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    Plan détaillé Texte intégral Nouvelles attentes de la critique dramatique envers les comédiens-citoyens Les sentiments républicains sur commande : l'enseignement des rapports de police Conclusion Notes de bas de page Auteur

    La Révolution et le théâtre des émotions

    Ce livre est recensé par

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    Transmettre des émotions patriotiques, un devoir professionnel ? Comédiens, critique dramatique et pouvoirs publics en Révolution

    Transmitting Patriotic Emotions, A Professional Duty? Actors, Dramatic Criticism and Public Authorities During the Revolution

    Suzanne Rochefort

    p. 217-228

    Résumés

    Durant le second xviiie siècle, le développement de la critique dramatique dans la presse contribue à forger des critères de jugement du jeu des comédiens. Or, la période révolutionnaire est un moment de redéfinition des compétences attendues des artistes en scène, et la question des émotions en constitue l’une des pierres angulaires. La transmission d’émotions patriotiques au public apparaît désormais comme une compétence centrale pour certains journaux. De plus, au gré des évolutions politiques, la propagation de sentiments républicains est érigée en devoir professionnel pour les comédiens. Les chants patriotiques, propices à des épisodes de communion intense avec le public, cristallisent particulièrement l’attention des pouvoirs publics et cette politique des émotions influe sur la place des comédiens et des comédiennes dans la cité.

    During the second half of the eighteenth century, the development of dramatic criticism in the press helped to forge criteria for judging actors' performances. However, the revolutionary period is a moment of redefinition of the skills that are expected for performers on stage, and the question of emotions was one of its cornerstones. The transmission of patriotic emotions to the audience now appears to be a central skill according to some newspapers. In addition, as political developments have taken place, the propagation of republican feelings has become a professional duty for actors. The patriotic songs, which lead to episodes of intense communion with the public, particularly attract the attention of public authorities, and this policy of emotions influences the place of actors in the city.

    Entrées d’index

    Mots-clés : chant, citoyen, comédien, critique dramatique, patriotisme, presse, police

    Keywords : singing, citizen, actor, dramatic criticism, patriotism, press, police

    Texte intégral Nouvelles attentes de la critique dramatique envers les comédiens-citoyens Les sentiments républicains sur commande : l'enseignement des rapports de police Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1« Le théâtre étant une galerie où tous les états, tous les caractères et toutes les passions doivent être exprimés avec vérité et décence, on ne saurait être trop sévère sur le choix des sujets qui peuvent inspirer […] les différents sentiments dont dépendent le bonheur ou le malheur de la jeunesse1 », expose en 1801 Jean Mauduit dit Larive (1747-1827), alors premier acteur tragique et successeur du célèbre Lekain. Dans ses Réflexions sur l’art théâtral, il insiste sur la nécessité pour les directeurs de spectacle de se montrer très exigeants dans le choix de leurs artistes, dans la mesure où ils endossent une responsabilité majeure d’éducation de la société et particulièrement des jeunes gens par la transmission des émotions. Les propos de Larive sur la place des interprètes dans le projet de moralisation sociale s’inscrivent au sortir d’une décennie révolutionnaire qui a vu l’essor de la vocation pédagogique du théâtre2. On sait que celle-ci a été soutenue par les pouvoirs politiques successifs, à commencer par le Comité de salut public en l’an II qui met en place une instrumentalisation du répertoire et une surveillance accrue des représentations théâtrales3. Néanmoins, la manière dont se construit la responsabilité des comédiens dans l’instruction patriotique puis républicaine des spectateurs par les performances artistiques est moins connue.

    2La période révolutionnaire constitue un moment de redéfinition des compétences attendues des artistes en scène, et la question des émotions en constitue l’une des pierres angulaires. Ces reconfigurations s’appuient sur une série de transformations au-dedans et en dehors de la salle de spectacle. En dehors, les comédiens accèdent à la citoyenneté et voient donc l’effacement juridique des préjugés d’Ancien Régime. Certains se muent en patriotes engagés dans les luttes révolutionnaires – le parcours de plusieurs d’entre eux a été retracé, particulièrement en province4. À l’intérieur de la salle de théâtre se joue un changement de « régime émotionnel » (William M. Reddy5) qui voit notamment s’imposer le sentimentalisme. Couplé à une dimension politique qui s’éprouve dans le collectif, un processus « d’effacement de la frontière entre regardants et regardés6 » s’instaure. Alors que la métaphore de l’électricité essaimait déjà dans la seconde moitié du xviiie siècle7, la circulation des énergies entre les artistes et le public prend une importance cruciale sous la Révolution8. Il sera question ici du regard porté sur ceux qui impulsent ces mouvements, du côté de la scène : en quoi la transmission d’émotions patriotiques au public est-elle considérée comme une compétence qui distingue certains artistes ? Dans quelle mesure l’évaluation de cette compétence peut-elle se muer en promulgation d’un devoir professionnel ? Deux instances qui s’intéressent de près aux comédiens et comédiennes seront ici considérées. D’une part les critiques dramatiques foisonnent avec la libéralisation de la presse tout en se politisant, comme l’a souligné Michel Biard9 ; d’autre part, les pouvoirs publics, et tout particulièrement le régime directorial prennent très au sérieux la question de la surveillance des interprètes. Nous limiterons nos analyses à la capitale, qui connaît une floraison de salles de spectacles après la loi de janvier 179110, libéralisation qui avait déjà été amorcée par l’ouverture du Théâtre de Monsieur en janvier 1789.

    Nouvelles attentes de la critique dramatique envers les comédiens-citoyens

    3À la faveur du développement de la presse périodique et des rubriques consacrées au théâtre depuis le milieu du xviiie siècle, des avis critiques sur les prestations des comédiens apparaissent de plus en plus souvent sous les yeux des lecteurs de journaux d’Ancien Régime. Le Mercure de France ou L’Avant-Coureur ajoutent des commentaires sur le jeu des acteurs à la fin de leurs comptes rendus dramatiques, traditionnellement consacrés au résumé de la pièce, à l’analyse de l’intrigue et du caractère des personnages. Cette tendance s’accentue avec la création en 1777 du Journal de Paris, premier quotidien français. Grâce à sa périodicité, il se fait l’écho de toutes les prestations des débutants sur les scènes privilégiées parisiennes (Académie royale de musique, Comédie-Française, Comédie-Italienne). La multiplication de ces discours sur le jeu des comédiens, par des instances critiques qui se veulent normatives, permet de forger publiquement des critères d’évaluation. Les journalistes exigent une belle voix, une interprétation fine et nuancée, une prononciation nette, du naturel ou encore de la sensibilité et de l’énergie. Or, si ces attentes se maintiennent durant la décennie 1790, on constate qu’elles se doublent dans un certain nombre de périodiques d’une nouvelle exigence, celle de savoir transmettre efficacement des émotions patriotiques au public.

