Brutus ou Erostrate ? Figures de l’attentat régicide au xixe siècle
p. 159-177
Texte intégral
1Le « siècle des révolutions » fut aussi un siècle régicide, si l’on admet que la monarchie ne survit, au-delà de la Première Guerre mondiale, que sous des formes strictement limitées. Il fallut pourtant un long xixe siècle pour venir à bout de la royauté autoritaire, qui « persista » longtemps, avec les structures sociopolitiques de l’Ancien Régime, dans la plus grande partie de l’Europe, et dans le pays même de la Révolution, où elle tenta de se réinventer sous divers régimes jusqu’aux années 18701. À l’échelle du continent, la chute sanglante des Bourbons de France d’une part, celle des Romanov d’autre part, marquent clairement les bornes de ce processus de lente décomposition de la monarchie traditionnelle. Entre les deux, les régicides, sous la forme plus courante d’attentats visant la personne d’un(e) monarque, ou d’un membre de sa famille, furent relativement nombreux et fréquents, comme l’observe Franklin Ford dans son étude du meurtre politique2. Constatable dès les années 1790, leur recrudescence au xixe siècle succède à une période de « rémission » favorisée par la stabilité des monarchies « absolues ». Cherchant à comprendre ces cycles de la violence politique, envisagés sur trois mille ans, l’historien américain estime que le meurtre politique tend à devenir « endémique » dans « les situations post-révolutionnaires » au sens large, « en des temps caractérisés par des concessions craintives et des réformes partielles par le haut, […] de grandes espérances et de revendications impatientes d’un changement plus rapide encore ».
2Bien sûr, la « fréquence croissante des assassinats » entre la Révolution française et le premier xxe siècle ne résulte pas seulement des régicides. D’une part, certains attentats visent des cibles qui ne sont pas des princes ou des chefs d’État mais des dirigeants politiques plus largement : on recourt alors parfois – en particulier en langue espagnole – à la notion plus inclusive de « magnicide3 ». D’autre part, et surtout, le modèle le plus couramment admis veut que l’on passe, au cours justement du xixe siècle, d’un type d’attentat traditionnel, essentiellement ciblé sur le prince ou sur son entourage proche, à un type plus nouveau, relevant d’une logique foncièrement différente, celle du « terrorisme » contemporain, qui vise le plus souvent des individus anonymes pour atteindre l’opinion publique ; dans ce cadre, le régicide devient tout au plus une modalité marginale de l’attentat. Ce modèle se résume souvent par la formule « du tyrannicide au terrorisme », largement admise dans le champ des terrorism studies4, et qu’on retrouve, par exemple dans la somme de Mario Turchetti sur l’histoire du tyrannicide (2001), qui aboutit au terrorisme contemporain, ou en sens inverse dans l’Histoire du terrorisme dirigée par Gérard Chaliand et Arnaud Blin (2004), selon laquelle « le tyrannicide est la forme la plus répandue du terrorisme dans la période prémoderne » (c’est-à-dire de l’Antiquité jusqu’à la Révolution française5).
3Dès lors, le xixe siècle n’apparait plus tant comme un grand siècle du régicide que comme une période de transition durant laquelle ce type spécifique de meurtre politique, frappé d’obsolescence, disparaît. Pour Arlette Jouanna, c’est même dès la fin du xviie siècle, en perdant sa charge « religieuse », que le régicide dégénère en simple « acte politique » et tend à se fondre dans la catégorie plus lâche des « attentats perpétrés contre une personnalité investie d’une autorité6 », catégorie elle-même peu à peu recouverte par la notion de « terrorisme ». De fait, la royauté s’effaçant sur le plan politique, le régicide ne peut que perdre une bonne part de son sens ancien. Le diagnostic en est d’ailleurs posé très tôt dans le siècle, en particulier à travers le drame romantique, qui fait grand usage de rois et de régicides. La formulation la plus fameuse, dans ce cadre littéraire, du caractère vain et quasi absurde de la « tentation du tyrannicide » est celle de Musset dans Lorenzaccio (1834)7 ; on connait les termes prêtés au personnage éponyme, pressentant que son acte de révolte se heurtera à l’incompréhension et à l’échec :
Que les hommes me comprennent ou non, qu’ils agissent ou n’agissent pas, j’aurai dit tout ce que j’ai à dire ; […]. Qu’ils m’appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas qu’ils m’oublient.
4Brutus ou Erostrate ; le héros républicain, dont le crime, même teinté de parricide, peut se justifier voire s’exalter, ou l’incendiaire du temple d’Éphèse guidé par le seul désir de laisser son nom dans les annales : cette alternative ou ce balancement permettrait de caractériser le régicide postrévolutionnaire, ou du moins la perception que les sociétés occidentales ont pu en avoir. Effectivement, si la culture classique du tyrannicide vertueux survit encore à l’âge du romantisme politique, elle n’est certes pas à l’abri du doute et du rejet, tandis que l’ombre de la maladie mentale et de la rationalisation psychopathologique rattrape inexorablement le prestige du « coup d’éclat ». Les pages qui suivent proposent un parcours cavalier dans cette ère crépusculaire de l’attentat régicide, qui en rappellera d’abord la longue persistance dans la politique occidentale, avant d’analyser, à grands traits, les modes de justification possible de ce crime singulier, et enfin sa relégation de plus en plus générale dans l’anachronisme et le non-sens.
La longue persistance du régicide
5Jusqu’à la fin des années 1870, la quasi-totalité des attentats politiques commis en Europe sont des régicides ou du moins assimilables à des régicides, en ce qu’ils visent une personnalité investie d’un pouvoir ou d’un rôle politique primordial. Certes, la forme la plus traditionnelle, qui tient plus du coup d’État ou du « détrônement » que de l’attentat, se raréfie considérablement dès le début du xixe siècle : le sort du tsar Paul I en mars 1801 ou celui du sultan Selim III en 1808, en offrent d’ultimes exemples. Même si le meurtre du couple royal de Serbie en 1903 s’y rattache encore, ce type ancien laisse la place à des agressions plus spectaculaires, commises en public, par des individus éloignés de la sphère du pouvoir et le plus souvent dans une intention clairement subversive. Le cas le plus fréquent, sur un modèle dont Ravaillac serait l’exemple emblématique, voit un individu seul, muni d’une arme blanche ou, de plus en plus, d’une arme à feu, tenter de frapper le (la) monarque, avec plus ou moins de détermination meurtrière. Tout au long du siècle, les tentatives sont nombreuses, dont la grande majorité furent des échecs, souvent assez vite oubliés. Plus rarement, les régicides agissent dans le cadre d’une conspiration, comme dans le cas de « l’incident de Kuleli », ce projet d’assassinat du sultan Abdülmecid démantelé en 18598. Reprenant une forme ancienne de conjuration militaire, cet événement signale pourtant l’entrée de la politique ottomane dans l’âge de l’attentat moderne, parce que le projet des conjurés est bien de frapper le sultan lors d’une cérémonie publique et non plus dans le huis clos d’une révolution de palais. De plus, le débouché politique de l’attentat paraît imprécis et tributaire des réactions de l’opinion publique, ce qui n’aurait guère eu de sens avant le premier xixe siècle.
