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Pierre-Sébastien Laurentie aux origines de l’Encyclopédie du xixe siècle : penser et réécrire les sciences catholiques
p. 151-164
Texte intégral
1Le journaliste légitimiste Pierre-Sébastien Laurentie (1793-1876) qualifie l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert d’anticatholique : « Notre conviction, à nous, c’est que le siècle ne sera grand que par l’acquisition ouverte de cette pensée chrétienne que l’Encyclopédie du siècle antérieur chassa de toutes les sciences »1. Un paradoxe affecte donc les catholiques et partisans néophytes des Bourbons les plus vindicatifs de la « génération de 1820 »2 : profondément hostiles à l’œuvre mère de l’encyclopédie car issue des Lumières, ils sont pourtant poussés par leur vision religieuse intégriste et intégrale du monde, à redéfinir et englober, justement sous la forme d’une encyclopédie, toutes les sciences. Ces dernières doivent à nouveau se parer des principes et codes de la « vieille France » que ces catholiques souhaitent voir revivre, régénérée sur les cendres de l’Empire.
2En réaction avec ce qui s’apparente, selon leurs propres termes, à une parenthèse de vingt-cinq ans, ces royalistes et catholiques procèdent, plus largement, à la critique acerbe des institutions et à la refonte de l’héritage savant de la Révolution et de l’Empire. Prolongeant même leurs recherches sur les causes du triomphe de la modernité amenant dans son sillage individualisme, capitalisme et libéralisme, c’est-à-dire les « maux du siècle », de nouvelles recrues royalistes et catholiques en 1814 intègrent un mouvement de réflexion tant religieux, politique que scientifique au sein de la Congrégation. Ce groupe de catholiques antimodernes et anti-Lumières de la première moitié du xixe siècle dont quelques personnalités émergent comme les abbés La Mennais, Salinis, Gerbet, mais encore le journaliste Pierre-Sébastien Laurentie, se sent investi de la mission impérative de redresser les esprits indifférents en matière de religion et de redéfinir ainsi les sciences et les connaissances qui, d’après eux, ont été dénaturées par les philosophes des Lumières. Ils veulent recomposer une science catholique3 générale qu’ils voient avec regret ébranlée par le triomphe de la raison, fruit du xvie et du xviiie siècle.
3La Seconde Restauration des Bourbons en 1815 doit donc être l’occasion, pour eux, de mener ce combat religieux de sciences et d’idées. Guidés et inspirés par La Mennais, leur figure de proue, ces catholiques « ultramontains » et royalistes « pointus » (qui siègent à la pointe de l’hémicycle car critiques à l’égard de la monarchie dite modérée incarnée par Louis XVIII et son ministre Decazes) décident de se réapproprier la parole scientifique puisque le retour à la tradition leur semble impératif, surtout dans le cadre de l’université. Chateaubriand dans son Génie du Christianisme (1802) puis La Mennais dans le premier tome de son Essai sur l’indifférence en matière de religion (1817), avaient renouvelé les théories puisées directement dans la religion : la restauration monarchique doit donc s’accompagner d’une restauration religieuse qui touche tous les domaines de la connaissance, les arts ainsi que l’éducation.
4Cette entreprise est pensée et menée au sein des sociétés et associations promues par la Congrégation, fer de lance de cette reconquête scientifique. Les conférences tenues dans le cadre de la Société des bonnes lettres, mais encore nombre de réunions au cœur de la Société des bons livres, permettent de penser l’élaboration d’une encyclopédie catholique. Pourtant, le projet de création d’une Encyclopédie catholique dont l’idée germe au sein de la Congrégation dès le début des années 1820, est voué à la critique, contesté dans son propre camp et soumis à des difficultés financières : il représente un fort investissement économique et un parti pris théorique que de nombreux royalistes et catholiques ne soutiennent pas. Cet encyclopédisme est utilisé comme un moyen, parmi d’autres, de reconquête catholique des esprits et de faire gagner une mouvance politique sur d’autres.
I. La figure de Laurentie, un unificateur des idées contre-révolutionnaires
5Au commencement de sa carrière de journaliste professionnel, cet homme du Sud-Ouest d’origine modeste, débute par l’analyse littéraire. Laurentie est, un temps, le détracteur de La Mennais dans La Quotidienne, le journal royaliste de l’historien des croisades Joseph Michaud : le Cogito ergo sum de Descartes, finalement enseigné par l’Église et les jésuites4, est remis en cause par le traditionalisme absolu prôné, à l’époque, par La Mennais qui refuse tout compromis rationnel face à la religion. En effet, La Mennais, dans son second tome de l’Essai sur l’indifférence, condamne avec fougue le cartésianisme5, ce qui ne convainc pas nombre de catholiques et de royalistes6. Faisant finalement volte-face, Laurentie se fait donc le défenseur des thèses de La Mennais7, touché par la force de persuasion déployée par l’abbé et ses disciples8. La théorie du sens commun qui se dessine met donc en doute la raison individuelle, et la remplace par ce qu’elle nomme l’autorité de l’humanité, censée être à l’abri de toute erreur et fondatrice de la certitude.
6Célèbre pour être le vulgarisateur, entre autres, des théories de Maistre et Bonald, le publiciste Laurentie devient, par la suite, l’introducteur privilégié des mennaisiens dans les milieux royalistes qu’il fréquente. Pourtant, même ancré dans des sensibilités en opposition ministérielle constante, Laurentie reste un homme de dialogue vis-à-vis des autres penseurs : il discute avec les saint-simoniens qui le critiquent, comme avec les fouriéristes (Victor Considerant et surtout Désirée Laverdant du journal La Démocratie pacifique) qui, sous la monarchie de Juillet, entrent en débat avec lui. Même les républicains comme Germain Sarrut du journal La Tribune sont représentés dans son entourage amical et intellectuel.
7En rapport avec son encyclopédisme, Laurentie est ainsi un homme de dialogue et d’unité, surtout sous la monarchie de Juillet et veut rallier les différentes sensibilités royalistes et catholiques dans un grand mouvement royaliste. L’avocat et député royaliste Berryer fils endosse le rôle d’homme d’union politique au sein du mouvement légitimiste. Souhaitant aussi servir cette délicate union, Laurentie devient le théoricien d’une synthèse royaliste et catholique au niveau de la presse et des ouvrages d’éducation et de connaissances, parmi lesquels s’inscrit le projet encyclopédique.
