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    Plan détaillé Texte intégral Du terrain vague à la terre vague : une question d’échelle Les grands espaces pour calmer l’angoisse Passages et zones « intermédiaires » Une géographie sociale, des gens fragiles (des « enfermés » ?) Une géographie du temps : le temps comme moyen de divaguer Le stationnement provisoire comme manière d’être au monde Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Terrains vagues

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Raymond Depardon, ou le terrain vague comme (autre) manière d’être au monde

    Pascal Desmichel

    p. 147-159

    Texte intégral Du terrain vague à la terre vague : une question d’échelle Les grands espaces pour calmer l’angoisse Passages et zones « intermédiaires » Une géographie sociale, des gens fragiles (des « enfermés » ?) Une géographie du temps : le temps comme moyen de divaguer Le stationnement provisoire comme manière d’être au monde Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1À l’occasion d’une grande rétrospective consacrée à Walker Evans1, Jean-Baptiste Gauvin2 rapporte que le photographe américain avait écrit dans sa copie d’étudiant d’université de La Sorbonne (en 1926) « je vague », traduction erronée mais proche de la juste expression : « je divague ». Le journaliste ajoute : « Walker Evans possède un prénom prédisposé à toute sa vie : walker/marcheur. Son œuvre est celle d’un promeneur solitaire. Quelqu’un qui erre. Qui divague ».

    2Tout photographe serait-il un adepte de la pratique géographique du vague ? N’est-il pas « par essence » celui qui rôde, tente de franchir des barrières, de débusquer des passages, de s’enfiler dans des venelles, de prendre la route pour tenter d’y trouver le mystère de la création, et peut-être plus sûrement le sens de sa propre existence ? Il serait bien difficile et présomptueux de vouloir répondre de manière générale à ce vaste questionnement, mais il est en tout cas intéressant de constater qu’il existe chez les auteurs (photographes en particulier) une propension à pratiquer l’espace d’une manière différente de celle des autres habitants sur Terre. Ni sédentaires, ni touristes, ni « nomades » non plus (le paysan nomade connaît bien – et répète – ses parcours), ils sont des adeptes du vague qui se caractérise à la fois par un type de surface (un terrain, une topographie) et par un mode de circuler. Walker Evans est une figure emblématique de cet « usage du monde », et ce n’est pas un hasard si Raymond Depardon, photographe et penseur de l’errance, est un fervent admirateur de son homologue américain.

    Du terrain vague à la terre vague : une question d’échelle

    3Si la notion de vague a déjà été définie, renvoyant à la double dimension de flou3 et de vide4, celle de terrain mérite encore un éclairage que le géographe, habitué à penser en termes d’échelle, est sans doute en mesure d’apporter. Le terrain est un « espace plus ou moins étendu de la surface du sol5 ». À grande échelle, il renvoie à la parcelle, c’est-à-dire à la dénomination habituelle du « terrain vague ». À petite échelle, il prend la physionomie d’une plus vaste surface d’exploration : c’est « le terrain » du géographe, de l’ethnologue6, du photographe. C’est le quartier, la ville, le chemin, « la route », le « pays », la région, la montagne. Celui qui dit « aimer le terrain » affirme par là son attirance pour les chemins et l’aventure, jusqu’à revendiquer son côté « coureur de brousse7 », son goût du risque. Le terrain est un espace d’expression d’une liberté, d’une possible disparition du paysage (territoire) social normé. Parce que ses contours ne s’identifient plus, parce que l’horizon n’est plus barré par une palissade, l’espace devient un vaste no man’s land. Land, en anglais, signifie terre, de telle sorte qu’un glissement sémantique s’opère sans difficulté d’une échelle à l’autre : le terrain vague serait, dès lors qu’il dépasse le cadre d’une parcelle circonscrite, une terre vague. La terre vague correspondrait à une géographie aux frontières moins immédiatement identifiables, pratiquée selon des parcours moins préétablis, et investie selon d’autres modalités. Elle répondrait moins au désir d’avancer (d’en finir, d’aboutir) que d’adopter un autre emplacement laissant place et part au non-mouvement, au non déterminé, à d’autres vitesses. Cette compréhension d’un autre habiter relève de l’analyse géographique ; il s’agit de « suivre l’habiter pour ainsi dire dans ses campagnes et sur les routes, là où il laisse ses marques sur le sol, ses empreintes dans les paysages. Car habiter, c’est tracer des lignes et dessiner des surfaces, c’est écrire sur la terre, parfois en puissants caractères, et y laisser des images. On appellera cela géographie. Et ce n’est rien d’autre que transformer la surface de la Terre en une sorte de grande demeure, en un intérieur universel8 ».