    4La Chronique de Paris, quotidien proche des girondins qui paraît dès le mois d’août 1789 est un des principaux supports de cette transformation des attentes envers les comédiens. Alors que les réactions des spectateurs étaient traditionnellement peu détaillées dans les comptes rendus des journaux (seuls les applaudissements, ou quelquefois des larmes, étaient mentionnés) la première représentation d’Henri VIII de Chénier11, le 27 avril 1791 au Théâtre de la République, donne lieu à un récit circonstancié :

    Madame Vestris a soutenu sa réputation dans le rôle d’Anne de Boulen, & n’a manqué aucune des nuances difficiles dont ce rôle est susceptible ; elle a joué avec beaucoup d’âme & de chaleur. Mademoiselle Desgarcins a fait couler des larmes de tous les yeux dans le rôle noble & touchant de la généreuse & sensible Seymour, l’abandon, la sensibilité, l’expansion de la douleur, ce son de voix si doux, si pénétrant, qui va jusqu’à l’âme, le geste & la diction, tout a été parfait12.

    L’émergence du drame bourgeois depuis plusieurs décennies avait façonné « un spectateur “larmoyant”, rendu moralement réceptif par l’émotion éprouvée13 », tandis que le « don des larmes » était généralement reconnu comme l’un des attributs de la valeur d’un acteur14. Mais dans le contexte de la représentation d’Henri VIII, l’unanimité de la réaction affective de la salle face à la cruauté royale est particulièrement détaillée et elle est présentée comme une conséquence directe de la justesse et de la dextérité des interprètes. Ces commentaires s’inscrivent dans un moment fort de convergence entre vie politique et vie théâtrale à Paris. La pièce Henri VIII est donnée en ouverture de la saison 1791-1792 du théâtre de la rue de Richelieu, bientôt renommé Théâtre de la République, que venaient de rejoindre plusieurs acteurs et actrices du Théâtre de la Nation (ex-Comédie-Française). Talma, Dugazon, Mme Vestris ou Mlle Desgarcins étaient en effet en conflit avec leurs anciens camarades de la Comédie en raison d’une « différence des opinions sur la Révolution15 ». Les « Noirs » (Mlles Raucourt, Contat ou encore Naudet) restaient fidèles à la protection royale dont ils avaient bénéficié et se montraient frileux envers la mise en place d’un répertoire patriotique16. Au contraire, au théâtre concurrent, la troupe des « Rouges » avait affirmé durant le discours de clôture du 16 avril 1791 sa croyance en un théâtre comme « foyer électrique de morale et de vertu » qui permettrait « d’accélérer les progrès de la raison publique17 ». Dès lors, le choix d’ouvrir la saison théâtrale par Henri VIII, pièce écrite par un poète emblématique de cette nouvelle adresse à la Nation18, fait office de manifeste pour une génération d’artistes impliqués dans le renouveau du théâtre politique.

    5Cette réunion d’individus fermement engagés dans la Révolution apparaît donc propice à la circulation d’émotions patriotiques entre scène et salle, et surtout à la retranscription d’une telle communion par la Chronique de Paris. Grâce au récit de la représentation qu’ils proposent aux lecteurs, les journalistes relaient en effet cette symbiose dans un cercle bien plus large que les seuls spectateurs de la salle. Les comptes rendus de pièces patriotiques, qui ne représentent qu’une partie du répertoire joué durant la période révolutionnaire19, sont donc l’occasion de retracer les émotions collectivement manifestées et surtout d’identifier précisément les qualités des comédiens qui ont permis leur émergence. Ainsi de Monvel, également acteur du théâtre de la République, qui interprète en juillet 1791 le rôle de Jean Calas dans la tragédie de Chénier : « M. Monvel, qui est toujours le même, sans jamais se ressembler, a mis dans [le rôle] de Calas une douleur calme & noble, une résignation touchante qui ont fait fondre en larmes, sans jamais serrer le cœur20 », analyse le rédacteur de la Chronique de Paris. La pièce est donnée à une occasion particulière, celle de la panthéonisation de Voltaire qui s’était impliqué dans cette célèbre affaire judiciaire. Dès lors, la justesse de Monvel est admirée car il a suscité des émotions d’attendrissement qui ont une puissance patriotique, en raison de la valeur patrimoniale de la pièce comme du message politique d’antifanatisme qu’elle porte21.

    6Alors que les critiques dramatiques étaient homogènes sous l’Ancien Régime concernant les prestations des comédiens et comédiennes, une ligne de partage se crée rapidement entre les périodiques en Révolution. Par exemple, le Journal de Paris, lié aux Feuillants22, ne dit pas un mot du jeu des comédiens lors de la première représentation d’Henri VIII. Le journaliste précise simplement qu’il n’a « point pardonné à quelques Acteurs, quoique dans des rôles secondaires, de n’avoir pas encore atteint la diction de la Tragédie23 ». Au contraire, les organes de presse plus fervents tels que les Révolutions de Paris sont confrontés à une autre problématique : un acteur peut-il transmettre des émotions patriotiques au public s’il n’est pas un citoyen personnellement engagé dans la Révolution ? La méfiance est généralement de mise ; rappelons qu’en province, des troupes d’acteurs professionnels sont régulièrement évincées par des troupes d’amateurs car elles ne proposent pas un répertoire suffisamment patriotique24.

