12. L’exploitation préhistorique des sources salées dans le Jura français. Application et critiques d’un modèle prédictif
p. 255-279
Résumés
Dans le Jura français, des regroupements particuliers de villages fortifiés préhistoriques ont été observés autour de certaines sources salées, suggérant un intérêt particulier pour les saumures naturelles dès le Néolithique. Mais, en toute rigueur, il n’était pas possible de démontrer une véritable production de sel, en l’absence totale de structures ou de déchets d’évaporation. Les auteurs se sont alors tournés vers la Nouvelle-Guinée (Papua, Indonésie) pour construire un modèle prédictif ethnoarchéologique. L’application du modèle a été fondée sur des sondages profonds pour explorer les cuvettes marécageuses à proximité des sources salées, dater d’éventuelles accumulations de charbons de bois et reconstituer enfin l’évolution du couvert forestier d’après les diagrammes palynologiques et anthracologiques. On a pu ainsi démontrer une véritable exploitation des sources salées, qui a débuté dès le Ve millénaire ; mais c’est à l’Âge du Bronze moyen qu’elle a commencé à s’intensifier, pour culminer avec le sel gaulois. Les limites du modèle prédictif ont alors été atteintes. Au plan technique d’abord, il s’avère que la production de sel n’a pas été réalisée par trempage, comme en Nouvelle-Guinée, mais en versant de l’eau sur des bûchers. De plus la valeur de ce sel ignigène a été particulièrement fluctuante depuis le Néolithique. Finalement, on doit se demander, dans le cas du Jura comme à l’échelle de l’Europe occidentale, comment et pourquoi certaines productions de sel ont conduit momentanément à des concentrations particulières de richesses, tandis qu’au même moment, d’autres sources salées ont été négligées, bien que la concentration en sel y soit particulièrement élevée.
Particular groupings of fortified prehistoric villages have been identified around some salt springs in the French Jura, indicative of a particular interest for brine since the Neolithic. It must be admitted that it was impossible to demonstrate unambiguity the production of salt, given the total absence of structures or by-products. The authors thus looked to New Guinea (Papua, Indonesia) to build a predictive ethnoarchaeological model. The application of the model was based on deep borings to explore the marshy depressions close to the salt springs, date any charcoal deposits and reconstitute the forest cover based of the pollen and the anthracological diagrams. We have thus been able to demonstrate a genuine exploitation of salt springs as far back as the 5th millennium, although this only intensified during the Middle Bronze Age, to culminate with the Gallic salt. We then reach the limits of the predictive model. At the technical level first of all, the salt was probably not produced by soaking, as in New Guinea, but by pouring the brine on bonfires. Furthermore the production of salt using this method fluctuated substantially after the Neolithic. Finally, we need to ask ourselves why, in the case of the Jura as well as at the Western European level, certain areas of salt production led at specific points in time to particular accumulations of wealth, whilst other salt springs were ignored, notwithstanding their high concentration levels of salt.
Entrées d’index
Mots-clés : sel, préhistoire, Néolithique, Jura, Nouvelle-Guinée, ethnoarchéologie
Keywords : salt, prehistory, Neolithic, Jura, New Guinea, ethnoarchaeology
Texte intégral
1Durant le Moyen Âge, l’exploitation des sources salées issues du Keuper dans les bassins de Lons-le-Saunier et de Salins-les-Bains (Jura) ont fondé une partie de la richesse économique de la Franche-Comté et gagné la célébrité (fig. 1, p. 257). Plus au Nord, à Scey-sur-Saône, Saulnot (Haute-Saône), Saint-Hippolyte et Soulce-Cernay (Doubs), de petites sources émergeant du Muschelkalk ont également été exploitées, même si leur rendement était notablement plus faible (Brelot et Locatelli, 1981).
2On ne sait, bien sûr, rien de la date de première mise en exploitation de ces sources salées, dont la salinité naturelle – avant captage aménagé – a rarement dépassé celle de l’eau de mer. Salins est cité dès 515/523 comme une des possessions du monastère d’Agaune (Valais, Suisse), mais Prinet (1896-1898) met en doute l’authenticité de cette première référence ; il faut attendre la vie de Saint-Colomban (mort en 616) pour une mention plus assurée de « salines » à Salins. Grozon vient en deuxième place parmi les citations les plus anciennes, avec une mention avant 722 dans le testament de Widradus, abbé de Flavigny ; Crosone y est associé à des salines à Salins et à Vigris (non localisé, Tourmont ?). Le Puits Salé à Lons-le-Saunier apparaît en 855 dans une donation par Lothain II, tandis que la tradition d’une ancienne saunerie à Montmorot, tout proche, ne remonte pas avant la fin du XVe siècle. Le site saunier des Nans n’est cité qu’une seule fois dans les textes, en 901-902 (Dom Benoît, 1890, p. 640). Il faut ensuite attendre 1147 pour trouver la première attestation d’exploitation de la saumure à Saulnot, à Soulce-Cernay et à Aurea Valle (non localisé, probablement Valoreille, source en rive gauche du Dessoubre). En 1170, le Comte Etienne donne à l’abbaye de Cherlieu l’autorisation d’avoir sa propre perche et son propre seau pour extraire la muire dans l’un des deux puits de Scey-sur-Saône. Quant au Pays des Hériens (Aeriensium) où les moines de Condat (Saint-Claude) avaient l’habitude de chercher leur sel au début du VIe siècle (Martine, 1968), peut-être s’agit-il de Moutaine dans le Val d’Héry, à quelques kilomètres en amont de Salins. Enfin notre étude des lieux-dits a permis de reconnaître une exploitation médiévale totalement inédite aux Puits à Muire de Plainoiseau, mentionnés par Ogérien en 1865.
3La Franche-Comté, et plus particulièrement le Revermont du Jura entre Salins et Lons-le-Saunier où les couches du Keuper ne sont qu’à 200 m en moyenne de la surface du sol, est donc une région riche en sel, même si la teneur en sel n’a probablement jamais été très élevée avant les premiers forages et l’introduction de la dissolution artificielle du sel.
Figure 1 : Situation des sources salées exploitées durant le Moyen Âge et l’époque moderne dans le Jura et en Suisse, d’après les textes

Légende : Seules les trois sources, Vigris, Irio Saline et Aurea Valle, signalées par les textes (étoiles grises), n’ont pas pu être localisées sur le terrain avec certitude. Plainoiseau (étoile blanche) est une découverte archéologique par sondages systématiques à la tarière.
Source : Dessin de P. Pétrequin.
I. Une exploitation du sel pendant la préhistoire ?
4Les archéologues qui se sont penchés sur la question de l’exploitation des sources salées dans le Jura avant l’époque médiévale ont eu des attitudes très différentes les unes des autres, passant d’une attente prudente à la conviction non démontrée directement d’une exploitation préhistorique des sources salées.
5J.P. Millotte (1963) a été de ces préhistoriens qui, faute de découvertes de structures d’évaporation de la saumure, a rappelé que l’importance des exploitations médiévales à Salins et à Lons-le-Saunier ne permettait pas de prouver, en toute rigueur, la production de sel durant la préhistoire ; il n’empêche que, quelques pages plus loin, il s’appuie sur l’importance du sel de Salins, suivant les idées de M. Piroutet (entre autres 1926), pour expliquer la présence du pôle princier de Château à Salins à la fin de l’Âge du Fer. À l’opposé de ces idées plutôt nuancées, H. Walter (1979) a tenu pour acquise une production importante de sel à Grozon à l’époque romaine, sans préciser les faits archéologiques sur lesquels éventuellement elle s’appuyait, ni les modalités de production dans une région où aucun briquetage n’a jamais été observé. Nous verrons plus loin qu’à l’époque romaine les sources salées n’ont absolument pas été exploitées, si l’on en croit nos observations archéologiques et les datations des charbons de bois.
