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Reims, l’évolution du commerce d’épicerie et la naissance du succursalisme (1866-1914)
p. 131-154
Texte intégral
1Que Reims soit le berceau du succursalisme, nouvelle forme de commerce populaire en France, est une affaire entendue. Pour autant, l’avènement d’un tel mouvement est moins irrésistible qu’il n’y paraît. Les contemporains, eux, sont frappés par l’avance et l’ampleur du phénomène.
À l’heure actuelle, [les sociétés d’alimentation] ont ensemble environ 200 succursales dans une ville de 100 000 habitants. Malgré cette énorme proportion, malgré la concurrence qu’elles se font entre elles, elles ont toutes réussi au-delà de toute attente1.
2Le journal anarchiste local, La Cravache, fustige « les requins de l’alimentation du Nord-Est, les Mignot, Quantin [sic], Goulet-Turpin, etc. […] eux qui, modestes employés d’hier, sont aujourd’hui de véritables princes millionnaires »2. Le juriste Paul Gemalhing, quant à lui, enquête à Reims avant de publier en 1912 la première étude documentée sur le sujet. S’agissant de l’expérience du succursalisme rémois, il parle « du modèle de toutes celles qui ont pris ensuite, en France, une si grande extension » (Gemalhing, 1912, p. 172). On considère Reims comme La Mecque des sociétés à succursales multiples. Par conséquent, les étapes constitutives du succursalisme sont à observer dans les évolutions internes propres à chaque maison rémoise. Nous partirons du mutualisme qui prend forme avec les Établissements économiques des sociétés mutuelles de la ville de Reims pour en venir aux entreprises capitalistes, cotées en Bourse et très rentables. Ensuite, nous examinerons les succursales proprement dites et leurs gérants de façon plus approfondie. Nous pourrons enfin clarifier le développement d’une structure commerciale novatrice.
I. Origines et développement du mouvement succursaliste à Reims
1. Les Établissements économiques des sociétés mutuelles de la ville de Reims
3S’inspirant des sociétés de consommation de Mulhouse (Rivart, 1867, p. 709)3, l’ouvrier tisseur Étienne Lesage, qui avait été à l’origine de la création en 1849 de la Société mutuelle de prévoyance de la retraite, fonde en 1866 une société coopérative dite des Établissements économiques où « sur différents points de la ville, des magasins de vente à prix réduits de tous les objets de consommation » seraient ouverts, leur clientèle comprenant les cotisants aux diverses institutions philanthropiques rémoises (Richard, 1887, p. 30). Le 28 juillet 1868, Lesage officialise l’acte de fondation aux côtés de neuf employés, d’un apprêteur, de deux tisseurs et d’un menuisier (Établissements économiques des Sociétés mutuelles de la ville de Reims, 1868). La société à responsabilité limitée a un capital initial de 40 000 francs, divisé en 400 actions. Comme elle ne dispose pas de fonds propres suffisants, les actions sont ouvertes aux souscripteurs privés (Chauffert, 1888, p. 14-15).
4En 1867, la société compte cinq succursales. L’année suivante, le capital monte à 140 000 francs (Rouilliet, 1876, p. 85). En 1871, au moment où le mouvement coopératif se développe en France (Gemalhing, 1912, p. 175 ; Paoli, 1896, p. 411-414 et Furlough, 1991, p. 68-79), l’assemblée générale des actionnaires rejette une résolution de transformation de la société en coopérative, entraînant ainsi la démission temporaire de plusieurs administrateurs opposés à la voie commerciale (Esteulle, 1878, p. 180).
5Boulangerie – chaque jour, six boulangers cuisent 1,8 tonne de pain pétri mécaniquement (Turgan, 1868, p. 171) –, épicerie, boissons, charcuterie et charbon sont proposés à la clientèle, qui s’élargit aux amis des mutualistes, puis à l’ensemble de la population. Celle-ci a du mal à s’accoutumer à l’achat au comptant (Faure, 1979, p. 117-118). L’ouverture d’un rayon boucherie s’avère désastreuse et on y met fin en mars 1870, après seulement cinq mois (Rouilliet, 1876, p. 88-89). En 1872-1873, démarre la vente de brosserie et de mercerie (Esteulle, 1878, p. 191).
6En 1874, le capital est porté à 180 000 francs. Deux ans plus tard, les ventes totalisent un million de francs (Esteulle, 1878, p. 194). Le 5 septembre 1880, l’assemblée générale décide de répartir les bénéfices restants à raison de 25 % au gérant, 25 % au personnel et 50 % aux actionnaires (Chauffert, 1888, p. 25).
La société vend à peu près au prix de revient et à tout venant, établissant un cours que les autres marchands sont obligés de suivre, et rendant ainsi service même à ceux qui ne sont pas ses actionnaires (Breul, 1881, p. 294).
7La société est prorogée en 1883, époque à laquelle on recense 17 succursales. En 1884-1885, les ventes frôlent les 3,5 millions de francs mais les bénéfices sont médiocres : 1,1 % (Fougerosse, 1885, p. 332). Le 19 septembre 1886, elle se transforme en société anonyme à capital variable4. En 1888, capital (200 000 francs), succursales (31) et ventes (4,3 millions de francs) augmentent fortement (Gemalhing, 1912, p. 175). Le président du conseil rappelle la finalité des Établissements économiques :
Nous tenons à établir que les Établissement économiques ne sont pas une société purement commerciale. Ils vendent d’abord leurs produits au prix de revient, ne se réservant qu’un bénéfice infime sur chaque opération, et font profiter tous les acheteurs d’une économie réelle.
Ensuite on a moins cherché des actionnaires parmi les capitalistes que dans la classe ouvrière : la preuve, c’est que les 2 000 titres émis sont possédés par 653 actionnaires, ce qui ne donne qu’une moyenne de trois pour chacun d’eux. En outre on a limité à 10 au maximum le nombre d’actions que pût posséder un ménage par voie d’achat : ce n’est pas la manière de faire d’une entreprise de spéculation.
La majorité appartient donc à la classe laborieuse, et nous arrivons là au but que l’on cherchait : créer une quantité de petits capitalistes, très aptes à comprendre leurs intérêts et donner à la classe ouvrière des idées d’ordre, d’économie, de moralité, en un mot lui faciliter les moyens d’amasser un petit avoir (Chauffert, 1888, p. 54).
8Les 200 actions émises le 12 août 1887 sont acquises en partie par de petits souscripteurs : 18 employés, 36 ouvriers qualifiés et 24 petits commerçants et artisans5.
9En 1900, à l’Exposition universelle, les Établissements économiques se voient décerner une médaille d’argent dans la classe 102 (« Rémunération du travail, participation aux bénéfices ») [Congrès international de la participation aux bénéfices, 1901, p. 283]. L’entreprise subventionne la caisse des retraites, la caisse des assurances sur les maladies et d’autres sociétés de bienfaisance. En septembre 1900, de 50 % des bénéfices restants versés aux actionnaires, on passe à 60 %, ce qui fait baisser à 20 % la part que l’administration verse au personnel6. Ce changement de cap, qui oriente les Établissements économiques dans la voie capitaliste, est effectif en 1911. Le 27 juin, le capital est augmenté de 600 actions (260 000 francs). La part des petits épargnants diminue en peau de chagrin : deux anciens succursalistes, deux autres en activité, un tireur en laine, un caviste et un ajusteur sont bien seuls parmi les souscripteurs.
