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Batailles encyclopédiques entre Révolution et Empire
p. 21-42
Texte intégral
1Le 2 février 1798, trois ans après l’avoir lancé sur le marché, Aubin-Louis Millin de Grandmaison informe son ami Karl August Böttiger des difficultés commerciales rencontrées par son périodique, le Magasin encyclopédique, et le sollicite pour lui demander de soutenir sa diffusion auprès des lecteurs des États germaniques :
Vous m’obligerez infiniment de faire connaître et de répandre le Magasin car c’est une entreprise inutile en France où on ne lit que de la politique et des choses frivoles et j’ai beaucoup de peine à le soutenir. Mon journal est estimé chez les étrangers ; et il n’a pas le débit qu’il pourrait avoir1.
2Dix jours plus tard, Millin ajoute que « [le Magasin] est très recherché et peu répandu à cause de la difficulté de le faire parvenir tous les mois exactement »2. En dépit de ces difficultés, les journaux généralistes et encyclopédiques sont nombreux autour des années 1800 et occupent une place essentielle dans les dynamiques des savoirs au tournant des xviiie et xixe siècles. Certains sont déjà bien connus (comme le Journal encyclopédique de Pierre Rousseau3 ou La Décade philosophique4), d’autres, comme le Magasin encyclopédique, attendent toujours leur historien. Le terme d’« encyclopédisme » est souvent difficile à définir mais il renvoie non seulement à une volonté d’exhaustivité des connaissances5 (« tableau encyclopédique ») mais encore à une organisation ordonnée, une classification des savoirs. Le terme est alors confondu avec « méthodique » comme dans le titre d’un ouvrage du naturaliste Pierre-Joseph Bonnaterre : Tableau encyclopédique et méthodique des trois règnes de la nature6. Dans un article de La Décade philosophique de décembre 1794, Millin préconise encore une méthode analytique pour ordonner les livres des bibliothèques : il écrit que « l’ordre alphabétique est toujours le plus mauvais, parce qu’il ne case rien dans l’entendement » et demande une méthode, renvoyant explicitement au « système figuré des connaissances » de l’Encyclopédie et prenant comme modèle les classifications naturalistes7.
3Dès les années 1780, la multiplication et le succès que remportent les journaux encyclopédiques s’accompagnent d’un mouvement de mutation qui caractérise le monde des livres8 et celui des sociabilités. Les libraires peuvent s’appuyer sur des cohortes de plus en plus nombreuses pour composer des équipes de savants, hommes de lettres et traducteurs, figures de « Rousseau des ruisseaux » en quête de réputation, véritables petites mains de ces entreprises encyclopédiques qui se multiplient dans le champ de la presse et de l’édition, alimentant d’ailleurs une vive concurrence dans ce secteur. Pour les libraires et imprimeurs, investir dans l’encyclopédisme est un moyen de répondre aux attentes d’une partie de tous ceux qui fréquentent les nouveaux espaces de sociabilités, loges maçonniques, cafés, sociétés littéraires ou académies. Les Nouvelles de la république des lettres et des arts de Pahin de la Blancherie, publiées à Paris entre 1777 et 1789, sont ainsi destinées à favoriser la correspondance entre les « amateurs » réunis au sein des nouveaux lieux de sociabilité, tels l’Établissement de la correspondance générale et gratuite pour les sciences et les arts qu’il crée la même année (1777)9, la Société apollinienne (1780) – ou Société des Neuf Sœurs –, puis le Musée de Paris (1782), animé par Court de Gébelin, ou encore le musée de Monsieur de Pilâtre de Rozier (1781) qui devient le Musée de Paris en 178510. Dans cette même perspective, Pierre Rousseau (1716-1785) conçoit son périodique, le Journal encyclopédique (1756-1794), comme un outil d’instruction et de vulgarisation des connaissances à destination d’un nouveau lectorat11. Il s’agit de mettre à la portée de ses lecteurs les découvertes faites dans l’ensemble du champ des connaissances humaines. Ces journaux généralistes offrent ainsi des informations scientifiques et littéraires destinées à un public composé autant de « gens de lettres », de « curieux », mais aussi (c’est la nouveauté à partir de 1750) « d’amateurs » ou « d’amis ». En 1779, un « Avertissement » du Journal des savants précise ainsi qu’à l’origine « le Journal était la Gazette des Savants, c’est-à-dire des Gens de Lettres, qui étaient à peu près les seuls qui prissent la peine de lire ; aujourd’hui tout le monde lit et même écrit tout ; de-là naît une obligation particulière d’écrire pour tout le monde »12. Si ce type de sentence doit être nuancée, il n’empêche que les journaux encyclopédiques témoignent bien d’une extension d’un public de lecteurs qu’il convient de conquérir13.
4Il ne convient pas ici de tracer l’histoire d’un genre et d’en mesurer les évolutions. En introduisant la notion d’« usages » et d’« enjeux », il s’agit plutôt d’attirer l’attention sur les différents enjeux possibles de l’encyclopédisme dans les imprimés (journaux, dictionnaires) ou dans les institutions à une période où cet encyclopédisme semble progressivement devenir une notion dépassée et anachronique. La période 1780-1810 est en effet traditionnellement considérée comme celle d’une spécialisation accélérée des différents savoirs scientifiques, processus caractérisé par plusieurs phénomènes théoriques ou sociaux : nouveaux partages entre domaines de savoirs, montée en puissance de nouveaux « patrons », affirmation de langages spécifiques, exclusion de certains acteurs ou marginalisation d’institutions désormais considérées comme ne faisant plus partie du monde des savoirs consacrés. Le « moment 1790-1800 » serait ainsi caractérisé par un mouvement de spécialisation des sciences et de polarisation des lieux de savoirs. Ce mouvement tendrait à expliquer la marginalisation progressive de l’idéal encyclopédique, ravalé désormais à un xviiie siècle dont l’héritage ne serait plus revendiqué que par quelques acteurs en quête de reconnaissance. Aux philosophes des Lumières seraient ainsi opposés les professeurs du xixe siècle. Ce mouvement semble confirmé par un certain nombre de phénomènes comme la faillite du projet encyclopédique des idéologues (suppression de la classe des sciences morales et politiques et réforme de l’Institut national en janvier 1804), la disparition de nombreuses sociétés savantes à vocation encyclopédique comme la Société des observateurs de l’homme ou suppression de La Décade philosophique (1807) puis des Archives littéraires de l’Europe (1808)14. Cette interprétation d’ensemble doit être nuancée, sinon discutée. Avec Patrice Bret, j’avais tenté de mettre au jour les enjeux politiques et intellectuels autour desquels s’étaient constituées de grandes entreprises éditoriales fondées sur l’idéal encyclopédique des savoirs autour de 180015. Étudiant les objectifs et projets des rédacteurs et collaborateurs qui participaient aux diverses entreprises encyclopédiques dans le monde de la presse (La Décade philosophique, Magasin encyclopédique, mais aussi Archives littéraires de l’Europe ou Revue encyclopédique), nous avons montré que, de la Révolution jusque sous la Restauration, les enjeux de l’encyclopédisme ne sauraient être totalement envisagés sans prendre en considération les enjeux politiques et sociaux dans lesquels s’inscrivent les dynamiques intellectuelles. Dès 1789, la promotion – ou le refus – de l’idéal encyclopédique se charge en effet de questions nouvelles qui s’ancrent dans les luttes et les débats politiques. C’est en grande partie parce qu’elle renforce le croisement entre des dynamiques scientifiques et politiques, que la période révolutionnaire peut être considérée comme un moment privilégié des projets encyclopédiques. Plusieurs moments peuvent être distingués, les coupures chronologiques étant en partie liées aux respirations politiques.
I. Encyclopédisme et utilité (1792-1794)
5La promotion de l’encyclopédisme refait particulièrement surface durant l’année 1792 dans le contexte particulier de guerre et de « mobilisation » des savants. Ce mouvement peut être illustré par la tentative, rapidement avortée, mais significative, lancée par Aubin-Louis Millin de Grandmaison pour créer un journal susceptible de devenir un « dépôt » des différents savoirs et de favoriser les communications entre tous les savants, hommes de lettres et artistes. En décembre 1792, il lance en effet son premier Magasin encyclopédique16 dont l’objectif est de redonner une visibilité aux informations scientifiques – face à ce qu’il présente comme une domination de la presse politique – et de favoriser la communication entre les différents savants, tant en France qu’à l’étranger, la perspective européenne étant une dimension essentielle de ces projets encyclopédiques17 :
Presque tous les journaux sont entièrement consacrés à la politique ; il n’en existe point qui soient uniquement destinés à entretenir entre les savants, les littérateurs et les artistes, la communication nécessaire aux travaux dont ils s’occupent ; quelques-uns traitent encore des parties séparées des arts et des sciences ; mais aucun ne les embrasse toutes ; et il n’y en a point qui paraisse tous les jours. Un journal qui n’aura d’autre objet que de favoriser le progrès des connaissances, et d’offrir une lecture agréable, amusante et instructive, doit réussir, s’il est bien fait […]. Notre projet est de rendre un compte exact de tout ce qui se passera dans la république des lettres, et de mettre nos lecteurs au courant de l’état des différentes connaissances en France et chez l’étranger18.
