• Contenu principal
  • Menu
OpenEdition Books
  • Accueil
  • Catalogue de 15900 livres
  • Éditeurs
  • Auteurs
  • Facebook
  • X
  • Partager
    • Facebook

    • X

    • Accueil
    • Catalogue de 15900 livres
    • Éditeurs
    • Auteurs
  • Ressources numériques en sciences humaines et sociales

    • OpenEdition
  • Nos plateformes

    • OpenEdition Books
    • OpenEdition Journals
    • Hypothèses
    • Calenda
  • Bibliothèques

    • OpenEdition Freemium
  • Suivez-nous

  • Lettre d’information
OpenEdition Search

Redirection vers OpenEdition Search.

À quel endroit ?
  • Presses universitaires de Franche-Comté
  • ›
  • Les Cahiers de la MSHE Ledoux
  • ›
  • Autour de Ledoux : architecture, ville e...
  • ›
  • Troisième partie. Villes idéales et utop...
  • ›
  • 17. Architectures du travail et nouvelle...
  • Presses universitaires de Franche-Comté
  • Presses universitaires de Franche-Comté
    Presses universitaires de Franche-Comté
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Liens vers le livre
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Formats de lecture

    Plan

    Plan détaillé Texte intégral I. Une longue genèseII. Loger la main-d’œuvreIII. La cité-jardin et l’ingénierie socialeConclusions et perspectives Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie

    Ce livre est recensé par

    Précédent Suivant
    Table des matières

    17. Architectures du travail et nouvelle société dans les villages ouvriers et cités de l’industrie (1780-1930)

    Gracia Dorel-Ferré

    p. 307-328

    Texte intégral Bibliographie Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1L’approche que nous souhaitons présenter relève du champ d’étude du patrimoine industriel. Sans reprendre les définitions et les contenus de cette jeune discipline (Daumas, 1980 ; Andrieux, 1992 ; Bergeron et Dorel-Ferré, 1996 ; Cartier, 2002 ; Papuli, 2004 ; Daumas, 2006 ; Bolognesi, 2000), on rappellera que le patrimoine industriel s’intéresse aux témoignages des systèmes de production et aux produits (Gille, 1968) qui nous ont été légués par l’humanité fabricante, depuis l’aube des temps. Font partie de ce patrimoine non seulement les unités de production, mais aussi, les lieux qui les ont vu naître et qui ont conditionné leur emplacement ; à l’intérieur des espaces bâtis, les machines font partie de ce patrimoine, et par conséquent les savoir-faire, les conditions techniques et sociales du travail générés par une activité donnée. C’est donc à une histoire intégrée, pluridisciplinaire, à laquelle nous sommes confrontés, et qui se trouve de ce fait considérablement enrichie : l’histoire du paysage, l’analyse spatiale viennent de faire une entrée en force dans notre pratique.

    2Cette histoire des hommes « fabricants » serait incomplète si on n’ajoutait pas à son champ épistémologique celle des conditions d’habitat. Des études ont déjà été faites par les architectes et les sociologues. Mais l’historien a aussi son mot à dire : en rendant au sujet toute sa dimension chronologique, il évalue, à travers la périodisation que cela sous-tend, les évolutions, lentes ou non, les changements, rapides ou non. Nous avons choisi de nous intéresser au village ouvrier, en tant qu’unité physionomique et fonctionnelle qui rend compte, à sa manière, des relations qui s’établissent dans une collectivité destinée à une fabrication déterminée. C’est une réalité ancienne, mais diverse (Della Monica, 1980). C’est pourquoi on est en droit de penser que son étude devrait nous permettre, tout autant qu’un autre indicateur, d’identifier une population ouvrière, dès son origine et d’en comprendre l’évolution.

    3Cet habitat, présent, en Europe occidentale, dès la fin du XVIIe siècle1, se complexifie avec le temps, et de simple lieu où l’on dispose un grabat et où éventuellement on peut chauffer la soupe, l’habitat devient un véritable foyer, avec des pièces diversifiées, et affectées à une destination précise : cuisine, chambre des parents, chambre des enfants. Au début du XXe siècle, la salle d’eau, même sommaire, fait son apparition2. Cependant, cette évolution est surtout due aux industriels qui ont été amenés pour des raisons très pragmatiques à loger leur main d’œuvre. Chemin faisant, ce logement est devenu argument d’embauche, signe extérieur de santé économique, puis aussi terrain d’expériences sociales. Toutes les initiatives de création de logements, patronales ou non, prennent en compte le système englobant et les événements. À ce titre, la Première Guerre mondiale et la Révolution russe ont joué un rôle puissant dans la prise de conscience ou comme catalyseur.

    4Quoiqu’il en soit, l’éloignement du village, souvent lié à sa source d’énergie ou à la localisation de la matière première, les conditions particulières d’existence et de travail, qui faisaient de tous les instants de la vie quelque chose de familier, de commun, de partagé, tout a contribué à faire éclore, non seulement la conviction d’une expérience commune, mais aussi, dans certaines circonstances, de véritables projets de société. On a un peu vite parlé à leur propos d’utopies, voire d’utopies pratiquées, malgré tout ce que l’apposition de ces deux termes a de contradictoire. Un tour d’horizon, que nous voulons le plus large possible, devrait nous permettre de voir jusqu’à quel point la société issue de ces villages et villes de l’industrie a formé une nouvelle société.

    I. Une longue genèse

    5Les plus anciens villages ouvriers connus correspondent à des chantiers de construction ou à des campements miniers3. Cependant, ces villages ne sont pas des constructions permanentes, même si certaines ont duré des dizaines d’années. Ces créations temporaires se font parallèlement à la forme de travail la plus ancienne et la plus répandue, celle du travail à domicile. Celui-ci peut être important au point de reléguer au second plan les activités agricoles. C’est le cas des villages des montagnes de la Catalogne intérieure, où dans toutes les maisons on file et on tisse la laine. Ces pratiques ont laissé peu de traces dans l’habitat. Pour qui sait les observer, les grandes fenêtres, les soupiraux de caves sont autant de signes d’un travail textile à domicile. C’est un patrimoine bâti fragile, qui autrefois était associé au bruit des peignes qui claquent, ce dont nous n’avons plus idée. Les dentellières de la côte catalane, spécialisées dans les « blondes », au XVIIIe siècle, n’ont pas laissé beaucoup de traces non plus dans la maison : elles s’installaient dehors avec le coussin sur les genoux.

    6Loin des villages, des structures industrielles avaient de tout temps inclus des logements dans leurs locaux, en particulier les forges, qui ne pouvaient fonctionner sans la présence de l’équipe de spécialistes chargée de la maintenance, entre deux campagnes de production. Nous en avons un exemple bien étudié avec la forge Rossell d’Andorre, un de ces établissements de type traditionnel, toujours actifs encore en plein XIXe siècle. Dans les lieux où se fabriquaient les « gueuses » de fer selon le procédé à la catalane, on hébergeait, le temps d’une campagne, des équipes de quatre personnes qui se relayaient sur les lieux du travail, et qui y vivaient. On connaît leurs conditions de vie, dans le détail. Mais là encore, ce ne sont pas des ouvriers à proprement parler : ce sont des spécialistes, engagés en Ariège. La main d’œuvre, elle, comprend les aides mineurs et les aides des muletiers chargés du transport (Codina Vialette, 2001). Tous ces gens-là n’étaient pas logés. Il en allait de même pour les forgerons de l’actuelle Haute-Marne, une région qui ne comptait plus les forges domaniales dispersées le long des vallées de la Marne et de la Blaise.