    7Dans la capitale, les Révolutions de Paris (où collaborent entre autres Élisée Loustalot, Sylvain Maréchal et Fabre d’Églantine) considèrent avec suspicion les comédiens du Théâtre de la Nation qu’ils désignent comme « l’aristocratie des histrions ». Même lorsqu’ils choisissent d’interpréter La Mort de César de Voltaire en mai 179025, la grande froideur des journalistes à leur égard se traduit dans le compte rendu par un découplage entre la performance des comédiens et les répercussions du texte sur les spectateurs. Les premiers vers, prononcés par César « ont excité une vive sensation, quoique faiblement récités par M. Vanhove ». Concernant Larive, le rédacteur explique : « nous l’avons vu remplir le rôle de Brutus […] mais c’est moins de lui que nous devons nous occuper, que de l’effet qu’a produit sur les spectateurs la seule pièce du théâtre français dont la liberté publique soit le sujet26 ». Le propos interpelle, car il souligne la primauté accordée à la réception de l’ouvrage sur la personnalité vedette. Néanmoins, seuls Talma et Dugazon, dont l’engagement révolutionnaire est notoire depuis l’été 1789, possèderaient véritablement « une âme susceptible de l’électricité patriotique27 ». Les convictions personnelles des comédiens constituent bien la condition d’une transmission optimale de la ferveur politique aux spectateurs, avant même la scission de la troupe de la Comédie-Française. L’engagement citoyen s’intègre directement dans l’évaluation de la compétence, dans la mesure de la valeur des artistes. Cet alignement est tout à fait lisible dans un autre compte rendu de La Mort de César, jouée cette fois-ci au Théâtre de la République en 1792 :

    M. Monvel a déployé, dans le rôle de César, toute la fierté de cette âme à la fois ambitieuse & clémente  ; & Talma, dans celui de Brutus, toute l’énergie d’une âme vertueuse & républicaine, fière & sensible, tendre & passionnée par caractère, stoïque par principe ; tous ces combats terribles qui s’élèvent dans un cœur partagé entre l’amour d’un père & l’intérêt de sa patrie, ont été rendus avec une énergie & des explosions qui ont fait frissonner tous les spectateurs28.

    Ce type de compte rendu, où les adjectifs semblent qualifier aussi bien l’âme des personnages que celle des acteurs, essaime dans la presse révolutionnaire. En l’an II, ces récits s’accompagnent de commentaires de plus en plus détaillés sur les réactions des spectateurs, comme en témoigne celui de la première représentation du Jugement dernier des Rois de Sylvain Maréchal en octobre 1793. Alors que le Journal de Paris relate l’intrigue et se contente de dire que la pièce a « complètement réussi29 » sans rien dire du jeu des acteurs, la Feuille du Salut Public précise que « les artistes ont mis dans cette pièce tout l’ensemble dont elle était susceptible. Le citoyen Desrozières […] a joué avec feu, dans cette pièce [le rôle] d’un sans-culotte […] Le parterre et la salle entière paraissaient composés d’une légion de tyrannicides, prêts à s’élancer sur l’espèce léonine, connue sous le nom de rois30 ».

    8L’appréhension du jeu des acteurs apparaît donc plurielle et en constante évolution. Après Thermidor, le gouvernement directorial réaffirme la dimension morale des arts de la scène : le théâtre doit servir à revivifier l’esprit public et à soutenir la propagande républicaine31. Un journal républicain tel que L’Ami des Lois, à la fois hostile aux néo-jacobins et aux royalistes, représente bien cette tendance32. En 1797, les rédacteurs saluent ainsi la manière dont les théâtres de la République et de l’Ambigu-Comique ont célébré la paix établie par le général Bonaparte avec le Saint-Empire, « avec un enthousiasme vraiment patriotique ». Dans les deux troupes, « les artistes ont joué leurs rôles avec une vérité et un zèle dont des républicains sont seuls susceptibles ; nous avons surtout distingué à la République, Baptiste cadet et Michaud ; à l’Ambigu-Comique, Lebel et Talon33 », exposent les journalistes. Si les commentaires sur les comédiens restent mesurés, la mise en valeur d’artistes de l’Ambigu-Comique constitue un geste significatif : il s’agit de l’un des premiers théâtres du boulevard du Temple (fondé en 1769) et le jeu des acteurs de ces spectacles est encore rarement commenté. Les convictions républicaines de ces comédiens-citoyens les rendent désormais dignes d’être publiquement salués.

    Les sentiments républicains sur commande : l'enseignement des rapports de police

    9Pendant le Directoire, le pouvoir que possèdent les comédiens dans la transmission d’émotions propres à inspirer l’amour de la République se voit affirmé dans d’autres sources, administratives et policières cette fois. Les rapports de l’esprit public adressés au Bureau central de police de Paris34 identifient explicitement la fonction stratégique des acteurs dans l’instauration de moments de communion républicaine. Un rapport salue ainsi le « zèle remarquable » dont chacun des acteurs du théâtre de la Gaieté a fait preuve en jouant la pièce Les Plénipotentiaires français à Rastatt. Celle-ci relate l’assassinat d’ambassadeurs de la jeune République durant un congrès diplomatique avec le Saint-Empire en avril 1799. « Le mélodrame monté avec soin […] et joué d’ailleurs avec beaucoup de feu, a fait frémir d’indignation les spectateurs, dont la voix s’est unie plusieurs fois à celle de l’acteur pour crier : Vengeance ! haine et mort à l’Autriche ! Le rôle imprécatoire de Jean de Bry a produit la plus vive sensation35 », se réjouit l’inspecteur. La haine politique a été attisée sous le Directoire par les serments républicains contre les deux extrêmes (la royauté et l’anarchie) et le sentiment ici déclenché dans le public correspond à cette haine « saine et positive qui est l’envers de l’amour de la liberté36 ».

    10Néanmoins, dans un contexte de restructuration de l’ordre policier sous un régime directorial particulièrement attentif aux spectacles37, la compétence distinctive de certains artistes à transmettre des émotions patriotiques se mue en responsabilité politique, et en véritable devoir citoyen. Rappelons que les rapports de l’esprit public visent avant tout « à opérer un classement des conduites des Parisiens et à évaluer ces derniers comme membres responsables du corps politique38 ». Dès lors, la production documentaire de la police des théâtres parisiens permet d’identifier des méfiances et des réprimandes envers un certain nombre de comédiens accusés de propager dans le public des réactions contraires à la morale républicaine. Le chant, auquel la Révolution a conféré une forte puissance patriotique, cristallise particulièrement l’attention. Entre l’automne 1794 et le printemps 1795, pendant la réaction thermidorienne, les muscadins provoquent des rixes dans certains théâtres39 et s’emparent de l’hymne Le Réveil du Peuple, qui se présente comme une antithèse de La Marseillaise des jacobins40. En raison de cette politisation de la musique et des spectacles, les directeurs de théâtre ont à partir de février 1796 l’obligation de « faire chanter les airs patriotiques avec pompe et dignité41 », prérogative qui incombe aux artistes avant et après la représentation d’une pièce. L’oubli de couplets susceptibles de provoquer « la profonde indignation des aristocrates » est particulièrement surveillé42. Mais la mention « pompe et dignité » implique également une analyse qualitative de la prestation : point ne suffit de chanter, il faut que les acteurs fassent montre d’un entrain propre à susciter l’amour de la République.

