Avant-propos
p. 7-9
Texte intégral
1Depuis 1992, le cycle de rencontres « Normandie médiévale » réunit des spécialistes français et étrangers au château de Cerisy-la-Salle et dans d’autres lieux, comme ici à Caen, au conseil régional de Basse-Normandie, où s’est tenue la première journée de ce colloque. Ce fut un très grand honneur d’être accueilli, en ce lieu chargé d’histoire qu’est l’abbaye aux Dames, pour entamer cette conférence organisée à l’occasion du onzième centenaire du traité de Saint-Clair-sur-Epte qui, traditionnellement, passe pour le moment fondateur du duché de Normandie. Nous reviendrons un peu plus loin sur la programmation scientifique de ce colloque, qu’il convient au préalable de situer dans les projets des deux institutions coorganisatrices de ces journées, l’OUEN et le Centre Michel de Boüard – CRAHAM.
2L’une des missions essentielles de l’Office universitaire d’études normandes (OUEN, Maison de la recherche en sciences humaines, université de Caen Normandie) est de promouvoir les recherches effectuées sur la Normandie et les mondes normands par les chercheurs français et étrangers. C’est à lui que revient l’initiative de cette série de colloques « Normandie médiévale », de l’avoir inscrite dans la programmation du CCIC (Centre culturel international de Cerisy-la-Salle) et de soutenir la publication des actes de ces rencontres. Chaque année, cette initiative est relayée par des spécialistes qui exercent leurs activités dans le cadre des programmes de leur unité de recherche ou d’institutions culturelles.
3Le Centre Michel de Boüard, Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales (CRAHAM, UMR 6273, université de Caen Normandie/CNRS) a engagé depuis plusieurs années des recherches sur le thème « Conquête, acculturation, identité : des espaces différenciés » dont l’un des axes concerne les « mondes normands médiévaux ». Ceux-ci sont entendus au sens large pour désigner d’une part les espaces où s’établirent les Scandinaves aux VIIIe-XIe siècles et de l’autre les territoires qui ont été sous domination normande en France, dans les îles Britanniques et en Méditerranée aux XIe-XIIe siècles. Les deux ont en commun d’être présentés comme le résultat de mouvements d’expansion qui ont profondément marqué l’histoire européenne, mais qui admettent aussi suffisamment de différences – quant à leur contexte, leur déroulement, leurs modalités et leur portée – pour que le second ne soit pas simplement considéré comme la continuité du premier. La liaison que l’on peut établir entre les deux mouvements, par le truchement des « Normands » dans une double acception du terme (« Hommes du Nord » / « habitants de la principauté normande », la polysémie du terme n’étant d’ailleurs pas réductible à ces seuls deux sens) est l’objet de discussions. L’histoire des fondations scandinaves, tant à l’ouest qu’à l’est de l’Europe, est étudiée autour de problématiques se rapportant aux processus d’intégration, d’acculturation, aux identités, aux transferts et aux dynamiques culturelles. Ce sont également des questions qui se posent lorsque l’on examine une période plus tardive, alors que les Normands établissent leur domination politique sur l’Angleterre et l’Italie méridionale au terme de conquêtes qui ont elles-mêmes suivi des processus différents. Depuis Charles Homer Haskins, au début du XXe siècle, les chercheurs se sont beaucoup interrogés – et continuent à le faire – sur la « normannité » de l’Angleterre ou de l’Italie normandes, sur l’existence éventuelle de « modèles » importés par les Normands dans les îles Britanniques ou l’Italie méridionale. Il s’agit là de questions très complexes dont l’examen requiert des collaborations internationales et interdisciplinaires. De ce point de vue, la venue de David Bates au CRAHAM en 2009-2012, dans le cadre d’une chaire d’excellence soutenue par la Région Basse-Normandie, a permis de renforcer ces coopérations internationales. En témoigne la forte participation de collègues étrangers (18 sur 27) parmi les intervenants du colloque, venus d’Allemagne (1), des États-Unis (1), de Grande-Bretagne (12), d’Italie (3), de Russie (1) et de France (9).
4En 2002, un précédent colloque tenu à Cerisy-la-Salle s’était interrogé sur Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie. L’objectif était d’éclairer la naissance du duché de Normandie en la confrontant aux autres expériences menées par les Scandinaves dans l’Europe du Nord-Ouest aux IXe-Xe siècles. Les communications avaient mis en évidence les liens entre l’installation des Scandinaves et les évolutions internes des pays d’origine, les différentes réactions des sociétés concernées par l’arrivée des Scandinaves, l’insertion – réussie ou non – de ces derniers dans les structures politiques et sociales des pays d’Occident, les processus d’acculturation et de transferts culturels révélés par la christianisation, les échanges linguistiques ou les témoignages archéologiques. La double nécessité de considérer les implantations scandinaves en Occident dans leur globalité, à l’échelle de l’Europe du Nord-Ouest, tout en tenant compte de la diversité des expériences menées dans chacun des pays concernés avait pu être ainsi largement discutée. Nous avons ensuite envisagé d’élargir cette approche à l’est de l’Europe dans le cadre d’un échange de chercheurs entre le Centre Michel de Boüard et l’Institut pour l’histoire de la culture matérielle de l’Académie des sciences de Russie de Saint-Pétersbourg. Cet échange a permis la tenue d’un colloque Vers l’Orient et vers l’Occident, dont une session s’est déroulée à Novgorod et à Staraya Russa du 21 au 24 juillet 2009 sur les « Contacts interethniques à l’époque de la formation de la Rus’ de Novgorod : culture, mémoire, identité », et l’autre à Caen du 22 au 24 septembre 2009 portant sur les « Regards croisés sur les contacts et les dynamiques culturelles à l’âge viking », et la mise en œuvre d’une exposition réalisée avec le musée de Normandie (« La Russie viking, vers une autre Normandie ? Novgorod et la Russie du Nord, des migrations scandinaves à la fin du Moyen Âge (VIIIe-XVe siècle) », Caen, 24 juin-31 octobre 2011).