8En effet, Laurentie, ancien professeur de rhétorique du collège Stanislas qui fut aussi répétiteur en lettres de Louis-Aimé Martin9 à Polytechnique, et historien pourtant proche des milieux scientifiques du Muséum d’histoire naturelle, était déjà caractérisé par le journal saint-simonien Le Producteur comme un pragmatique capable de faire « descendre [les théories] dans les moyens d’application » passant par la presse, les ouvrages, le pouvoir et les institutions10. Chez ce dernier, les savoirs sont donc synthétisés pour la défense concrète et systémique de la cause catholique : il cautionne ainsi une union des savoirs selon la religion qui, d’après la théorie de la révélation primitive des connaissances et du sens commun de La Mennais, relayée par l’abbé Gerbet, doit émerger des esprits, inspirée par Dieu et diffusée par la tradition. Cette refonte des savoirs devrait, d’après lui, empêcher une sécularisation de la société et provoquer une nouvelle adhésion populaire au catholicisme et au royalisme.
II. Du traditionalisme sous la Restauration à l’expérience éphémère d’un compromis avec la modernité au début de la monarchie de Juillet
9Un ouvrage catholique réunissant les connaissances de leur temps n’est pas une entreprise nouvelle, puisque déjà le Dictionnaire de Trévoux répondait au même besoin des jésuites de rassembler les définitions des notions à enseigner. Depuis la réalisation célèbre de l’Encyclopédie des Lumières, il est cependant intéressant de noter le rôle et l’investissement des laïcs dans la confection de ces sommes de savoirs, y compris dans le camp catholique et royaliste.
10Sous la Restauration, la Société des bons livres, cette société évoluant au sein de la Congrégation, s’emploie à rassembler des penseurs catholiques autour de productions littéraires. Elle est particulièrement active, entre cérémonies, célébrations religieuses ou encore réunions qui peuvent être présidées par le nonce du pape, le cardinal Macchi. Laurentie en est le secrétaire et annonce en 1827 un nouveau plan de diffusion des « bons livres » pour le triomphe de la religion11. Cette sélection d’ouvrages doit former la base d’une encyclopédie, projet qui aboutit à l’encyclopédie catholique des sciences en 1835, c’est-à-dire la réécriture contre-révolutionnaire des connaissances des Lumières : « Les sciences ont subi depuis longtemps, a dit M. Laurentie, dans un rapport fait à la Société catholique, une direction, le plus souvent opposée à l’esprit du christianisme […] »12.
11Dès la Restauration, l’entourage de Laurentie veut ainsi élaborer l’antimodèle de l’Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert13, faisant la part belle à la religion, la philosophie chrétienne, l’histoire ancienne et l’archéologie, l’histoire moderne et la jurisprudence, les sciences physiques et mathématiques, ainsi que les sciences médicales et physiologiques : ce projet tente de réconcilier la foi et la science et inspire celui d’une Société catholique des sciences, des lettres et des arts vraisemblablement créée entre 1825 et 1827. Au niveau littéraire, Laurentie prend ouvertement position pour le retour des auteurs classiques contre le romantisme, en vogue y compris parmi les royalistes et les catholiques. En effet, le projet encyclopédique témoigne de la volonté de remettre au goût du jour des classiques chrétiens comme Bossuet, Fénelon, références sans cesse évoquées dans les lettres, les articles et les ouvrages des traditionalistes, et comme convenu avec La Mennais entre 1826 et 182814.
12Laurentie et les catholiques qu’il représente sont soutenus dans leurs activités par les mennaisiens et le journal de ces derniers, Le Mémorial catholique, tente d’en faire la publicité : Gerbet et Laurentie orientent leur Encyclopédie catholique des sciences dans la direction « ultramontaine ». Il semblerait que Laurentie soit à la tête de l’architecture et du sens du projet puisqu’il est fait mention qu’il a modifié et rédigé un second plan de l’encyclopédie15. Ainsi, comme travail préliminaire, les mennaisiens de la Société catholique des bons livres tentent de créer une collection d’ouvrages rapportés aux différentes matières de connaissances humaines, afin de réconcilier la religion et la science : des prix sont aussi distribués aux meilleurs livres qui ensuite permettront d’embrasser tous les champs de recherche à synthétiser dans les futures notices de l’encyclopédie16. Bonald, Salinis, Haller17, Gerbet et Laurentie sont chargés de la section philosophie de ce projet. Le programme de cette section refuse l’écriture d’une histoire de la philosophie, mais préfère se consacrer à la « réconciliation de la philosophie avec la religion »18. Il s’agit, tout de même, de contester et de combattre à la fois le matérialisme, l’idéalisme et le rationalisme, qui ont empêché, d’après eux, de penser une philosophie religieuse19. Leurs adversaires condamnent le programme de la section de religion et philosophie : « Quel singulier spectacle vient de nous donner ce pauvre auteur torturant toutes ses facultés et se débattant misérablement dans le piège où il s’est pris ! puis le traitant de faiseur de logogriphes, qui se forge un jargon inintelligible pour raconter de pitoyables rêveries […] »20.
13Le Mémorial catholique défend une nouvelle fois Laurentie contre un pamphlet hostile de Clausel de Montals21 :
Il y est dit que le programme de la Section de religion et philosophie a été rédigé par M. Laurentie […]. M. Laurentie est entièrement étranger à ce programme ; il n’y a pas un seul mot de lui. Il a été rédigé par un autre membre de la Section, approuvé par tous, et notamment par M. de Bonald22.
14Il faut dire que l’attaque adverse est rude contre Laurentie, tandis que La Mennais est traité au passage d’hérétique.