6Le périodique doit se composer d’extraits, de comptes rendus de productions en langue française et étrangère, de mémoires présentés lors de séances d’institutions savantes, de critiques d’œuvres théâtrales et littéraires, de notices biographiques, ainsi que les « découvertes ingénieuses et les inventions utiles, les expériences nouvelles, la formation, l’ouverture des cabinets et des bibliothèques ; les expositions de tableaux ; le précis des séances académiques, l’annonce des récompenses accordées aux savants et aux artistes, celle des prix proposés ou remportés ; des cours publics, etc. »19. S’il est explicitement précisé que les rédacteurs ne publieront aucun article ou commentaire concernant la vie politique, le journal n’exclut pas totalement la politique puisqu’il ouvrira ses colonnes pour « les décrets de la Convention nationale et les actes du Pouvoir exécutif, quand ils auront un rapport direct avec l’instruction publique. Les décisions des tribunaux sur les différends relatifs aux arts et aux sciences ». L’impératif de vulgarisation n’est pas absent car si le journal est destiné aux « savants », il doit par ailleurs pouvoir être lu par les « instituteurs qui voudront mettre leurs élèves à portée de connaître l’histoire littéraire », par « tous ceux qui cherchent à occuper leur loisir » et, plus généralement, par « ceux surtout qui n’ayant que peu de temps à consacrer à l’étude, aiment cependant à acquérir des notions générales sur toutes les parties de l’instruction »20. Ce journal, qui survit jusqu’en avril 1793, répond alors aux aspirations de communication entre les diverses institutions scientifiques.
7Ce besoin de liaison est renforcé après la suppression de l’Académie des sciences, le 8 août 1793, comme l’illustre l’initiative lancée par les membres de la Société d’histoire naturelle lors de la séance du 6 septembre 1793 de favoriser la fraternisation de toutes les sociétés savantes parisiennes : « La Société [sent] combien il importe que tous les amis des sciences et des arts se réunissent pour leur avancement, et [est] persuadée que le moyen le plus efficace pour remplir ce but serait une correspondance active et fraternelle entre toutes les sociétés libres qui les cultivent […] »21. L’heure est alors à la « fusion » de tous les savoirs, un membre de la Société – il s’agit encore de Millin – proposant même, lors de la séance du 20 septembre, d’introduire un mot nouveau pour désigner l’union des sciences et des arts : « Un membre propose d’anéantir le terme science et de chercher un mot qui pût à la fois dénommer l’union des arts et des sciences, et que jusqu’à ce que ce terme fût trouvé, on fit un tableau de chacun des objets de connaissances humaines »22. Selon les rédacteurs de la circulaire envoyée aux membres des autres sociétés savantes de Paris, il convient de savoir « quelle doit être l’organisation et le régime des sociétés libres et quel mode de correspondance doivent-elles adopter entre elles pour qu’elles contribuent autant qu’il sera possible à l’avancement des arts et des sciences » et « comment s’établira la correspondance active et fraternelle qui doit exister entre toutes les sociétés libres qui s’occupent des arts et sciences »23.
1. Doit-il y avoir des sociétés libres uniquement occupées de quelques branches des sciences, ou uniquement consacrées à quelques arts ? ou Ne faut-il pas que dans les sociétés libres, les sciences soient tellement liées ou appliquées aux arts, qu’on ne voie jamais que ceux-ci, les seuls auxquels le peuple doive recourir pour satisfaire à ses besoins ? 2. Comment doit être rédigé le tableau des connaissances humaines, pour qu’il puisse servir utilement à la distribution des travaux que les sociétés libres se partageront entre elles ? ou Quelles sont les sociétés libres qu’il est à souhaiter que l’on ajoute à celles qui existent déjà, pour qu’aucune branche des connaissances humaines ne soit négligée dans le tableau qu’on doit en former ? 3. Les lettres, les sciences et les arts, présentent une classification des connaissances humaines sous le triple rapport de l’art d’analyser ou de combiner des observations ou des pensées ; de l’art de les communiquer et de celui de les appliquer à nos besoins. Il serait à désirer que cet assemblage de nos connaissances fut exprimé par un seul mot : quel pourrait être ce mot ? 4. Quelle est la meilleure manière d’attacher aux sociétés libres tous les hommes capables de contribuer à l’avancement des lettres, des sciences et des arts, et quelles mesures prendra-t-on pour n’en oublier aucune24 ?
8Il semble que plusieurs sociétés savantes aient tenté de répondre aux questions soulevées25. Loin de s’en tenir à quelques principes, les membres de la Société d’histoire naturelle de Paris cherchent alors à donner corps à ces réunions en invitant les membres d’autres sociétés à assister aux séances, particulièrement les membres de la Société des inventions et découvertes, du Lycée des arts. Suivant ce processus de rapprochement, le Magasin encyclopédique est absorbé par le Journal du Lycée des arts, dont le premier numéro sort des presses le 15 avril 179326. Face à l’urgence liée au contexte militaire et à la nécessité de répondre de manière efficace aux besoins des armées, on assiste à une dynamique de réunion entre les sciences et les techniques. Ce mouvement (favorable à la mise en place d’une sorte de complexe militaro-techno-scientifique) est alors favorisé par les autorités, en particulier par les savants qui sont réunis autour des diverses commissions créées autour du Comité de salut public dont Patrice Bret a montré l’importance non seulement dans la « mobilisation » des savants mais plus encore dans la mise en place de la « politique scientifique » entre 1793-179427.
9La période dite de la Terreur semble pourtant accélérer un mouvement de spécialisation des sciences, favorisant les savoirs techniques (armement) et la cristallisation des procédures de construction et de diffusion des savoirs autour d’espaces particuliers dirigés par des patrons et leur clientèle. L’encadrement étatique de la recherche scientifique et technique mis en place sous la Terreur a des conséquences importantes sur l’organisation sociale et épistémologique du monde scientifique. D’une part, il participe à la promotion symbolique de la figure du savant dans l’espace politique et social ; à partir de 1793, celui-ci s’impose, aux côtés du soldat, comme un des remparts contre les ennemis de la république. Cette promotion joue également un rôle évident dans l’émergence de personnalités scientifiques (c’est le cas de Fourcroy, Berthollet ou Chaptal) dont l’autorité scientifique est particulièrement renforcée du fait de leur participation directe et active à l’entreprise politique. D’autre part, nous l’avons évoqué au sujet du Muséum d’histoire naturelle, la période du gouvernement révolutionnaire marque indéniablement une étape importante dans l’organisation des savoirs et, plus précisément dans le processus de spécialisation des sciences dans les domaines aussi divers de la médecine, de l’histoire naturelle, de la chimie et de la physique, secteurs liés à l’effort de guerre, où l’impératif de normalisation théorique et méthodologique a été imposé par les impératifs politiques et militaires. Largement appuyé par la constitution de dépôts où sont concentrés les objets scientifiques et techniques appartenant aux particuliers ou aux anciennes académies, ce processus a conduit à renforcer, à Paris principalement, la concentration des recherches et des travaux des savants au sein de lieux privilégiés qui s’imposent progressivement comme des centres exclusifs de production des savoirs. Dans le domaine de l’histoire naturelle, par exemple, on constate que c’est pendant la Terreur que le Muséum devient le lieu de concentration des matériaux de naturaliste du fait de la vente, comme biens nationaux, des cabinets de curiosité et jardins botaniques, processus de concentration renforcée par l’essoufflement ou la disparition des institutions scientifiques de province. On voit ainsi se renforcer la logique « centripète » de la science et la position de Paris comme véritable « capitale scientifique ». Ce processus de concentration des savoirs fait naître des critiques contre ce qui apparaît comme une véritable confiscation des modalités de production des sciences en faveur de la reconstitution d’une véritable « aristocratie » scientifique28. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, en avril 1794, des acteurs du monde intellectuel, politique et administratif créent La Décade philosophique, journal qui doit répondre aux difficultés liées à l’éparpillement et à la spécialisation des savoirs et dont l’influence ne cessera de s’accroître sous le Directoire.
II. Encyclopédisme et sciences morales. Le Directoire ou la politique encyclopédique (1795-1800)
10C’est au printemps 1794 (avril), dans un contexte politique marqué par la lutte entre les factions au sein du courant montagnard, qu’est créée La Décade philosophique, littéraire et politique par une société de républicains puis par une société de gens de lettres (10 floréal an II [29 avril 1794]-30 fructidor an XII [17 septembre 1804]) qui deviendra la Revue encyclopédique, littéraire et politique (10 vendémiaire an XIII [2 octobre 1804]-1807). Pour ses promoteurs, il s’agit de redonner une cohérence et une unité au sein du monde des sciences et lutter contre l’isolement des savants, un isolement considéré progressivement comme néfaste aux progrès des savoirs. Le journal doit donc encore servir de « dépôt » des travaux menés dans les différentes sciences et devenir un moyen de favoriser les communications entre les savants. Notons que, comme le rappelle Marc Régaldo, la politique est largement présente dans les premiers numéros de La Décade : le 10 floréal an II (29 avril 1794), la revue consacre ainsi six pages aux sciences, six pages aux beaux-arts, cinq pages à la littérature et quarante-quatre pages à la politique :
Ce journal, qui paraît tous les Décadis, depuis le 10 floréal de l’an 2 [29 avril 1794], jouit de quelque estime. Il forme une brochure in-8° de 63 pages d’impression. Il est principalement consacré aux Arts, à l’Agriculture, aux Sciences, à la Morale et à la Littérature. On y donne aussi les travaux de la Convention nationale et les principaux événements extérieurs29.