6Un troisième type d’attentat marque encore davantage la rupture postrévolutionnaire : c’est le recours à l’explosif dont la « machine infernale » de la rue (Saint-)Nicaise, le soir du 24 décembre 1800, offre l’exemple à l’orée du siècle9. Ce procédé spectaculaire reste longtemps rare, mais il se retrouve dans les grands attentats parisiens dits « de Fieschi », le 28 juillet 1835, et « d’Orsini » le 14 janvier 1858. Tout en faisant de nombreuses victimes parmi les factionnaires, passants ou spectateurs anonymes, il s’agit bien dans ces trois cas de régicides, visant respectivement le Premier consul, le roi Louis-Philippe et Napoléon III, et c’est à ce titre qu’ils sont prioritairement jugés. Bien qu’il soit indemne, le chef de l’État fait figure de victime principale de l’attentat, que ce soit dans les représentations, qui se focalisent largement sur sa personne, ou sur le plan judiciaire10. Il faut en effet souligner que l’attentat contre le monarque continue longtemps à être incriminé d’une manière exceptionnelle dans le droit pénal des différents États européens, preuve de sa pérennité au moins virtuelle.
7Dans le cas français, on le sait, le code de 1810, dont les dispositions sont confirmées par la loi du 10 juin 1853, protège sévèrement l’intégrité physique et la majesté de l’empereur ou du roi, et secondairement de sa famille, au nom de la sûreté de l’État. Quel que soit son mode opératoire, et indépendamment de ses conséquences effectives, l’attentat contre la personne du monarque, ou même le simple complot, est placé jusqu’en 1870 au sommet de l’échelle des crimes, passible d’un tribunal extraordinaire et d’une condamnation capitale aggravée d’une peine spécifique, dite « du parricide », qui fut appliquée notamment à Fieschi et à Orsini11. Ce long maintien d’un statut pénal spécifique en matière d’attentat régicide est d’autant plus frappant qu’il contredit la rationalisation libérale du droit dans l’Europe postrévolutionnaire. Comme le souligne Sophie Dreyfus, le Code pénal reprend, sur ce point précis, une « figure de la souveraineté absolue héritée du modèle monarchique », tout en l’excluant, par l’assimilation de l’attentat au parricide, de la catégorie des crimes « politiques » ou « conventionnels » (par opposition aux crimes « naturels ») susceptibles d’une répression distincte du « droit commun12 ».
8La pénalité spécifique permet ici de réaffirmer le caractère inexcusable de toute atteinte au corps du monarque, confirmé par le refus réitéré d’envisager l’irresponsabilité pénale éventuelle de l’« attentateur » ou encore par la rareté des mesures de grâce13. Le contraste est frappant à cet égard avec l’évolution de la législation pénale et de la pratique judiciaire en Grande-Bretagne où l’on observe, dès le xviiie siècle une tendance continue à considérer la plupart des auteurs d’attentats isolés comme des fous, destinés à l’internement plus qu’à l’échafaud14. Ainsi James Hadfield est-il tenu pour irresponsable de sa tentative d’assassinat au pistolet de George III le 15 mai 1800 au Théâtre royal, tandis que les conspirateurs réunis autour du colonel Despard en 1803, ou d’Arthur Thistlewood en 1820, subissent la rigoureuse répression de la « haute trahison ». Avec l’accession de Victoria au trône, l’évolution se confirme : non seulement aucun des sept auteurs d’attentat contre la reine ne fut exécuté, mais après la troisième tentative, en 1842, est adoptée une loi prévoyant une incrimination spécifique dans les cas où l’intention de tuer n’est pas prouvée ; la peine encourue est alors limitée à 7 années d’emprisonnement. Même si ce nouveau Treason Act pouvait être interprété comme une manière de faciliter, en l’atténuant, la répression de ces attentats mineurs, il signale aussi les conséquences de l’effacement du rôle politique de la monarchie et de la « mutation du charisme princier » qui l’accompagne15, reléguant le régicide dans le domaine de l’anecdotique ou du droit commun. Dans cette voie, la Grande-Bretagne montrait le chemin qu’allaient ensuite emprunter les monarchies continentales, progressivement rattrapées par le parlementarisme libéral16.
9Le second xixe siècle voit cependant se multiplier les attentats visant des chefs d’État, le plus souvent couronnés. Le régicide s’insère alors dans de nouveaux cadres de la violence politique, qu’inaugureraient notamment les bombes d’Orsini (1858)17, ou encore le premier attentat contre le tsar Alexandre II en avril 1866. Dans ce dernier cas, la tentative de Karakozov relève pourtant du type le plus classique – un homme seul, obscur, sort de la foule et tire sur l’empereur –, mais elle ouvre une longue série dans le pays qui devient, surtout à partir de la fin des années 1870, la principale terre d’élection du « terrorisme » dans son acception aujourd’hui dominante18. En effet, l’historienne américaine Claudia Verhoeven montre que l’« homme étrange » qui veut tuer le tsar n’a d’autre objectif que la destruction, ou du moins l’ébranlement de l’ordre sociopolitique dont l’autocrate est à la fois la clé de voûte et l’icône vivante. À travers le monarque, c’est en réalité tout un système de pouvoir qui est visé, dans une optique radicalement subversive, qui dépasse en quelque sorte le cadre du régicide « traditionnel ». Même si la thèse d’une totale nouveauté propre à l’attentat de Karakozov est sans doute discutable, elle présente l’intérêt de dissocier le label « terroriste » (qui suscite tant de discussions) du seul critère de l’attentat « aveugle » ou indiscriminé, commis de préférence à l’explosif. Elle rend ainsi compte de ce fait, souvent remarqué, que la grande majorité des attentats liés aux mouvements révolutionnaires – en particulier l’anarchisme – de la fin du siècle sont de forme relativement classique, ciblés, et visent notamment des dirigeants politiques de premier plan, dont des chefs d’État. Le régicide perd sans doute en spécificité et en centralité dans un répertoire d’action subversive élargi, mais la « philosophie de la bombe19 » ne le fait pas totalement disparaître .
10Cette persistance est d’autant plus nette que les grands régicides de la période sont bien perçus comme des sommets de violence, et entraînent des tournants répressifs significatifs. Après les tentatives visant Bismarck ou Guillaume Ier dans les années 1870, c’est surtout l’assassinat d’Alexandre II en mars 1881, après neuf tentatives manquées en quinze ans, qui marque les esprits tout en mettant en lumière la détermination de certains révolutionnaires russes. La mort du tsar provoque un (nouveau) durcissement de la police politique du régime – déjà exceptionnellement puissante – qui aura une certaine efficacité, en parvenant à préserver jusqu’en 1917 la vie des deux derniers empereurs (mais pas celle, par exemple, du grand-duc Serge, oncle de Nicolas II, tué dans sa voiture en février 1905). En France, l’assassinat du président Sadi Carnot, en juin 1894, apparait comme le point culminant du cycle d’attentats inauguré par Ravachol au printemps 1892, tout en en marquant la fin, « lois scélérates » à l’appui. Peu après, les assassinats successifs d’Elisabeth d’Autriche (1898), du roi Humbert d’Italie (1900) et du président américain McKinley (1901) entrainent, après la réunion d’une conférence internationale à Rome, des efforts de coopération accrus dans la lutte contre l’anarchisme20. Le régicide est également l’un des points d’aboutissement de la violence politique en Espagne : plusieurs attentats visent le jeune roi Alphonse XIII, en juin 1905 à Paris (en compagnie du président Loubet) et surtout lors de son mariage à Madrid, le 31 mai 1906, avec un bilan humain très lourd. Le shah de Perse (1896), le roi du Portugal avec son fils (1908), le roi de Grèce (1913), s’ajoutent à une liste dont on n’exclura certes pas l’archiduc François-Ferdinand, héritier de la couronne des Habsbourg, dont l’assassinat « préventif » (Arno Mayer), le 28 juin 1914, eut les conséquences que l’on sait.