15La Société des bons livres perd la protection ministérielle. Destitué de son poste d’inspecteur de l’université, le mennaisien « ultramontain » Laurentie a dû aussi, seul, démissionner de ses fonctions de secrétaire de la Société du fait de la critique faite par son camp de la loi sur la presse de 1827. En réprimande, les 25 souscriptions du ministère des Affaires ecclésiastiques lui sont retirées et transmises à la Bibliothèque catholique, une association plus proche des idées du gallican et ministre de l’Instruction et des Cultes, Mgr Frayssinous. Les dons royaux ne sont pas renouvelés à la société pour les prix littéraires23. Cette Société et ce projet encyclopédique cristallisaient une opposition catholique au gouvernement Villèle et en sont punis.
16Après la gestation de l’Encyclopédie catholique sous la Restauration, soumise aux vicissitudes des tensions et différends au sein même du mouvement royaliste et qui se solde donc par l’attaque publique menée par les gallicans contre Laurentie pour son accointance avec les mennaisiens, ces derniers, imperturbables, poursuivent leurs recherches catholiques : « D’immenses travaux ont été entrepris depuis trente ans, et sont poursuivis avec ardeur par les savants de tous les pays. Il est temps que la science catholique vienne recueillir la riche moisson qu’on lui a préparée »24. Mais c’est finalement sous la monarchie de Juillet que le projet prend forme et aboutit, dans un contexte pourtant toujours peu propice à sa réalisation.
17Après 1830, Laurentie souhaite recréer une union des catholiques et des royalistes dans la revue qu’il fonde et dirige seul après l’échec du Courrier de l’Europe : Le Rénovateur. Une certaine modernité – relative – s’empare de royalistes comme lui qui préconisent un légitimisme légaliste ou parlementaire. Pour autant, le catholicisme libéral et social de La Mennais serait toujours encore susceptible d’influencer cette ligne modérée entre Genoude, encore plus radical puisque revendiquant le suffrage universel et les absolutistes émigrés qui s’enferment dans leur exil et dans le rejet de tout compromis face à l’évolution de la société.
18Cette unité de vues doit aussi affecter les sciences et il se trouve toujours très inspiré par les recherches d’un La Mennais en géologie et dans l’étude des fossiles25. Ce dernier, même rejeté du camp royaliste, crée une grande émulation autour de sa refonte de la science catholique et de son apprentissage26. Laurentie s’en inspire même s’il reste beaucoup plus classique dans ces choix finaux, surtout après s’être séparé définitivement de La Mennais en 1834.
19Plus enclin à s’ouvrir à la modernité après la révolution de 1830, le néolégitimiste parisien est pourtant désavoué par une Cour en exil composée de légitimistes absolutistes qui, dès 1834, coupent les financements pour sa revue Le Rénovateur. Les catholiques royalistes sont divisés sur la stratégie à adopter : faut-il poursuivre l’action légale et politique, ou préférer le coup de main, comme lors du débarquement de la duchesse de Berry en 1832 ? Alors que La Mennais – qui signe désormais « Lamennais » – rompt avec l’ancien entourage de la Congrégation, Laurentie prend la défense de son maître et, jusqu’à la parution en 1834 de Paroles d’un croyant, ouvrage de rupture pour les catholiques royalistes qui le côtoyaient toujours, continue à rêver d’une alliance entre néolégitimistes et catholiques sociaux. Une lettre du royaliste iconoclaste La Gervaisais (celui qui inspire Balzac dans Le Lys dans la vallée) révèle l’état d’esprit de l’entourage de Laurentie, alors que La Mennais, l’inspirateur, n’est plus dans leurs rangs : « Vous me disiez : “au fond, l’abbé de Lamennais a raison ; il ne pèche que dans la forme.” Eh ! bien, ayez raison aussi, et seulement ne péchez pas »27.
20Si les catholiques légitimistes abandonnent l’école de La Mennais, ils ne s’excluent pas pour autant des projets que cette dernière avait entrepris de réaliser. Les deux excommunications constituent des ruptures et beaucoup d’anciens disciples de l’abbé abandonnent la théorie mennaisienne du « sens commun », mais continuent à vouloir œuvrer pour le retour du pape dans les affaires religieuses de la France. La Mennais lui-même laisse de côté une partie de sa philosophie, et notamment sa théorie de la révélation primitive, comme il l’écrit dans son article sur l’« Ignorance » paru dans le Dictionnaire de la conversation28. Dans cette recomposition théorique, ces catholiques si réceptifs, sous la Restauration, aux thèses de l’abbé, décident, face à ce vide conceptuel, de garder comme référence les premiers écrits de La Mennais. Sans La Mennais et sans se réclamer de ce dernier, Laurentie poursuit les œuvres commencées sous la Restauration. Lavés de toute suspicion d’hérésie, ils veulent donc poursuivre le projet de l’Essai sur l’indifférence en matière de religion. L’encyclopédie catholique devient l’une des preuves les plus concrètes de la résistance de cette mouvance qui tente de continuer d’exister.
21Toujours placé en catalyseur et réceptacle de différentes nuances, sensibilités tant politiques que conceptuelles, Laurentie constitue, en toute légitimité, l’un des pivots de la réalisation du projet encyclopédique autour d’une encyclopédie catholique finalement intitulée Encyclopédie du xixe siècle. Il devient le rédacteur de l’introduction générale, censée impulser la rédaction complète.
III. La Théorie catholique des sciences de 1836 dans la tradition de La Mennais sans Lamennais
22Avec leur encyclopédie, les catholiques font aboutir une réaction cléricale entreprise dès le début du siècle29. Avec le collège de Pontlevoy30, et avec la création du journal Le Correspondant qui leur échappe31, le troisième grand projet influencé par La Mennais et réalisé par Laurentie est cette encyclopédie catholique32. Après sa rupture avec l’abbé, Laurentie pense qu’il est de son devoir et de celui des « vrais » catholiques de poursuivre de façon conforme aux volontés de l’Église les initiatives lancées avec les mennaisiens sous la Restauration. Laurentie reprend le plan initial de La Mennais qui consiste à « reconstituer une cohérence épistémologique et une unité méthodologique (la certitude par la Foi fondée sur l’évidence) entre les différents savoirs »33. La théologie, et non la physiologie, doit constituer le lien de ce savoir, en opposition avec la conception étatique et universitaire qui imposerait les normes en matière de connaissances : il s’agit de retrouver l’unité religieuse des savoirs et d’en éliminer, grâce à la raison universelle, les erreurs produites par la raison individuelle. De « la » science à « la » religion catholique, il est désormais question, après 1830, « des » sciences au service de différentes sensibilités catholiques : la première tendance s’attaque aux sciences dans le sillon de La Mennais et veut répondre directement et scientifiquement à ceux dont elle ne cautionne pas les thèses jugées irréligieuses. N’excluant pas les débats, Migne et Laurentie restent les héritiers de ce mouvement.