    11Sur ce terrain, les éventuels faux pas des comédiens sont non seulement guettés par les inspecteurs des théâtres qui assistent aux représentations, mais également par les spectateurs. En 1796, Barré, directeur du théâtre du Vaudeville, vient porter plainte auprès d’un commissaire de police contre « un particulier qui s’est permis de censurer hautement et publiquement dans les corridors et dans les foyers la manière rapide avec laquelle le citoyen Verpré a chanté l’hymne républicain43 ». La question est prise au sérieux par le commissaire, convaincu que pour qu’un chant soit efficace, la performance doit être suffisamment longue pour déclencher la réaction du public. Verpré est finalement dédouané, et un « excès de patriotisme » imputé au spectateur ; mais la question des convictions politiques de chaque acteur ressurgit avec d’autant plus de force. Certains artistes de sympathie royaliste sont jugés impropres à interpréter ces chants. Pierre Gaveaux, du Théâtre Feydeau, est ainsi particulièrement surveillé depuis le printemps 1795 durant lequel il avait chanté sur scène Le Réveil du peuple, « qu’on dit propre à inspirer des sentiments de vengeance et à perpétuer les haines et les divisions44 ». L’acteur, qui en avait composé la musique, inquiète car il était parvenu à instaurer une forte synergie avec les spectateurs. Ceux-ci l’avaient applaudi avec enthousiasme et lui avaient demandé de répéter plusieurs fois le chant. Gaveaux est emprisonné ponctuellement puis subit un interrogatoire et une perquisition en octobre 1795, avant d’être relâché faute d’éléments compromettants45. Néanmoins, sa reprise de l’hymne concurrent La Marseillaise sur la scène du Théâtre Feydeau en janvier 1796 suscite de violents troubles dans le public et l’indignation des patriotes46. Certains journaux comme L’Ami des lois se font d’ailleurs l’écho du scandale, dénonçant que l’hymne ait été chanté par « la bouche impure du comédien Gaveaux, encore toute souillée des accents de cannibalisme47 ».

    12La possibilité d’une hypocrisie de l’acteur est vécue comme une véritable menace. Dans les espaces de conjonction à la fois complexes et éphémères que sont les salles de spectacles, la réceptivité du public apparaît particulièrement fluctuante en Révolution et les pouvoirs politiques craignent les connivences réactionnaires qui peuvent s’exprimer entre la scène et une partie des spectateurs. Le 19 janvier 1796, le Théâtre du Vaudeville ferme ainsi temporairement ses portes après une représentation controversée de la pièce Le Propriétaire et le Fermier :

    L’acteur nommé Henri (qu’on peut appeler le Gaveaux de ce théâtre) qui avait joué dans la première pièce le rôle du propriétaire vêtu d’un froc vert48 a profité du mauvais esprit où il venait de laisser le public pour entonner de suite l’hymne à la liberté. Il a particulièrement appuyé avec une sorte de fureur sur les mots suivants : « contre nous de la tyrannie », « de vils despotes deviendraient-ils maîtres de nos destinées » […]. Cet hymne sacré chanté de cette manière par cet histrion a eu et aura toujours l’effet contraire qu’en doit attendre le gouvernement, c’est-à-dire que toutes les applications en sont faites et saisies au détriment de la chose publique et de tous les fidèles amis de la liberté49.

    Dans son rapport, l’inspecteur insiste sur la dangerosité des manifestations affectives déclenchées par l’acteur (colère des patriotes, applaudissements des royalistes) tout en présentant leurs conditions d’émergence. Un nombre important de muscadins se trouvaient dans le public, et l’acteur qui interprète les chants jouait juste avant le rôle principal dans Le Propriétaire et le Fermier, « ouvrage en apparence patriotique » mais qui « prête à des rapports contre-révolutionnaires », précise l’agent.

    13De manière générale, le ministère de la Police est aussi attentif à la raillerie des chants patriotiques par des comédiens. En février 1796, un inspecteur du Théâtre Feydeau raconte sa soirée au ministre : « Un grand homme que je ne connais point pour acteur ordinaire, et qui sans doute chante tout au plus dans les chœurs, a paru revêtu de l’uniforme national ; son air gauche et embarrassé ne pouvait manquer d’exciter le rire de tous les spectateurs ». L’inspecteur dénonce le fait que les airs patriotiques aient été chantés par un acteur peu connu de la troupe, qu’il désigne comme un « mannequin » utilisé « pour exciter les sarcasmes des chouans, le rire des indifférents, et l’indignation des républicains en trop petit nombre à ce spectacle50 ». La déclinaison des émotions provoquées chez différents groupes du même public cristallise l’attention des autorités. Elles redoutent que le rituel républicain ne soit tourné en dérision par le rire, arme dont se saisissent volontiers les opposants au régime sous le Directoire51. Rapportant l’affaire au Bureau central, le ministre de la Police générale écrit : « C’est ainsi qu’on élude la loi et qu’on en détruit l’effet en paraissant y obéir […], qu’un républicain énergique chante ces airs avec la dignité qui lui convient, et alors seulement l’objet de la loi sera rempli52. »

    14Toute prestation mal exécutée contient donc le germe de la subversion ; la médiocrité de l’acteur peut devenir support de moquerie, déclenchant dans la salle des réactions opposées à celles qui étaient attendues. Dès lors, la faible qualité des chants n’a pas seulement un enjeu esthétique et artistique, mais aussi politique et juridique. Les entreprises de spectacles craignent la fermeture temporaire de leur salle et ses conséquences économiques dans un paysage théâtral très concurrentiel. Les nouvelles responsabilités qui reposent sur les comédiens entraînent donc parfois des tensions en coulisses. Louis Ribié, directeur du Théâtre d’Émulation et entrepreneur de spectacles53, s’interroge sur la manière de concilier gestion du personnel et impératifs républicains. Il s’adresse ainsi au ministre de la Police générale en mars 1796 :

    J’ai reçu vos derniers ordres relatifs aux chants patriotiques ; il n’est aucun républicain qui ne voie avec plaisir les efforts que vous faites pour raviver l’esprit public et le porter à la hauteur de la liberté […]. Mais il m’est impossible de donner aux chants patriotiques la pompe qui y serait nécessaire : je n’ai point de chanteurs dans ma troupe ; deux seuls, qui n’ont point de voix, se chargent de chanter quelques couplets, et le font plus mal que bien : ce n’est pas faute de civisme, mais de moyens. D’après cet exposé, je puis croire que vous ne me jugerez pas comme ceux qui peuvent et ne font pas, mais comme celui qui ne peut et qui est désespéré de ne pouvoir faire davantage54. 

