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    Plan détaillé Texte intégral Auto-contrôle Occupation, incorporation et « satire en action » Saccages et épurations iconoclastes Notes de bas de page Auteur

    Violence & politique

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    Table des matières

    « Saccages rituels » des lieux de pouvoir et justice punitive sur les images (Paris, 1830-1848)

    Emmanuel Fureix

    p. 27-40

    Texte intégral Auto-contrôle Occupation, incorporation et « satire en action » Saccages et épurations iconoclastes Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Le peuple insurgé, au cours de chacune des révolutions du xixe siècle, prend physiquement possession des lieux de pouvoir, dans l’urgence du soulèvement mais aussi selon une ritualité inscrite dans la longue durée. En 1830 comme en 1848, les Tuileries et l’Hôtel de Ville sont ainsi envahis par une foule composite, d’abord insurrectionnelle, puis simplement spectatrice. D’autres lieux ont été investis plus ponctuellement, au gré des conjonctures révolutionnaires et des figures changeantes de l’ennemi : l’archevêché de Paris et le noviciat des jésuites de Montrouge, la maison des missionnaires de la rue d’Enfer en juillet 1830 ; une partie des propriétés personnelles de Louis-Philippe en février 1848, en particulier le Palais-Royal et le château de Neuilly ; la Chambre des députés en février 1848. Dans chacun de ces lieux, avec une intensité et des formes de violence qui ont varié, le peuple insurgé s’est livré à une gamme de gestes ritualisés : appropriation des lieux et des objets, jeux satiriques de dérision du pouvoir, épuration ciblée des symboles honnis, saccage d’une partie du décor, conservation des objets de valeur, vols plus ou moins ponctuels. Cette récurrence des gestes n’a jamais été véritablement saisie comme un objet d’anthropologie historique, croisant histoire chaude et histoire froide, invention et répétition1.

    2Les historiens modernistes ont mis au jour les significations sociales et politiques des « saccages rituels », teintés d’iconoclasme, perpétrés à Rome à l’occasion de la mort des papes2. Dans un moment de vide du pouvoir – Sede Vacante – les classes populaires romaines procédaient au pillage des biens du pape défunt et de sa famille, puis, plus tard, du pape nouvellement élu – parfois jusque dans sa ville d’origine. Elles agissaient au nom d’un droit coutumier dit « droit de dépouille » (jus spolii), compris ici comme la spoliation légitime par le peuple romain des biens du pape décédé ou du cardinal devenu pape. Les « saccages rituels » donnaient aussi corps à une justice punitive et à une critique politique latente du pape défunt. En 1559, à la mort du pape Paul IV Caraffa, détesté pour sa politique inquisitoriale, une statue à son effigie a été décapitée et la tête, ornée d’un bonnet jaune d’infamie, a été exposée publiquement puis jetée dans le Tibre. Le temps de l’interrègne (interregnum) autorise des éclats de violence que les normes politiques ordinaires interdisent.

    3Nombre de ces traits demeurent présents dans les « saccages rituels » des révolutions du xixe siècle, singulièrement le désir de vengeance politique dans un temps d’exception, mais ils sont redessinés à l’aune de nouveaux seuils de tolérance. Un rituel intempestif de démocratie sauvage, enrichi de nouveaux codes de civilité, se met en place dans les moments de vacance du pouvoir. En particulier, la spoliation matérielle, le pillage en tant que tel, ne sont plus acceptables au siècle de la propriété triomphante et de la protection patrimoniale. Le droit de dépouille sur le souverain déchu ne peut plus être érigé en droit naturel. Les insurgés mettent en place, dans l’urgence de l’événement, les conditions d’une protection collective de la propriété et d’une surveillance mutuelle des citoyens. Cela n’exclut pas les vols, attestés ici et là, mais réduit leur ampleur et modifie le spectre des gestes jugés légitimes par les insurgés eux-mêmes.

    Auto-contrôle

    4En 1848, la célèbre pénétration du palais des Tuileries, décrite du point de vue des élites, fussent-elles républicaines, est souvent réduite à une scène incontrôlée de « pillage », de la part d’une « multitude » ou d’un « flot populaire » souvent assimilés aux « bas-fonds » parisiens3. Le voisinage des Tuileries et du quartier jugé « miséreux » du Carrousel, avant les travaux haussmanniens, nourrit cette vision noire de l’événement, l’envahissement du palais étant imputé à une « population de prostituées et d’hommes sans aveu4 ». Plus généralement, le mot de « pillage », maintes fois répété, revient à disqualifier la simple présence du peuple souverain au centre charismatique du pouvoir. Même si une relative ouverture de l’espace palatial, véritable « machine à recevoir », s’est opérée sous les monarchies constitutionnelles, singulièrement sous le règne de Louis-Philippe5, la pénétration en ce lieu de simples « prolétaires » constitue en soi un scandale absolu. Les récits dominants de ces scènes révolutionnaires de 1848 ne sont dès lors que les déclinaisons multiples d’un discours sur les frontières labiles entre classes laborieuses et classes dangereuses. Le célèbre récit de Flaubert dans l’Éducation sentimentale, tissé à partir d’une présence sur les lieux, mais aussi d’une multitude de lectures d’autres récits contemporains et d’estampes, a largement participé à cette iconisation négative du « peuple des Tuileries », peuple infantile et vulgaire.

    5Les récits des insurgés, jamais sollicités et pourtant accessibles à travers le filtre de demandes de récompense civique, montrent une autre expérience de l’événement, et en particulier des formes d’auto-contrôle de la foule victorieuse. Le répertoire révolutionnaire légitime, esquissé dans ces récits, inclut la sauvegarde collective des biens. À suivre ces récits, tout en mesurant leur régime d’énonciation6, il semble que dès l’entrée du peuple insurgé aux Tuileries, le 24 février 1848, se soit diffusé le mot d’ordre de prohibition du vol. Un des insurgés, Déal, 32 ans, ouvrier tisseur du quartier de la Chapelle, sans emploi, prétend avoir eu le premier l’idée d’afficher sur les murs « Il y a peine de mort pour les voleurs7 ». D’autres inscriptions à la craie – « Mort aux voleurs8 ! »; « respect à la propriété ! » – redoublent ce message dans la salle des maréchaux et dans les cours intérieures9, ainsi que des écriteaux analogues, brandis au bout de leurs armes par des insurgés10. De rares exécutions sommaires de voleurs semblent avoir eu lieu. Un insurgé, Dufays, ouvrier serrurier de 32 ans, ultérieurement perçu comme un « communiste exalté », et prévenu d’insurrection en juin 1848, se vante d’avoir fusillé un voleur pour l’exemple : « dont la nuit du 24 au 25, écrit-il, jan n’é fusilier un pour montré exsemple au s’autre11 ».