6L’intérêt social développé dès le Néolithique pour les émergences naturelles de saumure n’a pas échappé à L.A. Girardot, observant dès 1909 la concentration des enceintes « préhistoriques » autour de Lons-le-Saunier. La même démarche a guidé M. Piroutet (1933) qui identifiait les centres de pouvoir représentés par Lons-le-Saunier et Salins à l’Âge du Fer, à proximité des sources salées parmi les plus importantes au Moyen Âge ; cette interprétation a également été celle de P. Brun (1992). De même, on s’est appuyé, mais avec beaucoup de réserves, sur les concentrations de sépultures (Piningre et Ganard, 2004) ou de dépôts d’objets de bronze protohistoriques (Piningre, 1998) sur les plateaux autour de Salins pour poser en hypothèse l’exploitation des sources salées. Les concentrations de « richesses » particulières autour de Lons-le-Saunier et de Salins (fig. 2 et 3, p. XV et 259) sont en effet incontestables dès le Néolithique moyen II (fin du Ve millénaire), mais la même question revient pourtant : exploiter le sel ? Soit, mais comment ?
7En fait, peu d’indices archéologiques directs avaient été observés. L.A. Girardot (1910 en particulier) a recensé quelques objets découverts lors de l’exploitation des cendres du Puits Salé à Lons-le-Saunier : une contrebatte de potier en pierre, une petite hache polie, un tesson du début de l Âge du Bronze final (anse en X). M. Piroutet (1926) reconnaissait de même des couches charbonneuses sur le versant immédiatement au-dessus du Petit Puits à Muire à Salins, avec quelques objets du début de l’Âge du Bronze (une alène en cuivre) et de l’Âge du Fer (tessons). Pour sa part, P. Pétrequin a décrit, tout à côté du Puits Salé à Lons-le-Saunier, une coupe de sédiments limoneux très chargés en charbons de bois et largement antérieurs à la fin de l’indépendance gauloise (Millotte, 1971). Toutes ces observations concordaient parfaitement : il existe des accumulations très importantes de couches très charbonneuses, comme l’avaient déjà noté J.D. Vionnet (1861), A. Guichard (1891) et F. Vuillermet (1891) dans le bassin de Grozon, chaque fois que des puits étaient forés au-dessous des couches romaines. D’ailleurs, à cette occasion, on avait retrouvé deux petites haches polies en roche alpine, conservées au Musée de Lons-le-Saunier (Jaccottey, 1998) et dont la typologie évoque plutôt le Néolithique final.
Figure 3 : Répartition des indices et des sites archéologiques néolithiques dans un rayon de 30 km autour des sources salées de Salins-les-Bains (Jura)

Note : Il apparaît une remarquable concentration des indices (haches polies isolées par exemple) et des sites (villages fortifiés en particulier) dans un rayon de 7 km autour des sources salées. Par comparaison, les sources de Grozon semblent avoir été de moindre intérêt à l’époque.
Source : Dessin P. Pétrequin.
8Ainsi était démontré – et certainement dès la deuxième moitié du XIXe siècle – un intérêt particulier pour la saumure des sources salées de Salins, Grozon et Lons-le-Saunier, au moins depuis la fin du Ve millénaire av. J.-C. et la haute probabilité que le feu ait joué un rôle primordial dans le processus de production du sel. Mais du processus lui-même, on ne connaissait rien, faute des indispensables briquetages et structures d’évaporation en terre cuite sur lesquels se fondent, habituellement, les démonstrations archéologiques de production du sel.
II. Produire du sel sans récipient : exemples ethnographiques de Nouvelle-Guinée
9Pour tenter de répondre à cette question d’éventuelles techniques d’évaporation des saumures sans récipient, nous nous sommes tournés en direction des exemples ethnographiques en Nouvelle-Guinée. Pourquoi la Nouvelle-Guinée ? Depuis plusieurs années, notre parcours personnel nous avait conduit vers les Hautes Terres de Papua (la partie occidentale et indonésienne de la Nouvelle-Guinée), pour y étudier la production des haches de pierre polie d’abord, plus tard de la céramique. À cette occasion, nous avions vu de grands pains de sel rectangulaires qui circulaient dans les échanges et les paiements compensatoires, avions participé à la consommation rituelle de sel avant les départs en expédition, avions entendu parler de fabrication à partir de végétaux trempés dans la saumure, puis brûlés. En trois missions successives, nous avons donc cherché à documenter cette technique et ses variantes, pour fonder d’abord une approche théorique à partir d’observations ethnographiques sur l’actuel (Weller, 1994 ; Weller et al., 1996 ; Pétrequin et al., 2000 ; Pétrequin et Pétrequin, 2006), puis une application à la question archéologique des plus anciennes exploitations de sel dans le Jura français (Pétrequin et al., 2001), voire de l’Europe (Weller, 2000a, 2002 ; Weller et al., dans ce volume). Il n’est pas dans notre intention de détailler ici des observations ethnographiques déjà amplement publiées par ailleurs, mais de schématiser les processus de production observés pour rappeler les fondements de notre modèle ethnoarchéologique.
10Dans les Hautes Terres de Papua, l’exploitation des sources salées passe d’abord par la construction d’un barrage pour isoler la source salée (fig. 4, p. XVI) et constituer un bassin, temporaire dans le cas des bords de torrent, d’espérance de vie limitée à quelques années si c’est un barrage en bois, ou de très longue durée lorsque le barrage est suffisamment large, haut et résistant pour échapper aux crues et aux ravinements. Dans ces bassins artificiels, régulièrement curés pour que les remontées de saumure se fassent le plus librement possible, on met à tremper des végétaux ; selon les régions, ce sont des troncs de bananier refendus et écrasés au percuteur et mâchés qui sont utilisés, ou bien de jeunes rejets de poivrier ou d’urticacées, dans tous les cas des végétaux à structure cellulaire qui permet l’absorption par osmose et le stockage d’une bonne quantité de saumure, dont les taux, ici, peuvent varier de 20 à 150 g/l environ. Les végétaux s’imprègnent ainsi pendant une journée ou une nuit au minimum, deux jours au maximum.
11Il s’agit ensuite de mettre à profit une courte période sans pluie pour brûler les végétaux gorgés de saumure, de préférence sur un grand bûcher de bois durs. Pendant les deux à trois heures que dure la combustion, le bûcher est régulièrement arrosé de saumure pour augmenter encore la future salinité des cendres et empêcher que le feu ne s’emballe et que les concrétions de sel se mettent à fondre (fig. 5, p. XVI). Lorsque les flammes sont tombées et que la température devient supportable, tous les participants à l’exploitation viennent trier rapidement les résidus de combustion, prélevant avec des pincettes de bois les concrétions salées (qui reproduisent la structure interne des végétaux) pour les placer dans des écorces creuses, tandis que les charbons de bois sont purement et simplement éliminés en les rejetant en contrebas de l’aire aplanie qui a servi à la combustion (fig. 6, p. XVI).
