Une université foraine pour réécrire les marges de la ruralité
p. 203-213
Texte intégral
1Cette contribution proposée à la suite des journées d’étude « Invisibilité/Visibilité, Opus III : visage(s) de l’inconvenant », propose d’apporter une réflexion sur le dispositif université foraine piloté par l’institut universitaire de technologie Clermont Auvergne (IUT CA). Celui-ci s’inscrit dans deux axes de chacun des laboratoires à l’initiative du projet, ECCLA et le CELIS : l’inconvenant pour le premier et le décentrement pour le second. Le texte qui suit a donc pour ambition de montrer comment l’association des termes « université » et « forain » suscite des positionnements décalés, proposant un concept qui amène à visiter la ruralité avec un regard différent, propice à décrypter la relation profonde qui peut exister entre les habitants et leur territoire. Il s’agit ici, en s’appropriant l’espace auvergnat dans toute sa diversité, d’en faire une nouvelle réalité. Les marges territoriales, où l’université foraine pénètre, sont un outil de (re) construction des imaginaires, pour bâtir les territoires de demain à partir d’un décentrement des règles habituellement établies du fonctionnement universitaire.
2Nous allons ici tenter de montrer comment un dispositif de coconstruction, l’université foraine, interroge le rapport de l’université aux territoires et fait émerger de nouvelles synergies, issues de la rencontre de deux mondes distincts. Après avoir décrit le dispositif université foraine, nous analyserons comment l’étrangeté de ces deux associations, « université » et « foraine » remet en cause les structures hiérarchiques et instaure la recherche d’un espace commun. Ainsi, nous verrons comment cet espace, en se situant en dehors des cadres traditionnels, construit des organisations transversales jusqu’à créer une identité propre, avec sa propre géographie. Enfin, nous nous efforcerons de montrer comment l’université foraine réécrit les marges de la ruralité en réduisant les distances entre sa perception et sa réalité et, de fait, redonne corps à la singularité des territoires.
Le territoire, espace de rencontre et de recherche
3L’université foraine, expression empruntée au monde de l’architecture, est un dispositif qui, en s’appuyant sur les trois piliers de l’IUT que sont la recherche, la formation et la professionnalisation, consiste à déplacer tous les ans l’Université sur un territoire sans lieu conventionnel avec l’université Clermont Auvergne (UCA), dans une démarche de coconstruction avec les acteurs locaux par l’initiation d’organisations transversales où chaque voix compte. Il répond à une volonté partagée de valoriser le territoire auvergnat.
4L’objectif est de faire du temps un allié qui se décline de la façon suivante, trois jours d’ateliers sur un territoire où étudiants, universitaires et acteurs locaux définissent collectivement les actions et la liste des partenaires. S’ensuivent trois ans d’actions, pendant lesquels le territoire se transforme en laboratoire à ciel ouvert, qui précèdent un troisième temps au cours duquel se fait le bilan qui vient mettre un terme au travail de terrain.
5La première édition de l’université foraine, en juillet 2022, s’est déroulée dans la communauté de communes Sumène Artense, dans le Cantal, et la seconde a été organisée en Haute-Loire, dans la communauté de communes Brioude Sud Auvergne, un an plus tard. L’université foraine se veut un lieu où les concepts sont pensés dans la perspective d’offrir une réponse différente aux enjeux locaux, avec la volonté de mettre en exergue ce qui constitue l’ADN des IUT : une implication forte sur les territoires et un outil de développement de ceux-ci.
De l’inconvenant du forain
6L’association des termes « université » et « forain » en font un objet particulier. Si la dénomination université foraine peut interpeller de prime abord (et c’est une volonté assumée afin d’offrir un espace de discussions), nous constatons, à travers la construction du dispositif, qu’elle donne du sens aux actions de l’Université sur les territoires. L’objet est à la fois source de réflexion et d’action. Les deux s’alimentent.
7De prime abord, le titre « université foraine » met en évidence des contradictions fondamentales entre une institution d’enseignement supérieur rigoureuse et stable, dont la finalité principale est l’acquisition de connaissances, et celle d’un événement temporaire, itinérant et axé en partie sur le divertissement. Cela soulève des questions sur la nature et les objectifs d’une telle entité, ainsi que sur la crédibilité de son existence. Cette association oblige à sortir du cadre et de l’ordre établi et, en ce sens, bouscule les stéréotypes. Les réactions face à ce titre démontrent souvent comment l’utilisation du terme « forain » associé au terme « université » peut être considérée comme inconvenante par la dévalorisation qu’elle semble apporter à une institution considérée comme prestigieuse et sérieuse. Elle crée une confusion de sens et génère une incohérence conceptuelle déroutante pour le non-initié. Il est donc nécessaire pour l’acteur de l’université foraine de faire preuve de pédagogie dans l’explication du dispositif, mais également de prouver son utilité par des résultats mesurables. Cette double exigence a le mérite d’obliger à régulièrement repenser et retraduire le concept présenté ici.