23En opposition, le deuxième courant, plus strict, a pour chef de file Victor de Bonald qui, dans Moïse et les géologues modernes en 1835, refuse de dialoguer avec les géologues et préfère se référer aux théories de la Révélation, à la croyance aux miracles, et aux apparitions. L’ouverture libérale que La Mennais avait inspirée à ses disciples se referme avec la position adoptée par Bonald. Avec son programme scientifique, La Mennais se trouvait à la charnière de deux positions intellectuelles : il préconisait l’alliance de la science avec la religion mais il restait à déterminer si la science était indépendante ou non de la théologie naturelle de l’Église. Pour certains catholiques hostiles à tout compromis, la théologie était nécessairement supérieure à la science, même si cette dernière allait dans le sens religieux. La Mennais est donc perçu comme subversif car il ne refuse pas de discuter la hiérarchie convenue et établie entre la théologie et la science34. À l’inverse de Bonald, il reconnaît la nécessité et la valeur en soi des sciences catholiques après leur refonte.
24Une nouvelle fois, dans sa volonté d’unir les différentes sensibilités, Laurentie semble adopter, avec son projet d’encyclopédie, une position intermédiaire qui consiste à ne pas refuser le dialogue entre sciences et religion, sans toutefois reprendre à son compte tout l’héritage de La Mennais qui discute systématiquement ce rapport entre la science et Dieu. L’abbé Migne s’inscrit dix ans plus tard, avec son Encyclopédie théologique commencée en 1844, dans une logique similaire à celle de Laurentie35. Migne et Laurentie correspondent l’un avec l’autre et sont engagés dans des démarches parallèles36, l’un avec L’Univers l’autre avec Le Rénovateur-Le Courrier de l’Europe37. Ils se rejoignent sur plusieurs points : la science catholique est le résultat, d’après eux, de la régénération de la parole chrétienne que la société nouvelle réclame. Par conséquent, la théologie doit être positive, c’est-à-dire scientifique, car elle émerge non seulement du sentiment mais encore de la raison. Il faut former une élite acquise à la cause défendue, diffuser largement cette nouvelle science catholique et toucher la jeunesse avec la confection de nouveaux cours. Le clergé doit aussi être formé aux dernières recherches scientifiques.
25Ange de Saint-Priest, gérant de La Dominicale, journal des paroisses, est l’imprimeur-éditeur qui gère cette deuxième version encyclopédique au niveau commercial et juridique. À la tête de l’organisation de l’écriture de l’Encyclopédie catholique, ce dernier implique Emmanuel Guignard de Saint-Priest, ainsi que les ducs de Valmy et de Noailles38. Il engage aussi Laurentie à rédiger la préface en septembre 1835 et met aussi l’abbé Gerbet à l’ouvrage. Il souhaite, de plus, voir Laurentie diriger un domaine scientifique dans l’encyclopédie39. Après le schisme mennaisien, alors que le projet initial des sociétés de la Congrégation est partiellement abandonné, qui voient Walsh, fondateur de La Mode, directeur de L’Écho de la jeune France et éditeur de la Morale et la Revue catholique, tenter de fondre les différents projets et concurrencer les idées d’Ange de Saint-Priest, l’influence de Laurentie se trouve renforcée :
Vous l’emportez enfin, mon très honoré Maître, et de la manière la plus complète. L’Encyclopédie du xixe siècle survivra aux deux Encyclopédies catholiques, l’une s’efface pour lui faire place, l’autre disparaîtra inévitablement d’elle-même si dans la huitaine les négociations entamées ne la déterminent pas à se réunir à nous40.
26Le plan – très ambitieux – de financement et de rédaction proposé par Laurentie est adopté. Laurentie active les membres de son réseau international : « Tous enfin veulent faire une œuvre européenne telle que vous l’avez conçue […] »41.
27Les scientifiques légitimistes de grand renom y contribuent. Pariset est choisi pour les sciences naturelles. Une collaboration entre Laurentie et Ampère est envisagée pour l’introduction et le tableau des connaissances humaines. Les sulpiciens sont aussi sollicités en tant que relecteurs et conseillers avisés42. Un grand nombre de rédacteurs de La Quotidienne collaborent, par la suite, à l’Encyclopédie du xixe siècle comme Théodore Muret, Du Parc Locmaria et Merle. Par ailleurs, Laurentie commence à correspondre en 1835 avec le pianiste Léon Kreutzer43, fils naturel de l’acteur Talma et fils adoptif du frère du violoniste Rodolphe Kreutzer. Léon Kreutzer rédige des articles et notices artistiques dans les journaux de Laurentie ainsi que dans cette Encyclopédie du xixe siècle : l’idée de régénération de l’art grâce à la religion catholique est largement répandue parmi cette génération de journalistes. Mais, d’autres proches comme l’économiste Alban de Villeneuve-Bargemont en 1842 refuseront d’y participer44.
28L’introduction qu’écrit Laurentie à l’Encyclopédie du xixe siècle, fait l’objet d’une parution à part sous le titre de Théorie catholique des sciences. Ce projet de longue haleine, pensé sous la Restauration, prend alors forme. Laurentie y annonce le triomphe prochain du catholicisme sur tous les autres courants philosophiques. Il souhaite démontrer que la science se rapporte à l’existence et n’est pas réductible au relativisme. La science tend, pour Laurentie, à rétablir l’unité dans le domaine des connaissances et à donner un nouveau souffle religieux à la société : « La science moderne, séparée de la pensée chrétienne, a été une science des faits présentés dans leur forme la plus technique et pour cela même la plus désenchantée […] »45.