10Le 24 juillet 1911, l’entreprise devient une société anonyme, mais les actionnaires repoussent la résolution portant le capital à un million de francs7. Face à la concurrence des autres maisons à succursales, désormais implantées sur la place rémoise, la société doit accorder plus d’avantages encore aux porteurs, qui touchent désormais 75 % du surplus des bénéfices. Il n’est même plus question du personnel car les 25 % restants sont à la disposition du conseil d’administration.
2. La Société rémoise de l’épicerie, des vins et spiritueux
11Créée le 29 mai 1885 et connue sous le nom de « Société rémoise », elle est la première maison de groupement d’achats en commun à voir le jour en France (Holler, 1997, p. 80-89). Au début, cette société à capital variable regroupe une trentaine d’adhérents possédant chacun deux actions de 500 francs. Le capital initial est de 60 000 francs. Cinq augmentations de capital se suivent : 1885 (120 000 francs), 1901 (240 000 francs), 1905 (360 000 francs), 1911 (480 000 francs) et 1913 (680 000 francs). En 1913, les souscripteurs appartiennent aux milieux aisés de la région8. Après plusieurs déménagements, la société s’installe en 1905 rue Gosset, près de la gare9. Elle dispose d’un vaste entrepôt raccordé au réseau ferré. Des travaux visant à en doubler la superficie sont entrepris dans les années 1900, mais ils restent inachevés à la veille de la guerre10. Entre 1887 et 1914, le chiffre d’affaires passe de 400 000 francs à 8,5 millions de francs.
12Exerçant le métier d’épicier ou de marchand de vin, les associés s’engagent à acheter en gros et au comptant « épiceries, denrées coloniales, conserves, vins, alcool, liqueurs, mercerie et autres à prévoir » auprès de l’entrepôt de la société11. Commerçants affranchis des grossistes, ils peuvent proposer de meilleurs prix pour affronter les Établissements économiques, puis les autres maisons. Ils appliquent la vente au comptant mais se heurtent aux habitudes de leur clientèle :
Cependant, une difficulté subsistait : la plupart des clients des sociétaires ne voulaient pas admettre le payement au comptant. Habitués à profiter du crédit, ils prétendaient conserver l’ancien système. Pour les amener à composition, une résolution énergique fut prise.
Il fut convenu que chaque adhérent, tout en demeurant absolument maître de son fonds de commerce, en restant libre de modifier à son gré les prix de vente, travaillerait sous la raison sociale de la société. De telle sorte qu’il pourrait répondre au client :
— Je ne puis plus vous faire crédit ; je ne suis plus maintenant que le gérant de la maison ; comme vous le voyez, elle appartient à une société ; un règlement a été établi, il faut s’y conformer.
Ce subterfuge habile obtint immédiatement le résultat espéré et, en moins d’une semaine, « crédit était mort » (Féliers, 1906).
13En 1914, on compte 459 adhérents dans la Marne et les environs (Thibault, 2002, p. 26). Le règlement de 1899 stipule que l’enseigne de la société est facultative sur les magasins. Un membre tient parfois à conserver sa devanture en l’état pour éviter que la clientèle ne fasse du repérage chez des concurrents (Normand, 1920, p. 122). Paul Gemalhing estime le nombre de sociétaires rémois à 150 (Gemalhing, 1912, p. 189), mais ne voit dans les succursales de la Société rémoise qu’un camouflage du petit commerce traditionnel :
Rien ne distingue ses boutiques de celle des autres entreprises : « Société rémoise, succursale N°…». L’uniforme est le même. C’est derrière ces façades que se sont embusqués les derniers survivants du petit commerce ; ils ont emprunté à l’adversaire jusqu’à son titre anonyme ; ils sont devenus une « succursale » comme les autres ; comme il leur fallait un numéro ils ont pris celui de la maison qu’ils habitaient et, sous ce déguisement, quelques-uns d’entre eux, profitant de la vogue des succursales, sont parvenus à attirer, vers leur ancienne boutique repeinte, une partie de la clientèle qui s’était enfuie et qui s’est laissée prendre à leur subterfuge (ibid).
14Le modèle rémois de groupements d’achats en commun se diffuse dans le pays. Gilles Normand en compte dans 32 autres villes (Normand, 1917, p. 64-74). Le 26 janvier 1914, lors de la présentation de l’« Enquête sur la situation du commerce en France »12, Adolphe Landry prône cette formule flexible à la Chambre :
Les petits commerçants ont, dans une certaine mesure, la possibilité d’améliorer leur sort. […] Ils peuvent le faire surtout en apprenant à s’associer, à s’unir, notamment pour grouper leurs achats et supprimer, par-là, la plus importante des supériorités que leurs rivaux possèdent sur eux13.
3. Les Docks rémois, comptoir général d’alimentation et d’approvisionnement du Nord-Est
15Fondés le 12 décembre 1887, les Docks rémois résultent de la fusion de deux grossistes voisins, Quentin & Georget et Raveaux & Théron, auxquels s’adjoignent d’autres noms du commerce local : E. Degand, propriétaire d’une épicerie fine, Collet Roger et A. Descubes Saint-Désir. Les 14 et 25 janvier 1886, ce dernier s’associe avec Quentin et Georget pour fonder une distillerie au capital de 180 000 francs14. Confrontés à la concurrence des établissements déjà cités et à la baisse de leurs profits, ils unissent leurs forces, car ils « entrevoient les possibilités ouvertes à une forte organisation d’achats, s’appuyant à la vente sur un vaste réseau de magasins de détail », les Familistères15.
16Les futures formes d’organisation existent déjà en pointillé chez Quentin & Georget. Fondée en 1840 par M. Quentin père, l’entreprise se spécialise d’abord dans les salaisons (lards, saucissons, jambons, charcuterie fine) et possède un abattoir. Elle comprend aussi des magasins et des cuves, ainsi qu’un dépôt et une consigne pour vins, eaux-de-vie et liqueurs en bouteilles. Les produits stockés sont très divers – cafés, huiles, savon, pétrole, etc. –, mais l’épicerie et la confiserie pur sucre prédominent.
Cette maison, qui a commencé très petitement en 1840, est arrivée progressivement, grâce à l’ordre, à l’économie, à la bonne qualité des produits qu’elle a répandus dans le public, à conquérir une renommée très étendue et à prendre les proportions d’un vaste établissement, dont les affaires se chiffrent aujourd’hui par 4 et 5 millions chaque année (Delatour, 1883).
17À mesure que les Docks rémois prospèrent, l’éparpillement des installations, pourtant proches de la gare, devient un handicap. Bureaux et magasins se situent boulevard Louis Roederer, rue Chaix d’Est-Ange et rue Villeminot-Huard, alors que l’usine à vapeur et les entrepôts sont disséminés entre la rue de Neufchâtel (distillerie), le chemin de Courcy, la rue de la Justice et la rue Gosset. La direction décide de tout regrouper.