8L’affiliation, non commune, de ces deux noms pousse à s’interroger sur leur terminologie. L’Université a pour mission principale de dispenser une éducation supérieure de qualité, de promouvoir la recherche et le développement de nouvelles connaissances, ainsi que de contribuer à la société par le biais de la diffusion des savoirs et de la formation de professionnels qualifiés. Si nous appliquons une analyse diachronique1 du mot « université », nous pouvons considérer que le signifiant et le signifié associés à ce mot ont évolué au cours du temps, influencés par les transformations sociales, économiques et politiques qui ont affecté les institutions d’enseignement supérieur. Par exemple, les premières utilisations du terme « université » étaient liées à des associations d’enseignants et d’étudiants dans des centres d’apprentissage médiévaux. Au fil du temps, le sens du mot s’est élargi pour englober des institutions d’enseignement supérieur plus complexes et diversifiées, offrant une variété de disciplines académiques. Sans aucun doute, l’élargissement de l’accès à l’éducation, les avancées technologiques et les changements sociétaux ont pu jouer un rôle dans la transformation de la signification et de l’usage du mot.
9Dans notre propos, le terme « forain », s’il semble provoquer une contradiction avec celui « d’université », participe à l’évolution de l’Université telle que définie en amont. Le mot « forain » est généralement utilisé pour décrire quelque chose ou quelqu’un qui est étranger, extérieur ou éloigné d’une communauté. Cette définition seule explique la raison pour laquelle l’expression « université foraine » provoque la contradiction qu’elle suggère. L’étrangeté ici vient du fait que les modes de fonctionnement du dispositif semblent s’opposer à la diffusion verticale d’un savoir universitaire et gomme les barrières entre sachants et apprenants, puisque dans le cadre de l’université foraine, chacun endosse ce rôle tour à tour. L’Université et le forain peuvent se lire dans le cadre dialogique d’Edgar Morin qui consiste à mettre en relation des éléments apparemment opposés ou disparates pour révéler leurs relations et leurs influences réciproques. Pour Morin, « Le principe dialogique nous permet de maintenir la dualité au sein de l’unité. Il associe deux termes à la fois complémentaires et antagonistes2 ». L’accent ici est mis sur l’importance du dialogue et de l’échange d’idées entre les individus autour de ces deux terminologies dans le but de construire une compréhension plus profonde et plus complexe de la réalité. Nous sommes bien au cœur du propos de l’université foraine. Celle-ci peut apporter à l’institution universitaire une connaissance fine des territoires issue d’une démarche de coconstruction avec les acteurs de terrain à travers :
- La reconnaissance de l’autre : chaque participant reconnaît l’importance de son ou ses interlocuteurs, chacun avec ses propres expériences, connaissances et perspectives.
- La recherche de la compréhension mutuelle : les participants cherchent à construire un langage commun. L’objectif est ainsi d’enrichir la compréhension collective par l’élaboration de communautés de pratique.
- La remise en question et l’ouverture d’esprit : les participants sont ouverts à de nouvelles perspectives et reconnaissent que la complexité du monde nécessite une approche adaptable.
- La coopération et la coconstruction : le dialogue ne vise pas seulement à persuader ou à convaincre, mais plutôt à collaborer pour construire une connaissance partagée.
- La conscience des limites : le dialogue invite à une réflexion nécessaire sur les actions entreprises.
10L’université foraine se décline ainsi à travers cette approche ouverte, réflexive et inclusive de la communication, permettant aux individus de construire collectivement une compréhension plus approfondie et plus complexe du contexte dans lequel ils évoluent.
