1. Temple de Junon Moneta1

1Le temple de Junon Moneta se situait sur l’Arx, la citadelle du Capitole. Junon Moneta est la déesse « qui avertit » (c’est le sens du verbe latin monere) en référence au célèbre épisode des oies du Capitole : ces oies, élevées dans l’enceinte d’un sanctuaire de Junon, ont averti les Romains d’une tentative d’assaut nocturne de troupes gauloises en 390 av. J.-C. C’était le temple le plus important de l’Arx et il a donné notre mot « monnaie » car l’atelier monétaire était installé juste à côté. On a longtemps cru que la basilique Sainte-Marie d’Aracoeli était construite à l’emplacement du temple de Junon Moneta, mais les fouilles menées sous l’église au début des années 2000 ont montré qu’il n’y a jamais eu de temple à cet endroit. Les traces trouvées sous l’église sont celles d’une belle demeure aristocratique. Le temple de Junon Moneta est certainement à placer en contrebas de la basilique, à l’emplacement du jardin de l’Aracoeli où les restes observables pourraient être les fondations du podium d’un temple orienté vers le Forum romain. Cela conduit à déplacer le temple de Junon un peu vers l’est par rapport aux représentations traditionnelles (notamment celle de la maquette de P. Bigot), c’est-à-dire le descendre en direction du Forum romain. Parmi les restes observés dans le jardin de l’Aracoeli, une partie devait appartenir à l’Auguraculum, le lieu dominant le Forum romain d’où les augures pouvaient observer le vol des oiseaux dans le ciel et interpréter ainsi l’avis des dieux.

2D’après la tradition (Tite-Live, Histoire romaine, 7, 28, 4-7), le temple fut voué à Junon Moneta par le dictateur Lucius Furius Camillus (le fils de Marcus Furius Camilllus, dit « Camille », le vainqueur final des Gaulois en 390 av. J.-C.) lors d’une bataille contre les Aurunces en 345-344 av. J.-C. et il aurait été dédié un an plus tard.

Emplacement supposé du temple de Junon Moneta.

Temple de Junon Moneta sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle du temple de Junon Moneta qui domine la roche Tarpéienne. Au centre, l’escalier des Gémonies et à gauche, le temple de la Concorde.

2. Tabularium, temples de Vénus Victrix, de Felicitas et du Genius Populi Romani2

3La substruction traditionnellement appelée Tabularium fut construite vers 78 av. J.-C. par Quintus Lutatius Catulus à l’initiative de Sylla. Le même Catulus fut également chargé de reconstruire le Capitole après l’incendie de 83 av. J.-C. Selon une nouvelle interprétation, cette substruction supportait en fait une plate-forme sur laquelle s’élevaient trois temples : au centre, celui de Vénus Victrix, à gauche, un temple au Genius Populi Romani et à droite, un temple à Felicitas. Le Tabularium proprement dit était un bâtiment distinct, adossé à la substruction, à l’emplacement où sera construit plus tard le portique des Dei Consentes. Il abritait les textes de lois ainsi que les plébiscites et les sénatus-consultes. La plupart de ces textes étaient gravés sur des plaques de bronze, les tabulae (tables) d’où l’appellation de Tabularium.

Substruction autrefois interprétée comme le Tabularium, avec les trois colonnes du temple de Vespasien au premier plan et le portique des Dei Consentes sur la gauche.

Le Tabularium sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle de la substruction qui porte le temple de Vénus Victrix au centre, entouré du temple de Felicitas et du temple au Genius Populi Romani. Au fond, à droite, le temple de Junon Moneta.

3. Temple de Véiovis3

4Le temple de Véiovis se trouve sur le Capitole, à l’arrière de la substruction qui a été autrefois interprétée comme le Tabularium. Construit au début du II^e siècle av. J.-C, il est dédié à une divinité juvénile infernale qui est peut-être issue des croyances étrusques : Ve-Iouis signifierait « Zeus jeune ». Il est encore possible d’observer des traces de ce temple à cella barlongue dans les musées capitolins.