    7Dans les années 1660, Colbert met en place la manufacture concentrée (Woronoff, 1994 ; Levy-Leboyer, 1996 ; Boissonnade, 1977 ; Martin, 1978 et 1979). À bien des égards, on le sait, il ne s’agit pas d’une innovation – des ateliers impériaux ou monastiques fonctionnaient, de longue date, comme de véritables manufactures « avant la lettre » – mais de la généralisation d’un système, à partir d’un appareil réglementaire qui en permettait le contrôle. Si certaines manufactures sont « royales » ou encore favorisées par des lettres patentes, la plupart d’entre elles sont des créations privées. Celles que nous connaissons le mieux datent du XVIIIe siècle. Si nous prenons comme exemple la manufacture la plus suggestive, la mieux conservée, Villeneuvette (Thomson, 1982 ; Diffre, 1997), ou encore si nous faisons référence aux logements « ouvriers » de la forge de Buffon (Benoît, 1988, p. 135-157), le célèbre naturaliste, nous voyons que la maison ouvrière est d’une grande simplicité. Une salle commune, avec une cheminée et un évier qui s’écoule dans la rue, une chambre à l’étage, ou à côté, en tout cas distincte, et toujours, un petit jardin. À Villeneuvette, seuls les tisserands sont logés. Ils travaillent les filés produits dans les villages à 20 km à la ronde. Aux forges de Buffon, seuls les gens de métier sont logés, d’où le petit nombre de logements. À Saint Gobain (Hamon et Mathieu, 2006), les maîtres verriers logent sur place, et les maisons qui leur sont attribuées dessinent comme une ceinture autour de la manufacture. Il y a là les prémices d’un habitat spécifique, mais pas de village ouvrier en tant que tel. Même chose à La Granja, près de Madrid où le petit-fils de Louis XIV, Philippe V, devenu roi d’Espagne, installe une verrerie royale. Ses fils poursuivent la politique colbertienne mise en place, en particulier en favorisant la création de manufactures de laine en Castille (Oliveras Samitier, 1998). Cependant, il ne semble pas que le village industriel soit une réalité, ni à Nuevo Baztán, non loin de Madrid, construit sur le modèle des missions jésuites d’Amérique et qui inspire sans doute Villeneuvette, ni à Brihuega (fig. 1, p. XIX), non loin de Guadalajara, œuvre des élèves du grand architecte italien Juvara. Par contre, il semblerait qu’une cité ouvrière ait été prévue à San Fernando de Henares, mais le projet a été rapidement abandonné, sans doute parce que surdimensionné. Des études nous manquent sur ce site, bien connu sur le plan architectural et économique, mais pas sous l’angle patrimonial. La mise en perspective de cet ensemble des manufactures de Castille est éclairante : il y a eu une vraie recherche sur les formes nouvelles les plus adaptées à une production de type nouveau. Ce sont les premiers balbutiements de l’usine (Dorel-Ferré, 2006, p. 301- 312). Le village ouvrier n’existe pas encore : en effet, il y a village ouvrier quand la main d’œuvre est logée au même titre que les autres intervenants de l’usine…

    8Contrairement à l’idée courante, Arc-et-Senans est une manufacture, que Claude Nicolas Ledoux construit à la demande du roi entre 1774 et 1776, à une vingtaine de kilomètres de Salins. Après avoir proposé un plan carré que le roi refusa, il réalise un demi-cercle, dans l’espoir de l’agrandir au cercle complet, par la suite. Il s’agit, à travers cette commande royale, de montrer aux francs-comtois quelle est la politique économique que le roi entend mener, en matière de production de sel. Ledoux distribue les fonctions et les pouvoirs de façon géométrique et rationnelle, dans un souci d’efficacité, et aussi de façon programmatique. Mais contrairement à l’architecte de Brihuega qui, en 1750, faisait du cercle le lieu même de la production, c’est sur la demi-circonférence, que Ledoux installe les maisons des spécialistes affectés à la maintenance. Quelles que soient la beauté et la nouveauté des formes qu’il propose, il ne crée en rien une ville-usine. Les ouvriers viennent tous les jours des villages environnants. Ils travaillent dans des conditions infrahumaines de chaleur et d’humidité, dans les vapeurs de sel qui rongent la peau, et en partant, ils sont consciencieusement fouillés, car le sel vaut de l’or. L’architecture, quoi qu’on en dise, n’a donc aucun impact sur notre travail quotidien ? Cet aspect est soigneusement occulté dans l’ouvrage que Ledoux rédige dans les dernières années du XVIIIe siècle et qu’il publie en 1804, ouvrage dans lequel, à partir de la saline de Chaux, il commente les édifices d’une ville idéale où tout est monument mais où les maisons d’habitation ne sont pas prévues (Ledoux, 1994). C’est une cascade d’ambiguïtés, renforcées par le parti pris de faire aujourd’hui d’Arc-et-Senans, le lieu de l’utopie par excellence.

    9Si l’on considère les trois grands pays où des dynasties issues des Bourbons ont tenté une expérience colbertienne, la seule manufacture qui débouche sur un village ouvrier est San Leucio, près de Naples (Rubino, 2004) : elle seule, dans son principe, établit que seuls vivent à la manufacture ceux qui y travaillent. C’est ce que spécifie l’Édit de Bon Gouvernement, publié en 1789. Elle est, pour l’Europe méditerranéenne, la première cité ouvrière en date, dotée, qui plus est, d’un vrai programme social et culturel. Signalons, entre autres, malgré un carcan religieux tatillon, l’accession à un logement décent, l’école pour les garçons et les filles, un salaire équivalent pour les hommes et les femmes. Les visiteurs de marque venaient contempler les ouvriers et les ouvrières dansant la tarentelle. On était à l’aube d’une société nouvelle… Malheureusement, le projet reste inachevé du fait de l’invasion française et pâtira de la féroce réaction qui fait plier l’Europe progressiste après le Congrès de Vienne.

    10Si le village industriel émerge lentement en Europe occidentale, il en allait autrement de la Russie ouralienne qui s’industrialisait à marches forcées, sur ordre de Pierre le Grand. Celui-ci, sachant qu’aux frontières de son empire gisaient des ressources métalliques et minérales capables de le rendre indépendant des ses habituels fournisseurs, les Suédois, donne l’ordre de la mise en exploitation de ces terres lointaines et parcourues des seuls nomades Bachkirs. C’est le point de départ d’une véritable saga industrielle, faite à coup de rassemblements forcés de paysans-serfs inscrits dans les usines, et au prix de constructions hydrotechniques monumentales4. L’État étant impuissant à tout mettre en valeur, Pierre le Grand tolère que des grandes familles se taillent des domaines gigantesques constitués de dizaines de villes-usines : sur le flanc européen de la chaîne méridionale de l’Oural, les Stroganov, déjà richissimes producteurs de sel, fondent des entreprises métallurgiques. Ils ne parviennent pas à rivaliser avec la puissante famille Demidov qui exploite l’Oural central et sa façade asiatique. Pendant tout le XVIIIe siècle, le fer produit a été suffisamment important pour rendre la Russie indépendante, mais aussi pour fournir à son tour l’Angleterre, avant que celle-ci ne se dote d’une industrie métallurgique suffisante.

    11Parmi les villes-usines promises à un grand avenir, Ekaterinbourg, construite en 1723, présente un plan régulier, délimité par des fortifications de forme carrée, qui enserrent le barrage, les usines, l’église, la maison du directeur, les entrepôts, et les maisons ouvrières adossées à leur jardin. Si les autres villes ne présentent pas un plan aussi régulier, les éléments qui les composent sont identiques, dès la fin du XVIIe siècle (Dorrel-Ferré, 2004). Le contraste était fort entre les isbas, maisonnettes de bois, traditionnelles, et les centres du pouvoir, qui présentent encore aujourd’hui un style néoclassique parfait : l’industrialisation ouralienne s’est faite sur des modèles occidentaux, avec les moyens à disposition : les constructions sont de briques, recouvertes d’un enduit qui imite la pierre. Les Vieux-Croyants nombreux dans cette région, ont mis au service de la nouvelle économie leur culture du livre et leur conviction religieuse en servant de cadres dans les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées5.

    12Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, une évolution sensible du monde du travail était observable : de grandes concentrations industrielles étaient en train de se former, en particulier à l’Est de l’Empire russe, avec pour source d’énergie le moteur hydraulique. Une nouvelle société se mettait en place, mais elle était encore marquée par son origine rurale et artisanale. À San Leucio, l’expérimentation sociale avait tourné court, après un départ prometteur.

    II. Loger la main-d’œuvre

    13L’extrême fin du XVIIIe siècle voit la naissance des villages ouvriers en Angleterre et en Écosse, sous la forme de rues de maisons accolées, d’inspiration rurale, qui abritent les ouvriers des mines6 ou des mills, les nouvelles usines textiles mues par un moteur hydraulique7. L’usine n’est pas une construction radicalement nouvelle : c’est une variante du moulin, en particulier du moulin papetier. Pas d’effort architectural particulier pour la cité : les rues ouvrières sont des variantes des modestes logements que l’on attribue aux gens de métier, jusque-là, telles que nous les avons analysées précédemment. La nouveauté réside en ce que l’on cherche à loger l’ensemble de la main-d’œuvre, pour une production plus importante, dans des sites de production d’énergie hydraulique ou d’extraction de minerai, généralement éloignés de toute implantation humaine. Le cas paradigmatique est celui de New Lanark, le village ouvrier du patron utopiste Robert Owen. Sans reprendre en détail cette expérience célèbre, qui est aujourd’hui un des sites-phare du patrimoine industriel, il nous faut souligner quelques traits communs à l’ensemble des constructions d’initiative patronale. En effet, Robert Owen travaille dans deux directions : une meilleure gestion de la main d’œuvre par une rationalisation de l’activité par la mise en place d’une discipline rigoureuse et une sorte d’auto-évaluation de l’ouvrier ; une meilleure formation de cette population issue des orphelinats urbains ou des montagnes de l’intérieur, par l’école et l’organisation de la vie quotidienne de la petite communauté8. Mais les logements ne sont pas encore au centre des préoccupations : les pièces sont petites, le confort, rudimentaire. Pourtant, Owen mettra au point un système de meubles-gigogne pour faire face aux besoins des familles nombreuses qui sont la majorité de sa population ouvrière. On sait que le succès de l’expérience fut total : on venait de toute l’Europe pour voir les enfants de l’école, pour lesquels Owen avait conçu des tableaux pédagogiques et des méthodes actives. Malgré tout, le conseil d’administration de la société voyait d’un mauvais œil ce qui lui semblait être un luxe inutile et déplacé : ces enfants qui dansaient si bien allaient-ils devenir pour autant de bons ouvriers ? Après un quart de siècle passé à la tête de l’entreprise, Robert Owen se décida à partir9. Il se rendit aux États-Unis où il pensait créer une ville idéale. Mais sans ressources propres apportées par une industrie, celle-ci non seulement périclita mais elle engloutit toute la fortune de l’incorrigible rêveur. La question qu’il avait soulevée allait pourtant traverser le siècle.