    4La terre vague, espace vide et flou, non normé, sans statut, en situation « intermédiaire », correspondrait à un autre emplacement ontologique. Le flottement se dégageant du paysage serait tout autant issu de la physicalité de l’espace que de l’intériorité de celui qui traverse et vit cet espace. Le vague, le flottant, serait ce « paysage [qui] nous “touche”, non pas accidentellement ou anecdotiquement, mais essentiellement parce qu’il fait éprouver, de sa pure extériorité, un plus intérieur de soi (que “soi”) révélant mon intime9 ». L’individu en quête de terrain vague serait alors mû par une recherche d’éprouvé lui révélant son lien au monde. La terre vague répondrait au besoin d’être ailleurs, au souci de disparaître du là où la société nous ordonne de figurer. Le terrain vague prend dès lors une signification ontologique, il devient langage, projection d’un sentiment de vide intérieur, d’une indécision, d’une difficulté de vivre, d’un vague à l’âme, se traduisant en particulier par l’impossibilité de prendre longtemps place quelque part, de tenir son rôle dans le grand « jeu d’acteurs » de l’existence sociale. Le terrain vague devient un espace nécessaire, un sédatif, une issue de secours pour fuir du monde, pour se réparer, pour revivre10.

    5Les sciences humaines et sociales ont dénommé de diverses manières ces espèces d’espaces et les expériences associées. Le terrain vague a sans doute quelque chose à voir avec les « terres incertaines » de l’anthropologue Sergio Dalla Bernardina11, avec le concept de blancheur que David Le Breton décrit comme « une recherche délibérée de la pénurie dans le contexte social de la profusion des objets ; une passion de l’absence dans un univers marqué par une quête effrénée de sensations et d’apparence ; un souci de dépouillement là où l’ambiance sociale est hantée par l’emprise des technologies et l’accumulation des biens ; une volonté d’effacement face à l’obligation de s’individualiser. Paradoxale préférence du moins au détriment du plus. À l’hypervigilance requise pour continuer à exercer son autonomie, il adopte a minima le degré de la conscience12 ». L’individu s’absente donc, il disparaît des écrans radar de la société. Ce désir de d’effacement de soi peut être mis en parallèle avec la déliquescence de certains lieux que Patrick Prado dénomme « délieux ». Car « si les espaces qualifiés se nomment lieux, les espaces déconstruits, déshabités, déterritorialisés, se nommeraient délieux, pour les distinguer, par leur processus de déqualification, des non-lieux ou des atopies13 ». Ce sont des espaces où le temps présent (temps social) compte moins que la mémoire qu’ils détiennent. Ils dévoilent dans leur physicalité des traces d’un passé qui disparaît. Ils parlent d’absence(s) à ceux qui veulent encore les regarder. Celui qui s’expose à ces lieux ne peut que se perdre tant les repères disparaissent, s’emmêlent. Le temps a décroché, il s’est fragmenté, on est ailleurs mais on ne sait pas où. Au point que le sentiment d’être (d’exister) se perd, se fragmente, disparaît. L’ego s’estompe, l’être entre dans un éternel présent.

    6En géographie, la terre vague est un espace de vacance : vacance des lieux14, vacance de l’esprit qui peut alors vagabonder dans une autre dimension spatio-temporelle. Le vagabond, l’errant, circule, divague dans les confins qui sont des limites indécises, des zones de « faible consistance institutionnelle15 ». Il ne peut pas habiter autrement : ni habitant (résidant vraiment à une adresse), ni touriste, il vit dans un espace(temps) autre, il est cet errant que Raymond Depardon va s’attacher à définir au travers d’une expérience d’autofiction (géo)photographique dont il rapporte des images mais aussi des réflexions écrites. Raymond Depardon a besoin de mettre des mots sur ce qu’il ressent, vit, traverse et c’est notamment pour ce motif que son activité (d’auteur, artiste, voyageur, cinéaste, d’homme habitant tout simplement) constitue un objet géographique. Il s’agit moins pour le géographe de faire des commentaires d’ordre esthétique que de tenter de saisir comment, au travers d’une double écriture, un homme s’empare des lieux pour parler d’eux comme de lui16, en assumant une démarche « miroir et fenêtre17 » qui réfute, comme une certaine géographie18, le principe d’une réalité objective19. Le propos ne consiste pas ici à analyser l’œuvre entière du photographe au parcours à la fois varié et exceptionnel20 mais à s’appuyer sur des ouvrages emblématiques21 où la question du rapport au lieu se fait particulièrement prégnante.

    Il y a certes bien des habitants d’être habitant sur la Terre : sédentaire ou nomade, bien entendu, mais ce sont là des catégories d’analyse trop générales encore. Il faudrait observer plus finement les façons dont, les uns et les autres, nous créons et disposons nos abris, nos refuges, nos cabanes, nos coins, et les façons dont nous nous y retirons comme sous notre toit, dans une sorte de volonté de ralentissement ou de retour à l’immobilité qui nous paraît nécessaire à la possibilité d’une respiration22.