5Les restes du temple ont été découverts en 1939 sous le Palais sénatorial, mais sous ce temple se trouvent les traces d’un édifice beaucoup plus ancien. Ce dieu dont la statue de culte a même été retrouvée, mais sans la tête, n’est pas sans rapport avec la tradition de l’asile qui a caractérisé ce lieu à l’époque archaïque.

6Le temple n’est pas représenté sur la maquette de P. Bigot.

Temple de Véiovis.

Restitution virtuelle du temple de Véiovis.

4. Cliuus Capitolinus4

7Il existait trois possibilités de monter au Capitole dans l’Antiquité. Pour rejoindre l’Arx depuis le Forum romain, il fallait emprunter l’escalier des Gémonies entre la prison Mamertine et le temple de la Concorde. Pour monter sur l’esplanade Capitoline dominée par le temple de Jupiter Capitolin, on pouvait soit emprunter les Centum Gradus, un escalier monumental qui permettait d’accéder du champ de Mars au Capitole, soit emprunter le Cliuus Capitolinus.

8Cette rue en pente était la plus importante car la seule carrossable et surtout la plus symbolique puisqu’elle marquait la fin du parcours du triomphe. Le Cliuus Capitolinus commence au niveau du temple de Saturne, il passe le long du portique des Dei Consentes et il rejoint le mur d’enceinte de l’esplanade Capitoline.

Cliuus Capitolinus, avec le temple de Saturne à gauche et le temple de Vespasien à droite.

Cliuus Capitolinus sur la maquette de Paul Bigot, avec le temple de Saturne à gauche et, à droite, du premier à l’arrière-plan, le temple de la Concorde, le temple de Vespasien et le portique des Dei Consentes.

Restitution virtuelle du Cliuus Capitolinus, avec le temple de Saturne à gauche et le temple de Vespasien à droite.

5. Temple de Jupiter Tonnant5

9Le temple de Jupiter Tonnant serait le premier édifice religieux que l’on rencontrait quand on arrivait sur le Capitole depuis le Cliuus Capitolinus. Ce temple peut être considéré comme « le portier » du temple de Jupiter Capitolin si on suit le témoignage de Suétone :

Comme il fréquentait assidûment le temple qu’il avait consacré sur le Capitole à Jupiter Tonnant, il rêva que Jupiter Capitolin lui reprochait d’écarter ses adorateurs, à quoi il avait répondu que Jupiter Tonnant avait été placé près de lui comme portier (Vies des douze Césars, Auguste, 91, 3).

10Pour renforcer ce témoignage, Cassius Dion nous dit que Jupiter Tonnant est placé en sentinelle devant le temple de Jupiter Capitolin (Histoire romaine, 54, 4, 2-6). Or, juste devant le temple de Jupiter, Junon et Minerve, les substructions d’un temple ont effectivement été mises au jour entre 2009 et 2014 et les fouilles ont montré que deux bases se trouvaient devant le podium. Cette découverte a été rapprochée du témoignage de Pline l’Ancien (Histoire naturelle, 34), qui nous parle de « Castor ac Pollux ante aedem Iouis Tonantis », de « Castor et Pollux, devant le temple de Jupiter Tonnant ». Il y a donc de fortes probabilités pour que ce temple mis au jour récemment soit bien celui de Jupiter Tonnant et, dans la maquette virtuelle, deux statues de Castor et Pollux sont placées devant son podium.

Restitution virtuelle du temple de Jupiter Tonnant avec ses deux statues de Castor et Pollux en avant du podium.