11S’il fait de plus en plus place à d’autres types d’attentats, non seulement magnicides, mais aussi « indiscriminés », et non plus ou plus seulement régicides, le meurtre du chef de l’État reste un haut lieu de l’attentat politique à la Belle Époque21. Et encore au-delà d’ailleurs : qu’on songe aux attaques sanglantes qui frappent la Bulgarie en avril 1925, au meurtre de Paul Doumer en 193222 ou à l’assassinat du roi de Yougoslavie à Marseille en 1934. Ce dernier, faisant « rejouer le spectre » de celui de Sarajevo, conduisit la SDN à tenter d’établir une définition consensuelle du « terrorisme politique » pour favoriser la coopération judiciaire à l’échelle internationale23.
Brutus moderne(s) ?
12Le régicide contemporain se justifie comme une modalité du tyrannicide : l’agression contre le monarque, ou plus largement contre tout dirigeant politique, est justifiée par les torts ou les abus qui lui sont imputés, et qui le font percevoir comme un « tyran ». En France, les Bourbons réussirent à rendre l’assimilation rare et improbable pendant plus d’un siècle, en s’appuyant notamment sur le repoussoir de 1610, mais l’idée même que « tout roi est un tyran » s’exprime avec la force d’un retour du refoulé durant le procès de Louis XVI. Le « thème du tyrannicide » (ré)émerge en fait dès l’automne 1790, et « connait une greffe révolutionnaire d’autant plus intense qu’il fait appel à l’enthousiasme patriotique et s’appuie sur une tradition littéraire et artistique vivante autour du mythe républicain de Brutus », exalté par plusieurs auteurs des Lumières, comme Voltaire ou Alfieri24. Au lendemain de la fuite de Varennes, les poignards sont explicitement tirés, et le jugement dernier des rois prononcé. Les républicains du xixe siècle seront « des brutus », selon l’antonomase attestée par Littré, qui précise qu’elle s’emploie « en bonne ou en mauvaise part25 ». Soulignons en effet que le personnage de Brutus est double (le premier consul de la République et le « dernier des Romains », comploteur contre César près de 500 ans plus tard) et tout à la fois héroïque et maudit, assassin de ses fils dans le premier cas – comme le rappelle le célèbre tableau de David en 1789 – et parricide dans le second. Dans les deux cas, le mythe fait de Brutus une figure sacrificielle plutôt que triomphale.
13Une fois le roi exécuté, le tyrannicide peut certes se retourner contre le nouveau pouvoir révolutionnaire, et les leaders de la Montagne deviennent à leur tour la cible des poignards, en particulier de celui de Charlotte Corday, qui fournit à la postérité un exemple aussi fameux qu’atypique de « Brutus » moderne. Lorsque Bonaparte prend et confisque le pouvoir républicain, plusieurs complots se forment contre le dictateur, du côté républicain d’abord, puis du côté royaliste, avec l’attentat de la rue Saint-Nicaise, qui offre l’occasion d’une répression tous azimuts, visant avant tout les héritiers des « terroristes » de 1793-179426. Certes, les auteurs de l’attentat, liés en réalité à la chouannerie, fuient et taisent leurs motifs : le mode opératoire, et le carnage auquel il aboutit, empêche largement toute revendication héroïque. Retenons néanmoins que l’idée d’un tyrannicide d’inspiration contre-révolutionnaire n’est évidemment pas à exclure : on en trouverait un avatar, dans un contexte certes différent, dans l’assassinat de Lincoln par le sudiste Booth, au cri de Sic semper tyrannis !, point de départ d’une vague de terreur « blanche » (c’est-à-dire en l’occurrence « suprémaciste ») qui touche les États ex-esclavagistes dans les années de la Reconstruction, et encore bien au-delà27.
14C’est pourtant bien du côté des héritiers du jacobinisme qu’il faut chercher les formes principales de résurgence ou de modernisation de la « théorie du tyrannicide » à l’âge libéral. Celle-ci, souligne Mario Turchetti, ne peut plus guère s’ancrer dans la pensée juridique ou même morale : comment qualifier de tyran celui (ou celle) qui règne selon des règles constitutionnelles ? Elle se régénère en revanche en s’articulant à la question sociale, au sein des courants de pensée qui remettent en cause la société libérale elle-même et invoquent un inaliénable droit de résistance à l’oppression, même soutenue par les lois. Mais bien entendu, ces doctrines – néo-jacobines, socialistes, anarchistes surtout – ne s’en tiennent pas, loin de là, à l’idée de « tuer le tyran » : c’est plus que jamais « la tyrannie » qu’il s’agit d’extirper, et s’en prendre à celui qui l’incarne ne saurait y suffire. La violence révolutionnaire, pour être pleinement justifiable, doit être collective, insurrectionnelle, et préparer l’avenir. En regard, les Brutus qui surgissent, au fil du siècle, sont des solitaires – ou membres d’étroites conspirations marginales – dont l’acte, souvent contre-productif à court terme, ne peut guère se défendre qu’à demi-mots, au sein même des groupes auxquels leurs idées les rattachent.
15Soulignons néanmoins l’héroïsation possible du meurtre politique à l’époque romantique, non seulement dans l’art ou la littérature, mais jusque dans un discours social plus diffus. L’étudiant allemand Karl-Ludwig Sand, assassin de l’écrivain pro-russe Kotzebüe, puis le sellier Louis-Pierre Louvel, qui frappe au cœur la monarchie restaurée à travers le duc de Berry, en offrent deux excellents exemples en 1819-182028. Si le crime du « nouveau Ravaillac » est certes loin de faire consensus dans la France de 1820, il trouve des « admirateurs » (comme le dira Chateaubriand), d’abord clandestins puis plus transparents après juillet 1830. Au-delà des réserves que suscite toujours le recours à la violence individuelle, la valeur démonstrative, protestataire et même rétributive, que l’assassin entend donner à son acte – à travers toutes ses déclarations – rencontre une incontestable audience29. Mais c’est sans nul doute Louis Alibaud, auteur d’un attentat à la canne-fusil contre Louis-Philippe en 1836, qui se prête le mieux à l’exaltation du geste tyrannicide, plus proche du sublime que du crime sordide30. Comme Louvel, il assume et revendique son acte – qui cependant n’a pas tué le roi, et n’en avait peut-être pas même l’intention31 – et se présente avec un étonnant aplomb devant ses juges pour y défendre le régicide comme « droit de l’homme qui ne peut obtenir justice que par ses mains », formule qui conduit le président de la Cour des pairs à lui retirer la parole32. Aussi désintéressé mais plus cultivé que l’ouvrier théophilanthrope de 1820, Alibaud utilise la tribune qui lui est offerte pour tenter de développer une argumentation qui démonte tout le dispositif de la monarchie du « juste milieu », et s’impose ainsi en porte-parole, puis en martyr de la cause républicaine bafouée par l’orléanisme. Significativement, Marius Darmès, auteur d’une nouvelle tentative contre Louis-Philippe en octobre 1840 se revendique ensuite de « la race d’Alibaud », soit de ceux qui vont « droit à l’ennemi », pour « exterminer » la tyrannie à travers la tête du régime.
