteurs qui à partir des parcelles de coteaux qui leur ont été (...)

28En Moravie du Sud, dans le village de Blatnice28, la petite propriété paysanne dominait largement à la veille des campagnes de collectivisation. La première coopérative, fondée en 1951, sur des terres qui étaient propriété de la commune et par un groupe qui n’avait pas l’expérience du travail paysan, n’a pas été un succès. Lors de la deuxième campagne de collectivisation, en 1959, les paysans propriétaires ont été contraints d’entrer dans la coopérative* et de lui apporter leurs terres (soit un millier d’hectares environ). Il y avait alors 481 propriétaires dont la moitié possédait moins de 2 hectares. En 1960, la coopérative s’étendait sur 1 176 hectares, par la suite, elle s’est progressivement élargie en fusionnant avec celle de Blatnička, le village voisin, pour former une seule grande exploitation de près de 3 000 hectares. Avec un profil de production diversifié (cultures céréalières, élevage industriel de dindes, vignoble) et des activités de transformation, l’entreprise semblait solide et prospère, à la veille du changement de système. En avril 1992, lors de la mise en œuvre de la loi de transformation des coopératives*, 730 ayants droit se sont fait connaître en demandant l’enregistrement de leurs titres de propriété. En raison du morcellement successoral intervenu au cours des trois décennies précédentes, plus de la moitié d’entre eux détenaient moins de 1 hectare. Avec d’aussi petites superficies, le retrait des terres ne présentait qu’un faible intérêt et la plupart des propriétaires fonciers ont décidé de ne pas le faire et de devenir membres de la coopérative transformée. Seul un petit groupe de spécialistes a saisi l’occasion de retirer ses terres ainsi qu’un cellier bien équipé (situé à Blatnička), pour se lancer dans la production viticole de qualité. Au sein de la coopérative, une élite de cadres alliant compétence professionnelle et enracinement local a pris le pouvoir. La nouvelle communauté des coopérateurs était composée pour les deux tiers d’anciens membres de la coopérative, tandis que les nouveaux membres étaient pour la plupart des propriétaires non résidents. La conversion en néo-coopérative de propriétaires* n’a pas été une réussite. Dès 1993, la scission avec les coopérateurs du village voisin de Blatnička est intervenue. Des sociétés anonymes dont le capital était détenu par d’anciens dirigeants de la coopérative* socialiste, ont entrepris de racheter les biens collectifs pour prendre le contrôle du capital de la coopérative transformée, en rachetant les parts de propriété à des prix très inférieurs à leur valeur, avant que celle-ci ne soit mise en faillite, en 1997. C’est dans ce contexte que l’ancien président de la coopérative (démis de ses fonctions en 1989), à la tête d’un réseau de sociétés anonymes et de sociétés à responsabilité limitée, est devenu un acteur majeur de la filière agroalimentaire à l’échelle régionale29. Cette stratégie d’appropriation-contrôle du capital d’exploitation des coopératives transformées illustre une trajectoire post-collectiviste caractéristique de l’agriculture tchèque. Au terme de trois décennies d’agriculture collectivisée ayant éradiqué la petite exploitation paysanne, un retour en arrière s’avérait improbable30. Cette sorte d’irréversibilité explique qu’une bifurcation vers le modèle de l’exploitation sociétaire ait pu se produire. En dépit du rétablissement des droits de propriété* sur la terre, la société locale a été de fait dépossédée de son patrimoine foncier dont la plus grande partie a été louée à la grande exploitation sociétaire. Il ne reste aux villageois que les jardins-potagers à l’arrière des maisons, quelques parcelles de vigne et les celliers. L’accès à la plus grande partie des terres, celles situées en plaine et propices à la grande culture céréalière, se trouve de fait contrôlé par des structures relevant du capitalisme agro-alimentaire tchèque.

Du kolkhoz* à l’exploitation entrepreneuriale en passant par la voie associative

  • 31 Principe assorti de dispositions limitant les superficies restituables. Les seuils ont été modifiés (...)