    6Plus généralement, une police informelle des lieux s’organise au sein de l’espace conquis, police d’abord improvisée, puis encadrée par le gouvernement provisoire. Ce dernier désigne, dès le 24 février, un « commandant supérieur » des Tuileries en la personne de Saint-Amand, capitaine de la garde nationale, avec pour mission urgente de « sauver ce foyer de tant de richesses12 ». Des sentinelles, des rondes et des patrouilles sont mises en place sur le champ pour protéger les biens, et des scellés apposés. Des fouilles sont opérées à la sortie du palais, afin de saisir des objets de valeur dissimulés13. Certains insurgés ont même exposé leur propre vie, tant les tensions étaient vives, pour protéger une propriété pensée comme collective. Un insurgé, Delépine, raconte :

    Je rentrez aux Thuilleries des premiers, je me dirigé à la porte des appartemants de la duchesse d’Orléan, du prince défunt et de ses enfants : arrivé, je me trouvais un nomé M. Barrachin et M. Bréauté lieutenant de la garde national. Après nous être consulté le devoir de bon citoyens devait minspirer dès le moment à rétablir l’ordre en empechant de briser et piller, ce qui de droit appartenait a la nation, nous nous mimes tous trois à empecher la foulle d’entrer dans les appartemants cest avec peine que nous y avons reussi14.

    7Au nom d’une propriété « nationale » et d’une éthique populaire de l’honneur combattant, le monument et les appartements princiers sont placés sous la sauvegarde des insurgés.

    8Aux Tuileries, une opération d’inventaire, de classement et de protection des objets de valeur se met très rapidement en place. Ferdinand de Lesseps, qui se rend sur place le 25 février 184815, est obligé de constater à sa grande surprise le respect dominant de la propriété :

    Le peuple […] me conduisit dans une des salles du rez-de-chaussée, où tous les objets appartenant à la famille royale avaient été rangés et étiquetés sur des tables, avec beaucoup d’ordre, comme dans un magasin de curiosités16.

    9Cette exposition des objets saisis, véritable « morgue aux effets », se prolonge pendant une semaine, afin de mettre en scène un peuple vertueux et respectueux de la propriété « nationale17 ». Les 25 et 26 février, les diamants et joyaux de la Couronne sont clandestinement transportés au ministère des finances. Même au Palais-Royal18, propriété personnelle de Louis-Philippe, où les dévastations sont indéniablement très massives, des poches de résistance au pillage se manifestent. Un chirurgien, des tailleurs, un commis, un mécanicien, revendiquent ainsi avoir « dressé d’urgence et à la conservation des droits de qui il appartient l’état descriptif et inventaire aussi court que possible de divers objets d’argenterie, vaisselle, malles et ustensiles trouvés dans les appartements du Palais-Royal, dans la journée du 24 février courant19 ».

    Occupation, incorporation et « satire en action »

    10L’appropriation des espaces de pouvoir s’opère, de fait, par d’autres voies que la dilapidation des biens ou le jus spolii. Le mot d’« occupation », utilisé par certains contemporains, mais qui pourrait tout aussi bien résonner avec les « occupations d’usines » au temps du Front populaire, paraît plus adéquat que celui de « prise » ou a fortiori de « pillage ». Il s’agit d’investir un espace de domination en y incorporant subtilement sa propre souveraineté. L’opération, accomplie dans l’illégalité, ouvre une brèche dans la temporalité ordinaire, mais aussi dans les hiérarchies du monde social. Le tout dans une atmosphère de joie et de soulagement collectifs, qui autorise le jeu carnavalesque, en tout cas jusqu’en 1848.

    11L’occupation s’opère en vagues successives : d’abord quelques dizaines ou centaines d’émeutiers, venus prendre possession des lieux, puis plusieurs milliers d’insurgés et de citoyens-spectateurs, venus contrôler, peser du regard, le cas échéant détruire après discussion. À l’archevêché de Paris, le 29 juillet 1830, ils sont d’abord entre 80 et 100 insurgés, venus chercher en vain « des fusils et des jésuites », puis un deuxième groupe, composé de 1 200 à 2 000 hommes, femmes et enfants – on notera ici l’importance des groupes exclus de la citoyenneté – fait irruption sur les lieux, munis pour certains d’entre eux de marteaux et pince-monseigneur20. De même aux Tuileries le 24 février 1848, ils sont d’abord deux cents tout au plus, puis afflue une foule de plusieurs milliers de citoyens-combattants – deux mille selon Saint-Amand21. On vient d’abord combattre, puis pénétrer l’espace de domination. À ces deux premières vagues s’en ajoute une troisième, celle de citoyens-spectateurs, venus scruter de l’intérieur, en voyeurs, la révolution en cours. Le 25 février, il faut même faire la queue pour entrer aux Tuileries, comme au spectacle. Le spectacle du regard n’est pas pure extériorité, il participe depuis 1789 à la prise de souveraineté populaire. « Témoigner, observer, surveiller : le citoyen se vit d’abord comme un scrutateur », écrit Guillaume Mazeau à propos de l’été 1789 à Paris22. Le « protagonisme révolutionnaire23 » passe, a minima, par l’observation scrupuleuse des lieux où le peuple s’affirme comme souverain : le citoyen, d’abord en dehors de la scène y entre par effraction et participe, ici fort modestement, à l’histoire collective révolutionnaire. D’autres citoyens, nous dit Saint-Amand, se plaisent à « savourer de leurs regards24 » les objets et richesses préservés en 1848, comme s’ils révélaient aussi cette souveraineté collective.

    12Le regard des citoyens-spectateurs n’est pas seulement passif ou contemplatif, il vise à fouiller dans les entrailles du pouvoir, à la recherche des secrets d’État et des trahisons politiques, en quête de pièces d’archives. Les tiroirs sont forcés, l’ancien secrétaire de Napoléon, notamment, « tourné et retourné25 », la fouille n’épargnant pas les papiers les plus intimes de la famille royale. Certains des papiers, registres et archives découverts sont répandus sur le sol, piétinés, lacérés, parfois jetés par les fenêtres « comme des flocons de neige26 » ou encore brûlés. Les « papiers des Tuileries » aujourd’hui conservés aux Archives nationales portent les traces encore visibles de ce travail de souillure : froissements, lacérations, découpes, piétinements, tâches diverses27. En 1848, les papiers autographes du roi Louis-Philippe, dans son cabinet des Tuileries, ainsi que des lettres de la famille royale, ne sont pas épargnés ; certains sont impitoyablement brûlés, d’autres abandonnés au sol, dans les corridors ; d’autres encore lus publiquement sur les boulevards28.  Le voyeurisme devient divulgation publique des secrets du pouvoir déchu.