18De grands travaux sont prévus rue Léon Faucher à Bétheny, localité limitrophe de Reims. En 1906, trois architectes rémois, H. Portevin, E. Devaux et E. Dufay, dressent les plans et, deux ans plus tard, l’entreprise emménage. Les travaux durent jusqu’en 1914, occasionnant une gêne considérable dans le quartier : les chaussées sont défoncées par les charrois, les matériaux de construction destinés à ce chantier gigantesque encombrent l’espace16. Malgré le refus préfectoral du 27 mars 1908, la société est autorisée à ouvrir une porcherie pour 200 bêtes et un abattoir dans les nouveaux bâtiments en ciment armé, par décision du Conseil d’État le 21 mai 191317. Vingt cuves en ciment-verre, destinées à contenir 20 000 hectolitres de vin, sont construites par une firme de Zurich18. En 1913, 120 000 tonnes de marchandises y transitent grâce à 32 000 wagons acheminés sur quatre voies de triage19.
19Couvrant 50 000 mètres carrés, les Docks rémois, qui disposent d’un outillage considérable et d’une force motrice de 100 chevaux (Association française pour l’avancement des sciences, 1907, p. 491), font figure de bâtiments industriels intégrés20 où le conditionnement des produits est rationalisé : « C’est ainsi que des ouvrières sont occupées uniquement à confectionner des milliers et des milliers de petits cornets de bonbons à un sou » (Hachin, 1913, p. 290). Le 2e congrès de l’Union des sociétés industrielles de France, réuni à Reims, prévoit la visite, le 25 mai 1914, des deux entreprises les plus modernes de la ville : Panhard & Levassor et les Docks rémois.
Cette compagnie a aménagé un vaste terrain, d’une trentaine d’hectares, à proximité des voies de la Cie de l’Est et de la Cie de la banlieue de Reims de façon à pouvoir, à l’aide d’une gare de triage et de nombreux sous-embranchements, desservir les parcelles de ce domaine. […] Les Docks rémois […] arrivent à concentrer presque exclusivement entre leurs mains non seulement l’épicerie, mais tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie journalière. […] La visite de leurs installations fut d’ailleurs édifiante pour les congressistes, les dépôts d’épicerie, les caves, la distillerie, la chocolaterie et la charcuterie montrent l’importance des livraisons quotidiennes qui remplissent plus de 80 wagons de la Cie de l’Est, amenés au centre même des halles pour faciliter le chargement21.
20Les résultats financiers sont en constante progression. Entre 1888 et 1912, le capital social passe de 1,2 million de francs à 2,5 millions de francs. Les fonds de réserve se montent à 7,5 millions de francs22, les marchandises en constituant l’essentiel. Parallèlement, le chiffre d’affaires bondit de 5,5 millions de francs à 68,3 millions23 et atteint 73,4 millions en 191324. Pour attirer davantage d’actionnaires, l’assemblée générale du 22 avril 1897 décide de réduire le prix d’une nouvelle action à 100 francs au lieu des 1 000 francs initiaux25. Leader en France, l’entreprise affiche de beaux bénéfices nets de près de 5 % : 1,8 million de francs en 1905, 2,9 millions en 1910 et 3,2 millions en 191326. En 1912 et 1913, les plus gros dividendes dans ce secteur sont versés par les Docks rémois (72,92 francs)27. En 1913, l’action est cotée 1 450 francs (Hachin, 1913, p. 250). Les statuts prévoient que 10 % de l’excédent soient accordés au personnel28. « Affaire supérieurement dirigée, donnant toujours des résultats magnifiques », lit-on dans un rapport de la Banque de France29.
4. Les autres maisons à succursales rémoises
21Ces entreprises se forment au tournant du siècle, lorsque le succursalisme s’amorce en France (22 établissements en 1906 ; Curtil, 1933, p. 58). La Société économique de Notre-Dame de l’Usine et de l’Atelier, fondée le 9 janvier 1891, est une société anonyme à capital variable (175 000 francs)30. Les actionnaires, membres de l’archiconfrérie de Notre-Dame de l’Usine et de l’Atelier, tel Léon Harmel, viennent de tous les milieux, le prix d’une action étant de 50 francs. Destiné à fournir des « denrées alimentaires et tout ce qui peut être nécessaire dans un ménage ouvrier », l’établissement devient une chaîne succursaliste comptant jusqu’à 58 points de vente à Reims et dans les environs (Closquinet, 2016, p. 23). Le 31 janvier 1892, le capital est porté à 375 000 francs. Pratiquant la vente au comptant auprès de ses clients, la maison fait payer à crédit les communautés religieuses, orphelinats et pensionnats31. Le laboratoire municipal trouve à redire sur la qualité des vins, liqueurs et charcuterie présentés. Les concurrents en profitent. De plus, nombre d’ouvriers sont payés pour moitié en bons d’achat auprès des succursales (Gout, 1910). Quoi qu’il en soit, le 10 février 1903, l’assemblée générale vote la dissolution et, le 17 avril, l’affaire passe sous le contrôle d’É. Mignot & Cie (cf. infra)32.
22Le 12 juillet 1900, Modeste Goulet et ses fils Joseph et Eugène regroupent leurs épiceries, créées au cours des années 1890, au sein des Établissements Goulet-Turpin, comptoir général d’approvisionnement, rues Vernouillet et de Courcelles, à côté de la gare. Ceux-ci sont capitalisés à hauteur d’un million de francs, puis, le 2 septembre 1911, à 1,7 million de francs et en 1913, à 2 millions de francs33. En 1911-1912, la société réalise un bénéfice de 473 141 francs34.
23Le 20 avril 1901, deux grossistes associés depuis 1891, Eugène Bonant et Édouard Mignot, également chocolatier, transforment leur entreprise en société en commandite É. Mignot & Cie, au capital d’un million de francs, située aussi rues Vernouillet et de Courcelles35. Les succursales, dont les premières datent de 1897, portent l’enseigne des Comptoirs français. Mignot se charge de prospecter des commerçants pour en faire des succursalistes (Closquinet, 2016, p. 25). Le 27 septembre 1906, il prend les rênes de sa société36 au chiffre d’affaires de près de 20 millions de francs et occupant 847 employés, ouvriers et gérants (Normand, 1936, vol. 3, p. 141)37.
24Le 22 juin 1910, Maurice-Georges Mauroy reprend le nom de son père en fondant les Établissements économiques Ch. Mauroy, alimentation et approvisionnement général. Le capital est de 1,1 million de francs puis de 1,338 ; le siège se situe 32 rue de Mars. En 1924, les Établissements Ch. Mauroy reprennent les Établissements économiques, qui conservent leur nom si connu des Rémois (Les Écos).
25Les sociétés succursalistes vendent de nombreux produits alimentaires qu’elles fabriquent dans leurs usines (pain, pâtisserie, confiserie, charcuterie, alcools, café torréfié, limonade, eaux gazeuses et chocolat), mais aussi des produits de marque (chez Goulet-Turpin, les chocolats Van Houten et Poulain, les potages Maggi et Knorr, les alcools Martell et Pernod, etc.)39, ainsi qu’un large éventail de produits non alimentaires : combustibles, mercerie, quincaillerie, produits d’entretien, articles de ménage, faïences, lingerie, bonneterie, confection, chapellerie, chaussures, papeterie et jouets. Les Établissements Ch. Mauroy proposent même des articles pour fumeurs.