29La conversion structurelle de l’agriculture lituanienne a renoué avec les valeurs qui avaient inspiré la réforme agraire* des années 1920, lors de la première indépendance du pays, notamment en réhabilitant le modèle de l’exploitation familiale. Le processus de ce qui a été officiellement présenté comme une nouvelle réforme agraire* a pris appui sur le principe de restitution des terres à leurs anciens propriétaires31, tout en préservant le droit d’usufruit du lopin attribué aux ménages. La méthode de privatisation* des biens collectifs a permis que se constituent des associations de producteurs agricoles, à l’initiative des directions et des membres des anciens collectifs. De plus petites dimensions par les superficies et les équipements productifs que les anciennes exploitations collectives, ces associations ne se sont pas révélées viables si bien que leur importance n’a cessé de décroître.

  • 32 Durant l’entre-deux-guerres, le nord de la grande plaine centrale avait connu un rapide développeme (...)
  • 33 L’habitat modèle du kolkhoz « Pergalé » du village de Skaistgirys avait fait l’objet d’un plan d’am (...)
  • 34 Un millier de personnes ont participé à la privatisation* des biens de l’ancienne exploitation coll (...)
  • 35 Si la possibilité s’offrait à eux, les travailleurs n’hésitaient pas à emporter des biens (entretie (...)
  • 36 Ainsi, la vente des céréales aurait-elle été plus intéressante que leur utilisation pour nourrir le (...)

30L’histoire agraire du village de Skaistgirys, dans le district de Joniškis, au nord de la Lituanie, porte les stigmates de la destruction d’une paysannerie laborieuse et prospère32 par le pouvoir soviétique. Pour accélérer la collectivisation, le pouvoir soviétique a eu recours à des déportations massives qui ont frappé l’élite des exploitants aisés (les soi-disant koulaks). Créé en 1948, le kolkhoz* « Pergalé » (qui signifie « Victoire » en lituanien) regroupait une trentaine de petits paysans et de paysans sans terre, installés sur les terres des paysans déportés. Progressivement élargi par la fusion avec quatre kolkhoz* voisins, de manière à former une grande exploitation collective de plus de 6 000 hectares, le kolkhoz* faisait figure d’exploitation « modèle »33, bénéficiant d’investissements et enregistrant de bons résultats productifs. Au lendemain de l’indépendance, le kolkhoz a connu une première réorganisation. En décembre 1991, l’assemblée générale des membres du kolkhoz*34 a opté pour le démembrement du kolkhoz* en quatre unités indépendantes sur la base territoriale des anciens kolkhoz*. En 1992, l’association agricole de Skaistgirys, étendue sur une superficie de 1 739 hectares, regroupait 455 propriétaires-membres dont 155 membres actifs. Sous la responsabilité de l’ancien président (resté en poste pendant plus de 35 ans), elle conservait la même organisation du travail que l’ancienne brigade territoriale du village de Skaistgirys. Le périmètre de l’association a inclus des groupes d’acteurs sociaux bien distincts tant du point de vue de leurs compétences que de leurs intérêts économiques. Les retraités, majoritaires en voix et en parts de capital, étaient intéressés par les services d’assistance technique réalisés par l’association sur leurs lopins et par l’éventuel versement de dividendes. Le groupe des travailleurs-propriétaires était davantage préoccupé par la préservation de leur emploi et par le niveau de salaire. Très attaché aux acquis sociaux de l’ancien système collectiviste, leur rapport au travail restait fortement altéré par le manque de motivation. Les relations de symbiose entre l’association agricole et les micro-exploitations des ménages agricoles, issues des lopins élargis, demeuraient resserrées. En effet, l’association leur fournissait une large gamme de services (labours et ensemencement des parcelles regroupées en champs communs, réalisation des travaux à façon, commercialisation de la production, assistance vétérinaire au bétail). Si les revenus tirés des lopins allégeaient la pression de la paupérisation, les bénéficiaires de lopins y passaient le plus clair de leur temps35. Les décisions d’orientation de la production de l’association répondaient plus à l’impératif de maintenir l’emploi des membres qu’à un souci d’adaptation aux contraintes du marché36. Privée de capacité d’investissement, l’association semblait dépourvue de toute perspective de développement durable. De type néo-collectiviste, la gestion de l’association était sous l’emprise d’un impératif de protection sociale de ses membres.