    14En effet, tout au long du XIXe siècle, on ne cesse de parler de la question du logement, en n’apportant que rarement des solutions (Jonas, 1994). Jusqu’au milieu du XIXe siècle, à part quelques rares cas, l’habitat ouvrier prolifère dans le désordre, l’insalubrité, la promiscuité. Les hygiénistes s’emparent de la question. Quelques réalisations très limitées mais spectaculaires sont à prendre en compte, comme Grand Hornu (fig. 2, p. XIX) et son voisin Bois du Luc, tous deux, des sites miniers aménagés dans le premier tiers du XIXe siècle. Ils correspondent à un changement de nature et d’échelle dans l’exploitation d’un lieu déjà connu. Grand Hornu s’impose comme une nouvelle forme d’exploitation, de type capitaliste, face aux nombreux paysans-mineurs qui précédemment cultivaient la terre et exploitaient les puits peu profonds. Il s’agissait une fois encore d’une architecture programmatique, mais où le logement a sa place. Si la cité de Grand Hornu est d’une grande uniformité, celle des « carrées » de Bois du Luc est originale, avec leur quadrilatère enserrant les jardins à l’intérieur. Dans ces créations patronales, peu nombreuses au demeurant, les grandes lignes du paternalisme sont en place, telles qu’elles se développent pendant tout le siècle, jusqu’à la Première Guerre mondiale : l’attribution du logement dans une cité équipée d’une boutique et de quelques commerces se complète d’une école qui se charge éventuellement d’une formation professionnelle, d’installations de soins (parfois un grand hôpital, comme à Bois du Luc) et d’une caisse de secours et de retraite. Ces constructions vont se diversifier et se complexifier avec le temps. On peut même avancer que les changements physionomiques des villages (plus faciles à saisir) et des quartiers ouvriers sont l’indicateur d’un changement d’échelle dans la croissance économique. On pourrait suivre ainsi le développement du Creusot à travers celui de ses quartiers ouvriers. Une autre composante doit être prise en compte, qui est celle du statut de l’habitat. Rarement en propriété, il est un élément de chantage considérable entre les mains du patron et introduit une ligne de démarcation au sein des ouvriers pour lesquels un ouvrier logé n’est plus libre. Toutes ces questions ont leur écho de l’autre côté de l’Atlantique avec l’industrialisation de la Nouvelle Angleterre, à partir de ses vallées textiles et de ses villes-usines comme Lowell10.

    15À côté du village qui étire ses immeubles le long de la rivière, comme à New Lanark (fig. 3, p. XX) ou des cités minières qui étalent sur la plaine des maisons à un étage, disposée en coron, comme à Bois du Luc ou à Grand Hornu, un troisième modèle, celui de la cité Dolfuss Mieg à Mulhouse11, vient diversifier l’offre de logement : la maison mulhousienne, née elle aussi autour du premier tiers du siècle, habile compromis entre la maison unifamiliale et une construction économique. Ce sont des ensembles de quatre maisons accolées, disposant chacune d’un jardinet et évitant au mieux la promiscuité qui sont ainsi créées, disposées régulièrement le long des rues12. Les trois modèles auront une grande diffusion.

    16Ainsi, le Mexique central présente un véritable chapelet de villages industriels textiles fondés sur l’hydraulique, en adaptant les modèles physionomiques européens. Le plus ancien est La Constancia Mexicana, fondée en 1837 à Puebla, à partir de capitaux mexicains et de français émigrés. Cette date précoce témoigne d’une industrialisation à grande échelle, avec une vingtaine d’années d’avance sur l’Espagne. Dans ce pays, en effet, seule la Catalogne se couvrira de « colonies industrielles », mais à partir des années 1870 (Dorel-Ferré, 1992). Sur les quatre-vingt colonies recensées, la Colónia Sedó est la plus importante (fig. 4, p. XX). La Colónia Guëll, est un cas particulier13 qui doit surtout sa célébrité à la part que Gaudí et ses élèves ont pris dans la construction.

    17Au dernier tiers du siècle, deux textes fondamentaux dressent alors un bilan bien maigre. Le premier est celui du fondateur du Familistère de Guise, Jean-Baptiste André Godin qui publie Solutions sociales en 187114. Il commente le peu de réalisations de logements d’initiative patronale et présente son Palais Social comme un cas exceptionnel. L’autre texte est celui de La question du logement, publié en 1873, qui rassemble trois articles écrits par Frédéric Engels à la demande du Volksstaadt de Leipzig15. C’est un pamphlet, qui dénonce la politique de logements, quand elle existe, comme une nouvelle source de profit pour les entrepreneurs en immobilier et les industriels. Le texte de Godin est son propre panégyrique16. Force est de rechercher ailleurs la clé d’une interprétation.

    18L’un des rares documents publiés concernant la politique sociale de Godin est formée par les Avis divers que l’entrepreneur rédigeait et affichait pour servir d’information à la population familistérienne. Ils nous permettent de comprendre la nature des problèmes qui se posaient à ceux qui géraient les logements, et les positions très sévères, voire répressives qui étaient prises dans le but d’obtenir le comportement social souhaité (Vacher, 1994, p. 52-74). Les questions de propreté et d’hygiène, de discrétion et de respect des autres ; le respect des horaires pour l’école des enfants, sont une préoccupation constante. On mesure, à leur lecture, l’effort considérable de socialisation qui a été mené par les industriels, dans le but d’orienter les ouvriers logés vers un modèle plus ou moins idéal fourni par la petite et moyenne bourgeoisie naissante. L’école a été le lieu central de la modification des comportements ; les leçons de morale et de civisme avaient alors un but très concret, une application pratique.

    19Le rôle de l’Église est fondamental, et sauf cas rarissime, comme au Familistère de Guise, l’Église est le partenaire constant, même structurant, dans tous les villages ouvriers d’initiative patronale. Sur elle reposent généralement l’éducation des enfants, l’accueil des filles et garçons en dehors du temps scolaire, la gestion et l’encadrement de tous les moments de chacun et de tous dans la cité17. Mais là encore, que de situations contrastées suivant les pays ! Aux Asturies, le marquis de Comillas, qui n’est autre que le gendre de Guëll, le protecteur de Gaudí, édifie un village ouvrier mineur, à partir de 1890, qu’il présente comme un modèle, à Bustiello18, non loin de Gijón. Il s’agit d’une petite cité d’une vingtaine de maisons, mais avec un équipement de grande taille et d’une grande diversité administré par l’Église. La disposition spatiale est à elle seule un programme : au niveau le plus bas, les maisons ouvrières dominées par les maisons des ingénieurs ; au niveau supérieur, à un bout du village, l’église, l’école de garçons et le centre catholique qui fait office de centre de loisirs ; à l’autre bout, l’école des filles, l’hôpital, et la pharmacie. Comme souvent en pays de mines, l’hôpital a une taille imposante. Dans la pensée politique et idéologique du marquis, qui mit une grande part de sa fortune dans la création d’un séminaire où ont été formés les cadres religieux de la période franquiste19, le village de Bustiello devait devenir le centre des anciens conseils de vallée recréés pour faire pièce aux associations minières.

    20Dès cette époque, la question de la vie privée est posée. C’est à une solution du problème que répond un projet de cité ouvrière à Schio (Fontana, 1985), dans l’arrière-pays de Padoue, daté de 1872. En Angleterre, des cités ouvrières d’initiative patronale comme Saltaire20 ou Port Sunlight21 sont censées répondre aussi à la question. Celle-ci sera bizarrement théorisée par Ebnezer Howard (1998), en tant que moyen de décongestionner les grandes villes, sous le terme de cité-jardin. En fait, à côté de créations urbaines qui répondraient aux critères avancés, beaucoup de villages ouvriers se sont emparés du concept, avec de rares exemples avant 1914 et une large typologie de réalisations entre les années 20 et les années 30 du XXe siècle.