11Journal à vocation encyclopédique dont le projet est de réunir les hommes de lettres, savants et artistes, sa création, soutenue par les autorités, en particulier par les membres du Comité d’instruction publique, peut être considérée comme le produit d’une réaction contre le processus de spécialisation des savoirs à l’œuvre dans l’espace scientifique, processus qui est la cible de critiques parfois virulentes. La rupture politique progressive avec le régime dit de la Terreur va accélérer encore la revendication d’un retour à l’idéal encyclopédique, nécessaire selon ses défenseurs, pour éviter le retour à la « barbarie » et aux violences produites, selon eux, par les dérives et les folies de la raison30. Au lendemain de la répression des révoltes populaires qui secouent Paris au printemps 1795 et de l’élimination des derniers montagnards (les « martyrs » de prairial), les membres de la Convention dite thermidorienne entendent en effet affirmer une rupture avec la Terreur – réduite à une période de violences – et l’héritage de 1789. Érigés en symbole d’une république des citoyens propriétaires et raisonnables, les savants sont invités à travailler ensemble, le travail solitaire (la spécialisation ou l’érudition) étant susceptible de conduire à une maladie de la raison et à la folie. Dans cette perspective, l’encyclopédisme est présenté comme l’envers de l’égoïsme et de l’individualisme. Les communications entre savants et les circulations entre les savoirs deviennent des mots d’ordre autour desquels se réunissent les partisans de la Constitution de l’an III qui inscrivent la création de l’Institut national des sciences, lettres et arts parmi les institutions majeures de la république. L’affirmation de l’idéal encyclopédique s’impose comme un moyen de stabilisation politique et sociale. Les figures des savants spécialistes de l’an II (chimistes, ingénieurs, etc.) s’effacent derrière les nouvelles figures du savant républicain comme le « médecin philosophe ». Le mouvement de renaissance des sociétés savantes, largement orchestré par les autorités publiques, participe à la promotion de l’encyclopédisme comme l’illustre cet extrait d’une lettre envoyée au ministère de l’Intérieur par les membres de la Société philarétique créée durant le printemps 1798 :
Au mois de ventôse dernier, plusieurs citoyens unis par le goût de la philosophie et les liens de l’amitié, s’assemblèrent pour faire entre eux des conférences sur divers points de morale. Mais remarquant combien cette science sublime avait été jusqu’ici entravée par les superstitions et les préjugés, ils sentirent l’importance de la rendre, par des travaux suivis et réguliers, à la pureté originelle et de lui faire faire de nouveaux progrès, en appelant à son secours les autres sciences physiques et littéraires. Leur nombre s’étant bientôt augmenté, ils résolurent de se constituer en société qui, sous le nom de philarétique, s’occuperait de la morale ou des moyens de conduire les hommes au bonheur par la vertu31.
12Les nouvelles sociétés savantes qui se créent à partir de 1795 sont ainsi invitées à se réunir dans les salles du Palais national des sciences et arts (le Louvre) pour être placées sous la tutelle de l’Institut national dont le règlement et l’organisation doivent être copiés. Les membres des diverses sociétés savantes parisiennes sont ainsi encouragés à travailler ensemble pour former ce que Pierre-Jean-Georges Cabanis définit, en 1796, devant ses collègues de la classe des sciences morales et politiques, « l’encyclopédie vivante ». De manière souvent contraignante (en obligeant les diverses sociétés savantes à partager les mêmes locaux), les autorités entendent ainsi largement reprendre le contrôle sur le monde des sciences et encourager la mobilisation de ses membres au service de la « républicanisation » des esprits32. Alors que les thermidoriens mettent en place des institutions qui joueront un rôle essentiel dans le processus d’institutionnalisation des savoirs (pensons aux trois écoles de santé au sein desquelles la création de nouvelles chaires marque une étape majeure dans l’émergence de la « médecine moderne »), ils entendent néanmoins unifier l’espace scientifique autour des mêmes méthodes afin de garantir l’efficacité de leur entreprise de pédagogie politique. Dénonçant le travail scientifique qui se renfermerait dans les « laboratoires », ils appellent les représentants des différents domaines de savoirs à se réunir autour de méthodes de travail (l’analyse, l’observation) susceptibles de prévenir la raison de dérives toujours possibles et de garantir le succès de l’œuvre de régénération. Le projet de constituer une communauté scientifique dont les membres seraient soumis aux contraintes politiques assignées par le nouveau régime justifie la création de l’Institut national en brumaire an IV (octobre 1795) dont les statuts sont donc précisés dans la Constitution de l’an III, signe de l’importance tant scientifique que politique attribuée à cette institution.
13C’est dans ce contexte particulier que Millin, d’abord aidé par François-Joseph Noël et Israël Warens puis à nouveau seul à partir de 1796, reprend la parution du Magasin33. Cette recréation s’inscrit dans un mouvement d’ensemble marqué par l’apparition d’autres journaux encyclopédiques comme les Études encyclopédiques fondées par Jean-Joseph Regnault-Warin34 qui témoigne du dynamisme de ce type de presse dès les premières années du Directoire. Il n’empêche que ces entreprises ne sont pas à l’abri de difficultés. Faire vivre un journal encyclopédique suscite en effet de nombreux problèmes, particulièrement dans un contexte où la concurrence est forte et le lectorat limité. Le nombre des souscripteurs reste bas et la plupart des journaux savants à vocation encyclopédique ne survivent que grâce au soutien des autorités administratives. On conçoit que les libraires parisiens se montrent prudents pour investir dans ce secteur. Selon l’enquête portant sur les différents journaux politiques et savants de 1803, le nombre de souscripteurs pour La Décade philosophique (666) et le Magasin encyclopédique (104) reste faible35. Comme l’a souligné Patrice Bret, le succès relatif de La Décade s’explique en partie par l’efficacité de ses techniques de vente : le journal se vend par abonnement de trois, six ou douze mois à tarif dégressif (13, 25 et 48 francs) et la gestion du service semble d’une admirable modernité : un coupon imprimé est adressé à l’abonné lors de l’avant-dernière livraison avec la mention « Vous êtes prévenu que votre Abonnement finit le 30 du courant ». Pour répondre à ses ambitions nationales et respecter l’égalité entre les départements, le journal est livré franco de port sur tout le territoire de la république, et « on s’abonne chez tous les Directeurs des Postes ». Par ailleurs, le succès relatif de La Décade peut aussi se justifier par le choix de ses rédacteurs de calquer, dès 1796, l’organisation du périodique sur les fondements épistémologiques défendus, au sein de l’Institut national, plus précisément au sein de la classe des sciences morales et politiques, par les porte-parole du groupe des idéologues.
III. Concurrences et « guerres » encyclopédiques
14La nature du projet encyclopédique de La Décade va en effet progressivement évoluer car, à partir de 1795-1796, ses rédacteurs tendent à orienter le projet vers celui porté, à l’Institut national des sciences, arts et lettres, par les partisans du projet des sciences morales et politiques. Pierre-Jean-Georges Cabanis et Antoine Destutt de Tracy cherchent à en proposer les fondements épistémologiques à partir des travaux du premier sur les rapports du physique et du moral. Le 27 pluviôse an IV (16 février 1796), Cabanis justifie le recours à l’encyclopédisme comme condition de possibilité à la construction d’une science générale de l’homme :
C’est sans doute, citoyens, une grande et belle idée que celle qui considère toutes les sciences et tous les arts comme formant un ensemble, un tout indivisible, ou comme les rameaux d’un même tronc, unis par une origine commune, plus étroitement unis encore par le fruit qu’ils sont tous également destinés à produire : le perfectionnement et le bonheur de l’homme36.
15À partir du 8e volume (nivôse, pluviôse et ventôse an IV [décembre 1795] donc après la loi d’octobre 1795 qui organise l’ensemble des institutions savantes et pédagogiques), les tables des matières de La Décade s’organisent sous forme de rubriques qui doivent dès lors refléter une conception épistémologique : les différentes contributions ne sont plus classées par ordre alphabétique mais rangées dans des rubriques qui renvoient à l’ordre des savoirs promu au sein de l’Institut national. Les rapports du physique et du moral ouvrent ainsi la voie à une nouvelle recherche d’unité des savoirs dans laquelle les sciences morales deviennent des ramifications des sciences physiques, l’encyclopédisme ayant pour conséquence de modifier les rapports entre les sciences, les lettres et les arts37. Dès lors, La Décade, qui devient la cible de critiques virulentes portées par les opposants au projet politique et scientifique du Directoire, s’impose comme l’organe des idéologues. En septembre 1800, dans un contexte de « guerre » menée par ceux qui s’érigent en adversaires des Lumières, ses rédacteurs défendent le principe d’un périodique dont la vocation doit demeurer résolument encyclopédique :
Les auteurs propriétaires de la Décade philosophique, littéraire et politique au public et à leurs abonnés. […] La Décade philosophique fut pendant longtemps le seul journal qui maintînt les lois du goût, la pureté de la langue, et qui rappelât sans cesse les esprits égarés dans de fausses routes, à l’étude des bons modèles. […] Nous suivons donc en général le même plan : nous ne ferons que l’étendre et en améliorer l’exécution. 1. À l’article des Sciences, qui continuera d’être le premier de chaque numéro, et de nous être fourni par les savants les plus distingués, dans les parties des mathématiques, de l’histoire naturelle, de la physique, de la botanique, de la chimie, de la médecine, etc. Nous joindrons désormais plus fréquemment des morceaux sur l’agriculture et sur l’économie rurale. Les nouveaux procédés y seront annoncés dès que la science en aura constaté le succès. Nous noterons aussi avec soin les progrès des Arts mécaniques et les secours qu’ils obtiennent tous les jours de la nouvelle chimie. Notre titre nous défend de négliger les sciences philosophiques : il nous ordonne de résister, selon notre pouvoir, aux tentatives de quelques personnes pour faire rétrograder l’esprit humain vers la barbarie et les préjugés, dont tant de grands écrivains ont cherché à l’affranchir. La plus noble des tâches est maintenant d’achever ce qu’ils ont commencé. En embrassant ainsi toutes les parties des sciences, nous les resserrerons pourtant dans de justes bornes, et nous laisserons, selon le vœu de la plupart de nos Abonnés, plus d’espace que nous n’avons fait jusqu’ici pour la littérature et les Beaux-arts [souligné par nous]38.