16D’un bout à l’autre du siècle, ce qui permet de défendre la grandeur du régicide comme tyrannicide, c’est en effet de le présenter comme un corps à corps avec le pouvoir, dans lequel un homme seul se dresse face au seul monarque, endossant en quelque sorte la lutte collective, actualisant la guerre civile latente dans un combat singulier, pour la résorber dans le sacrifice de deux vies33. Sauf exception, ceux qui agressent les chefs d’État ne cherchent pas à se sauver et acceptent de rendre compte de leur acte et d’en subir les conséquences, en cherchant avant tout à expliciter le sens politique qu’ils entendent lui donner. Au-delà même des cercles militants, la conception héroïque de l’attentat au nom d’un idéal reste longtemps, dans le sillage du romantisme, assez répandue. Dans leur célèbre journal, les Goncourt, par exemple, l’expriment d’une manière frappante : le 6 octobre 1861, évoquant l’attentat de l’étudiant Becker contre le roi de Prusse, et citant en même temps Louvel, ils voient dans le régicide « la passion d’une masse d’hommes concentrée au bout d’un bras », autrement dit « un assassin impersonnel », dont le « courage » traduit « le paroxysme de l’opinion publique ». L’idée revient le 5 février 1866 : « l’assassinat politique » leur apparait comme le « dernier sentiment héroïque des temps modernes », « l’économie du sang par le dévouement d’un seul » et ils louent « l’élévation morale du régicide34 ». Le plus étonnant est que cette dernière formule est précédée d’un rappel de l’attentat d’Orsini, qui aurait rendu l’Italie « libre ». Or le jet de trois petites bombes sur la voiture du couple impérial n’entre pas dans le cadre du « corps à corps » traditionnel, et le nombre des victimes soulève tant d’indignation que Napoléon III ne peut ensuite que refuser la grâce de ses deux principaux responsables. Pour autant, en raison de son attitude contrite et sacrificielle, et plus largement par l’ampleur et la séduction de la cause qu’il invoque, Orsini, qui affirme lors de son procès avoir « fait comme Brutus », peut exercer lui aussi une forme de charisme posthume35.
17C’est parce qu’ils admettent la dimension sacrificielle et « altruiste » de ces attentats que les auteurs républicains puis surtout anarchistes refusent le plus souvent de condamner sans nuance leurs auteurs. La date du 14 janvier 1858 ouvre ainsi la longue liste des « attentats ayant un caractère social » que dresse Lucien Guérineau pour l’Encyclopédie anarchiste publiée dans les années 193036. Elle fait suite à un gros article « Attentat », rédigé notamment par Sébastien Faure lui-même, qui résume bien le raisonnement par lequel les anarchistes, non sans précautions, justifient l’assassinat de personnalités qu’ils jugent particulièrement haïssables. Opposant le régicide au courtisan, comme le courage à la lâcheté, ou l’anticipation au conformisme, Faure conclut que « l’attentat individuel est exactement en petit ce que la Révolution sociale est en grand ». Face à l’« incarnation » vivante de l’État oppresseur, l’individu régicide campe tout autant le peuple souverain et son esprit de révolte. Les anarchistes n’ont du reste pas attendu l’entre-deux-guerres pour se faire, de façon fort dissonante, les avocats des régicides : Caserio, Bresci ou Czogolsz sont ainsi défendus, sinon exaltés, dans la presse libertaire de leur temps37, et plus facilement que ceux qui choisissent leurs victimes au hasard dans les foules « bourgeoises », selon le procédé qu’inaugurent Santiago Salvador au Liceu de Barcelone en novembre 1893 puis Émile Henry au café Terminus, à Paris, trois mois plus tard.
18Pour autant, le régicide comme tyrannicide « modernisé » ne se conçoit plus, on l’a dit, en dehors d’une lutte plus large contre un régime sociopolitique (l’État), dont le chef n’est qu’un rouage. Il n’est plus qu’une modalité, parmi bien d’autres, d’une violence subversive dont l’éventail virtuel s’élargit au cours du second xixe siècle. L’attentat, dans cette perspective – ouverte notamment par le fameux texte de l’Allemand Karl Heinzen, affirmant, dans le reflux des révolutions de 1848, que « le meurtre est le principal agent du progrès dans l’histoire »38, et débouchant sur la « propagande par le fait » – ne saurait s’en tenir à un niveau individuel et ponctuel. Il ne s’agit pas seulement de restaurer un ordre perturbé par le « tyran », mais bien de fonder un ordre radicalement nouveau, ou du moins de contribuer à le faire, en déstabilisant l’ordre jugé injuste, et en émettant un signal précurseur de la révolution à venir. Pour ce faire, le chef de l’État n’est évidemment pas ou plus la seule cible ; mais il conserve un statut particulier, comme l’atteste tout particulièrement le cas russe.
19L’assassinat politique et le tsaricide sont en effet au cœur du premier « terrorisme » russe des années 1878-1881, mis en œuvre par le groupe Narodnaia Volia (Volonté du peuple)39. Désespérant de « l’action pacifique », les militants populistes russes défendent le principe d’attentats précisément ciblés, à la fois préalables et substituts à l’(improbable) insurrection et à tout carnage superflu. D’abord moyen d’autodéfense par rapport aux agents infiltrés, la pratique des assassinats est conçue aussi comme une « méthode d’agitation » visant à démontrer la vulnérabilité du régime autant qu’à venger ses crimes, en « traquant » les premiers cercles du pouvoir, et eux seuls. Le tsar est rapidement désigné comme la cible prioritaire. Faisant suite à plusieurs tentatives isolées depuis 1866, Narodnaia Volia organise plusieurs attentats à l’explosif, comme celui du Palais d’hiver, le 17 février 1880, qui fit onze morts et de nombreux blessés, surtout parmi les soldats de la garde, sans toucher Alexandre II ; dans sa proclamation consécutive, le groupe exprima des regrets mais souligna que ces morts étaient la conséquence du soutien apporté par l’armée au régime. Un an plus tard, une nouvelle tentative parvient à tuer le tsar, tout en entrainant la quasi-disparition de Narodnaïa Volia, dont la plupart des membres sont arrêtés, exécutés ou déportés. Dans son essai-témoignage La Russie souterraine, publié en 1882 en exil, l’ex-militant Sergueï Kravchinsky (qui signe Stepniak) définit le combat de la Volonté du peuple comme une « guerre au corps à corps » contre l’autocratie. Pourtant, l’issue victorieuse de ce duel – la mort du tsar – met en même temps au grand jour les limites politiques du tyrannicide. Cela n’empêche pas de nouveaux complots contre le nouveau tsar et divers attentats, avant que l’Organisation de combat des socialistes-révolutionnaires ne relance une « vague terroriste » dans la Russie des années 1900, en visant toujours l’entourage du tsar et les têtes de l’appareil répressif.