Une université hors les murs pour créer du commun
11La force de l’université foraine se situe dans ce cadre qui l’autorise à remettre en question les structures hiérarchiques et linéaires de la pensée et de l’organisation, comme Deleuze et Guattari l’ont traduit à travers l’élaboration de la théorie du rhizome et l’image de ses racines de plantes qui se développent de manière horizontale, sans hiérarchie ou centre défini, en contraste avec les structures arborescentes. Dans ce contexte de la pensée, l’université foraine remet en question les modèles traditionnels de connaissance et de compréhension linéaires. Elle propose plutôt une approche non hiérarchique et non linéaire, où les idées, les concepts et les connaissances se propagent de manière décentralisée et interconnectée ; le rhizome se connecte à la fois aux choses et aux idées, il ne suit ni de ligne ni d’ordre préétablis. Il est ouvert, non linéaire et ne connaît pas de centre : « N’importe quel point d’un rhizome peut être connecté avec n’importe quel autre, et doit l’être. C’est très différent de l’arbre ou de la racine qui fixe un point, un ordre3 ». Pour exemple, la gouvernance non pyramidale des projets de l’université foraine offre la possibilité de créer des réseaux horizontaux, où les individus et les groupes sont connectés de manière non hiérarchique et où le pouvoir est distribué. À l’université foraine, chaque action de recherche est coportée par un universitaire et un acteur du territoire. Ce regard croisé permet un éclairage différent où les connaissances de chacun sont considérées comme égales. Pour preuve, l’apport des pécheurs de Sumène Artense qui participent à la production de connaissances d’une action de recherche qui réunit trois laboratoires travaillant ensemble avec les acteurs locaux sur le développement d’un test prédictif et innovant, indicatif de la qualité de l’eau des rivières et des cours d’eau situés sur la communauté de communes de Sumène Artense, par combinaison de trois approches complémentaires « biormarqueurs, bioessais et science des données ». Une façon de gérer les projets qui encourage la créativité et invite à embrasser des connexions inattendues, des rencontres fortuites et des hybridations entre différents domaines de savoir. Il s’agit là d’un mode opératoire novateur qui avance selon ses propres modalités, au gré des organisations et personnes rencontrées. La spontanéité des associations fait de l’objet « université foraine » une entité qui se meut sans trajectoire prédéfinie.
12Cette agilité vient également de la définition du temps inscrite dans la construction du dispositif construit sur le mode ancien de la preuve par neuf : trois jours d’ateliers pour trois ans d’actions pour un bilan en trois actes, un résumé des réussites et des échecs ayant émaillé le quotidien de l’université foraine. Une telle démarche se répète tous les ans sur un territoire différent. La volonté initiale est de laisser le temps de la définition des actions de recherche pendant les trois jours de préfiguration et de permettre une liberté d’entreprise, dans le sens social de ce terme, pendant les trois ans d’investissement sur le territoire. Prendre le temps de se connaître, d’évaluer, de travailler en commun est vécu comme une pause dans l’accélération des conditions de vie actuelles. L’université foraine se veut comme un temps dissocié du quotidien pour nourrir des échanges. Elle met en évidence la façon dont le service public est vecteur de constructions sur des temporalités. Ainsi, par ce dispositif, l’université se donne pour mission de redécouvrir pleinement les territoires. Des collectivités locales d’autant plus méconnues qu’elles n’ont jamais eu de lien institutionnel avec le monde universitaire auparavant. Nous sommes ici dans une démarche où la connaissance se diffuse de manière transversale et collaborative puisque chacun a à apprendre l’un de l’autre. Cette connaissance hors des murs de l’université, mais également hors des murs des organisations du territoire, constitue le « commun » défini à plusieurs mains qui permettra de définir de nouvelles voies d’exploration. Il y a là une démarche scientifique inscrite dans le projet de plus en plus prégnant d’une recherche pour et avec la société. Il convient toutefois d’en cerner sa principale spécificité dont on ose croire qu’elle fait son originalité, sa dimension foraine puisque celle-ci instaure un questionnement sur les modèles traditionnels de construction de la connaissance et ouvre ainsi de nouvelles perspectives.
Les choses peuvent se construire au-delà d’elles-mêmes
13Cette façon de penser le lien entre l’Université et les territoires permet d’aller plus loin dans la construction de synergies communes. C’est par l’utilisation des contraires au sein de l’Université que l’on fait avancer l’ensemble des protagonistes. En confrontant des organisations différentes dans un dialogue transversal, des idées peuvent se construire au-delà d’elles-mêmes. Cette hypothèse peut être interprétée à la lumière de la dialectique hégélienne : chaque thèse contient en elle-même les germes de son opposition, l’antithèse4. Au fur et à mesure que la thèse et l’antithèse entrent en conflit, une synthèse émerge, qui transcende et intègre les contradictions des deux premières étapes. Ainsi, l’acceptation de cette association de l’université et du forain peut permettre de faire évoluer des concepts au-delà de leurs limitations initiales. Ceux-ci peuvent se transformer, se dépasser et engendrer quelque chose de nouveau. C’est l’un des objectifs de l’université foraine : se construire au-delà d’elle-même en embrassant un concept plus large d’apprentissage et d’éducation. En effet, l’université foraine va au-delà du cadre physique d’un campus traditionnel en offrant des opportunités de formations et d’interactions à un vaste public. Elle dépasse également les limites académiques traditionnelles en intégrant différents domaines de connaissance. Elle encourage l’interdisciplinarité et/ou la transdisciplinarité scientifique. En somme, en se construisant l’université foraine étend les frontières géographiques et académiques de l’éducation. Elle embrasse le principe de flexibilité en s’ouvrant résolument sur le monde qui l’entoure, offrant ainsi une expérience d’apprentissage dynamique et innovante pour ceux qui y participent. On peut voir ici une façon de revisiter les principes qui ont conduit à l’élaboration de la formation tout au long de la vie à laquelle on peut ajouter une volonté d’établir des liens intergénérationnels indispensables à la pérennisation de l’entreprise.