5Le colloque 911-2011 a été l’occasion de revenir sur la fondation et les premiers développements du duché de Normandie. Mais si 911, ou plus globalement le Xe siècle, est notre point de départ, le propos envisage plus largement le mouvement d’expansion des Normands en Europe au cours des XIe-XIIe siècles et les expériences qui en découlèrent.
6« Mondes normands » : l’expression avait été utilisée voici un quart de siècle lors du deuxième Congrès international d’archéologie médiévale, tenu à Caen du 2 au 4 octobre 1987. Il convient ici d’en souligner la dimension européenne et la valeur heuristique, capable tout à la fois de se dégager d’historiographies trop étroitement nationales et de rediscuter des modèles explicatifs enracinés depuis longtemps. Nous avons ici un formidable terrain d’expérimentation pour croiser plusieurs des questions les plus importantes de l’historiographie médiévale contemporaine. L’argumentaire du colloque en donnait quelques-unes, autour de l’expansion et de l’hégémonie des Normands ; des processus de création ou de transformation des identités à la faveur des phénomènes de conquête et d’assimilation ; de la diaspora, en s’interrogeant par exemple sur la pertinence et les limites du concept appliqué aux communautés issues de la migration des Normands dans différentes parties de l’Europe médiévale ; des réseaux, dont l’étude est envisagée sous plusieurs aspects. Enfin, il nous a paru particulièrement important de laisser une place à la présentation de programmes scientifiques en cours qui conduiront immanquablement à guider de nouvelles orientations de recherche.
7Nous voudrions, pour terminer, remercier toutes les institutions qui ont permis, par leur soutien, le déroulement de cette manifestation et la publication des actes qui en sont issus : l’université de Caen Normandie, le Centre Michel de Boüard, l’Office universitaire d’études normandes, la direction régionale des Affaires culturelles de Basse-Normandie, le conseil régional de Basse-Normandie, le conseil départemental du Calvados, la ville de Caen, les Presses universitaires de Caen, l’Institut universitaire de France. Il nous est agréable d’exprimer notre gratitude à tous les intervenants de ce colloque, aux nombreux auditeurs venus en écouter les sessions et participer à la table ronde conclusive, ainsi qu’aux membres du comité scientifique qui ont apporté leur concours à l’édition scientifique de ce volume : Pierre Bouet, Lindy Grant, Judith Green, François Neveux, Luigi Russo. Nous y associons volontiers la directrice, Édith Heurgon, et tout le personnel du CCIC, ainsi que Marcelle Denis, Marie-Noëlle Leroy et Jean-Claude Fossey, qui, au CRAHAM, ont assuré la gestion matérielle du colloque, l’infographie et la cartographie, ainsi que Clémentine Berthelot pour le travail d’indexation. Nous voulons enfin dédier ce volume aux grands maîtres de l’histoire des Normands dont le souvenir est resté très présent au cours de ces journées.
Auteurs
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David Bates
Université d’East Anglia
David Bates, Professorial Fellow à l’University of East Anglia et docteur honoris causa de l’université de Caen Normandie. Ancien directeur et Honorary Fellow de l’Institute of Historical Research de Londres, c’est un spécialiste internationalement reconnu de l’histoire des Normands et de Guillaume le Conquérant (dont il prépare une biographie, sous presse, à paraître à Yale University Press en 2016). Lauréat d’une chaire d’excellence financée par la région Basse-Normandie (2009-2012), il a publié récemment The Normans and Empire (Oxford, 2013). -
Pierre Bauduin
Normandie Univ, UNICAEN, CNRS, CRAHAM, 14000 Caen, IUF
Pierre Bauduin est professeur d’histoire médiévale à l’université de Caen Normandie, membre de l’Institut universitaire de France et directeur du Centre Michel de Boüard (CRAHAM, UMR 6273). Ses recherches concernent les fondations scandinaves en Occident et à l’est de l’Europe, l’histoire politique et sociale de la Normandie et du royaume anglo-normand, les transferts culturels dans les mondes normands médiévaux. Il est l’auteur de La première Normandie (Xe-XIe siècles) (Caen, 2004) et de Le monde franc et les Vikings, VIIIe-Xe siècle (Paris, 2009). Il dirige la revue Tabularia.
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1994