    13D’autres insurgés ont retourné ces papiers et greffé sur eux une écriture insurrectionnelle, fébrile, à l’encre suintante. Certains de ces fragments graffités ont été conservés jusqu’à nous. Documents éminemment singuliers, ils nous disent la frénésie d’écriture qui saisit de simples insurgés qui tiennent à imprimer leur souveraineté dans les lieux et sur les objets mêmes du pouvoir. Une enveloppe vierge, dépliée, est recouverte de ces mots littéralement jetés sur le papier d’une plume nerveuse :

    Le peuple est entré aux Thuilleries les 24 février 1848. Un enfant du peuple.

    14La pénétration des insurgés est figurée comme un événement en soi, digne d’être consigné ici et maintenant (le 24 février). Une autre enveloppe porte cette sentence vengeresse :

    Louis-Philippe était une vieille bête il s’est sauvé comme il est venu par une révolution il a cru nous mener bernic [sic] E.M.

    15Les mots des insurgés s’insinuent ainsi dans l’espace de pouvoir, jetés sur les supports mêmes destinés par nature à une écriture d’autorité, celle du roi ou celle du prince. Ils expriment tous la conscience immédiate de l’événement révolutionnaire et de la nécessité d’en porter trace, mais aussi le désir de vengeance. Ils constituent des actes de langage – de célébration ou d’exécration – mais plus encore des actes d’écriture29, au sens où ils transforment en profondeur l’espace de pouvoir, en l’occurrence, probablement, le cabinet du roi. La situation proprement révolutionnaire qui entoure l’acte graphique, la vacance du trône et l’état d’exception donnent à ces énoncés provocateurs une force particulière.

    16L’occupation des lieux s’est aussi déclinée dans des gestes d’incorporation. Le peuple devenu souverain incorpore, littéralement ou métaphoriquement, une partie des objets et du décor qui saturent les espaces de pouvoir et de représentation. Des objets sont ingérés, d’autres touchés, d’autres encore découpés et appropriés comme autant d’empreintes fantasmées du pouvoir souverain. Des insurgés s’emparent ainsi des bouteilles de vin rassemblées dans les caves – aux Tuileries comme à l’archevêché, à Neuilly comme au Palais-Royal – et les consomment sur place, de même que des conserves alimentaires30. Certains déjeunent et festoient, le 24 février, avec les couverts de la famille royale, et l’un d’entre eux s’écrie : « C’est notre banquet de la réforme31 ». Certains citoyens revêtent les habits de la famille royale, notamment la robe de chambre de Louis-Philippe, clin d’œil au roi-épicier en bonnet de nuit figé par la caricature, ou bien se travestissent avec des robes à fleurs de princesses. D’autres se plongent avec délices dans les lits des appartements princiers, les divans, les fauteuils et les tapis luxueux32. Le lit conjugal de Louis-Philippe et de Marie-Amélie, davantage conforme aux canons du « couple bourgeois » qu’aux usages aristocratiques des lits séparés, était il est vrai devenu un objet fantasmé par la satire33. Le contact physique de simples « prolétaires » avec des objets de Cour relève, pour les défenseurs de l’ordre ancien, de l’obscénité et de la souillure : « des mains noires et calleuses feuilletaient les plus riches albums, fouillaient les papiers les plus intimes », écrit ainsi avec effroi le docteur Véron à propos des Tuileries en février 184834.

    17La comtesse d’Agout, avec un regard d’ethnologue, parle pour sa part de « satire en action35 », là où Maxime du Camp, démophobe, ne voit que « momeries » populaires. Rites de cour, rites de gouvernement et rites de souveraineté sont parodiés avec emphase par les insurgés. Le peuple se fait roi par le corps et par le verbe, imitant et persiflant à l’envi. En 1830 déjà, écrit Louis Blanc, « cette prise de possession présenta, pendant quelques heures, un inconcevable mélange d’héroïsme et d’insouciance, de bouffonnerie et de grandeur36 », évoquant travestissements, inversions et jeux divers. Le trône vide est investi par le peuple fugacement souverain. Un cadavre d’insurgé y est déposé. Mais indéniablement, c’est en février 1848 que la « satire en action » ritualise véritablement l’état d’exception. Aux Tuileries, un concert discordant retentit dans la salle de spectacle, écho aux multiples charivaris qui ont accompagné les députés de la « résistance » depuis le début des années 183037. Des insurgés, sur des tables de jeu, « jouent des millions de la liste civile38 ». La saynète fait subtilement écho aux violentes critiques de la liste civile qui ont émaillé le règne de Louis-Philippe39. Un tableau vivant, maintes fois évoqué par les historiens, vient donner corps au transfert de souveraineté. Une femme, parée d’un bonnet rouge, se tient, immobile comme une statue, dans un vestibule des Tuileries pique en mains sur un tas de vêtements40 : nouvelle déesse-liberté, elle figure déjà la République en chair et en os. C’est la seule femme qui soit restée trois jours consécutifs aux Tuileries, isolée dans un univers entièrement masculin, objet à ce titre de tous les fantasmes41.

    18Une autre scène ritualisée, le « fameux jeu du trône », ne répète pas seulement des gestes observés en 1830, elle gagne en durée et en raffinement, jusqu’à l’autodafé final. Dans la salle éponyme, « chacun monte à son tour sur le trône42 ». Le premier, un de ces « protagonistes » vite plongé dans l’oubli, Dunoyer, capitaine de la garde nationale rallié à l’insurrection, « s’assied sur le fauteuil, monte dessus, le foule aux pieds », arrache le drapeau tricolore qui l’ornait, puis appose sa trace, à la pointe de son épée, sur les moulures du trône : « Le peuple de Paris à l’Europe entière : Liberté, Égalité, Fraternité. 24 Février 184843 ». Le geste iconoclaste dit une nouvelle fois le désir de marquer de son empreinte le territoire souverain et d’afficher l’historicité du moment vécu, moment d’exception. Cette inscription s’opère en nom collectif, à la différence des graffitis observables dans d’autres sphères de la vie sociale44. Un autre insurgé, en habit bourgeois, singe les discours du trône prononcés par Louis-Philippe45. Il suscite, à en croire des récits convergents, l’hilarité générale. S’ensuivent sur le trône ouvriers et gamins de Paris, prenant tour à tour possession de l’objet sacré. Un insurgé, témoin oculaire, évoque aussi, dans un récit tout à fait crédible, une « femme publique », totalement effacée des récits dominants, qui, sur le trône, se serait essayée à un discours d’éloge du peuple :

    Une femme public et monté dedans elle à proclamé un discours assez bon à l’honneur des citoyens français tout le peuple à applaudis après cette céremonie ou la fait monter à cheval sur un cheval de la cour pour accompagner ce dit trone pour etre brulé46.