20À dire vrai, peu de régicides du xixe siècle semblent avoir pensé que leur geste allait réellement provoquer une révolution. Même si le modèle du régicide « officiel » ne cesse de rejouer40, donnant au meurtre une valeur d’exécution, c’est plutôt sous le signe de la vengeance et de l’effraction symbolique que ce type d’attentat se donne à comprendre. D’une part, le chef de l’État – ou un dirigeant politique de moindre rang – est visé comme symbole ou comme fonction, mais d’autre part il l’est d’autant plus que des torts ou des méfaits politiques particuliers lui sont personnellement attribués, qui redoublent en quelque sorte l’animosité collective dont le régicide se veut le porteur. Ainsi les républicains tirant sur Louis-Philippe entendent-ils venger, outre la trahison des promesses de 1830 en général, la répression des insurrections postérieures en particulier, tandis qu’Orsini et ses complices reprochent à Louis-Napoléon Bonaparte d’avoir écrasé la République romaine, et que le président Carnot s’attire une détestation spécifique pour n’avoir pas gracié Ravachol ni Vaillant. La plupart des régicides affirment ainsi une valeur punitive, à la fois générale et particulière, qui renoue en quelque sorte le lien avec le tyrannicide, en même temps qu’avec les mouvements sociaux dont ils paraissent souvent détachés41. Bien sûr, certains cas peuvent sembler aberrants à cet égard, comme l’assassinat d’Elisabeth d’Autriche (qui serait « purement symbolique ») ou même celui du tsar Alexandre II, considéré comme plutôt libéral, mais porteur aux yeux de ses opposants, de tout le poids de l’« autocratie » ancestrale et de la terreur d’État. Le régicide ne cesse finalement de réaffirmer l’idée qu’« on ne peut régner innocemment » (Saint-Just), quitte à faire au passage – mais plutôt par exception – quelques victimes collatérales susceptibles d’en brouiller le sens. Ce sens, au demeurant, est loin de paraitre limpide aux yeux de tous.
« Brutus de pacotille » : le déclin du sens ?
21Prendre en considération les justifications possibles des auteurs d’attentats à prétention tyrannicide ne doit bien évidemment pas nous faire perdre de vue que le jugement social dominant leur est toujours très défavorable et tend plutôt à dénier toute grandeur, même tragique, et toute légitimité à leur geste. D’une part, en effet, le caractère tyrannique des régimes ou des dirigeants attaqués est loin de faire consensus, d’autre part le recours à la violence meurtrière suscite bien plus d’indignation et d’embarras que d’approbation, même s’il faut tenir compte des conditions d’énonciation des jugements immédiats. Sans occulter la sourde popularité de certaines figures – évoquée plus haut –, on se gardera tout autant de postuler une haine quasi unanime pour les régimes même les plus autoritaires ou réactionnaires du xixe siècle. Mais la pesée des opinions importe sans doute moins ici que l’observation du sens qui est attribué ou attribuable à ces attentats et du type de traitement cognitif dont ils sont l’objet. Dans des régimes de plus en plus « ouverts » ou libéraux, d’où la tyrannie est réputée avoir plus ou moins entièrement disparu, le Brutus du xixe siècle est plus encore exposé à l’incompréhension et au refoulement sémantique qu’à une condamnation accrue. Même si une forme de signification est encore comprise dans le cadre de régimes qui demeurent autoritaires, la question de l’utilité ou de la finalité de l’attentat est toujours posée, jusqu’à y voir une forme d’action ou d’expression aussi aberrante que moralement répréhensible.
22Parce que l’attentat est un acte essentiellement individuel et isolé, sa lecture politique est d’emblée obérée par le jugement porté sur son auteur et le soupçon sur sa ou sur ses raison(s). Dans le cas de Louvel, par exemple, l’hypothèse d’une « vengeance personnelle » contre le duc de Berry, ou encore d’une ambition militaire contrariée est d’abord avancée et ne disparaît jamais entièrement. Mais si la dimension idéologique de son acte est en général admise, et si sa responsabilité pénale n’est pas discutée, c’est alors l’aptitude à invoquer un jugement politique autonome qui lui est fermement refusée, par les élites libérales (qui soulignent son caractère fruste et marginal) comme par les ultraroyalistes qui voient en lui un pur « séide » des ennemis de la Restauration, un revenant presque désincarné des massacres révolutionnaires. Karine Salomé souligne la même propension, sous la Monarchie de Juillet, à discréditer les auteurs d’attentat, considérés comme des êtres « obscurs », mus par le ressentiment, la frustration ou par une forme de « rage » irrationnelle. À travers leur cas, c’est bien sûr toute la question de la capacité politique du peuple inculte, « barbare », qui est posée, comme elle l’est à l’occasion des insurrections, de 1831-1832 jusqu’à la Commune. Elle l’est d’autant plus que le régime, incertain sur sa propre nature, persiste à faire juger les régicides devant la Cour des pairs, ce qui leur offre « un piédestal » que certains trouvent surdimensionné dans les années 1840, en particulier lors du procès de Lecomte42.
23À la médiocrité sociale des régicides s’ajoute l’inanité prêtée à leur acte, qu’on estime aussi dénué de fondement que de perspective. Tout en cherchant le lien des agresseurs avec les organisations subversives, on insiste sur leur isolement pour mieux dépolitiser leur geste et en invalider toute lecture héroïque. À l’idée de sacrifice pour une cause s’oppose celle d’un orgueil démesuré, d’un égoïste désir de « célébrité », symptôme d’une « manie » exacerbée par la modernité démocratique. Dès lors, Brutus tend à s’effacer devant Erostrate, pour reprendre l’alternative ouverte dans Lorenzaccio : référence certes lettrée, le nom de l’incendiaire d’Ephèse peut bien évoquer, dans les années 1830, « une maladie très commune de nos jours : la soif du bruit et de la célébrité, en un mot la médiocrité ambitieuse allant à la renommée par le crime », selon les mots du poète Auguste Barbier43. L’attentat ne serait qu’un « moyen de faire de la publicité » (selon une formule avancée dans le cadre du procès Lecomte44), et la rhétorique tyrannicide qui tente de le justifier tiendrait essentiellement d’une « théâtrale forfanterie » au sens douteux45. Si ce thème affleure déjà en 1820, c’est surtout avec l’attentat de Fieschi qu’il s’impose. Le régicide corse, lui-même qualifié ici ou là d’« Erostrate du meurtre » ou « de la poudre à canon46 », figure l’anti-héros par excellence : hâbleur et vaniteux, apparemment dépourvu de conviction politique et de cohérence, il passe les quelques mois de l’enquête et du procès à incriminer ses complices républicains et à désavouer le geste meurtrier dont il est responsable, tout en paraissant jouir de la lumière où il l’a projeté. Il est significativement rapproché de Lacenaire, autre « sanglant Erostrate » qui défraie aussi la chronique de l’hiver 1835-1836 : c’est un véritable « type » du criminel cynique et sans cause autre que la sienne, qui naît alors, dont le procès s’élargit à celui de l’exaltation de la subjectivité par la modernité romantique47. Dès lors, la « célébrité » de Fieschi étant acquise pour longtemps, tous les régicides auront à se défendre de l’assimilation au « bandit corse », à commencer par Alibaud – pourtant parfaitement antithétique – qui insistera, devant la Cour des pairs, pour se démarquer de ce contre-modèle.