    III. La cité-jardin et l’ingénierie sociale

    21Malgré l’ambiguïté conceptuelle qui fait des cités-jardins à la fois des fragments de villes nouvelles et des villages ouvriers, les cités-jardins introduisent une troisième étape dans notre analyse de l’habitat ouvrier d’initiative patronale (Girard et Fayolle Lussac, 1996 ; Baty-Tornikian, 2001 ; Dorel-Ferré, 2002c). Il s’agit de changements physionomiques, mais aussi d’un changement de sens, profond.

    22Les changements physionomiques – en laissant de côté toute l’innovation architecturale des maisons des cités – se marquent essentiellement par une plus grande monumentalisation des services offerts. La bibliothèque, l’école de musique, le théâtre, l’école, deviennent des édifices visibles, différenciés, de grande taille, à travers lesquels la politique culturelle de l’entreprise est affichée. C’est le cas de Valdagno, dans l’arrière-pays de Padoue, où l’entrepreneur Marzotto choisit une architecture somptueuse, de caractère urbain, pour son village ouvrier. Mais ce que révèle cette architecture monumentale, c’est une nouvelle prise de conscience de ce que doit être une éducation populaire.

    23En effet, bien que la question ait été posée dès le début du XIXe siècle, celle-ci ne devient une préoccupation centrale qu’au siècle suivant. Avec la création d’organismes d’État pour la construction de logements à bon marché, une politique sociale entre en application, avec des variantes, depuis la cité de Suresnes près de Paris jusqu’à la cité-jardin à la hongroise et aux cités ferroviaires de Vienne, tel le Karl Marx hof, que l’on peut encore visiter, bien que dépourvu de son sens, aujourd’hui. En France, les destructions de la Première Guerre mondiale décident les parlementaires et les industriels à permettre quelques-unes des réalisations les plus spectaculaires que sont la cité-jardin de Chemin Vert (fig. 5, p. XXI) à Reims (Dorrel-Ferré, 2002c ; Henry, 2002) ou la cité des cheminots du Nord à Tergnier (Aisne). Cependant, le concept de cité-jardin n’est pas seulement tourné vers les réalisations de logement ouvrier à initiative patronale. Il recevra, dans les années 20, des applications multiples, qui partent d’un noyau de préoccupations commun : la valorisation de la vie privée, dans un espace fleuri et arboré, tendant à donner un sentiment d’appartenance à la collectivité résidente, du fait de points communs voulus ou créés, de nature variable. Ainsi participent de ce concept le « village universitaire », avec ses variantes comme la Cité Universitaire de Paris ou Coral Gables en Floride ; « le village-hôpital », comme celui de Sant Pau de Barcelone ; le village touristique, comme le Pueblo español, de la même ville. Une interprétation extrême du concept est due à Gaudi, toujours à Barcelone, avec la cité-jardin utopique inachevée du Parc Guëll, qui devait servir de résidence à des artistes et des écrivains. Ainsi, la cité-jardin d’initiative patronale nous paraît participer d’un mouvement plus large, à la fois aboutissement de la réflexion hygiéniste du XIXe siècle, de l’émergence d’un souci de vie privée, mais aussi d’un goût pour l’homogénéité sociale ou socioprofessionnelle22. Toutes choses que l’on considère une nécessité, surtout depuis les grandes manifestations qui ont entouré l’Exposition Universelle de 1867 (Martinez Costa, 1999 ; Roberts, 1998).

    24Mais c’est essentiellement dans les premières décennies du XXe siècle que l’on peut relever la formation de structures spécifiques, aux architectures reconnaissables, d’inspiration ouvrière ou patronale, suivant le cas, mais qui ajoutent leur tonalité à la physionomie du quartier : lieux de réunion, coopératives, centres culturels, etc. Un récent ouvrage montre ce qu’était le Paris ouvrier du début du XXe siècle, qui a presque totalement disparu, et que seuls évoquent quelques-uns des films tournés dans les années 30 par René Clair ou Marcel Carné (Rustenholz, 2003). Au Chemin Vert de Reims, sur lequel nous sommes bien renseignés, le centre névralgique était constitué par la Maison Commune qui faisait face à l’église. Dans la Maison Commune, on trouvait la bibliothèque, la salle de réunion, le théâtre, et en sous-sol, les bains-douches. C’est là que se faisaient les réunions et qu’avaient lieu les conférences et les spectacles. Cette structure était complétée par la Maison de l’Enfance, qui jouait le rôle de dispensaire et de crèche ainsi que de classe d’enseignement ménager. Les maisons, fabriquées avec des matériaux peu coûteux, présentaient une vaste typologie mais étaient de surface réduite23. Seule nouveauté : à côté du cabinet de toilette qui était présent désormais systématiquement à l’intérieur ou à l’entrée, il y avait un réduit avec une installation de douche rudimentaire qui complétait l’équipement de chaque maisonnette. De ce point de vue, les maisons de cheminots présentaient plus de confort et déjà, dans les maisons de contremaîtres, la salle de bain fait son apparition.

    25En quoi consiste l’ingénierie sociale mise en œuvre dans les nouveaux villages ouvriers de la première moitié du XXe siècle ? Tout en appliquant une discipline relativement stricte quant au comportement de chacun dans la cité et dans la tenue de la maison, elle se marque par une volonté d’éducation populaire différenciée selon les sexes, les hommes se consacrant, dans leur temps libre, au jardinage et au bricolage, et les femmes à la tenue « bourgeoise » de leur foyer. Ainsi, par des voies détournées, c’est à une véritable éducation que se livrent les patrons des cités-jardin, en déployant pour cela des stratégies efficaces. En effet, à côté de lieux de formation et de réunion qui rassemblent périodiquement les habitants du village ou du quartier, toute une action est menée à travers les assistantes sociales. Au Chemin Vert, ce sont elles qui entrent dans les foyers, vérifient le respect des articles des baux de location et conseillent les mères de famille. Celles-ci adhèrent au modèle qui leur est proposé et sont fières de recevoir le prix décerné chaque année pour la maison la mieux tenue. À la Maison de l’Enfance, l’action de l’assistante sociale est complétée par celle des infirmières qui s’occupent de la puériculture et de l’enseignement ménager. La Maison de l’Enfance fonctionne comme une crèche et accueille aussi les enfants des accouchées pour que celles-ci puissent se relever de leurs couches et s’occuper des nouveaux-nés plus commodément. Cette attention portée aux femmes est une marque du temps. Il est indéniable qu’elle a aidé à véhiculer une certaine image de la femme, à qui l’on offrait à Chemin Vert, un avenir de mère de famille, mais aussi si elle s’en sentait capable, de secrétaire ou d’infirmière, toutes professions pour lesquelles une formation était assurée à la Maison de l’Enfance. On était loin de ce qui se passait aux mêmes dates en Catalogne où le modèle du village ouvrier a résisté longtemps, face au concept de la cité-jardin. À la Colónia Vidal, un Casal de la dona ou Maison de la femme, prend en charge tout ce qui relève de l’espace féminin : c’est à la fois une crèche, une école de filles, un atelier d’enseignement ménager, un dortoir pour filles seules. Le tout est géré par un couvent de religieuses dominicaines dont les bâtiments conventuels jouxtent la Maison. L’image de la femme phalangiste, qui distribue son temps entre le lieu de travail, la maison et l’église, trouve ici son fondement.

    26Malgré les incontestables avancées que représentent le village ouvrier ou la cité-jardin, ces modèles sont abandonnés en Europe occidentale, avant même la Seconde Guerre mondiale pour des raisons de coût, et parce que l’on est acculé à la construction pour les masses. La Charte d’Athènes, de Le Corbusier (1943), est, avec le texte d’Engels, l’autre grand texte qui encadre la période. On renonce au logement en petites séries pour le logement de masse, dans un contexte idéologique très fort, de concurrence et de compétition avec le monde communiste. Il s’agit de faire « du social » mais autrement. Récemment, l’idée de la cité-jardin a ressurgi comme une alternative aux grands ensembles, mais la cité-jardin sans son programme social, c’est une coquille vide de sens : la cité-jardin appartient bien à cette première moitié du XXe siècle, qui a conçu le logement comme faisant partie d’un système d’éducation. En cela, il y a bien eu la volonté de créer une nouvelle société.