16Ses adversaires, particulièrement actifs entre 1795 et 1797, puis de nouveau à partir de 1799, font de l’encyclopédisme de La Décade la cible principale de leurs attaques, lui conférant par là une unité et une cohérence qu’il n’avait pas39. Selon la même logique mise au jour par Darrin McMahon pour les Lumières du xviiie siècle, l’encyclopédisme de La Décade est en effet largement réifié par ceux qui se présentent comme les adversaires des Lumières et de la philosophie du xviiie siècle40. Or, loin de pouvoir être réduit au statut d’un simple « organe » de l’Idéologie41, le journal conserve une certaine indépendance qui se marque dans la diversité des rubriques et l’hétérogénéité des collaborateurs qui ne peuvent être tous rangés sous la même bannière. Comme toutes les entreprises de presse politique ou scientifique du Directoire, les entrepreneurs ne cessent de négocier avec les autorités administratives pour conserver leur indépendance éditoriale. Si le sous-bibliothécaire de l’École de médecine de Paris, Jacques-Louis Moreau de la Sarthe, joue un rôle essentiel dans la diffusion des thèses de Cabanis, La Décade philosophique cherche toujours à élargir son public et, en intégrant une large variété de rubriques, à conserver une certaine distance avec les travaux de la classe des sciences morales et politiques, quitte parfois à présenter des opinions opposées et une certaine hétérogénéité éditoriale. Les rubriques « Sociétés des sciences, arts et belles-lettres » et « Annonces. – Livres nouveaux » sont sans doute les plus intéressantes par leur diversité.
17La « guerre » politique et intellectuelle sous le Directoire et les premières années du Consulat a eu pour effet de réduire l’encyclopédisme au seul projet des idéologues et, plus encore, aux principes défendus par certains d’entre eux, en particulier Cabanis et Destutt de Tracy. Or, sous le Directoire, il serait plus juste de parler d’encyclopédismes tant les projets qui se rattachent à cette configuration sont nombreux et divers. Et ce justement parce qu’on ne saurait penser l’encyclopédisme en termes de « bloc » ou de projet cohérent et unifié susceptible d’être porté par un groupe. En fait, il existe de nombreux projets à vocation encyclopédique au sein même de l’Institut national et des partisans de la république, une diversité qui peut d’ailleurs non seulement expliquer la fragilité du projet porté spécifiquement par les idéologues mais aussi justifier le fait que la « défaite de l’Idéologie » de 1803 ne signifie pas la disparition de toute forme d’encyclopédisme, tant s’en faut. Ainsi, le modèle encyclopédique défendu par Millin dans son Magasin reste très éloigné de celui de La Décade. Il ne faudrait pas réduire cette différence à des prises de position plus tièdes de Millin envers la république, mais à une manière de penser le projet encyclopédique. Alors que certains rédacteurs et collaborateurs de La Décade étaient convaincus de la nécessité de construire une véritable unité des savoirs autour de principes épistémologiques communs et susceptibles de rendre possible la construction d’une science générale de l’homme (on peut penser par exemple aux articles écrits en ce sens par Jacques-Louis Moreau de la Sarthe), l’encyclopédisme de Millin renvoie plutôt aux logiques des bibliographes et des professionnels du monde des livres dont il est d’ailleurs proche : il s’agit pour lui de proposer une variété de sujet à ces lecteurs, de les informer des nouvelles publications ou découvertes et des travaux originaux. Cette conception bibliographique de l’encyclopédisme s’appuie sur une organisation matérielle sur laquelle la correspondance du directeur du Magasin encyclopédique conservé à la Bibliothèque nationale permet de lever le voile. Notons immédiatement que cette organisation a un coût important comme l’illustre cet extrait d’une lettre adressée par Millin à Bödecker :
J’avais autrefois de la fortune, douze mille livres de rente, la Révolution me les a ôtées. Je ne le regrette pas car si quelque chose avait été dérangé aux événements de ma vie, je n’aurais peut-être pas la place que j’occupe et que j’estime être au-dessus de toutes les richesses du monde. […] Je vous ai parlé de ma fortune ; elle n’est plus rien puisque je n’ai que mes appointements et mon travail et que j’ai des charges, une mère âgée, qui a vécu dans l’aisance […] enfin les lettres me coûtent et il me faut des personnes pour écrire, des livres étrangers pour me tenir au courant etc, etc. et dans ce moment j’ai formé chez moi une réunion d’hommes à talents, tous les gens instruits sont sûrs d’y être bien reçus et de s’y rencontrer42.
18Les directeurs de ces publications occupent à chaque fois des positions qui, sans être centrales, sont toujours à la croisée des espaces de sociabilités et des réseaux savants, administratifs et éditoriaux.
IV. Sociabilités et réseaux de l’encyclopédisme : l’exemple d’Aubin-Louis Millin de Grandmaison
19La collecte de matériaux susceptibles d’alimenter les colonnes du journal constitue un véritable défi justifiant la mobilisation des ressources les plus diverses. Sans occuper une position centrale au sein du monde des sciences, Millin parvient néanmoins à jouer un rôle d'intermédiaire que l’on peut définir comme celui de médiateur consacré, son rôle central joué dans les dynamiques de circulation des savoirs lui permettant d’être un acteur recherché et reconnu dans le monde des sociétés savantes. Cette position particulière au sein des institutions administratives et scientifiques permet à Millin de mobiliser des ressources susceptibles d’un côté, d’alimenter en matériaux les plus divers les colonnes de son périodique, de l’autre, de favoriser la circulation de son journal et d’accroître sa publicité afin d’augmenter le nombre des souscripteurs. Dans le prospectus du Magasin, il est ainsi précisé que la « plupart des hommes qui ont un nom distingué, une réputation justement acquise dans quelque partie des arts ou des sciences, tels que les citoyens Daubenton, Desfontaines, Delille, Haüy, Hermann, La Harpe, Lacépède, Lalande, Le Roy, L'Héritier, Mentelle, Oberlin, Volney, Sicard, Desault, Lagrange, Fontane ont promis de contribuer au succès de cette entreprise »43. En 1795, Millin est alors directeur du cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale (il a succédé à Barthélemy) et professeur à l’école centrale du Panthéon. Plusieurs de ses proches collaborateurs sont réunis autour du personnel de la Bibliothèque nationale. On peut ainsi mentionner le rôle majeur joué par le premier directeur de l’École spéciale des langues orientales, Louis-Mathieu Langlès. Dès le début, les orientalistes et les antiquaires (Sylvestre de Sacy, d’Ansse de Villoison ou le Grec Adamance Coray) vont jouer un rôle important dans la rédaction du Magasin – ils fournissent des mémoires sur des objets précis, mais surtout alimentent les rubriques en traduction et présentations et critiques d’ouvrages. Les réseaux savants constitués par Millin dépassent largement les frontières parisiennes : grâce à ses activités au sein du monde des naturalistes et des antiquaires, il peut s’appuyer sur des relations dans plusieurs départements et à l’étranger. Parmi les collaborateurs, Jérémie-Jacques Oberlin est lui-même au cœur d’un dense réseau de relations entre la France et les États allemands. Oberlin est un relais important auprès des libraires et des savants allemands. Dans les premières années du Directoire, il envoie également de nombreux mémoires à Millin. Aux côtés des personnalités savantes dont il s’entoure, Millin reçoit également des matériaux envoyés directement par des souscripteurs qui lui permettent ainsi, comme le montre cet extrait d’une lettre en provenance du Pas-de-Calais, d’alimenter son journal de données relevant de savoirs locaux :
Depuis longtemps, Citoyen, retiré dans une campagne solitaire, on s’occupe de la botanique et de l’agriculture. J’ignorais l’existence de votre magasin encyclopédique. On vient de me le prêter et sa rédaction et les matières qui le composent m’ont tellement satisfaits que je vous prie de vouloir bien me mander le prix des années qui ont paru jusqu’à ce jour et celui des souscriptions. Je pourrais quelquefois prendre la liberté de vous adresser quelques morceaux relatifs à mes occupations, non pour me faire connaître, car la vie ignorée me semble favorable à une célébrité mal acquise, mais pour l’utilité générale […]44.
20Il s’appuie également sur plusieurs personnalités politiques comme Henri Grégoire (que Millin connaît dès 1789 grâce aux solidarités tissées dans le monde des naturalistes et auquel Millin doit en partie sa nomination au cabinet des médailles et des antiques de la Bibliothèque nationale) ou Jean-François de Bourgoing, ambassadeur en Espagne qui joue, sous le Directoire, un rôle central dans les négociations diplomatiques. Travaillant sur les réseaux et enjeux diplomatiques autour du Magasin, Virginie Martin a ainsi montré comment Millin pouvait s’appuyer sur un dense réseau d’agents diplomatiques dispersés en Europe, le Magasin servant à constituer un vaste dépôt nécessaire à la connaissance des sociétés européennes et à la justification de la mission civilisatrice de la nation française45. Parmi les collaborateurs de Millin, elle souligne le rôle joué par trois hommes de lettres qui apparaissent comme des pièces maîtresses du réseau diplomatique constitué autour du Magasin encyclopédique : François-Joseph Noël (1756-1841), Antoine-Bernard Caillard (1737-1807) et Charles-Frédéric Reinhard (1761-1837), respectivement ministres de la république à La Haye, Berlin et Hambourg, qui sont tous trois nommés pour ces missions en juin-juillet 1795. Noël collabore dès 1789 aux côtés de Millin à la rédaction de la Chronique de Paris et participe à la création (Israël Warens) du Magasin en 1795. Il faut aussi mentionner le rôle joué par Marie-Gabriel Florent Auguste Choiseul-Gouffier (1752-1817), ambassadeur en Saxe.