    19Les tribulations du trône, sa sortie hors des Tuileries, sa promenade le long des boulevards, son franchissement des barricades, et son brûlement ultime au pied de la colonne de Juillet, redoublent ce message qui se veut performatif : la monarchie est morte en France. À la Chambre des députés, toujours ce 24 février, l’enlèvement du trône est annoncé avec emphase comme argument de proclamation de la République, contre la régence : « Le trône de Louis-Philippe vient d’être brisé et jeté par la fenêtre. Le peuple vous prescrit ainsi votre devoir », s’exclame ainsi l’un des orateurs47. Cette théâtralité révolutionnaire, plus carnavalesque que mélodramatique dans le cas parisien48, atteint probablement son apogée en 1848.

    Saccages et épurations iconoclastes

    20Le respect dominant de la propriété n’empêche pas les destructions ou les saccages, en 1830 comme en 1848. Ces actes prennent sens au sein d’un répertoire d’actions collectives qui place la destruction matérielle au cœur des violences anti-religieuses, anti-fiscales et luddites49. En ce sens les saccages de biens, comme les incendies50, demeurent, en ce premier xixe siècle, une modalité ordinaire de résistance mais aussi de régulation des conflits. Ils s’observent cependant avec une intensité particulière dans les moments de vacance du pouvoir. « Il y eut dévastation dans les premières heures d’effervescence51 », observe à ce propos le jeune photographe Emile Carjat (né en 1828), présent aux Tuileries le 24 février 1848. D’autres témoins ont insisté à juste titre sur les gestes de dépeçage du décor palatial, que l’on peut confronter à ceux, plus radicaux encore, observés au Palais-Royal au même moment, au château de Neuilly le 25 février, en grande partie consumé par le feu, et à l’archevêché de Paris le 29 juillet 1830, partiellement détruit. Mais l’espace conquis n’est pas uniformément visé, et les degrés de violence dépendent étroitement des représentations que les insurgés se font des propriétaires des lieux, des institutions qui y siègent et des usages qui en sont faits. Les gestes de destruction dessinent ainsi une cartographie du ressentiment populaire. Ils déploient une justice punitive négociée dans l’urgence de l’insurrection, inscrite dans des espaces chargés d’affects.

    21En 1830, l’archevêché subit un saccage massif en raison des suspicions à l’endroit de Mgr de Quélen, accusé (à tort) d’avoir été un conseiller occulte de Charles X et surtout d’avoir fait tirer sur la foule : le peuple insurgé ne fait alors qu’exercer un droit de vengeance, assimilable au droit de résistance à l’oppression, dans un moment d’exception52. Le saccage, défoulement émotionnel, est aussi perçu comme un droit naturel. Un notable normand libéral, Charles Feuillet-Despallières53, de visite sur les lieux plusieurs semaines après l’insurrection, jette dans son journal ces observations compréhensives :

    Presque toutes les vitres ont été brisées, et l’intérieur dévasté par le peuple donne la mesure de la haine dont son propriétaire était l’objet54.

    22Le Palais de Justice, de même, est envahi le 29 juillet, au nom de la servilité « jésuitique » des magistrats, instruments du coup d’État légal de Charles X. L’un des insurgés aurait ainsi proclamé : « C’est le sanctuaire de la justice qu’il faut aller purifier55 ». Les toges rouges des magistrats sont mises en pièce, ainsi que les mains de justice des tentures56 : les signes même de l’exercice de la justice royale sont détruits au nom d’une justice populaire supérieure.

    23À l’intérieur des Tuileries, la distribution des espaces détruits ou préservés obéit également à des logiques collectives, et non à une explosion incontrôlée de colère. Elle résulte de discussions et négociations entre insurgés, dont les archives ne conservent malheureusement que peu de traces. La sélection des espaces « souillés » participe d’une justice populaire de transition. En 1830 au pavillon de Flore, les appartements de la duchesse d’Angoulême, dont on connaît l’image publique de contre-révolutionnaire acharnée, ont été « entièrement saccagés57 ». En 1848 aux Tuileries, la salle du Trône est intégralement dénudée, en plusieurs étapes : « pas un vestige ne trahit son passé58 ». La salle de spectacle a également subi d’importantes déprédations, comme si les espaces de représentation monarchique étaient singulièrement honnis. Les appartements des courtisans sont aussi très fortement ravagés. Le dispositif curial est ainsi mis en pièces pour lui-même, en écho à la destruction, à l’extérieur, des enseignes des fournisseurs de la Cour.

    24Au contraire, certains appartements princiers paraissent intouchables, en vertu des représentations attachées à leur propriétaire. Ainsi l’appartement du très populaire Ferdinand d’Orléans, laissé à l’identique depuis sa mort en 1842, a-t-il été entièrement préservé. La sacralité du deuil romantique ajoute à la mémoire positive du plus démocrate des Orléans. Les quarante-huitards ont aussi épargné l’appartement de sa veuve, ainsi que l’oratoire de la reine Marie-Amélie, décoré avec les statues sculptées par sa défunte fille, la princesse Marie. Il en est de même de la chapelle des Tuileries et de son célèbre crucifix, porté en procession jusqu’à l’église Saint-Roch pour être béni par un prêtre.

    25En revanche, vitres, glaces, lustres, cristaux sont massivement brisés, parfois à coups de fusil ou de crosses59. Pas moins de vingt-cinq tonnes de verre et de cristaux auraient été recueillies aux Tuileries et au Palais-Royal en 1848. En 1830, de simples objets d’ornement, tels des candélabres ou des vases, sont aussi affectés et « portent encore les marques de la colère du peuple » plusieurs semaines après la révolution60. Les tapisseries et tentures en velours, soieries, sont très souvent lacérées. À travers le decorum c’est plutôt la représentation de la royauté qui semble visée. En février 1848, selon un exégète contemporain, le peuple insurgé aurait vu dans « tout ce décor […] la royauté matérialisée ; il [aurait] brisé l’idée dans la chose61 ». Ce n’est pas impossible. Il s’agirait ainsi de vider le centre charismatique du pouvoir de son decorum, et de briser ainsi la continuité des pouvoirs.

