Conclusion
Pour une méthode et un champ de recherche
p. 103-104
Texte intégral
1Les différents outils présentés dans cet ouvrage nous offrent la possibilité de mettre en œuvre une recherche de type qualitatif sur la manière dont les individus existent et se donnent à voir à travers leurs discours. Ils permettent ainsi de donner corps à des études sur l’ethos, tel qu’il se manifeste concrètement dans les discours à travers des faits de langue. L’analyse de ces faits de langue permet ensuite de bâtir des commentaires sur chacun des discours recueillis lors d’une enquête, puis d’établir des comparaisons entre les différents discours (ex. : ceux d’une même personne à différents moments de sa vie, ou encore ceux de différentes personnes dans une même population étudiée). Elle étaye ainsi de possibles interprétations relevant d’objets plus larges tels que la professionnalité, les dynamiques ou constructions identitaires, les identités professionnelles, etc.
2Les exemples d’enquêtes sur lesquels s’appuie cet ouvrage montrent que l’ethos discursif est à la fois un ensemble de faits de langue et un objet de recherche du point de vue des sciences sociales, dont le statut n’est pas neutre. Chacun de ces exemples illustre en effet la manière dont les individus s’efforcent de gérer les injonctions de leur environnement et leurs aspirations propres pour produire une image d’eux-mêmes cohérente. L’ethos discursif constitue une entrée de recherche sur l’ethos en général, qui pourrait être étudié à travers d’autres objets, comme la gestuelle, les comportements vestimentaires, la gestion des temps de vie, etc. De ce point de vue, tout ce qui est adressé à autrui ou à soi peut être considéré comme du discours, révélateur de formes d’ethos. L’approche proposée dans cet ouvrage est donc avant tout technique, à travers les outils présentés, mais aussi épistémologique, à travers cette question de l’ethos discursif qui recouvre des phénomènes psychologiques et sociaux de grande ampleur.
3Les analyses présentées dans l’ouvrage rappellent que les objets de recherche n’existent pas indépendamment des méthodes d’investigation qu’on leur applique, et qu’il n’existe pas de bonne méthode en soi, adaptable à tous les objets. Le chercheur choisit sa méthode et ses outils d’investigation en fonction des finalités de sa recherche et de ses intentions. Les observations produites sont toujours relatives aux outils d’observation ; une approche quantitative large orientée sur les faits n’apporte pas la même connaissance qu’une approche qualitative orientée vers les représentations que se font les individus. L’objet de recherche, en l’occurrence la production de soi, est donc intimement lié à l’instrument d’observation utilisé, l’ethos discursif.
4Cependant, il apparaît que les différents outils présentés ici montrent plus ou moins de pertinence en fonction des questions abordées par les chercheurs, concernant ce travail de production de soi. Par exemple, l’analyse des séquences et des fonctions convient bien à des récits de vie professionnelle, lorsque la dimension narrative est importante à étudier ; les modalités ou les embrayeurs du discours conviennent sans doute mieux à l’étude d’argumentations, concernant des opinions ou des jugements. C’est donc au chercheur de définir et d’affiner, conjointement, son objet d’étude et sa méthode, chemin faisant.
5L’utilisation de ces outils peut également varier en fonction de la nature des matériaux et des objectifs de la recherche. Issus des sciences du langage, ils sont ici simplifiés et adaptés pour servir aux enquêtes qualitatives sur les matériaux textuels. Ces outils demandent un effort de compréhension et d’appropriation de la part du chercheur, pour une utilisation la plus pertinente possible. Le repérage des modalités ou des oppositions structurantes, par exemple, peut s’exercer à des niveaux de détail variables en fonction de la masse des textes étudiés. Il est également possible, pour le chercheur, de combiner par exemple l’analyse des embrayeurs du discours et l’emploi du schéma actantiel. Chaque nouvelle recherche suppose ainsi des adaptations de la méthodologie, en fonction des objets et des finalités de la recherche. L’ambition de cet ouvrage est précisément de faciliter ce travail du chercheur, dans la combinaison des objets et des finalités de la recherche, autour de l’étude de la production de soi dans les discours.
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