    Ce comédien d’expérience (Ribié a débuté sa carrière sur le boulevard du Temple dans les années 1760) renvoie dos à dos les notions de « civisme » et de « moyens ». Il replace au cœur du propos la problématique d’une maîtrise conjointe du chant et de la déclamation, aptitude qui est loin de concerner tous les acteurs. Alors que les sphères politique et artistique se mêlent de plus en plus étroitement, c’est bien la notion même de compétence professionnelle qui se trouve redéfinie dans le Paris révolutionnaire.

    Conclusion

    15La décennie révolutionnaire correspond à un moment de reconfiguration des normes de la reconnaissance artistique, avec des évolutions dans les modalités d’appréciation du jeu des comédiens. Ces transformations concernent à la fois la prise en considération de leur pouvoir de transmission d’émotions patriotiques au public, mais également le regard total qui est porté sur leur prestation scénique, incluant les interstices chantés durant lesquels sont guettés les faux pas civiques. L’intermédiation des jugements, qu’ils soient journalistiques ou policiers, témoigne de la co-construction d’une identité d’artiste et de citoyen. Cette identité repose sur un large spectre allant des compétences vocales à l’alignement des convictions politiques sur celles du pouvoir en place. Plus spécifiquement, les comédiens se voient reconnaître une position stratégique au cœur de la fabrique des émotions révolutionnaires. Dans un contexte politique troublé, le large spectre des manifestations affectives que les acteurs peuvent déclencher dans le public, des larmes au rire en passant par les frissonnements et l’indignation, fascine autant qu’il inquiète. C’est l’impossibilité de prévoir l’actualisation de ces mouvements sensoriels qui retient toute l’attention, puisque ces réactions dépendent aussi de la nature de la réceptivité des spectateurs, du lieu et du moment de l’interprétation. La place des comédiens au cœur de ce dispositif d’incertitude, consubstantielle à la notion de performance55, contribue à transformer ce pouvoir de transmission des émotions en responsabilité, puis en devoir, dans l’espace public de la Révolution.

    Notes de bas de page

    1Jean Mauduit dit Larive, Réflexions sur l’art théâtral, Paris, Rondonneau, 1801, p. 57. Cet article contient des éléments développés dans l’ouvrage suivant : Suzanne Rochefort, Vies théâtrales. Le métier de comédien à Paris entre Lumières et Révolution, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2024.

    2Voir notamment la synthèse suivante : Philippe Bourdin, Aux origines du théâtre patriotique, Paris, CNRS Éditions, 2017.

    3Serge Bianchi, « Le théâtre de l’an II (culture et société sous la Révolution) », Annales historiques de la Révolution française, no 278, 1989, p. 417-432 ; Martin Nadeau, « La politique culturelle de l’an II : les infortunes de la propagande révolutionnaire au théâtre », Annales historiques de la Révolution française, no 327, janvier-mars 2002, p. 57-74. C’est en août 1793 que débute une politique d’encouragement du Comité de salut public envers le théâtre, en demandant l’ouverture d’une salle dans toutes les villes de plus de 4 000 habitants, « pour instruire le peuple, lui faire oublier les singeries des prêtres et régénérer la nation ».

    4Paul Friedland, Political Actors. Representative Bodies and Theatricality in the Age of the French Revolution, Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 2002 ; Philippe Bourdin, « Artistes et missions patriotiques en Rhône et Loire, 1793-1794 », in Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, Clermont-Ferrand/Vizille, Presses universitaires Blaise-Pascal/Musée de la Révolution française, 2004, p. 131-162. Voir également le site du projet ANR THEREPSICORE, qui réunit des informations sur le personnel dramatique provincial de la Révolution à l’Empire : https://therepsicore.msh.uca.fr/.

    5William M. Reddy, The Navigation of Feeling. A Framework for the History of Emotions, Cambridge University Press, 2001.

    6Olivier Bara, « Les nouvelles émotions suscitées par les arts de la scène », in Alain Corbin (dir.), Histoire des émotions, vol. 2 : Des Lumières à la fin du xixe siècle, Paris, Seuil, 2016, p. 356.

    7Michel Delon, L’Idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820), Paris, PUF, 1988.

    8La métaphore de la contagion est notamment de plus en plus présente. Voir Thibaut Julian et Suzanne Rochefort, « Du poison à l’électricité patriotique : conceptions du spectacle au xviiie siècle », in Béatrice Delaurenti et Thomas Le Roux (dir.), De la contagion, Paris, Vendémiaire, 2020, p. 363-369.

    9Michel Biard, « De la critique théâtrale ou la conquête de l’opinion », Annales historiques de la Révolution française, n°302, 1995, p. 529-538 ; Michel Biard, « Le Pour et le Contre, ou la critique théâtrale parisienne face aux ruptures de 1791 », in Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, op. cit., p. 252-271.

    10En décembre 1791, la capitale compte 35 salles. Elles ne seront plus qu’une vingtaine sous le Directoire. Philippe Bourdin, Aux origines du théâtre patriotique, op. cit., p. 14.

    11Pour situer cette tragédie dans l’œuvre politique de Marie-Joseph Chénier, voir Gauthier Ambrus, « Voix politiques dans les tragédies révolutionnaires de Marie‑Joseph Chénier », Littératures, vol. 62, 2010, p. 141-157.

    12Chronique de Paris, 29 avril 1791.

    13Olivier Bara, « Les nouvelles émotions suscitées par les arts de la scène », art. cité, p. 356.

    14Sophie Marchand, Théâtre et pathétique au xviiie siècle : pour une esthétique de l’effet dramatique, Paris, Champion, coll. « Dix-huitième siècle », 2009, p. 545.

    15Bibliothèque-musée de la Comédie-Française, dossier individuel de Dugazon, lettre du 26 novembre 1790.

    16Jacqueline Razgonnikoff, « La Comédie-Française – Théâtre de la Nation : les aléas du répertoire, de la prise de la Bastille à la fermeture (14 juillet 1789 – 3 septembre 1793). Du patriotisme à la réaction », in Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, op. cit., p. 273‑292.

    17Chronique de Paris, 17 avril 1791.

    18Chénier lui-même reprend l’image de l’électricité du théâtre dans le paratexte de sa tragédie Charles IX, et la campagne de création de la pièce, en 1789, pose précisément la question des émotions du théâtre patriotique. Thibaut Julian, Un théâtre pour la Nation. L’histoire en scène (1765-1806), Lyon, PUL, 2022, p. 227-228.