Réécrire les marges de la ruralité
14La ruralité peut être perçue comme une réalité marginale par rapport à l’urbanité. Cependant, il est important de bien avoir conscience que la ruralité ne se résume pas à une simple marge : elle possède sa propre richesse et diversité. Du point de vue de la méthode proposée par l’université foraine, réécrire les marges, c’est accepter de décentrer son regard. Dans ce cas, le chercheur ne peut pas se contenter d’étudier le territoire rural depuis un centre urbain universitaire, mais doit y pénétrer pleinement. En ce sens, la promiscuité induite pendant les trois jours d’ateliers, hors des normes propres à la ville (mobilité, infrastructures), permet ce premier décentrement du regard universitaire. Cette action peut être mise en parallèle avec la façon dont le poète Langston Hughes a, en inscrivant son écriture dans un nouveau territoire langagier, participé au décentrement et à la dé-marginalisation de la culture noire américaine. Christine Dualé, renvoie à la théorie du rhizome, vue précédemment, lorsqu’elle analyse l’écriture de Hughes : « Son travail de création lui permet d’offrir des agencements différents et nouveaux et de faire rhizome au sens où l’entendent Gilles Deleuze et Félix Guatarri5 ».
15Ainsi, accepter la marge, c’est travailler sur les distances : réduire les frontières entre l’Université et les territoires, prendre des chemins de traverse ou faire un détour pour explorer une voie inconnue. C’est accepter que la notion de distance soit un enjeu pour tous. Il est d’ailleurs intéressant de voir l’importance des kilomètres dans les questions qui ont animé les ateliers de la première édition de l’université foraine. Pour exemple, le projet « locavore » répondant à la demande de sécurité alimentaire : manger chic, pas cher, local avec l’ensemble des ingrédients provenant d’un rayon de moins de 51 kilomètres et avec un faible bilan carbone a été au cœur de réelles tensions et difficultés, montrant qu’il s’agissait bien d’un réel défi. D’autres exemples d’actions seraient de chercher à développer des solutions innovantes pour améliorer l’efficacité et la durabilité du premier et dernier kilomètre dans le cadre de la logistique. Autant de pistes d’actions que l’université foraine peut développer sur les territoires.
16Participer à l’université foraine c’est accepter, à l’image de Scott Momaday, autre auteur de la marge, d’aborder les territoires comme une identité propre, de faire le lien avec son passé et d’y chercher un espoir pour l’avenir comme le souligne Anne Garrait-Bourrier : « […] reconstruire une identité à son peuple par l’usage de diverses formes de mémoires projetées dans le récit : mémoire spontanée, mémoire personnelle presque réaliste, mémoire collective floue, mais aussi mémoire manipulée par l’imagination6 ». Ainsi, une des premières actions du chercheur est de décrypter la relation profonde entre les habitants et leur territoire pour y apporter des solutions adaptées. Prendre la posture de l’apprenant, avec l’écoute attentive des sachants : ceux qui vivent les lieux. En 2023, des actions ont été réalisées en Sumène Artense et à Aurillac. Il s’agissait de journées d’analyse microbiologique des sols à partir d’échantillons portés par les locaux. De telles actions, au-delà d’ouvrir la voie à la résilience alimentaire, ont une portée hautement symbolique car le chercheur donne aux habitants la possibilité de se réapproprier leur terre.