12Finalement, on produit ainsi du sel de bonne qualité (selon nos critères modernes), très pur bien que légèrement grisâtre : c’est le sel des concrétions. On obtient d’autre part des cendres fortement salées, mais qui contiennent une certaine quantité de potasse en plus du chlorure de sodium ; ce sel gris foncé est également utilisé et parfois même mélangé à celui des concrétions. Cendres et concrétions sont pilées, broyées, tamisées, puis réhumidifiées pour les agglomérer en petits paquets sphériques, en longs pains cylindriques ou quadrangulaires (fig. 7, p. XVI), selon les différentes habitudes régionales. Les pains doivent ensuite être mis à sécher au-dessus du feu pour devenir durs et résistants aux chocs et à la pluie : sous cette forme (le « selpierre »), les pains de sel peuvent alors être transportés à dos d’homme, stockés, thésaurisés, divisés, donnés ou échangés.
13Voilà donc un bel exemple de fabrication de sel sans récipient d’évaporation, sans structure de briquetage. En guise de récipient, les fibres végétales qui sont gorgées de saumure ; en guise de structure d’évaporation, le tas de litières végétales salées, posé sur le bûcher et que l’on arrose encore de saumure. La technique est simple, bien que directement réglée à la fois par les aléas climatiques et par l’éventuel développement de végétaux poreux ou succulents dans un rayon d’une demie journée de marche.
14Cette production de sel ignigène, soit quelques tonnes par an pour une population de plus de 200 000 individus, est très nettement inférieure aux « besoins physiologiques » théoriques de l’être humain. Parmi ces populations de cultivateurs, le sel est extrêmement prisé, sous toutes ses formes : la saumure à boire à la source, des légumes frais trempés dans le bassin pendant quelques heures, un petit paquet de sel noir dont quelques pincées sur des légumes cuits permettent d’honorer un visiteur, enfin les pains de sel dur qui constituent une véritable richesse, comme les haches de pierre, les coquillages marins et les porcs.
15De l’ensemble de ces processus techniques et sociaux que nous avons observés, quelles pourraient en être les traces archéologiques qui auraient des chances de se trouver fossilisées ? Ce modèle ethnoarchéologique a déjà été détaillé (Pétrequin et al., 2001). Pour faire bref : une structure de captage, des aires de combustion, des abris temporaires, des défrichements importants, une énorme quantité de charbons de bois partant dans le réseau hydrographique et s’accumulant éventuellement dans des dépressions, une concentration remarquable de la population (et donc des villages) autour des quelques sources les plus rentables (où la saumure est la plus concentrée), enfin l’arrivée de « richesses » d’origine lointaine, en particulier les coquillages marins.
16De retour dans le Jura, voyons maintenant comment ce modèle théorique peut permettre d’interroger différemment les témoins archéologiques.
III. Sept mille ans d’exploitation du sel
17De 1996 à 2001, nous avons développé un Projet collectif de recherche sur le thème des « Sources salées du Jura : 6 000 ans d’exploitation », pour systématiser à la fois les procédures de recherche et l’application à notre terrain de recherche : les quatre départements de Franche-Comté. Il s’agissait de réaliser des sondages et des forages systématiques à proximité des sources salées, pour décrire la géométrie des remplissages sédimentaires, atteindre d’éventuels sédiments très charbonneux qui ne pourraient être simplement expliqués en termes de défrichements et de brûlis, les dater systématiquement par le radiocarbone, déterminer les charbons de bois et en étudier les variations spécifiques, et enfin reconstituer l’histoire de la couverture végétale par le biais d’analyses polliniques.
18La première question a été de choisir les sources salées à étudier. Il était possible – et c’était la solution la moins dispendieuse en temps et en subventions – de se contenter des seules sources salées connues par les textes pour avoir été exploitées au Moyen Âge. Mais, dans cette optique d’aller au plus vite, le choix aurait été fait de laisser croire que toutes les sources salées potentiellement exploitées pendant la préhistoire étaient encore visibles et accessibles pendant l’époque médiévale, alors que l’on savait que, dans ces dépressions et ces fonds de vallée, à l’emplacement des diapirs de sel, l’accumulation des sédiments pendant les derniers milliers d’années pouvait atteindre une dizaine de mètres ; c’est d’ailleurs l’ordre d’idée d’épaisseur des couches charbonneuses précédemment observés à Salins, à Grozon et à Lons-le-Saunier.
19Dans une optique de systématisation des travaux archéologiques, nous avons retenu la solution de faire une recherche préalable de tous les lieux-dits liés à la présence – véritable ou supposée – de sel ; dans P. Pétrequin et O. Weller (2003), on trouve des exemples de ces noms, qu’ils soient d’origine latine (muria), germanique (halle du grec ancien hals) ou moderne (sal). La surprise a été totale, car on a ainsi sélectionné 130 communes en Franche-Comté (fig. 8, p. 263), réparties – on le voit du premier coup d’œil – beaucoup plus largement que les seules concentrations salifères sous-jacentes du Keuper ou du Muschelkalk. On s’est plus tard rendu compte, après des mois de sondages, que beaucoup de ces lieux-dits ne correspondaient pas toujours à des émergences d’eau nettement salée et exploitables. Mais il fallait bien faire ce travail, si nous voulions une véritable démonstration. Aucun regret : cette systématique a permis de repérer une exploitation médiévale ancienne par les textes (Plainoiseau) et au moins quatre sources salées exploitées pendant la préhistoire et inconnues au Moyen Âge (Plainoiseau, Montaigu, Gouhenans, Abergement-la-Ronce, auxquels il faudra peut-être ajouter Mantry et Recologne et St-Broing) (fig. 11, p. 267).
Figure 8 : Répartition géographique des lieux-dits associés à des sources salées, des mares salées et des champs salés dans le massif du Jura et l’amont des Plaines de Saône

Note : Cette répartition est beaucoup plus large que celle des sources salées connues pour avoir été exploitées durant le Moyen Âge. Nos prospections et sondages ont été fondés sur cette carte, qui représente 136 communes, dont la plupart ne coïncident pas avec des affleurements ou même la proximité stratigraphique du Trias.
Source : Dessin P. Pétrequin.
Figure 10 : Exploitation du sel à Grozon (Jura)

Légende : En haut, coupe stratigraphique schématique sur 400 m des ensembles sédimentaires recoupés par les sondages et datés par le radiocarbone. On reconnaîtra l’enfoncement des couches, du côté amont, à la suite de l’affaissement de la cuvette à l’emplacement du diapir de sel. En bas, évolution chronologique schématique des variations du volume de sédiments charbonneux liés à l’exploitation de la source salée.
Source : Dessin P. Pétrequin.
20Le bassin de Grozon est un exemple idéal pour expliquer la procédure de travail (fig. 9, p. XV). Dix-huit sondages à la tarière ou forages, selon les conditions de résistance du sol, ont permis de construire une stratigraphie schématique (fig. 10, en haut, p. 264) au travers d’une grande cuvette marécageuse, d’amont en aval. Sur ces remplissages très chargés en charbons de bois (en grisés plus ou moins prononcés sur la fig. 10, p. 264), vingt-huit dates radiocarbone AMS ont permis de situer en chronologie de grands ensembles stratigraphiques avec une marge d’erreur raisonnable, compte tenu de la vitesse de sédimentation dans ce marais rapidement comblé sur plus de 10 mètres d’épaisseur.