    26D’autres logiques, plus fines, ordonnent cependant les gestes de destruction. Le dépeçage des tissus permet de bricoler, dans l’urgence du soulèvement, de nouveaux signes révolutionnaires. Ce recyclage des signes et des artefacts s’était déjà manifesté au cours de la grande « révolution des apparences » des années 179062. En 1848, les tentures, une fois déchirées ou découpées, sont ainsi converties en bonnets, calottes, cocardes, ceintures ou écharpes rouges, et exhibées par les insurgés. La découpe révolutionnaire des tissus vise aussi à enregistrer et conserver le souvenir de l’instant vécu, en même temps qu’elle actualise un partage de souveraineté. Elle participe aux pratiques plus générales au xixe siècle de collecte de débris ou de fragments-souvenirs, constitutifs d’un musée intérieur, mais elle prend ici un tour plus politique63. En 1830, des insurgés s’emparent des fragments d’une toile à l’effigie de Charles X, au nom d’une pulsion de mémoire révolutionnaire : « il nous faut un gage de notre victoire ; c’est un souvenir », se seraient-ils écriés64. Le droit de dépouille ne porte plus sur les biens, patrimonialisés, mais sur des fragments d’objets de souveraineté, attestations d’une participation directe à l’événement révolutionnaire.

    27Les espaces de pouvoir sont dépouillés des signes jugés incompatibles avec le transfert de souveraineté en cours. Comme dans l’espace barricadier, les emblèmes dynastiques sont prioritairement effacés, ainsi que les portraits du souverain régnant. À des degrés divers cette épuration iconoclaste scande chacune des révolutions du xixe siècle. Elle s’opère dans l’urgence, au fil de la conquête, avec les armes à disposition, fusils et baïonnettes, et au gré des discussions entre insurgés65. Les exécutions en effigie sont fréquentes. Au Louvre, le large tableau du Sacre de Charles X par François Gérard, aujourd’hui restauré, est criblé de balles, tout particulièrement la tête du roi et celle du duc d’Angoulême66. Un autre portrait du comte d’Artois par Gérard, en uniforme de carabinier, est entièrement lacéré ; un des insurgés lui découpe la tête avec son sabre et la met dans sa poche67. Le fantasme régicide, dont la présence demeure obsédante sous la Restauration, ressurgit avec force dans les exécutions en effigie. En 1848 également, les effigies de Louis-Philippe sont rituellement profanées. L’effigie, fictivement animée, est aussi interpellée, tel ce buste de Louis-Philippe ceint d’un bandeau par un insurgé et apostrophé par lui en ces termes : « C’est toi qui es aveugle68 », allusion au dernier discours du trône et aux « passions ennemies et aveugles » dénoncées par le roi. De ces gestes foisonnants émerge une politique de l’iconoclasme : il vise, à travers des effigies, à la fois l’incarnation de la souveraineté, une violation des droits naturels, et la dépossession des classes populaires. L’« acte d’image substitutif 69 », qui attribue la qualité de corps à de simples portraits, se fait ici acte de justice punitive : il soulage des insurgés à peine sortis de la fièvre des combats, et les érige en porte-parole d’une résistance à l’oppression.

    28Discussions, dialogues, médiations jalonnent toutefois le rituel iconoclaste, à mesure que le regard des insurgés scrute et jauge les espaces conquis. Les controverses portent tantôt sur l’identification des signes, tantôt sur l’extension des effigies à détruire, tantôt sur les fautes commises par les prototypes représentés. Au Louvre en 1830, des citoyens armés confondent une statuette de Bosio représentant Henri IV enfant avec une effigie du duc de Bordeaux, petit-fils de Charles X. Ils s’apprêtent à la briser à coups de hache, quand un autre insurgé ordonne de la sauver, au nom de l’art et de « l’innocence » du bon roi Henri70. En 1830 comme en 1848, les citoyens armés devenus magistrats improvisés délibèrent aussi sur l’opportunité d’effacer ou non l’ensemble des effigies de la famille royale. En 1830, les bustes de Louis XVIII sont globalement préservés, après délibération critique.  Aux Tuileries, ils sont recouverts d’un voile noir ou de l’inscription « propriété nationale71 » – étrange formule pour l’effigie d’un souverain – afin de suspendre toute velléité iconoclaste.

    29La justice punitive sur les images fonctionne comme l’exercice d’un droit de résistance à l’oppression : ceux qui ont retourné leurs armes contre le peuple souverain voient leurs effigies implacablement détruites. En 1830, dans la salle des Maréchaux, la toile à l’effigie de Marmont, principal artisan de la répression des Trois Glorieuses, est tout particulièrement mutilée72. En 1848, en ce même lieu, les portraits de Soult et de Bugeaud sont fusillés puis lacérés, quand les autres demeurent indemnes ou très faiblement atteints. De ces deux tableaux, seuls demeurent leurs cadres ; les noms ont été effacés, et, à la place, la sentence populaire a été gravée : « Traître à la patrie. Mis à mort pour ses crimes73 ». Soult est jugé en effigie pour la répression des canuts lyonnais en décembre 1831, Bugeaud pour le massacre de la rue Transnonain à Paris, en avril 1834.

    30De même, le traitement réservé aux portraits de la famille des Orléans dépend fortement des images publiques de chacun de ses membres. Le portrait de la reine Marie-Amélie par Hersent, celui de Madame Adélaïde sont laissés intacts, de même que les toiles représentant le prince de Joinville, associé au souvenir glorieux du Retour des cendres de Napoléon. En revanche, le portrait du roi des Belges, gendre de Louis-Philippe, ainsi que celui du duc de Nemours, engagé dans la répression de Février, et celui du duc de Montpensier, marié à l’infante d’Espagne, ont été lacérés.

    31Loin des clichés des pillages frénétiques, les « saccages rituels » des révolutions du xixe siècle obéissent à des logiques multiples : prise de souveraineté, justice punitive, épuration iconoclaste. Dans un moment où le futur est encore incertain, le peuple insurgé inscrit sa marque dans des lieux de pouvoir, avec une ritualité théâtrale et une violence ciblée et signifiante. Des formes d’auto-contrôle font contrepoids à la tentation, bien réelle, du vol, et des délibérations collectives permettent, dans l’urgence, de sélectionner les signes à effacer ou à conserver. La révolution se fait d’abord coup de force visuel et maîtrise des signes légitimes.

    Notes de bas de page

    1Voir sur la ritualité révolutionnaire les réflexions stimulantes de Sophie Wahnich, « Réfléchir les rituels pendant la Révolution française », Ethnographiques.org, 2016, no 33 [en ligne].

    2Carlo Ginzburg, « Saccheggi rituali. Premesse a una ricerca in corso », Quaderni storici, 1987, no 65, p. 615-636 ; Agostino Paravicini Bagliani, Le corps du pape, Paris, Le Seuil, 1997, p. 125 et suiv.