21Ces échanges ne sauraient néanmoins se passer des relations, essentielles pour la survie de l’entreprise, tissées par Millin au sein du monde de l’édition. Ses relations privilégiées avec des libraires permettent à Millin de construire un vaste réseau de circulations d’imprimés et d’ouvrages. : le Magasin est en effet alimenté par les matériaux fournis par les autres journaux auquel Millin est abonné, journaux français mais surtout allemands. Il est directement lié à plusieurs autres rédacteurs de journaux et productions encyclopédiques en langue allemande comme Posselt et Ersch. La survie du Magasin repose ainsi sur la mobilisation d’un réseau entre les imprimeurs et libraires français (comme l’imprimeur parisien Sajou à partir de 1807) et européens, particulièrement allemands grâce aux relations établis avec Böttiger, mais aussi avec les imprimeurs-libraires Treuttel et Cotta, Jakob Decker à Bâle et Johan Christian Dieterich à Göttingen. L’enjeu de l’attention avec laquelle Millin façonne et entretient ses réseaux est aussi intellectuel que commercial : il ne saurait s’en passer sans mettre en cause son entreprise. D’où cette activité prolifique qui pouvait d’ailleurs susciter la curiosité, sinon les critiques chez certains de ses contemporains.
Figure 1. Appartenance de Millin aux sociétés savantes entre 1796 et 1816
1796 | 1799 | 1807 | 1813 | 1816 |
8 (4)* | 11 (6) | 35 (25) | 45 (29) | 46 (24) |
Légende* : Le nombre figurant entre parenthèse correspond au nombre des sociétés installées à Paris.
22La sociabilité chez Millin est un véritable impératif qui l’oblige à faire flèche de tout bois. Il trouve auprès des membres de ces diverses sociétés des nouveaux collaborateurs susceptibles de lui apporter des matériaux nouveaux46 ; il peut surtout élargir son réseau de souscripteurs même si l’état des finances des institutions savantes et pédagogiques reste fragile comme le montre cet extrait d’une lettre envoyée par le bibliothécaire de l’école centrale de l’Ariège :
Notre école centrale ayant été obligée de suspendre son abonnement à votre journal à cause de la suspension d’acquit de ses traitements, je vous prie de me faire parvenir le numéro où il sera fait mention de mes écrits, en attendant que nous école puisse renouveler son abonnement47.
23Il multiplie ainsi les appartenances dans les sociétés savantes en France et à l’étranger au risque de se faire rappeler à l’ordre lorsqu’il manque à ses obligations de membre associé48. Il arrive même parfois que, pour combler quelques vides, Millin n’hésite pas à aller piocher dans les colonnes d’autres journaux parisiens sans forcément mentionner ces emprunts comme l’illustre ce billet de Silvestre, secrétaire de la Société philomathique en 1801 :
La Société philomathique, mon cher ami, a reçu le dernier numéro de ton Magasin encyclopédique ; elle prend connaissance avec un intérêt toujours nouveau des articles qui sont contenus dans cet ouvrage utile ; mais elle a vu avec quelque peine que tu y avais inséré plusieurs articles du Bulletin des sciences sans indiquer la source où tu les as puisés, ni le nom de leurs auteurs. Elle me charge de t’inviter à le faire par la suite ; elle regarde l’insertion dans le Magasin comme un moyen de répandre la connaissance du Bulletin qu’elle rédige et de lui acquérir de nouveaux souscripteurs, et elle n’obtiendrait pas ce but si les extraits n’indiquaient pas le bulletin d’où ils sont tirés. […] Silvestre, le 19 germinal an IX [9 avril 1801]49.
24Pour « faire vivre » ces différents réseaux, Millin n’est pas seul. Il s’appuie en particulier sur des proches collaborateurs qui jouent le rôle de secrétaires. Parmi eux, Louis-Christophe Duvernoy (1781-1841) qui s’occupe, entre autres, du suivi éditorial du Magasin sous l’Empire : comme le montre le rythme soutenu de la correspondance entre les deux hommes (une à deux fois par semaine), cette activité éditoriale est particulièrement chronophage. Si la collecte des matériaux et les informations envoyées par les différents collaborateurs font défaut, le journal est ainsi rapidement en situation de fragilité. Afin de consolider la collecte de matériaux, Millin et Duvernoy vont se rapprocher à partir de 1811 d’un acteur important : le concierge de l’Institut national, un certain Feuillet qui leur garantit l’accès aux différents périodiques qui sont envoyés à l’Institut. Progressivement, il devient un collaborateur assidu du journal.
Paris, le 20 septembre 1811 : […] L’impression du Magasin marche comme de coutume. On imprime les nouvelles littéraires. À propos de ces nouvelles, nous aurons un bon moyen de les rendre intéressantes : on reçoit régulièrement à l’Institut les journaux de Halle et d’Iéna. Monsieur Feuillet aura la complaisance de me les laisser emporter tous les mois pour y prendre les articles qui nous conviendront. D’un autre côté, il lit chaque jour le Moniteur et le Journal de l’Empire. Il notera chaque numéro où il y a quelque article intéressant, ce qui me procurera une plus grande abondance de matériaux et m’en facilitera le choix. M. Feuillet prend beaucoup d’intérêt au Magasin. C’est un homme extrêmement obligeant, très instruit et je me félicite beaucoup d’être en relation avec lui. Vous seriez tout surpris Monsieur de la considération dont je suis environnée. On me regarde comme chargé de pleins pouvoirs pour la rédaction du journal quoique je ne fasse rien sans en communiquer avec M. Feuillet. Il est plaisant de voir les auteurs venir solliciter de moi la prompte insertion de leurs articles. Le nombre n’en est cependant pas abondant. Je m’attends qu’en Italie vous obtiendrez quelques bons mémoires des érudits qui y fourmillent. […] M. Champollion nous a donné un mémoire et nous en prépare un autre ainsi que quelques analyses d’ouvrages50.
25Comme le signale Duvernoy, Feuillet sert aussi d’intermédiaire entre le périodique et les savants de l’Institut :
M. Feuillet tachera d’obtenir de M. de Sacy un mémoire qu’il voulait faire imprimer dans le Moniteur. Je suis bien étonné qu’il ait eu cette intention d’autant plus qu’après l’avoir inséré dans le Magasin il peut le faire réimprimer dans le Moniteur. M. de Rémusat nous en promet aussi un. Nous commençons à être passablement en fonds51.
26En dépit de leurs efforts, il n’en reste pas moins que l’entreprise reste fragile. Alors qu’il arrive que les collaborateurs ne respectent pas les délais, leur contribution se révèle parfois décevante et de faible qualité. Duvernoy est alors obligé de mettre la main à la pâte en réécrivant des textes ou en traduisant des papiers issus d’autres journaux afin de pallier les déficits :
Le Magasin de novembre est terminé et vous sera adressé demain ou après. J’avoue qu’il ne vaut pas le précédent. Les nouvelles sont pauvres, aucun journal d’Allemagne n’étant arrivé. Votre article sur M. Fourier était long et n’a pas permis de mettre beaucoup de variété dans les livres divers. Les mémoires de décembre seront composés d’un article sur les vases romains de M. […] ; un de M. Girault qui a pour titre « Voyage du roi Dagobert en Bourgogne » (qui n’est pas excellent) ; d’un extrait d’un mémoire sur les [russ] d’Herculanum de M. Morgenstern que j’ai traduit de l’allemand et peut-être d’un article de M. Rémusat. M. Langlès renouvelle ses craintes sur la suppression du Magasin. Je ne sais ce que je dois croire ; d’après ce qu’ont assuré M. Le Breton et Étienne et que je vous ai mandé. Le fait est que M. Sajou n’a encore rien appris d’officiel à ce sujet ; et cependant nous sommes bientôt au milieu du mois ; il n’est pas à croire qu’on lui laisserait renouveler l’abonnement si on avait envie de supprimer le journal52.
27La tâche s’avère souvent d’autant plus compliquée que Millin ne parvient pas à avoir l’exclusivité des articles, obligeant ainsi Duvernoy à publier des articles qui ne donnent pas forcément satisfaction, mais qui ne seront pas, ainsi, publiés ailleurs :
Je conviens, monsieur, entre nous de tout ce qui vous plaira au sujet du Magasin. La chose est fort bonne à dire mais j’ai tiré parti de ce que j’avais quant à l’article de M. Rémusat. J’ai mieux aimé l’imprimer dans le mois d’octobre que d’en être frustré car il était réservé pour un autre journal. Je n’ai pour le mois de décembre que peu de chose. Je me propose de mettre dans les mémoires une traduction du voyage des frères Meyer au Jungfrau Bery qui est un des pics les plus élevés des Alpes. La relation en a été imprimée dans les Éphémérides. J’ai aussi l’extrait d’un mémoire de M. Morgenstern sur les [russ] d’Herculanum que j’ai traduit des annonces de Göttingen53.
28On le voit, le caractère encyclopédique du périodique ne renvoie pas forcément à un projet construit et cohérent mais repose sur un véritable pragmatisme lié aux opportunités offertes aux responsables de l’édition. Le temps constitue un enjeu majeur, obligeant ainsi ces derniers à réagir et à publier rapidement des papiers sans forcément pouvoir effectuer un réel travail d’édition, provoquant les critiques de certains des collaborateurs comme Oberlin :
Strasbourg, le 19 floréal an IV [8 mai 1796] : Je viens de recevoir le n° xxii de votre Magasin dont je vous remercie. Il faut espérer que comme vous dites, mon cher ami, les circonstances du temps ne portent pas obstacle à sa continuation. Je continue de mon côté avec plaisir à vous fournir quelques pièces […] mais je souhaite que vous apportiez le soin convenable à la correction de l’impression. […]. À moins que je n’aie de planches corrigées de mon mémoire, je ne puis le présenter à personne. La négligence de votre graveur est bien étonnante. Je lui avais marqué des corrections à faire ; il n’y a fait guère attention54.
Strasbourg, le 8 prairial an IV [27 mai 1796] – j’ai reçu mon cher Millin, le 1er numéro du Magasin. J’aurai désiré d’y trouver des errata. Vous dites avoir reçu ma lettre et d’avoir répondu à toutes. Permettez que j’en doute. On répond par des paroles et par des actions55.