21Pour rendre compte de cette puissance stratigraphique pour une période de six millénaires, il faut envisager l’affaissement progressif du substrat à l’emplacement d’une loupe de sel en voie de dissolution (comme on a pu le démontrer à Montmorot, Collin et Lienhardt, 1972) et un apport massif de sédiments, à la fois sous la forme de charbons de bois liés à la production de sel et de colluvions provenant des versants érodés par les coupes forestières répétées. C’est bien dans ce sens qu’il faut interpréter à la fois le diagramme pollinique avec une première intensification des défrichements vers 1500 av. J.-C., et l’évolution des combustibles évaluée à partir de la détermination des charbons de bois (Dufraisse, 2002 ; Dufraisse et Gauthier, 2002 ; Dufraisse et al., 2004). Les quelques inversions stratigraphiques de dates radiocarbone ne doivent alors pas surprendre dans un tel contexte d’anthropisation massive de la dynamique d’accumulation des sédiments.
22Dans le cas d’une étude aussi complète – parce que les conditions étaient favorables loin de tout contexte fortement urbanisé, contrairement à Salins et à Lons-le-Saunier –, on a donc pu suivre les variations d’intensité du comblement en sédiments charbonneux (fig. 10, en bas, p. 264), marqueurs indirects de l’intensité de la production de sel, par le biais du combustible et des défrichements. Les premières exploitations, au Néolithique moyen II, restent discrètes à Grozon. Le phénomène s’accentue progressivement avec l’Âge du Bronze, pour connaître un premier pic de production vers 1500/1400 av. J.-C. (Pétrequin et Weller, 2003 ; Pétrequin et Weller, 2007), correspondant probablement à une croissance démographique générale dans la France de l’Est (Pétrequin et al., 2005a), comme d’ailleurs dans la vallée de la Seille (Moselle) où les plus anciens briquetages seraient de peu antérieurs à cette période (Blouet et al., 1996). Le deuxième pic de la production se situerait à la fin de l’Âge du Bronze final et au début du Premier Âge du Fer. Mais le rôle économique majeur de Grozon s’est développé après le IVe siècle av. J.-C. et jusqu’à la fin de l’indépendance gauloise. Il s’agit vraisemblablement, avec Lons-le-Saunier/Le Puits Salé, d’un des deux sites majeurs de production du sel des Séquanes, qu’évoque indirectement Varron (116-27 av. J.-C.) à propos des salaisons de Séquanie, très prisées sur les marchés de Rome. Les exploitations s’arrêtent ensuite à l’époque romaine, tandis qu’un bâtiment monumental à inscriptions est bâti sur la source salée de Grozon ; tout semble se passer comme si, sous couvert d’un sanctuaire de source, on avait voulu faire cesser la production de sel régional, pour privilégier le sel blanc romain, élaboré vraisemblablement en marais salants. C’est d’ailleurs le même type de phénomène qui marque la fin des briquetages sur la façade atlantique avec le développement systématique de villae précoces à l’arrière des anciens sites littoraux de production gaulois (voir, par exemple, le bord du Marais poitevin dans Rouzeau 2002, fig. 9, p. XV). Dans la même optique, on peut aussi se demander si le développement de certains établissements thermaux sur des sources salées ne constituait pas aussi un moyen pour les romains de stopper approvisionnements et productions indigènes – le site des Fontaines Salées à St-Père-Sous-Vézelay en est un exemple (Bernard et al., dans ce volume). Enfin, à Grozon, dès que le poids de la législation romaine s’estompe, la production reprend rapidement, probablement à partir du IVe siècle de notre ère.
23Grozon a certainement une valeur exemplaire pour comprendre la dynamique d’exploitation des sources salées dans le Jura. Reste à savoir s’il s’agit d’un cas particulier ou s’il illustre, grosso modo, un fonctionnement plus général à l’échelle de la région d’étude. La systématique des sondages a conduit, nous l’avons vu, à identifier d’autres sources exploitées pendant la préhistoire (fig. 11, p. 267) que celles démontrées par les textes médiévaux (fig. 1, p. 257), même s’il n’en demeure pas moins que les bassins salifères de Salins/Grozon et de Lons-le-Saunier/Montmorot/Montaigu ont sans conteste été les plus producteurs. Au total, pour l’ensemble des sources démontrées avoir été exploitées pendant la préhistoire, 78 dates AMS sont maintenant acquises. L’image générale de la répartition chronologique de ces dates radiocarbone cumulées (fig. 12, p. 268) est légèrement différente de celle de la vitesse de sédimentation à Grozon, mais sans contradiction irréductible. Il apparaît que l’exploitation la plus ancienne d’une source salée se situe à Montaigu, juste à l’emplacement des bâtiments de la saunerie moderne : une date moyenne à 4100 av. J.-C. suggère que la production n’a pas débuté avec le tout début du Néolithique (Pétrequin et al., 2004), mais plutôt bien après l’acculturation des dernières communautés de chasseurs-cueilleurs devant la nouvelle forme d’intensification sociale que représentait alors la néolithisation. Ces exploitations se sont discrètement poursuivies jusqu’à la fin de l’Âge du Bronze ancien, puis ont connu une accélération avec un pic vers 1500 (Âge du Bronze moyen), un autre vers 800 (début du Premier Âge du Fer) nettement plus marqué ; enfin le maximum est atteint vers le IIe siècle av. J.-C. avec le sel gaulois. Quant à l’interruption à l’époque romaine, elle se trouve indiscutablement confirmée, d’autant que des fouilles récentes ont montré qu’à l’époque romaine, Salins était plutôt spécialisé dans la réduction du minerai de fer qui avait pris la place, tout à proximité du Petit Puits à Muire, des exploitations de sel antérieures.
Figure 11 : Sources salées démontrées avoir été exploitées pendant la préhistoire dans le Jura français (étoiles noires)

Légende : Les étoiles blanches correspondent à des indices d’exploitation, sans avoir rencontré de sédiments charbonneux indiscutables.
Source : Dessin P. Pétrequin.
Figure 12 : Représentation chronologique des dates radiocarbone cumulées obtenues sur des charbons de bois issus de tous les sondages effectués dans le Jura français

Légende : À gauche, calibration à 1 sigma. À droite, calibration à 2 sigmas et courbe interprétative de l’intensité de la production de charbons de bois liés à l’exploitation ignigène des saumures naturelles .
Source : Dessin P. Pétrequin.
IV. Le sel : une richesse relative et fluctuante
24Le modèle théorique utilisé a donc permis de très sérieux progrès des connaissances archéologiques sur les rythmes d’exploitation des sources salées dans le Jura français. On a même pu comprendre certaines découvertes plus anciennes, ainsi un puits carré en bois croisés à Lons-le-Saunier/Le Puits Salé, est certainement un mode de captage protohistorique (La Sentinelle du Jura, n° 89, 25-7-1862) ; sur le même site, un des forages a de même recoupé un cadre en bois de sapin dans les couches gauloises. Il y a des chances que ces formes de captage aient été de même type de construction en bois croisés que celles de la source de Saint-Moritz (Grisons, Suisse) (Seifert, 2000). On pourrait d’ailleurs difficilement envisager une exploitation sérieuse des sources salées pendant la préhistoire sans ces aménagements, dont les Fontaines Salées à Saint-Père-sous-Vézelay (Yonne) offrent d’autres exemples spectaculaires, avec de magnifiques puits en chênes monoxyles (Lacroix, 1966), aujourd’hui datés de la transition Néolithique/Âge du Bronze ancien (voir Bernard et al., dans ce volume).
Figure 13 : Découpage territorial de la Franche-Comté au Néolithique moyen II (4200-3500 av. J.-C.), selon le principe des polygones de Thiessen construits autour des concentrations de villages fortifiés

Note : Dans le cas de Salins et de Lons-le-Saunier, les sources salées ont déterminé l’épicentre du polygone. Mais d’autres matières premières sont également intervenues dans ce découpage régional : les grès de la Serre exploités pour les meules dans la région de Dole, mais surtout les grandes carrières de pélite-quartz pour les haches dans la région de Belfort et de Montbéliard. État de la documentation en 2006.