    3Voir en particulier les récits horrifiés du docteur Véron ou de Maxime du Camp, mais aussi de Flaubert dans L’Education sentimentale. Sur l’imaginaire des bas-fonds, Dominique Kalifa, Les bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013.

    4Dr Véron, Mémoires d’un bourgeois de Paris, Paris, Librairie Nouvelle, 1857, t. 4, p. 321.

    5Charles-Eloi Vial, Les derniers feux de la monarchie. La cour au siècle des révolutions, 1789-1870, Paris, Perrin, 2016, p. 360-376.

    6En visant une récompense civique, ils adoptent les codes de la civilité dominante, singulièrement le respect de la propriété.

    7Archives de la préfecture de police, AA 383.

    8On retrouve la même inscription sur les murs du château de Neuilly (Six mois au château de Neuilly en 1848, Nantes, Bourgine, 1850, p. 11)

    9Étienne Carjat, « Souvenirs de 1848 », La Nouvelle Revue, t. 39, mars-avril 1906, p. 65.

    10Le Constitutionnel, 25 février 1848.

    11Lettre de Dufays au président de la République, 4 septembre 1849, Service historique de la Défense, 6 J 166/11810 : Dufays Victor Symphorien. Je remercie Alexandre Frondizi qui m’a communiqué cette information.

    12Le drame des Tuileries après la Révolution du 24 février 1848, par le citoyen Saint-Amant, Paris, chez Féret, mai 1848, p. 8. « Allez sauver les Tuileries », lui aurait dit Lamartine. Le décret du gouvernement provisoire précise : « Le gouvernement provisoire de la République française nomme M. Saint-Amand, capitaine de la première légion, commandant supérieur du palais des Tuileries. Fait à l’Hôtel de Ville, le 24 février 1848. »

    13Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 12.

    14Lettre de Pierre-Bruno Delépine aux « citoyens membres du gouvernement provisoire », le 28 février 1848, Archives de la préfecture de police, AA384.

    15Alors ambassadeur de France en Espagne, il cherche à y récupérer des bijoux appartenant à l’infante d’Espagne, épouse du duc de Montpensier, fils de Louis-Philippe.

    16Ferdinand de Lesseps, Souvenirs de quarante ans, dédiés à mes enfants, Paris, Nouvelle Revue, 1887, t. 1, p. 275.

    17Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 11.

    18Sur le Palais-Royal en 1848, cf. notamment Le Palais Royal: exposition Musée Carnavalet, 9 mai-4 septembre 1988.

    19Archives de la préfecture de police, AA 373 (dossier Brutus Bonneville).

    20Roger Limouzin-Lamothe, « Le pillage de l’archevêché de Paris en juillet 1830 d’après un mémoire inédit du chapitre métropolitain », Revue d’Histoire de l’Église de France, vol. 44, no 141, 1958, p. 73-86.

    21Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 10.

    22Guillaume Mazeau, « Paris, capitale des signes, vitrine de la Révolution (juillet-octobre 1789). Sémiologie sociopolitique des protestations collectives », in Jean-Claude Caron (dir.), Paris, l’insurrection capitale, Ceyzérieux, Champ Vallon, 2014, p. 99-113, p. 108.

    23Haïm Burstin, « Le protagonisme comme facteur d’amplification de l’événement : le cas de la Révolution Française », in L’événement. Colloque d’Aix-en-Provence, Presses de l’université de Provence, 1986, p. 65-75.

    24Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 16.

    25Ibid., p. 32.

    26Amédée Achard, Souvenirs personnels d’émeutes et de révolutions, Paris, Michel Lévy, 1872, p. 61.

    27Rapport de Viollet Le Duc aux commissaires de la Liste civile, le 25 septembre 1830, AN AB/XIX/15.

    28Cf. le témoignage de Maxime du Camp sur des lettres prélevées aux appartements du duc de Nemours, « simples épanchements de famille », lues par un journaliste. Maxime du Camp, Souvenirs de l’année 1848, Paris, Hachette, 1876, p. 105-106.

    29Voir sur ce concept les remarques de Béatrice Fraenkel, « Actes d’écriture. Quand écrire, c’est faire », Langage et société, 2007/3, p. 101-112.

    30Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 17.

    31D’après Maxime du Camp, Souvenirs […], op. cit., p. 94.

    32Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 12.

    33Odile Nouvel, « La création de la chambre conjugale », in Rêves d’alcôves. La chambre au cours des siècles, Paris, Union centrale des arts décoratifs, 1995, p. 104-127.

    34Docteur Véron, Mémoires d’un bourgeois […], op. cit.  

    35Daniel Stern, Histoire de la révolution de 1848, Paris, Charpentier, 1862, t. 1, p. 265.

    36Louis Blanc, Histoire de dix ans. 1830-1840, Paris, Germer Baillière, 1877, t. 1, p. 280.

    37Emmanuel Fureix, « Le charivari politique : un rite de surveillance civique dans les années 1830 », in Adeline Beaurepaire-Hernandez et Jérôme Guedj (dir.), L’entre-deux électoral. Une autre histoire de la représentation politique en France (xixe-xxe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 53-70.

    38Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848 […], op. cit., p. 111.

    39Cormenin, Lettres sur la liste civile et sur l’apanage, Paris, Pagnerre, 1837.

    40D’après le récit, le plus crédible, de Saint-Amand : Le drame des Tuileries, […], op. cit., p. 15.

    41D’après Louis Tirel, La république dans les carrosses du roi : triomphe sans combat, curée de la liste civile et du domaine privé, scènes de la révolution de 1848, Paris, Garnier, 1850, p. 84.

    42Augustin-Pierre Denys, Le Palais des Tuileries […], op. cit., p. 59.

    43Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848 […], op. cit. ; Veyne, Épisodes de la Révolution du 24 février 1848. Prise des Tuileries. Invasion de la Chambre des députés. Notice historique, Paris, chez l’auteur, 1848, p. 44.

    44Sur une plus longue durée et dans un registre bien spécifique, cf. Charlotte Guichard, Graffitis. Inscrire son nom à Rome, xvie-xixe siècle, Paris, Seuil, 2014.

    45Anecdote rapportée par Maxime du Camp (Souvenirs de l’année 1848 […], op. cit., p. 95).

    46Lettre de Victor Hallet à ses parents, 27 février 1848. SHD 6J155/11260 (dossier repéré par Alexandre Frondizi).

    47Léonard Gallois, Histoire de la révolution de 1848, Paris, Naud et Gourju, 1849, t. 1, p. 95.