    7Le terrain vague n’est dès lors pas à considérer comme une marge mais comme une manière de respirer. La fuite « hors du monde » relève de l’escapisme, du soin thérapeutique. Le refuge peut prendre la forme d’un enclos de quelques mètres carrés mais peut tout autant correspondre à une vaste étendue où se perdre est nécessaire. Disparaître devient le motif d’un mode d’habiter relevant de l’errance. Le terrain (la terre) vague devient surface d’une potentielle guérison, d’un apaisement des peurs et des angoisses. L’espace – (temps) paysage se fait ici sédatif.

    Les grands espaces pour calmer l’angoisse

    J’ai peur de décevoir, j’ai peur de ne pas être à la hauteur, j’ai peur de faire mal aux gens. La peur arrive, elle ressort, elle est calmée, elle est plus aigue, elle est plus douce, elle devient une énergie, un élément moteur […] Les grands espaces calment un peu cette peur23.

    8Les voyages de Raymond Depardon témoignent d’une attirance immodérée pour les grands horizons, les hauts plateaux surtout, de Bolivie, d’Érythrée, de Tibesti, du Massif central. Quel que soit le continent, ses régions de prédilection sont sèches, désertiques même, tels la Mauritanie, le Sahara ou la Californie. Il en rapporte un monde de poussière qui n’est pas sans lien avec l’imaginaire du terrain vague : champs de pierres, amoncellements de carcasses et autres objets abandonnés, pistes, parkings, terre-pleins relèvent des deux échelles de la terre vague et du terrain vague.

    9Ces espaces ne sont pas « vides ». La géographie de Raymond Depardon est bien celle des hommes dont les empreintes demeurent constantes. Ses clichés, sans forcément intégrer la présence d’individus dans le cadre (si ce n’est une silhouette filante), ont pour sujet la manière dont les hommes investissent les lieux. Raymond Depardon estime que « ce n’est pas du tout ennuyeux de voir une photo vide […], c’est une façon très forte de voir la présence de l’être humain24 ». Le photographe se fait géographe en nous rappelant que le désert et les hauts plateaux sont habités ; c’est le « côté fenêtre » d’une réflexion dont la particularité est qu’elle se révèle clairement indissociable du « côté miroir ». Car Raymond Depardon nous parle en même temps de lui, de son propre emplacement en livrant des réflexions écrites à la fois théoriques et personnelles. Il sait mobiliser des théoriciens pour nourrir ses questionnements existentiels et par conséquent interroger le lecteur sur ce qu’il voit. Il développe un style singulier constituant en quelque sorte un triptyque associant images, récit intime et réflexions d’ordre anthropologique, psychanalytique, philosophique. Il évoque en particulier la notion de distance et par ce biais la question de l’habiter sur Terre. Par le cadrage, par la focale, par les mots, il affiche et revendique une certaine distance entre lui et les autres. Son goût des fenêtres semble attester à la fois d’un regard porté vers l’extérieur (l’intérêt pour le monde des hommes) et d’un besoin (quasi inconscient, un réflexe donc) de mise en retrait, autrement dit d’un emplacement en lisière. Raymond Depardon pratique la discrétion, celle que Pierre Zaoui qualifie d’« art de disparaître25 ». Ainsi relate-t-il dans Voyages :

    Je suis seul et tranquille / je n’ai besoin de rien / c’est ce que je cherche / je passe inaperçu / pas de regard / pas de question26.

    Plus loin encore, il réaffirme ce besoin de solitude doublé d’un refus du jeu social :

    Je voudrais être solitaire / solitaire, célibataire et nomade / quand je voyage je suis comme un enfant / ne pas essayer de séduire / à Paris, ils n’ont pas compris27.

    10Son goût pour les zones de confins renvoie sans doute à ce besoin d’entretenir une distance entre lui et les autres, entre lui et le « présent ». En se déplaçant sans être trop vu et trop socialement impliqué (capturé), il peut errer. C’est pourquoi l’errant vit par nécessité dans des espaces intermédiaires :

    l’errant en quête d’un lieu acceptable, se situe dans des espaces très particuliers : « l’espace intermédiaire ». Cet espace intermédiaire serait alors le milieu, au sens d’un espace situé entre deux mondes, un espace délimitant, ligne ou limes, marge frontière, seuil, no man’s land. C’est un fait que l’errance est affaire de marge, de frontière28.

    Passages et zones « intermédiaires »

    11Si Raymond Depardon capte des paysages au sens (géographique et photographique) traditionnel, c’est-à-dire en embrassant de grands espaces, il est aussi un géo(photo)graphe de scène. « L’espèce d’espace29 » change avec l’échelle : l’horizon dans lequel le regard se perdait cède la place à un cadre plus serré. Le studium devient punctum. La portion d’espace saisie est plus circonscrite et fait apparaître le sujet (topos) récurrent de l’œuvre de Raymond Depardon : le passage. Ce passage signifié prend diverses formes concrètes ; il se fait carrefour, angle de rue, trottoir, marquage au sol, bord de route, parking, abribus, etc. Raymond Depardon saisit un univers de murs, barrières, palissades, escaliers, terrasses où des gens stationnent et donc habitent. La vue n’est jamais totalement frontale, l’angle autorise une échappée. C’est un statut d’incertitude, d’intranquillité, d’impermanence, de précarité qui caractérise les individus photographiés. Il y a un « côté fenêtre » (un reportage à visée sociale) dans les photographies de Raymond Depardon, mais comment ne pas voir dans la posture des gens saisis la posture même de celui qui photographie (le côté miroir donc) ?