29À l’instar de La Mennais, Laurentie condamne une science positive, purement rationnelle. Sur le même sujet, La Mennais écrit que les sciences ont contribué au « désenchantement de l’univers »46 : « L’aride science qui de nos jours, sans éclat, sans parfum, sans poésie d’aucune sorte, a désenchanté l’univers […] »47. Pour Laurentie, la religion donne un sens à une connaissance que les nomenclatures et les catégorisations positives, pourtant négociées48, font voler en éclat. Il en découle la perfection49. Il s’agit donc de contrebalancer les connaissances établies par l’Encyclopédie du xviiie siècle dont il nuance pourtant pour la première fois sa critique :
Il est remarquable que les auteurs [de l’Encyclopédie] n’y mirent pas de prime abord un cachet antichrétien ; et peut-être aussi leurs idées d’alors n’étaient-elles pas encore ce que devait les faire graduellement la force irrésistible de la logique humaine, laquelle contraint l’homme à marcher toujours dans l’erreur comme dans la vérité. On peut voir cette réserve encore timide dans l’Introduction de l’Encyclopédie, travail d’analyse très distingué, où la raison de d’Alembert, épuisée de labeur, laisse souvent échapper un cri d’impuissance et appelle à son secours la révélation50.
30Mais, ce que Laurentie ne peut accepter, c’est la victoire finale du matérialisme. Il voit dans Kant et sa « philosophie de la raison pure » une opposition au sensualisme, c’est-à-dire à un idéalisme qui réfute les connaissances apportées par la religion. Ainsi, il reproche à l’Encyclopédie sa réserve en matière de la foi : cette mise entre parenthèses a ouvert de nouveaux horizons pour une connaissance antichrétienne. Devant ce renouveau scientifique chrétien, Laurentie enterre un peu vite les autres mouvements de pensées :
Tout à présent est épuisé ; le matérialisme est mort ; l’athéisme est mort ; l’éclectisme, qui est le choix de ce qui paraît bon et vrai, l’éclectisme lui-même est mort. Tout est mort ; les philosophies nouvelles, les religions nouvelles, l’illuminisme, le sensualisme, l’idéalisme, le saint-simonisme ; en tout cela il n’y a plus de fibre animée, plus de pensée qui respire51.
31L’inspiration de Laurentie reste marquée par l’ancienne équipe mennaisienne : pour la classification généalogique des sciences, il s’en remet à l’abbé Gerbet. L’unité des connaissances doit être morale et philosophique et doit répondre « naturellement » à une sorte d’harmonie divine52.
32Après la philosophie, Laurentie considère les sciences morales comme les plus importantes53. Il reprend les anciennes analyses mennaisiennes et déclare que la seule autorité existante est celle qui émane de Dieu. Or, cette autorité est connue à l’homme par la révélation, écrite dans l’Évangile et devient la base des sciences morales. Laurentie y voit ainsi, comme son ancien maître, « les rapports nécessaires entre les êtres »54. Faute de mieux, il reprend la théorie de la certitude de La Mennais. Ensuite, Laurentie réhabilite la logique et la métaphysique. Ce n’est qu’ensuite que viennent les sciences sociales qu’il pense toutes expliquées par la théorie du langage de Bonald :
C’est Dieu qui a fait la société, comme il a fait la pensée, comme il a fait la parole ; l’homme créé, la société s’est trouvée faite ; société de l’homme avec Dieu, et de l’homme avec lui-même, c’est-à-dire, société primitive d’intelligence à intelligence, qui précède toutes les combinaisons de société secondaire, établies par des rapports de convenance ou d’utilité55.
33Les lois chrétiennes complètent cette conception religieuse des sciences sociales. Il distingue néanmoins le principe d’autorité de son exercice, afin de condamner toute dérive despotique. Ensuite, la science politique avec l’émergence du droit civil semble digne d’étude pour le journaliste. Mais, droit civil, droit public, droit social, c’est-à-dire droit « humain », ne remplacent pas, pour lui, la loi morale chrétienne qui assure la « liberté intime » de l’homme, et même celle de ne pas lui obéir. Selon le contre-révolutionnaire, cette loi chrétienne est aussi la seule à garantir une bonne justice. Cette loi morale et chrétienne garantit le droit primitif de la famille. Ensuite, l’économie politique est l’étude, pour Laurentie, des intérêts matériels de la société : « Cette science qui cherchait l’amélioration du sort des hommes par des moyens tout distincts de la religion, s’est vue obligée d’assimiler les hommes à des bêtes brutes, ou à des instruments de mécanique »56. Il y dénonce une fausse philanthropie et même une science inhumaine qui ne permet que l’exploitation froide de l’homme :
Un ouvrier, en économie politique n’est autre chose qu’un capital fixe, accumulé par le pays qui l’a entretenu tout le temps nécessaire à son apprentissage et à l’entier développement de ses forces. Par rapport à la production de la richesse, on doit le considérer comme une machine […]57.
34Seul l’espoir de reconstruire les fondements d’une science économique catholique comme celle de Villeneuve-Bargemont pousse Laurentie à l’étude de cette discipline. D’après lui, toutes les sciences sociales doivent arriver à la même conclusion, à savoir que les sociétés modernes comme les anciennes ont une origine commune. Les sciences historiques doivent alors prouver la supériorité des sociétés chrétiennes anciennes, et, à ce titre, peuvent aussi devenir une science fondatrice :
Agrandissons l’histoire pour en faire quelque chose de supérieur aux travaux artificiels des poètes, et surtout aux travaux mécaniques des compilateurs. Peu s’en faut que de la sorte nous ne fassions de l’histoire la première des sciences58.