26Dressant le bilan du développement du succursalisme, le consul américain en poste à Reims écrit :
On estime que les cinq grandes maisons d’alimentation de cette ville et dans les environs ont vendu plus de 100 millions de francs l’an dernier [1909], leurs livraisons dépassant 150 000 tonnes. Elles emploient 1 500 personnes dans leurs bureaux et entrepôts, sans parler des gérants qui, avec leurs familles, représentent 1 000 personnes de plus. Ces succursalistes remplacent l’ancien épicier de détail (Bardel, 1910, p. 973).
27Le recensement de 1911 et l’annuaire local donnent des chiffres plus précis mais ils confirment ceux du consul : les sociétés succursalistes emploient 1 455 salariés et contrôlent 277 magasins à Reims.
Figure 2. Les entreprises de magasins à succursales de Reims avant 1914
Établissements économiques (1866) | Société rémoise de l’épicerie (1885) | Docks rémois (1887) | Goulet-Turpin (1900) | Comptoirs français (É. Mignot) [1901] | Ch. Mauroy (1910) | Total | |
Effectifs de la maison mère (1911) | 84 | 48 | 594 | 253 | 428 | 48 | 1 455 |
Succursales à Reims (1911) | 47 | 16 connues | 80 | 61 | 67 | 6 | 277 |
Succursales en France (1914) | N.D. | 459 | 869 | 304 | 642 | 148 | 2 422 |
Sources : « Recensement de 1911, Reims » [En ligne], AMCR, Reims, URL : http://www.reims.fr/676/recensements.htm ; « Recensement de Bétheny et La Neuvillette », AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 122 M 348 ; Annuaire Matot-Braine, contenant 500 000 adresses de Reims, des départements de la Marne, de l’Aisne et des Ardennes (1911) ; Le Monde illustré, 25 septembre 1920, p. 58-61 ; Moride (1913, p. 83) ; « Eugène Goulet », base Léonor, AN, Paris, n° 19800039/0342/46040, p. 23 ; Docks rémois (1888-1928), op. cit., p. 11 ; Thibault, 2002, p. 26.
28En définitive, à Reims, le développement du succursalisme fait se succéder deux phases bien distinctes. La première, d’inspiration mutualiste, naît en milieu ouvrier avec l’objectif d’élever le niveau de vie des travailleurs, mais les Établissements économiques s’éloignent de l’inspiration initiale à mesure que les souscripteurs se recrutent en dehors des catégories populaires et que la répartition des bénéfices fait de plus en plus de place aux actionnaires. La seconde est l’œuvre de commerçants et de grossistes, regroupés pour diminuer leurs frais et accroître leur puissance de vente. Ils sont bientôt à la tête de puissantes sociétés dont l’influence s’étend à tout le pays et qui jouent un rôle important dans la modernisation du commerce.
II. Un nouveau modèle de commerce d’épicerie
1. Une nouvelle logique commerciale
29Aux dires des contemporains, la concurrence des maisons à succursales serait fatale au petit commerce traditionnel :
On dit qu’avant le déclin de [cette] industrie à Reims, les tisseurs gagnaient presque deux fois plus qu’aujourd’hui. Beaucoup ont investi dans des biens immobiliers ou acheté de petites épiceries, mais cette dernière source complémentaire de revenus a ultérieurement sombré en raison de la concurrence des grandes entreprises à succursales multiples qui se sont installées dans la ville (Cost of Living in French Towns, 1909, p. 243).
30Déjà en butte aux roulottiers, comme ceux de la société Au Planteur de Caïffa, les détaillants de la cité des Sacres tentent de s’adapter, autant que faire se peut, à la nouvelle donne commerciale. Ils pensent trouver une planche de salut dans la diversification. Tel volailler se met à l’épicerie, tel épicier vend de la quincaillerie, tel autre transforme sa boutique en bric-à-brac avec verrerie, vaisselle et couronnes mortuaires (Gemalhing, 1912, p. 188 et 190). Les épiciers indépendants, 227 au recensement de 1911, sont éclipsés par les 277 succursalistes mais, dans la périphérie populaire, 58 % d’entre eux continuent à faire crédit à leurs clients, demeurés hostiles à l’achat au comptant.
31Inexorablement, le succursalisme a fini par l’emporter à Reims : commerces de proximité, locaux bien tenus, bon assortiment, vente à l’unité et à prix fixe, achat au comptant, fidélisation de la clientèle grâce aux timbres-primes, catalogues illustrés40, réclames41 et ouverture le dimanche. Le modèle succursaliste pousse même des épiciers indépendants à adopter le système de timbres-primes organisé par des sociétés privées (Cazeneuve, 1913).
32Les timbres-primes, destinés à récompenser les clients de leurs achats au comptant (Normand, 1936, vol. 1, p. 177), incitent à consommer davantage. Les magasins à primes permettent à des consommatrices modestes d’équiper leur intérieur.
À Reims, où il constitue la seule publicité des sociétés d’alimentation, ce système revêt un caractère de luxe inouï. Chacune des grandes sociétés possède dans le quartier le plus élégant de la ville un magasin dont l’apparence pourrait rivaliser avec les plus brillants étalages parisiens : ce sont autant de petits magasins de nouveautés où l’on peut, avec des bons, se procurer vaisselle, lingerie, argenterie, bijouterie, bronzes artistiques, ameublement et jusqu’à un piano ! (Gemalhing, 1912, p. 182).
2. Les magasins
33Les Établissements économiques ouvrent de 5 heures (de mars à septembre) ou 6 heures (le reste de l’année) jusqu’à 21 heures. Les prix proposés sont inférieurs à ceux de la concurrence. Une miche de 3 kilos coûte 1,30 franc ; les boulangers qui la vendaient 1,50 franc, baissent le prix à 1,40 franc. Il en est de même pour la charcuterie, le vin, l’épicerie et le charbon. Les indépendants en viennent à aligner leurs tarifs pour ne pas perdre de clients (Rouilliet, 1876, p. 86 et 88).
34Ces nouveaux commerces se distinguent par leur ubiquité, leur extérieur générique et leur décor identique (Moride, 1913, p. 138). En arpentant les rues de Reims, Gemalhing s’étonne de voir une succursale toutes les dix maisons (Gemalhing, 1912, p. 177). En effet, si l’on rajoute les trois magasins de la coopérative La Populaire rémoise, Reims en compte 24 pour 10 000 habitants. On en trouve 14 au faubourg Cérès, quartier ouvrier, contre 7 épiciers indépendants. Le même écart s’observe dans d’autres rues très passantes : 11 contre 8 dans l’avenue de Laon et 7 contre 5 dans la rue de Vesle. Du reste, les Docks rémois concentrent 69 % de leurs points de vente dans la périphérie industrielle.
35Les changements de pas-de-porte donnent lieu à des abus, lorsqu’une société d’alimentation, faisant des offres alléchantes, incite le propriétaire d’un immeuble à évincer un détaillant pour le remplacer par un gérant de succursale, afin de profiter de l’emplacement42. Désireux de s’étendre, les Docks rémois publient des annonces, comme à Fourmies en 1896 :
On demande des locaux pour l’installation de succursales du Familistère Rémois à Fourmies ; adresser les offres et renseignements aux Docks Rémois à Reims. (Épicerie, Mercerie, Chaussures, Confections, Salaisons, Liquides, etc., etc., 200 succursales ouvertes)43.
