Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand et Souvigny (Massif central)
p. 429-431
Texte intégral
1L’examen financier de deux chantiers de restauration révèle à la fois les fortes réalités économiques, le besoin de débats, comme d’ouverture.
2Au début du xxie siècle (2000-2008), l’église collégiale Notre-Dame-du-Port bénéficie d’un financement Plan-État-Région et de crédits FEDER dont le montant global est de 4 277 484 €. La participation de l’État se monte entre 24 % et 26 % du montant selon les travaux considérés. Les crédits FEDER sont à prendre en compte pour les façades, toitures et couvertures, entre 2002 et 2003 : 1 478 756 € au total, dont 354 901 € (24 %) pour l’État et 221 814 € de crédits FEDER (15 %). Il n’est pas question de discuter la validité des travaux menés pour les toitures et couvertures, dont la qualité est manifeste149 ; le traitement des façades n’a en revanche pas fait l’objet d’une surveillance de travaux suffisante en dépit de nos efforts. Si les crépis sont de meilleure qualité que ceux apposés lors de la décennie précédente150, les nettoyages par gommage n’ont pas été attentifs : perte de matière, altération ou disparition d’enduits peints anciens extérieurs, rejointoiement fautif.
3Bien que ne bénéficiant pas de crédits FEDER, d’autres tranches de travaux ont concerné le clocher et le massif de plan Barlong, mais aussi la restauration des parties intérieures. De 2000 à 2001, 1 018 358 € ont été affectés au clocher et au massif de plan Barlong qui n’ont pas fait l’objet de nettoyages attentifs, ni de relevés architecturaux exhaustifs. Les restaurations intérieures se sont montées à 1 780 370 €. En dehors du fait qu’aucun relevé archéologique n’a été financé, la qualité du travail est problématique : décrépissage au marteau pneumatique (y compris pour les joints minces en moyen appareil régulier) avec pertes de matière pour les maçonneries anciennes, joints (ciment) traités au marteau pneumatique, enduits épais lissés et badigeons uniformes151. Les parements internes et crépis restaurés entre la fin du xixe et le début du xxe ne pouvaient-ils être simplement nettoyés, en dépit de l’importante étanchéité des ciments en enduits ? Il ne subsistait quasiment aucune trace d’enduits anciens (un tailloir peint à la période moderne dans le transept au nord) et rien ne justifiait le badigeon jaune apposé sur le crépi épais. Quelques reprises de maçonnerie pouvaient être réalisées, sans forcément atteindre une telle ampleur et surtout une telle épaisseur, aussi régulière. La restauration du xxie siècle a fait disparaître l’appareil « alvéolé » utilisé à la fin du xixe siècle152, comme certains détails archéologiques (porte dotée d’un linteau pentagonal sur le mur du bas-côté nord). En considérant un nettoyage (poussière) et quelques reprises, voire un léger badigeon transparent (proche de celui de l’église Saint-Martin de Cournon) environ 75 % des sommes pouvaient être affectés à d’autres chantiers, soit environ 1 300 000 €. 30 % de la somme totale pouvait ainsi être employés à d’autres travaux en considérant ce seul chantier de restauration très interventionniste.
4L’étude du chantier de l’église priorale Saint-Pierre et Saint-Paul de Souvigny va dans le même sens. La somme globale se monte à 2 655 662 € pour des travaux menés entre 2001 et 2013. L’aide de l’État passe de 25 % à 29 % selon les tranches de travaux. Les crédits FEDER engagés passent de 41 % en 2001, à 50 % en 2002 pour baisser à 22 % en 2003.
5Contrairement à Notre-Dame-du-Port, une campagne de fouille et d’examen archéologique a été officiellement menée : Université Blaise-Pascal ; Pascale Chevalier (dir.), Bruno Phalip, Arlette Maquet. 966 693 € ont été attribués au titre des crédits FEDER, soit une moyenne de 36 %. Les travaux de couverture, ou ceux affectés aux tours de façade, ne sont pas en cause. En revanche, les travaux de restauration intérieure se montent à 1 460 503 €, soit 55 % de la somme totale : décrépissage, enduits et badigeons neufs. Il est à signaler que les enduits peints du milieu du xve siècle subsistaient dans leur presque totalité et nécessitaient un simple nettoyage, quelques renforts et lacunes à combler. Outre le fait qu’aucune directive ou charte n’incite à de tels travaux et qu’aucune nécessité absolue ne faisait loi, environ 1 000 000 €, 37 %, pouvaient être employés à d’autres chantiers de restauration.
6Deux chantiers économes et moins interventionnistes auraient alors permis de dégager aux environs de 2 300 000 €. Des chantiers équivalents à ceux de Clermont et Souvigny, tels Saint-Nectaire et Paray-le-Monial, sont touchés par les mêmes défauts153. Environ un tiers des travaux pouvait être discuté et aurait mérité sans doute d’être investi ailleurs : autres monuments, études archéologiques et réflexions approfondies, recherche de solutions alternatives durables. Tels sont aussi les enjeux de nouvelles mises en perspective. Nous allons sans doute trop vite et trop loin.
Notes de bas de page
149Les tuiles creuses épaisses sont une vraie réussite. Avec l’accord du SRA, des doctorants dirigés par Pascale Chevalier et Bruno Phalip ont conduit des études qui ont fait l’objet d’un rapport de recherche déposé : surveillance du décaissage des reins des voûtes, travail sur échafaudage (relevés, étude technique), etc. Projet Collectif de Recherches, Dir. Pascale Chevalier, Bruno Phalip, Le chantier médiéval à travers sept sanctuaires romans d’Auvergne (Souvigny, Antignac, Montsalvy, Brioude, Clermont, Orcival, Saint-Nectaire) ; rapports 2004-2006.
150Les crépis extérieurs précédents étaient lissés ; ceux récemment apposés sont beaucoup plus irréguliers dans leur rendu et rugueux dans leur texture. C’est un progrès, mais la disparité règne, d’autant que la façade du bras sud du transept a été laissée en l’état.
151Le marteau pneumatique a également été employé lors du décrépissage de la crypte : voûtes et murs. Les parements sous-jacents sont constellés d’impacts longs et profonds qui affectent tous les blocs, antiques, médiévaux ou modernes.
152Ce dernier avait été observé par les restaurateurs du xixe siècle. Cette réutilisation-recréation méritait d’être conservée, comme l’attestent les appareils alvéolés de la fin du xie siècle conservés dans la tour-porche de l’église de Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier).
153Le temple de Mercure pour l’Antiquité est également très interventionniste, en dépit de quelques retenues. Le même architecte, M. Truber, a – en revanche – réalisé un assez bel essai de « ruine cristallisé » au château de Randan.
Auteur
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Bruno Phalip
Professeur d’histoire de l’art et d’archéologie médiévale, CHEC (EA 1001), Université Clermont Auvergne
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