35Ensuite, il regrette, dans les sciences de la nature, les nomenclatures excessives qui perdent de vue la dimension chrétienne : il veut donc, une nouvelle fois, utiliser « les avantages de la science moderne » pour les appliquer à la confection d’une science de la nature catholique59. Il cite alors les conclusions de Cuvier, excluant tout rapprochement pourtant tenté avec Geoffroy Saint-Hilaire, signe ici d’une fermeture conceptuelle après 1835 de même pour la géologie, la cosmogonie, l’étude des atomes. Il reconnaît une certaine perfection aux mathématiques et à la physique et veut faire oublier les condamnations de l’Église en matière de découvertes scientifiques. Quant à la médecine, elle doit aussi être cadrée par la religion car il craint une médecine athée empiriste comme celle de François Broussais60. À l’instar de Chateaubriand, la littérature ne peut être que l’expression directe du christianisme, source d’imagination et de « génie humain ». Ainsi, un type de poésie doit être science de création et d’expression comme sous l’Antiquité quand les dieux étaient l’inspiration première. De tous ces principes découle pour Laurentie une théorie de l’harmonie tant en musique, en poésie, qu’en architecture. Son traité correspond en tout point aux préceptes de l’école catholique qu’il représente activement. La dimension « ultramontaine » ne ressort que dans la mesure où Laurentie reprend les thèses tant débattues sous la Restauration par l’équipe du Mémorial catholique. Dans sa démarche, Laurentie est aussi guidé par Bonnetty61. Le comte de Senfft et le baron Silvestre de Sacy le félicitent pour sa présentation de la nouvelle encyclopédie62. Le 8 février 1836, Laurentie envoie son Introduction à l’Encyclopédie du xixe siècle à Ouvarov, ministre de l’Instruction russe, et en explique le changement de titre :
Cette Encyclopédie devait avoir d’abord le titre d’Encyclopédie catholique. J’ai beaucoup engagé ses éditeurs à prendre le titre nouveau, qui exprime suffisamment l’intention d’opposer à l’œuvre du xviiie siècle, un travail inspiré par des pensées meilleures, et mieux accommodée aux besoins réels de la société présente. […] Par malheur, il reste encore des légères séparations entre des hommes et même entre des peuples, appelés selon moi à travailler de concert à la régénération du monde. Il est utile de ne point grossir ces différences, et un mot pourrait produire cet effet, lorsque d’ailleurs toutes les idées se rapprochent […] mon catholicisme, c’est l’unité. Dieu veuille que cette unité embrasse un jour et bientôt toutes les nations faites pour donner l’impulsion au reste du monde63 !
36À partir de 1837, Laurentie s’engage toujours davantage dans l’aventure de l’Encyclopédie du xixe siècle. Poussé dans cette voie par le légitimiste Danjou, il devient l’intermédiaire permanent entre les administrateurs de la société et les rédacteurs. L’encyclopédie paraît depuis le mois d’août 1836 sous la forme de 50 petits volumes de 800 colonnes, chacun valant 7 à 8 francs. Mais dès l’année suivante l’affaire semble éprouver des difficultés financières. Laurentie avait déjà rédigé les articles « Ami », « Amitié », « Amour », « Université » mais refusé « Âme », « Vice » et « Vertu ». Danjou le regrette et conclut mélancoliquement que « Diderot aimait mieux son encyclopédie ». En août 1837, le quatrième volume paraît et le cinquième est presque fini. Mais les abonnés sont trop rares, et l’argent vient à manquer. Ce peu de succès rend Danjou pessimiste lorsqu’il constate que l’encyclopédie ne pourra concurrencer l’autre encyclopédie du xviiie siècle :
Ce qu’il y aura de plus déplorable c’est que l’encyclopédie catholique ne réussira pas non plus et qu’on pourra dire hautement que les doctrines catholiques n’ont plus aucun écho en France puisque la seule encyclopédie catholique qui ait été faite n’a pas réussi64.
37De cet échec commercial relatif, l’abbé Migne a pu tirer des enseignements pour son Encyclopédie théologique qui, à partir de 1844, se donne pour ambition de diffuser plus massivement ses ouvrages en englobant tous les catholiques.
*
38Dans leur redéfinition des connaissances catholiques, les légitimistes ont plus de succès avec leurs dictionnaires et biographies qui répondent au même objectif. L’élaboration de dictionnaires et d’encyclopédies nouvelles participe donc à l’invention du xixe siècle. Pour les catholiques et légitimistes, il faut absolument sortir des Lumières et de la Révolution en s’attelant à réécrire les connaissances sous un nouvel angle. Sous l’Empire puis la Restauration, la fabrique des connaissances mais encore celle des « grands hommes » doivent effacer celles et ceux qui constituent des références et se rapportent à la Révolution française. Le courant légitimiste s’empare ainsi du problème : Michaud et Michaud frère écrivent leur Biographie universelle ancienne et moderne puis leur Biographie des hommes vivants pour glorifier les figures de la cause royaliste, dans un contexte de « dictionnarisation » généralisée65. Ils veulent alors faire oublier la Biographie nouvelle des contemporains élaborée par les libéraux dans les années 1820. Laurentie participe à cette entreprise et rédige notamment l’article sur Joseph de Maistre66.
39Les catholiques tentent ainsi, avec difficultés et désunions, de lutter contre les attentes d’une société qui se sécularise, en catholicisant les sciences au moyen de la confection d’encyclopédies aux succès très contrastés.
Notes de bas de page
1 Laurentie Pierre-Sébastien, 1836, Théorie catholique des sciences, Paris, Bureau de l’Encyclopédie du xixe siècle, p. 7.
2 Spitzer Alan Barry, 1987, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, p. 257, 285.
3 Laplanche François, 1988, « La notion de “science catholique” : ses origines au début du xixe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, vol. 74, n° 192, p. 63-90 ; 1994, La Bible en France, entre mythe et critique, xvie-xixe siècle, Paris, Albin Michel. Voir encore Guichen Eugène (de), 1911, La France morale et religieuse au début de la Restauration, Paris, Émile-Paul ; et Foucher Louis, 1955, La philosophie catholique en France au xixe siècle avant la renaissance thomiste et dans ses rapports avec elle (1800-1880), Paris, Vrin.
4 Cf. Dictionnaire de Trévoux, Nancy, Imprimerie de Pierre-Antoine, 1738-1742, p. 180.
5 La Mennais Félicité (de), 1843, Essai sur l’indifférence en matière de religion, Paris, Pagnerre, t. 2, p. 80 et voir Philibert Anne, 2003, Lacordaire et Lamennais (1822-1832), thèse de doctorat (dirigé par Jean-Marie Mayeur), Paris, Université Paris 4, p. 82 sq.