29Ces réseaux de circulation des matériaux et de collaborateurs peuvent être redondants et se déplacer vers d’autres entreprises éditoriales. Une grande partie des membres du réseau constitué autour de Millin se déplace ainsi vers le groupe des collaborateurs réunis autour des Archives littéraires de l’Europe, périodique créé en 180456. L’organisation mise en place par Millin lui permet de résister, parfois difficilement, aux transformations politiques et intellectuelles qui rythment les périodes consulaires et impériales, transformations, souvent défavorables aux entreprises encyclopédiques, marquées en particulier par la réorganisation de l’Institut national en janvier 1803 ou par la disparition de la Revue encyclopédique (anciennement La Décade) réunie au Mercure en 1807 au profit de périodiques ou d’espaces de sociabilité savantes plus spécialisés57. L’encyclopédisme est la cible de plusieurs attaques : de la part des spécialistes tel que Georges Cuvier qui prône la spécialisation ou la séparation plus stricte entre lettres et sciences et s’attaque, sous l’Empire, aussi bien aux partisans de Buffon qu’à ceux de Mesmer ; de la part des hommes de lettres proches des catholiques et royalistes, qui défendent l’idée d’une distanciation entre les lettres et les sciences58. À bien des égards, l’année 1802 apparaît comme un tournant essentiel. La loi sur la réforme des institutions pédagogiques présentée par Fourcroy cette année-là, qui aboutit à renforcer l’autorité des professeurs des grandes institutions parisiennes, conjuguée aux difficultés qui traversent le monde de l’édition et à la politique de distribution des faveurs et des gratifications, ont pour conséquences de promouvoir une nouvelle « aristocratie » scientifique et littéraire. Ses membres tendent progressivement à s’arroger la qualité de « professionnels », qui instaurent comme dominantes et exclusives de nouvelles normes méthodologiques, et cherchent à confisquer un domaine de savoir dont les frontières correspondent à l’intitulé de leur chaire d’enseignement. Lorsque la même année, Cabanis tente de résister à cette évolution en publiant ses Rapports du physique et du moral, il est la cible, dans les journaux officiels, de violentes critiques qui l’accusent non seulement d’être « matérialiste », mais surtout de vouloir faire dépendre la stabilité politique et sociale de la construction d’une science générale de l’homme et du travail commun des savants, des hommes de lettres et des artistes. L’encyclopédisme devient progressivement anachronique. Les enjeux politiques sont aussi importants que les enjeux intellectuels : l’entreprise qui est menée, à travers l’épuration du Tribunat, la réforme de l’Institut national et la suppression de la classe de sciences morales et politiques en janvier 1803, vise surtout, d’une part, à rompre avec la mission régénératrice et civilisatrice conférée aux sciences et, d’autre part, à neutraliser, voire à supprimer, le pouvoir social et politique conféré aux savants, et plus généralement à la communauté savante incarnée encore par l’Institut national. L’idéal de « l’homme complet » du Directoire qui pouvait s’incarner dans certaines grandes figures du savant « philosophe » du xviiie siècle (Buffon ou Vicq d’Azyr) s’efface derrière la figure du savant « sédentaire » et du « professeur ». Le processus de renforcement de l’autorité individuelle aux dépens du pouvoir collégial et communautaire caractérise autant l’espace politique qu’intellectuel. Les effets de cette transformation sont multiples et bien connus : l’Institut national perd sa position centrale dans l’organisation institutionnelle des savoirs, les sociétés savantes ou les journaux à vocation encyclopédique (la Revue philosophique, littéraire et politique ou le Magasin encyclopédique) tendent à disparaître à se spécialiser au profit de nouveaux espaces comme la fameuse Société d’Arcueil créée en 1808. Sur le plan social et institutionnel, le régime encourage et favorise la (re)constitution d’une élite restreinte de « professeurs » des grandes institutions scientifiques et pédagogiques (Muséum d’histoire naturelle, École de médecine ou École polytechnique) qui tendent à s’arroger par le contrôle exclusif des normes de validation scientifique, la promotion de nouvelles pratiques de connaissance et la confiscation des matériaux de savoir (les collections anatomiques ou botaniques, par exemple, mais pensons aussi aux enjeux qui entourent la mathématique algébrique) et ainsi à renforcer leur contrôle sur le domaine disciplinaire défini par leur chaire d’enseignement. Sur le plan institutionnel, on assiste à un éclatement des différents lieux de savoirs, et au sein même de ces lieux de savoirs à une polarisation des recherches justifiant les luttes que se livrent les différents professeurs. En faisant éclater l’« encyclopédie vivante » auquel l’Institut devait donner corps, Bonaparte rompt avec l’idéal républicain et renforce son contrôle sur un espace savant dont chaque acteur tient désormais son autorité du Premier Consul et de l’Empereur. Bonaparte en personne s’arroge désormais la place d’instance de validation et de consécration au sein de l’organisation intellectuelle comme le montre, dès le Consulat, son soutien à Volta, la publication en 1808 des différents Rapports à l’Empereur sur le progrès des sciences, lettres et arts et la création de l’Université.
30Il semble possible de mettre en relation le processus de concentration de l’autorité politique entre les mains d’un seul et le processus de spécialisation et d’individualisation qui caractérise le monde scientifique et littéraire. Les systèmes de représentation sur lesquels est fondée l’identité du savant ou de l’écrivain se transforment : alors que sous le Directoire, être savant, c’est marquer son appartenance à une communauté à travers la mention des appartenances multiples aux institutions de savoirs, l’Empire se caractérise par la promotion du « nom commun » suivi de la mention d’une appartenance unique ; dans le monde des lettres, la valorisation de la figure du « génie » peut également être interprétée en termes d’individualisation de la figure de l’écrivain aux dépens de l’idée de « république des lettres ». L’autorité scientifique et littéraire tend ainsi à se concentrer entre les mains de nouveaux « patrons », véritables homo clausus, qui, à l’instar d’un Georges Cuvier stigmatisent sous les notions d’« amateurs » ou de « charlatans » tous ceux qui s’opposent à ce processus général. Plus encore, en s’imposant comme l’instance de consécration intellectuelle et de contrôle des carrières scientifiques, littéraires ou artistiques, l’État provoque l’éclatement progressif de l’idéal d’une communauté intellectuelle homogène au profit d’une lutte d’intérêts individuels transformant certaines institutions en véritables champs de bataille. Ce phénomène est encore accentué par la crise générale de l’édition (dans les premières années du Consulat) et la politique de regroupement des journaux initiée par les autorités administratives. En dépit de l’offensive menée par les adversaires de l’encyclopédisme et par l’inflexion des autorités qui encouragent plutôt le processus de spécialisation, le Magasin parvient à se maintenir et cela malgré les mises en garde réitérées de Duvernoy et du soutien que semble lui accorder Sajou.
Le Magasin ne perd rien de son intérêt et l’impression est faite avec tout le soin possible. […] M. Sajou ne gagne point avec le journal. Il faut beaucoup de ménagements pour ne point le rebuter et je crois que mes encouragements ont un peu contribué à lui faire continuer cette entreprise. On doit quelques attentions à un homme qui fait des sacrifices et qui cependant n’est guère dans le cas d’en faire59.
31Une des difficultés essentielles auxquelles doivent faire face Millin et Duvernoy est la menace, toujours brandie par les autorités, d’une augmentation du prix du timbre, un outil majeur qui permet à l’administration de contrôler le monde de la presse. La correspondance de Duvernoy permet de mesurer l’importance de cette question et les démarches quasi quotidiennes qui doivent être réalisées pour parvenir à défendre les intérêts du journal. Duvernoy et Sajou doivent ainsi faire régulièrement le siège des bureaux du directeur général de la Librairie, Joseph-Marie Portalis puis François René Jean de Pommereul à partir de 1811 et des différents censeurs chargés de contrôler les journaux. En septembre 1811, Duvernoy informe Millin de son entretien avec le censeur Alexis-François Artaud de Montor (auteur des Considérations sur l’état de la peinture en Italie, 1808) : « nous serons surtout obligés de nous restreindre pour ce qui regarde les nouvelles étrangères, de même l’analyse des productions littéraires qui paraissent dans certains pays »60. L’imprimeur Sajou doit intervenir directement pour soutenir l’entreprise :
M. Sajou a été voir M. de Pommereul pour l’impôt du Magasin. Cette mesure serait terrible si elle s’exécutait puisque d’après un calcul certain elle reviendrait à 1 500 francs. M. Sajou a présenté que ce serait anéantir l’entreprise et il espère pouvoir s’en tirer à de meilleures conditions et qu’on ne timbra que les exemplaires des abonnés. Je crois qu’il ne sera pas utile que vous écriviez à M. de Pommereul. Je ne sais pas s’il est fort bien disposé pour vous. Il vaut mieux que Sajou représente cette affaire comme l’intéressant particulièrement. On aura plus d’égard à la misère d’un imprimeur qu’à la considération d’un savant61.
32Ces démarches sont d’autant plus complexes qu’entrent en jeu, dans les discussions, des rivalités individuelles et des concurrences parfois anciennes qui se rejouent par le biais de la porosité entre le monde de la presse et le monde administratif. Entre octobre et décembre 1811, Duvernoy fait plusieurs fois état des menaces qui semblent peser sur la survie du Magasin. Selon Duvernoy, le périodique serait alors victime d’une offensive menée par des concurrents :
Nous nous rendrons demain à l’Institut M. Sajou et moi pour parler à MM. les membres de votre classe collaborateurs du Magasin, et les engager à en prendre chaudement les intérêts. Il suffirait d’une petite note adressée au ministre et signée par ces messieurs pour arrêter [cette] cabale »62.
On parle de M. Amaury Duval comme un des instigateurs de cette mesure mais on ne sait pas trop ce qu’il faut croire. Le meilleur peut-être est de laisser tomber ce bruit qui est incertain. […] Cependant il sera bon d’être toujours sur ses gardes63.