24Tout au long du siècle, le regard porté sur les individus régicides témoigne finalement du processus, désormais bien connu, de disqualification et de pathologisation de toute forme de violence subversive. À cet égard, si Fieschi est aux yeux de Maxime du Camp, en 1877, un « Erostrate de carrefour », il est aussi et avant tout l’un des « ancêtres » des communards (qui furent également qualifiés d’« Erostrate de banlieue48 ») dont les débordements insurrectionnels sans précédent ont pu servir de « laboratoire pour l’aliénisme49 ». La distinction entre l’insurrection et l’attentat, au profit de la première, qui marque la pensée républicaine de la première moitié du siècle, tend à s’abolir après 1848 dans un discours social de plus en plus dominé par le paradigme médical, qui ne sépare plus « insurgés et insensés » et rejette l’intervention politique intempestive, a fortiori meurtrière, hors du cercle de la raison50. Dès lors, le régicide inspire le même type d’horreur que le peuple en armes, mais avec une focalisation sur la folie individuelle, et individualiste, de son auteur, qui ne se confond plus dans la foule émeutière. On pourrait suggérer que le régicide occupe, dans le diagnostic du xixe siècle, une intersection entre la « maladie démocratique » propre aux temps révolutionnaires, et la « mégalomanie orgueilleuse », autre « mal du siècle51 » : c’est un homme qui, au mieux, se prend pour Brutus et, en tous les cas, agit comme Erostrate, avec la circonstance aggravante du meurtre. Car, comme le souligne le Grand dictionnaire universel de Larousse au milieu des années 1870, mais aussi tous les criminalistes du siècle, le régicide individuel est bien avant tout un assassin, « exécuteur d’une sentence que sa haine, sa cupidité, ses passions ont [seules] prononcée », et qu’aucune raison supérieure ne saurait justifier52. À ce titre, la seule alternative à son sujet est entre la démence caractérisée et la criminalité homicide ordinaire.
25Comme on le sait, ce processus atteint son paroxysme à la fin du siècle quand il est en quelque sorte radicalisé par le « terrorisme » révolutionnaire russe et par les attentats anarchistes en Occident. D’une part, la répression de l’anarchisme passe par l’assimilation des attentats à des « délits sociaux » relevant du banditisme et du droit commun : les années 1890 marquent ainsi, en France, le début de la fin du « traitement libéral des infractions politiques » qui avait caractérisé surtout la première moitié du siècle53. Depuis lors, la lutte contre ce type de violence subversive a justifié au contraire un traitement pénal plus sévère pour les individus poursuivis. Dans ces conditions, la question de la responsabilité des auteurs d’attentats, a fortiori en cas d’homicide, est toujours très peu posée sur le plan judiciaire. Mais dans le même temps, le diagnostic psychiatrique se précise, en lien avec le développement de l’anthropologie criminelle, autour de Lombroso et de Lacassagne54.
26Sommet du genre, l’« étude médico-psychologique » du docteur Emmanuel Régis, Les Régicides dans l’histoire et le présent, publiée à Paris en 1890, établit ainsi une nosographie détaillée des « vrais régicides », formant une catégorie spécifique et pluriséculaire de criminels, marquée par une « folie raisonnante », dont les facteurs sont pour partie proprement pathologiques – Caserio sera ainsi caractérisé comme un « épileptique politique » – mais aussi liés à l’influence de théories fanatisantes (religieuses ou sécularisées) qui orientent le geste des candidats au martyre vers des victimes bien choisies. Le régicide-type fait montre d’orgueil, de vanité, et la « recherche de la gloire » l’anime profondément, et le soutient face aux juges et au bourreau. On n’est guère surpris que quelques années plus tard, une thèse de médecine tente de catégoriser « l’érostratisme ou vanité criminelle », et compte les auteurs d’attentat du xixe siècle, jusqu’aux « anarchistes ou régicides modernes », au nombre des « érostratiques » les plus significatifs55. On mesure la pénétration durable de ce discours psychopathologique lorsqu’on lit le second article « Régicide » de l’Encyclopédie anarchiste : après un rapide éloge des « fervents de la liberté » qui se sacrifient à une cause collective, Paul-Maurice Legrain « médecin chef de l’Asile de Villejuif », y développe à son tour le diagnostic de la « folie raisonnante » et de l’« orgueil morbide » du « vrai régicide », c’est-à-dire l’isolé qui « tente de réaliser sa chimère par un coup d’éclat », en s’appuyant notamment sur le cas de Gorgulov, alors très récent, présenté comme un « sosie » de Ravaillac.
27Même aux yeux d’un auteur libertaire, dans l’entre-deux-guerres, le sens paraît ainsi faire défaut à ceux qui prétendent frapper ou éliminer les grands de ce monde – comme il fait défaut, dans l’esprit de nombreux psychiatres, à leur répression pénale. Ce sentiment de déraison, ou plus simplement d’ineptie ou d’absurdité, s’exprime de façon très large à la fin du siècle, au moins dans les pays libéraux, face aux attentats anarchistes. Il est exacerbé devant les attaques à l’explosif qui visent des foules anonymes, mais il englobe aussi les tentatives ciblées, qu’on impute dès lors à des « Brutus de pacotille » – une formule rencontrée dans l’Illustration à propos de Caserio56 – qui s’en prennent, sans la moindre espérance de résultat politique, à de bien pâles Césars. Sans doute est-ce moins vrai dans le cas russe, où la dénonciation du despotisme du pouvoir reste longtemps d’actualité et confère aux militant(e)s qui passent à l’acte une aura romantique persistante. Pour autant, la question du sens de l’engagement et de la violence anti-tsariste – du « nihilisme » des années 1860 jusqu’aux doubles jeux vertigineux de certains acteurs des années 1905-1910 (comme Evno Azef) – n’a cessé d’interroger et de fasciner les contemporains, et en particulier de grands écrivains, russes (notamment Dostoïevski, de Crime et châtiment aux Frères Karamazov en passant par Les Démons), anglophones (Wilde, Conrad, Chesterton), ou francophones, de Zola à Camus57. Le développement de diverses formes de violence subversive qualifiées de « terroristes » n’a pu ensuite que réactualiser ce questionnement au cours du xxe siècle, comme depuis 2001, tout en marginalisant progressivement le statut du régicide proprement dit, supplanté par les attaques plus massives .
28Porté par la longue transmission de la culture classique, le modèle de Brutus, aussi mythique et ambigu qu’il soit, met du temps à s’épuiser et connait d’assez nombreux avatars postrévolutionnaires, aussi longtemps que des formes de tyrannie furent clairement identifiables, avant de s’effacer – en tout cas comme référence agissante. Pour autant, le geste du Brutus moderne semble perdre en lisibilité et devient pour le moins équivoque, appelant un gros effort d’explicitation et de justification, qui ne peut recouvrir, dans les sociétés du xixe siècle, le discours plus légitime qui dénie ce sens. La voix de l’accusé est souvent, on le sait, la moins audible dans le concert de cris et de commentaires que suscite le crime perçu comme capital. Les historiens tendent certes aujourd’hui à retrouver et à restituer la trajectoire et les logiques propres de certains de ces énigmatiques « attentateurs », pour diverses raisons, qui peuvent être militantes ou plus strictement historiographiques, liées notamment à l’idée que la « folie politique » n’a pas qu’un intérêt psychiatrique, surtout lorsqu’elle connait de retentissants passages à l’acte, dont la dimension suicidaire n’est pas nouvelle58. Au-delà même de l’évidente actualité de la violence « terroriste », il ne faut certainement pas minorer à l’excès le sens politique et symbolique de l’attentat régicide au xixe siècle, sans oublier sa démultiplication dans l’imaginaire collectif. D’une part, bien sûr, ces événements peuvent avoir des conséquences politiques considérables, d’autre part ils sont – c’est désormais bien connu – des brèches ouvertes sur les représentations collectives du pouvoir et des rôles attribués ou consentis aux individus, « grands » ou « petits ». Considérer le régicide dans le prolongement du droit de pétition, par exemple, ou d’une conception contractuelle de la sujétion politique, peut ainsi ouvrir de riches perspectives.