    27Nous sommes peu familiers des villages ouvriers et les cités-jardin d’Europe centrale et orientale, peu étudiés jusqu’à une époque récente24. Or, les réalisations sont anciennes, et spectaculaires, comme la cité des Tchékistes à Ekaterinbourg, un des hauts lieux du constructivisme russe, ou la ville ouvrière de Nowa Huta, en Pologne, ou encore Asbest, la ville de l’amiante en Oural, qui datent de l’après Deuxième Guerre mondiale et restent un bon exemple de ces villes-usines soviétiques, monumentales, axées sur la Maison de la culture. Dans les anciennes colonies européennes, on a transporté certains concepts qui ont vu un début de réalisation, comme par exemple les quartiers « art déco » et cités-jardin de Casablanca. Enfin, nous n’avons pas encore appris à intégrer dans notre raisonnement toutes les expériences du continent latino-américain qui nous offre aujourd’hui un répertoire quasi inépuisable. Une manifestation de l’intérêt récent qu’ils suscitent est le classement, sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, des villages du salpêtre du Chili, Humberstone et Santa Laura, et du village du cuivre de ce même pays, Sewell. Ce sont deux exemples particulièrement intéressant de villages du XXe siècle, nés de capitaux et de l’implantation étrangère, dans un milieu hostile : le désert d’Atacama, d’une part, la cordillère andine de l’autre. La formation de ces villages dépend du lieu d’extraction, mais aussi de la nature de l’extraction et des rapports sociaux de travail. Les questions de rapports de force et de ségrégation sociale sont marqués, de façon aveuglante, dans l’espace. Pourtant, s’ils n’ont pas créé, tant s’en faut, de société idéale, ils ont aidé, à leur façon, à la constitution de la société actuelle.

    Conclusions et perspectives

    28L’histoire du village ouvrier est ancienne, mais dans ses formes les plus élaborées et dans son dernier avatar, la cité-jardin, elle accompagne le mouvement de l’industrialisation, ces trois derniers siècles. À ce titre, elle peut être considérée comme un indicateur de l’industrialisation et nous fournit toute une suite d’informations utiles : la précocité de l’implantation, le nombre d’ouvriers agglutinés sur un site, la densité en rapport avec la dynamique économique, etc. Ces informations, qui alimentent l’histoire économique, offrent aussi de nombreux éléments d’histoire sociale : la structure du village ouvrier est un indicateur des relations sociales et traduit les rapports de force en formes architecturales ; l’évolution de l’habitat doit autant aux courants philanthropiques qu’aux problèmes multiples qu’engendre la gestion d’une communauté nombreuse, faite de familles nombreuses, parfois déjà industrielle mais le plus souvent arrachée à une campagne où ne se posent ni problèmes d’horaires ni problèmes de discipline, et où toute la famille vit dans une pièce commune.

    29Le village ouvrier ne dépend pas du statut de son entreprise de rattachement, qu’elle soit publique ou privée. Il connaît une évolution qui lui est propre, bien qu’à des rythmes différents, dans l’espace et dans le temps. Il émerge lentement de la manufacture d’Ancien Régime pour prendre des formes spécifiques : espace de la cuisine autonome ; chambre des parents distincte de la chambre des enfants ; toilettes rudimentaires mais affectées à une famille ou un groupe de familles ; éventuellement, lavoir. Les logements sont systématiquement associés à une boutique, financée au moins en partie par le patron. Parfois, comme c’est le cas pour les cités ouvrières dont les patrons sont protestants, il existe une bibliothèque, même rudimentaire. À Wanlockhead Lead Mine, au Sud de Glasgow, les quakers anglais qui s’installent dès le XVIIe siècle pour exploiter les mines d’étain édifient en 1756 une bibliothèque grâce à 32 souscripteurs, composés de mineurs, de plusieurs compagnies minières qui souhaitent encourager la lecture chez leurs personnels et d’aristocrates locaux philanthropes25.

    30Avec le temps, la spécialisation intérieure du logement, l’émergence des lieux séparés pour la préparation des repas et la toilette ; l’existence d’une salle à manger où trône la machine à coudre Singer à côté de l’armoire vitrée qui renferme une encyclopédie ou une collection d’ouvrages de la littérature universelle acquise par fascicules ; puis, par la suite, l’aménagement d’une entrée qui distribue les pièces du logement, tout cela, ce sont autant de petits pas qui nous conduisent à nos logements actuels. Ceux-ci présentent une répartition dans l’espace qui nous paraît banale, alors qu’elle est en fait le résultat d’une longue histoire. De même, la fin d’une industrie se marque par l’abandon de la cité ou du village ouvrier, ou alors par la transformation individuelle d’un habitat naguère uniforme, que l’on souhaite singulariser.

    31C’est là que se situe le problème le plus grave : nous commençons à peine l’étude d’un objet que les désindustrialisations ont d’abord rejeté et que les années passant, les contraintes actuelles du logement tendent à défigurer. Centrés avant tout sur l’étude de l’usine, nous avons eu tendance à ne voir dans l’habitat ouvrier qu’une question annexe et banale. Il est temps de lui attribuer toute son importance et d’étudier ce qui reste en place, avant que le temps qui passe ne rende illisible ce témoignage capital de l’âge industriel (Daumas, 2006).

    Bibliographie

    Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.

    Format

    • APA
    • Chicago
    • MLA
    Daumas, J.-C. (Ed.). (2006). La mémoire de l’industrie. Presses universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.27974
    Daumas, Jean-Claude, ed. “La mémoire De l’industrie”. []. Presses universitaires de Franche-Comté, 2006. doi:10.4000/books.pufc.27974.
    Daumas, Jean-Claude, editor. La mémoire De l’industrie. [], Presses universitaires de Franche-Comté, 2006. Crossref, https://doi.org/10.4000/books.pufc.27974.

    Cette bibliographie a été enrichie de toutes les références bibliographiques automatiquement générées par Bilbo en utilisant Crossref.

    Bibliographie

    ANDRIEUX Jean-Yves, 1992, L’archéologie industrielle, Paris, PUF.

    BARABANOV Alexandre, 2002, « Les monuments de l’art hydraulique en Oural du XVIIIe au début du XIXe siècle », in DOREL-FERRÉ Gracia (dir.), L’eau industrielle, l’eau industrieuse, Cahier de l’APIC, n° 2, Reims, CRDP Champagne-Ardenne.

    BAUDOT Jean-Louis, 2000, « La cité-jardin de Tergnier », Graines d’Histoire, n° 12, Laon.

    BATY-TORNIKIAN Ginette et SELLALI Amina (dir.), 2001, Cités-jardins, genèse et actualité d’une utopie, Paris, Éditions Recherches/Ipraus.

    BENOÎT Serge, 1988, « Les forges de Buffon » in TAQUET Philippe, Buffon, un esprit universel, 1788-1988, Paris, Imprimerie Nationale, p. 135-157.

    BERGERON Louis et DOREL-FERRÉ Gracia, 1996, Le patrimoine industriel, un nouveau territoire, Paris, Liris.

    BOISSONNADE Prosper, [1927] 1977, Le socialisme d’État, Genève, Slatkine.

    BOLOGNESI Viera, 2000, Una bibliografia sul patrimonio industriale italiano (1970-1992), Napoli, Edizioni Athena.

    BUR Michel (dir.), 1987, Histoire de Laon et du Laonnois, Paris, Éditions Privat.

    CARTIER Claudine, 2002, L’héritage industriel, un patrimoine, Besançon, SCEREN CRDP de Franche-Comté.

    CODINA VIALETTE Olivier, 2001, « L’organització del treball », La farga Rossell (1842-1876) El zenit de l’obtenció del ferro pel sistema directe, Monografies del Patrimoni d’Andorra, 5.

    10.4000/books.pufc.27974 :

    DAUMAS Jean-Claude (dir.), 2006, La mémoire de l’industrie : de l’usine au patrimoine, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté.

    DAUMAS Maurice, 1980, L’archéologie industrielle en France, Paris, Laffont.

    DELLA MONICA Madeleine, 1980, La classe ouvrière sous les Pharaons : étude du village de Deir el Medineh, Maisonneuve, Librairie d’Amérique et d’Orient.

    DIFFRE Suzanne, 1997, Villeneuvette, 1674-1954, La manufacture royale de Villeneuvette en Languedoc, Gignac, Bibliothèque 42.

    DOREL-FERRÉ Gracia, 1992, Les colonies industrielles en Catalogne, le cas de la Colónia Sedó d’Esparreguera, Paris, Éditions Argument.

    DOREL-FERRÉ Gracia, 2002a, « Godin, à la rencontre de l’innovation sociale et de l’innovation technologique », Communication et organisation, Ier semestre 2002a, GREC/O, Université de Bordeaux 3.

    DOREL-FERRÉ Gracia, 2002b, « Dieu à l’usine », in DOREL Gérard, Actes du Festival de la Géographie de Saint Dié, Religion et Géographie, publication en ligne : http://fig-st-die.education.fr.

    DOREL-FERRÉ Gracia (dir.), 2002c, La cité-jardin, une histoire ancienne, une idée d’avenir, Cahier de l’APIC, n° 3, Reims, CRDP Champagne-Ardenne.

    DOREL-FERRÉ Gracia, 2002c, « Chemin Vert, une cité-jardin ? », in DOREL-FERRÉ Gracia (dir.), La cité-jardin, une histoire ancienne, une idée d’avenir, Cahier de l’APIC, n° 3.

    DOREL-FERRÉ Gracia, 2004, « Les villes-usines de l’Oural, note de lecture », in DOREL-FERRÉ Gracia (dir.), Habiter l’industrie, hier, aujourd’hui, demain, Cahier de l’APIC, n° 4, Reims, CRDP Champagne-Ardenne.