36On entre dans l’ère de la boutique numérotée (Kréher, 1932, p. 39). En effet, un chiffre est apposé sur l’enseigne de chaque nouvelle succursale. Bien aménagé avec des vitrines ouvertes sur l’intérieur, des tableaux-réclames, des rayons garnis de produits maison préemballés, tout magasin doit présenter un aspect soigné et agréable. Chaque maison a son style propre, et les Docks rémois et É. Mignot ont même leurs équipes d’installateurs.
37Pour faire jeu égal avec les épiceries indépendantes, les succursales du centre-ville sont bien achalandées. En périphérie, dans les magasins-bazars, avec leur large éventail d’articles, on se plie à la demande des habitués (Gemalhing, 1912, p. 180).
38Un mercier de Vitry-le-François décrit la clientèle ordinaire des huit succursales dans sa ville de 8 000 habitants :
Ces succursales, telles qu’elles sont montées, ne peuvent atteindre la clientèle riche et aisée, car cette clientèle tient aux articles de choix et de première qualité et ne regardera pas au prix pourvu que ce soit bon ; de plus, une dame qui se respecte ne consentira pas à entrer dans un magasin où elle sera obligée de coudoyer des individus buvant sur le comptoir du vin ou de l’absinthe ; tout au moins, si elle est économe, y enverra-t-elle sa bonne y prendre un bidon de pétrole parce qu’on le vend là meilleur marché qu’ailleurs ; dans tous les cas, elle ne consentira pas à y acheter son fil ou son coton à broder, même à meilleur marché, parce qu’elle craindra toujours de ne pas trouver un article de première fraîcheur qui pourrait conserver un goût provenant du voisinage d’autres marchandises (Amblard, 1902, p. 548).
39Grâce à une notice sur les Établissements économiques datée de 189544, on peut se faire une idée de leur activité à la fin du siècle. Entre 1867 et 1896, le nombre de succursales (multiplié par 5,4) et les ventes (11 fois plus importante) progressent fortement. Parallèlement, si on prend la moyenne annuelle des années 1873-1877 et 1888-1892, la part de l’épicerie dans les ventes grimpe de 30,4 % à 45,6 %, signe de la diversification de l’alimentation ; celle des « boissons » passe de 13,2 % à 26,6 %, ce qui traduit un fait nouveau : le vin figure quotidiennement sur toutes les tables ; enfin, la charcuterie reste stable autour de 20 %. Cependant, il faut interpréter ces chiffres avec prudence, car ils reflètent vraisemblablement autant la politique de la maison que le mouvement général de la consommation.
40Figure 4. Les Établissements économiques de 1867-1868 à 1896-1897
Année d’exercice | Ventes totales (en francs) | Nombre de succursales | Ventes/succursale (en francs) |
1867-1868 | 569 930 | 7 | 81 418 |
1875-1876 | 1 112 588 | 14 | 79 470 |
1884-1885 | 3 499 944 | 30 | 116 664 |
1896-1897 | 6 294 844 | 38 | 165 654 |
Sources : Pour l’année 1867-1868, Esteulle (1878, p. 186-187 et 193) ; pour l’année 1875-1876, Rapport du conseil d’administration à l’assemblée générale des actionnaires du 27 août 1876 (1876, p. 6-7) ; pour l’année 1884-1885, Chauffert (1888, p. 31-33) ; pour l’année 1896-1897, Portevin (1900, p. 239).
3. Les gérants
41Provenant de milieux divers, les gérants aspirent à un poste de responsabilité. Édouard Régnier, Haut-Marnais de souche paysanne, quitte son village pour Troyes et travaille aux Établissements économiques troyens en 1893. De 1897 à 1902, il est gérant de la succursale de Châtillon-sur-Seine, puis, jusqu’en 1908, de celle de Tournus. Ensuite, il ouvre son propre magasin (Talmard, 1998, p. 5-6). Un épicier peut revendre son affaire à une maison d’alimentation pour devenir succursaliste (Moride, 1913, p. 136). Ce faisant, il n’a plus à s’occuper des achats ni à redouter la faillite. S'ils disposent d’un petit capital, un petit propriétaire, un paysan, une veuve, un retraité, un domestique ou un ex-gendarme peuvent exploiter un fonds de commerce (Martin Saint-Léon, 1911, p. 34 ; Curtil, 1933, p. 234). Les gérants peuvent ainsi accéder à la classe moyenne (Moride, 1913, p. 193).
42Le 7 juin 1907, la Cour de cassation définit la gérance aux Docks rémois :
Sans qu’il soit besoin de déterminer le caractère juridique du contrat qui lie les gérants des succursales à la société qui les emploie, ces gérants ne sont point au nombre des ouvriers ou employés auxquels le repos hebdomadaire est dû s’ils administrent les succursales sous leur responsabilité personnelle, moyennant des remises qui leur sont faites sur la vente des marchandises, s’ils fournissent un cautionnement, si enfin, bien que soumis à certaines règles dans leur gestion et au contrôle de la société, ils n’en ont pas moins l’administration et la direction effectives de la succursale45.
43Paul Gemalhing détaille la relation entre les parties, au regard de son enquête rémoise, jusqu’à reproduire en note un engagement pro-forma en dix-sept clauses (Gemalhing, 1912, p. 182-187). Celui-ci entérine la position de force de l’entreprise vis-à-vis du mandataire : exclusivité des produits distribués par la maison mère ; frais de transport à la charge du gérant ; responsabilité à l’égard du stock, une fois livré et réglé ; bilan annuel après inventaire ; entretien minutieux des locaux ; inspections à l’improviste. Le coulage est à la charge des détaillants. La clause 15 mérite d’être citée : « Gérer et administrer la succursale qui nous est confiée et consacrer tout notre temps et toute notre activité à son développement, moyennant les remises suivantes… ». Les Docks rémois accordent des rabais de 2 à 8 % selon les produits. Toujours aux Docks, un gérant peut être révoqué par le conseil d’administration de la société46.
44Généralement inexpérimentés, même après un stage d’un à deux mois dans une succursale (Normand, 1917, p. 295), les gérants apprennent le métier sur le tas : les Docks rémois donnent des consignes pour mesurer la pointure d’une chaussure47. Force est de constater que les succursalistes n’ont guère les coudées franches. Certains en viennent à tricher comme l’affirme Paul Gemalhing (petites pesées vendues plus cher, prix manipulés)48. De plus, les gérants n'étant pas des salariés, ne sont pas protégés contre les risques professionnels49, ni ne bénéficient des retraites ouvrières au titre de la loi du 5 avril 191050 ou du repos hebdomadaire. En revanche, leurs avantages englobent le logement, l’intérêt annuel de leur cautionnement et le bénéfice des ventes stimulées par la publicité maison (Normand, 1917, p. 293).
45Les sources judiciaires sont éloquentes sur les travaux et les jours d’un gérant. Véritable maître Jacques, le succursaliste doit payer la patente de la profession passible du droit fixe le plus élevé. En effet, le 22 juillet 1904, le Conseil d’État déboute les Docks rémois qui demandent que leurs titulaires s’acquittent de l’imposition due par les épiciers de détail, alors que les succursales écoulent des produits non comestibles51.