Source : Dessin P. Pétrequin.
Figure 14 : Le territoire des villages néolithiques de Chalain et de Clairvaux (Jura) vers le 30e siècle av. J.-C.

Note : La situation géographique des villages atteste la recherche de sites naturellement défendus par l’eau, tandis que les sources salées exploitées se situent en périphérie d’un très grand territoire de 1 800 km2 en accès direct.
Source : Dessin P. Pétrequin, d’après Arbogast et Pétrequin 1993 complété.
25De même le modèle ethno-archéologique des Hautes Terres de Nouvelle-Guinée impliquait un rôle primordial des sources salées dans l’organisation territoriale, marqué par des phénomènes d’attraction des hommes et des richesses. Pour le Néolithique moyen II, c’est-à-dire la période 4200-3500 av. J.-C., le découpage territorial de la Franche-Comté s’organisait, dans plusieurs cas, autour de richesses naturelles (fig. 13, p. 269) : les sources salées des bassins de Lons-le-Saunier et de Salins correspondaient sans conteste à deux épicentres d’un peuplement qui n’était pas également réparti sur tout le territoire ; les villages fortifiés étaient ici nombreux et situés entre 1 et 12 km des sources salées. Dans la région de Dole, les grès du massif de la Serre, utilisés pour des meules dormantes et des broyons dès le Néolithique moyen, ont également joué le rôle de point d’attraction (Jaccottey et al., 2007). Mais l’intérêt pour l’exploitation des saumures naturelles doit pourtant être nuancé. Pendant la première moitié du IVe millénaire, la majorité des villages fortifiés en hauteur (fig. 13, p. 269) ne se situaient pas uniquement à proximité des sources salées (11 cas), mais aussi à moins d’une journée de marche des carrières de Plancher-les-Mines (Haute-Saône) (19 cas), où étaient produites en masse des lames polies pour les haches et les herminettes (Pétrequin et Jeunesse, 1995).
26Il semble donc exister une hiérarchie des valeurs des biens produits à cette époque et tout porte à croire que cette valeur qui illustre une interprétation sociale n’est pas stable. Imaginer la préhistoire européenne à l’aune des sociétés de Nouvelle-Guinée présente dès lors un risque. Ainsi, si l’on se tourne, dans le Jura, vers l’organisation territoriale au Néolithique final, dans les environs du 30e siècle av. J.-C., force est de reconnaître que la seule concentration importante de population s’est faite autour des petits lacs de Chalain et de Clairvaux (fig. 14, p. 270). La distance aux sources salées était alors de 20 à 30 km – et pourtant, ces sources ont été exploitées. Cela revient à dire qu’au passage IVe-IIIe millénaire, l’importance sociale du sel jurassien était moindre qu’à la période précédente (fig. 13, p. 269) ; d’autres critères ont alors orienté les conditions d’implantation des villages et des cultures, au centre d’un vaste territoire annuel de près de 1800 km2 (Arbogast et Pétrequin, 1993).
27Cette question de la valeur relative du sel devient maintenant cruciale, au travers de fonctionnements sociaux en perpétuelle évolution. Prenons-en une autre illustration. À l’échelle de l’Europe et pendant le Ve millénaire, les haches en roches alpines (jadéitite et éclogite pour la plupart), fabriquées dans les carrières des Alpes italiennes, ont circulé à travers toute l’Europe occidentale (fig. 15, p. 272) (Pétrequin et al., 2005b). Dans certaines régions, comme autour du Golfe du Morbihan, leur valeur était telle qu’on les a affectées au domaine des puissants ou même des forces surnaturelles (Cassen et Pétrequin, 1999 ; Pétrequin et al., 2003). À plusieurs reprises (entre autres Pétrequin et al., 1997), on a tenté de vérifier s’il existait une corrélation démontrable entre des sources à haute teneur en sel (fig. 15, étoiles blanches, p. 272) et certaines concentrations remarquables de grandes haches en roches « exotiques » (alpines) (fig. 15, ronds gris, p. 272). La réponse est claire : hormis – et encore peut-on en discuter – les cas de Halle, de Bad-Nauheim et éventuellement de Clermont-Ferrand, il n’existe pas de rapports démontrés (à cette échelle) entre les longues haches alpines et les sources salées ; de surcroît, la région de la Seille en Lorraine, qui deviendra un des pôles les plus importants de la production de sel à l’Âge du Fer, ne semble pas concernée au Néolithique. En fait, le seul cas hautement vraisemblable de corrélation positive serait le golfe du Morbihan, sur la côte sud de Bretagne, où d’extraordinaires phénomènes sociaux (stèles monumentales, tumulus géants, accumulations de richesses, origine du mégalithisme) seraient très directement liés à l’exploitation du sel marin, dont on commence à reconnaître certaines techniques de production par lavage de sablon (Cassen et al., 2004 ; id., dans ce volume).
Figure 15 : Répartition des grandes haches (longueur supérieure à 14 cm) en roches alpines en Europe occidentale. Les cercles sont proportionnels au nombre de haches par commune

Légende : Les étoiles blanches indiquent les sources salées importantes. La corrélation entre les sources salées et les concentrations de haches exotiques – considérées comme des biens socialement valorisés – ne peut être évoquée que dans le cas de Halle, de Bad Nauheim et de Clermont-Ferrand.
Source : P. Pétrequin (haches) et O. Weller (sel).
28Il est donc évident qu’il n’y a pas de valeur universelle au sel. D’ailleurs, même en Nouvelle-Guinée, où le modèle a été construit, le sel ne vient pas au premier plan des paiements compensatoires (mais après les porcs et les coquillages marins) ; d’ailleurs, sitôt franchies les limites linguistiques (et culturelles) des groupes dani et moni, cet ordre des valeurs s’effondre pour passer à d’autres biens exotiques et socialement valorisés, comme les tissus de l’est indonésien, les haches de pierre, les perles de verre ou les bracelets en argent (Pétrequin et Pétrequin, 2006).
29Il y va donc de notre responsabilité de préhistoriens à la fois d’utiliser des modèles et des hypothèses de travail pour mieux réfléchir et de les abandonner, à un moment donné de la recherche, pour laisser toutes leurs chances aux témoins du passé.
30Qui plus est, les techniques de fabrication du sel sont restées confuses, en arrière plan de nos travaux de terrain en Franche-Comté. On pourrait continuer à croire que la technique d’obtention du sel ignigène pendant la préhistoire dans nos régions avait tout simplement été la même que celle de Nouvelle-Guinée, l’imprégnation de végétaux et leur combustion sur un bûcher, comme nous l’avons vu plus haut. Nos expérimentations dans le Jura ont permis de montrer qu’en dehors de la clématite (une liane trop rare pour que l’on puisse imaginer un processus technique rentable pour produire du sel blanc), il n’existe pas aujourd’hui – et pas davantage du Néolithique à l’Âge du Fer – de végétaux susceptibles d’absorber une saumure en grandes quantités. En d’autres termes, l’extraordinaire rendement de la technique des Hautes Terres de Nouvelle-Guinée n’est pas imaginable pour nos régions.