6 Maréchal Christian, 1925, La Mennais : la dispute sur l’Essai sur l’indifférence d’après des documents nouveaux et inédits, Paris, Honoré Champion et, entre autres, l’article de l’abbé de Féletz paru dans le Journal des débats du 8 août 1820 et celui de Laurentie paru dans La Quotidienne du 15 août 1820.
7 Article de Laurentie paru dans La Quotidienne du 21 juillet 1821.
8 Par exemple dans Le Guillou Louis, 1971-1973, Correspondance générale de Lamennais, Paris, Armand Colin, t. ii, appendice 89 de l’abbé Rohrbacher, le 19 août 1820.
9 Louis-Aimé Martin (1782-1847), est un disciple de Bernardin de Saint-Pierre dont il publie les œuvres. Laurentie en fait d’ailleurs un compte rendu dans La Quotidienne du 2 janvier 1821 où il lui reproche d’imiter son maître jusqu’au style. Mais le journaliste ultra retient, logiquement, dans le récit de la vie de Bernardin de Saint-Pierre entrepris par Aimé Martin, le passage où l’écrivain refuse, en 1798, de bannir de la classe de morale à l’Institut de France, la religion. Laurentie lui consacre un second article dans La Quotidienne du 15 février 1824, à l’occasion de la réédition de l’ouvrage d’Aimé Martin intitulé Examen critique des réflexions ou sentences et maximes morales de La Rochefoucauld. Après avoir occupé le poste de titulaire à l’École polytechnique, Aimé Martin devient conservateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Il écrit, après le vote de la loi Guizot sur l’école, De l’éducation des mères de famille où il préconise l’éducation des filles qui, à leur tour, vont instruire toute une famille en tant que mère.
10 Le Producteur, journal philosophique, de l’industrie, des sciences et des beaux-arts, juillet 1826, t. iv, p. 509 sur Laurentie : « […] à la fois philosophe et administrateur, placé entre la théorie et la pratique, il fait un continuel effort pour les rallier ».
11 L’Ami de la religion et du Roi, t. 50, 1827, p. 359-360.
12 Le Mémorial catholique, t. vii, 1827, p. 360 sq.
13 Laurentie avait déjà qualifié de « tourbe encyclopédique » les travaux des philosophes du xviiie siècle dans son article de La Quotidienne du 8 décembre 1818.
14 Garnier Adrien, 1925, Frayssinous et son rôle dans l’Université sous la Restauration, Paris/Rodez, Picard/Carrère.
15 Cette encyclopédie catholique est en projet depuis au moins 1826, date à laquelle elle apparaît dans la correspondance de Laurentie dans une lettre d’Azeglio de 1826 adressée à un tiers, qui est conservée dans le fonds 372 AP 6, dossier 1 (Archives nationales [AN], Paris). L’ampleur de l’entreprise semble affoler leur entourage : « D’après sa réponse, je crois que M. Laurentie a lu seulement la lettre de Mgr Billiet qui se laissant effrayer, comme tant d’autres, par la grandeur de l’entreprise a proposé quelques modifications. Bien loin de là, mon désir, ma première pensée a été de refaire tout ce qui est mauvais. […] Je conclus en adhérant pleinement à l’avis de M. Laurentie : il faut refaire les livres […] ». Le montant de l’entreprise est estimé à 80 000 francs par an pour Azeglio tandis que Laurentie l’estime à 100 000.
16 L’Ami de la religion et du Roi, t. 50, 1827, p. 359-360.
17 Petit fils du naturaliste bernois, Haller est un suisse qui a francisé son nom. Ancien protestant, il est aussi un converti au catholicisme et, à cette occasion, est introduit par l’intermédiaire de Mgr de Quélen, l’archevêque de Paris, au séminaire de Saint-Sulpice.
18 Le Mémorial catholique, t. vii, 1827, p. 360 sq.
19 Ibid., p. 363.
20 Ibid., p. 467.
21 Clausel de Montals Claude Hippolyte, 1827, Nouveau coup d’œil sur le Mémorial catholique par un ancien grand vicaire, Paris, s. n.
22 Le Mémorial catholique, t. vii, 1827, p. 471.
23 Duroselle Jean-Baptiste, 1991, Itinéraires : idées, hommes et nations d’Occident (xixe-xxe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, p. 171.
24 La Mennais Félicité, 1829, Des progrès de la révolution et de la guerre contre l’Église, Paris, Belin-Mandar et Devaux, p. 279.
25 Laplanche François, 1994, La Bible en France, entre mythe et critique, xvie-xixe siècle, Paris, Albin Michel.
26 Rignol Loïc, 2003, Les hiéroglyphes de la Nature. Science de l’homme et Science sociale dans la pensée socialiste en France, 1830-1851 (sous la direction de Michèle Riot-Sarcey), thèse de doctorat, Paris, Université Paris 8, p. 131.
27 « Lettre de La Gervaisais datée du 1er juillet 1834, adressée à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 9.
28 Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Paris, Belin-Mandar, 1836, vol. 31, p. 374-382.
29 Chappey Jean-Luc, 2002, « Catholiques et sciences au début du xixe siècle », Cahiers d’histoire, n° 87, p. 26-27.
30 Pour la question du statut particulier de cet établissement, voir Frijhoff Willem et Julia Dominique, 1981, « Les grands pensionnats de l’ancien régime à la Restauration : la permanence d’une structure éducative », Annales historiques de la Révolution française, n° 53, p. 163.
31 Laurentie Pierre-Sébastien, 1892, Souvenirs inédits, publiés par son petit-fils J. Laurentie, Paris, Bloud et Baral, p. 273-274 et d’après le prospectus du Correspondant. Voir aussi Milbach Sylvain, 2006 (avril-juin), « Les catholiques libéraux et la presse entre 1831 et 1855 », Le Mouvement social, n° 215, p. 9-34.