29Et Erostrate ? On se gardera d’exagérer la portée de cette figure suggérée par Musset, mais la piste mérite d’être suivie. Elle nous conduit à d’autres textes évocateurs, comme la « vie imaginaire » que lui consacre Marcel Schwob en 1905, qui interroge subtilement la folie d’Erostrate, « fils du feu » et disciple d’Héraclite... Lisons encore l’« Erostrate » de Sartre, nouvelle publiée dans le recueil Le Mur en 1939 : l’incendiaire antique n’y est mentionné qu’une fois, en passant, pour remarquer que son nom s’est mieux transmis à travers les âges que celui de l’architecte du temple d’Ephèse ; mais cette remarque agit comme un déclic sur le personnage principal, qui médite un meurtre gratuit et spectaculaire censé couronner sa vie. Alors que la politique est absente de son monologue intérieur, il évoque cependant, à ce moment précis, un rêve récurrent :
J’étais un anarchiste, je m’étais placé sur le passage du tsar et je portais sur moi une machine infernale. À l’heure dite, le cortège passait, la bombe éclatait, et nous sautions en l’air, moi, le tsar et trois officiers chamarrés d’or, sous les yeux de la foule.
Notes de bas de page
1Arno Mayer, La persistance de l’Ancien Régime, Flammarion, 1983 (1981), en particulier p. 134-151 ; Jean-Clément Martin, « Permanence de la royauté ? », in Hélène Becquet et Bettina Frederking (dir.), La Dignité de roi, Rennes, PUR, 2009, p. 187-195.
2Franklin Lewis Ford, Le meurtre politique : du tyrannicide au terrorisme, Paris, PUF, 1990, en particulier p. 539.
3Mercedes Vazquez de Prada (éd.), Terrorismo y magnicidio en la historia, Pampelune, 2008.
4Notamment depuis l’article fondateur de David George, « Distinguishing classical tyrannicide from modern terrorism », Review of Politics, no 50/3, 1988, p. 390-419.
5Mario Turchetti, Tyrannie et tyrannicide de l’Antiquité à nos jours, PUF, 2001. Gérard Chaliand et Arnaud Blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al-Qaida, Paris, Bayard, 2015 (2004).
6Arlette Jouanna, « Conclusion », in Philippe Chareyre, Claude Menges-Mironneau, Paul Mironneau, Isabelle Pébay-Clottes, Régicides en France et en Europe (xvie-xixe siècles), Genève, Droz, 2017, p. 535-541.
7Claude Millet, Le Romantisme. Du bouleversement des lettres dans la France postrévolutionnaire, Le Livre de poche, 2007, p. 157.
8Burak Onaran, « Une tentative de régicide à Istanbul en 1859. L’“incident de Kulel” et les nouveaux enjeux sociopolitiques », in P. Chareyre et alli, Régicides en Europe […], op. cit., p. 521-533.
9Encore pourrait-on rappeler le précédent fameux de la « conspiration des poudres » contre Jacques Ier et le parlement anglais : Chris R. Kyle, « Early Modern terrorism: The Gunpowder Plot of 1605 and its Aftermath », in B. Bowden and M. T. Davis (éd.), Terror : From Tyrannicide to Terrorism, University of Queensland Press, 2008, p. 42-55.
10Je suis les analyses de Karine Salomé (L’Ouragan homicide. L’attentat politique en France au xixe siècle, Champ Vallon, 2010). Elle note (p. 246) que « dans le seul cas de l’attentat d’Orsini, les accusés sont [aussi] jugés pour l’assassinat des personnes touchées par les bombes », mais « le carnage [n’]est considéré [que] comme une circonstance aggravante ».
11La mutilation du poing ayant été abolie en 1832, elle ne consistait plus qu’en une contrainte vestimentaire imposée au condamné.
12Sophie Dreyfus, Généalogie du délit politique, Clermont-Ferrand, Fondation Varenne, 2009, p. 275-278.
13Louis-Philippe commua cependant les peines de Meunier puis de Quenisset, en 1837 et en 1841 ; Napoléon III celle de Rudio, complice d’Orsini, en 1858. Voir Edwige de Boer, « Les dossiers de grâce des auteurs d’attentats politiques dans la France du xixe siècle », La Révolution française, 1 | 2012, mis en ligne le 22 mars 2012 : http://lrf.revues.org/416.
14Steve Poole, The Politics of Regicide in England 1760-1850. Troublesome subjects, Manchester University Press, 2000.
15Selon l’expression de Paul Chopelin et Sylvène Édouard (« La seconde mort des princes martyrs », in Paul Chopelin et Sylvène Édouard (éd.), Le sang des princes. Cultes et mémoires des souverains suppliciés (xvie-xxie siècle), Rennes, PUR, 2015, p. 312), qui notent que l’émotion spécifiquement liée au meurtre d’un prince a pu se transférer sur des « chefs d’Etat démocratiquement élus ».
16À l’inverse, signalons le cas du prêtre espagnol Martin Merino, auteur d’une tentative de régicide contre Isabelle II le 2 février 1852 et exécuté cinq jours plus tard. Traitement expéditif dont l’Espagne gardera longtemps la tradition.
17Marco Pinfari, « Exploring the Terrorist Nature of Political Assassinations : A Reinterpretation of the Orsini Attentat », Terrorism & Political Violence, no 21/1, 2009, p. 580-594.
18Claudia Verhoeven, The odd man Karakozov: Imperial Russia, modernity, and the birth of terrorism, Cornell University Press, 2009.
19Selon le titre d’un manifeste de la Hindustan Socialist Republican Association (janvier 1930), rédigé justement au lendemain et en défense d’un attentat contre le train transportant le vice-roi de l’Inde.
20Richard Bach Jensen, The Battle against Anarchist Terrorism. An International History, 1878-1934, Cambridge University Press, 2014.
21Il fait d’ailleurs l’objet d’une thèse de droit : Jean Baudéant, L’attentat contre les chefs d’État, Toulouse et Paris, M. Rivière, 1911.
22Voir en dernier lieu Amaury Lorin, « Un “régicide républicain” : Paul Doumer, le président assassiné (6 mai 1932) », Criminocorpus, Varia, mis en ligne le 17 novembre 2011 : http://criminocorpus.revues.org/435.
23Frédéric Monier, « L’attentat de Marseille (9 octobre 1934): régicide et terrorisme dans l’Europe des années 1930 », La Révolution française, n° 1 | 2012, mis en ligne le 22 mars 2012 : http://lrf.revues.org/461.
24Raymonde Monnier, « Évolution d’un thème républicain en Révolution : les expressions du tyrannicide dans la crise de Varennes », in Philippe Bourdin, Jean-Claude Caron et Mathias Bernard (dir.), La Voix et le Geste, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2005, p. 29-47.
25Emile Littré, Dictionnaire de la langue française (1880) : « brutus ».
26K. Salomé, L’Ouragan homicide […], op. cit., p. 179-196.
27R. Blakeslee Gilpin, « American racial terrorism from Brown to Booth to Birmingham », in Randall D. Law (ed.), The Routledge History of Terrorism, Routledge, 2015, chap. 10 (p. 143-155).
28Voir le portrait de Sand par Dumas dans ses Crimes célèbres (1839-1840), ainsi que Daniel Schönpflug, « Restauration et violence politique : l’attentat de K. L. Sand dans son contexte européen », in Jean-Claude Caron et Jean-Philippe Luis (dir.), Rien appris, rien oublié ? Les Restaurations dans l’Europe postnapoléonienne, Rennes, PUR, 2015, p. 427-438.