    DOREL-FERRÉ Gracia, 2006, « Les utopies industrielles : la circulation des modèles entre l’Europe et l’Amérique », in DAUMAS Jean-Claude, La mémoire de l’usine : de l’usine au patrimoine, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, p. 301-312.

    ENGELS Friedrich, 1873, La question du logement, Paris, Éditions sociales.

    FONTANA Giovanni Luigi (dir.), 1985, Schio e Alessandro Rossi, 2 vol. Rome, Edizioni di Storia e Letteratura.

    GILLE Bertrand, 1978, Histoire des techniques, Encyclopédie de la Pléiade, Paris, Gallimard.

    GIRARD Paulette et Bruno FAYOLLE LUSSAC, 1996, Cités, cités-jardins, une histoire européenne, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine.

    GODIN Jean-Baptiste André, 1871, Solutions sociales, Paris, A. Le Chevalier.

    HAMON Maurice et MATHIEU Caroline, 2006, Saint-Gobain, 1665- 1937. Une entreprise devant l’Histoire, Paris, Fayard.

    HENRY Delphine, 2002, Chemin Vert, l’œuvre d’éducation populaire dans une cité-jardin emblématique, Cahier Hors-Série de l’APIC, Reims, CRDP de Champagne-Ardenne.

    HOWARD Ebenezer, 1998, Les cités-jardin de demain, édition préfacée par Ginette Baty-Tornikian, Paris, Éd. Sens et Tonka.

    JONAS Stéphane, 1994, « Les villages ouvriers et Mulhouse, 1830- 1930 », in DOREL-FERRÉ Gracia (dir.), Villages ouvriers, mythe ou réalités, AIF, n° 24-25.

    LE CORBUSIER, 1943, La Charte d’Athènes, Paris, Plon.

    LEDOUX Claude Nicolas, [1804] 1994, L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation, Nördlingen, UHL Verlag.

    LÉVY-LEBOYER Maurice (dir.), 1996, Histoire de la France industrielle, Paris, Larousse.

    MARTIN Germain, [1899] 1978, La grande industrie sous le règne de Louis XIV, Genève, Slatkine.

    MARTIN Germain, [1900] 1979, La grande industrie sous le règne de Louis XV, Genève, Slatkine.

    MARTINEZ COSTA Joaquín, 1999, Instituciones económicas para obreros, édition de l’ouvrage de 1867 avec un commentaire de Eloy Fernández Clemente, Zaragoza, Institución Fernando el Católico.

    OLIVERAS SAMITIER Jordi, 1998, Nuevas poblaciones en la España de la Ilustración, Barcelona, Fundación Caja de Arquitectos.

    PAPULI Gino, 2004, Archeologia del patrimonio industriale, Perugia, Crace.

    PORTAL Roger, 1950, L’Oural au XVIIIe siècle, Paris, Institut d’études slaves.

    Rapport sur l’Exposition universelle de 1867 à Paris, Paris, Imprimerie impériale, 1869, disponible sur le site de la Bibliothèque numérisée du Conservatoire National des Arts et Métiers : http://cnum.cnam.fr.

    ROBERTS Henry, 1998, Des habitations des classes ouvrières, édition revue et augmentée de 1867, Paris, L’Harmattan.

    RUBINO Gregorio E., 2004, Le fabbriche del Sud. Architettura e archeologia del lavoro, Napoli, Giannini.

    RUSTENHOLZ Alain, 2003, Paris ouvrier, des sublimes aux camarades, Paris, Parigramme.

    THOMSON James K. J., 1982, Clermont-Lodève, 1633-1789, Fluctuations in the prosperity of a languedocian cloth-making town, Cambridge, Cambridge University Press.

    VACHER Odile, 1994, « Avis affichés dans un habitat collectif : du festif au punitif », in DOREL-FERRÉ Gracia (dir.), Villages ouvriers, mythe ou réalités, AIF, n° 24-25, p. 52-74.

    VASSEUR Édouard, 2001, L’exposition Universelle de 1867 : apothéose du Second Empire et de la génération de 1830, Thèse soutenue en 2001, Paris, École des Chartes, www.theses.enc.sorbonne.fr.

    WORONOFF Denis, 1994, Histoire de l’industrie en France, du XVIe siècle à nous jours, Paris, Seuil.

    ZOLA Émile, 1993, Carnets d’enquêtes, Paris, Plon.

    Notes de bas de page

    1 Dans les années 1970, on pouvait encore voir, jouxtant l’ancienne manufacture des glaces de Saint Gobain des maisons ouvrières qui dataient de la fin du XVIIe siècle. Elles n’étaient pas différentes de celles que l’on peut toujours voir aux forges de Buffon, et qui datent du siècle suivant. Elles se composent de deux pièces, parfois plus, et seul l’écoulement prévu pour l’évier distingue la cuisine des autres pièces.

    2 Dès le début du XXe siècle, la salle de bain est prise en compte dans les projets de logements pour les cadres des cités de cheminots. Un réduit comportant un bac à douche est systématiquement prévu dans les maisons de la cité-jardin de Chemin Vert, à Reims, dont les projets datent de la fin du premier conflit mondial.

    3 Ainsi par exemple, celui du traitement du minerai d’argent du Laurion, qui date du Ve siècle avant notre ère. Cependant, si les installations sont bien visibles, rien ne nous suggère un habitat organisé.

    4 L’expression est d’Alexandre Barabanov qui a fait de l’étude de ces centaines de villes-usines sa thèse d’architecte (Barabanov, 2002).

    5 La distinction manufacture privée ou d’État n’est pas au centre d’une analyse des historiens occidentaux, alors qu’il s’agit d’une distinction fondamentale pour l’histoire ouralienne. Elle est au cœur de l’analyse de Roger Portal, dont la thèse éditée en 1950 n’a toujours pas été remplacée (Portal, 1950).

    6 Il y a une industrialisation dès le début du XVIIIe siècle, avec les expériences de Darby dans la vallée de la Severn et les exploitations minières d’Écosse menées par les quakers anglais. Mais l’habitat ouvrier ne semble pas, pendant toute cette époque, se distinguer de l’habitat rural.

    7 C’est évidemment le cas de New Lanark. On peut se reporter à la page web : www.newlanark.org.

    8 Robert Owen interdit l’alcool et introduit à l’usine le silent monitor, à l’aide duquel l’ouvrier auto-évaluait son travail. Il crée « la maison pour la formation du caractère », sorte de centre culturel où se déroulent l’activité scolaire, les cours du soir, les réunions de toute sorte, les assemblées religieuses d’obédience diverse. Les achats à l’épicerie se faisaient avec des jetons.

    9 Owen a dirigé New Lanark de 1800 à 1825. Après son échec de New Harmony il revint en Angleterre, où il se battit jusqu’à la fin de sa vie en faveur des syndicats ouvriers. Il est à l’origine des Trade Unions.

    10 Nous ne pouvons tout dire et tout aborder dans le cadre d’un modeste article. L’industrialisation de la Nouvelle Angleterre est à la fois un décalque des grandes vallées anglaises et apporte des solutions originales comme les boarding houses où étaient logées les jeunes filles issues de la campagne. Les villages ouvriers sont légion aux États-Unis et au Canada. Parmi les nombreuses pages web les concernant, on se bornera à indiquer l’adresse de la puissante association de patrimoine industriel des États-Unis, la SIA : www.sia-web.org.

    11 Les maisons de la firme DMC seront présentées à l’Exposition Universelle de Paris en 1867 comme l’une des solutions à privilégier pour l’habitat ouvrier. Voir à ce sujet : Rapport sur l’Exposition universelle de 1867 à Paris, 1869 ; Vasseur, 2001.

    12 C’est le cas de Crespi d’Adda, le superbe village industriel de la région de Bergame, récemment inscrit au patrimoine mondial. L’essentiel date des années 1870-1880.

    13 Elle est la seule colonie industrielle catalane non hydraulique.

    14 Ce premier ouvrage signé par Godin a été écrit par Marie Moret, sa cousine, secrétaire puis compagne, qui se disait « le porte-plume » de son mari, mais qui a certainement pris une part décisive dans la réflexion de celui-ci. Toute la production écrite de Godin est passée par le filtre de son épouse.

    15 Le Volksstaadt de Leipzig, publié entre 1869 et 1876, était le journal du parti social-démocrate allemand. Les trois articles demandés à Engels en 1872 sont publiés en un seul ouvrage l’année suivante. La préface et les notes de la réédition de 1887 soulignent la faiblesse des progrès accomplis. Le seul exemple décrit de façon positive dans la première édition, celui du Familistère de Guise, y est vivement critiqué. Un autre point de vue critique est celui de Zola, qui dans ses carnets note l’atmosphère lourde qui règne dans les cours du Familistère où chacun épie son voisin (Zola, 1993).

