1 Le nombre de Dunbar, environ cent cinquante personnes, considéré comme la limite théorique du nombre de personnes avec lesquelles on peut maintenir une relation sociale stable, est atteint. Les utilisateurs de Facebook ne feraient plus qu’augmenter le nombre de contacts occasionnels, suivis passivement. « Facebook : 30 millions de Français actifs sur le réseau social », Le Parisien, <http://www.leparisien.fr/societe/facebook-30-millions-de-francais-actifs-sur-le-reseau-social-01-09-2015-5052151.php>, article du 1er septembre 2015.
2 Le titulaire d’un compte peut en effet gérer les accès à ses publications de façon nominative, créer des groupes pour autoriser ou non l’accès à certains fichiers ou commentaires. Tout le monde est officiellement « amis », la sélection est cachée. La publication peut être comparée à un journal intime instantané, diffusé à tous les lecteurs autorisés.
3 Facebook a été créé en 2004.
4 M. de MONTAIGNE, Essais, De l’Amitié, livre I, chapitre 28, Paris, Flammarion, 1979, p. 236.
5 J. FOLLON, J. McENVOY, Sagesses de l’amitié II, Anthologie de textes philosophiques patristiques, médiévaux et renaissants, Paris, Fribourg, Cerf, Éditions universitaires de Fribourg, 2003, p. 70-71.
6 ACADÉMIE FRANÇAISE, Dictionnaire de l’Académie française, tome I, Paris, J.-B. Coignard, 1694, entrée Amour.
7 A. FURETIÈRE, Dictionnaire universel, tome 1, s.l., s.n., 1690, entrée Amitié.
8 J. NICOT, Le grand Dictionnaire françois-latin, Paris, 1614.
9 N. SCHAPIRA, « Les Intermittences de l’amitié dans le Dictionnaire universel de Furetière », Littératures Classiques, n° 47, 2003, p. 217-224.
10 A. REY (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1998, 4304 p.
11 Un mot devient concept lorsqu’il devient un concentré de multiples significations. « Avec le concept, signification et signifiant coïncident dans la mesure où la diversité de la réalité historique s’investit dans la polysémie d’un mot, de telle sorte qu’elle ne trouve son sens et n’est comprise que dans ce seul et unique mot », R. KOSELLECK, Le Futur passé : contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, éd. de l’EHESS, 1990, p. 99-119.
12 ACADÉMIE FRANÇAISE, op. cit., entrée Ami.
13 N. SCHAPIRA, op. cit., p. 223.
14 ACADÉMIE FRANÇAISE, op. cit., entrée Ami.
15 ACADÉMIE FRANÇAISE, op. cit., entrée Amitié. L’amitié est une « affection mutuelle, réciproque entre deux personnes ».
16 Idem.
17 A. FURETIÈRE, op. cit., entrées Ami et Amitié.
18 Dilectif « peut qualifier toute relation impliquant à la fois un choix et un vécu affectif gratifiant pour ses agents », J. MAISONNEUVE, L. LAMY, Psycho-sociologie de l’amitié, Paris, PUF, 1993, p. 18.
19 Entre le début et la fin des années 1980, la définition du « vrai ami » ne varie guère. Le « véritable ami est celui qui répond toujours à l’appel en cas de besoin. […] La certitude et la sécurité semblent être des dimensions fondamentales des représentations de l’amitié. Celle-ci est une forme particulière de sociabilité et non un prolongement d’un autre type de relation », C. BIDART, « Sociabilités : quelques variables », Revue française de sociologie, XIX, 1988, p. 637.
20 De mai 1982 à mai 1983, l’INSEE et l’INED lancent pour la première fois l’enquête « Contacts » consacrée aux pratiques de sociabilité. Ils décrivent et analysent les relations entretenues par les Français avec les personnes extérieures à leur ménage, c’est-à-dire avec la famille, les voisins, les collègues de travail et les amis. L’enquête révèle que les Français discutent en une semaine avec dix-sept personnes différentes sur des sujets non professionnels. Ce sont à75 % et à part presque égale des parents, des collègues (occupant surtout la même position hiérarchique ou partenaires neutres) et des amis. L’enquête ne prend en compte que les rencontres en face à face, et exclut les entretiens téléphoniques. Elle quantifie ce qui apparaît déjà dans les sources antérieures. En premier lieu, trois cycles de vie apparaissent dans la vie de chaque individu : la jeunesse est le temps privilégié des amitiés, la maturité celle des relations de travail, la vieillesse des relations de parenté. Le réseau amical varie selon l’âge, mais aussi selon l’activité et le sexe. En outre, en matière de relations sociales, le capital va au capital. Les catégories sociales élevées et les diplômés ont plus de relations sociales que les autres.