    19Plusieurs travaux ont mis en garde contre l’idée d’une rupture totale du répertoire révolutionnaire avec celui de l’Ancien Régime. Voir par exemple Suzanne Jean Bérard, « La crise du théâtre à Paris en 1793 », Dix-Huitième Siècle, no 21, 1989, p. 411-422 ; Philippe Bourdin, « Du théâtre patriotique dans le Paris de l’an II », in Thibaut Julian et Vincenzo De Santis (dir.), Fièvre et vie du théâtre sous la Révolution française et l’Empire, Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », 2019, p. 67-75.

    20Chronique de Paris, 9 juillet 1791.

    21Yann Robert, « The Everlasting Trials of Jean Calas: Justice, Theater and Trauma in the Early Years of the Revolution », in Thomas Wynn (dir.), Representing Violence in France, 1760-1820, Oxford, Voltaire Foundation, 2013, p. 103-119 ; Michèle Sajous D’Oria, « Voltaire et l’Affaire Calas au théâtre : une vraie cause au service des mythologies révolutionnaires », Philosophiques, vol. 21, no 1, 1994, p. 107-123.

    22Sur le positionnement politique complexe du Journal de Paris, lire notamment William J. Murray, « Un philosophe en Révolution : Dominique-Joseph Garat et le Journal de Paris », in Michel Biard, Annie Crépin et Bernard Gainot (dir.), La Plume et le Sabre. Hommages offerts à Jean-Paul Bertaud, Paris, PUPS, 2002, p. 89-99.

    23Journal de Paris, 29 avril 1791.

    24Philippe Bourdin, « Des manières d’aimer le théâtre sous la Révolution », Studi Francesi, no 169, 2013/2, p. 5-17.

    25Muriel Usandivaras-Mili, « Voltaire revu et corrigé par la Révolution Française : le cas de La Mort de César », Man and Nature / L’homme et la nature, vol. 10, 1991, p. 209-225.

    26Révolutions de Paris, no 44, 8 mai 1790.

    27Ibid., no 63, 18 septembre 1790.

    28Chronique de Paris, 2 avril 1792.

    29Journal de Paris, 20 octobre 1793. Sur cette pièce, voir notamment : Jacques Proust, « Le Jugement dernier des rois », in Approches des Lumières. Mélanges offerts à Jean Fabre, Paris, Klincksieck, 1974, p. 371-379 ; Daniel Hamiche, Le Théâtre et la Révolution. La lutte de classes au théâtre en 1789 et 1793, Paris, UGE, coll. « 10/18 », 1973.

    30Feuille du Salut Public, 20 octobre 1793.

    31Michel Biard, « Thalie et Melpomène face à leurs juges (la critique théâtrale sous le Directoire) », in Philippe Bourdin et Bernard Gainot (dir.), La République directoriale, Clermont-Ferrand, Société des études robespierristes, 1998, p. 663-678.

    32Jeremy D. Popkin, « Les journaux républicains, 1795-1799 », Revue d’Histoire moderne & contemporaine, t. 31, no 1, janvier-mars 1984, p. 143-157.

    33L’Ami des Lois, 5 novembre 1797.

    34Le Bureau central du canton de Paris, institué par la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) possède de larges compétences en matière de police. Il rend notamment des comptes au Ministère de l’Intérieur et de la police générale via des rapports quotidiens de l’esprit public, établis par des inspecteurs et des officiers de paix qui sillonnent la capitale.

    35Rapport du 3 prairial an VII (22 mai 1799), cité dans Alphonse Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire. Recueil de documents pour l’histoire de l’esprit public à Paris, Paris, Léopold Cerf et Noblet, 1902, t. V, p. 526.

    36Virginie Yvernault, « Le théâtre du Directoire à l’école de la haine républicaine », Orages, no 16, 2017, p. 70

    37Après la mise en place du Bureau central du canton de Paris, le ministère de la Police générale est créé par la loi du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796), et un mois plus tard un inspecteur est officiellement attribué à chaque théâtre (voir Archives nationales, F/7/3491, dossier 1, pluviôse an IV).

    38Clyde Plumauzille, « Du “scandale de la prostitution” à l’“atteinte contre les bonnes mœurs” », Politix, no 107, 2014/3, p. 9-31.

    39Antoine De Baecque, « Alphonse Martainville et la bataille thermidorienne des théâtres », Études théâtrales, no 59, 2014/1, p. 49-60.

    40Sur ce chant et son appropriation par les royalistes, voir Laura Mason, Singing the French Revolution. Popular Culture and Politics, 1787-1799, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1996, p. 130-158. Les paroles ont été composées par Jean-Marie Souriguières, et la musique par Pierre Gaveaux.

    41AN, F/7/3491, « Circulaire ministérielle aux directeurs de théâtres », 17 ventôse an IV [7 mars 1796].

    42AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau, 3 pluviôse an IV [23 janvier 1796].

    43Archives de la Préfecture de police de Paris, AA/253, 21 floréal an IV [10 mai 1796].

    44Rapport du 8 germinal an III [28 mars 1795], cité dans Alphonse Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire […], op. cit., t. I, p. 606-607.

    45AN, F/7/4720, dossier 5, brumaire an IV.

    46AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau. Il s’agit de la soirée du 23 nivôse an IV [13 janvier 1796].

    47L’Ami des Lois, 20 janvier 1796.

    48Les muscadins se distinguaient souvent par le port d’une redingote vert bouteille.

    49AN, F/7/3492, dossier 4, Théâtre du Vaudeville, rapport du 28 nivôse an IV [19 janvier 1796].

    50AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau.

    51Sur ce point, voir Stéphanie Fournier, Rire au théâtre à Paris à la fin du xviiie siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. « L'Europe des Lumières », 2016, p. 620-632.

    52AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau.

    53Louis Ribié avait ouvert le Théâtre de la République à Rouen au début de la décennie 1795, puis Jean-Baptiste Nicolet lui avait confié la gestion de son Théâtre de la Gaîté, principal spectacle du boulevard du Temple. Sur le parcours de Ribié après 1796, voir Philippe Bourdin, « Divertissement et acculturation en temps de campagne. Le théâtre français en Égypte (1798-1801) », Dix-Huitième Siècle, no 49, 2017, p. 159-180.

    54AN, F/7/3491, dossier 5, Théâtre d’Émulation, 17 ventôse an IV [7 mars 1796].