32 Saint-Priest Ange (de) [dir.], 1836-1853, Encyclopédie du xixe siècle. Répertoire universel des sciences, des lettres et des arts avec la biographie de tous les hommes célèbres, Paris, Au bureau de l’Encyclopédie du xixe siècle.
33 Chappey Jean-Luc, « Catholiques et sciences au début du xixe siècle », art. cit., p. 24.
34 Rignol Loïc, Les hiéroglyphes de la Nature, op. cit., p. 150.
35 Jacques-Paul Migne (1800-1875), est un journaliste et éditeur catholique. Fondateur du journal L’Univers, il fait aussi éditer à bas prix des ouvrages de théologie, des encyclopédies et les écrits des pères de l’Église. Ses éditions connaissent un grand succès. Voir Langlois Claude et Laplanche François, 1992, La science catholique. L’« Encyclopédie théologique » de Migne (1844-1873) entre apologétique et vulgarisation, Paris, Éditions du Cerf.
36 « Lettres de Jacques-Paul Migne à Laurentie de 1835, 1837, 1844-1845, 1857 et 1862 », AN, Paris, 372 AP 9-10-13-17-18-20. En 1835, l’abbé Migne fait faire le compte rendu de l’ouvrage de Laurentie en rupture avec La Mennais dans son journal L’Univers. La conservation incomplète du journal à ces dates à la Bibliothèque nationale de France n’a pas permis de consulter l’article.
37 Rignol Loïc, Les hiéroglyphes de la Nature, op. cit., p. 133 à 139 où il analyse l’article de l’abbé Maret intitulé « De la chaire chrétienne au xixe siècle » publié dans L’Univers du 29 novembre 1833 ; et Langlois Claude et Laplanche François, La science catholique, op. cit.
38 « Lettre d’Ange de Saint-Priest à Laurentie de 1834 », AN, Paris, 372 AP 9.
39 « Lettre d’Ange de Saint-Priest du 19 septembre 1835 à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 9.
40 « Lettre d’Ange Saint-Priest du 29 octobre 1835 à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 9.
41 « Lettre de Walsh du 4 octobre 1835, adressée à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 9.
42 Idem : « Nous aurons tous les sulpiciens et les vicaires généraux pour les conseils en toute occasion. Mais aucun ne veut être publié, pas même M. Picot ». Sur la rupture entre les sulpiciens et les mennaisiens, voir Philibert Anne, 2016, Henri Lacordaire, Paris, Les Éditions du Cerf.
43 AN, Paris, 372 AP 9.
44 « Lettre d’A. de Villeneuve d’avril 1842 adressée à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 12.
45 Laurentie Pierre-Sébastien, Théorie catholique des sciences, Paris, Bureau de l’Encyclopédie du xixe siècle, p. 2.
46 Voir les travaux de Zékian Stéphane, 2011 (mai), « Siècle des lettres contre siècle des sciences : décisions mémorielles et choix épistémologiques au début du xixe siècle », Fabula-LhT [En ligne], n° 8 Le partage des disciplines, URL : https://www.fabula.org/lht/8/zekian.html.
47 « Lettre de La Mennais adressée à David Richard, datée du 29 mars 1835 », Correspondance générale de Lamennais, t. vi, p. 437, cité dans Lambert Frédéric, 2001, Théologie de la république, Lamennais, prophète et législateur, Paris, L’Harmattan, p. 8.
48 Voir dans ce volume Julien Vincent, « “La Grande Famille réunie”. Le champ encyclopédique en France dans la première moitié du xixe siècle ».
49 Laurentie Pierre-Sébastien, Théorie catholique des sciences, op. cit., p. 3.
50 Ibid., p. 5.
51 Ibid., p. 7.
52 Ibid., p. 12.
53 Voir Julien Vincent, « La crise des discours préliminaires. L’encyclopédisme à l’épreuve des sciences morales et politiques (1803-1832) », dans ce volume.
54 Laurentie Pierre-Sébastien, Théorie catholique des sciences, op. cit., p. 16.
55 Ibid., p. 24.
56 Ibid., p. 34.
57 Ibid., p. 35.
58 Ibid., p. 43.
59 Ibid., p. 59.
60 Ibid., p. 71.
61 « Correspondance active de Laurentie, lettre du 21 février 1836 de Laurentie à Bonnetty », AN, Paris, 372 AP 21, dossier 6.
62 « Lettre du baron Silvestre de Sacy à Laurentie, du 20 février 1836 », AN, Paris, 372 AP 10. Senfft écrit dans une lettre du 28 juin 1837 de La Haye adressée à Laurentie que sa Théorie catholique des sciences explore « les voies admirables de la Providence qui, au milieu de la dégradation d’un siècle dominé par le matérialisme le plus abject, laissent apercevoir parmi les esprits élevés un retour prononcé vers les vérités de la foi ».
63 « Lettre de Laurentie datée du 8 février 1836, adressée à Ouvarov », AN, Paris, 372 AP 10.
64 « Lettre de Danjou du 2 août 1837 adressée à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 10.
65 Rétat Pierre, 1990, « L’âge des dictionnaires », in Chartier Roger et Martin Henri-Jean (dir.), Histoire de l’édition française, Paris, Fayard, vol. 2, p. 232-241, cité dans Chappey Jean-Luc, 2010, « Sortir de la Révolution. Inventer le xixe siècle. Les dictionnaires des contemporains (1815-1830) », Revue d’histoire du xixe siècle, vol. 40, n° 1, p. 43.
66 « Lettre de Blosseville du 3 octobre 1842, adressée à Laurentie », AN, Paris, 372 AP 12.
Auteur
Émilie Berthereau, chercheuse associée au CRHXIX, a effectué une thèse sous la direction de Michèle Riot-Sarcey intitulée Enjeux et paradoxes de la vieille France à travers l’itinéraire du journaliste Pierre-Sébastien Laurentie. Royalistes et catholiques à l’épreuve de la modernité (1814-1835) (Paris, Université Paris 8, 2015). Elle travaille à la compréhension de la modernité à travers le regard d’opposants journalistes, autrement dit en étudiant l’imbrication de la contre-révolution au processus révolutionnaire durant le xixe siècle.
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