    12À Glasgow ou dans les fermes de Lozère, les personnes vivent (méditent, rêvent, rient, jouent, cherchent un rayon de lumière) au pied d’un mur. Ces murs semblent murmurer, délivrer un message. Ces vitrines et façades de modestes commerces sont en fin de vie, ou déjà fermés ; ils évoquent un espace-temps marqué par le stade de ce qui va mourir ou vient de mourir. Le lieu est incertain, fragile, à l’image des « gens de peu » qui habitent ces murs et palissades. Ils sont d’un point de vue métaphorique au pied du mur ; ils subissent, n’ont pas le choix que d’être là. Ils ne savent pas (plus) habiter autrement.

    13De même, les scènes d’intérieurs relèvent toujours du passage, du lieu intermédiaire, du troisième lieu, celui où l’on ne s’ancre pas, où l’on ne s’enferme pas : l’hôtel, motel, café est une douce zone d’attente et de passage, au décor suranné, dépouillé, telle une chambre monacale. Jamais rien d’ostentatoire, dans l’air du temps : les grands hôtels d’Afrique ou de Saïgon parlent de désuétude, d’un temps perdu. Les cafés de Bolivie ou de Lozère ont gardé leur mobilier en formica et leur nappe en plastique à carreau. Les murs blancs, beige ou vert menthe, sur lesquels on a sommairement apposé un calendrier, les sols cimentés, rappellent les intérieurs des fermes françaises des années 1960.

    Une géographie sociale, des gens fragiles (des « enfermés » ?)

    14Une géographie sociale se dessine donc. À l’espace capté de l’entre-deux (bordures, limes, seuils, frontières, confins, carrefours…) correspond un monde de vivants, de « gens de peu30 » habitant ces zones « périphériques », ces contre-espaces ou « hétérotopies31 » auxquelles Raymond Depardon a consacré une bonne partie de ses films documentaires32. La géographie du cinéaste-photographe est bien une géographie sociale des marges, des humbles, des oubliés, des invisibles, des victimes (des « hors-la-loi ») : celles d’un monde paysan en voie de disparition (minorités brésiliennes comme paysans français), des laissés pour compte de l’ère postindustrielle, des abandonnés (de l’asile de San Clemente), des gens isolés. Le groupe n’apparaît que rarement, les silhouettes au regard un peu traqué se hâtent en frôlant les murs. C’est la solitude de l’Homme qui retient l’attention de Raymond Depardon. Il semble plus précisément interroger l’emplacement du solitaire, son état, (sa légitimité ?) son statut, sa place acceptable. Raymond Depardon cherche sa place et semble projeter sur ces silhouettes à la fois son propre statut de solitaire et sa propre relation aux autres.

    Je fais beaucoup de choses seul. La solitude est très présente dans la vie du photographe. Il faut aimer la solitude pour être photographe. Je pense que j’étais prédisposé à aimer la solitude ; on me retrouvait dans les greniers de la ferme de mes parents, je fuyais la visite des cousines le dimanche après-midi33.

    15Est-ce également en raison de son enfance à la ferme du Garet que Raymond Depardon a tant de fois saisi des chiens ? Non pas des chiens derrière des clôtures mais des chiens vagabondant, libres de leurs mouvements, rôdant sur des chemins, bondissant à des angles de rues. Ce chien, figure absolue de l’errance, affirme sa liberté, menace l’ordre établi par les tenants de la société des propriétaires. Dans les villes d’Occident, il accompagne les marginaux qui s’attachent… à ne pas les tenir en laisse, défiant à leur manière la société qu’ils rejettent, revendiquant avec insolence et provocation leur droit à errer et leur refus d’ancrage. Il existe des écorchés vifs, des gens fragiles, et plus simplement des êtres qui refusent pour des raisons philosophiques et politiques des règles devenues normes, en particulier le principe établi d’une société de la propriété privée34. Ces choix relèvent-ils d’une démarche volontaire ou d’une impossibilité d’être autrement ? La frontière est parfois ténue mais nous rappelle, au travers du propos de Raymond Depardon, comme de l’anthropologue David Le Breton35 ou du philosophe Rémy Oudghiri36, que certains individus ne cherchent pas à s’agglomérer et restent épris d’un besoin de vivre en lisière du monde.