46La loi sur le repos hebdomadaire du 13 juillet 1906 (Beck, 2009) fait couler beaucoup d’encre jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 19 avril 1907 visant une société rémoise52. Auparavant, le 4 février 1907, Pol Quentin, président du conseil d’administration des Docks rémois, a été traduit devant le tribunal de simple police de Reims pour avoir fait travailler des gérants le dimanche. Dans les attendus, on apprend que certains détaillants vendent des produits venant d’autres fournisseurs (fruits, légumes, poissons et volailles) et ouvrent, moyennant licence, une buvette et un débit de tabac (Jurisprudence générale, 1907, p. 69-70).
47En effet, les maisons à succursales considèrent le commerce de produits frais comme une vente d’appoint, laissée à l’initiative du gérant (Guichard, 1960, p. 69). Ce complément de revenus est indispensable, compte tenu de la faible rémunération du travail, tout juste égale à la moyenne de la journée de travail d’un adulte (Lavergne, 1913, p. 382).
48Le 6 septembre 1906, une chambre syndicale des gérants des sociétés d’alimentation de Reims et de la région se forme avec 57 membres53. Cet organisme de défense disparaît pourtant en juin 191054. De plus, les titulaires sont parfois victimes d’escroqueries.
Ancien comptable à la société des Docks Rémois, le nommé Albert Féron se servait de papier à entête de la société, écrivait à un certain nombre de gérants de succursales qu’ils auraient à verser le montant de leur vente du mois à « l’inspecteur Darel » qui allait passer chez eux55.
49Dans l’Ouest, une société fantôme, recourant par annonces trompeuses à l’escroquerie au cautionnement, soustrait 50 000 francs à des postulants à la gérance56.
50Cependant, l’image négative des gérants est à relativiser. Bien instruits, nombre d’entre eux restent longtemps derrière leur comptoir. Une succursale est plus facile à gérer qu’une épicerie. Grâce à leur travail, ils jouissent le plus souvent d’un niveau de vie convenable. Les titulaires peuvent donner congé et devenir, à force d’économies et de pratique, commerçants à leur compte (Normand, 1936, vol. 2, p. 205-206).
III. Un modèle en pleine expansion, mais controversé
1. Une méthode de distribution qui se répand
51Un champ de forces favorable à l’éclosion du succursalisme existe à Reims, ville très ouvrière, où six entreprises peuvent prospérer dans un marché en forte croissance57. Ce succès leur a fourni la base d’une expansion rapide à l’échelle nationale : en 1914, les six sociétés rémoises ne contrôlent-elles pas 2 422 succursales dans le nord du pays ?
52Le modèle décrit par Paul Gemalhing se propage en province. La Marne est suivie par le Nord, puis par la Loire (Normand, 1920, p. 74)58. Geoffroy Guichard fait un voyage d’études à Reims avant de fonder, en 1898, la Société́ des magasins du Casino et établissements économiques d’alimentation de Saint-Étienne (Thermeau, 2014). Les Établissements économiques troyens (1898) doivent leur existence à d’anciens employés des Docks Rémois (Normand, 1917, p. 192). Les Établissements économiques de Rennes (1912) sont créés par quatre négociants de Reims (Hachin, 1913, p. 250-251). Des entreprises succursalistes de dimension régionale apparaissent sous divers vocables : comptoirs, docks, établissements économiques, etc. (Moride, 1913, p. 71 ; Gaumont, 1914, p. 348-350). Le 26 mars 1906, à l’instigation d’Édouard Mignot, la branche s’organise avec le Syndicat général des maisons d’alimentation à succursales de France (Curtil, 1933, p. 145). Vers 1910, elles ont un chiffre d’affaires d’1,2 milliard de francs (Compère-Morel, 1913, p. 191). En 1913, 47 entreprises contrôlent 6 440 succursales qui couvrent l’ensemble du territoire (Curtil, 1933, p. 58)59. Ces maisons ne dépassent pas 150 comptoirs en moyenne ; les plus grosses en comptent entre 600 et 700 (Lebret, 1933, p. 7).
53À Reims, les nouveaux riches du négoce affichent leur réussite en se faisant bâtir de somptueuses demeures sur le boulevard Lundy. Le « boulevard des Épiciers » comprend les hôtels Mignot (1911), Pigeon (1913) et François (1914), ces deux derniers appartenant à des administrateurs des Docks rémois. L’hôtel Georget (1911), rue de Talleyrand, du nom de l’un de ses fondateurs, se caractérise par son architecture éclectique qualifiée de « style épicier ».
2. La controverse suscitée par le développement des maisons à succursales
54L’émoi des commerçants indépendants face à la concurrence succursaliste n’est pas particulier à la France (Crossick, 1979, p. 24-26), mais il y prend vite une tournure politique. Selon le député de Paris, Georges Berry, « pape et roi de la “bistrocratie” »60, une des raisons de la multiplication des établissements à succursales est à chercher, prétend-il en 1911, dans l’augmentation des patentes frappant les grands magasins, votée le 28 avril 1893 :
À cette époque, certaines sociétés ont trouvé un moyen ingénieux et facile de tourner la loi et de s’exonérer de partie des taxes payées par les grands magasins.
Au lieu de fonder, se sont-elles dit, un seul établissement à Paris, à Lyon ou à Marseille, créons cent, deux cents, trois cents succursales sur le territoire français. Nous aurons ainsi un véritable grand magasin, divisé en un grand nombre de rayons qui opéreront par toute la France comme maisons isolées61.
55Dès 1895, Berry dépose un amendement visant à instaurer une patente spécifique sur les maisons à succursales (Martin Saint-Léon, 1911, p. 130). Les budgets de 1893 et de 1905 laissent de côté le commerce succursaliste, alors en plein essor, chaque gérant étant taxé autant qu’un autre détaillant du lieu (Jurisprudence générale, t. 141, 1912, p. 24). Dans le budget de 1910, le Sénat repousse la surtaxation des entreprises succursalistes.
56Finalement, l’article 2 de la loi de finances du 27 février 1912 prévoit la majoration des patentes des magasins à succursales multiples et des coopératives de consommation, « lorsqu’un patentable exploite plus de cinq établissements, boutiques, magasins ou entrepôts, pour la vente de denrées et de marchandises » (Collection complète des lois, décrets, ordonnances et règlements, t. xii, 1912, p. 177-179). L’augmentation, votée à l’unanimité, est calculée en fonction du nombre de succursales : jusqu’à 10, + 25 % ; jusqu’à 20, + 33 % ; jusqu’à 50, + 50 % ; au-delà, + 100 %, et imposée à compter du 1er mars62. En 1912, cette surtaxe rapporte 3,1 millions de francs, dont 1,8 million à l’État (Sauzède, 1913, p. 246). À l’instar des grands magasins, ces entreprises sont aussi redevables de l’impôt à leur siège, conformément à des dispositifs additionnels (valeur locative des points de vente, nombre de salariés, chevaux et voitures, etc.)63. Marc Réville, président de la Commission du commerce et de l’industrie à la Chambre, affirme que deux maisons ont vu leur patente augmenter de 47,5 % et 51,6 % (Réville, 1912, p. 314-315).