31Nous nous sommes donc tournés vers des variantes, d’ailleurs suggérées par des textes antiques. Pline l’Ancien raconte que « dans les pays de Gaule et Germanie, on verse de l’eau salée sur des bûches incandescentes ». L’observation est confirmée par un passage de l’historien romain Tacite, qui fait allusion à de l’eau salée versée sur des arbres en feu chez les Chattes et les Hermandures, c’est-à-dire probablement l’actuelle région de Halle (Allemagne). Parmi plusieurs de nos expérimentations archéologiques (Dufraisse et al., 2004 ; Grassias et al., 2006), l’une des plus réussies a été réalisée avec un bûcher d’un mètre cube (60 % de bûches de chêne refendues, 30 % de perches de charme et 10 % de bois divers), couvert par un demi mètre cube de sapin refendu, fonctionnant comme structure d’évaporation. Pendant la combustion, ce ne sont pas moins de 300 litres de saumure à 30 g/l qui ont été versés progressivement sur le feu jusqu’à évaporation (fig. 16, p. XV). La production finale a été de 23 kg de « sel », dont 11 kg de sel gris en cristaux et autant de cendres salées. Le rendement de cette technique est donc notablement plus élevé que ce que l’on pouvait imaginer. Mais les analyses chimiques du « sel » et des cendres salées montrent un taux très élevé de potasse issue de la combustion du bois. Nous avons donc produit – et il est vraisemblable de penser que les gens du Néolithique, les Germains et les Gaulois l’ont fait de la même manière – un sel toxique à haute dose. De tels sels plus ou moins toxiques, d’ailleurs également connus et consommés en petite quantité en Nouvelle-Guinée (Godelier, 1969 ; Lemonnier, 1985), sont dangereux à ingérer tous les jours ; mais leur usage pour des cérémonies ou des rituels, ou encore pour saler la viande, ne pose aucun problème.
32Au-delà du modèle ethnoarchéologique, nous devons maintenant raisonner prudemment avec des productions et des qualités de sels différentes pendant la Préhistoire et qui ont probablement longtemps coexisté : le sel blanc produit dans les briquetages, ou d’une moins une partie de ceux-ci (Weller, 2000b), et le sel gris cendreux obtenu par arrosage d‘un bûcher ; les valeurs de l’un et de l’autre n’ont certainement pas été identiques (Weller, 2000a). C’est justement là une forme d’interprétation que les modèles de Nouvelle-Guinée ne peuvent pas nous proposer.
33Finalement l’application de ces modèles a renouvelé notre savoir-faire pour étudier les différentes modalités d’exploitation du sel, avec le succès que l’on a vu pour la production de sel sans récipient. Mais le retour à l’archéologie occidentale montre que la question des fonctionnements sociaux et de la valeur du sel devra être abordée avec beaucoup d’attention. D’ailleurs la distance est grande entre les fêtes compétitives de Nouvelle-Guinée et ce que l’on peut pressentir de ces grands villages fortifiés d’Europe occidentale. De plus, on peut se demander si, dans le domaine de la richesse supposée qu’apporte la production de sel en Nouvelle-Guinée, nous ne nous sommes pas laissés un peu influencer par le discours enthousiaste des propriétaires et des exploitants des sources salées, dans des sociétés que l’on sait davantage tournées vers les rituels et l’affichage en public que vers l’accumulation et la thésaurisation.
Remerciements
34Nos plus vifs remerciements vont à Annabelle Milleville et Luc Jaccottey pour les fructueuses discussions sur la production des meules dans le massif de la Serre et la division territoriale au Néolithique.
35Le projet collectif de recherche « Six mille ans d’exploitation du sel dans le Jura » (1996-2001) a fait l’objet de subventions régulières de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (Ministère de la Culture), de la Région Franche-Comté et du Conseil Général du Jura.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
ARBOGAST R.M. et PÉTREQUIN P., 1993, « La chasse du cerf au Néolithique dans le Jura : gestion d’une population animale sauvage », in Exploitation des animaux sauvages à travers le temps, XIIIe Rencontres internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes, Juan-les-Pins, ed. APDCA, p. 221-232.
BENOIT D.P., 1890, Histoire de l’abbaye et de la terre de Saint-Claude, Montreuil-sur-Mer, t. I, p. 640-641, appendice H.
BLOUET V., KOENIG M.P. et VAN MOERKERKE J., 1996, « L’Âge du Bronze ancien en Lorraine », in MORDANT C. et GAIFFE O. (ed.), Cultures et sociétés du Bronze ancien en Europe, Actes du 117e Congrès National des Sociétés Savantes, Clermont-Ferrand, 1992, Paris, ed. CTHS, p. 403-457.
BRELOT C. et LOCATELLI R., 1981, Un millénaire d’exploitation du sel en Franche-Comté : contribution à l’archéologie industrielle des salines de Salins (Jura), Besançon, ed. CRDP.
BRUN P., 1992, « La place du Jura franco-suisse dans l’économie monde méditerranéenne au Premier Âge du Fer : essai de modélisation », in KAENEL G. et KURDY P. (ed.), L’Âge du Fer dans le Jura, Actes du Colloque de l’Association Française pour l’Etude de l’Âge du Fer, Pontarlier et Yverdon, 1991, Lausanne, Cahiers d’Archéologie Romande, 57, p. 189-205 .
CASSEN S., LABRIFFE P.A. (de), MÉNANTEAU L., 2004, « Sels de mer, sels de terre. Indices et preuves de fabrication du sel sur les rivages de l’Europe occidentale, du Ve au IIIe millénaire », Cuadernos de Arqueologia, Universidad de Navarra, 12, p. 9-49.
10.1179/eja.1999.2.1.7 :CASSEN S. et PÉTREQUIN P., 1999, « La chronologie des haches polies dites de prestige dans la moitié ouest de la France », European Journal of Archaeology, vol. 2, fasc. 1, p. 7-33.
COLLIN J.J. et LIENHARDT G., 1972, « Mouvements du sol liés à un phénomène de dissolution de couches salifères à Montmorot (Jura) », Bulletin du B.R.G.M. (2e série), section 4 (3), p. 33-42.
10.1006/jasc.2001.0766 :DUFRAISSE A., 2002, « Salt Springs Exploitation Study in Franche-Comté (France). Contribution of charcoal », Journal of Archaeological Science, 29, p. 667-675.
DUFRAISSE A. et GAUTHIER E., 2002, « Exploitation des sources salées en Franche-Comté : impact sur l’espace forestier du Néolithique à la période médiévale », in WELLER O. (ed.), Archéologie du sel. Techniques et sociétés dans la Pré- et Protohistoire européenne, Internationale Archäologie, ASTK 3, Rahden/Westf., Verlag Marie Leidorf, p. 243-257.
DUFRAISSE A., GAUTHIER E., PÉTREQUIN A.M., PÉTREQUIN P. et WELLER O., 2004, « Techniques d’exploitation préhistorique du sel en Franche-Comté et en Bourgogne », in Congrès de la Société Préhistorique Française, Paris, 2000, Paris, Société Préhistorique Française, p. 427-444.
GIRARDOT L.A., 1909, « Recherches sur les palafittes du Jura occidental et spécialement sur la cité lacustre de Chalain », Congrès Préhistorique de France, 5e cession (Beauvais), p. 430-462.
GIRARDOT L.A., 1910, « Esquisse des origines de Lons-le-Saunier et de la préhistoire lédonienne », Le Vieux Lons, p. 210-217.
10.3406/hom.1969.367046 :GODELIER M., 1969, « La « monnaie de sel » des Baruya de Nouvelle-Guinée », l’Homme, 9 (2), p. 5-37.