    Une géographie du temps : le temps comme moyen de divaguer

    C’était le début de l’hiver. Souvent, je restais des jours entiers sans adresser la parole à personne. Je n’avais d’ailleurs envie de voir personne. Je me réfugiais dans les rues. J’étais mal équipé et le froid me pénétrait partout. Certains jours je rentrais dans les galeries où je passais les journées à regarder les livres. D’autres jours je marchais, je me sentais bien. Cela me permettait de réfléchir, de penser à des projets, de rêver tout haut, de faire passer des angoisses. Paris était loin. J’étais oublié de tous. Je n’avais aucun ordre du jour. Je me laissais aller à l’envie du moment37.

    16Pour soulager l’angoisse, Raymond Depardon a trouvé une seconde stratégie qui n’est pas sans lien avec la première : aux grands espaces, il ajoute un jeu avec le temps qui lui permet de se libérer des impératifs sociaux et s’adonner à son activité préférée, la divagation. Il pratique l’escapisme, se défait de la tyrannie du devoir d’être là en s’immergeant dans des couloirs du temps, telles ces galeries commerciales souterraines d’une ville canadienne, tels ces espaces hétérotopiques que sont les librairies. Il se perd volontairement dans la ville qui devient zone de déambulation, de rêverie. Il applique à sa manière la théorie de la dérive de Guy Debord. Il s’attache à faire du temps un matériau malléable en se rendant là où la perception du fluide temporel n’est plus vraiment palpable. Autrement dit, il travaille à modifier la durée et applique la recommandation de Pierre Sansot38 invitant à séjourner dans une station thermale pour ne plus ressentir cet écoulement du fluide temporel. Quand le temps devient flottant, faible, qu’un no man’s time s’instaure, alors la conscience de soi s’atténue pour laisser place à une autre présence au monde. Dépourvu de la tyrannie du temps qui passe, l’être se reconnecte à la seule vérité de l’instant. De même, cette stratégie de fragmentation a quelque chose à voir avec la mémoire et le processus de discontinuité de l’être39. En fragmentant le temps, il devient en effet possible de rompre le récit historique de soi et du passé. En supprimant l’enchaînement constitutif de l’identité et de l’histoire, la frontière entre ce qui est et ce qui n’est plus est susceptible d’être franchie.

    17Raymond Depardon n’a de cesse d’employer divers stratagèmes pour partir se perdre dans des zones « hors du temps » : dans les fuseaux horaires (« le tour du monde en 14 jours »), dans le hors-saison des stations de bord de mer, dans le hors du temps du désert, dans le temps perdu du monde des paysans. Il y a chez l’auteur-photographe une quête, une obsession de s’en aller sur des portions d’espaces où le vide et le vague autorisent d’autres départs intérieurs, d’autres franchissements de frontières invisibles. La terre vague devient lieu de dissolution de l’ego, elle autorise une élévation, une sortie du corps en quelque sorte. La terre vague autorise le passage en coulisse. Quand le temps d’aujourd’hui s’efface, le sentiment d’effectuer un pas de côté devient aigu. C’est par le temps qu’on entre en voyage, c’est par le temps – et non l’éloignement kilométrique – que l’on sort du décor quotidien, c’est par le temps que l’on joue de son identité, de sa présence parmi les autres.

    Le stationnement provisoire comme manière d’être au monde

    18Le terrain vague a enfin une dernière caractéristique qui correspond bien au mode d’habiter de Raymond Depardon ; celui qui investit ces espèces d’espaces n’habite pas en propriétaire : il circule et ne stationne que provisoirement. Il n’est pas nomade mais forain. Ses séjours ne durent tout au plus quelques semaines (un vieux logement dans Buenos Aires, un vieil hôtel colonial africain ou asiatique…). Il passe sans rien prendre aux autres. La terre n’est pas conquise par un désir de propriété. Il est un errant, le vague est son milieu, son habitat, son habiter.

    L’idée forte de l’errance, c’est qu’on ne prend rien à personne. On ne s’accapare pas un lieu. L’errant est quelqu’un qui passe, il ne s’approprie pas, il ne vole pas. Dans l’errance, il y a quelque chose contre la trahison, ce n’est pas un regard dominant, ni un regard observant ou participant ; c’est un regard complètement autre […] L’errant est quelqu’un qui partage, qui vient d’ailleurs, qui ne reste pas longtemps, et qui ne tient pas à coloniser. C’est l’anticolonisateur40.

    19Ce stationnement toujours provisoire est en somme une position « politique », même si elle n’est pas revendiquée comme telle par le photographe. Pourtant, certains propos (le vocabulaire même) extraits d’Errance font nettement écho, par exemple, aux réflexions de Proudhon (« la propriété c’est du vol ») ou d’Henri Laborit qui, dans son éloge de la fuite41 à l’allure de manifeste anarchiste, use souvent du terme « dominance ».