    16 Godin offre un cas peu banal pour l’historien. On a beaucoup glosé sur son œuvre écrite, que peu ont effectivement lue, et l’importante correspondance archivée à la Bibliothèque des Arts et Métiers attend toujours d’être dépouillée. Pour fuir l’hagiographie ambiante, on se reportera à Dorel-Ferré, 2002a.

    17 Le rôle concret de l’Église dans les villages industriels apparaît comme une évidence et de ce fait a fait l’objet de peu d’études (Dorel-Ferré, 2002b).

    18 Pas de publication scientifique à ce jour, sur le village de Bustiello et l’œuvre paternaliste du Marquis de Comillas. Voir la page web : www.bustiello.com.

    19 Il s’agit du séminaire monumental de Comillas (1883) qui fait face au palais de Sobrellano. (1881) et au Capricho construit par Gaudí en 1883. Toutes ces constructions relèvent du modernisme catalan, car la famille du marquis, bien qu’asturienne, était installée à Barcelone dès la génération précédente.

    20 Saltaire est situé près de Bradford, en Angleterre. La cité ouvrière, d’une grande qualité architecturale, date de la deuxième moitié du XIXe siècle. Elle a été récemment inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

    21 Le village est l’œuvre de Lever, industriels du savon. Il est un modèle d’architecture victorienne, réalisé dans les années 70-80 du XIXe siècle.

    22 Les cités de cheminots sont l’exemple même de l’égalitarisme ambiant. Les textes émanant de la Compagnie du Nord précisent bien que les directeurs ne doivent pas habiter près des employés, afin de garder intacte leur autorité sur eux. Voir le cas de la cité des cheminots de Laon décrit par Dorel-Ferré (Bur, 1987). Sur la cité des cheminots de Tergnier, voir Baudot, 2000.

    23 Les plans de maisons ouvrières sont rarement d’une surface supérieure à 60 m2 pour une famille de 4 à 6 personnes. Voir sur ce sujet la première partie de la thèse de Dorel-Ferré, 1992.

    24 D’où l’intérêt de travaux tels que ceux de Jonas, 1994.

    25 Voir la page web du site de Wanlockhead Lead Mine : www.leadmining.mumuseum.co.uk.

    Auteur

    • Gracia Dorel-Ferré

      (gracia.dorel@gmail.com) est docteur en histoire ; chercheuse associée au Groupe d’Histoire des Techniques du Centre Malher de l’université Paris 1-Sorbonne, où elle est chargée de l’axe patrimoine industriel. À partir d’une réflexion sur l’industrialisation de la péninsule ibérique et du monde latino-américain et du rôle joué par l’industrie textile et les utopies industrielles, elle s’est tournée vers les questions de patrimoine industriel. Plus récemment, a pris en charge dans le cadre de l’association internationale pour le patrimoine industriel (TICCIH) les questions de patrimoine du textile, de l’agroalimentaire et de l’habitat ouvrier. Elle est présidente de l’Association pour le patrimoine industriel de Champagne-Ardenne (APIC). Elle a récemment publié : Atlas du patrimoine industriel de Champagne-Ardenne, SCEREN, 2005 ; Le patrimoine des caves et des celliers, Cahier de l’APIC, n° 5, SCEREN, 2006 ; « Les utopies industrielles : la circulation des modèles entre l’Europe et l’Amérique » dans Jean-Claude Daumas, La mémoire de l’industrie : de l’usine au patrimoine, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2006.

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

    Voir plus de livres
    La pensée de la race en Italie

    La pensée de la race en Italie

    Du romantisme au fascisme

    Aurélien Aramini et Elena Bovo (dir.)

    2018

    La formation d’une opinion démocratique

    La formation d’une opinion démocratique

    Le cas du Jura, de la révolution de 1848 à la « république triomphante » (vers 1895)

    Pierre Merlin

    2017

    Les mutations récentes du foncier et des agricultures en Europe

    Les mutations récentes du foncier et des agricultures en Europe

    Gérard Chouquer et Marie-Claude Maurel (dir.)

    2018

    Deux frontières aux destins croisés ?

    Deux frontières aux destins croisés ?

    Étude interdisciplinaire et comparative des délimitations territoriales entre la France et la Suisse, entre la Bourgogne et la Franche-Comté (xive-xxie siècle)

    Benjamin Castets Fontaine, Maxime Kaci, Jérôme Loiseau et al. (dir.)

    2019

    Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas

    Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas

    Sarah Mombert et Corinne Saminadayar-Perrin (dir.)

    2019

    Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865)

    Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865)

    Thomas Bouchet et Patrick Samzun (dir.)

    2019

    Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)

    Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)

    Vincent Bourdeau, Jean-Luc Chappey et Julien Vincent (dir.)

    2020

    Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale

    Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale

    Inès Pactat et Claudine Munier (dir.)

    2020

    Les révolutions du commerce. France, xviiie-xxie siècle

    Les révolutions du commerce. France, xviiie-xxie siècle

    Jean-Claude Daumas (dir.)

    2020

    Le patrimoine industriel au prisme de nouveaux défis

    Le patrimoine industriel au prisme de nouveaux défis

    Usages économiques et enjeux environnementaux

    Marina Gasnier

    2018

    La petite entreprise au péril de la famille ?

    La petite entreprise au péril de la famille ?

    L’exemple de l’Arc jurassien franco-suisse

    Laurent Amiotte-Suchet, Yvan Droz et Fenneke Reysoo

    2017

    Une imagination républicaine, François-Vincent Raspail (1794-1878)

    Une imagination républicaine, François-Vincent Raspail (1794-1878)

    Jonathan Barbier et Ludovic Frobert (dir.)

    2017

    Voir plus de livres
    1 / 12
    La pensée de la race en Italie

    La pensée de la race en Italie

    Du romantisme au fascisme

    Aurélien Aramini et Elena Bovo (dir.)

    2018

    La formation d’une opinion démocratique

    La formation d’une opinion démocratique

    Le cas du Jura, de la révolution de 1848 à la « république triomphante » (vers 1895)

    Pierre Merlin

    2017

    Les mutations récentes du foncier et des agricultures en Europe

    Les mutations récentes du foncier et des agricultures en Europe

    Gérard Chouquer et Marie-Claude Maurel (dir.)

    2018

    Deux frontières aux destins croisés ?

    Deux frontières aux destins croisés ?

    Étude interdisciplinaire et comparative des délimitations territoriales entre la France et la Suisse, entre la Bourgogne et la Franche-Comté (xive-xxie siècle)

    Benjamin Castets Fontaine, Maxime Kaci, Jérôme Loiseau et al. (dir.)

    2019

    Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas

    Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas

    Sarah Mombert et Corinne Saminadayar-Perrin (dir.)

    2019

    Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865)

    Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865)

    Thomas Bouchet et Patrick Samzun (dir.)

    2019

    Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)

    Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)

    Vincent Bourdeau, Jean-Luc Chappey et Julien Vincent (dir.)

    2020

    Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale

    Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale

    Inès Pactat et Claudine Munier (dir.)

    2020

    Les révolutions du commerce. France, xviiie-xxie siècle

    Les révolutions du commerce. France, xviiie-xxie siècle

    Jean-Claude Daumas (dir.)

    2020

    Le patrimoine industriel au prisme de nouveaux défis

    Le patrimoine industriel au prisme de nouveaux défis

    Usages économiques et enjeux environnementaux

    Marina Gasnier

    2018

    La petite entreprise au péril de la famille ?

    La petite entreprise au péril de la famille ?

    L’exemple de l’Arc jurassien franco-suisse

    Laurent Amiotte-Suchet, Yvan Droz et Fenneke Reysoo

    2017

    Une imagination républicaine, François-Vincent Raspail (1794-1878)

    Une imagination républicaine, François-Vincent Raspail (1794-1878)

    Jonathan Barbier et Ludovic Frobert (dir.)

    2017

    Voir plus de chapitres

    16. Ildefons Cerdà. L’urbaniste de Barcelone et les utopistes français

    Gracia Dorel-Ferré et Mercé Renom

    21. Les utopies industrielles : la circulation des modèles entre l’Europe et l’Amérique

    Gracia Dorel-Ferré

    Voir plus de chapitres
    1 / 2

    16. Ildefons Cerdà. L’urbaniste de Barcelone et les utopistes français

    Gracia Dorel-Ferré et Mercé Renom

    21. Les utopies industrielles : la circulation des modèles entre l’Europe et l’Amérique

    Gracia Dorel-Ferré

    Accès ouvert

    Accès ouvert freemium

    ePub

    PDF

    PDF du chapitre

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque

    Acheter

    Édition imprimée

    Presses universitaires de Franche-Comté
    • amazon.fr
    • decitre.fr
    • mollat.com
    • leslibraires.fr
    • placedeslibraires.fr
    • lcdpu.fr
    ePub / PDF

    1 Dans les années 1970, on pouvait encore voir, jouxtant l’ancienne manufacture des glaces de Saint Gobain des maisons ouvrières qui dataient de la fin du XVIIe siècle. Elles n’étaient pas différentes de celles que l’on peut toujours voir aux forges de Buffon, et qui datent du siècle suivant. Elles se composent de deux pièces, parfois plus, et seul l’écoulement prévu pour l’évier distingue la cuisine des autres pièces.