GRASSIAS I., MARKARIAN P, PÉTREQUIN P. et WELLER O., 2006, De pierre et de sel. Les salines de Salins-les-Bains, Salins, Musées des techniques et culture comtoise, p. 46.
GUICHARD A., 1891, « La cité gallo-romaine de Grozon », Mémoires de la Société d’Emulation du Jura, p. 41-82.
JACCOTTEY L., 1998, Carte archéologique de la commune de Grozon (Jura). Rapport de prospection, Besançon, AFAN et Service Régional de l’Archéologie Franche-Comté, multigraphié.
JACCOTTEY L., MILLEVILLE A. et PÉTREQUIN P., 2007, « Des meules et des villages fortifiés : exploitation des matières premières au Néolithique dans le Jura et organisation territoriale », in BESSE M. (ed.), Sociétés Néolithiques, actes du 27e colloque INTERNEO, Neuchâtel (Suisse), 2005, Lausanne, Cahiers d’archéologie romande, 18, p. 43-50.
LACROIX B., 1966, Les Fontaines Salées à l’aube du Premier Âge du Fer, Domecy-sur-Cure (Yonne), chez l’auteur.
10.3406/jatba.1984.3913 :LEMONNIER P., 1985, « La production de sel végétal chez les Anga (Papouasie-Nouvelle-Guinée) », Journal d’Agriculture Traditionnelle et de Botanique Appliquée, XXXI (1-2), p. 71-126.
MARTINE F., 1968, Vie des Pères du Jura, traduction, Sources chrétiennes (142), Paris, ed. du Cerf, p. 407-409.
MILLOTTE J.P., 1963, Le Jura et les Plaines de Saône aux Âges des Métaux, Annales Littéraires de l’Université de Besançon, fasc. 59 (archéo n° 16), Paris, Les Belles Lettres.
MILLOTTE J.P., 1971, « Circonscription de Franche-Comté, chronique archéologique », Gallia-Préhistoire, t. XIV, fasc. 2, p. 389-390.
OGÉRIEN FRÈRE, 1865, Histoire Naturelle du Jura, I, Géologie, 1° fascicule, Paris, Victor Masson.
PÉTREQUIN A.M. et PÉTREQUIN P., avec la collaboration de WELLER O., 2006, Objets de pouvoir en Nouvelle-Guinée. Étude ethnoarchéologique d’un système de signes sociaux. Catalogue de la donation Anne-Marie et Pïerre Pétrequin, Musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye, Paris, Réunion des Musées Nationaux et CTHS.
PÉTREQUIN P., CASSEN S., CROUTSCH C. et WELLER O., 1997, « Haches alpines et haches carnacéennes dans l’Europe du Ve millénaire », Notae Praehistoricae, t. 17, Liège, ed. Studia Praehistorica Belgica, p. 135-150.
PÉTREQUIN P., ERRERA M., CASSEN S. et CROUTSCH C., 2003, De la pétrographie aux approches sociales : la circulation des grandes haches en roches alpines pendant le Néolithique, in SURMELY F., RIGAUD J-P. et CLEYET-MERLE J.J. (eds.), Les matières premières lithiques en préhistoire, Table ronde internationale d’Aurillac, 2002, Préhistoire du Sud-Ouest, numéro spécial, 5, p. 253-275.
PÉTREQUIN P., ERRERA M., PRODÉO F. et SAINTOT S., 2004, « Un village néolithique du VIe millénaire à Chalain ? » in RICHARD H. (ed.), Premières traces d’anthropisation du couvert végétal à partir des données polliniques, Besançon, Presses universitaires franc-comtoises, Annales Littéraires, 777, Série Environnement, sociétés et archéologie, 7, p. 107-116.
PÉTREQUIN P. et JEUNESSE C., 1995, La hache de pierre. Carrières vosgiennes et échanges de lames polies pendant le Néolithique (5400-2100 av. J.-C.), Paris, ed. Errance.
PÉTREQUIN P., MAGNY M. et BAILLY M., 2005a, « Habitat lacustre, densité de population et climat – L’exemple du Jura français », in DELLA CASA P. et TRACHSEL M. (eds.), Wes’04. Wetland economies and societies. Proceedings of the international conference, Zürich, 2004, Schweizerisches Landesmuseum Zürich, Collectio archaeologica, 3, Zürich, Chronos Verlag, p. 143-168.
PÉTREQUIN P., PÉTREQUIN A.M., ERRERA M., CASSEN S., CROUTSCH C., KLASSEN L., ROSSY M., GARIBALDI P., ISETTI E., ROSSI G. et DELCARO D., 2005b, « Beigua, Monviso e Valais. All’origine delle grandi asce levigate di origine alpina in Europa occidentale durante il V millenio », Rivista di Scienze Preistoriche, LV, p. 265-322.
PÉTREQUIN P., PÉTREQUIN A.M. et WELLER O., 2000, « Cuire la pierre et cuire le sel en Nouvelle-Guinée : des techniques actuelles de régulation sociale », in PÉTREQUIN P., FLUZIN P., THIRIOT J. et BENOIT P. (eds.), Arts du feu et productions artisanales, XXe Rencontres Internationales d’Histoire et d’Archéologie d’Antibes, 1999, Antibes, ed. APDCA, p. 545-564.
PÉTREQUIN P. et WELLER O., 2003, « Ve millénaire av. J.-C. : premières exploitations des sources salées du Jura », Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle du Doubs, 89, p. 19-32.
PÉTREQUIN P. et WELLER O., 2007, « XVe siècle : la reprise de la croissance démographique dans le Jura », in RICHARD H., MAGNY M. et MORDANTS C. (eds.), Emprises, déprises et rythmes agricoles à l’Âge du Bronze, Colloque CTHS, Besançon, 2004, Paris, ed. CTHS, p. 197-210.
PÉTREQUIN P., WELLER O., GAUTHIER E., DUFRAISSE A. et PININGRE J.F., 2001, « Salt springs exploitation without pottery during Prehistory. From New Guinea to the French Jura », in BEYRIES S. and PÉTREQUIN P. (eds.), Ethno-Archaeology and its tranfers, European Association of Archaeologists, Fifth Annual Meeting in Bournemouth, 1999, Oxford, B.A.R., International series, 983, p. 37-65.
PININGRE J.F., 1998, « Les dépôts de Franche-Comté : analyse spatiale », in MORDANT C., PERNOT M. et RYCHNER V. (eds.), L’Atelier du bronzier en Europe du XXe au VIIIe siècle avant notre ère, Actes du colloque international Bronze’ 96, Neuchâtel et Dijon, III : Production, circulation et consommation du bronze, Paris, ed. CTHS, p. 211-222.
PININGRE J.F. et GANARD V., 2004, Les nécropoles protohistoriques des Moidons et le site princier du Camp de Château à Salins (Jura), Paris, ed. CTHS.
PIROUTET M., 1926, « Objets préhistoriques trouvés à Salins », XVIIIe Congrès de l’Association franc-comtoise, Besançon, 1925, Besançon, ed. Association franc-comtoise, Documents préhistoriques, 17, p. 12-13.
PIROUTET M., 1933, « La citadelle à poteries hélléniques de Château-sur-Salins », 5e Congrès international d’Archéologie, 1930, Alger, Société Historique Algérienne, p. 1-40.
PRINET M., 1896-1898, « L’industrie du sel en Franche-Comté avant la conquête française », Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, 1896, p. 201- 246, 1897, p. 61-216, 1898, p. 179-316.