  • 37 Une réunion de concertation a été organisée entre l’acheteur et les vendeurs pour déterminer le pri (...)

31Une décennie après la mise en place de la structure associative, la situation économique fortement dégradée a facilité le rachat des parts de capital par un investisseur extérieur au village37. Certains membres auraient bien souhaité que l’association puisse racheter une partie de leurs parts mais l’association n’en avait pas les moyens. Par ailleurs, une partie des terres restituées aux anciens propriétaires ont fait l’objet soit d’une vente, soit d’une mise en location. Pour sa part, le nouveau chef d’entreprise possédait environ un millier d’hectares acquis dans un rayon de 15 kilomètres autour du village. Ce type d’exploitation pouvait être concurrentielle à condition de se spécialiser dans la production des céréales, (blé, orge) et de réduire l’élevage laitier. La cession de la structure associative s’est inscrite dans un mouvement plus large de rachat des biens fonciers et non fonciers qui s’est engagé dans cette région au tournant des années 2000, c’est-à-dire à la veille de l’entrée du pays dans l’UE. Il était le fait soit de sociétés, soit d’entrepreneurs individuels dont l’origine de l’enrichissement était souvent douteuse.

Conclusion

32Quelle qu’ait été la voie adoptée par les politiques de privatisation*, la propriété privée de la terre s’est trouvée dispersée entre une foule de petits propriétaires fonciers tandis que sous la forme de parts sociales, le capital des anciennes exploitations était remis à des centaines d’ayants droit. Les stratégies orientant la recomposition du couple propriété/exploitation ont été soumises aux choix individuels de cette multitude de propriétaires parcellaires et de porteurs de parts des biens collectifs. Réalisés dans un contexte de grande incertitude, ces choix ont été contraints par la faiblesse des ressources dont disposaient les acteurs sociaux. À l’échelle locale du périmètre foncier des anciennes exploitations collectives, les décisions des acteurs impliqués n’ont pas pesé du même poids sur la conversion structurelle. Dès ce moment-là, ceux qui étaient le mieux dotés en capital social et économique ont su saisir les opportunités d’appropriation qui se présentaient tandis que le plus grand nombre se réfugiait dans des attitudes tentant de préserver les avantages acquis comme les droits de propriété* restitués. Fortement déstabilisées par les effets du choc récessif de la transition qui a touché la production agricole, les exploitations-successeurs* ont dû s’ajuster à une nouvelle donne économique dans un contexte de grande incertitude. Dès ce premier moment de transformation des structures, les bifurcations qui se sont produites ont infléchi les trajectoires post-collectivistes.

Notes

1 Des amendements aux premières lois ont modifié les dates de référence ainsi que les plafonds, généralement à la hausse. Ils ont eu pour effet de permettre le retour de superficies plus importantes à un plus grand nombre de propriétaires, notamment en République tchèque et en Lituanie, et d’élargir le bénéfice des compensations à d’autres catégories de bénéficiaires en Hongrie.

2 Les situations d’indivision ont souvent perduré, notamment en Slovaquie où le respect d’une tradition d’égalité entre les héritiers conduit à une quasi-impossibilité d’inscrire les bénéficiaires du partage dans le registre foncier.

3 En Tchécoslovaquie, les nombreuses demandes de restitution déposées par les anciens propriétaires portaient pour les 4/5e sur des superficies inférieures à 5 hectares. En Hongrie, les requêtes soumises dans le cadre des lois de compensation portaient sur environ 2,5 millions d’hectares sur un total de 5,6 millions d’hectares.

4 De manière générale, les modalités de privatisation ont été à l’origine d’un important processus de décapitalisation des agricultures que le choc récessif affectant le secteur a rapidement aggravé.

5 La répartition du capital d’exploitation sous forme de parts sociales peut être assimilée à la remise d’un titre de propriété sur le capital, détenu par les associés.