    48À la différence du cas italien, cf. Carlotta Sorba, Il melodramma della nazione : politica e sentimenti nell’età del Risorgimento, Bari, Taterza, 2015.

    49François Jarrige, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle (1780-1860), Rennes, Presses universitaires de Rennes, Collection Carnot, 2009.

    50Jean-Claude Caron, Les feux de la discorde. Conflits et incendies dans la France du xixe siècle, Paris, Hachette, 2006.

    51Étienne Carjat, « Souvenirs.… », […], op. cit., p. 66.

    52D’après les deux récits évoqués par Roger Limouzin-Lamothe dans « Le pillage de l’archevêché… », […], op. cit.

    53Frère de l’avocat Jacques Feuillet, chef du mouvement libéral dans la Manche.

    54Journal manuscrit de Charles Feuillet-Despallières, 20 août 1830 (AD Manche 224J).

    55Léonard Gallois, Histoire de France d’Anquetil, continuée depuis la Révolution de 1789 jusqu’à celle de 1830, Paris, Au bureau central de l’histoire de France, 1845, t. 5, p. 210.

    56Idem.

    57Rapport de Viollet-le-Duc père adressé aux commissaires de la Liste civile, le 29 août 1830, AN AB/XIX/15.

    58Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 31.

    59Edmond Marc, Mes journées de juillet, Paris, Éditions de la vraie France, 1930, p. 173.

    60D’après un rapport de Viollet-le-Duc père adressé aux commissaires de la Liste civile, le 26 septembre 1830, AN AB/XIX/15.

    61Abbé Augustin-Pierre Denys, Le Palais des Tuileries en 1848. Épisode de la Révolution de février, Paris, Albanel, 1869, p. 59.

    62Dominique Poulot, Musée, nation, patrimoine (1789-1815), Paris Gallimard, 1997, p. 147.

    63Éric Fournier, Paris en ruines. Du Paris haussmannien au Paris communard, Paris, Imago, 2008, p. 244-247.

    64D’après Louis Rozet, Chronique de juillet 1830, Paris, Théophile Barrois et Benjamin Duprat, 1832, t. 2, p. 190.

    65Les mots rapportés, dont l’authenticité demeure invérifiable, fabriquent un sens commun de l’événement, et à ce titre se révèlent précieux.

    66Louis Rozet, Chronique de juillet 1830 […], op. cit., p. 187.

    67Ibid., p. 189. Le Musée historique de Versailles possède un format réduit de ce tableau.

    68Daniel Stern, La Révolution de 1848 […], op. cit., t. 1, p. 198.

    69Horst Bredekamp, Théorie de l’acte d’image, op. cit., p. 159 et suiv.

    70Louis Rozet, Chronique de juillet 1830 […], op. cit., p. 189 et 195.

    71Ibid., t. 2, p. 198.

    72Le Précurseur, 4 août 1830.

    73Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 31.

    Auteur

    • Emmanuel Fureix

      CRHEC, Université Paris Est Créteil Val de Marne

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    1Voir sur la ritualité révolutionnaire les réflexions stimulantes de Sophie Wahnich, « Réfléchir les rituels pendant la Révolution française », Ethnographiques.org, 2016, no 33 [en ligne].

    2Carlo Ginzburg, « Saccheggi rituali. Premesse a una ricerca in corso », Quaderni storici, 1987, no 65, p. 615-636 ; Agostino Paravicini Bagliani, Le corps du pape, Paris, Le Seuil, 1997, p. 125 et suiv.

    3Voir en particulier les récits horrifiés du docteur Véron ou de Maxime du Camp, mais aussi de Flaubert dans L’Education sentimentale. Sur l’imaginaire des bas-fonds, Dominique Kalifa, Les bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013.

    4Dr Véron, Mémoires d’un bourgeois de Paris, Paris, Librairie Nouvelle, 1857, t. 4, p. 321.

    5Charles-Eloi Vial, Les derniers feux de la monarchie. La cour au siècle des révolutions, 1789-1870, Paris, Perrin, 2016, p. 360-376.

    6En visant une récompense civique, ils adoptent les codes de la civilité dominante, singulièrement le respect de la propriété.

    7Archives de la préfecture de police, AA 383.

    8On retrouve la même inscription sur les murs du château de Neuilly (Six mois au château de Neuilly en 1848, Nantes, Bourgine, 1850, p. 11)

    9Étienne Carjat, « Souvenirs de 1848 », La Nouvelle Revue, t. 39, mars-avril 1906, p. 65.

    10Le Constitutionnel, 25 février 1848.

    11Lettre de Dufays au président de la République, 4 septembre 1849, Service historique de la Défense, 6 J 166/11810 : Dufays Victor Symphorien. Je remercie Alexandre Frondizi qui m’a communiqué cette information.

    12Le drame des Tuileries après la Révolution du 24 février 1848, par le citoyen Saint-Amant, Paris, chez Féret, mai 1848, p. 8. « Allez sauver les Tuileries », lui aurait dit Lamartine. Le décret du gouvernement provisoire précise : « Le gouvernement provisoire de la République française nomme M. Saint-Amand, capitaine de la première légion, commandant supérieur du palais des Tuileries. Fait à l’Hôtel de Ville, le 24 février 1848. »

    13Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 12.

    14Lettre de Pierre-Bruno Delépine aux « citoyens membres du gouvernement provisoire », le 28 février 1848, Archives de la préfecture de police, AA384.

    15Alors ambassadeur de France en Espagne, il cherche à y récupérer des bijoux appartenant à l’infante d’Espagne, épouse du duc de Montpensier, fils de Louis-Philippe.

    16Ferdinand de Lesseps, Souvenirs de quarante ans, dédiés à mes enfants, Paris, Nouvelle Revue, 1887, t. 1, p. 275.

    17Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 11.

    18Sur le Palais-Royal en 1848, cf. notamment Le Palais Royal: exposition Musée Carnavalet, 9 mai-4 septembre 1988.

    19Archives de la préfecture de police, AA 373 (dossier Brutus Bonneville).

    20Roger Limouzin-Lamothe, « Le pillage de l’archevêché de Paris en juillet 1830 d’après un mémoire inédit du chapitre métropolitain », Revue d’Histoire de l’Église de France, vol. 44, no 141, 1958, p. 73-86.

    21Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 10.

    22Guillaume Mazeau, « Paris, capitale des signes, vitrine de la Révolution (juillet-octobre 1789). Sémiologie sociopolitique des protestations collectives », in Jean-Claude Caron (dir.), Paris, l’insurrection capitale, Ceyzérieux, Champ Vallon, 2014, p. 99-113, p. 108.