    2 Dès le début du XXe siècle, la salle de bain est prise en compte dans les projets de logements pour les cadres des cités de cheminots. Un réduit comportant un bac à douche est systématiquement prévu dans les maisons de la cité-jardin de Chemin Vert, à Reims, dont les projets datent de la fin du premier conflit mondial.

    3 Ainsi par exemple, celui du traitement du minerai d’argent du Laurion, qui date du Ve siècle avant notre ère. Cependant, si les installations sont bien visibles, rien ne nous suggère un habitat organisé.

    4 L’expression est d’Alexandre Barabanov qui a fait de l’étude de ces centaines de villes-usines sa thèse d’architecte (Barabanov, 2002).

    5 La distinction manufacture privée ou d’État n’est pas au centre d’une analyse des historiens occidentaux, alors qu’il s’agit d’une distinction fondamentale pour l’histoire ouralienne. Elle est au cœur de l’analyse de Roger Portal, dont la thèse éditée en 1950 n’a toujours pas été remplacée (Portal, 1950).

    6 Il y a une industrialisation dès le début du XVIIIe siècle, avec les expériences de Darby dans la vallée de la Severn et les exploitations minières d’Écosse menées par les quakers anglais. Mais l’habitat ouvrier ne semble pas, pendant toute cette époque, se distinguer de l’habitat rural.

    7 C’est évidemment le cas de New Lanark. On peut se reporter à la page web : www.newlanark.org.

    8 Robert Owen interdit l’alcool et introduit à l’usine le silent monitor, à l’aide duquel l’ouvrier auto-évaluait son travail. Il crée « la maison pour la formation du caractère », sorte de centre culturel où se déroulent l’activité scolaire, les cours du soir, les réunions de toute sorte, les assemblées religieuses d’obédience diverse. Les achats à l’épicerie se faisaient avec des jetons.

    9 Owen a dirigé New Lanark de 1800 à 1825. Après son échec de New Harmony il revint en Angleterre, où il se battit jusqu’à la fin de sa vie en faveur des syndicats ouvriers. Il est à l’origine des Trade Unions.

    10 Nous ne pouvons tout dire et tout aborder dans le cadre d’un modeste article. L’industrialisation de la Nouvelle Angleterre est à la fois un décalque des grandes vallées anglaises et apporte des solutions originales comme les boarding houses où étaient logées les jeunes filles issues de la campagne. Les villages ouvriers sont légion aux États-Unis et au Canada. Parmi les nombreuses pages web les concernant, on se bornera à indiquer l’adresse de la puissante association de patrimoine industriel des États-Unis, la SIA : www.sia-web.org.

    11 Les maisons de la firme DMC seront présentées à l’Exposition Universelle de Paris en 1867 comme l’une des solutions à privilégier pour l’habitat ouvrier. Voir à ce sujet : Rapport sur l’Exposition universelle de 1867 à Paris, 1869 ; Vasseur, 2001.

    12 C’est le cas de Crespi d’Adda, le superbe village industriel de la région de Bergame, récemment inscrit au patrimoine mondial. L’essentiel date des années 1870-1880.

    13 Elle est la seule colonie industrielle catalane non hydraulique.

    14 Ce premier ouvrage signé par Godin a été écrit par Marie Moret, sa cousine, secrétaire puis compagne, qui se disait « le porte-plume » de son mari, mais qui a certainement pris une part décisive dans la réflexion de celui-ci. Toute la production écrite de Godin est passée par le filtre de son épouse.

    15 Le Volksstaadt de Leipzig, publié entre 1869 et 1876, était le journal du parti social-démocrate allemand. Les trois articles demandés à Engels en 1872 sont publiés en un seul ouvrage l’année suivante. La préface et les notes de la réédition de 1887 soulignent la faiblesse des progrès accomplis. Le seul exemple décrit de façon positive dans la première édition, celui du Familistère de Guise, y est vivement critiqué. Un autre point de vue critique est celui de Zola, qui dans ses carnets note l’atmosphère lourde qui règne dans les cours du Familistère où chacun épie son voisin (Zola, 1993).

    16 Godin offre un cas peu banal pour l’historien. On a beaucoup glosé sur son œuvre écrite, que peu ont effectivement lue, et l’importante correspondance archivée à la Bibliothèque des Arts et Métiers attend toujours d’être dépouillée. Pour fuir l’hagiographie ambiante, on se reportera à Dorel-Ferré, 2002a.

    17 Le rôle concret de l’Église dans les villages industriels apparaît comme une évidence et de ce fait a fait l’objet de peu d’études (Dorel-Ferré, 2002b).

    18 Pas de publication scientifique à ce jour, sur le village de Bustiello et l’œuvre paternaliste du Marquis de Comillas. Voir la page web : www.bustiello.com.

    19 Il s’agit du séminaire monumental de Comillas (1883) qui fait face au palais de Sobrellano. (1881) et au Capricho construit par Gaudí en 1883. Toutes ces constructions relèvent du modernisme catalan, car la famille du marquis, bien qu’asturienne, était installée à Barcelone dès la génération précédente.

    20 Saltaire est situé près de Bradford, en Angleterre. La cité ouvrière, d’une grande qualité architecturale, date de la deuxième moitié du XIXe siècle. Elle a été récemment inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

    21 Le village est l’œuvre de Lever, industriels du savon. Il est un modèle d’architecture victorienne, réalisé dans les années 70-80 du XIXe siècle.

    22 Les cités de cheminots sont l’exemple même de l’égalitarisme ambiant. Les textes émanant de la Compagnie du Nord précisent bien que les directeurs ne doivent pas habiter près des employés, afin de garder intacte leur autorité sur eux. Voir le cas de la cité des cheminots de Laon décrit par Dorel-Ferré (Bur, 1987). Sur la cité des cheminots de Tergnier, voir Baudot, 2000.

    23 Les plans de maisons ouvrières sont rarement d’une surface supérieure à 60 m2 pour une famille de 4 à 6 personnes. Voir sur ce sujet la première partie de la thèse de Dorel-Ferré, 1992.

    24 D’où l’intérêt de travaux tels que ceux de Jonas, 1994.

    25 Voir la page web du site de Wanlockhead Lead Mine : www.leadmining.mumuseum.co.uk.

    Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie

    X Facebook Email

    Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie

    Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque Acheter ce livre aux formats PDF et ePub

    Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

    Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie

    Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.

    Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org

    Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.

    Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.

    La syntaxe de l’email est incorrecte.

    Référence numérique du chapitre

    Format

    Dorel-Ferré, G. (2008). 17. Architectures du travail et nouvelle société dans les villages ouvriers et cités de l’industrie (1780-1930). In G. Chouquer & J.-C. Daumas (éds.), Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie. Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.25389
    Dorel-Ferré, Gracia. « 17. Architectures du travail et nouvelle société dans les villages ouvriers et cités de l’industrie (1780-1930) ». In Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie, édité par Gérard Chouquer et Jean-Claude Daumas. Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté, 2008. doi:10.4000/books.pufc.25389.
    Dorel-Ferré, Gracia. « 17. Architectures du travail et nouvelle société dans les villages ouvriers et cités de l’industrie (1780-1930) ». Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie, édité par Gérard Chouquer et Jean-Claude Daumas, Presses universitaires de Franche-Comté, 2008, https://doi.org/10.4000/books.pufc.25389.

    Référence numérique du livre

    Format

    Chouquer, G., & Daumas, J.-C. (éds.). (2008). Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie. Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté. https://doi.org/10.4000/books.pufc.25159
    Chouquer, Gérard, et Jean-Claude Daumas, éd. Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie. Besançon: Presses universitaires de Franche-Comté, 2008. doi:10.4000/books.pufc.25159.
    Chouquer, Gérard, et Jean-Claude Daumas, éditeurs. Autour de Ledoux : architecture, ville et utopie. Presses universitaires de Franche-Comté, 2008, https://doi.org/10.4000/books.pufc.25159.
    Compatible avec Zotero Zotero

    1 / 3

    Presses universitaires de Franche-Comté

    Presses universitaires de Franche-Comté

    • Plan du site
    • Se connecter

    Suivez-nous

    • X
    • Flux RSS

    URL : http://pufc.univ-fcomte.fr

    Email : Presses-pufc@univ-fcomte.fr

    Adresse :

    47, rue Mégevand

    25030

    Besançon

    France

    OpenEdition
    • Candidater à OpenEdition Books
    • Connaître le programme OpenEdition Freemium
    • Commander des livres
    • S’abonner à la lettre d’OpenEdition
    • CGU d’OpenEdition Books
    • Accessibilité : partiellement conforme
    • Données personnelles
    • Gestion des cookies
    • Système de signalement