6. Temple de Fides6

11Le temple de Fides se trouvait sur le Capitole, à proximité de l’escalier qui permettait de rejoindre cette colline depuis le champ de Mars. Il devait être un des temples les plus prestigieux du Capitole de Rome. Les restes archéologiques encore visibles aujourd’hui ont été retrouvés sur la zone sacrée de Sant’Omobono, suite à l’effondrement d’une partie de la colline du Capitole du côté sud. Des fragments de fûts de colonnes cannelées ont ainsi été mis au jour. La base de ces colonnes est de style attique et les tambours sont revêtus de stuc. D’après l’analyse du fragment 499 de la Forma Vrbis Romae, on estime que le temple était périptère sine postico, c’est-à-dire sans colonnade à l’arrière. Les murs de la cella étaient recouverts de plaques de bronze gravées avec des lois ou des diplômes militaires. Une plaque portant un extrait de la lex Cornelia de XX quaestoribus a ainsi été retrouvée. La plaque mesure 80 cm sur 110 cm. Des textes étaient également gravés directement dans la pierre du podium, comme sur le temple d’Apollon à Delphes.

12Le temple de Fides situé sur le Capitole était pourvu d’une statue cultuelle vraisemblablement acrolithe : les vêtements étaient en bronze doré alors que le corps de la statue était en marbre. Quelques éléments ont pu être retrouvés, notamment des morceaux de la tête, des fragments de pieds portant des sandales et une main probablement voilée. La main et le bras droits pourraient avoir été tendus en avant, car Valère Maxime écrit : « Sous les traits qu’elle offre à tous les yeux, la vénérable divinité de la Bonne Foi présente sa main droite, gage très sûr de salut pour les hommes » (Faits et dits mémorables, 6, 6, 1). La main gauche, en partie conservée seulement, présente une forme telle qu’elle devait porter un objet, probablement une corne d’abondance. La statue mesurait environ 6 m de haut.

13Le temple n’est pas représenté sur la maquette de P. Bigot.

Restitution virtuelle du temple de Fides avec son podium portant des inscriptions.

Restitution virtuelle de l’intérieur du temple de Fides.

7. Temple de Jupiter Capitolin7

14Le temple de la triade capitoline, Jupiter, Junon, Minerve, que l’on appelle aussi le temple de Jupiter Capitolin ou le temple de Jupiter très Bon, très Grand (Iupiter Optimus Maximus) se dressait sur l’esplanade Capitoline (l’Area Capitolina), la partie sud de la colline du Capitole. De l’extérieur, rien n’est visible aujourd’hui si ce n’est l’extrémité sud-est des fondations que l’on peut apercevoir derrière une vitre dans la via del Tempio di Giove. Les fondations ont été reconnues presque dans leur ensemble mais il nous manque leur sommet et il ne reste rien de l’élévation.

15Le temple connut quatre états de construction :

1. temple archaïque construit au VI^e siècle av. J.-C., à la toute fin de l’époque royale : selon la tradition il aurait été commencé par le roi étrusque Tarquin l’Ancien, terminé par Tarquin le Superbe et dédié symboliquement la première année de la République, en 509 av. J.-C. ;
2. reconstruit par Catulus après l’incendie de 83 av. J.-C. ;
3. reconstruit par Vespasien après l’incendie de 69 apr. J.-C. ;
4. reconstruit par Domitien après l’incendie de 80 apr. J.-C.

Le temple représenté sur la maquette de P. Bigot et sur la maquette virtuelle correspond à l’état 4, mais on peut supposer qu’il fut toujours reconstruit à peu près à l’identique compte tenu de son caractère extrêmement sacré et symbolique pour les Romains. Un denier correspondant à l’état 2 (denier de Petillius Capitolinus, 43 av. J.-C.) le représente hexastyle, c’est la solution adoptée sur la restitution.