    23Haïm Burstin, « Le protagonisme comme facteur d’amplification de l’événement : le cas de la Révolution Française », in L’événement. Colloque d’Aix-en-Provence, Presses de l’université de Provence, 1986, p. 65-75.

    24Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 16.

    25Ibid., p. 32.

    26Amédée Achard, Souvenirs personnels d’émeutes et de révolutions, Paris, Michel Lévy, 1872, p. 61.

    27Rapport de Viollet Le Duc aux commissaires de la Liste civile, le 25 septembre 1830, AN AB/XIX/15.

    28Cf. le témoignage de Maxime du Camp sur des lettres prélevées aux appartements du duc de Nemours, « simples épanchements de famille », lues par un journaliste. Maxime du Camp, Souvenirs de l’année 1848, Paris, Hachette, 1876, p. 105-106.

    29Voir sur ce concept les remarques de Béatrice Fraenkel, « Actes d’écriture. Quand écrire, c’est faire », Langage et société, 2007/3, p. 101-112.

    30Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 17.

    31D’après Maxime du Camp, Souvenirs […], op. cit., p. 94.

    32Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 12.

    33Odile Nouvel, « La création de la chambre conjugale », in Rêves d’alcôves. La chambre au cours des siècles, Paris, Union centrale des arts décoratifs, 1995, p. 104-127.

    34Docteur Véron, Mémoires d’un bourgeois […], op. cit.  

    35Daniel Stern, Histoire de la révolution de 1848, Paris, Charpentier, 1862, t. 1, p. 265.

    36Louis Blanc, Histoire de dix ans. 1830-1840, Paris, Germer Baillière, 1877, t. 1, p. 280.

    37Emmanuel Fureix, « Le charivari politique : un rite de surveillance civique dans les années 1830 », in Adeline Beaurepaire-Hernandez et Jérôme Guedj (dir.), L’entre-deux électoral. Une autre histoire de la représentation politique en France (xixe-xxe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 53-70.

    38Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848 […], op. cit., p. 111.

    39Cormenin, Lettres sur la liste civile et sur l’apanage, Paris, Pagnerre, 1837.

    40D’après le récit, le plus crédible, de Saint-Amand : Le drame des Tuileries, […], op. cit., p. 15.

    41D’après Louis Tirel, La république dans les carrosses du roi : triomphe sans combat, curée de la liste civile et du domaine privé, scènes de la révolution de 1848, Paris, Garnier, 1850, p. 84.

    42Augustin-Pierre Denys, Le Palais des Tuileries […], op. cit., p. 59.

    43Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848 […], op. cit. ; Veyne, Épisodes de la Révolution du 24 février 1848. Prise des Tuileries. Invasion de la Chambre des députés. Notice historique, Paris, chez l’auteur, 1848, p. 44.

    44Sur une plus longue durée et dans un registre bien spécifique, cf. Charlotte Guichard, Graffitis. Inscrire son nom à Rome, xvie-xixe siècle, Paris, Seuil, 2014.

    45Anecdote rapportée par Maxime du Camp (Souvenirs de l’année 1848 […], op. cit., p. 95).

    46Lettre de Victor Hallet à ses parents, 27 février 1848. SHD 6J155/11260 (dossier repéré par Alexandre Frondizi).

    47Léonard Gallois, Histoire de la révolution de 1848, Paris, Naud et Gourju, 1849, t. 1, p. 95.

    48À la différence du cas italien, cf. Carlotta Sorba, Il melodramma della nazione : politica e sentimenti nell’età del Risorgimento, Bari, Taterza, 2015.

    49François Jarrige, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle (1780-1860), Rennes, Presses universitaires de Rennes, Collection Carnot, 2009.

    50Jean-Claude Caron, Les feux de la discorde. Conflits et incendies dans la France du xixe siècle, Paris, Hachette, 2006.

    51Étienne Carjat, « Souvenirs.… », […], op. cit., p. 66.

    52D’après les deux récits évoqués par Roger Limouzin-Lamothe dans « Le pillage de l’archevêché… », […], op. cit.

    53Frère de l’avocat Jacques Feuillet, chef du mouvement libéral dans la Manche.

    54Journal manuscrit de Charles Feuillet-Despallières, 20 août 1830 (AD Manche 224J).

    55Léonard Gallois, Histoire de France d’Anquetil, continuée depuis la Révolution de 1789 jusqu’à celle de 1830, Paris, Au bureau central de l’histoire de France, 1845, t. 5, p. 210.

    56Idem.

    57Rapport de Viollet-le-Duc père adressé aux commissaires de la Liste civile, le 29 août 1830, AN AB/XIX/15.

    58Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 31.

    59Edmond Marc, Mes journées de juillet, Paris, Éditions de la vraie France, 1930, p. 173.

    60D’après un rapport de Viollet-le-Duc père adressé aux commissaires de la Liste civile, le 26 septembre 1830, AN AB/XIX/15.

    61Abbé Augustin-Pierre Denys, Le Palais des Tuileries en 1848. Épisode de la Révolution de février, Paris, Albanel, 1869, p. 59.

    62Dominique Poulot, Musée, nation, patrimoine (1789-1815), Paris Gallimard, 1997, p. 147.

    63Éric Fournier, Paris en ruines. Du Paris haussmannien au Paris communard, Paris, Imago, 2008, p. 244-247.

    64D’après Louis Rozet, Chronique de juillet 1830, Paris, Théophile Barrois et Benjamin Duprat, 1832, t. 2, p. 190.

    65Les mots rapportés, dont l’authenticité demeure invérifiable, fabriquent un sens commun de l’événement, et à ce titre se révèlent précieux.

    66Louis Rozet, Chronique de juillet 1830 […], op. cit., p. 187.

    67Ibid., p. 189. Le Musée historique de Versailles possède un format réduit de ce tableau.

    68Daniel Stern, La Révolution de 1848 […], op. cit., t. 1, p. 198.

    69Horst Bredekamp, Théorie de l’acte d’image, op. cit., p. 159 et suiv.

    70Louis Rozet, Chronique de juillet 1830 […], op. cit., p. 189 et 195.

    71Ibid., t. 2, p. 198.

    72Le Précurseur, 4 août 1830.

    73Le drame des Tuileries […], op. cit., p. 31.

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    Fureix, E. (2019). « Saccages rituels » des lieux de pouvoir et justice punitive sur les images (Paris, 1830-1848). In J.-P. Luis & F. Conord (éds.), Violence & politique (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/145ce
    Fureix, Emmanuel. « “Saccages rituels” des lieux de pouvoir et justice punitive sur les images (Paris, 1830-1848) ». In Violence & politique, édité par Jean-Philippe Luis et Fabien Conord. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2019. https://doi.org/10.4000/145ce.
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