1. Aqua Claudia1

1Les aqueducs permettaient de distribuer quotidiennement environ un million de mètres cubes d’eau aux thermes, aux fontaines publiques et aux maisons privées. Outre leur aspect monumental, ils étaient pour la ville une garantie de salubrité.

2L’Aqua Claudia est certainement le plus célèbre des aqueducs romains. Commencé par Caligula en 38 apr. J.-C., il fut terminé par Claude en 52 apr. J.-C. L’Aqua Claudia partait de la vallée de l’Aniene, près de Subiaco, au pied des monts Simbruins. Long d’environ 68 km, dont la plus grande partie en souterrain, il s’élevait dans Rome sur plusieurs étages d’arcades encore en partie visibles aujourd’hui. Si l’aqueduc lui-même fut construit en béton revêtu de briques, les arches étaient en travertin taillé. Il fut englobé par Aurélien dans sa muraille près de la Porta Praenestina, actuelle porte Majeure. Les inscriptions, situées au-dessus de la porte, évoquent deux restaurations de l’aqueduc : la première sous Vespasien en 71 apr. J.-C., la seconde sous Titus en 81 apr. J.-C. De la porte Majeure se détachait une ramification, construite par Néron (les Arcus Neroniani), dont il reste de nombreux vestiges. Cette ramification allait jusqu’au Palatin en franchissant la via di San Gregorio sur des arches encore partiellement visibles aujourd’hui. C’est peut-être elle qui alimentait le mécanisme de la Cenatio Rotunda (la salle à manger tournant) de la Domus Aurea de Néron. Domitien rénova la partie de l’aqueduc qui va du Caelius au Palatin.

Arcades de l’Aqua Claudia (branche qui alimente le Palatin).

Aqua Claudia sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle de l’Aqua Claudia, dans le secteur de la porte Majeure.

2. Temple de Claude divinisé2

3Le temple de Claude divinisé s’élèvait sur la partie occidentale de la colline du Caelius. Il fut construit à la mort de l’empereur Claude en 54 apr. J.-C., par sa quatrième et dernière femme, Agrippine. L’incendie de 64 apr. J.-C. toucha une grande partie du complexe et le temple fut détruit. Néron y effectua quelques travaux : il installa un nymphée sur l’ensemble de la partie orientale du soubassement du temple et restaura le côté nord. Ces deux parties étaient effectivement bien visibles depuis sa Domus Aurea. Le temple de Claude divinisé ne fut restauré que sous Vespasien qui remit également en vigueur le culte impérial. Le Templum Diui Claudii est encore mentionné au IV^e siècle apr. J.-C. dans le Régionnaire de Rome.

4Le complexe était constitué d’une vaste terrasse de 180 m sur 200 m maintenue par de puissants murs de soutènement. On peut encore les apercevoir aujourd’hui en face du Colisée (où une citerne est préservée) et le long de la Via Claudia (où se dresse le nymphée). Une partie des arcades occidentales ainsi que l’angle sud-ouest sont également visibles sous le monastère et sous le campanile de la basilique Santi Giovanni e Paolo. La terrasse supérieure du sanctuaire, construite sur une colline artificielle, accueillait des jardins et le temple prostyle hexastyle dédié à la divinité impériale. Nous pouvons noter une différence de l’orientation du temple et des jardins entre la maquette de P. Bigot et le modèle virtuel. Cet écart s’explique par l’avancée des recherches sur ce secteur. En effet, le temple de Claude et plus largement la colline du Caelius ont fait l’objet d’une étude fondamentale publiée en 1944. Il a été possible de déterminer, grâce à la Forma Vrbis Romae, que le temple de Claude n’était pas orienté vers le sud – comme on le pensait au XIX^e siècle et à l’époque de P. Bigot – mais vers l’ouest. Le modèle virtuel a donc permis de rectifier cette erreur. La Forma Vrbis Romae constitue la seule source pour restituer la terrasse puisque, depuis le Moyen Âge, les jardins du monastère des Santi Giovanni e Paolo occupent l’ensemble de la plateforme.