En 1997, les résultats de l’enquête de l’INSEE « Relations de la vie quotidienne et isolement20 » effectuée dans le cadre du dispositif d’Enquêtes Permanentes sur les Conditions de Vie des Ménages (EPVC) recoupent fort celle de 1983. On constate que les amis connus sur les bancs de l’école ou à l’université représentent encore à plus de soixante-cinq ans près de 12 % des amitiés, signe de la longévité des amitiés d’étude. Les femmes déclarent un peu moins d’amis que les hommes. Ont-elles une définition plus exigeante de l’amitié ? Leur réseau amical est-il moins nombreux et plus fréquemment sollicité ? On cherche toujours des amis du même âge et de même statut social, par crainte de toute instrumentalisation de l’amitié. La plus grande information consiste dans le repérage de la diminution des contacts. En quinze ans, les conversations avec les collègues et les commerçants diminuent notamment à cause de la hausse du recours au C.D.D., du durcissement du marché du travail, de la réduction des temps morts au sein des entreprises, et de la disparition des commerces de proximité. Les relations de voisinage et de parenté pâtissent de la mobilité géographique. Enfin, les relations avec les amis chutent aussi peut-être à cause des périodes de chômage et donc du déficit de relations professionnelles. Les jeunes de quinze à vingt-quatre ans résistent mieux face à cette diminution du nombre de discussions hebdomadaires par interlocuteur. Femmes et hommes continuent de percevoir leurs propres amitiés et celles de l’autre sexe différemment. Les Français se fréquentant moins auraient donc moins d’occasion de vivre l’amitié et de nouer des relations amicales.
21 Discours de B. KOUCHNER à l’occasion de la deuxième Journée Nationale de Prévention du Suicide (JNPS) en 1998.
22 Le retour du religieux dans notre société considérée comme sécularisée est susceptible de modifier la perception de l’amitié.
23 L’expression Amitiés particulières (1928) diffusée par le livre éponyme de Roger Peyrefitte (1944), concerne des relations affectives homosexuelles, masculines. Après le rapport Kinsey, qui défraye en son temps la chronique, les années 1970 libèrent la parole. La sortie de l’homosexualité de la typologie des maladies mentales en 1981 aide à normaliser les relations homosexuelles. Lorsque la communauté hétérosexuelle est touchée par le sida, la société découvre que les homosexuels cruellement atteints dans les années 1980 par ce virus ont réussi à informer et protéger leurs pairs alors qu’ils ne pouvaient guère s’appuyer sur les grands médias pour transmettre l’information. De malades mentaux au début des années 1980, les homosexuels deviennent pour l’opinion publique des personnes fréquentables.
24 « Qu’est ce que l’auteur, en écrivant à l’époque où il écrivait et compte tenu du public auquel il souhaitait s’adresser, pouvait, concrètement, avoir l’intention de communiquer en énonçant ce qu’il énonçait ? » Citation de Skinner faite par Michel Plon dans la postface de l’ouvrage de Skinner. Q. SKINNER, Machiavel, Paris, Seuil, 2001, p. 139. La citation est tirée de Meaning and Understanding in the History of Ideas de Q. Skinner, p. 63. Skinner fonde son travail sur les actes illocutoires de John L. Austin, plus connu en France sous le nom de théorie du performatif.
25 « Un Livre manuscrit de Jean Petitot. Le célèbre peintre en émail. 1674 », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, 1860, p. 305-312 ; p. 419-432.
26 P. PRION, Pierre Prion, scribe, Paris, Gallimard-Julliard, 1985, p. 131-132.
27 M. FOUCAULT, Les Mots et les choses : une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966, 400 p.
28 R. KOSELLECK, op.cit., p. 105.
29 Ibidem, p. 101.
30 Georges Minois débute l’histoire de la mélancolie en précisant que le mal de vivre a porté successivement les noms de « taedium vitae ou fatigue de vivre, mélancolie, tristesse, acédie, dépression, désespoir, pessimisme, nihilisme, ennui, nausée, dégoût. Il y a bien sûr des différences entre ces notions, mais toutes ont un facteur commun : le malaise d’être un homme », G. MINOIS, Histoire du mal de vivre : de la mélancolie à la dépression, Paris, La Martinière, 2003, p. 7.
31 M. MAUSS, Essai sur le don, Paris, Presses universitaires de France, 2007, 249 p. ; C. LÉVI-STRAUSS, Les Structures élémentaires de la parenté, Paris, Éditions Mouton, 1967, 591 p. ; P. BOURDIEU, Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980, 475 p ; E. GOFFMAN, La Mise en scène de la vie quotidienne, 2. les relations en public, Paris, Éditions de Minuit, 2004, 372 p. et Les Cadres de l’expérience, Paris, Éditions de Minuit, 2013, 573 p.
32 C. LEMERCIER, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin 2005, p. 99.
33 V. LEMIEUX, Les Réseaux d’acteurs sociaux, Paris, PUF Sociologies, 1999, p. 3-12.
34 Façonnés par la vie en communauté au sein du couvent, les auteurs chrétiens élaborent l’idée d’une « relation d’intimité et de confiance entre deux ou trois moines, au sein d’une communauté plus large ». J.-M. GUEULLETTE, « L’Amitié dans la communauté : les enjeux théologiques d’une histoire complexe », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 87/2, 2003, p. 266.
35 Les femmes sont écartées de notre étude, car elles sont communément jugées incapables d’amitié à l’époque moderne. En outre, elles sont peu nombreuses à avoir rédigé des écrits du for privé. De façon générale, l’histoire du journal féminin est très liée au protestantisme. A. VICKERY, « “S’il vous plaît, brûlez cela afin qu’aucun œil mortel ne puisse le voir” : les secrets des sources féminines », J.-P. BARDET, Fr.-J. RUGGIU (dir.), Au plus près des cœurs ? Nouvelles lectures historiques des écrits du for privé en Europe du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2005, p. 43-63.
36 J. de LA FONTAINE, « Parole de Socrate », Fables de la Fontaine, livre IV, fable XVII, Paris, Gallimard, 1974, p. 154.
37 C-P. RICHELET, Dictionnaire français contenant les mots et les choses, Genève, Jean Herman Widerhold, 1680, entrée Amitié.