    55« La beauté propre d'un spectacle vivant tient (entre autres choses) à la part d'imprévisible – et donc d’improvisation – qui caractérise tout geste, en tant que celui-ci est toujours un peu en excès ou en défaut sur ses programmations ». Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris, Seuil, 2014, p. 150.

    Auteur

    • Suzanne Rochefort

      Maîtresse de conférences en histoire moderne à l’université de Lorraine (CRULH)

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    1Jean Mauduit dit Larive, Réflexions sur l’art théâtral, Paris, Rondonneau, 1801, p. 57. Cet article contient des éléments développés dans l’ouvrage suivant : Suzanne Rochefort, Vies théâtrales. Le métier de comédien à Paris entre Lumières et Révolution, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2024.

    2Voir notamment la synthèse suivante : Philippe Bourdin, Aux origines du théâtre patriotique, Paris, CNRS Éditions, 2017.

    3Serge Bianchi, « Le théâtre de l’an II (culture et société sous la Révolution) », Annales historiques de la Révolution française, no 278, 1989, p. 417-432 ; Martin Nadeau, « La politique culturelle de l’an II : les infortunes de la propagande révolutionnaire au théâtre », Annales historiques de la Révolution française, no 327, janvier-mars 2002, p. 57-74. C’est en août 1793 que débute une politique d’encouragement du Comité de salut public envers le théâtre, en demandant l’ouverture d’une salle dans toutes les villes de plus de 4 000 habitants, « pour instruire le peuple, lui faire oublier les singeries des prêtres et régénérer la nation ».

    4Paul Friedland, Political Actors. Representative Bodies and Theatricality in the Age of the French Revolution, Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 2002 ; Philippe Bourdin, « Artistes et missions patriotiques en Rhône et Loire, 1793-1794 », in Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, Clermont-Ferrand/Vizille, Presses universitaires Blaise-Pascal/Musée de la Révolution française, 2004, p. 131-162. Voir également le site du projet ANR THEREPSICORE, qui réunit des informations sur le personnel dramatique provincial de la Révolution à l’Empire : https://therepsicore.msh.uca.fr/.

    5William M. Reddy, The Navigation of Feeling. A Framework for the History of Emotions, Cambridge University Press, 2001.

    6Olivier Bara, « Les nouvelles émotions suscitées par les arts de la scène », in Alain Corbin (dir.), Histoire des émotions, vol. 2 : Des Lumières à la fin du xixe siècle, Paris, Seuil, 2016, p. 356.

    7Michel Delon, L’Idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820), Paris, PUF, 1988.

    8La métaphore de la contagion est notamment de plus en plus présente. Voir Thibaut Julian et Suzanne Rochefort, « Du poison à l’électricité patriotique : conceptions du spectacle au xviiie siècle », in Béatrice Delaurenti et Thomas Le Roux (dir.), De la contagion, Paris, Vendémiaire, 2020, p. 363-369.

    9Michel Biard, « De la critique théâtrale ou la conquête de l’opinion », Annales historiques de la Révolution française, n°302, 1995, p. 529-538 ; Michel Biard, « Le Pour et le Contre, ou la critique théâtrale parisienne face aux ruptures de 1791 », in Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, op. cit., p. 252-271.

    10En décembre 1791, la capitale compte 35 salles. Elles ne seront plus qu’une vingtaine sous le Directoire. Philippe Bourdin, Aux origines du théâtre patriotique, op. cit., p. 14.

    11Pour situer cette tragédie dans l’œuvre politique de Marie-Joseph Chénier, voir Gauthier Ambrus, « Voix politiques dans les tragédies révolutionnaires de Marie‑Joseph Chénier », Littératures, vol. 62, 2010, p. 141-157.

    12Chronique de Paris, 29 avril 1791.

    13Olivier Bara, « Les nouvelles émotions suscitées par les arts de la scène », art. cité, p. 356.

    14Sophie Marchand, Théâtre et pathétique au xviiie siècle : pour une esthétique de l’effet dramatique, Paris, Champion, coll. « Dix-huitième siècle », 2009, p. 545.

    15Bibliothèque-musée de la Comédie-Française, dossier individuel de Dugazon, lettre du 26 novembre 1790.

    16Jacqueline Razgonnikoff, « La Comédie-Française – Théâtre de la Nation : les aléas du répertoire, de la prise de la Bastille à la fermeture (14 juillet 1789 – 3 septembre 1793). Du patriotisme à la réaction », in Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux (dir.), Les Arts de la scène et la Révolution française, op. cit., p. 273‑292.

    17Chronique de Paris, 17 avril 1791.

    18Chénier lui-même reprend l’image de l’électricité du théâtre dans le paratexte de sa tragédie Charles IX, et la campagne de création de la pièce, en 1789, pose précisément la question des émotions du théâtre patriotique. Thibaut Julian, Un théâtre pour la Nation. L’histoire en scène (1765-1806), Lyon, PUL, 2022, p. 227-228.

    19Plusieurs travaux ont mis en garde contre l’idée d’une rupture totale du répertoire révolutionnaire avec celui de l’Ancien Régime. Voir par exemple Suzanne Jean Bérard, « La crise du théâtre à Paris en 1793 », Dix-Huitième Siècle, no 21, 1989, p. 411-422 ; Philippe Bourdin, « Du théâtre patriotique dans le Paris de l’an II », in Thibaut Julian et Vincenzo De Santis (dir.), Fièvre et vie du théâtre sous la Révolution française et l’Empire, Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », 2019, p. 67-75.

    20Chronique de Paris, 9 juillet 1791.

    21Yann Robert, « The Everlasting Trials of Jean Calas: Justice, Theater and Trauma in the Early Years of the Revolution », in Thomas Wynn (dir.), Representing Violence in France, 1760-1820, Oxford, Voltaire Foundation, 2013, p. 103-119 ; Michèle Sajous D’Oria, « Voltaire et l’Affaire Calas au théâtre : une vraie cause au service des mythologies révolutionnaires », Philosophiques, vol. 21, no 1, 1994, p. 107-123.

    22Sur le positionnement politique complexe du Journal de Paris, lire notamment William J. Murray, « Un philosophe en Révolution : Dominique-Joseph Garat et le Journal de Paris », in Michel Biard, Annie Crépin et Bernard Gainot (dir.), La Plume et le Sabre. Hommages offerts à Jean-Paul Bertaud, Paris, PUPS, 2002, p. 89-99.

    23Journal de Paris, 29 avril 1791.

    24Philippe Bourdin, « Des manières d’aimer le théâtre sous la Révolution », Studi Francesi, no 169, 2013/2, p. 5-17.