    20Raymond Depardon vit en tout cas ainsi parce qu’il est heureux, parce que c’est sa manière de se mouvoir. Il ne visite pas mais se perd volontairement dans les métropoles du monde. Il séjourne dans des hôtels surannés, dort et circule à bord d’une camionnette à l’aménagement sommaire. Il n’a pas de camping-car, sans doute par refus d’endosser le potentiel attribut de touriste. Comme l’errant (le vagabond, le wanderer, le mystique), le couchage rudimentaire est son habiter de prédilection. Il n’y a rien de prémédité ou de calculé dans sa pratique : l’épure, le sobre et le dépouillé correspondent à sa manière d’être. « On est d’où l’on naît », écrit Pierre Bergounioux42, et Raymond Depardon est de la ferme du Garet, paysan à jamais, mal à l’aise avec l’ostentatoire, avec les codes de l’intellectualisme, avec la culture des centres urbains.

    Conclusion

    21La pratique d’une géographie du vague est-elle d’abord dictée par un acte délibéré en direction du bonheur (« la solitude heureuse du voyageur »), ou relève-t-elle d’un mal de vivre, d’une mélancolie toujours prégnante, d’un vague à l’âme ? L’espace du vague, pays ou parcelle, constitue en tout cas une issue de secours dont l’accès passe par la capacité à trouver et vivre ces lieux, par une mise à disposition de l’être à l’égard de ce qui advient (par une aptitude à « vivre en état poétique » selon la formule d’Hölderlin). La pratique photographique de Raymond Depardon démontre admirablement le propos de Serge Tisseron pour qui, effectivement, le déclencheur de l’appareil répond à un double besoin, celui de retenir le passé43 (la quête mélancolique) mais aussi de vivre l’instant, c’est-à-dire ce présent avec lequel le photographe reconnaît avoir tant de difficultés. Car c’est bien cela « la magie de la fuite : elle introduit à un temps utopique où chaque seconde s’inscrit dans l’éternité. La fuite serait ainsi une voie d’accès privilégié au monde éternel44 ».

    22Quête d’ici et maintenant, quête d’au-delà ou quête de soi ; c’est sans doute tout cela que cherche le photographe, et davantage encore. Sa quête est de trouver sa place, un emplacement où vivre en paix : « La cause de l’errance, c’est la recherche d’un endroit pour vivre45 ». Et puis la quête du lieu géographique est une quête d’acceptation de soi. Raymond Depardon cherche à accepter la vie telle qu’elle est devenue, et tente de vivre avec ce qu’il est. Il est mû en quelque sorte par une double quête du « temps perdu » : retrouver un décor d’enfance (sa ferme de Saône-et-Loire) et se mouvoir là où le monde social n’est pas trop (op)pressant. Raymond Depardon comme tous les mélancoliques est sans doute un exilé de lui-même. L’exil est un sentiment, et le terrain vague est sa réponse, insuffisante mais acceptable à défaut de mieux. Le terrain vague est fait pour ceux qui ne peuvent habiter ailleurs : l’échelle peut changer, le résultat est le même, il est le seul « lieu acceptable », il est un paysage – sentiment d’exil de soi-même et du monde. Le terrain vague devient surface de projection et langage d’un vague à l’âme. Il s’agit pour ainsi dire d’un terrain vague à l’âme.

    Notes de bas de page

    1 À Paris au centre Georges Pompidou, du 26 avril au 14 août 2017.

    2 http://www.loeildelaphotographie.com/fr/2017/05/01/article/159949221/walker-evans-lamoureux-des-bas-cotes.

    3 Du latin vagus signifiant « vagabond, errant, flottant, mouvant, indéfini, indécis ».

    4 En latin vacuus.

    5 http://www.cnrtl.fr/definition/terrain.

    6 Terrain est le nom d’une des principales revues françaises d’ethnologie-anthropologie.

    7 Élisée Reclus aimait se définir ainsi.

    8 Jean-Marc Besse, Habiter un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 10.

    9 François Jullien, Vivre de paysage ou l’impensé de la raison, Paris, Gallimard, 2014, p. 92.

    10 Frédéric Worms, Revivre, Paris, Champs Flammarion, 2012.

    11 Sergio Dalla Bernardina (dir.), Terres incertaines. Pour une anthropologie des espaces oubliés, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

    12 David Le Breton, Disparaître de soi, Paris, Métailié, 2015, p. 19.

    13 Patrick Prado, « Lieux et “délieux” », dans

    Autour des lieux

    , Aline Brochot et Martin de la Soudière (dir.), Communications, no 87, 2009, p. 123-124.

    14 Voir Philippe Bachimon, Vacance des lieux, Paris, Belin, « Mappemonde », 2013, où il évoque les friches de l’ère post-moderne et tout particulièrement l’univers (encore peu abordé) des friches touristiques.

    15 Cf. Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de lʼespace des sociétés, Paris, Belin, 2003.

    16 Raymond Depardon le dit lui-même : sa démarche se situe dans un entre-deux, elle ne se veut ni poétique ou lyrique, ni journalistique (pas de visée de reportage).