6 Le nombre des porteurs de parts s’élevait à 1 143 000 pour l’ensemble des coopératives en Hongrie. Un quart seulement était des membres actifs, environ 30 % des membres retraités, le restant était formé de « propriétaires extérieurs » sans pouvoir de décision.

7 En Hongrie, seuls les membres participent aux décisions concernant le fonctionnement de la nouvelle coopérative.
En République tchèque, les propriétaires qui ne sont pas adhérents de la nouvelle coopérative et n’ont donc pas fait apport de leurs parts à son capital, n’ont pas voix au chapitre et doivent attendre la restitution ultérieure de leurs parts de propriété.

8 Le terme de « formes sociales de production » fait référence au mode d’articulation des facteurs de production, le capital, la terre et le travail, et à l’organisation des rapports sociaux qui en découle tandis que le terme de « structures de production » renvoie aux dimensions matérielles, techniques et économiques des unités de production.

9 D’une manière générale, les catégories d’analyse ne recouvrent pas nécessairement les définitions établies par les statistiques officielles en usage. Les modes de définition, les critères et les seuils varient dans le temps et dans l’espace, et rendent la comparaison difficile, au moins pour la période précédant l’entrée de ces pays dans l’UE.

10 L’instabilité affectant les formes de recomposition des facteurs de production a rendu aléatoire le recours à de tels critères. En outre l’enregistrement précis des données statistiques a pu faire défaut au cours de la décennie 1990.

11 Cette approche s’applique aux exploitations qui, sous des formules et des noms divers ont pris la succession des structures collectivistes (coopératives de propriétaires, associations agricoles, sociétés agricoles, etc.) ainsi qu’aux exploitations nouvellement établies.

12 Ces exploitations n’étaient généralement pas soumises à un enregistrement obligatoire auprès des administrations locales lorsque leur production n’était pas destinée au marché. De ce fait leur décompte est difficile.

13 Cette expression à caractère générique s’applique à l’ensemble des exploitations issues de la transformation des anciennes exploitations collectives quelles que soient les modalités prises par celle-ci.

14 En laissant les dettes à la coopérative d’origine et en transférant les actifs immobiliers sains à la nouvelle structure.

15 Le 30 juillet 1991, la Diète a adopté la « loi sur la privatisation* des biens des exploitations agricoles » organisant la privatisation* des kolkhoz et des sovkhoz avant le 1er novembre 1991.

16 Formés sur la base des différentes unités qui formaient initialement la structure territoriale (les brigades de production) et sectorielle (les ateliers de service technique).

17 L’Agence de la propriété agricole du Trésor public, créée le 1er janvier 1992, est une institution fiduciaire à laquelle le Trésor a confié l’exercice de ses droits de propriété et autres droits réels, sur les biens de l’État en agriculture.

18 Dans leur grande majorité, ces terres avaient autrefois appartenu aux populations allemandes, expulsées en 1945. Une faible proportion de ces terres avait pu être attribuée à des paysans venus repeupler les territoires des Sudètes. Peu d’entre eux étaient parvenus à pérenniser leur installation et les terres attribuées avaient assez rapidement été intégrées dans des fermes d’État.

19 Dans la plupart des pays, le chômage des travailleurs ruraux n’était pas couvert par un système d’aides.

20 Les très grandes exploitations collectives, nées des fusions opérées dans les années 1960-1970, ont pu être divisées en entités de plus faible taille, sur la base des terroirs villageois.

21 La petite ville de Bóly abrite l’ancien manoir de la famille aristocratique Batthyány-Montenuevo.

22 Les populations d’origine souabe ont été victimes des expulsions et des dépossessions qui ont frappé les Allemands à la sortie de la guerre. En Hongrie, elles ont été imposées par les Soviétiques.

23 Sur les 120 fermes d’État, l’État décide de conserver un droit de contrôle sur 24 d’entre elles.

24 Dès 1991, une partie du capital (7,5 % de la valeur comptable des biens) avait été distribuée aux employés sous forme d’actions réparties en fonction de la durée de leur activité et de leur niveau de salaire.