5Monument du culte impérial, le temple de Claude peut également être considéré comme un monument des eaux, placé au carrefour des aqueducs de la ville de Rome. Les arcades de l’Aqua Claudia, qui traversent l’ensemble du Caelius depuis la porte Majeure, prennent fin au niveau du temple de Claude selon Frontin (Les aqueducs de la ville de Rome, 20, 2). L’eau est stockée à cet endroit dans deux castella placés au sud du temple. Ces citernes accueillent également les eaux de l’Aqua Marcia et de l’Aqua Iulia. Les trois aqueducs se prolongent ensuite en souterrain jusqu’à la partie occidentale où les arcades émergent de nouveau pour alimenter en eau le Palatin. Un troisième castellum se trouve de ce côté, surmonté par des escaliers monumentaux qui constituent l’accès principal au temple. De l’eau est également stockée dans un quatrième castellum placé devant la façade nord. Il constitue le second point d’accès à la terrasse. Enfin, la partie orientale du soubassement accueille une fontaine monumentale (nymphée). Sous la terrasse, il existe également des galeries en partie creusées par l’homme qui abritent des points d’eau pure. Cette eau est essentiellement issue du ruissellement de la plateforme supérieure.

Soubassement de la terrasse du temple de Claude divinisé.

Temple de Claude divinisé sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle du temple de Claude divinisé.

3. Castella du Caelius3

6Sur le parcours des aqueducs il y avait régulièrement des castella. Le castellum est à la fois un réservoir, un décanteur et un répartiteur de l’eau apportée par l’aqueduc. Dans les jardins du monastère des Santi Giovanni e Paolo, sur le Caelius, les restes de deux castella ont été identifiés. L’un recevait les eaux provenant de la dérivation néronienne de l’Aqua Claudia. Cette dérivation était portée sur des arcades (les Arcus Neroniani) depuis la porte Majeure. L’autre castellum recevait les eaux de l’Aqua Iulia et de l’Aqua Marcia qui arrivaient par des siphons souterrains également depuis la porte Majeure. À la sortie des deux castella, les trois aqueducs passaient en souterrain sous le temple de Claude, puis franchissaient la vallée de San Gregorio de nouveau sur des arcades pour rejoindre le Palatin. Les deux castella peuvent être reconstitués grâce aux traces qu’ils ont laissées sur les arcades encore visibles dans les jardins du monastère des Santi Giovanni e Paolo et grâce à des dessins du XVIII^e siècle, époque à laquelle ils étaient encore partiellement conservés. Il semble s’agir de constructions à deux niveaux. L’eau était stockée à l’étage supérieur dans des petites pièces communiquant entre elles. Le parcours de l’eau, de pièce en pièce, permettait de la décanter. Une partie de ces castella dut être construite sous Néron au I^er siècle apr. J.-C. Ils ont été remaniés à l’époque sévérienne, au III^e siècle apr. J.-C.

Arcades de l’Aqua Claudia et traces des castella sur le Caelius.

Restitution virtuelle des castella du Caelius.

4. Arc de Dolabella et Silanus4

7L’arc de Dolabella et Silanus a été construit en 10 apr. J.-C. Il est encore bien conservé aujourd’hui sur les flancs du Caelius, à environ 500 m du Colisée, encastré dans la branche néronienne de l’Aqua Claudia. L’inscription suivante est visible sur l’attique de la façade extérieure (du côté de la place de la Navicella) :

P(VBLIVS) CORNELIVS P(VBLI) F(ILIVS) DOLABELLA / CO(N)S(VL) / C(AIVS) IVNIVS C(AI) F(ILIVS) SILANVS FLAMEN MARTIAL(IS) / EX S(ENATVS) C(ONSVLTO) / FACIVNDVM CVRAVERVNT IDEMQVE PROBAVERVNT (CIL, 6, 1384)
Publius Cornelius Dolabella, fils de Publius, consul, et Caius Junius Silanus, fils de Caius, flamine de Mars, par décret du Sénat, ont mis cet édifice en adjudication et en ont également assuré la réception.

8Sur un côté de l’arc de Dolabella, des blocs de tuf de grotta oscura appartiennent vraisemblablement à la muraille Servienne. L’arc fut probablement construit à l’emplacement d’une ancienne porte de cette dernière.

Arc de Dolabella et Silanus.

Arc de Dolabella et Silanus sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle de l’arc de Dollabella et Silanus.

5. Caserne de la V^e cohorte5

9La caserne de la V^e cohorte de vigiles se trouvait sur le Caelius, à l’emplacement de l’actuelle Villa Celimontana. C’est l’une des deux seules casernes de vigiles dont nous ayons conservé une trace.