29Ainsi le jeune Michelet, qui se réjouit le 8 juin 1820, dans son journal, du courage de Louvel, « âme forte », face à la guillotine, mais tempère : « Ce ne sont plus les tyrans qu’il faut tuer mais la tyrannie. »
30K. Salomé, L’Ouragan homicide […], op. cit., en particulier p. 157-161 et 205-211.
31On lui prête la formule : « la balle de mon fusil ne s’adressait pas à un homme mais à un principe », qui pourrait être la maxime du régicide contemporain, visant plus le « second corps du roi » que le premier (K. Salomé, L’Ouragan homicide […], op. cit., p. 211).
32Laurent Louessard, L’Épopée des régicides 1814-1848, Paris, L’Insomniaque, 2000, p. 243-248 et 396-397.
33Comme le suggère Jean-Claude Caron dans Frères de sang, Champ Vallon, 2009, p. 23. L’attentat tenant plus du guet-apens que du duel réglé, il est rare qu’il y ait un véritable affrontement entre la cible et son agresseur, mais cela arrive, par exemple lors de l’attentat de Passanante contre le roi d’Italie en 1878.
34Edmond et Jules de Goncourt, Journal, Paris, R. Laffont, Bouquins, 2004, t. 1, p. 736 et t. 2, p. 6 ; Edmond de Goncourt aura moins de sympathie pour les attentats anarchistes de la fin du siècle.
35K. Salomé, L’Ouragan homicide […], op. cit., p. 161-165 et 232-251. Passanante, en 1878, se réclame d’Orsini.
36Cette liste mentionne l’attentat de Karakozov, puis se fait très détaillée pour la période 1875-1925.
37Voir par exemple le texte virulent d’Emma Goldman en faveur de l’assassin de McKinley, « président des rois de l’argent [money kings] et des grands patrons [trust magnates] de ce pays » (« The Tragedy at Buffalo », Free Society, October 1901).
38K. Heinzen, « Der Mord » [Le meurtre], publié en Allemagne en février-mars 1849, cité dans G. Chaliand et A. Blin (dir.), Histoire du terrorisme […], op. cit., p. 511-519.
39Je m’appuie ici sur l’analyse précise d’Ami-Jacques Rapin (Pour en finir avec le terrorisme. L’équivoque de la terreur, de la Révolution française aux attentats jihadistes, Peter Lang, 2014, p. 35-72). Pour une vue d’ensemble sur les attentats en Russie : Yves Ternon, « Le terrorisme russe (1878-1908) », in G. Chaliand et A. Blin (dir.), Histoire du terrorisme […], op. cit., p. 175-228 ; Martin A. Miller, The Foundations of Modern Terrorism : State, Society and the Dynamics of Political Violence, Cambridge University Press, 2013, chap. 4.
40Rappelons pour mémoire le cas de Maximilien de Habsbourg, empereur du Mexique fusillé en 1867.
41Un autre exemple serait celui de Rubino, qui entend venger les manifestants de gauche tués au printemps 1902 (Anne Morelli, Rubino, l’anarchiste italien qui tenta d’assassiner Léopold II, Bruxelles, Éditions Labor, 2006).
42Lecomte avait tiré sur la voiture de Louis-Philippe en 1846, et fut exécuté malgré les protestations de certains pairs, comme Victor Hugo.
43En préambule de son « Erostrate – Drame », dans ses Nouvelles satires (Paris, 1840). Dans le même sens, voir aussi l’Erostrate de Xavier Labensky (dit Jean Polonius), Paris, 1840.
44Cité par K. Salomé, op. cit., p. 220.
45Auguste Bonjour, Essai sur le régicide, Paris, Delaunay, 1837, p. 2.
46Le Charivari du 1er février 1836, cité par K. Salomé, op. cit., p. 152 ; Dictionnaire de la conversation et de la lecture, t. XXIX, Paris, 1836, p. 216.
47Anne-Emmanuelle Demartini, L’affaire Lacenaire, Paris, Aubier, 2001, p. 222-223.
48Par C. Mendès, cité par Éric Fournier, Paris en ruines : du Paris haussmannien au Paris communard, Paris, Imago, 2007, p. 149.
49M. Du Camp, Les ancêtres de la Commune. L’attentat Fieschi, Paris, 1877, p. 205 ; Jean-Claude Caron, Les Feux de la discorde. Conflits et incendies dans la France du xixe siècle, Paris, Hachette, 2006, p. 258.
50Laure Murat, L’Homme qui se prenait pour Napoléon, Paris, Gallimard, 2011, p. 269.
51Ibid., chap. iii et iv.
52Tome xiii, 1875, p. 847 : « C’est dire que nous condamnons le régicide, par ce motif, que nous répétons, qu’un roi est un homme [chargé de régir une propriété qui appartient à tous]. »
53S. Dreyfus, Généalogie du délit politique […], op. cit., conclusion.
54Je suis ici de nouveau Karine Salomé (L’Ouragan homicide […], op. cit., p. 170-176), ainsi que Karine Salomé, Je prie pour Carnot qui va être assassiné ce soir. Un attentat contre la République, Paris, Vendémiaire, 2012, p. 119-125.
55Pierre Valette, De l’érostratisme ou vanité criminelle, thèse de médecine, Lyon, 1903. Le terme « érostratique » a eu peu de postérité en français, mais semble se retrouver davantage en anglais (herostratic), par exemple dans l’essai : Walter Laqueur, No End to War. Terrorism in the XXIst Century, New York et Londres, Continuum, 2003, p. 13, à propos des anarchistes.
56Citée par K. Salomé, L’Ouragan homicide […], op. cit., p. 109.
57Lynn Patyk, « The age of terrorism in the age of literature », in R. D. Law (ed.), The Routledge History of Terrorism […], op. cit., chap. 31 (p. 470-483) ; voir aussi Anthony Anemone (ed.), Just Assassins. The Culture of Terrorism in Russia, Northwestern University Press, 2010.
58Outre des ouvrages déjà cités, voir par exemple la réédition de John Merriman, The Dynamite Club: how a bombing in Fin-de-siècle Paris ignited the age of modern terror, Yale University Press, 2016 (2009), et la discussion de A.-J. Rapin (Pour en finir avec le terrorisme […], op. cit., p. 73 et suiv.
Auteur
-
Gilles Malandain
CRIHAM, Université de Poitiers
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2021
De la parole du prédicateur au discours politique
Jalons pour une histoire de la critique religieuse du politique (du Moyen Âge à l’époque contemporaine)
Vincent Flauraud et Ludovic Viallet (dir.)
2022
Les mises à l'écart politiques
Des périphéricités paradoxales
Laurent Lamoine et Julien Bouchet (dir.)
2022
Les espaces du spectacle vivant dans la ville
Permanences, mutations, hybridité (xviiie-xxie siècles)
Pauline Beaucé, Sandrine Dubouilh et Cyril Triolaire (dir.)
2021
La modernisation de l’Espagne
Entre réformes et conflits (xixe-xxe siècles)
Jean-Claude Caron et Anne Dubet (dir.)
2023
Prendre la plume des Lumières au Romantisme
Pratiques de l’écrit dans l’Europe de la fin de l’époque moderne
Matthieu Magne (dir.)
2019
Joconde ou madone ? La Tête de cire de Lille, énigme de la collection Wicar
Fortune et réception (1834-2021)
Laurence Riviale
2022
Statuts personnels et main-d’œuvre en Méditerranée hellénistique
Stéphanie Maillot et Julien Zurbach (dir.)
2021