    17 Selon la formule de Jean Starobinski utilisée à maintes reprises par Raymond Depardon lui-même.

    18 En 1972, à l’heure de la géographie positiviste triomphante, Armand Frémont osait affirmer : « Il faut bien constater que si l’espace vécu accède aux conceptualisations rationnelles de l’intelligence, au raisonnement dans un espace cartésien et euclidien, il se révèle aussi lourd de charges plus obscures où se mêlent les scories de l’affectif, du magique, de l’imaginaire » ; La Région espace vécu (1972), Paris, Champs Flammarion, 2009, p. 68.

    19 « Je ne cherche pas à dénoncer, je ne cherche pas à accuser, je ne cherche pas à démontrer, je vous donne ma façon de voir, ma vision du globe, à un moment donné » ; Raymond Depardon, Errance, Paris, Seuil, 2004, p. 116.

    20 Raymond Depardon a été reporter de guerre, membre de la mythique agence Magnum, fondateur de l’agence Gamma, réalisateur de films documentaires primés à portée sociale, etc.

    21 Certains ouvrages retenus ont un caractère rétrospectif (Voyages aux éditions Hazan, Un moment si doux chez RMN), d’autres retracent des expériences singulières (Corse, La Solitude heureuse du voyageur, Errance, Le Tour du monde en 14 jours, La France, Glascow, tous aux éditions du Seuil).

    22 Jean-Marc Besse, Habiter un monde à mon image, op. cit., p. 10-11.

    23 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 96.

    24 Ibid., p. 167.

    25 Pierre Zaoui, La Discrétion ou l’art de disparaître, Paris, Autrement, 2013.

    26 Raymond Depardon, Voyages, op. cit., p. 296.

    27 Ibid., p. 400.

    28 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 171 (citant Alexandre Laumonier).

    29 L’expression est de Georges Perec qui, dans l’un de ses plus célèbres livres (Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 1974), construit une typologie des espaces de la plus grande à la plus petite échelle (de la page d’écriture au vaste monde).

    30 Pierre Sansot, Les Gens de peu, Paris, PUF, 1991.

    31

    Michel Foucault

    ,

    Le Corps utopique – Les Hétérotopies

    (1966), Paris, Lignes, 2009.

    32 San Clemente (1982), Faits divers (1983), Délits flagrants (1994), Profils paysans (2001-2008).

    33 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 38.

    34 Des auteurs font remonter la victoire du modèle propriétaire sur le modèle nomade au récit biblique au cours duquel Caïn le laboureur finit par vaincre Abel le berger.

    35 David Le Breton, Disparaître de soi, op. cit.

    36 Rémy Oudghiri, Petit éloge de la fuite hors du monde, Paris, Arléa, 2017.

    37 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 146.

    38 Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot, 2000, p. 59-60.

    39 « Le découpage du temps, passé/présent/futur, a pour préalable l’existence d’une continuité d’être (Winicott) », cité par Jacques André (Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 2009, p. 121).

    40 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 136.

    41 Henri Laborit, Éloge de la fuite (1976), Paris, Gallimard, « Folio essais », 1985.

    42 Pierre Bergounioux, Un peu de bleu dans le paysage, Lagrasse, Verdier, 2001.

    43 Développé par Roland Barthes dans La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Gallimard-Seuil, 1980.

    44 Rémy Oudghiri, Petit éloge de la fuite hors du monde, op. cit., p. 34.

    45 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 134. 

    Auteur

    • Pascal Desmichel

      Maître de conférences en géographie, Université Clermont Auvergne

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    1 À Paris au centre Georges Pompidou, du 26 avril au 14 août 2017.

    2 http://www.loeildelaphotographie.com/fr/2017/05/01/article/159949221/walker-evans-lamoureux-des-bas-cotes.

    3 Du latin vagus signifiant « vagabond, errant, flottant, mouvant, indéfini, indécis ».

    4 En latin vacuus.

    5 http://www.cnrtl.fr/definition/terrain.

    6 Terrain est le nom d’une des principales revues françaises d’ethnologie-anthropologie.

    7 Élisée Reclus aimait se définir ainsi.

    8 Jean-Marc Besse, Habiter un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 10.

    9 François Jullien, Vivre de paysage ou l’impensé de la raison, Paris, Gallimard, 2014, p. 92.

    10 Frédéric Worms, Revivre, Paris, Champs Flammarion, 2012.

    11 Sergio Dalla Bernardina (dir.), Terres incertaines. Pour une anthropologie des espaces oubliés, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

    12 David Le Breton, Disparaître de soi, Paris, Métailié, 2015, p. 19.

    13 Patrick Prado, « Lieux et “délieux” », dans

    Autour des lieux

    , Aline Brochot et Martin de la Soudière (dir.), Communications, no 87, 2009, p. 123-124.

    14 Voir Philippe Bachimon, Vacance des lieux, Paris, Belin, « Mappemonde », 2013, où il évoque les friches de l’ère post-moderne et tout particulièrement l’univers (encore peu abordé) des friches touristiques.