10Les vigiles ont été créés par Auguste en 6 apr. J.-C. L’idée était d’avoir dans Rome une troupe suffisamment nombreuse et organisée pour être efficace mais avec un caractère militaire suffisamment peu marqué pour que son installation en ville ne pose aucun risque. Au départ les recrues étaient toutes des affranchis. Leur incorporation dans le corps des vigiles leur permettait au bout de trois années (six à l’origine) de devenir citoyens de plein droit et donc d’avoir accès aux distributions de blé. Le coût des vigiles était financé par une taxe de 2 % sur les ventes d’esclaves. À la tête du corps était placé un préfet des vigiles. C’était une fonction prestigieuse, qui préparait souvent à exercer le poste le plus haut dans la hiérarchie de l’administration impériale : celui de préfet du prétoire, le personnage le plus important après l’empereur. Nous savons qu’il y avait sept cohortes de vigiles. À l’époque de Constantin, elles comptaient 1 000 hommes chacune, soit un effectif total de 7 000 hommes, ce qui est très important. Chaque cohorte avait en charge deux des quatorze régions de Rome créées par Auguste. Sept régions possédaient donc une caserne, mais il y avait aussi un poste de garde (excubitorium) dans chaque région.

11Aujourd’hui n’ont été retrouvés et identifiés que deux casernes (celle de la I^re cohorte au champ de Mars et celle de la V^e cohorte sur le Caelius) et un poste de garde (celui de la VII^e cohorte dans le Trastevere).

12Nous savons que le pape Paul III a fait démonter les marbres de la caserne du Caelius entre 1544 et 1546 pour décorer la salle royale du palais Vatican. Les marbres jaunes sont largement dominants dans cette pièce pontificale, d’où l’image que nous proposons de la caserne de la V^e cohorte.

Emplacement de la caserne de la V^e cohorte.

Restitution virtuelle de la caserne de la V^e cohorte.

6. Basilique Hilariana6

13La Basilica Hilariana est un édifice collégial situé sur la colline du Caelius. Cette basilique, identifiée par une inscription sur le sol de son vestibule, a pris le nom de son constructeur, Hilarus, un marchand de perles. La base d’une statue dédiée à ce personnage a été retrouvée sur place. Curieusement, ce nom rappelle les Hilaria, fêtes en l’honneur de Cybèle, culte auquel la basilique était liée.

14Le bâtiment de dimension modeste est semi-enterré : il faut descendre douze marches pour pouvoir accéder au vestibule puis à une cour à ciel ouvert. De part et d’autre de cet espace, s’ouvre une série de pièces aux plafonds voûtés. L’étage est accessible par un second escalier parallèle au premier.

15Cet édifice était le lieu de réunion du collège des dendrophores. Longtemps considéré comme un collège professionnel lié aux métiers du bois, il a récemment été établi que cette association était plus vraisemblablement un collège religieux rassemblé autour du culte de Cybèle et Attis. Attis était l’amant de Cybèle et, selon certaines légendes, il aurait attisé la jalousie de la déesse. Frappé de folie, il s’enfuit et se réfugia sous un pin où il s’émascula et mourut. Les dendrophores intervenaient à l’occasion de cérémonies organisées en l’honneur de ces deux divinités au mois de mars. Le 22 mars, lors de l’arbor intrat, ils portaient en procession le pin sacré à travers les rues de Rome jusqu’au temple de Cybèle sur le Palatin.

Basilique Hilariana.

Restitution virtuelle de la basilique Hilariana.

7. Macellum Magnum7

16Le Macellum Magnum est le grand marché de Rome. Il fut construit en 59 apr. J.-C. par l’empereur Néron sur la colline du Caelius. L’adjectif « Magnum » est un qualificatif d’origine populaire donné à l’édifice commercial en raison de ses dimensions monumentales (environ 93 m sur 70 m). On le connaît également sous le nom de Macellum Augusti. Cette appellation est celle qui apparaît de manière abrégée sur des pièces de monnaie émises à Rome et à Lyon entre 59 et 64 apr. J.-C. De nombreux exemplaires ont été conservés. Les pièces présentent toutes un schéma similaire : d’un côté l’effigie de l’empereur Néron, de l’autre un édifice à colonnade entouré des mentions abrégées « MAC AVG SC ».

17Seul le Régionnaire de Rome permet de savoir avec certitude que le grand marché était situé sur la colline du Caelius. D’autres sources antiques renvoient de manière équivoque au Macellum Magnum. Deux fragments de la Forma Vrbis Romae dont l’emplacement n’a pas été identifié indiquent l’existence d’un Macellum de dimension monumentale. Ils ont hypothétiquement été replacés sur le Caelius. Un Macellum est également mentionné sur diverses épitaphes de bouchers mais son assimilation au Macellum néronien demeure hypothétique. Aucune trace archéologique de l’édifice commercial n’a été retrouvée. Dans l’Antiquité, le Macellum était un espace de commerce alimentaire, essentiellement dédié à la vente de viande et de poisson. C’était un lieu entièrement clos, où tout le monde pouvait effectuer ses achats.