17Nous l’avons vu, l’université foraine créée les conditions d’un dialogue qui fait émerger des espaces partagés, des lieux précis où le sens de l’ici et du là‑bas se rejoignent. Elle est cette entité non humaine à partir de laquelle toutes les actions se construisent au sein de collectifs partagés (communauté universitaire, communauté de communes) pour travailler au plus près d’un territoire. Cette entité permet à la fois le développement régional et le fonctionnement institutionnel de l’université. Elle est un outil de lutte contre les asymétries régionales et les inégalités qui pèsent sur la cohérence territoriale. Les marges, ce sont donc les communs que l’on sait construire pour faire avancer l’Université et les projets de territoires. Ces communs peuvent évoluer au sein de communautés de pratique, comme définies par Étienne Wenger, soit des groupes d’individus qui partagent une préoccupation ou une passion commune pour quelque chose qu’ils font et qui cherchent à apprendre à travers l’interaction régulière autour de leur pratique partagée. Celles-ci permettent d’optimiser les organisations existantes. En effet, « But a new organizational form is emerging that promises to complement existing structures and radically galvanize knowledge sharing, learning, and change. It’s called the community of practice7 ». Dans ce cadre, l’originalité de la communauté de pratique vient des différences culturelles entre les parties prenantes que l’université foraine vient combler. Pour exemple, nous pouvons imaginer construire une notoriété internationale pour Sumène Artense qui viendrait renforcer celle de l’UCA en faisant rencontrer deux histoires communes : le passé minier du nord Cantal et celui de la région d’Abitibi au Canada à travers les partenariats entre l’UCA et l’université en Abitibi-Témiscamingue qui propose des formations au niveau masters dont les axes de recherche concernent la question de l’eau et du développement durable, deux thématiques au cœur de l’I-SITE8. La richesse historique de Brioude devrait être rapidement associée au sein d’une plateforme commune de réception de Canadiens dans un premier temps puis d’Américains dans un second pour revisiter l’héritage étasunien du pays brivadois et ainsi créer une dynamique internationale à partir de deux territoires sans rapports initialement construits.
Conclusion
18L’université foraine s’inscrit dans le cadre de l’agir communicationnel. Il s’agit, avec ce dispositif, de privilégier une compréhension mutuelle des interlocuteurs pour arriver à un consensus par le débat argumenté. Pour le dire autrement, sur un territoire où l’Université n’est pas implantée et n’a donc pas développé une culture partagée, l’UFO, comme il est devenu usuel de la nommer, est un temps d’échanges indispensable à une compréhension des objectifs de développement partagé. Le jeu de mots pour anglicistes – UFO (unidentified flying object) se traduisant par OVNI (objets volants non identifiés) – veut montrer pour nombre des membres de la communauté universitaire que cette démarche venue de nulle part tend à briser les nombreuses situations d’incommunication qui forment le quotidien des services publics et des collectivités, justifiant malheureusement l’inexorable transformation de nos sociétés. Dès lors, l’université foraine peut non seulement être vue comme un outil de rénovation des liens entre l’Université et son ancrage territorial selon les critères définis par l’I-site, mais aussi être un médiateur par une déclinaison multiple du faire-savoir des compétences déployées dans son cadre. Doit-on s’attendre à ce que sa marginalité devienne centrale ? Tout porte à le croire puisque l’UCA en a fait en quelques mois un dispositif essentiel au cœur de sa démarche d’excellence et s’applique à en faciliter la reconnaissance auprès de toutes les instances éducatives. Ce schéma inclusif, à partir d’un qualificatif ayant trop souvent signifié le contraire, est finalement une forme de réconciliation dans une société tellement empreinte de divisions.
Notes de bas de page
1Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Lausanne, Payot, 1916.
2Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, Paris, ESF Éditeur, 1990, p. 99.
3Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux : capitalisme et schizophrénie 2, Paris, Minuit, 1980, p. 13.
4Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Leipzig, Felix Meiner Verlag, 1828.
5Christine Dualé, Langston Hughes et la renaissance de Harlem : émergence d’une voix noire américaine, Paris, L’Harmattan, coll. « Études afro-diasporiques », 2017, p. 18.
6Anne Garrait-Bourrier, N. Scott Momaday, l’homme-ours : voix et regard, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. « Littératures », 2005, p. 136.
7« Mais une nouvelle forme d’organisation est en train d’émerger qui va certainement compléter les structures existantes et galvaniser radicalement aussi le partage des connaissances, l’apprentissage et le changement. C’est ce que nous appelons la communauté de pratique », traduction personnelle, Étienne C. Wenger et William M. Snyder, « Communities of Practice: The Organizational Frontier », Harvard Business Review, janvier-février 2000, p. 139.
8L’UCA est lauréate de l’I-SITE (Initiatives-Science — Innovation — Territoires — Économie), label qui récompense les universités qui valorisent des atouts scientifiques thématiques plus concentrés, distinctifs, reconnus sur le plan international, et qui en font un levier d’entraînement et un point d’appui de leur stratégie de développement et de partenariat avec le monde économique.
Auteurs
IUT Clermont Auvergne, Communication et Sociétés
IUT Clermont Auvergne
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