25 La capacité du complexe d’élevage laitier de Sáthorely a été augmentée de 2 200 à 2¿700 vaches de race Holstein-frisonne. La branche porcine se portait bien et une des deux porcheries géantes avait été rénovée. L’activité du poulailler industriel de Bar s’était redressée. L’élevage de chevaux de race (un héritage de l’aristocratie d’avant-guerre) fait toujours la renommée du haras de Békaspuszta et de son champ de courses.

26 La holding Bonafarm détient le capital de quatre entreprises agro-industrielles dont celle de Bóly et de trois usines de transformation de la viande de porc, du lait et du vin. Bóly Zrt est le nouveau nom de l’entreprise sociétaire de Bóly. Le capital du groupe Bonafarm est détenu par l’investisseur et banquier Sándor Csányi, la plus grande fortune du pays. Voir https://www.bonafarmcsoport.hu/en/bonafarm-group/boly-co/

27 Ces données figuraient sur le site internet du groupe Bonafarm au début de la décennie 2010. Il semble qu’elles ne soient plus mises à jour : https://www.bonafarmcsoport.hu/bonafarm-csoport/boly-zrt/

28 Le travail d’enquête a concerné les deux communes de Blatnice et Blatnička dont les finages étaient autrefois regroupés au sein de la même coopérative agricole et qui étaient dotées d’un conseil municipal commun. Au début de la décennie 1990, le premier village comptait 2 153 habitants, le second seulement 450 habitants.

29 Deux sociétés anonymes se partagent les activités de production agricole (céréales, betteraves à sucre, élevage laitier et atelier de production d’œufs de reproduction, élevage de dindes, vignoble) et de transformation (vinification à partir des raisins produits et achetés, mise en bouteilles et commercialisation). Les terres cultivées s’étendent sur 3 300 hectares dont 2 200 hectares environ sur les cadastres des deux villages. Les installations se répartissent entre Blatnice pour la vinification, le vieillissement et le stockage et la chaîne d’embouteillage, et Blatnička (production d’œufs, traitement des semences de maïs, diverses fabrications industrielles).

30 À l’exception d’une poignée de viticulteurs qui à partir des parcelles de coteaux qui leur ont été restituées se sont lancés dans une viticulture de type artisanal.

31 Principe assorti de dispositions limitant les superficies restituables. Les seuils ont été modifiés à plusieurs reprises (plafonds de 80 hectares dont 50 hectares de terres agricoles, par la suite fixés à 150 hectares).

32 Durant l’entre-deux-guerres, le nord de la grande plaine centrale avait connu un rapide développement d’une agriculture marchande constituée d’exploitations de bonne taille (en moyenne 19 hectares).

33 L’habitat modèle du kolkhoz « Pergalé » du village de Skaistgirys avait fait l’objet d’un plan d’aménagement le dotant d’équipements socio-culturels et d’un réseau de rues quadrillant sa zone résidentielle. Entourées de terrains de 1 500 à 2 500 mètres carrés, les maisons individuelles bénéficiaient de tous les éléments de confort.

34 Un millier de personnes ont participé à la privatisation* des biens de l’ancienne exploitation collective.

35 Si la possibilité s’offrait à eux, les travailleurs n’hésitaient pas à emporter des biens (entretien avec le président de l’association).

36 Ainsi, la vente des céréales aurait-elle été plus intéressante que leur utilisation pour nourrir le bétail, mais les spécialistes et les travailleurs du secteur de l’élevage ont freiné cette réorientation. En hiver, la plupart des employés n’avaient pas suffisamment de travail mais grâce à leur activité dans l’élevage ils percevaient tout de même un salaire minimal.

37 Une réunion de concertation a été organisée entre l’acheteur et les vendeurs pour déterminer le prix d’achat. La valeur a été établie à 40 % de la valeur des parts réelles. Il n’y avait pas de concurrent, en raison d’une forme d’entente illicite entre les investisseurs. Le jeune entrepreneur avait déjà acquis six associations dans le district, une tourbière, une carrière de dolomite, une société agrochimique, etc.

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