Restitution virtuelle du Macellum Magnum.

8. Porte Majeure8

18La porte Majeure, située dans la muraille Aurélienne, a été réalisée en utilisant deux des arcades de l’Aqua Claudia, qui passent respectivement au-dessus de la Via Labicana et de la Via Praenestina. Plusieurs inscriptions se trouvent sur la porte Majeure :

19Inscription datant de Claude (25 janvier 52-24 janvier 53 apr. J.-C.) :

TI(BERIVS) CLAVDIVS DRVSI F(ILIVS) CAISAR AVGVSTVS GERMANICVS PONTIF(EX) MAXIM(VS) / TRIBVNICIA POTESTATE XII CO(N)S(VL) V IMPERATOR XXVII PATER PATRIAE / AQVAS CLAVDIAM EX FONTIBVS QVI VOCABANTVR CAERVLEVS ET CVRTIVS A MILLIARIO XXXXV / ITEM ANIENEM NOVAM A MILLIARIO LXII SVA IMPENSA IN VRBEM PERDVCENDAS CVRAVIT (CIL, 6,1256)
Tibère Claude, fils de Drusus, Auguste Germanicus, grand pontife, revêtu de la puissance tribunicienne pour la 12^e fois, 5 fois consul, 27 fois imperator, père de la Patrie, a fait conduire à Rome, à ses frais, l’Aqua Claudia des sources nommées Caerulus et Curtius depuis le 45^e milliaire ainsi que l’Aqua Anio Nouus depuis le 62^e milliaire.

20Inscription datant de Vespasien (mars-1^er juillet 71) :

IMP(ERATOR) CAESAR VESPASIANVS AVGVST(VS) PONTIF(EX) MAX(IMVS) TRIB(VNICIA) POT(ESTATE) II IMP(ERATOR) VI CO(N)S(VL) III DESIG(NATVS) IIII P(ATER) / AQVAS CVRTIAM ET CAERVLEAM PERDVCTAS A DIVO CLAVDIO ET POSTEA INTERMISSAS DILAPSASQVE / PER ANNOS NOVEM SVA IMPENSA VRBI RESTITVIT (CIL, 6, 1257)
L’imperator César Vespasien Auguste, grand pontife, revêtu de la puissance tribunicienne pour la 2^e fois, 6 fois imperator, 3 fois consul, 4 fois consul désigné, père de la patrie, a fait rétablir dans Rome, à ses frais, les Aquae Curtia et Caerulea amenées par le divin Claude puis interrompues et perdues pendant neuf années.

21Inscription datant de Titus (1^er juillet 80-1^er juillet 81) :

IMP(ERATOR) T(ITVS) CAESAR DIVI F(ILIVS) VESPASIANVS AVGVSTVS PONTIFEX MAXIMVS TRIBVNIC(IA) / POTESTATE X IMPERATOR XVII PATER PATRIAE CENSOR CO(N)S(VL) VIII / AQVAS CVRTIAM ET CAERVLEAM PERDVCTAS A DIVO CLAVDIO ET POSTEA / A DIVO VESPASIANO PATRE SVO VRBI RESTITVTAS CVM A CAPITE AQVARVM A SOLO VETVSTATE DILAPSAE ESSENT NOVA FORMA REDVCENDAS SVA IMPENSA CVRAVIT (CIL, 6, 1258)
L’imperator Titus César, fils du divin Vespasien, Auguste, grand pontife, revêtu de la puissance tribunicienne pour la 10^e fois, 17 fois général, père de la patrie, censeur, 8 fois consul, a fait reconduire à ses frais dans un nouveau conduit les Aquae Curtia et Caerula amenées par le divin Claude et restituées par la suite à Rome par son père le divin Vespasien, car elles avaient été ruinées jusqu’à la base, depuis leurs sources, par la vétusté.

22La porte fut remaniée au V^e siècle par Honorius en vue d’y ajouter un bastion mais cette structure fut détruite en 1858.

Porte Majeure.

Restitution virtuelle de la porte Majeure côté externe de la muraille.

Restitution virtuelle de la porte Majeure côté interne de la muraille.