57Cependant, un comité de défense des sociétés à succursales multiples tente de faire revenir les députés sur l’adoption d’« une taxe totalement injustifiée » (Lavergne, 1912, p. 367). « Mesure de démagogie fiscale » et « boulangisme financier » fulmine Le Radical du 29 février 191264. D’après Le Temps, la Chambre s’affaire « à étrangler les établissements suspects de travailler au bon marché des denrées »65. Deux entreprises parisiennes placardent un avis dans leurs magasins : « À l’instigation de M. Georges Berry, le Parlement vient de voter une augmentation formidable des patentes qui frappent nos maisons »66. Le comité de défense des intérêts des consommateurs et des employés de maisons à succursales de Saint-Étienne réclame leur abrogation67. Près de 500 employés et ouvriers des comptoirs succursalistes marnais, réunis à Châlons, dénoncent le fait que « le but poursuivi par certains législateurs est moins une ressource fiscale qu’une tendance à faire disparaître ces établissements »68. De même, rassemblés à Lorient, 323 employés de maisons d’alimentation sont vent debout contre la taxe69. Le 21 novembre 1912, le tollé suscité par la nouvelle patente amène la Chambre à diligenter une enquête sur la situation du commerce en France (Réville, 1912, p. 313-315).
58Appelé à la vice-présidence du Syndicat général des maisons d’alimentation à succursales de France, Geoffroy Guichard fait du lobbying pour atténuer la portée de la loi (Zancarini-Fournel, 1993, p. 30). Dans son rapport, lu à la Chambre le 23 juillet 1913, il déclare que l’article 2 a été adopté à l’improviste, car les parlementaires « étaient insuffisamment renseignés sur notre genre d’affaires » et trop à l’écoute des doléances des petits commerçants.
Ce premier succès, loin de satisfaire nos adversaires, semble avoir surexcité leur ambition, la campagne est engagée maintenant, non pour obtenir une répartition plus équitable de l’impôt, mais dans le but avoué d’obtenir la suppression par voie fiscale des maisons à succursales multiples70.
59L’« Enquête sur la situation du commerce en France » est lancée le 10 avril 191371. Le 26 janvier 1914, son auteur, Adolphe Landry, la présente à la Chambre. Il n’observe pas de recul du commerce indépendant. En effet, de 1896 à 1906, les entreprises commerciales ont augmenté de 18,5 %72 et les petits détaillants de 11,2 % (Normand, 1917, p. 170 ; Fualdès, 1987, p. 24-25). Mais il précise :
Si les grandes maisons de détail, si les coopératives se multiplient et prospèrent, c’est en grande partie, quoiqu’on ait pu en dire, que les consommateurs trouvent leur avantage à s’y fournir. Ce serait aller à l’encontre des consommateurs, à l’encontre, par conséquent, des intérêts de la collectivité que de se servir de la loi contre elles. On notera d’ailleurs que les établissements rivaux du petit commerce ne sont pas seulement utiles aux consommateurs en tant qu’ils vendent à ceux-ci de meilleurs produits, ou qu’ils vendent à meilleur marché. Ils leur sont utiles encore d’une manière en quelque sorte indirecte, en tant qu’ils introduisent dans le commerce des modes nouveaux d’organisation pour l’achat des marchandises, des façons nouvelles de présenter celle-ci à la clientèle ou de livrer les articles vendus, etc. Les grands établissements, en bouleversant les vieilles routines commerciales, ont été, ils sont encore un agent de progrès […]73.
60En fin de compte, cette querelle des anciens et des modernes est tranchée par le consommateur.
Conclusion
61Au tournant du xixe siècle, le succursalisme a instauré une nouvelle espèce de commerce qui a modernisé les formes de vente et permis d’élargir et de diversifier la consommation populaire. Les ingrédients de son succès sont à chercher dans l’intégration verticale, la centralisation des achats, les entrepôts organisés de façon usinière, la fabrication de produits spécifiques à chaque maison, le roulement des stocks, le prix serré des articles courants, les économies d’échelle, la publicité, les timbres-primes et les réseaux de distribution. Avec 2 422 succursales dans le nord du pays en 1914, les six sociétés succursalistes rémoises ont pris un essor considérable à la veille de la guerre. Malgré les vicissitudes dues aux bombardements et à l’occupation des régions se fournissant à Reims, ces maisons d’alimentation, repliées en région parisienne, renaissent de leurs cendres après 1918 et reprennent leur développement, si bien que le commerce rémois de l’alimentation emploie 3 500 personnes en 193574 et contrôle 3 500 succursales à la fin de la décennie75. Durant les années 1950, une épicerie sur deux dans la Marne est une succursale, soit la plus forte concentration nationale, et Reims conserve encore pour un temps son « rôle de métropole de l’épicerie » (Chatelain, 1959, p. 8 et 15). Malgré des efforts de modernisation – adoption du libre-service et du supermarché (Londeix, 2018, p. 377-414) –, les grandes maisons ne réussissent pas leur redéploiement et, à l’exception de Casino, elles disparaissent du paysage commercial à partir des années 1960-1980 (Baudson, 2016, p. 218-219 ; Chadeau, 1993, p. 378). La durée de vie du succursalisme stricto sensu aura été brève, un siècle tout au plus, et son héritage ne se voit plus que dans le patrimoine architectural. À Reims, les locaux des entreprises ont été reconvertis en bureaux, comme au Petit-Bétheny et dans le quartier de Clairmarais. La réutilisation du bâti réussit mieux là que pour les installations industrielles moins modulables.
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Notes de bas de page
1 L’Union des producteurs et des consommateurs, n° 1, 25 janvier 1896, p. 11.
2 La Cravache, 19 avril 1913.
3 Voir aussi « Les sociétés coopératives de consommation », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. 48, avril-mai-juin 1878, p. 490-491.
4 Archives commerciales de la France, 27 octobre 1886, p. 1356.
5 Archives départementales de la Marne (désormais AD 51), Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2295.
6 Assemblée générale du 16 septembre 1900, bibliothèque municipale de Reims, dossier documentaire n° 45.
7 Assemblées générales du 27 juin et du 24 juillet 1911, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2295.
8 Assemblée générale du 21 mai 1913, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2117.
9 Local ayant appartenu à la Société économique de Notre-Dame de l’Usine et de l’Atelier (cf. infra).
10 Société rémoise de l’épicerie, des vins et spiritueux, vues photographiques, 1910-1918, bibliothèque municipale de Reims, RBM 2677.
11 Statuts de la Société rémoise de l’épicerie, des vins et liqueurs, 1885, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2117.
12 Bulletin de la chambre de commerce de Paris, n° 43, 1913, p. 1455.
13 Documents parlementaires. Chambre, annexe n° 3432, séance du 26 janvier 1914, p. 1616, Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Paris.
14 Archives commerciales de la France, 10 février 1886, p. 172.
15 Docks rémois (1888-1928) propriétaires des succursales le Familistère, 1928, Clichy, s. n., 51 p., AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, chp 15310 et bibliothèque municipale de Reims, RBG 1380. Le 10 mars 1894, la marque « Familistère » est déposée au greffe du tribunal de commerce de Reims.
16 Voirie rue Léon Faucher, archives municipales et communautaires de Reims (désormais AMCR), O 354.
17 AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, dossier Docks rémois, 31 X 54 et Recueil des arrêts du Conseil d’État (1913, p. 550-551).