33Ce n’est qu’en 1816 que Millin doit saborder son entreprise du fait des nouvelles lois sur le timbre qui fragilisent considérablement les conditions matérielles de son organisation :
Il y a vingt et an que je rédige un journal purement littéraire et scientifique qui porte la lumière sans trouble et dans lequel on ne trouvera pas un mot sur la politique et les événements. Ce journal intitulé Magasin encyclopédique a reçu l’approbation de toute l’Europe. Il s’est toujours soutenu dans les divers changements de gouvernement parce qu’il n’a jamais subsisté par leurs secours et que l’auteur a livré le manuscrit sans aucun salaire pour sa rédaction. Ce journal reconnu utile, qui a résisté à tous les orages et qui devrait subsister encore plus facilement sous un règne tranquille, est pourtant détruit absurdement par la loi du timbre établi sur les journaux scientifiques64.
34Millin n’abandonne pas l’idée de poursuivre la publication d’un périodique savant puisqu’il soutient quelques années plus tard l’initiative de Marc-Antoine Jullien de créer, dans un contexte politique nouveau, sa Revue encyclopédique65. En dépit d’un indéniable processus de spécialisation et de polarisation des savoirs qui caractérise l’espace intellectuel en France, cet idéal encyclopédique n’a pourtant pas disparu, bien au contraire. Le Congrès de Vienne suscite un regain d’intérêt pour cette idée, en relation avec la volonté de repenser les relations entre les nations (dans la continuité du projet défendu par les rédacteurs des Archives littéraires de l’Europe entre 1804 et 1808) et de construire de nouveaux rapports entre les populations – sinon les élites – européennes. Comme l’a rappelé Barbara Revelli, le périodique créé par Jullien de Paris a pour objectif de fonder un « rapport confédératif […] entre les nations européennes »66. C’est ce même projet qui est défendu par Henri Grégoire qui souhaite créer un parlement des hommes éclairés et vertueux, venus de toute l’Europe et réunis autour de l’idéal encyclopédique67. Paradoxalement, c’est bien sous la Restauration que cet idéal encyclopédique, en retrait sous l’Empire, redevient un vivier dans lequel viennent puiser tous ceux qui animeront les courants politiques et scientifiques réformateurs, voire révolutionnaires, tout au long du xixe siècle68.
Notes de bas de page
1 Espagne Geneviève et Savoy Bénédicte (éds), 2005, Aubin-Louis Millin et l’Allemagne. Le Magasin encyclopédique. Les lettres à Karl August Böttiger, Hildesheim/Zürich, Georg Olms Verlag, p. 329.
2 Ibid., p. 331.
3 Voir les travaux de Marcil Yasmine, 2006, La fureur des voyages. Les récits de voyage dans la presse périodique (1750-1789), Paris, Champion ; 2008, « L’attrait du Journal encyclopédique pour les récits de voyage », in Tilkin Françoise (dir.), L’encyclopédisme au xviiie siècle, Genève, Droz, p. 21-37.
4 Après les travaux, désormais classiques, de Kitchin Joanna, 1965, Un journal « philosophique » : La Décade (1794-1807), Paris, Minard ; Régaldo Marc, 1976, Un milieu intellectuel : la Décade philosophique, 1794-1807, thèse de doctorat, Lille, Université de Lille 3 ; ou de Boulad-Ayoub Josiane et Nadeau Martin (anthologie établie et présentée par), 2003, La Décade philosophique comme système 1794-1807, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
5 Selon le Dictionnaire de l'Académie française (1798), « Encyclopédie (s. f.) : Terme didactique. Enchaînement de toutes les Sciences. C'est un dessein fort vaste à un homme, que de prétendre acquérir l’Encyclopédie. Encyclopédie des Sciences. On dit figurément d'Un ouvrage où l'on traite de toutes les Sciences, que C'est une véritable Encyclopédie ».
6 Bonnaterre Pierre-Joseph, 1790-1791, Tableau encyclopédique et méthodique des trois règnes de la nature, Paris, Panckoucke.
7 La Décade philosophique, vol. 3 (septembre à novembre 1794), p. 471.
8 Voir en particulier les entreprises menées par le libraire Charles-Joseph Panckoucke bien connu grâce à Darnton Robert, 2013 [1979], L'aventure de l'Encyclopédie, 1775-1800 : un best-seller au siècle des Lumières, Paris, Seuil..
9 Guichard Charlotte, 2008, Les amateurs d’art à Paris au xviiie siècle, Seyssel, Champ Vallon, p. 321-328 ; Guénot Hervé, 1986, « Pahin de la Blancherie et la Correspondance générale pour les sciences et les arts (1779-1788) », in Société historique et archéologique de Langres (éd.), Actes du 55e congrès de l’Association bourguignonne des sociétés savantes, Dijon, Association bourguignonne des sociétés savantes, p. 57-72.
10 Poulot Dominique, 1986, « Musées, lycées », in Bély Lucien (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, PUF ; Guénot Hervé, 1996, « Musées et lycées parisiens (1780-1830) », Dix-huitième siècle, n° 18, p. 249-267.
11 Wagner Jacques, 1980, « Le rôle du Journal encyclopédique dans la diffusion de la culture », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, n° 193, p. 1805-1812.
12 Cité dans Peiffer Jeanne et Vittu Jean-Pierre, 2008, « Les journaux savants, formes de la communication des agents de la construction des savoirs (xviie-xviiie siècles) », Dix-huitième siècle, n° 40, p. 283.
13 Chappey Jean-Luc, 2007, « Sociabilités intellectuelles et librairie révolutionnaire », Revue de synthèse, vol. 28, n° 1-2, p. 73-96.
14 Chappey Jean-Luc, 2004, « Enjeux sociaux et politiques de la “vulgarisation scientifique” en révolution (1780-1810) », Annales historiques de la Révolution française, n° 338, p. 11-51.
15 On se reportera à Bret Patrice et Chappey Jean-Luc (dir.), 2012, La Révolution française, n° 2 La presse. Usages intellectuels et enjeux politiques de l’encyclopédisme dans la presse savante entre les xviiie et xixe siècles [En ligne], URL : http://lrf.revues.org/481.
16 Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, publié par Aubin-Louis Millin de Grandmaison du 1er décembre 1792 à avril 1793, puis du 1er floréal an III (4 mai 1795) à 1816.
17 Entre le 1er décembre et le 1er avril 1793, 53 numéros du journal sortent des presses, l’ensemble comportant 420 pages avec une table des matières.
18 Prospectus du Magasin encyclopédique ou Journal des sciences, des lettres et des arts. Par une Société de Gens de Lettres, 1792.
19 Ibid.
20 Ibid.
21 Chappey Jean-Luc, 2009, Des naturalistes en Révolution. Les procès-verbaux de la Société d’histoire naturelle de Paris, Paris, Éditions du CTHS, p. 216.
22 Ibid., p. 218.
23 Ibid., p. 216.
24 « Extrait des procès-verbaux des séances de la Société d’histoire naturelle des 6 et 20 septembre 1793. L’an deuxième de la République », bibliothèque du Muséum national d'histoire naturelle, Paris, ms 298. Ce document est probablement rédigé de la main de Vicq d’Azyr.
25 Un « Projet de règlement de la Société libre des sciences, belles-lettres et arts », conservé dans les archives du Muséum national d’histoire naturelle et signé de Jussieu, semble répondre à la question posée par les membres de la Société lors de la séance du 30 août 1793 (bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle, Paris, ms 289, f° 29).
26 Journal du Lycée des arts, Paris, de l’imprimerie du Lycée des Arts, n° 1 (15 avril 1793)-n° 13 (25 août 1793) : « Les administrateurs du Lycée des Arts, en fondant un établissement destiné à devenir le centre des Lumières, ont pensé qu’un Journal des Sciences et des Arts serait un moyen utile de reporter ces Lumières du centre aux extrémités, que ce journal pourrait offrir aux Savants un point de ralliement, pour y annoncer leurs travaux, leurs expériences, leurs découvertes, et que chaque numéro pourrait être regardé comme une circulaire adressée par le Directoire du Lycée à ses souscripteurs et à ses correspondants pour les mettre au courant de l’état des diverses connaissances. Tel sera donc le but de ce journal auquel on a réuni le Magasin encyclopédique dont l’objet était absolument semblable » (n° 1, p. 1).
27 Bret Patrice, 2002, L’État, l’armée, la science. L’invention de la recherche publique en France (1763-1830), Rennes, PUR.
28 Chappey Jean-Luc, 2008, « “Repenser la Terreur” par les sciences », in Biard Michel (dir.), Les politiques de la Terreur, Rennes, PUR/Société des études robespierristes, p. 391-402.
29 « Avertissement » publié dans La Décade philosophique littéraire et politique par une Société de républicains, Paris, floréal an II (avril 1794).
30 Azouvi François (dir.), 1992, L’institution de la raison : la révolution culturelle des idéologues, Paris, Vrin.
31 « Lettre envoyée au ministre de l’Intérieur le 3 thermidor an III (21 juillet 1798), signée par J. B. Wadström (président) et Gaillard (secrétaire général) », AN, Paris, F/17/3038 : « [La Société] réfléchira sur la classe respectable et nombreuse des laboureurs et des artisans, la lumière des sciences ; elle portera dans leur âme les consolations de la morale et leur apprendra à s’enorgueillir de leurs travaux utiles ». Cette société (composée de vingt-deux membres et de sept correspondants) compte en majorité des médecins (officiers de santé), quelques hommes de lettres (six) et propriétaires (deux).
32 Chappey Jean-Luc, 1997, « Les sociétés savantes à l’époque consulaire », Annales historiques de la Révolution française, n° 309, p. 451-472 ; 1999, « Usages et enjeux politiques d’une métaphorisation de l’espace savant en Révolution : “L’Encyclopédie vivante” de la République thermidorienne à l’Empire », Politix, vol. 12, n° 48, p. 37-69.