    25Muriel Usandivaras-Mili, « Voltaire revu et corrigé par la Révolution Française : le cas de La Mort de César », Man and Nature / L’homme et la nature, vol. 10, 1991, p. 209-225.

    26Révolutions de Paris, no 44, 8 mai 1790.

    27Ibid., no 63, 18 septembre 1790.

    28Chronique de Paris, 2 avril 1792.

    29Journal de Paris, 20 octobre 1793. Sur cette pièce, voir notamment : Jacques Proust, « Le Jugement dernier des rois », in Approches des Lumières. Mélanges offerts à Jean Fabre, Paris, Klincksieck, 1974, p. 371-379 ; Daniel Hamiche, Le Théâtre et la Révolution. La lutte de classes au théâtre en 1789 et 1793, Paris, UGE, coll. « 10/18 », 1973.

    30Feuille du Salut Public, 20 octobre 1793.

    31Michel Biard, « Thalie et Melpomène face à leurs juges (la critique théâtrale sous le Directoire) », in Philippe Bourdin et Bernard Gainot (dir.), La République directoriale, Clermont-Ferrand, Société des études robespierristes, 1998, p. 663-678.

    32Jeremy D. Popkin, « Les journaux républicains, 1795-1799 », Revue d’Histoire moderne & contemporaine, t. 31, no 1, janvier-mars 1984, p. 143-157.

    33L’Ami des Lois, 5 novembre 1797.

    34Le Bureau central du canton de Paris, institué par la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) possède de larges compétences en matière de police. Il rend notamment des comptes au Ministère de l’Intérieur et de la police générale via des rapports quotidiens de l’esprit public, établis par des inspecteurs et des officiers de paix qui sillonnent la capitale.

    35Rapport du 3 prairial an VII (22 mai 1799), cité dans Alphonse Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire. Recueil de documents pour l’histoire de l’esprit public à Paris, Paris, Léopold Cerf et Noblet, 1902, t. V, p. 526.

    36Virginie Yvernault, « Le théâtre du Directoire à l’école de la haine républicaine », Orages, no 16, 2017, p. 70

    37Après la mise en place du Bureau central du canton de Paris, le ministère de la Police générale est créé par la loi du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796), et un mois plus tard un inspecteur est officiellement attribué à chaque théâtre (voir Archives nationales, F/7/3491, dossier 1, pluviôse an IV).

    38Clyde Plumauzille, « Du “scandale de la prostitution” à l’“atteinte contre les bonnes mœurs” », Politix, no 107, 2014/3, p. 9-31.

    39Antoine De Baecque, « Alphonse Martainville et la bataille thermidorienne des théâtres », Études théâtrales, no 59, 2014/1, p. 49-60.

    40Sur ce chant et son appropriation par les royalistes, voir Laura Mason, Singing the French Revolution. Popular Culture and Politics, 1787-1799, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1996, p. 130-158. Les paroles ont été composées par Jean-Marie Souriguières, et la musique par Pierre Gaveaux.

    41AN, F/7/3491, « Circulaire ministérielle aux directeurs de théâtres », 17 ventôse an IV [7 mars 1796].

    42AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau, 3 pluviôse an IV [23 janvier 1796].

    43Archives de la Préfecture de police de Paris, AA/253, 21 floréal an IV [10 mai 1796].

    44Rapport du 8 germinal an III [28 mars 1795], cité dans Alphonse Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire […], op. cit., t. I, p. 606-607.

    45AN, F/7/4720, dossier 5, brumaire an IV.

    46AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau. Il s’agit de la soirée du 23 nivôse an IV [13 janvier 1796].

    47L’Ami des Lois, 20 janvier 1796.

    48Les muscadins se distinguaient souvent par le port d’une redingote vert bouteille.

    49AN, F/7/3492, dossier 4, Théâtre du Vaudeville, rapport du 28 nivôse an IV [19 janvier 1796].

    50AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau.

    51Sur ce point, voir Stéphanie Fournier, Rire au théâtre à Paris à la fin du xviiie siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. « L'Europe des Lumières », 2016, p. 620-632.

    52AN, F/7/3491, dossier 2, Théâtre Feydeau.

    53Louis Ribié avait ouvert le Théâtre de la République à Rouen au début de la décennie 1795, puis Jean-Baptiste Nicolet lui avait confié la gestion de son Théâtre de la Gaîté, principal spectacle du boulevard du Temple. Sur le parcours de Ribié après 1796, voir Philippe Bourdin, « Divertissement et acculturation en temps de campagne. Le théâtre français en Égypte (1798-1801) », Dix-Huitième Siècle, no 49, 2017, p. 159-180.

    54AN, F/7/3491, dossier 5, Théâtre d’Émulation, 17 ventôse an IV [7 mars 1796].

    55« La beauté propre d'un spectacle vivant tient (entre autres choses) à la part d'imprévisible – et donc d’improvisation – qui caractérise tout geste, en tant que celui-ci est toujours un peu en excès ou en défaut sur ses programmations ». Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris, Seuil, 2014, p. 150.

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    Rochefort, S. (2025). Transmettre des émotions patriotiques, un devoir professionnel ? Comédiens, critique dramatique et pouvoirs publics en Révolution. In R. Bret-Vitoz & T. Julian (éds.), La Révolution et le théâtre des émotions (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/147er
    Rochefort, Suzanne. « Transmettre des émotions patriotiques, un devoir professionnel ? Comédiens, critique dramatique et pouvoirs publics en Révolution ». In La Révolution et le théâtre des émotions, édité par Renaud Bret-Vitoz et Thibaut Julian. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2025. https://doi.org/10.4000/147er.
    Rochefort, Suzanne. « Transmettre des émotions patriotiques, un devoir professionnel ? Comédiens, critique dramatique et pouvoirs publics en Révolution ». La Révolution et le théâtre des émotions, édité par Renaud Bret-Vitoz et Thibaut Julian, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2025, https://doi.org/10.4000/147er.

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    Bret-Vitoz, R., & Julian, T. (éds.). (2025). La Révolution et le théâtre des émotions (1‑). Presses universitaires Blaise-Pascal. https://doi.org/10.4000/147f1
    Bret-Vitoz, Renaud, et Thibaut Julian, éd. La Révolution et le théâtre des émotions. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise-Pascal, 2025. https://doi.org/10.4000/147f1.
    Bret-Vitoz, Renaud, et Thibaut Julian, éditeurs. La Révolution et le théâtre des émotions. Presses universitaires Blaise-Pascal, 2025, https://doi.org/10.4000/147f1.
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