16Il est toujours difficile de restituer un temple dont on ne connaît que les dimensions des fondations, mais ici nous avons un cas particulier car ces dimensions sont particulièrement colossales et atypiques dans l’histoire de l’architecture romaine (74,30 m x 53,82 m). Pour simplifier, il y a deux écoles : ceux qui pensent que les fondations retrouvées sont celles d’une plate-forme qui portait, outre le temple lui-même, de dimensions beaucoup plus réduites, d’autres édifices cultuels et ceux qui pensent que les fondations correspondent aux dimensions du seul temple. L’hypothèse actuellement suivie pour la restitution est en accord avec le texte de Denys d’Halicarnasse (fin du I^er siècle av. J.-C.), Antiquités romaines (4, 61, 3), qui dit que ce monument avait un périmètre de 236,50 m (800 pieds), c’est-à-dire qu’il occupait la quasi-totalité de la plate-forme. Cela donne un temple aux proportions absolument colossales (environ 68,08 m sur 50,32 m) avec une portée d’architrave centrale de plus de 12 m, ce qui laisse penser que l’entablement était en bois. Nous le représentons stuqué sur la restitution virtuelle.

17Nous savons par les textes que le temple comprenait trois chapelles côte à côte. La chapelle centrale était occupée par une grande statue de Jupiter. Les deux chapelles latérales étaient dédiées à Junon et Minerve. Sur une miniature, trouvée à proximité de Rome, conservée au musée de Guidonia Montecelio et datée de la fin II^e siècle apr. J.-C., les trois divinités sont représentées avec leurs attributs principaux : Jupiter avec la foudre qu’il tient dans la main droite et l’aigle qui est à ses pieds, Junon avec le paon, Minerve avec le casque sur les cheveux et la chouette à ses pieds. Tite-Live (Histoire romaine, 7, 3, 5) dit que la chapelle de droite était celle de Minerve, mais le relief de Guidonia montre l’inverse. Il en est de même sur une représentation conservée au musée de Trèves. Il faudrait donc peut-être réinterpréter le texte de Tite-Live : veut-il parler de la droite de Jupiter ?

18La statue de Jupiter était peut-être chryséléphantine, comme celle de Zeus à Olympie. Les triomphateurs revenant de guerre traversaient le Forum romain, montaient au Capitole jusqu’au temple pour rendre grâce à Jupiter et lui offrir une part du butin.

Restes de la fondation du temple de Jupiter Capitolin encore visibles de l’extérieur sous la verrière.

Temple de Jupiter Capitolin sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle du temple de Jupiter Capitolin avec ses trois chambres sacrées, dédiées à Jupiter, Junon et Minerve.

Restitution virtuelle de la cella de Jupiter Capitolin.

8. Insula8

19Dans le monde romain, les insulae ne sont attestées de façon sûre qu’à Rome et à Ostie. Peut-être y en avait-il aussi à Alexandrie et à Constantinople. Le mot insula, en latin, a trois sens principaux : 1. l’île ; 2. la parcelle de terrain isolée par des rues ; 3. la propriété foncière avec des habitations collectives (par analogie avec le nom du terrain). D’un point de vue architectural, les insulae sont donc des immeubles d’habitation collectifs, apparus tôt dans l’urbanisme de Rome et qui s’y sont largement développés à cause de l’accroissement de la population. Au I^er siècle av. J.-C., Vitruve résume ainsi la situation :

Vu l’importance de la ville et l’extrême densité de la population, il est nécessaire que l’on multiplie en nombre incalculable les logements. Comme des logements à seul rez-de-chaussée ne sauraient accueillir une telle masse de population dans la ville, force a été, eu égard à cette situation, de recourir à des constructions en hauteur (De architectura, 2, 8, 17).

Au I^er siècle apr. J.-C., Sénèque parle d’une « population que les toits de l’immense capitale suffisent à peine à abriter » (Consolatio ad Heluiam matrem, 2). Les insulae romaines atteignaient souvent des hauteurs vertigineuses pour l’époque.

20Les restes d’une insula du II^e siècle apr. J.-C., dégagés dans les années 1930, sont bien visibles sur le flanc nord-ouest du Capitole. L’édifice avait au moins cinq niveaux : au premier niveau se trouvent des tabernae avec, au-dessus, une mezzanine pour le logement de leurs tenanciers. Les étages suivants comprenaient de petits appartements.

Insula visible au pied du Capitole.

Insulae sur la maquette de Paul Bigot.

Restitution virtuelle d’une rue bordée d’insulae, avec une fontaine au premier plan.