33 De 1795 à 1816, six volumes sont publiés par année, chacun contenant six numéros, soit un par décade. Au total, la série du Magasin se compose de 122 volumes de 475 à 575 pages in-8°.
34 Études encyclopédiques par une société de savants et de gens de lettres, mises en ordre et publiées par C.-J. Jajot, C. Michel-Lombart et J.-J Regnault-Warin, Paris, Bureau des Études encyclopédiques, an VI (1797) : « Depuis l’instant où la main de la censure cessa de tenir le barreau de la presse, plusieurs entreprises littéraires et périodiques ont été commencées ; un petit nombre a survécu à l’anéantissement de presque toutes ; ce qui prouve en faveur de celle qui existent, sans cependant prouver contre celles qui ont échoué. Sans avoir peut-être comme les premières, un droit à cette considération qui garantit du succès, nous essayons de descendre dans cette carrière honorable et périlleuse, dont nous nous serions constamment écartés, si nous n’avions consulté que nos forces, mais vers laquelle nous ont ramenés le vif désir et quelque espérance d’être utiles. […] C’est par une suite raisonnable de ces principes, qu’au lieu de placer au frontispice de nos travaux un titre superbe et ambitieux, nous avons préféré la modeste et véridique désignation d’Études Encyclopédiques ».
35 Voir la « Nomenclature des journaux, ouvrages périodiques et par souscription qui ont été envoyés par la poste pendant le mois de germinal an XI avec le nombre présumé de leurs abonnés dans les départements. Bureau des ouvrages périodiques », AN, Paris, fonds Pierre-Louis Roederer, 29 AP 91 (dossier « Presse, Imprimerie, Librairie », f° 52 et 119).
36 Cabanis Pierre-Jean-Georges (édité par Claude Lehec et Jacques Cazeneuve), 1956, « Rapports du physique et du moral de l’homme », 1er mémoire, in id., Œuvres philosophiques de Cabanis, Paris, PUF, t. i, p. 124-125.
37 Jolly Claude, 1997, « Les idéologues et les bibliothèques », in Barbier Frédéric et alii (dir.), Le livre et l’historien, Genève, Droz, p. 679-690.
38 Prospectus de La Décade philosophique du 20 fructidor an VIII (7 septembre 1800) publié dans Boulad-Ayoub Josiane et Nadeau Martin (anthologie établie et présentée par), La Décade philosophique comme système (1794-1807), op. cit., t. 1 L’encyclopédie vivante, p. 60-61.
39 Zékian Stéphane, 2012, L’invention des classiques. Le « siècle de Louis XIV » existe-t-il ?, Paris, Éditions du CNRS ; Chappey Jean-Luc, 2009, « Violences intellectuelles en Révolution : les combats de Colnet du Ravel », in Azoulay Vincent et Boucheron Patrick (dir.), 2009, Le mot qui tue. Une histoire des violences intellectuelles de l'antiquité à nos jours, Seyssel, Champ Vallon, p. 207-222.
40 McMahon Darrin, 2001, Enemies of the Enlightenment. The French Counter-Enlightenment and the Making of Modernity, Oxford, Oxford University Press.
41 Pour Josiane Boulad-Ayoub (qui s’inscrit ici dans la continuité des travaux menés par Marc Régaldo et Johanna Kitchin), « on peut voir [dans La Décade philosophique] l’accomplissement d’un modèle, celui-là même qui présidait à l’établissement de ces nouvelles institutions républicaines créées sous le Directoire par le groupe des idéologues » (Josiane Boulad-Ayoub et Martin Nadaud, La Décade philosophique comme système, op. cit., t. 1, p. 7). Sans nier la relation établie entre La Décade et le projet porté par certains savants du Directoire, il conviendrait de revisiter l’analyse de ce périodique trop souvent réduit au statut d’organe des idéologues. Cf. Chappey Jean-Luc, 2007, « Les idéologues et l’Empire. Étude des transformations entre savoirs et pouvoir (1799-1815) », in De Francesco Antonino (dir.), Da Brumaio ai Gento Giorni. Cultura di governo e dissenso politico nell’Europa di Bonaparte, Milan, A. Guerini, p. 211-228.
42 « Lettre de Millin. Paris, le 24 février 1798 », publiée dans Espagne Geneviève et Savoy Bénédicte (éds), Aubin-Louis Millin et l’Allemagne, op. cit., p. 335-336.
43 Prospectus du Magasin encyclopédique, 1792.
44 « Lettre de Dumont-Courret Parfamer du département du Pas-de-Calais, 11 ventôse an VI (1er mars 1798) », Bibliothèque nationale de France (BnF), Paris, manuscrits français 24684BNF.
45 Martin Virginie, 2012, « Les enjeux diplomatiques dans le Magasin encyclopédique (1795-1799) : du rejet des systèmes politiques à la redéfinition des rapports entre les nations. », La Révolution française [En ligne], n° 2, mis en ligne le 15 septembre 2012 [consulté le 5 août 2016], URL : http://lrf.revues.org/610.
46 Ruiz Alain, 2005, « Autour du Magasin encyclopédique. Les amis et visiteurs germaniques d’Aubin-Louis Millin à Paris, de Thermidor à la Restauration », in Espagne Geneviève et Savoy Bénédicte (éd.), Aubin-Louis Millin et l'Allemagne, op. cit., p. 5-57.
47 « [277] Lettre de Duran, bibliothécaire de l’école centrale de l’Ariège », BnF, Paris, manuscrits français 24684.
48 Ces multiappartenances lui seront d’ailleurs reprochées après sa mort, en particulier dans la notice biographique rédigée dans la Biographie universelle ancienne et moderne des frères Michaud : « On ne peut nier qu’il n’ait rendu de véritables services à la science : mais il faut convenir aussi que ses ouvrages se ressentent de la précipitation avec laquelle il les rédigeait ; et c’est avec raison que l’on le blâme de s’être permis des conjectures et des interprétations hasardées, qu’on l’accuse de peu de profondeur dans ses recherches, et de peu de fidélité ou d’exactitude dans ses citations, quelquefois même dans les nombreux monuments qu’il a fait graver » (Weiss Charles, 1821, « Millin », in Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, Michaud, t. 29, p. 46-50).
49 « [139] Lettre du secrétaire de la Société philomathique à Millin », BnF, Paris, manuscrits français 24676.
50 « [09] Lettre de Duvernoy, Paris, le 20 septembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
51 « [99] Lettre de Duvernoy. Paris, le 2 décembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
52 « [104] Lettre de Duvernoy. Paris, le 9 décembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
53 « [95] Lettre de Duvernoy. Paris, le 28 novembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
54 « [86] Lettre d’Oberlin », BnF, Paris, manuscrit français 24694.
55 « [88] Lettre d’Oberlin », BnF, Paris, manuscrit français 24694.
56 Sur cette entreprise encyclopédique, voir Chappey Jean-Luc, 2011, « Les Archives littéraires de l’Europe (1804-1808) », La Révolution française, n° 4 Dire et faire l’Europe à la fin du xviiie siècle [En ligne], mis en ligne le 9 juin 2011, URL : http://journals.openedition.org/lrf/284.
57 C’est le cas des Annales du Muséum national d’histoire naturelle publiées par Levrault à Paris en 1802. Ce périodique s’impose désormais comme l’organe des professeurs du Muséum et de leurs clientèles. Cette spécialisation ne garantit pas le succès commercial comme le montre l’interruption de publication des Annales du Muséum entre 1813 (n° 20) et 1827.
58 Chappey Jean-Luc, 2002, Des anthropologues sous Bonaparte. La Société des observateurs de l’homme (1799-1804), Paris, Société des études robespierristes.
59 « [163] Lettre de Duvernoy. Paris, le 18 février 1812 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
60 « [33] Lettre de Duvernoy. Paris, le 29 septembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
61 « [161] Lettre de Duvernoy. Paris, le 11 février 1812 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
62 « [72] Lettre de Duvernoy. Paris, le 7 novembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
63 « [84] Lettre de Duvernoy. Paris, 14 novembre 1811 », BnF, Paris, manuscrits français 24685.
64 « [52] Lettre de Millin à M. Cornetto, 16 juillet 1816 », BnF, Paris, manuscrits français 24682.
65 Jullien Marc-Antoine, 1818 (décembre), « Esquisse d’ un essai sur la philosophie des sciences contenant un nouveau projet d’ une division générale des connaissances humaines, par Marc-Antoine Jullien, de Paris », Annales encyclopédiques, vol. iv, p. 339.
66 Revelli Barbara, 2009, « Presse périodique, intellectuels et opinion publique sous la Restauration. La Revue encyclopédique (1819-1831) », in Berelowich Wladimir et Porret Michel (dir.), Réseaux de l’esprit en Europe des Lumières au xixe siècle, Genève, Droz, p. 224.
67 Grégoire Henri (introduction et notes par Bernard Plongeron), 2001, L’abbé Grégoire et la République des savants, Paris, Éditions du CTHS.
68 Chappey Jean-Luc, 2015, « Penser les progrès de la civilisation européenne sous la Restauration : Marc-Antoine Jullien et la Revue encyclopédique (1819-1831) », in Caron Jean-Claude et Luis Jean-Philippe (dir.), Rien appris, rien oublié ? Les Restaurations dans l’Europe postnapoléonienne (1814-1830), Rennes, PUR, p. 143-155.
Auteur
Jean-Luc Chappey est professeur d’histoire des sciences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (UMR 8066). Ses recherches portent sur l’histoire politique, sociale et culturelle des sciences et des savoirs entre les xviiie et xixe siècles, avec une attention privilégiée portée à la période de la Révolution française.
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