18 Revue des vins et liqueurs et des produits alimentaires pour l’exportation…, 1907, p. 765.
19 Docks rémois (1888-1928), op. cit., p. 12 et Le Monde illustré, 25 septembre 1920, p. 58.
20 Plans des installations des Docks rémois, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 31 X 54.
21 « Compte rendu du IIe congrès des sociétés industrielles », Bulletin de la Société industrielle de l’Est, n° 120, mai 1914, p. 13.
22 Rapport du 18 octobre 1913, succursale de Reims, Archives historiques de la Banque de France (désormais AHBdF), Paris.
23 Docks rémois (1888-1928), op cit., p. 11.
24 Docks rémois. Bilan (1898-1913), service des archives historiques du Crédit Agricole, Montrouge, DEEF 59874-1.
25 Assemblée générale extraordinaire du 22 avril 1897, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2116.
26 L’Européen, 6e année, n° 177, 16 septembre 1932, p. 6 ; Rapport du 6 mai 1911, succursale de Reims (1837-1969), AHBdF, Paris ; Le Journal des confiseurs, pâtissiers, glaciers, fabricants de chocolats, biscuits, fruits confits, confitures, conserves, etc., 25e année, n° 283, mars 1914, p. 76.
27 Docks rémois. Bilan (1898-1913), service des archives historiques du Crédit Agricole, Montrouge, DEEF 59874-1.
28 « Docks rémois. Statuts », L’indépendant rémois, 1908, p. 9, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, chp 8328.
29 Rapport du 27 avril 1912, succursale de Reims (1837-1969), AHBdF, Paris.
30 Statuts déposés par acte notarié du 3 février 1891, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2126.
31 Assemblée générale du 31 janvier 1892, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2126.
32 Assemblée générale du 10 février 1903, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2126.
33 « Acte de société », Archives commerciales de la France, 22 août 1900, p. 1060. ; Ibid., 2 octobre 1912, p. 1348 ; Revue politique et parlementaire : questions politiques, sociales et législatives, t. 166, 1936, p. 584.
34 Journal des finances, 45e année, n° 36, samedi 14 septembre 1912, p. 15.
35 Acte de société, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 335 et 15 U 258 ; Archives commerciales de la France, 25 mai 1901, p. 656.
36 Rapport du 9 janvier 1911, succursale de Reims (1837-1969), AHBdF, Paris.
37 « Édouard Mignot », base Léonor, AN, Paris, dossier 19800035/1289/48994, p. 6.
38 Assemblée générale du 7 octobre 1913, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 14 U 2118.
39 Établissements Goulet Turpin. Nomenclature des marchandises. Assortiment normal, Reims, s. n., 1919, 71 p., AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, chp 8308.
40 Le nombre d’articles numérotés dans le Catalogue général des comptoirs français de l’été 1914 s’élève à 750 (AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, chp 16903).
41 Les Établissements Ch. Mauroy proposent des livraisons à domicile à leurs clients (L’Éclaireur de l’Est, 12 août 1914).
42 La Revue judiciaire, 25 mai 1912, p. 139 ; Vasseur (1918, p. 23).
43 Le Journal de Fourmies, 3, 7 et 10 mai 1896.
44 Notice sur l’exposition de la Société des établissements économiques des sociétés mutuelles de la ville de Reims, Reims, Imprimerie de l’Indépendant rémois, 1895, p. 5-11, bibliothèque municipale de Reims, RBG 1355.
45 La Gazette du Palais, t. 2, 1907, p. 13.
46 Bulletin des régions libérées, n° 17, 6 mai 1922, p. 1.
47 Docks rémois, Service mercerie, Été. Rayons, chaussures. Bonneterie. Lingerie et confection, Reims, s. n., 1911, AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, chp 16818.
48 Gérante d’une succursale des Nouvelles épiceries du Nord à Sains-en-Gohelle, Eugénie Gélot mouille le vin avant de le mettre en bouteilles (« Arrêt de la Cour de cassation du 3 février 1911 », La Gazette du Palais, 1er juillet 1911, p. 290-291).
49 « Tribunal civil de Vervins, 5 juin 1908, Noizet contre les Docks rémois », La Gazette du Palais, 2e semestre 1908, p. 425.
50 Pandectes françaises périodiques, 1914, p. 128.
51 Bulletin des contributions directes et du cadastre, janvier 1906, p. 9-10.
52 Arrêt reproduit dans Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, 28e année, t. lii-n° 24, n° 1348, 11 avril 1908, p. 418.
53 Syndicats professionnels (alimentation), AD 51, Châlons-en-Champagne/Reims, 197 M 24.
54 Ibid.
55 La Lanterne, 14 février 1914.
56 « L’escroquerie des comptoirs d’alimentation de Bretagne et Normandie », L’Ouest-Éclair, 20 mars 1913 ; Le Petit Parisien, 3 avril 1913.
57 Entre 1866 et 1911, la population de Reims augmente de 49 %.
58 Outre Reims, Châlons-sur-Marne (Éts. B. Mielle, 1898 ; Les Grands Économats français, 1907) et Suippes (Éts. Lucien Lépine, 1910). Avant 1909, Saint-Étienne compte 104 magasins à succursales (Cost of Living in French Towns, 1909, p. 314).
59 En 1928, on compte 102 sociétés d’alimentation à succursales (Picard, 1930, p. 364).
60 Le Rappel, 1er mars 1912.
61 Journal officiel. Débats parlementaires. Chambre des députés, 23 décembre 1911, p. 4192. Sur l’hostilité des boutiquiers envers les formes modernes de distribution, cf. Crossick (1996, p. 107, 118-120).
62 L’Éclaireur de l’Est, 28 février 1912.
63 Journal des finances, 45e année, n° 12, 23 mars 1912, p. 1.
64 « Boulangisme et Boulangerie », Le Rappel, 5 février 1912. Le Rappel du 21 mai 1912 signale que l’article de Paul Gemalhing est diffusé sous forme de brochure.
65 Le Temps, 29 février 1912.
66 « Boulangisme et Boulangerie », art. cit.
67 « Les succursales multiples », Le Matin, 16 août 1912.
68 « Le personnel des maisons d’alimentation à succursales multiples et les projets de taxe », Le Temps, 21 septembre 1912.
69 Le Constitutionnel, 14 octobre 1912.
70 Journal officiel, 23 juillet 1913, p. 2923.
71 « Enquête sur la situation du commerce en France », Bulletin de la chambre de commerce de Paris, 20e année, n° 43, 25 octobre 1913, p. 1455.
72 Documents parlementaires. Chambre, annexe n° 3432, séance du 26 janvier 1914, p. 1615, Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Paris.
73 Ibid., p. 1616. Le discours de Landry dans Normand (1936, vol. 1, p. 74-79).
74 Rapport du 15 juillet 1948, succursale de Reims (1837-1969), AHBdF, Paris.
75 Rapport du 26 novembre 1941, succursale de Reims (1837-1969), AHBdF, Paris.
Auteur
Denis McKee, ancien élève de l’ENS Saint-Cloud, agrégé d’histoire, s’est intéressé à la sociologie religieuse et à l’histoire de l’enseignement en Champagne sous l’Ancien Régime. Par la suite, il a cosigné avec Gracia Dorel-Ferré, Les patrons du Second Empire, Champagne-Ardenne (Paris, Picard-Sénomane, 2006). Il a mené des recherches sur l’histoire du patrimoine industriel dans le cadre de l’Association pour le patrimoine industriel de Champagne-Ardenne (APIC).
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