    15 Cf. Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de lʼespace des sociétés, Paris, Belin, 2003.

    16 Raymond Depardon le dit lui-même : sa démarche se situe dans un entre-deux, elle ne se veut ni poétique ou lyrique, ni journalistique (pas de visée de reportage).

    17 Selon la formule de Jean Starobinski utilisée à maintes reprises par Raymond Depardon lui-même.

    18 En 1972, à l’heure de la géographie positiviste triomphante, Armand Frémont osait affirmer : « Il faut bien constater que si l’espace vécu accède aux conceptualisations rationnelles de l’intelligence, au raisonnement dans un espace cartésien et euclidien, il se révèle aussi lourd de charges plus obscures où se mêlent les scories de l’affectif, du magique, de l’imaginaire » ; La Région espace vécu (1972), Paris, Champs Flammarion, 2009, p. 68.

    19 « Je ne cherche pas à dénoncer, je ne cherche pas à accuser, je ne cherche pas à démontrer, je vous donne ma façon de voir, ma vision du globe, à un moment donné » ; Raymond Depardon, Errance, Paris, Seuil, 2004, p. 116.

    20 Raymond Depardon a été reporter de guerre, membre de la mythique agence Magnum, fondateur de l’agence Gamma, réalisateur de films documentaires primés à portée sociale, etc.

    21 Certains ouvrages retenus ont un caractère rétrospectif (Voyages aux éditions Hazan, Un moment si doux chez RMN), d’autres retracent des expériences singulières (Corse, La Solitude heureuse du voyageur, Errance, Le Tour du monde en 14 jours, La France, Glascow, tous aux éditions du Seuil).

    22 Jean-Marc Besse, Habiter un monde à mon image, op. cit., p. 10-11.

    23 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 96.

    24 Ibid., p. 167.

    25 Pierre Zaoui, La Discrétion ou l’art de disparaître, Paris, Autrement, 2013.

    26 Raymond Depardon, Voyages, op. cit., p. 296.

    27 Ibid., p. 400.

    28 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 171 (citant Alexandre Laumonier).

    29 L’expression est de Georges Perec qui, dans l’un de ses plus célèbres livres (Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 1974), construit une typologie des espaces de la plus grande à la plus petite échelle (de la page d’écriture au vaste monde).

    30 Pierre Sansot, Les Gens de peu, Paris, PUF, 1991.

    31

    Michel Foucault

    ,

    Le Corps utopique – Les Hétérotopies

    (1966), Paris, Lignes, 2009.

    32 San Clemente (1982), Faits divers (1983), Délits flagrants (1994), Profils paysans (2001-2008).

    33 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 38.

    34 Des auteurs font remonter la victoire du modèle propriétaire sur le modèle nomade au récit biblique au cours duquel Caïn le laboureur finit par vaincre Abel le berger.

    35 David Le Breton, Disparaître de soi, op. cit.

    36 Rémy Oudghiri, Petit éloge de la fuite hors du monde, Paris, Arléa, 2017.

    37 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 146.

    38 Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot, 2000, p. 59-60.

    39 « Le découpage du temps, passé/présent/futur, a pour préalable l’existence d’une continuité d’être (Winicott) », cité par Jacques André (Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 2009, p. 121).

    40 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 136.

    41 Henri Laborit, Éloge de la fuite (1976), Paris, Gallimard, « Folio essais », 1985.

    42 Pierre Bergounioux, Un peu de bleu dans le paysage, Lagrasse, Verdier, 2001.

    43 Développé par Roland Barthes dans La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Gallimard-Seuil, 1980.

    44 Rémy Oudghiri, Petit éloge de la fuite hors du monde, op. cit., p. 34.

    45 Raymond Depardon, Errance, op. cit., p. 134. 

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    Desmichel, P. (2020). Raymond Depardon, ou le terrain vague comme (autre) manière d’être au monde. In J. M. Broich, W. Nitsch, & D. Ritter (éds.), Terrains vagues (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/books.pubp.2980
    Desmichel, Pascal. « Raymond Depardon, ou le terrain vague comme (autre) manière d’être au monde ». In Terrains vagues, édité par Jacqueline Maria Broich, Wolfram Nitsch, et Daniel Ritter. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2020. https://doi.org/10.4000/books.pubp.2980.
    Desmichel, Pascal. « Raymond Depardon, ou le terrain vague comme (autre) manière d’être au monde ». Terrains vagues, édité par Jacqueline Maria Broich et al., Presses universitaires Blaise-Pascal, 2020, https://doi.org/10.4000/books.pubp.2980.

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    Broich, J. M., Nitsch, W., & Ritter, D. (éds.). (2020). Terrains vagues (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/books.pubp.2860
    Broich, Jacqueline Maria, Wolfram Nitsch, et Daniel Ritter, éd. Terrains vagues. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2020. https://doi.org/10.4000/books.pubp.2860.
    Broich, Jacqueline Maria, et al., éditeurs. Terrains vagues. Presses universitaires Blaise-Pascal, 2020, https://doi.org/10.4000/books.pubp.2860.
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