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Morale et religions à l'École ?

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Jean Leclercq

États des lieux

L’avenir des cours dits « philosophiques » : un sage conseil ?

Benoît Van Der Meerschen

Testo integrale

1. Un débat dans l’air du temps ?

1Le temps d'une législature, le sort des cours dits « philosophiques » semble avoir changé de statut.

  • 118 Vers le remplacement d’une des deux heures des cours dits « philosophiques » par un autre cours (c (...)

2Pour rappel, suite à l’initiative de la ministre Simonet visant à introduire un « tronc commun » à ces différents cours de religion et de morale, les réactions en sens divers avaient été assez vives, relayées abondamment dans la presse et, enfin, discutées au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et, aujourd’hui, force est de constater en effet que, de rencontres politiques informelles à des auditions parlementaires en passant par un recours au Conseil d’État, ce dossier a aujourd’hui, insensiblement, évolué. Certes pas encore au point de proposer comme chez nos voisins luxembourgeois la suppression des cours de religion pour les remplacer par un enseignement des « valeurs » mais, néanmoins, même la lecture des programmes des partis démocratiques francophones permet clairement de dégager des convergences118 annonciatrices d’une potentielle évolution, à terme, de ce dossier. Comme si, enfin, dans un monde en manque de repères où chacun a trop vite tendance à se replier sur des identités corsetées, le caractère absurde de cette séparation des élèves sur une base confessionnelle pour deux heures de cours par semaine éclatait enfin au grand jour.

  • 119 Partagé par le CEDEP.

3Dans ce cadre, parce que tout le monde « sent » bien que, inévitablement, ce dossier sera amené à évoluer dans les prochains mois, pour bon nombre d’acteurs, c’est un peu le « football panique ». Avec, parfois, des soucis légitimes comme celui de la préservation de l’emploi119. Mais aussi d’autres inquiétudes plus partisanes qui ne peuvent que générer blocages et crispations.

2. Le Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques en otage ?

  • 120 Peut-être trop d’ailleurs car, pour un organe consultatif discutant d’une matière touchant à l’ens (...)

4Et, dans le panorama scolaire, le Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques (CCCSP) devient alors un véritable réceptacle desdites crispations. Endroit de rencontre, d’échanges, de compréhension de l’action de l’autre, il voit (était-ce évitable ?) son travail en quelque sorte « pollué » par le climat politique extérieur. Doté d’un mandat fort large et composé de la même manière120 – ce qui a pour effet quasi mécanique, vu le nombre de religions reconnues, de reléguer les « laïques » dans une position minoritaire lors de chaque vote… –, ce Conseil pourrait avoir un rôle utile dans la pièce qui se joue. Ce, pour autant qu’il ne se recroqueville pas sur la volonté de ne rien faire évoluer, sur le secret dessein de garder notre enseignement du 21e siècle taillé dans le même costume que celui du Pacte scolaire.

  • 121 Un de ses membres a un jour écarté une suggestion visant à intégrer comme base d’un éventuel futur (...)

5À titre personnel, comme représentant du Conseil de la morale laïque, j’y ai fait des rencontres humaines et intellectuelles fort riches. Si j’ai parfois été effrayé par quelques opinions radicales121, les positions des uns et des autres ne sont pas toujours si figées que l’on pourrait le croire « a priori ». Pour autant que de la place soit laissée, dans le temps, au débat, des incompréhensions peuvent se lever, des convergences se dessiner et des points de vue se rapprocher. Ce qui ne signifie pas être d’accord sur tout mais au moins accepter d’avoir la démarche de tenter de comprendre l’autre et d’entendre ses arguments. Mais, dans le contexte actuel, parce que la ministre Simonet en formulant sa proposition de « tronc commun » s’est appuyée sur les avis du CCSCP et a pris à témoin l’opinion publique en s’appuyant sur lesdits avis et la « légitimité » de cet organe consultatif, le fonctionnement quotidien de cet organe consultatif en a été bouleversé. Les positions se sont raidies.

  • 122 Lire Jérôme Sohier, « Quel avenir pour les cours de morale et religion ? », dans Entre-Vues, juin (...)

6De même, puisque les développements de ce dossier ouvrent aussi un « champ des possibles » quant au prétendu caractère obligatoire de ces cours dits « philosophiques »122, les thèmes de travail du CCSCP semblent aujourd’hui uniquement être dictés par l’agenda de la ministre, le rythme par celui des échéances électorales et, enfin, les interventions par les mots d’ordre des hiérarchies respectives des membres du Conseil. Dès lors, toute intervention devient suspecte. Comme si dans un gigantesque jeu d’échec, elle est toujours décryptée comme la prémisse d’une attaque suivante et donc, immédiatement, critiquée. Les positions se crispant et les velléités d’échanges étant vite étouffées par les plus radicaux, sauf à se ressaisir, le CCSCP risque peut-être de manquer une occasion. Celle de faire entendre une voix particulière, issue d’un lieu où des acteurs de terrain ont pu déjà dégrossir, ensemble, des visions parfois différentes de la société. Comme ce que l’on peut finalement espérer, car c’est bien de cela qu’il s’agit avant tout, pour nos élèves à l’école.

Note

118 Vers le remplacement d’une des deux heures des cours dits « philosophiques » par un autre cours (citoyenneté, histoire des religions, etc.) donné en commun à tous les élèves.

119 Partagé par le CEDEP.

120 Peut-être trop d’ailleurs car, pour un organe consultatif discutant d’une matière touchant à l’enseignement officiel, la présence d’acteurs représentant l’enseignement privé (confessionnel ou non) de près ou de loin peut surprendre…

121 Un de ses membres a un jour écarté une suggestion visant à intégrer comme base d’un éventuel futur « tronc/référentiel/cours commun » la Déclaration universelle des droits de l’Homme au motif que « tout est déjà dans la… Bible ou la Torah » !

122 Lire Jérôme Sohier, « Quel avenir pour les cours de morale et religion ? », dans Entre-Vues, juin 2001, pp. 5 et s. (http://www.entre-vues.net/LinkClick.aspx?fileticket=6RpEmXC5ze4%3D&tabid=622.

Autore

Licencié en droit, en droit international public et en droit public administratif de l’Université libre de Bruxelles. Il a été président de la Ligue des droits de l’homme de mai 2006 jusqu’en décembre 2011, puis Secrétaire général du Centre national de coopération au Développement. Il est actuellement Secrétaire général-adjoint du Centre d'Action Laïque et Président du Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques. Il s’est exprimé ici à ce titre

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