ROUZEAU N., 2002, « Sauneries et briquetages. Essai sur la productivité des établissements salicoles gaulois du Centre-Ouest atlantique d’après l’étude du gisement de Nalliers (Vendée) », in WELLER O. (ed.), Archéologie du sel. Techniques et sociétés dans la Pré- et Protohistoire européenne. Internationale Archäologie, ASTK 3, Rahden/Westf., Verlag Marie Leidorf, p. 99-124.
SEIFERT M., 2000, « Vor 3466 Jahren erbaut ! Die Quellfassung von St. Moritz », Archéologie Suisse, 23 (2), p. 63-75.
VIONNET J.D., 1861, « Recherches sur Grozon avant et pendant la domination romaine », Bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de Poligny, p. 161.
VUILLERMET F., 1891, « Notice sur des antiquités gallo-romaines trouvées à Grozon (Jura) », Mémoires de la Société d’Emulation du Jura, 33, p. 217-231.
WALTER H., 1979, La Franche-Comté romaine, Wettolsheim, ed. Mars et Mercure, p. 101.
WELLER O., 1994, « L’exploitation du sel en Irian Jaya, Nouvelle-Guinée (Indonésie) : esquisse d’un modèle ethnoarchéologique », in DAIRE M.- Y. (ed.), Le sel gaulois, Dossiers de Centre de Recherche Archéologique d’Alet, suppl. Q, p. 149-161.
WELLER O., 2000a, « Produire par le feu : techniques et enjeux socio-économiques dans le Néolithique européen », in PÉTREQUIN P. et al. (eds.), Arts du feu et productions artisanales, XXe Rencontres Internationales d’Histoire et d’Archéologie d’Antibes, 1999, Antibes, ed. APDCA, p. 565-584.
WELLER O., 2000b, « Synthèse sur l’exploitation du sel : les apports majeurs de la fouille des ateliers de Sorrus (Pas-de-Calais) », in DESFOSSÉS Y. (ed.), Archéologie préventive en vallée de Canche. Les sites protohistoriques fouillés dans le cadre de la réalisation de l’autoroute A16, Nord-Ouest Archéologie, 11, p. 333-353.
WELLER O., 2002, « Aux origines de la production du sel en Europe », in WELLER O. (ed.), Archéologie du sel. Techniques et sociétés dans la Pré- et Protohistoire européenne, Internationale Archäologie, ASTK 3, Rahden/Westf., Verlag Marie Leidorf, p. 163-175.
WELLER O., PÉTREQUIN P., PÉTREQUIN A.M. et COUTURAUD A., 1996, « Du sel pour les échanges sociaux. L’exploitation des sources salées en Nouvelle-Guinée (Irian Jaya, Indonésie) », Journal de la Société des Océanistes, 102, p. 3-30.
Auteurs
-
Pierre Pétrequin
Directeur de recherche au CNRS (UMR 6565, Laboratoire de Chrono-écologie, Université de Franche-Comté, UFR Sciences, Besançon). Ses programmes de recherche portent sur une modélisation ethnoarchéologique en Nouvelle-Guinée appliquée à des situations du Néolithique européen. Responsable des recherches sur les villages néolithiques lacustres du Jura français, du PCR « Sources salées du Jura : 6000 ans d’exploitation » (avec Weller O.) et du Programme ANR « JADE : Inégalités sociales et espace européen au Néolithique : la circulation des grandes haches en jades alpins ». Publications récentes : Écologie d’un outil : la hache de pierre en Irian Jaya (Indonésie), Paris, ed. CNRS, réédition complétée 2000 (avec Pétrequin A.M.) ; Premiers chariots, Premiers araires. La diffusion de la traction animale en pendant les IVe et IIIe millénaires avant notre ère, Monographies du CRA, 29, Paris, ed. CNRS, 2006 (dir. avec Arbogast R.M., Pétrequin A.M., Van Willigen S. et Bailly M.) et Objets de pouvoir en Nouvelle-Guinée, Paris, Réunion des Musées nationaux et CTHS, 2006 (avec Pétrequin A.M. et coll. Weller O.).
-
Olivier Weller
Chargé de recherche au CNRS (UMR 6565, Laboratoire de Chrono-écologie, Université de Franche-Comté, UFR Sciences, Besançon). Ses recherches concernent l’archéologie du sel, et plus précisément la Préhistoire du sel européenne à travers les techniques d’exploitation, les utilisations et les enjeux socio-économiques. Les approches développées sont aussi bien d’ordre ethnoarchéologique, ethnohistorique que paléo-environnementale, physico-chimique ou géomatique. Il est, ou a été, responsable du PCR « Sources salées du Jura : 6000 ans d’exploitation » (avec Pétrequin P. ), de 2 prospections sur l’exploitation des sources salées en Bourgogne et en Auvergne, d’un programme SHS du CNRS « Les eaux salées de Moldavie roumaine : Archéologie, histoire et écologie d’une ressource structurante du territoire », et d’une mission archéologique du Ministère des Affaires Étrangères en Roumanie sur les plus anciennes exploitations du sel en Europe et membre du projet sur l’ethnoarchéologie des sources salées de Moldavie (CNCSIS PN-II, IDEI, code 414/2007, no. 167/2007, http://ethnosal.uaic.ro). Publications récentes : Hommes et paysages du sel, Paris, Actes Sud, 2001 (avec Hocquet J.-C. et Malpica Cuello A.) ; Archéologie du sel. Techniques et sociétés dans la Pré et Protohistoire européenne, Internationale Archäologie, coll. ASTK, 3, Radhen/ Westf., Verlag Marie Leidorf GmbH, 2002 (dir.) ; L‘explotació de la sal, 1st International Archaeology meeting about Prehistoric and Protohistoric salt exploitation, Cardona, 2003, Barcelona, IREC, 2007 (dir. avec Fíguls A.) ; L’exploitation du sel à travers le temps, colloque international du Musée de Piatra Neamt, Roumanie, Bibliotheca Memoriae Antiquitatis, XVIII, 2007 (dir. avec Monah D., Dumitroaia Gh. et Chapman J.) ; Izvoarele sarate din Moldova. Cercetari ethnoarheologice, Iasi, ed. Demiurg, 2007 (avec Alexianu M. et Brigand R.).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La formation d’une opinion démocratique
Le cas du Jura, de la révolution de 1848 à la « république triomphante » (vers 1895)
Pierre Merlin
2017
Les mutations récentes du foncier et des agricultures en Europe
Gérard Chouquer et Marie-Claude Maurel (dir.)
2018
Deux frontières aux destins croisés ?
Étude interdisciplinaire et comparative des délimitations territoriales entre la France et la Suisse, entre la Bourgogne et la Franche-Comté (xive-xxie siècle)
Benjamin Castets Fontaine, Maxime Kaci, Jérôme Loiseau et al. (dir.)
2019
Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas
Sarah Mombert et Corinne Saminadayar-Perrin (dir.)
2019
Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865)
Thomas Bouchet et Patrick Samzun (dir.)
2019
Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)
Vincent Bourdeau, Jean-Luc Chappey et Julien Vincent (dir.)
2020
Le patrimoine industriel au prisme de nouveaux défis
Usages économiques et enjeux environnementaux
Marina Gasnier
2018
La petite entreprise au péril de la famille ?
L’exemple de l’Arc jurassien franco-suisse
Laurent Amiotte-Suchet, Yvan Droz et Fenneke Reysoo
2017
Une imagination républicaine, François-Vincent Raspail (1794-1878)
Jonathan Barbier et Ludovic Frobert (dir.)
2017